Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Comment se développent les connaissances humaines ? Voilà la question à laquelle le psychologue suisse Jean
Piaget a consacré toute sa vie. Ses travaux, étalés sur près de soixante ans, ont jeté les bases du vaste champ de
recherche de l’épistémologie génétique qui cherche à comprendre comment évoluent nos modes de pensée tout au
long de notre vie.
Formé en biologie et en philosophie, Piaget s’inspire des concepts de ces deux disciplines pour étudier le
développement des jeunes enfants, terrain idéal pour observer une pensée se constituer. Il en arrive ainsi très tôt à la
conclusion que le développement cognitif est le fruit d’interactions complexes entre la maturation du système
nerveux et du langage, et que cette maturation dépend des interactions sociales et physiques avec le monde qui nous
entoure.
Pour Piaget, c’est en agissant sur son environnement que l'enfant construit ses premiers raisonnements. Ces
structures cognitives (Piaget parle aussi de schèmes de pensée), au départ complètement différentes de ceux de
l’adulte, s'intériorisent progressivement pour devenir de plus en plus abstraites.
La théorie piagétienne du développement distingue quatre structures cognitives primaires qui correspondent à autant
de stades de développement, lesquels se subdivisent ensuite en périodes distinctes où émergent des capacités
cognitives particulières.
L’apprentissageconsiste en une adaptation de nos schèmes de pensée à de nouvelles données du réel. Pour
Piaget, cette adaptation peut se faire de deux façons : par assimilation ou par accommodation.
L’assimilation consiste à interpréter les nouveaux événements à la lumière des schèmes de pensée déjà
existants. Par exemple un enfant en bas âge sait comment saisir son hochet préféré avec les doigts d’une
main et le lancer pour qu’il fasse du bruit. Quand il tombe sur un nouvel objet, comme la fragile montre de
son père, il transfère sans problème ce schéma moteur connu au nouvel objet et l’envoie rebondir sur le
plancher.
L’accommodation est le processus inverse, c’est-à-dire changer sa structure cognitive pour intégrer un
nouvel objet ou un nouveau phénomène. Si le même enfant tombe maintenant sur un ballon de plage, il va
essayer de le saisir comme il le fait pour son hochet avec une seule main. Mais très vite, il va se rendre
compte que ça ne fonctionne pas et découvrira éventuellement comment tenir le ballon entre ses deux mains.
Par conséquent, comme la culture au sens large qui entoure l’enfant est un facteur
déterminant de son développement, considérer le développement de l’enfant isolé
comme le fait Piaget ne traduit pas adéquatement le processus par lequel l’enfant
acquiert effectivement de nouvelles connaissances.
Différents types Les périodes critiques sont un phénomène général que l’on retrouve dans plusieurs
de bilinguisme systèmes sensoriels. Même si les études les plus approfondies ont porté sur le système
visuel des mammifères (voir capsule expérience à gauche), des périodes critiques ont
aussi été mises en évidences dans le système auditif, olfactif et somesthésique (voir
Des expériences chez encadré).
la chouette qui
localise ses proies par Certaines périodes critiques peuvent être très courtes, comme celle à l’origine du
l’audition ont phénomène de l’empreinte chez les oiseaux, ou plus longue et moins bien délimitées pour
montré que les des comportements complexes comme le langage humain.
circuits cérébraux
permettant cette En effet, contrairement aux cris
localisation auditive d’alarme des animaux qui sont innés, un
sont façonnés par être humain a besoin d’une expérience
l’expérience. Si l’on post-natale prolongée pour produire et
empêche une décoder les sons qui sont à la base de sa
chouette d’entendre langue. L'apprentissage d'une langue ne
par exemple durant la peut se faire que si l'enfant est exposé
période de aux mots de cette langue (voir encadré)
développement qui et ce, durant une période limitée de la
suit l’éclosion, ces vie pré-pubertaire. Des conditions
circuits ne se d’exposition ou de privation semblables
formeront pas en dehors de cette période critique plus
correctement et la tard à l’âge adulte n’auront que peut
chouette sera d’effet sur le langage.
incapable de localiser
les sons De plus, la structure phonétique d’une
convenablement. langue particulière qu’une personne
entend durant les premières années de sa
Chez la souris et le vie va façonner de manière durable sa
rat, les cartes perception et sa production de la parole.
somesthésiques
peuvent être
perturbées par une Au cours des premiers mois de leur vie, les nourrissons n’ont pas de prédispositions
expérience innées pour les phonèmes caractéristiques de telle ou telle langue. Ils peuvent donc
sensorielle anormale percevoir et discriminer tous les sons du langage humain. Mais cette capacité sera
lors d’une étroite éventuellement perdue. Par exemple, des locuteurs japonais adultes sont incapables de
fenêtre temporelle distinguer avec certitude le son « r » du son « l » de l’anglais, probablement parce que
juste après la cette distinction phonétique est absente du japonais.
naissance. Quant au
système olfactif, une En utilisant comme signe de discrimination une augmentation de la fréquence de succion
exposition aux ou des détournements de la tête en présence d’un stimulus nouveau, on a pu établir que
odeurs maternelles des bébés japonais de 4 mois distinguent le « r » du « l » aussi bien que des bébés du
pendant une durée même âge grandissant dans une famille anglaise. Toutefois, vers l’âge de 6 mois, les
limitée modifie pour bébés manifestent une préférence pour les phonèmes de leur langue maternelle. Et à la fin
la vie les capacités de de leur première année, ils ne répondent plus du tout aux éléments phonétiques d’une
répondre à cette autre langue que la leur.
odeur chez les petits
de plusieurs espèces.
Le fait que les enfants peuvent apprendre à parler couramment une deuxième langue sans
fautes de grammaire et sans accent jusque vers l’âge de 7 à 8 ans indique cependant que
Un cas rare mais la capacité à percevoir des contrastes phonétiques dure davantage que seulement la
parfaitement première année de vie.
documenté rapporte
l’histoire de parents
perturbés qui ont
élevé leur fille
jusqu’à l’âge de 13
ans dans des
conditions de
privation de langage
quasi-totale. Malgré
des cours de langue
ultérieurs soutenus,
elle ne put atteindre
plus qu’un niveau de
communication
rudimentaire. Ceci
ressemble aux
mêmes difficultés
rencontrées avec les
enfants sauvages et
confirme
l’importance de la
période critique pour
l’acquisition du
langage.
http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_09/i_09_p/i_09_p_dev/i_09_p_dev.html