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T/1240

NATIONS UNIES

Mission de visite des Nations Unies dans


les Territoires sous tutelle du Cameroun
"-

sous administration britannique et du


Cameroun sous administration française
(1955)

RAPPORT SUR LE CAMEROUN


SOUS ADMINISTRATION FRANÇAISE

ET DOCUMENTS Y AFFÉRENTS

CONSEIL DE TUTELLE

DOCUMENTS OFFICIELS: DIX-SEPTIÈME SESSION

(7 février - 6 avril 1956)

SUPPLÉMENT N° 4

NEW-YORK, 1956
NATIONS UNIES

Mission de visite des Nations Unies dans


les Territoires sous tutelle du Cameroun
sous administration britannique et du
Cameroun sous administration française
(1955)

RAPPORT SUR LE CAMEROUN


SOUS ADMINISTRATION FRANÇAISE

ET DOCUMENTS Y AFFÉRENTS

CONSEIL DE TUTELLE

DOCUMENTS OFFICIELS: DIX-SEPTIÈME SESSION

(7 février - 6 avril 1956)

SUPPLÉMENT N° 4

NEW-YORK, 1956
NOTE

Les cotes des documents de l'Organisation des Nations Unies se composent


de lettres majuscules et de chiffres. La simple mention d'une cote dans un texte
signifie qu'il s'agit d'un document de l'Organisation.

T/I240

Avril 1956
TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Pages
Rapport sur le Cameroun sous administration française présenté par la Mission de
visite des Nations Unies dans les Territoires sous tutelle du Cameroun sous admi-
nistration britannique et du Cameroun sous administration française (1955) [T/1231]
LETTRE, EN DATE DU 17 FÉVRIER 1956, ADRESSÉE AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL PAR LE
PRÉSIDENT DE LA MISSION DE VISITE .

AVANT-PROPOS

INTRODUCTION 1-12 2
RÉCIT DU VOYAGE DE LA MISSION . 13-65 4

CHAPITRE PREMIER. - GÉNÉRALITÉS . 66-75 10

CHAPITRE II. - PROGRÈS POLITIQUE . 76-158 12


A. - Dispositions constitutionnelles . 76·77 12
B. - Organisation judiciaire . 78-85 12
C. - Administration locale . 86-98 13
1. Institutions communales . 87-95 13
2. Chefferies traditionnelles dans le Nord-Cameroun . 96-98 14
D. - Régime électoral . 99-105 14
E. - Participation des autochtones à l'administration . 106-110 15
F. - Relations entre Cameroun septentrional et Cameroun méridional . 111-126 15
G. - Evénements de mai 1955 . 127-132 16
H. - Question de l'unification du Cameroun sous administration française et
du Cameroun sous administration britannique . 133-136 17
I. Audiences et communications . 137·154 17
J. Problèmes frontaliers . 155-158 18

CHAPITRE III. - PROGRÈS ÉCONOMIQUE . 159-246 19


A. - Généralités . 159-168 19
B. - Régime foncier . 169-173 20
C. - Agriculture . 174-191 20
D. - Sylviculture et conservation des sols . 192-208 22
E. - Elevage . 209·212 23
F. - Pêcheries . 213·214 24
G. - Développement des coopératives . 215-217 24
H. - Industrie . 218-227 24
I. Transports et communications . 228-235 25
J. - Finances publiques . 236-246 25

CHAPITRE IV. - PROGRÈS SOCIAL •........................................ 247-303 26


A. - Généralités . 247-249 26
B. - Logement . 250-252 27
C. - Niveau de vie . 253-257 27

iii
Paragraphes Pages
D. - Condition de la femme et dot . 258-262 28
E. - Services sociaux et protection de l'enfance . 263-265 29
F. - Alcoolisme . 266-267 29
G. - Traitement des délinquants . 268-270 29
H. - Main-d'œuvre . 271-283 30
1. - Services de la santé et de l'hygiène publiques . 284-303 31

CHAPITRE V. - PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT 304-348 33


A. - Généralités . 304-310 33
B. - Enseignement primaire . 311-312 34
C. - Enseignement secondaire . 313 34
D. - Enseignement technique . 314-319 34
E. - Formation des maîtres . 320-325 35
F. - Enseignement supérieur . 326-329 36
G. - Administration scolaire . 330 36
H. - Ecoles des missions . 331-335 36
1. Enseignement officiel et enseignement privé . 336-342 37
J. - Instruction des adultes . 343-348 37

CHAPITRE VI. - RENSEIGNEMENTS SUR L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES 349-352 38

ANNEXE 1. - Itinéraire 39

ANNEXE II. - Ministère de la France d'outre-mer: décret du 13 juillet 1955 portant disso-
lution d'une association et de ses filiales au Cameroun 41

ANNEXE III. - Note pour le Président de la Mission de visite du Conseil de tutelle ... . . . . . 41

ANNEXE IV. - Partis et associations politiques du Cameroun sous administration française. 42

ANNEXE V. - Résumé de l'exposé présenté à la Mission de visite des Nations Unies sur
l'organisation, les moyens d'action et les méthodes de propagande de l'Union des popula-
tions du Cameroun 44

ANNEXE VI. - Carte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. hors-texte en regard de la page 48

Observations de l'Autorité chargée de l'administration sur le rapport de la Mission de visite ... 49

Résolution 1373 (XVII) adoptée par le Conseil de tutelle le 5 avril 1956 53

iv
RAPPORT SUR LE CAMEROUN SOUS ADMINISTRATION FRANÇAISE PRÉSENTÉ
PAR LA MISSION DE VISITE DES NATIONS UNIES DANS LES TERRITOIRES
SOUS TUTELLE DU CAMEROUN SOUS ADMINISTRATION BRITANNIQUE ET
DU CAMEROUN SOUS ADMINISTRATION FRANÇAISE (1955) [T/I231!]

LETTRE, EN DATE DU 17 FÉVRIER 1956, ADRESSÉE AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL


PAR LE PRÉSIDENT DE LA MISSION DE VISITE

J'ai l'honneur de vous communiquer ci-joint, conformément à la résolution


1253 (XVI) du Conseil de tutelle en date du S juillet 1955 et à l'article 99 du règle-
ment intérieur du Conseil de tutelle, le rapport que la Mission de visite des Nations
Unies dans les Territoires sous tutelle du Cameroun sous administration britanni-
que et du Cameroun sous administration française (1955) a rédigé sur le Cameroun
sous administration française.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir, conformément à l'article précité,
laisser s'écouler un intervalle de deux semaines entre l'envoi de ce rapport aux
membres du Conseil de tutelle et sa distribution générale.
Je suis heureux de vous informer que ce rapport a été adopté à l'unanimité
par les membres de la Mission de visite.

Le Président de la Mission de visite des Nations Unies


dans les Territoires sous tutelle
du Cameroun sous administration britannique
et du Cameroun sous administration française (1955):
(Signé) Max H. DORSINVILLE

AVANT-PROPOS

A sa 6üS e séance, le Conseil a décidé d'envoyer une A sa 634 e séance, le Conseil a adopté la résolution
Mission de visite dans les Territoires sous tutelle du 1253 (XVI) du 8 juillet 1955 où il définissait le mandat
Cameroun sous administration britannique et du Came- de la Mission de visite. La Mission devait: 1) enquêter
roun sous administration française, et a décidé en outre et faire rapport aussi complètement que possible sur les
que la Mission serait composée de personnalités désignées mesures prises dans les deux Territoires sous tutelle
par la Belgique, la Chine, les Etats-Unis d'Amérique et pour atteindre les objectifs énoncés à l'alinéa b de
Haïti. l'Article 76 de la Charte, en tenant compte des disposi-
tions de la résolution 321 (IV) adoptée par l'Assemblée
A sa 615 e séance, le Conseil a approuvé la désignation
générale le 15 novembre 1949; 2) étudier, en s'inspirant
de MM. Robert Scheyven (Belgique), Hsi-kun Yang
le cas échéant des débats du Conseil de tutelle et de
(Chine), Edward W. Mulcahy (Etats-Unis d'Amérique)
l'Assemblée générale et des résolutions adoptées par ces
et Max H. Dorsinville (Haïti); à la même séance, M. Dor-
organes, les questions évoquées à propos des rapports
sinville a été élu Président de la Mission.
annuels sur l'administration des deux Territoires en
A sa 632e séance, le Conseil a décidé que la Mission question, dans les pétitions reçues par le Conseil de
de visite partirait le 15 octobre 1955, qu'elle visiterait tutelle au sujet de ces territoires, au cours des audiences
le Cameroun sous administration française, puis le Came- accordées par l'Assemblée générale à des pétitionnaires
roun sous administration britannique et que la visite du Territoire sous tutelle du Cameroun sous adminis-
durerait environ deux mois. tration française, dans les rapports des missions pério-
1 Incorporant T/1231/Corr.1.

1
diques de visite qui se sont rendues précédemment dans aussi la Mission de lui adresser le plus tôt possible un
ces territoires et dans les observations faites au sujet rapport sur chacun des Territoires sous tutelle visités,
de ces rapports par les Autorités administrantes; 3) rece- rapport où elle consignerait ses constatations, accompa.
voir des pétitions, sans préjudice des décisions qu'elle gnées des observations, conclusions et recommandations
pourra prendre en vertu du règlement intérieur du qu'elle pourrait juger bon de présenter.
Conseil, et enquêter sur place, après avoir consulté le La Mission était accompagnée de six fonctionnaires
représentant local de l'Autorité administrante intéressée, du Secrétariat: M. W. F. Cottrell, secrétaire principal;
sur celle des pétitions reçues qui appellent, à son avis, MM. T. Shore et R. Wathen, secrétaires adjoints; M. G.
une enquête spéciale; 4) examiner, en consultant les Margouliès, interprète; M. E. Sameh, secrétaire admi-
Autorités administrantes, les mesures prises ou à prendre nistratif; Mlle D. Wyns, sténographe.
en vue de renseigner sur l'Organisation des Nations
Unies la population des Territoires sous tutelle, confor- Au cours de sa visite au Cameroun sous administra·
mément à la résolution 36 (III) adoptée par le Conseil de tion française, la Mission a parcouru environ 4.100 kilo-
tutelle le 8 juillet 1948 et à la résolution 754 (VIII) mètres en voiture et 1.555 kilomètres en avion.
adoptée par l'Assemblée générale le 9 décembre 1953, A la séance qu'elle a tenue au Siège le 17 février 1956,
et s'acquitter des tâches énoncées dans la résolution la Mission a adopté à l'unanimité le présent rapport,
311 (VIII) adoptée par le Conseil de tutelle le 7 février qu'elle présente au Conseil de tutelle conformément au
1951 au sujet de la même question. Le Conseil priait mandat qu'elle a reçu.

INTRODUCTION

1. Au cours de sa visite au Cameroun sous adminis- légalement dissoutes au Cameroun 2. En preVISIOn des
tration française la Mission a reçu l'hospitalité la plus répercussions possibles que cette décision pouvait ~voir
cordiale et la coopération la plus courtoise de la part au cours du séjour de la Mission de visite dans lé Terri-
de l'Administration et des autorités locales, ainsi que toire, et afin que l'ordre public soit maintenu,-les mani·
de la part des missions et de toutes les catégories de la festations de toute nature organisées par d'anciens adhé-
population avec lesquelles elle est entrée en contact. Elle rents ou sympathisants des partis dissous étaient et res-
prie tous ceux qui ont bien voulu l'aider dans ses travaux taient interdites.
de trouver ici l'expression de sa sincère reconnaissance. 4. Un résumé de la communication verbale du Gou-
2. La Mission tient tout particulièrement à exprimer vernement français a été remis à la Mission à la fin de
sa gratitude à M -M. Roland Pré, haut-commissaire de la cette entrevue; il est reproduit ci-après:
République française au Cameroun; Colombani, gouver· « Une profonde émotion s'est emparée de l'opinion
neur du Tchad (Afrique-Equatoriale française); Tyrant, publique, aussi bien dans la métropole que dans les
secrétaire général, Duplessis-Kergomard, délégué du territoires d'outre-mer et au Cameroun, à l'annonce
Haut-Commissaire au Nord-Cameroun; R. Guidon- du vote de la Quatrième Commission de l'Organisa-
Lavallée, délégué du Haut·Commissaire au Sud-Came- tion des Nations Unies qui, dans sa séance du 5 octobre,
roun; Penanhoat, président du Syndicat de défense des a décidé d'accueillir favorablement les demandes d'au-
intérêts bananiers du Cameroun (SDIBC); le prince dition présentées par les «représentants» de trois
Douala Manga Bell, député à l'Assemblée nationale; organisations du Cameroun (Union des populations
N'Joya Arouna, sénateur; Soppo Priso, président de du Cameroun et ses filiales la Jeunesse démocratique
l'Assemblée territoriale, et à tous les fonctionnaires de 'camerounaise et l'Union démocratique des femmes
l'Administration française qu'elle a eu le plaisir de ren· camerounaises) qui, depuis le mois de juillet, n'ont
contrer. La Mission ne peut mentionner ici toutes les plus aucune existence légale.
personnes qui lui ont apporté leur concours et l'ont reçue; « Ces trois organisations ont, en effet, été dissoutes
elle tient toutefois à remercier tout spécialement M. Ray- par décret du 13 juillet 1955 3, pris en vertu de la loi
mond Lefèvre, chef du Service des affaires extérieures, du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices
qui avait été chargé d'assurer la liaison avec la Mission, privées, c'est·à-dire pour les motifs les plus graves.
et M. Ribo qui a été un agent de liaison attaché à la « L'Union des populations du Cameroun - de même
partie de la Mission qui s'est rendue de Yaoundé à que ses organismes annexes - était un mouvement
Kribi.
à forme totalitaire copiée sur celle des partis commu-
3. Au cours de son voyage vers le Territoire, la Mis- nistes européens, dont, en même temps que l'idéo-
sion a rencontré à Paris, le 17 octobre 1955, des hauts logie, il avait repris les méthodes. Il a gravement
fonctionnaires du Ministère de la France d'outre·mer. attenté à l'ordre public en tentant, à la fin du mois
L'entrevue avait pour but d'informer la Mission des de mai de cette année, de soulever les populations de
réactions de l'opinion publique en France et au Came- quelques centres du Sud-Cameroun et porte l'entière
roun sous administration française devant la décision responsabilité des troubles qui se sont produits.
prise par la Quatrième Commission de l'Assemblée géné- 2 Voir Documents officiels de l'Assemblée générale, dixième ses-
rale des Nations Unies d'entendre les représentants de sion, Quatrième Commission, 471 e séance.
l'Union des populations du Cameroun et de ses filiales 3 Pour le texte de ce décret, voir l'annexe II.

2
« Certains dirigeants ou militants de ces organisa- légalement dissoutes n'étaient pas autorisés à mani-
tions, sous le coup de poursuites pour crimes, se sont fester devant la Mission. Le Haut-Commissaire a ajouté
enfuis de leur domicile ou réfugiés en territoire étran- qu'il était absolument impossible de surseoir, au cours
ger pour échapper à l'action de la justice; d'autres du séjour de la Mission de visite dans le Territoire, à
ont été arrêtés et leurs affaires sont en instance d'ins- l'application de la loi en ce qui concerne les organisa-
·truction ou de jugement au Cameroun. D'autres, tions dissoutes et leurs membres alors en prison.
enfin, n'ont pas été inculpés, leur responsabilité per- 7. Le Président de la Mission, prenant acte des décla-
sonnelle n'ayant pas été retenue, et sont en liberté rations du Haut-Commissaire, répondit que la Mission
au Cameroun. avait été informée à Paris que des instructions avaient
«Aussi l'opinion s'est-elle très naturellement étonnée été données au Haut-Commissaire, mais qu'elle avait,
que des représentants d'organismes légalement dissous de son côté, un mandat à remplir et qu'elle s'efforcerait
et dont toute tentative de reconstitution est punie de l'exécuter aussi bien que les circonstances le lui per-
par la loi, puissent être officiellement invités par l'Orga- mettraient et pour autant que l'assistance des autorités
nisation des Nations Unies, quelle que soit leur situa- dans le Territoire lui serait accordée.
tion individuelle. On remarque au surplus que, parmi 8. Deux jours plus tard, le 20 octobre, la Mission, qui
les signataires des pétitions auxquelles la Quatrième se trouvait à Fort-Foureau, commença à accorder des
Commission a réservé un accueil favorable, figurent audiences publiques. Vu le programme chargé, elle dut
Félix Moumié, que ses appels au meurtre et à l'émeute se scinder: un groupe allant visiter le palais du sultan,
rangent parmi les principaux responsables des troubles la ville et le marché; l'autre groupe continuant à entendre
du mois de mai, et Abel Kingué, qui, à la tête d'une des pétitionnaires. Au cours d'une audience, un membre
bande armée, chercha personnellement à abattre un de la Mission ayant demandé à un pétitionnaire, en
dirigeant d'un parti politique rival. raison des déclarations qu'il faisait, s'il parlait en son
«Cette audition accordée aux pétitionnaires de nom ou s'il représentait quelqu'un d'autre, le pétition-
l'Union des populations du Cameroun constitue, de naire répondit qu'il « représentait un parti dissous ». Le
toute évidence, une interférence inadmissible dans un groupe en question suspendit alors l'audience pour
domaine qui relève actuellement de l'autorité judiciaire attendre le retour de l'autre groupe, afin que les membres
régulièrement saisie. Si le règlement intérieur du Con- de la Mission puissent examiner tous ensemble l'atti-
seil de tutelle, qui prohibe dans son article 81 les inter- tude à adopter à l'avenir. La Mission examina cette
ventions de cette espèce, n'a pas force obligatoire pour question après que les représentants de l'Administration
l'Assemblée générale, il reste qu'un principe, qu'im- et le public se, furent retirés de la salle d'audience.
posent à la fois le respect du droit et le respect des
faits, a été délibérément méconnu. 9. A la suite des délibérations entre les membres de
la Mission et d'échanges de vues entre la Mission et les
«Il est apparu d'autre part que la décision de la représentants de l'Administration qui se trouvaient dans
Quatrième Commission pouvait prêter, dans les terri- un autre bâtiment, la Mission décida de publier un com-
toires mêmes, à des interprétations tendancieuses et muniqué ainsi conçu:
entraîner une agitation préjudiciable aux travaux de
la Mission de visite. «La Mission de visite des Nations Unies est heu-
« En conséquence, le Ministère de la France d'outre- reuse de commencer sa tournée au Cameroun sous
mer a prescrit à M. le Haut-Commissaire de la Répu- administration française par la région du Logone-et-
blique, seul responsable au nom du Gouvernement Chari dans laquelle pareille Mission vient pour la
français, en application des articles 9 et 10 de l'Accord première fois.
de tutelle, du maintien de l'ordre public au Cameroun, « Au cours de sa visite, la Mission pourra se rendre
de rappeler à la population avant l'arrivée de la Mis- compte des progrès accomplis dans tous les domaines;
sion, et pour prévenir des incidents ou malentendus comme par le passé, elle entendra également les repré-
éventuels, que les manifestations de toute nature aux- -sentants de tous partis et organisations ayant une exis-
quelles des membres ou sympathisants des organi- tence légale, ainsi que tout particulier exprimant ses
sations dissoutes pourraient être tentés de se livrer, opinions personnelles.»
étaient et restaient interdites. » 10. La Mission est fermement persuadée que l'atti-
5. En réponse, le Président de la Mission de visite tude qu'elle a adoptée, telle qu'elle l'a définie dans son
déclara qu'il prenait acte des paroles du représentant communiqué, était non seulement celle qu'elle devait
du Gouvernement français et que la Mission de visite prendre, mais encore la seule qu'elle pût prendre dans
avait, pour sa part, reçu un mandat dont elle s'efforcerait ces circonstances, comme devaient le prouver les événe-
de s'acquitter aussi bien que les circonstances le lui per- ments ultérieurs décrits dans le récit du voyage de la
mettraient et pour autant que l'assistance des autorités Mission qui figure plus bas.
dans le Territoire lui serait accordée. 11. Pendant son séjour dans le Territoire, ainsi qu'à
6. A son arrivée à Yaoundé, le 18 octobre 1955, la son retour à New-York, la Mission reçut à peu près
Mission a eu une entrevue officielle avec le Haut-Com- 40.000 communications et mémoires présentés par des
missaire qui l'a informée, en des termes assez semblables groupes et des particuliers. Vu le temps limité et le per-
à ceux de la communication verbale du Gouvernement sonnel à sa disposition, il est évident que la Mission n'a
français, qu'il avait le devoir de maintenir l'ordre public pas pu lire tous ces documents. En rédigeant son rapport,
dans le Territoire et que les adhérents des organisations la Mission a tenu compte des divers points traités dans

3
3
celles des communications qu'elle a pu lire. La Mission 12. Il est intéressant de noter aussi que la Mission a
sait gré aux habitants du Territoire sous tutelle des entendu maintes fois, au cours des allocutions prononcées,
preuves de confiance qu'ils lui ont données. Le Secré- l'expression de la satisfaction des populations d'avoir
tariat a toujours en sa possession la plupart de ces com- revu parmi ses membres deux des membres de la Mission
munications. La question des communications reçues par de 1952, savoir M. Scheyven et M. Yang. Elles ont voulu
la Mission est traitée plus en détail au chapitre II, sec- y voir tout l'intérêt que portait le Conseil de tutelle à
tion 1. leur pays.

RÉCIT DU VOYAGE DE LA MISSION

13. Venant de New-York, la Mission de visite est et fait un tour du marché où ils ont également vu vacciner
arrivée à Paris le 16 octobre 1955. Le lendemain, avant nombre de gens. M. Yang et M. Mulcahy ont continué
de partir pour l'Afrique, elle s'est entretenue avec des d'entendre des pétitionnaires. A cause des difficultés
hauts fonctionnaires du Ministère de la France d'outre- provoquées par les déclarations de l'un d'eux, les
mer. Le 18 octobre, après un bref arrêt à Douala où audiences ont été suspendues jusqu'au retour du Pré-
l'attendait un représentant du maire de cette ville, la sident et de M. Scheyven. La Mission a tenu une réunion
Mission est arrivée à Yaoundé, où elle a été accueillie privée à l'issue de laquelle elle a publié un communiqué
par des représentants de l'Autorité administrante, parmi dans lequel elle définissait l'attitude qu'elle garderait
lesquels M. Raymond Lefèvre, chargé de la liaison entre pendant sa visite dans le Territoire 4. Vers la fin de
l'Administration et la Mission, et M. Joud, administra- l'après-midi, la Mission s'est à nouveau scindée en deux
teur-maire de Yaoundé et chef de la région du Nyong- groupes: M. Dorsinville, M. Yang et M. Mulcahy ont
et-Sanaga. visité le village d'Afadé; M. Scheyven a visité des pêche-
14. A Yaoundé, la Mission a eu des entretiens préli- ries et la pépinière du gouvernement. Le même soir,
minaires avec le Haut-Commissaire. Elle a rencontré tous les membres de la Mission sont rentrés par bateau
d'autres hauts fonctionnaires de l'Administration, qui à Fort-Lamy.
lui ont suggéré d'apporter certaines modifications à son 17. Le lendemain matin, la Mission a atterri à l'aéro-
itinéraire. port de Maroua-Salak, dans la région de Diamaré. Elle
15. Dans la matinée du 19 octobre, accompagnée par s'est rendue en automobile à Maroua, où elle a visité
le fonctionnaire chargé d'assurer la liaison et par son l'artisanat et le musée, puis elle s'est à nouveau scindée
personnel, la Mission a pris l'avion pour Fort-Lamy, en deux groupes: M. Yang et M. Mulcahy sont allés
capitale du Tchad (Afrique-Equatoriale française), où à Mindif en voiture pour s'entretenir avec le lamido
elle a été accueillie par des fonctionnaires de ce territoire Amadou et visiter le village. Le Président et M. Scheyven
et par le sultan du Logone-Birni, dans le Territoire sous sont restés à Maroua pour visiter l'école, l'hôpital, le
tutelle. Pendant sa visite à la région du Logone-et-Chari marché, le groupe lourd puisatier du génie rural et le
(Cameroun), la Mission a été logée à Fort-Lamy. L'après- centre de formation agricole, et aussi pour entendre des
midi, elle a visité le laboratoire vétérinaire de Farcha pétitionnaires. La Mission a ensuite rendu visite au
et son abattoir, dont la construction doit être achevée Lamido.
en 1956. Le Dr Receveur, directeur du laboratoire, a 18. Le 22 octobre, la Mission est partie pour Mokolo,
expliqué à la Mission que le laboratoire a pour tâches dans la région de Margui-Wandala. Toutefois, avant de
principales d'effectuer des recherches sur les maladies quitter la région de Diamaré, elle s'est arrêtée pour
du bétail et d'améliorer les races de bétail. En outre, le examiner des travaux entrepris en vue d'aménager à
laboratoire fabrique du vaccin contre la peste bovine, et titre expérimental un réservoir pour la conservation des
il en a parfois exporté au Cameroun. L'abattoir a expé- eaux, pour observer une équipe d'ouvriers qui creusaient
dié par avion de la viande dans le Territoire sous tutelle, des puits, pour assister à la désinfection d'un village
notamment à Douala. La Mission a terminé la visite au DDT par une équipe mobile du Fonds des Nations
de Fort-Lamy en se rendant au collège Félix-Eboué, Unies pour l'enfance (PISE), enfin pour observer la
établissement impressionnant qui accueille les garçons construction d'une route au col de Méri, où la Direction
âgés de 12 à 19 ans, et dans un dispensaire. des travaux publics et des transports achevait de modifier
16. Tôt dans la matinée du lendemain, la Mission a le profil de la route en réduisant la pente de 10 degrés.
traversé en bateau le Chari, qui était encore en crue, A Mokolo, M. Dorsinville et M. Mulcahy ont visité
pour se rendre à Fort-Foureau, dans le Territoire sous l'école et l'hôpital, pendant que M. Scheyven et M. Yang
tutelle. Après avoir entendu le chef de région, la Mission entendaient des pétitionnaires. A la fin de l'après-midi,
a visité le principal établissement scolaire et ses terrains la Mission, passant par les Kapsikis où elle fut accueillie
de sports, ainsi que l'ancien dispensaire et le nouveau par la population, a visité une école primaire.
dispensaire en construction. Elle a ensuite entendu des 19. La Mission a quitté Mokolo, le len{lemain matin,
pétitionnaires. Avant d'achever cette partie de son pro- pour se rendre à Mora. Elle s'est d'abord arrêtée au
gramme, la Mission s'est scindée en deux groupes pour centre de recherche agricole de Guétalé où le directeur
pouvoir se conformer à l'horaire établi pour cette région.
M. Dorsinville et M. Scheyven ont rendu visite au sultan 4 Voir par. 9.

4
lui a fait un exposé sur les travaux entrepris, puis elle dent et M. Mulcahy ont visité la ville; ils se sont rendus
a examiné des échantillons d'arachides, de mil et de au port, dans le quartier des affaires, dans le quartier
coton. Elle a alors poursuivi sa route jusqu'à Koza pour de résidence des fonctionnaires africains, à l'école pri-
y observer la mise en œuvre du plan tendant à réinstaller maire de filles, à la principale école de garçons, au foyer
les Kirdis (animistes) sur des terres plus faciles à cultiver culturel, au collège moderne mixte ouvert en 1951 et
et à leur enseigner la technique agricole. A Koza, M. Dor- fréquenté par des Européens et des Africains - la majo-
sinville, M. Mulcahy et M. Yang ont ensuite visité la rité des élèves africains sont internes - au bâtiment des
mission adventiste du Septième Jour, tandis que M. Schey- postes, télégraphes et téléphones, et finalement au palais
ven visitait un marché local à proximité du centre agri- du Lamido, où ils ont été présentés aux dignitaires qui
cole. L'après-midi, la Mission a entendu des pétition- forment le Conseil du Lamido.
naires, visité l'école locale et assisté à des danses folklo- 25. Alors qu'ils se rendaient à Guider, le 25 octobre,
riques et à des charges de cavalerie effectuées par diverses M. Scheyven et M. Yang se sont arrêtés à Pitoa pour
tribus, puis elle est rentrée à Maroua dans la soirée. visiter le marché local, un dispensaire et l'internat pilote
20. Le 24 octobre, avant de quitter l'aérodrome de créé pour toute la partie septentrionale du Territoire.
Maroua-Salak pour se rendre à Yagoua, la Mission a A leur arrivée à Guider, ces membres de la Mission ont
eu le temps de visiter le nouvel abattoir et les installations été accueillis par le Lamido et par les représentants
frigorifiques de Salak. locaux de l'Autorité administrante. Après le déjeuner,
21. Peu avant d'atterrir à Yagoua, la Mission a pu le groupe se disposait à entendre des pétitionnaires, mais
voir de l'avion les cultures de riz dans la vallée du aucune demande d'audience n'a été présentée. Avant
Logone. Elle a passé cinq heures environ à Yagoua, de retourner à Garoua, il a visité une école et un hôpital.
où elle a rencontré le chef du canton, visité la ville pour 26. Le 26 octobre, de bon matin, accompagnée du
voir l'ancien et le nouveau dispensaires, l'école, la rizerie délégué du Haut-Commissaire, la Mission a traversé en
du sous-secteur expérimental de modernisation de la bac la Bénoué et a entrepris son long trajet vers Ngaoun-
riziculture à Yagoua (SEMRY) et un groupe d'habita- déré. A midi, elle s'est arrêtée à Mbé pour visiter l'école
tions pour les fonctionnaires africains; en outre, elle a primaire publique ainsi que l'école primaire et le dispen-
entendu des pétitionnaires. Un orage ayant éclaté dans saire de la mission luthérienne norvégienne. Le dispen-
la région, la Mission a dû se rendre directement par avion saire avait été ouvert en 1952. Puis la Mission s'est
à Garoua vers la fin de l'après-midi, sans s'arrêter à brièvement entretenue avec le chef de canton. A la mi-
Kaélé comme il était prévu. nutes de Mbé, elle s'est arrêtée à Karna pour visiter
22. A Garoua, la Mission a été accueillie à l'aéroport l'école et le dispensaire de la mission catholique. A proxi-
par M. Duplessis-Kergomard, représentant du Haut- mité de Ngaoundéré, la Mission a remarqué que la
Commissaire, Abdoulaye Hayatou, lamido de Garoua, route était moins escarpée qu'en 1952, ce qui facilite les
et d'autres fonctionnaires locaux. déplacements en automobile. En effet, de Garoua à
Ngaoundéré, la Mission a constaté des travaux le long
23. Le 25 octobre, la Mission s'est scindée en deux de la route (nivellement, réparations des tronçons de
groupes: M. Dorsinville et M. Mulcahy sont restés à routes détériorés par les pluies, construction de pon-
Garoua pour entendre des pétitionnaires et visiter diverses ceaux, etc.).
institutions de la ville, tandis que M. Scheyven et M. Yang 27. Le 27 octobre, la Mission a pris une première demi-
se rendaient à Guider aux mêmes fins. fÂu cours des
journée de repos particulièrement appréciée puisque pen-
audiences données à Garoua,· un groupe de personnes
dant neuf jours, c'est-à-dire depuis son arrivée dans le
qui venaient de la partie méridionale du Territoire et
Territoire, elle n'avait cessé de voyager. L'après-midi,
que l'on dit être des membres actifs du parti dissous,
elle a tenu une réunion privée au cours de laquelle elle
l'Union des populations du Cameroun (UPC), a été
reçut, sur sa demande, le représentant du Haut-Com-
attaqué par des cavaliers et des partisans du Lamido,
missaire qui remit une note verbale au Président 5. Il
armés de cravaches et de sabres, qui pensaient que le sera question de cette note dans un chapitre ultérieur 6.
groupe des Camerounais en question se rendait à une
audience accordée par la Mission. Le Président mani- 28. Le lendemain matin, la Mission a commencé par
festa sa réprobation de tels actes de violence perpétrés accorder deux audiences. La première a eu lieu dans les
par les gens du Lamido au moment même où ce dernier bureaux situés à l'étage du centre de repos militaire de
avait un entretien avec la Mission. Il demanda au Lamido Ngaoundéré où la Mission était logée. Elle devait ensuite
d'intervenir immédiatement pour faire cesser le désordre entendre les représentants de l'Association pour le pro-
qui régnait devant le local et pour dire à la population grès social et économique des habitants de la subdivision
que la Mission ne recevrait le représentant d'aucun de Ngaoundéré (APSEN); mais le porte-parole de
parti dissous. L'un des prétendus pétitionnaires, parti- l'APSEN demanda à la Mission de recevoir les membres
culièrement maltraité, chercha refuge auprès de la Mis- de l'association sur l'escalier du centre, disant que
sion. Désireuse de ne pas donner prétexte à de nouvelles l'APSEN voulait simplement souhaiter la bienvenue à
manifestations de violence, la Mission estima qu'il valait la Mission et lui remettre une communication écrite.
mieux ne pas garder l'intéressé. Elle demanda au chef La Mission accéda à cette demande. Elle se trouva alors
de région de le faire escorter jusqu'à son domicile. Le en présence d'un groupe important de cavaliers et d'autres
Président de la Mission le fit accompagner par le secré- personnes. Le porte-parole de l'APSEN déclara qu'il
taire pr~~~ipal jusqu'à une voiture. 5 Pour le texte de cette note verbale, voir l'annexe III.
.'·i4:Après avoir entendu les pétitionnaires, le Prési- 6 Voir par. 146 et 147.

5
croyait savoir que, lors de son passage dans la partie il se rétracta et déclara qu'il avait lu le communiqué.
septentrionale du Territoire, la Mission avait reçu l'UPC; Il fit toutefois quelques observations au sujet de l'audience
il ajouta que la population de Ngaoundéré ne voulait que la Quatrième Commission avait accordée aux repré-
avoir aucun rapport avec l'Organisation des Nations sentants de l'UPC. La Mission expliqua au pétitionnaire
Unies, étant donné qu'elle avait accordé des audiences la différence qu'il y a entre la Quatrième Commission
aux principaux représentants des organisations dissoutes; de l'Assemblée générale et une Mission de visite du
enfin, il demanda que la Mission quittât immédiatement Conseil de tutelle. Plusieurs membres de la Mission se
le Territoire. Le Président répondit que la Mission n'avait montrèrent fort étonnés que le communiqué de la Mis-
jamais reçu l'UPC, comme certaines gens avaient peut- sion n'eût pas été expliqué à la population dans le dia-
être intérêt à le faire accroire, et que, lors de son passage lecte local et que des rumeurs inexactes courussent encore
à Fort-Foureau, elle avait publié un communiqué dans à propos de l'attitude de la Mission à l'égard de l'UPe.
lequel elle avait défini son attitude. Il termina en disant Ils espéraient que diligence serait désormais faite par les
que maintenant qu'il avait éclairé la population, il fonctionnaires responsables pour que la plus large publi-
espérait que celle-ci rendrait sa confiance - si tant est cité fût donnée audit communiqué par tous moyens
qu'elle l'avait perdue - à l'Organisation des Nations appropriés.
Unies et à la Mission de visite. La foule se dispersa 32. Après cet incident, la Mission a visité une école
calmement. de la mission catholique et le centre de préapprentissage
29. Après l'incident cité ci-dessus, la Mission a visité qui en dépend. A ce propos, la Mission a noté que
la région; elle a vu en premier lieu la remarquable sta- Meiganga est le point le plus septentrional du Territoire
tion expérimentale d'élevage de Wakwa et son labo- qui reçoive des livraisons de bois pour les besoins indus-
ratoire de recherches vétérinaires ainsi qu'un centre triels. La plupart des meubles de la région sont fabriqués
voisin de recherches pour l'amélioration des pâturages. à la mission. A la mission luthérienne, dirigée par des
L'après-midi, la Mission a poursuivi sa visite et s'est Norvégiens et des Américains, la Mission de visite a vu
d'abord arrêtée dans les bureaux administratifs, où le avec intérêt un orphelinat, une école et un dispensaire
chef de région lui a brièvement exposé la situation de fort bien tenus. La Mission a appris qu'il n'existe pas,
la région de l'Adamaoua; ensuite, elle est allée voir le dans le Territoire, de système qui permette d'adopter
dispensaire, le lieu de résidence des infirmières, le quar- les enfants, lesquels restent à l'orphelinat jusqu'à leur
tier des étrangers, le nouveau terrain de sports dont majorité. La Mission a également visité un hôpital public
l'aménagement n'est pas encore terminé, l'école régio- dirigé par un médecin africain. La Mission avait l'inten-
nale, une pépinière expérimentale pour figuiers, agrumes, tion de se rendre le soir même à Bertoua, mais les eaux
bananiers et tamariniers, le palais du Lamido - où de refoulement du Lom avaient rendu la route impra-
la Mission s'est entretenue avec les membres du Conseil ticable. La Mission a donc été obligée de revenir à
du Lamido créé depuis le passage de la Mission de visite Ngaoundéré pour y passer la nuit.
de 1952 - l'école primaire et l'hôpital de la mission
norvégienne (l'hôpital ne fonctionne que depuis neuf 33. Le lendemain, 30 octobre, la Mission a entrepris
mois), une école de la mission catholique, un alevinage, son plus long voyage par la route, de Ngaoundéré à
des travaux de reboisement, la station radiophonique Bertoua, soit un parcours de 550 kilomètres. En route,
et météorologique de l'aérodrome, et enfin l'abattoir elle s'est arrêtée quelques heures à Bemboran, pour y
frigorifique. visiter une usine de production de farine de manioc de
la Société africaine de prévoyance (SAP), et à Mboussa,
30. Dans la matinée du 29 octobre, la Mission a quitté où elle a été accueillie par le chef de la région du Lom-
Ngaoundéré pour Meiganga, où elle a commencé par et-Kadeï. Peu de temps après, elle a traversé le Lom
des audiences. La première a été celle du chef de canton, et a constaté que la route était encore submergée, bien
Bouba Aboubakar, qui se montra assez nerveux et fit que les eaux eussent commencé à se retirer rapidement
une déclaration analogue à celle que le représentant de pendant la nuit. Les habitants de la région ont déclaré
l'APSEN avait faite la veille à Ngaoundéré. Le Prési- à la Mission que l'Autorité administrante avait promis
dent lui ayant demandé s'il avait eu connaissance du depuis plusieurs années d'exhausser le pont au-dessus
communiqué que la Mission avait publié à Fort-Foureau, des basses terres, près du Lom, pour faciliter la circu-
le chef de canton répondit que non. Quand la Mission lation sur cette route principale, mais qu'elle n'avait
demanda à l'Autorité administrante pourquoi ce com- pris jusqu'ici aucune mesure à cet effet. En traversant
muniqué n'avait pas été rendu public, le chef de sub- le Lom, la Mission quittait les régions septentrionales
division a d'abord répondu qu'il ne l'avait pas reçu, du Territoire et allait pénétrer graduellement dans la
peut-être par suite d'un retard à cause d'une panne de région des plaines, où prédomine l'épaisse forêt. La
radio. La Mission se montra fort surprise qu'un com- Mission s'est encore arrêtée deux heures à Garoua-
muniqué de cette importance n'ait pas été distribué. Boulai pour y déjeuner et est arrivée à Bertoua très tard
Cependant, lorsqu'on expliqua au chef de subdivision dans la soirée.
de quel communiqué il s'agissait, il reconnut l'avoir
reçu et affiché. 34. La Mission a dû renoncer à se rendre à Y oka-
douma, dans la région du Boumba-Ngoko, car des pluies
31. Le Président demanda au pétitionnaire suivant,
torrentielles avaient rendu la route impraticable.
qui représentait la Médiation franco-camerounaise, s'il
avait lu le communiqué de la Mission. Le pétitionnaire 35. Le 31 octobre, la Mission s'est divisée en deux
répondit tout d'abord qu'il n'en avait pas eu connais- groupes: le Président et M. Scheyven se sont rendus à
sance; mais, sur l'intervention du chef de subdivision, Batouri, chef-lieu de la région. En route, ils ont pu

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observer des plantations de bananiers, de papayers, de pu appréhender à cette occasion un des principaux diri-
caféiers, de cacaoyers, d'hévéas, de canne à sucre et de geants du mouvement, qu'elle recherchait depuis long-
tabac. Après avoir donné audience à quelques pétition- temps, mais que personne n'avait été tué.
naires, M. Dorsinville et M. Scheyven ont visité l'usine 39. L'après-midi, avant de quitter Ayos, la Mission
locale de la Société d'exploitation industrielle des tabacs a inspecté le célèbre hôpital Jamot, théâtre d'une grande
et allumettes (SEITA) qui se spécialise dans le traitement partie des recherches qui ont permis de combattre vic-
du tabac de Sumatra utilisé pour l'enrobage des cigares. torieusement la trypanosomiase.
Dans l'après-midi, avant de revenir à Bertoua où ils
devaient rejoindre les autres membres de la Mission, 40. Tard dans la soirée, avant l'arrivée à Yaoundé,
ils ont visité la prison, une école primaire, l'hôpital et la Mission s'est encore arrêtée dans deux petits villages
la léproserie dont s'occupe avec dévouement la femme qu'elle traversait. Elle y a été accueillie par les chefs
du chef de région. Dans cette région, ils ont constaté supérieurs et reçu de nombreuses communications. Le
la fréquence du goitre. A Bertoua, M. Yang et M. Mul- lendemain, à Yaoundé, la Mission a eu le matin une
cahy ont été accueillis par les chefs locaux et les conseillers réunion de travail; pendant l'après-midi et au début de
municipaux (la localité ayant été constituée en commune la soirée, elle a accordé des audiences et a rencontré
mixte rurale le 7 juin 1955). Ils ont ensuite visité une divers chefs de service de l'Administration. Elle a égale-
école normale, la prison, le tribunal coutumier, l'hôpital ment eu un entretien avec les correspondants de l'agence
et le dispensaire, un établissement de pisciculture et la France-Presse, de l'Associated Press, du Cameroun libre
ferme expérimentale de la Compagnie générale des oléa- et de la Presse du Cameroun.
gineux tropicaux (CGOT). 41. Le 4 novembre, la Mission a de nouveau eu une
36. La Mission est partie de Bertoua pour Abong- réunion de travail le matin; elle s'est ensuite rendue à
Mbang, le 1er novembre. Elle a fait une brève halte à l'Assemblée territoriale, qui était occupée à la discus-
Longtimbi pour rencontrer le chef de la région du Haut- sion du budget. Le Président de l'Assemblée suspendit
Nyong, et à Doumé pour donner audience. Elle s'est la séance pour adresser des paroles de bienvenue à la
installée pour cela dans l'ancienne forteresse allemande Mission. Le débat ayant repris, les membres de la Mis-
de cette ville. Alors que la Mission arrivait à Abong- sion suivirent avec intérêt les interventions des repré-
Mbang, elle a été témoin d'un accident de camion pro- sentants dans la question de la création des syndicats
voqué par l'ivresse du chauffeur: un petit garçon a été de communes. Après la séance de l'Assemblée, la Mis-
tué et plusieurs autres blessés. Bien qu'aucune voiture sion s'est entretenue avec son président et quelques-uns
de la Mission ne fût en cause, peu s'en est fallu que les de ses membres dans le bureau de la présidence. On a
membres de la Mission ne fussent comptés parmi conduit ensuite la Mission à la commission des finances
les victimes. Dans l'après-midi, la Mission s'est rendue de l'Assemblée, où elle a reçu des renseignements sur le
à l'hôpital pour voir les enfants blessés au cours de budget du Territoire. Plus tard, à la mairie, M. Joud
l'accident et ses membres se sont cotisés pour témoigner a fait un exposé synoptique de la ville et de son adminis-
leurs sympathies aux familles éprouvées. Le même jour, tration. La Mission a été vivement impressionnée par
la Mission a également visité une école et a donné le lycée Général-Leclerc, dont une partie est encore en
audience à la population. construction, par l'hôpital général moderne et bien
37. Le lendemain matin, avant de quitter Abong- équipé où l'on est en train de construire un laboratoire
Mbang, la Mission a inspecté la prison (qui est, elle Pasteur et un pavillon spécial d'oto-rhino-laryngo-ophtal-
aussi, une ancienne forteresse allemande), à la demande mologie. La Mission a aussi visité le quartier africain
des prisonniers. Pour pénétrer dans la région du Nyong- de la ville ainsi que ses réalisations d'habitations mo-
et-Sanaga, la Mission a dû prendre un bac pour traverser dernes.
le Nyong, mais elle a constaté que cela ne serait plus 42. Après un déjeuner offert par la commission muni-
nécessaire dans l'avenir, car un pont était en construc- cipale, la Mission a donné audience à la population.
tion. A cet endroit, la Mission a été accueillie à nouveau Etant donné l'heure avancée et le nombre des demandes
par M. Joud, chef de la région du Nyong-et-Sanaga. d'audience, la Mission s'est divisée en deux groupes;
38. Le premier arrêt dans la région a été Ayos, où le même jour, son président a prononcé une brève allo-
la Mission a donné audience à la population. Alors que cution à la radio.
la Mission se préparait à quitter l'endroit où elle donnait 43. Le 5 novembre, la Mission a visité les bureaux de
audience, un jeune homme a fait irruption dans le bureau la subdivision de Djongolo, où le chef de région a briève-
et a déclaré que, la veille au soir, il y avait eu une bagarre ment exposé la structure de la région, et elle a entendu
à Yaoundé entre l'Autorité administrante et un groupe le compte rendu des travaux du Secteur expérimental
d'habitants de cette ville, et que les représentants de de modernisation agricole du cacao (SEMAC). La Mis-
l'autorité avaient tué un homme d'un coup &\ feu. En sion s'est alors divisée en deux groupes; le Président
arrivant à Yaoundé, la Mission a fait enquête au sujet et M. Scheyven, accompagnés du chef de région, sont
de l'incident; les autorités lui ont expliqué qu'elles avaient partis pour Oveng, où ils ont vu fonctionner le marché
surpris un groupe d'anciens membres de l'UPC du du cacao; ils sont ensuite allés à Nkolbewa, où ils ont
Cameroun dans une imprimerie clandestine, où ils étaient été reçus par le chef supérieur. A Yaoundé, M. Yang
en train d'imprimer des textes de propagande et d'appo- a visité le quartier musulman de la ville et a été chaleu-
ser de fausses signatures sur des communications qu'ils reusement accueilli par les chefs et un groupe important
se proposaient d'envoyer à l'Organisation des Nations de la communauté. Dans l'après-midi, M. Yang et M.Mu!-
Unies. L'Autorité administrante a affirmé qu'elle avait cahy ont donné audience à la population.

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44. Le dimanche 6 novembre, la Mission s'est séparée jusqu'à Edéa. Le 9 novembre, elle a donné un grand
en deux groupes. Le Président et M. Scheyven sont restés nombre d'audiences, au point d'y passer toute la matinée
à Yaoundé pour entendre le reste des autochtones 'qui et une partie de l'après-midi. Ce n'est qu'en fin d'après-
avaient demandé à être entendus. M. Yang et M. Mulcahy midi qu'elle a pu visiter la ville pour voir le dispensaire,
sont partis visiter l'extrême sud du Territoire. une école primaire, une usine d'huile de palme, très
45. C'est dans la capitale du Territoire que la Mission moderne, gérée par la Société des plantations réunies
a reçu le plus grand nombre de communications. Un de l'Ouest Africain (SPROA) et le secteur de moderni-
jour, deux hommes ont déposé sous la véranda du bureau sation, la nouvelle centrale hydro-électrique et l'usine
de la Mission un grand paquet enveloppé d'une étoffe de production d'aluminiùm commencée en 1954 et dont
rouge, puis se sont enfuis. Avant que la Mission ait pu l'achèvement est prévu pour 1958.
examiner le contenu du paquet, le chef de région l'avait 50. Le 6 novembre, c'est à Mbalmayo, toujours dans
confisqué, en alléguant que l'étoffe rouge représentait la région du Nyong-et-Sanaga, que M. Yang et M. Mul-
le drapeau de l'UPC et que le paquet contenait des com- cahy ont fait leur première halte. Ils ont visité une école
munications de ce parti dissous. La Mission, surprise primaire, un hôpital et l'unique école forestière du Terri-
de la manière dont avait agi le chef de région, marqua toire. A l'hôpital, le chef de région a de nouveau confis-
sa désapprobation et fit savoir qu'elle renverrait les com- qué un sac de communications enveloppé dans une étoffe
munications de l'UPC et que, si des représentants de rouge. L'homme qui l'avait apporté et qui était en train
ce parti lui apportaient un paquet de lettres en son nom, de le transmettre à M. Mu1cahy déclara qu'il était repré-
la Mission refuserait de les accepter; mais que la Mission sentant de l'UPC. Le groupe, embarrassé par l'action
devait être la première à recevoir toutes les communi- du chef de région, informa alors ce dernier que la Mis-
cations qui lui étaient adressées et que c'était à elle d'en sion continuerait à considérer que les communications
disposer. émanant de l'UPC devaient être renvoyées mais que le
46. Le 7 novembre au matin, M. Dorsinville et groupe doit pouvoir examiner toutes les communications
M. Scheyven ont quitté Yaoundé pour Eséka et Ngambé. adressées à la Mission avant de décider de leur sort.
Ils ont fait de brèves haltes à Mballa et Ngoulémakong Il était entendu que le groupe refuserait de considérer
pour s'adresser à la population. A Eséka, ils ont tout les communications de la part des personnes prétendant
d'abord accordé des audiences; pendant qu'ils écou- représenter l'UPC. Cependant, après une discussion entre
taient les pétitionnaires, une grande agitation se produisit les membres du groupe et les représentants de l'Autorité
à l'extérieur, provoquée par l'apparition du drapeau administrante au sujet de cette seconde confiscation de
rouge de l'UPc. Le Président sortit pour s'adresser à communications adressées à la Mission, M. Yang et
la foule et lui demander de conserver le calme. Le chef M. Mu1cahy ont décidé d'ajourner la discussion tant
de la région de la Sanaga-Maritime en profita pour que la Mission ne serait pas au complet.
déclarer qu'il serait permis à tous les partis légalement 51. Le groupe a poursuivi sa route jusqu'à la région
constitués de se faire entendre mais non à l'UPC et nouvellement créée du Dja-et-Lobo; là, il s'est arrêté
à ses filiales. Plus tard au cours de l'audience, l'Autorité au nouveau siège administratif de Zoatélé, où les conseil-
administrante jugea bon de faire appel à des gardes munis lers municipaux l'ont accueilli. A Zoatélé, les membres
de mitraillettes pour contenir la foule. A une question du groupe ont assisté pendant le déjeuner à des danses
posée par M. Scheyven il lui fut répondu par les fonction- folkloriques, avant de se rendre à Nden pour visiter
naires chargés du maintien de l'ordre que les gardes en l'école moderne et la léproserie de la mission catholique.
question n'avaient pas reçu de munitions.
52. Quelques kilomètres devant Sangmélima le groupe
47. Après l'audience, le Président s'informant auprès a traversé une grande foule amassée au bord de la route.
du représentant du Haut-Commissaire au sujet de la Près de la foule le groupe avait remarqué des branches
rumeur que des coups de feu étaient tirés dans la région, d'arbres cassées et d'autres débris de part et d'autre de
celui-ci répondit qu'il y avait bien des patrouilles un peu la route, reste d'lIn barrage enlevé par les gardes. A
partout puisque l'on était en plein dans le fief des upé- Sangmélima le groupe a été informé que la foule était
cistes, mais qu'aucun coup de feu n'était tiré. composée de partisans de l'UPC venant de Yaoundé.
48. Le groupe a visité le dispensaire, la mission catho- A SangméIima le groupe a donné audience à la popu-
lique et la Société des bois du Cameroun qui produit lation jusqu'à une heure avancée de la soirée.
maintenant des maisons préfabriquées. La route qui relie 53. Le matin suivant, M. Yang et M. Mulcahy ont
Eséka à Ngambé, longue de 150 kilomètres, est en très visité, avant de quitter Sangmélima, l'école, l'hôpital
mauvais état pendant les 29 derniers kilomètres. (dont le médecin africain ainsi que sa femme ont fait
49. Le matin suivant, la Mission a donné audience à leurs études à Dakar) et les bâtiments de la société afri-
Ngambé. Elle a également visité un dispensaire et la caine de prévoyance de Meyo. C'est à Meyo que cette
prison où sont détenus certains de ceux qui ont participé partie de la Mission a appris que l'UPC avait bloqué
aux manifestations du mois de mai. Elle a fait une brève la route qui relie Sangmélima à Ebolowa et qu'il n'était
halte à Senguengué où elle fut reçue par M. Basama, pas prudent d'emprunter cet itinéraire. M. Yang et
commerçant de l'endroit, condamné à mort en mai M. Mu1cahy ont fait savoir aux représentants de l'Auto-
dernier par les gens de l'UPC et sauvé à la dernière rité administrante qu'il leur incombait entièrement de
minute par le représentant local de l'Autorité admi- prendre toutes les mesures de sécurité qu'elle jugeait
nistrante. Elle a pris alors le bac pour traverser la nécessaires et que la Mission ne pouvait qu'emprunter
Sanaga en direction de Sakbayémé et poursuivre sa route l'itinéraire proposé par l'Autorité administrante. C'est

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pour cela que le groupe a dft retourner à Mbalmayo soirée du même jour, la Mission est partie au complet
pour y prendre la route qui mène à Ebolowa, un détour pour Douala.
d'environ 200 kilomètres. Il s'est arrêté en chemin à 56. Pendant les trois jours que la Mission a passés à
Ngoulémakong (Ntem). Il s'est également arrêté à Douala, principal port du Territoire et chef-lieu écono-
Mengong pour saluer la population et voir la construc- mique, elle a donné audience tous les après-midi. Etant
tion d'un village modèle, résultat de l'effort collectif. donné le grand nombre des demandes, la Mission a été
A Ekouk, le groupe a visité une coopérative de cacao. obligée de se diviser chaque fois en deux groupes pour
Après son arrivée à Ebolowa, il a visité l'important venir à bout de sa tâche. En dehors de ces audiences,
centre de la mission américaine presbytérienne et il a été l'emploi du temps de la Mission est décrit ci-dessous.
particulièrement impressionné par l'excellente clinique 57. Le 10 novembre, elle a visité quelques-uns des
dentaire ainsi que l'orphelinat. Tout comme la veille, les services sociaux et scolaires du quartier New-Bell; le
audiences que la Mission y a accordées se sont prolongées conseil municipal l'a reçue à la mairie; elle a visité le
tard dans la soirée. Un fonctionnaire du secrétariat avait musée municipal, la bibliothèque et les installations por-
précédé la Mission pour organiser les audiences à Ebo- tuaires. Le lendemain, elle a pris part aux cérémonies
Iowa; pendant qu'il y était, il a reçu un gros paquet organisées dans la ville à l'occasion de l'anniversaire de
de communications, dont certaines émanaient des orga- l'armistice, notamment à une revue des troupes, et elle
nisations dissoutes. Les autorités ont interrogé le jeune a assisté, du haut du pont du Wouri, à la traditionnelle
,r homme qui avait déposé ces communications. Plus tard,
course de pirogues, après quoi elle a rendu visite aux
la Mission a été informée qu'il ne s'agissait pas d'un anciens combattants. Le 12 novembre, la Mission a visité
membre de l'UPC, ni d'une organisation affiliée à ce six établissements scolaires, notamment le lycée de
parti, mais d'un messager bénévole qui avait accédé à Douala - dont une partie est encore en construction -
une demande d'un membre d'une de ces organisations. une école technique parfaitement outillée et l'impres-
Lorsque le groupe est à son tour arrivé dans les locaux sionnant collège Libermann, institution catholique dirigée
aménagés en vue des auditions, M. Ribo, l'agent de par les pères du Saint-Esprit. Elle a également visité les
liaison qui lui était attaché, lui a demandé de remettre institutions de la mission protestante à Deido, les bureaux
sans tarder les communications à l'Autorité adminis- modernes des postes, téléphones et télégraphes (les
trante, puisqu'elles émanaient de partis considérés bureaux du téléphone sont climatisés pour protéger les
comme illégaux dans le Territoire. La Mission a répondu fils contre la chaleur et l'humidité caractéristique de
qu'en fait elle n'avait pas eu la possibilité de déterminer cette région), un nouveau groupe d'habitations, l'atelier
si toutes les communications du paquet émanaient de de chemin de fer de Bassa, l'hôpital Laquintinie et le
ces partis. Après un long débat, il a été décidé que le dispensaire d'Akwa. La Mission a également assisté à
secrétariat de la Mission procéderait immédiatement à l'inauguration de la nouvelle station de Radio-Douala,
l'ouverture de toutes les communications et renverrait dont les appareils furent mis en marche par le Président
ensuite à l'Autorité administrante toutes celles qui étaient de la Mission sur l'aimable invitation du Haut-Com-
manifestement écrites par les membres de partis interdits missaire, venu de Yaoundé pour présider à cette inaugu-
ou en leur nom. La Mission conserverait toutes les autres ration. Tard dans l'après-midi la Mission a eu un entre-
communications comme étant l'expression d'avis per- tien avec le Haut-Commissaire au cours duquel elle lui
sonnels. soumit une liste de questions, qu'elle avait dressée
54. Le 8 novembre, la Mission a visité la station expé- pendant son voyage, touchant la situation au Came-
rimentale cacaoyère, à Nkoemvoné, où elle a entendu roun.
un exposé détaillé sur le développement du cacaoyer; 58. Le dimanche 13 novembre, la Mission a quitté
elle a également visité la nouvelle cité ouvrière attachée Douala dans la matinée pour se rendre à Nkongsamba,
à cette station, dont le personnel vient en majorité de troisième ville du Territoire. Son premier arrêt a été à
Yaoundé. Elle s'est ensuite rendue au nouveau centre Mbanga où elle a donné audience. Peu après midi, la
d'apprentissage d'Ebolowa. Mission est arrivée à Penja, centre principal de la culture
55. Sur la route de Kribi, la Mission s'est arrêtée à bananière. Dans cette localité, le président du Syndicat
Lolodorf, où les chefs locaux et les conseillers muni- de défense des intérêts bananiers du Cameroun (SDIBC)
cipaux l'ont accueillie; elle s'est arrêtée une nouvelle fois composé d'Européens et d'Africains lui a exposé l'évo-
en chemin pour inspecter les « ponts cadres» qu'on lution de cette culture, et elle a visité l'hôpital que ce
. installe actuellement. Ces constructions préfabriquées, en syndicat a créé pour les travailleurs de ses plantations.
forme de cadres, ont une assise très large et ne risquent En fin d'après-midi, la Mission a également visité une
pas d'être emportées par les eaux pendant la saison des plantation mixte - bananiers et caféiers - qui appar-
pluies. A Kribi, la Mission a visité un jardin d'enfants, tient à un autochtone. La Mission s'est enfin arrêtée à
la mission catholique, un hôpital, ainsi que la nouvelle Loum pour donner audience à la population. Par suite
mairie, où elle a donné audience à la population. Elle a des nombreux et longs arrêts qu'elle a dû faire en cours
visité le lendemain matin les installations portuaires, qui de route, elle n'est arrivée à Nkongsamba qu'après ~a
font de Kribi le deuxième port du Territoire, et s'est tombée de la nuit et elle a dû remettre au lendemam
rendue en bateau aux chutes du Lobé, qui ont l'exception- matin la visite de la ville. Au cours d'un rapide tour de
nelle particularité de tomber directement dans l'océan. la ville, elle a visité le marché, une école et un hôpital.
Avant de quitter Kribi, le groupe a encore visité une Pour mener plus rapidement les audiences, elle s'est
école nautique. Dans l'après-midi, il a rejoint l'autre divisée en deux groupes, ce qui lui a permis, avant de
groupe à la centrale hydro-électrique d'Edéa; dans la quitter Nkongsamba, de visiter le centre artisanal de

9
travail du bois et des métaux, ainsi que le collège moderne. de la population un accueil chaleureux et pittoresque.
La Mission aurait voulu passer plus de temps dans cette Avant de se rendre à Dschang, chef-lieu de la région,
localité, mais l'Autorité administrante a fait valoir le la Mission a également visité un centre d'apprentissage
grand intérêt des deux autres régions qu'elle n'avait pas et un hôpital en construction dont on a entrepris les
encore visitées. Elle s'est arrêtée plusieurs fois, le travaux grâce à des crédits du Fonds d'investissement
14 novembre, sur la longue route poussiéreuse qui con- pour le développement économique et social des terri·
duit à Foumban, et a fait un premier arrêt au poste toires d'outre-mer (FIDES). A Dschang, pendant l'après-
administratif de Mélong pour donner audience à la popu- midi, M. Dorsinville et M. Mulcahy sont restés au
lation. En arrivant dans la région Bamiléké, dont le bureau de la Mission pour donner des audiences, pen-
peuplement est très dense, elle est restée un court moment dant que M. Scheyven et M. Yang visitaient une école
à Bafang avant de continuer sur Bangangté, où elle s'est primaire de filles, la section de préapprentissage et arti-
divisée en deux groupes. Le Président et .M. Scheyven sanat rural, la SAP, qui s'occupe de travaux de cons-
ont rendu visite au chef de Bazou, pendant que M. Yang truction et d'agriculture, ainsi que la centrale électrique
et M. Mulcahy donnaient des audiences et visitaient une municipale, que dirige un Camerounais qui a fait ses
école, la station expérimentale de pisciculture (en cons- études en France.
truction) et la remarquable mission protestante française, 62. Le 17 novembre, la Mission a tenu une réunion
qui donne des cours d'hygiène et de puériculture à des de travail pour préparer son voyage au Cameroun sous
jeunes filles de l'endroit et à d'autres, venues d'aussi administration britannique et, le 18 novembre, elle a
loin que le Gabon. quitté Dschang pour se rendre dans ce Territoire sous
59. M. Yang et M. Mulcahy ont également visité tutelle, après avoir pris congé, à Babadjou, sur la fron-
l'hôpital de la mission protestante française de Bangwa, tière, du fonctionnaire français qui avait assuré la liaison
où la moyenne mensuelle des naissances atteint le chiffre avec la Mission, ainsi que de son personnel.
remarquable de 800. Les deux groupes se sont alors
rejoints et la Mission est repartie pour Foumban, où 63. La Mission avait l'intention de s'arrêter un court
elle est arrivée très tard dans la nuit. moment à Dakar pour visiter l'Université où des étu-
diants du Territoire sous tutelle viennent faire leurs
60. Le lendemain matin,. la Mission a accordé des
études. Entre Lagos et Dakar, la Mission devait changer
audiences dans le vieux palais du sultan et a visité le
d'avion à Abidjan, en Côte-d'Ivoire, mais elle a dû
musée et le centre artisanal, où le travail du bois, du
attendre dans cette ville parce qu'un épais brouillard et
cuivre et du laiton perpétue les grandes traditions de
une grève du personnel des aérodromes en France avaient
l'art bamoun, qui avait atteint un niveau très élevé.
retardé de 24 heures l'avion de Dakar. La Mission a
En fin d'après-midi, la Mission est partie pour la plaine
donc été l'hôte du Gouverneur de la Côte-d'Ivoire et
de Tikar, où elle a visité, à Magba, la scierie de M. N'Joya
elle tient à remercier M. Mesmer, gouverneur de ce
Arouna, sénateur, membre du Conseil de la République;
territoire, M. Manig1ier, le commandant du cercle de
elle a également visité le village de Matapou et le poste
de paysannat de Mantoum. Après être revenue à Foum- Grand-Bassam et les autres représentants de l'Adminis-
ban, trop tard dans la soirée pour visiter toute la ville, tration qui ont fait de cet arrêt imprévu un séjour très
la Mission s'est rendue au vieux palais pour voir des agréable. La Mission a eu le privilège de voir, à Grand-
Bassam, les canaux récemment creusés qui conduisent
danses folkloriques et des pantomimes Bamoun et assis-
ter à la projection de films sur l'éducation des masses vers l'intérieur; elle a également visité la belle ville
et la culture du café dans la plaine de Tikar. d'Abidjan et les installations portuaires que l'on y
construit actuellement.
61. Le 16 novembre, la Mission a quitté Foumban,
dans la région Bamoun, pour revenir dans la région 64. La Mission a quitté Abidjan le 10 décembre, a
Bamiléké. Peu après son départ, elle s'est arrêtée pour changé d'avion à Dakar et est arrivée à Paris le 11 dé-
visiter les exploitations maraîchères que l'administration cembre, comme prévu. Pendant son séjour à Paris, la
locale a créées à Kagnam, Koumélap et Bafolé et dont Mission s'est entretenue avec M. Teitgen, ministre de
les produits sont expédiés à Foumban. Le Président et la France d'outre-mer, et avec des fonctionnaires de son
M. Scheyven se sont arrêtés à Foumbot pour donner ministère.
audience à la population, pendant que M. Yang et 65. La Mission est partie pour Londres le 14 décembre;
M. Mulcahy se rendaient à Bafoussam où ils ont reçu elle est rentrée au Siège le 18 décembre.

CHAPITRE PREMIER

GÉNÉRALITÉS

66. Le Cameroun sous administration française a une Après les plaines chaudes et sèches du Nord, couvertes
superficie de 432.000 kilomètres carrés (166.489 milles de savanes et peuplées surtout de Foulbé musulmans
carrés) et, à la fin de 1954, sa population était évaluée et de Kirdis (animistes), la Mission est descendue, par
à 3.115.052 Africains. En 1954, les Européens étaient le haut plateau et la région montagneuse du Centre et
au nombre de 12.269, dont environ 11.500 citoyens fran- de l'Ouest, au climat relativement frais, jusqu'à la région
çais. Du point de vue géographique et ethnique, la très très boisée du Sud, chaude et humide, habitée par des
grande variété du Territoire est extrêmement intéressante. peuplades qui parlent des dialectes bantous et dont une

10
grande partie est convertie au christianisme. La Mission forestières, sont dignes d'éloges. La Mission a aussi
a été informée qu'il y avait dans le Territoire environ noté avec intérêt les essais de pisciculture qui ont lieu
1.200.000 chrétiens (700.000 catholiques romains et dans le Territoire partout où les conditions le permettent
500.000 protestants) et environ 500.000 musulmans. Dans et qui sont destinés à diversifier et à enrichir le régime
les cinq régions qui constituent le Nord-Cameroun, on alimentaire des populations. Elle tient notamment à
évalue la population à 1.224.521 habitants, dont 305.000 souligner l'importance qu'elle attache à l'effort per-
musulmans et 725.000 Kirdis. Les autres musulmans se sonnel de la population, favorisé par des institutions
trouvent pour la plupart dans la région Bamoun où telles que les secteurs de modernisation, les postes de
l'islamisme est d'introduction récente. paysannat et les sociétés africaines de prévoyance.
67. En dépit de la multiplicité des langues vernaculaires, 71. Sur le plan social, la Mission a constaté des pro-
il n'y a pas de Zingua franca. Le français est utilisé dans grès très satisfaisants et pense qu'il y a lieu de féliciter
tout le Territoire, surtout par les gens instruits. La l'Autorité administrante de tout ce qu'elle fait pour
Mission n'a rencontré que deux fonctionnaires de l'Admi- améliorer le bien-être et la santé des autochtones. Elle
nistration qui parlent des langues vernaculaires. a particulièrement remarqué les établissements médicaux
68. Du point de vue administratif, le Territoire se bien équipés mis à la disposition de la population par
divise en 19 régions, dont les 5 qui sont situées dans le l'Administration, les missions et le SDIBC à Penja,
Nord sont désignées ensemble sous le nom de Nord- ainsi que les soins et l'intérêt dont sont l'objet les enfants
Cameroun; les 14 autres constituent le Sud-Cameroun. pauvres et orphelins.
Le Haut-Commissaire a un délégué dans chacune de 72. Sur le plan de l'instruction, la Mission a été très
ces deux entités administratives. Bien que les deux zones favorablement impressionnée par le grand nombre d'éta-
soient contiguës et que l'Autorité administrante cherche blissements scolaires très bien agencés qu'elle a vus, et
à faire naître le sens de l'unité territoriale, la Mission a par le dévouement du corps enseignant qui est recruté
constaté une antipathie très nette de la part des popu- par l'Administration et par les missions; elle a surtout
lations du Nord pour celles du Sud. La question est remarqué les établissements d'enseignement technique
traitée plus amplement à la section F du chapitre II de et l'excellent équipement dont ils disposent. La Mission
ce rapport. s'est intéressée aussi à la nouvelle école normale de
69. Sur le plan politique, la Mission a été déçue Nkongsamba, dont les diplômés seront bacheliers et
d'apprendre que le Parlement français n'avait pas encore recevront la même formation que les instituteurs de la
adopté la loi, depuis longtemps promise, qui doit étendre métropole. On peut espérer que l'on pourra ainsi non
les pouvoirs de l'Assemblée territoriale et créer un conseil seulement élever le niveau professionnel des instituteurs
de gouvernement. Sur le plan de l'administration locale, autochtones, mais encore remplacer peu à peu les insti-
elle a constaté avec satisfaction les progrès accomplis tuteurs venus d'outre-mer.
touchant la création de communes mixtes rurales qui 73. La Mission voudrait toutefois faire part au Conseil
atteignent le chiffre de 58 dans 13 régions du Sud- de tutelle de ce qui, à ses yeux, paraît être une lacune dans
Cameroun, ainsi que de communes mixtes urbaines, qui l'organisation administrative; il s'agit des mutations à
sont au nombre de 13 dans la même zone. La Mission trop courts intervalles du personnel européen de l'admi-
a été informée que le projet de loi dont l'adoption aurait nistration, soit du nord vers le sud et vice versa, soit
pour effet de transformer les communes mixtes urbaines avec d'autres territoires. Ces mutations ne permettent
de Yaoundé, de Douala et de Nkongsamba en communes pas au personnel de bien connaître une langue locale
de plein exercice dont chacune aurait un conseil muni- et l'obligent à étudier constamment des problèmes locaux,
cipal élu au collège unique et un maire élu parmi les de nouvelles coutumes et de nouvelles mentalités.
membres du conseil, n'était pas encore promulgué. En 74. Il semble à la Mission que plus de stabilité du per-
ce qui concerne le Nord-Cameroun, la Mission, sans sonnel faciliterait la réalisation du programme de l'Auto-
méconnaître les difficultés que les traditions religieuses, rité administrante; elle a appris avec satisfaction la pro-
sociales et politiques opposent à l'Administration, pense mulgation d'un décret récent modifiant le statut des
néanmoins que le temps est venu de faire de vigoureux fonctionnaires quant à leurs congés: ceux-ci seraient plus
efforts en vue de moderniser et d'élargir la base des fréquents (annuels) et moins longs, ce qui aurait pour
institutions politiques locales. Les essais faits en ce qui conséquence de ne pas devoir remplacer le personnel,
concerne les conseils des lamibé * restent encore très et assurerait ainsi plus de continuité.
timides.
75. En conclusion, la Mission, tout en tenant compte
70. Sur le plan économique, les efforts entrepris pour du retard que les événements récents ont pu apporter
exploiter les ressources économiques du Territoire ont à l'évolution politique de la population, et dont les sé-
fait à la Mission une impression favorable. A cet égard, quelles ont assombri l'atmosphère pendant tout son
la centrale hydro-électrique d'Edéa, lorsqu'elle sera séjour dans le Territoire, est d'avis qu'une réorientation
achevée, devrait jouer un rôle important. L'encourage- des efforts pourrait accélérer la réalisation des objectifs
ment donné à la culture du coton et du riz, l'amélioration politiques du régime de tutelle. Quant au développement
des races d'animaux domestiques et des pâturages dans économique du Territoire et au progrès social et culturel
le Nord, ainsi que les mesures prises dans le Sud-Came- de ses populations, la Mission est heureuse de conclure,
roun pour améliorer les plantations de cacaoyer, de de tout ce qu'elle a vu, que les résultats sont satisfaisants
caféier et de bananier et pour exploiter les ressources et que les efforts de l'Autorité administrante dans ce
* Pluriel de lamido. domaine sont dignes d'éloges.

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4
CHAPITRE II

PROGRÈS POLITIQUE

A. - DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES butions judiciaires à un certain nombre de fonctionnaires


administratifs, a exprimé l'espoir qu'un plus grand
76. Les dispositions constitutionnelles en vertu des- nombre de magistrats seraient formés le plus tôt possible,
quelles le Territoire est administré en tant que territoire de manière que la séparation définitive du pouvoir admi-
associé de l'Union française étaient, lors de la visite de nistratif et du pouvoir judiciaire puisse être réalisée dans
la Mission, les mêmes que celles qui ont été exposées un proche avenir 8. .
dans les récents rapports annuels de l'Autorité adminis- 79. L'organisation judiciaire du Territoire comprend
trante, ainsi que dans le rapport de la Mission de visite deux ordres de juridictions: les juridictions de droit
de 1952 7 • Qu'il suffise de dire ici que l'Autorité adminis- coutumier et les juridictions de droit français.
trante a informé la Mission que le projet de loi prévoyant
l'élargissement des pouvoirs de l'Assemblée territoriale 80. En ce qui concerne les premières, la situation était
et la création d'un conseil de gouvernement est en cours la suivante lorsque la Mission a visité le Territoire: les
d'étude au Parlement français. Le gouvernement a tribunaux de conciliation étaient entièrement confiés aux
déposé son projet devant l'Assemblée nationale en sep- Africains; les tribunaux coutumiers étaient composés
tembre 1955, mais ce projet a fait l'objet de plusieurs d'un président et d'assesseurs, qui étaient tous africains;
propositions d'amendements qui ont retardé sa mise aux les tribunaux du premier degré étaient présidés par les
voix. Les réformes envisagées ont également été exa- chefs de subdivision, mais ces derniers sont progressive-
minées par le Conseil des ministres à Paris au mois de ment remplacés par des notables africains ayant une
novembre 1955. certaine formation juridique. Il y avait un président
africain en 1952, deux en 1954 et cinq en 1955. Les tri-
77. Le projet du gouvernement prévoit l'organisation bunaux du second degré sont encore tous présidés par
suivante: les chefs de région.
a) Un Haut-Commissaire - qui sera dépositaire des 81. En ce qui concerne les juridictions de droit fran-
pouvoirs de la République, responsable de la défense çais, tous les tribunaux sont présidés par des magistrats
du Territoire, du maintien de l'ordre public et de la de carrière. Cependant quelques justices de paix ont dû
bonne administration de la justice, et qui exercera le être laissées à des administrateurs en raison, la plupart
contrôle administratif des collectivités secondaires; du temps, d'une pénurie de personnel ou de logements.
b) Un Conseil de gouvernement - comprenant, sous Au début de 1955, il Y avait trois justices de paix dans
la présidence du Haut-Commissaire, quatre membres ce cas, mais il n'en reste plus qu'une seule à présent:
élus par l'Assemblée territoriale parmi ses membres et celle de Yagoua.
quatre membres nommés par le Haut-Commissaire en 82. La seule façon de former des Mricains aux fonc-
dehors de l'Assemblée; tions de magistrat est de leur fournir le moyen de se
c) Une Assemblée territoriale - dont la compétence préparer aux concours de recrutement. C'est pourquoi
serait élargie, et qui aurait des pouvoirs de délibération, 40 boursiers, étudiants en droit, font actuellement des
notamment en ce qui concerne le statut civil coutumier, études dans la métropole. Il existe également des cours
le plan d'équipement et de développement, le budget par correspondance pour préparer à la capacité et à la
et la fiscalité, les intérêts patrimoniaux du Territoire, licence en droit. Bien qu'un nombre relativement impor-
les travaux publics, les concessions rurales et forestières tant d'Africains aient obtenu chaque année, depuis
d'une certaine importance, la réglementation sanitaire 1953, leur licence en droit, il semble qu'il soit encore très
et sociale de l'enseignement. L'Assemblée serait obliga- difficile de recruter parmi eux des magistrats; ce n'est
toirement consultée sur les questions d'intérêt territorial pas par le fait qu'aucun candidat n'aurait réussi aux
qui n'entrent pas dans ses attributions délibératives. concours annoncés à cette fin, mais parce que, jusqu'à
d) Des conseils locaux - pouvant être créés par présent, aucun candidat africain ne s'est présenté à ces
arrêtés du Haut-Commissaire, pris en Conseil de gouver- concours. La plupart des licenciés ont décidé de préparer
nement, après avis de l'Assemblée territoriale. Ces con- le doctorat en droit, que leur bourse soit ou non renou-
seils comprendraient des conseils ruraux ayant des pou- velée, et aucun n'a encore achevé ces études. Il semble
voirs délibérants, des conseils régionaux groupant des malheureusement probable que la plupart d'entre eux
membres de plusieurs conseils ruraux et des conseils cherchent, soit à prolonger le plus longtemps possible
provinciaux consultatifs. leur séjour en France, soit à exercer une profession plus
rémunératrice.
B. - ORGANISATION JUDICIAIRE 83. A ce propos, la Mission estime que le Conseil
de tutelle pourrait inviter les Africains, étudiants en
78. A sa quinzième session, le Conseil de tutelle, droit, qui effectuent actuellement leurs études en France
notant qu'en raison d'une pénurie de personnel qualifié au moyen de bourses d'études, à comprendre la respon-
l'Administration avait continué de confier des attri- sabilité qui leur incombe en tant qu'élite de la population,
7 Voir Documents officiels du Conseil de tutelle, treizième ses- 8 Voir Documents officiels de l'Assemblée générale, dixième
sion, Supplément nO 5, par. 56 à 76. session, Supplément nO 4, p. 165.

12
et à profiter de l'occasion qui leur est offerte de servir Kribi, Mbalmayo, Edéa, Eséka et Sangmélima) auront
dans le cadre judiciaire du Territoire. La Mission espère prochainement un conseil municipal élu au collège
que l'Autorité administrante portera ces vœux du Conseil unique et complété par deux conseillers nommés par le
de tutelle à l'attention des étudiants. Haut-Commissaire. Les communes mixtes urbaines de
84. Lors de son passage à Yagoua, la Mission a reçu Garoua et Ngaoundéré restent encore sous le régime
des chefs de la région une communication dans laquelle antérieur.
ils demandaient notamment que les tribunaux admi- 88. Outre les communes mixtes urbaines, on compte
nistrent uniquement leur droit coutumier, et non pas 58 communes mixtes rurales, dont 35 ont été créées par
le droit français, dont la procédure et la pénalité leur arrêté du 7 juin 1955 et 6 par arrêté du 2 novembre 1955.
étaient étrangères et incompréhensibles. Ils se sont égale- Cinquante et une de ces communes sont constituées à
ment plaints que la procédure judiciaire selon le droit l'échelon de la subdivision, du poste administratif ou
français soit trop lente. d'une collectivité coutumière (par exemple Foumban).
85. Dans les observations qu'elle a présentées sur ce Elles sont dirigées par un maire nommé, assisté par un
point, l'Autorité administrante a signalé que le droit conseil municipal élu au collège unique avec, dans cer-
coutumier est l'émanation de nombreuses et diverses tains cas, des sièges réservés soit au commandement
coutumes (aussi nombreuses et diverses que les ethnies coutumier, soit aux citoyens de statut civil de droit
qui les pratiquent). Ces coutumes n'ont été qu'assez commun. Dans ces communes mixtes rurales, le maire
rarement codifiées, pour l'excellente raison qu'elles sont peut être choisi parmi les notables de la commune, et
en voie d'évolution. D'autre part, une étude 9 et une à Foumban, à Makak, ainsi qu'à Ngoulémakong (Ntem),
synthèse ont été faites sur l'essentiel et les principes des maires camerounais président déjà aux destinées de
directeurs de la jurisprudence établie par la Chambre leurs collectivités. La Mission a eu le plaisir de rencon-
spéciale d'homologation qui est une section de la Cour trer les maires de Foumban et de Ngoulémakong (Ntem).
d'appel. Cette juridiction remplit au Cameroun, pour Une autre commune mixte rurale est dirigée par un chef
le droit coutumier, le rôle assumé en France par la Cour de poste administratif camerounais, nommé maire en
de cassation en tant que cour souveraine. raison de sa fonction. Ces communes sont réparties sur
l'ensemble des régions du Sud-Cameroun.
89. Les sept autres communes mixtes rurales ont un
C. - ADMINISTRATION LOCALE caractère particulier. Elles sont constituées dans le pays
Bamoun, à l'échelon de la chefferie supérieure. Leur
86. A sa quinzième session, le Conseil de tutelle, rap- compétence se limite à la gestion des intérêts strictement
pelant qu'en 1952 la Mission de visite lui avait signalé locaux et leurs recettes ne comprennent que le produit
que l'Autorité administrante avait soumis au Parlement des taxes rémunératoires. Ces communes, dont six
français un projet de loi qui tendait à réorganiser les viennent d'être créées, sont présidées par le chef supé-
chefferies traditionnelles, et constatant que ce projet de rieur de la collectivité.
loi était toujours en instance devant le Parlement, a
confirmé la recommandation qu'il avait adoptée à sa 90. L'Administration prend diverses mesures pour
treizième session, selon laquelle l'Autorité administrante favoriser l'évolution de ces communes et pour permettre
devrait prendre toutes mesures utiles pour assurer la la formation d'un nombre croissant de Camerounais
démocratisation progressive des institutions tradition- aux fonctions de responsabilité communale.
nelles; il a en outre exprimé l'espoir que le projet de loi 91. A l'échelon des groupements ou des chefferies
serait adopté dans un proche avenir 10. La Mission de supérieures, des sections de commùnes sont progres-
visite a été informée que le projet de loi en question sivement organisées. Ces organismes groupent autour
n'avait pas encore été adopté. du chef les représentants traditionnels de la population,
les conseillers municipaux, les délégués aux sociétés
1. Institutions communales
africaines de prévoyance (SAP) et les personnes jouant
un rôle actif dans la vie de la collectivité (commerçants,
87. A l'heure actuelle, ces institutions comprennent dirigeants sportifs, représentants des femmes, des orga-
13 communes mixtes urbaines dirigées par un maire nisations de jeunesse, etc.). Les sections de communes
fonctionnaire nommé, assisté d'une commission muni- n'ont pas de budget, mais en renforçant le sens de l'inté-
cipale également nommée. Trois de ces communes rêt collectif elles doivent permettre aux populations
(Yaoundé, Douala et Nkongsamba) seront transformées d'améliorer leurs conditions de vie dans le cadre des
en communes de plein exercice avec conseil municipal actions entreprises tant par les conseils municipaux que
élu et maire élu par le conseil, dès l'adoption et la pro- par les SAP et les secteurs de modernisation.
mulgation de la loi qui est actuellement en deuxième 92. D'autre part, à l'échelon des villages, des comités
lecture à l'Assemblée nationale. Conformément à l'avis de village sont appelés à grouper autour du chef les
de l'Assemblée territoriale, en date du 28 octobre 1955, notables et les représentants de toutes les sections de la
huit autres communes (Bafang, Bafoussam, Ebolowa, population pour organiser la vie collective et promou-
voir l'amélioration des conditions de vie.
9 Me Soyer de Bosmelet a récemment tenté une compilation
des coutumes autochtones dans son Précis de droit coutumier. 93. Enfin, conformément à un avis de l'Assemblée
10 Voir Documents officiels de l'Assemblée générale, dixième territoriale en date du 28 octobre 1955, des adjoints aux
session, Supplément nO 4, p. 164. maires, ayant des attributions d'ordre pratique, pour-

13
ront être nommés dans les communes mixtes rurales D. - RÉGIME ÉLECTORAL
par décision du Haut-Commissaire.
99. A sa quinzième session, le Conseil de tutelle, rap-
94. Il est à signaler que l'Assemblée territoriale a
pelant que l'Autorité administrante avait donné l'assu-
examiné, à sa séance du 3 novembre 1955, une propo-
rance qu'elle avait pour objectif d'instituer dans le
sition autorisant le Haut-Commissaire à instituer, à la
Territoire le suffrage universel des adultes, a constaté
demande des conseils municipaux intéressés, des syndi-
que le nombre des électeurs inscrits dans le Territoire
cats de communes. L'institution de ces syndicats donnera
avait augmenté en 1954 et a exprimé l'espoir que l'Auto-
aux communes les moyens de mettre en commun leurs
rité administrante poursuivrait ses efforts pour instituer
ressources financières, parfois limitées, en vue de réaliser
dans un avenir prochain le suffrage universel des
des travaux publics dépassant les capacités de chacune adultes 11.
d'elles. La Mission a assisté à une partie de la discussion
à laquelle ce projet a donné lieu à l'Assemblée territoriale. 100. A l'heure actuelle, en ce qui concerne le suffrage
universel, la Mission a été informée qu'un projet de loi
95. Au cours de ses déplacements dans le Cameroun représentant la dernière étape - le suffrage universel -
méridional, la Mission a reçu plusieurs demandes de avait été adopté le 18 novembre 1955 en première lec-
chefs supérieurs qui la priaient d'intervenir auprès de ture par l'Assemblée nationale. La procédure parlemen-
l'Autorité administrante afin que le prestige dont ils taire française exige qu'il soit discuté et voté par le
jouissent parmi la population soit sauvegardé. Dans les Conseil de la République et éventuellement réexaminé
observations qu'elle a fournies au sujet de ces demandes, par l'Assemblée nationale.
l'Autorité administrante a déclaré que la situation des
chefs constitue, à l'heure actuelle, l'une des préoccupa- 101. En attendant, le collège électoral est passé en
tions majeures des autorités gouvernementales et terri- six ans de 50.000 à 750.000 électeurs en 1955, soit le
toriales. Il est, en effet, certain que la chefferie, qui quart de la population totale du Territoire.
constitue la transition indispensable entre le passé et 102. La Mission croit que le Conseil de tutelle fera
l'avenir de l'Afrique et qui réalise pratiquement en elle preuve de la même satisfaction qu'elle-même des mesures
la synthèse des idées traditionnelles et des réformes prises jusqu'à présent par l'Autorité administrante pour
modernes, mérite au plus haut point d'être encouragée élargir dans le Territoire la base de l'électorat.
et soutenue par l'Administration. Or il est bien exact 103. A sa quinzième session également, le Conseil,
que la situation des chefs ne se trouve pas toujours rappelant ses précédentes recommandations concernant
concorder avec leurs mérites, ni avec les fonctions qu'ils l'abolition du système du double collège électoral, a
occupent, ni surtout avec les charges souvent importantes recommandé à l'Autorité administrante de constituer
que leurs attributions leur imposent. Pour remédier à dans le Territoire, si possible avant les prochaines élec-
cette situation, le Haut-Commissaire a proposé à l'Assem- tions, un collège électoral unique, sans accorder de pri-
blée territoriale, seule compétente en matière budgétaire, vilèges électoraux spéciaux à aucun groupe particulier
un relèvement substantiel des diverses rémunérations de la population 12.
qui sanctionnent l'éminente dignité des chefs et de leurs
fonctions et compensent les charges de plus en plus 104. La Mission comprend que le système de double
lourdes qu'ils supportent. La vie matérielle des chefs collège électoral pour les élections à l'Assemblée terri-
a ainsi été améliorée dans de notables proportions et toriale est maintenu en vigueur; cependant elle a appris
elle le sera encore en 1956. qu'un projet de loi (nO 11.801) portant institution du
collège unique pour les élections législatives dans les
territoires d'outre-mer avait été adopté par l'Assemblée
2. Chefferies traditionnelles dans le Nord-Cameroun nationale en première lecture le 18 novembre 1955.
L'article 7 de ce projet de loi stipule:
96. Dans les cinq régions du Nord, l'évolution de
l'administration locale diffère beaucoup de celle que «Les représentants à l'Assemblée nationale des dif-
l'on constate dans le Sud. Selon l'Autorité administrante, férents territoires relevant du Ministère de la France
il serait prématuré de les doter de communes, surtout d'outre-mer sont élus au collège unique et au suffrage
de communes à conseils municipaux élus. universel direct et égal pour tous... »
97. L'Administration s'est efforcée d'encourager les 105. En outre, une loi du 18 novembre 1955 régle-
lamibé et sultans à élargir leurs conseils traditionnels mentant le régime municipal dans les territoire d'outre-
en y incluant, d'une part, des représentants des popu- mer, au Togo et au Cameroun prévoit que les élections
lations qui se trouvent sur leur suzeraineté et, d'autre municipales pour les communes de plein et de moyen
part, des représentants des intérêts non traditionnels exercice se font au collège unique. L'arrêté du Haut-
(commerce, transport, jeunesse, hygiène, sports, etc.). Commissaire créant des communes mixtes rurales pré-
Cette mesure a reçu un accueil favorable parmi ces voit des élections municipales au collège unique. Enfin,
populations et il est permis d'espérer qu'elle provoquera un arrêté du Haut-Commissaire en date du 12 novembre
une évolution plus rapide. 1955, modifiant le régime municipal des communes
98. Au cours de ses déplacements dans le Nord, la mixtes urbaines du sud et instituant dans ces communes
Mission a pu entrer en contact avec plusieurs de ces un conseil municipal élu (plus deux conseillers nommés),
conseils traditionnels de lamibé à représentation élargie; prévoit que les élections se font au collège unique.
elle n'a malheureusement pas eu le temps ni l'occasion 11 Ibid., p. 165.
d'observer leur fonctionnement. 12 Ibid.

14
E. - PARTICIPATION DES AUTOCHTONES 112. Si l'on se reporte à quelque 70 ans, c'est-à-dire
À L'ADMINISTRATION à l'époque où se découpaient sous l'action européenne
plusieurs des territoires actuels de l'Afrique occidentale,
106. Au sujet de la recommandation du Conseil de on note que les différentes sociétés africaines d'autoch-
tutelle visant à ce qu'un plus grand nombre de Came- tones ou d'envahisseurs s'étaient disposées sur le plan
rounais soient appelés aux postes administratifs du Ter- géographique dans un sens très généralement est-ouest,
ritoire dans les cadres supérieurs, la Mission a appris chacune de ces sociétés occupant une région bien carac-
que, de 1952 à 1954, l'effectif des fonctionnaires afri- térisée, fort différente des autres. Au nord vivaient des
cains dans les postes supérieurs et moyens a progressé sociétés d'origine soudanaise, tendant à se diriger vers
de la façon suivante: le sud à la recherche de terres nouvelles et de pâturages
Africains Total' meilleurs. Au sud s'étaient installées au cours des siècles
1952 1954 1954
des sociétés bantoues qui, elles, avaient tendance à se
Cadres généraux ........ 73 108 1.471 diriger vers le nord-ouest. Ni l'origine, ni la langue, ni
Cadres supérieurs A ..... 133 131 240
la religion, ni l'intérêt immédiat, rien n'unissait ces
Cadres supérieurs B ..... 1.416 1.687 1.754
voisins que des razzias provoquées de part et d'autre
• Ces chiffres comprennent les fonctionnaires africains aussi avaient transformés en ennemis.
bien que les fonctionnaires européens.
113. L'occupation européenne, à ses débuts, allait
avoir pour première conséquence de mettre fin à ces
107. Les cadres généraux comprennent les fonction- luttes intertribales, sans pour cela faire naître chez ces
naires supérieurs, et les cadres supérieurs A et Bles ennemis d'autrefois des sentiments d'amitié bien pro-
fonctionnaires dont les attributions sont moins impor-
fonds. Cependant, la paix régnant, les routes et les mar-
tantes. chés firent apparaître, en même temps que l'essor écono-
108. Au cours de son voyage, la Mission a eu le plai- mique, l'utile interdépendance de ces régions si diffé-
sir de rencontrer un grand nombre de fonctionnaires rentes; si les rancunes et la méfiance demeuraient toujours,
africains, et elle estime qu'il convient d'en féliciter autant du moins n'étaient-elles pas seules à caractériser les rap-
l'Autorité administrante que les fonctionnaires dont le ports entre les ethnies.
savoir et la compétence sont les meilleurs garants de
l'avenir. 114. Baignée par l'Océan, voie d'accès principale, la
région méridionale fut la première à bénéficier des bien-
109. L'effectif total du personnel de l'administration faits de la civilisation, c'est là que l'Administration fut
du Territoire, y compris les journaliers, était en 1954 la mieux assise et que les missions s'installèrent en
de 19.113 fonctionnaires, dont 87 pour 100 de Camerou- premier lieu. Les populations du Sud s'intéressèrent
nais. A titre d'exemple, le pourcentage des fonction- d'ailleurs bien vite aux écoles, tandis que dans le Nord
naires africains était de 88 pour 100 dans les services les écoles, bien que rares, demeuraient vides.
postaux, 80 pour 100 dans les écoles du premier degré
et 70 pour 100 dans les établissements médicaux. 115. Cependant l'extension des services de l'enseigne-
ment, la création d'hôpitaux et de dispensaires, l'établis-
110. La Mission a entendu les plaintes des représen- sement de sociétés commerciales, etc., dans le Nord,
tants de la communauté des fonctionnaires de Doumé, nécessitèrent la présence d'Africains venus du Sud, édu-
selon lesquelles des pratiques discriminatoires avaient eu qués et formés, capables de seconder l'action européenne
lieu à leur égard, en ce qui concerne leurs salaires et entreprise. Il semble bien que ces éléments aient été
leurs conditions de service, par comparaison avec les accueillis sans difficulté, vivant entre eux dans des quar-
fonctionnaires européens. La Mission suggère que l'Auto- tiers distincts et ne se mêlant guère dans le privé aux
rité administrante examine soigneusement ces plaintes, habitants de l'endroit. Leur présence ne semble pas
de sorte que si elles existent toute pratique discrimina- avoir excité de jalousie ou de méfiance de la part des
toire soit éliminée et les conditions de travail améliorées. autorités traditionnelles ni de la population, jusqu'à ces
Entre-temps, elle exprime sa confiance que les fonction- derniers temps au moins.
naires africains continueront à rendre de loyaux services
à l'Administration. 116. Mais la propagande maladroite et agressive des
membres de l'UPC et de ses filiales, de même que les
troubles de mai 1955, vont porter un coup sensible à
F. - RELATIONS ENTRE CAMEROUN SEPTENTRIONAL cette union naissante entre le Nord et le Sud. Parmi
ET CAMEROUN MÉRIDIONAL les éléments lettrés originaires du Sud et résidant dans
le Nord se trouvent des membres de l'UPC; ceux-ci
111. Au cours de ses déplacements dans le Cameroun
tentent de propager une doctrine fortement inspirée du
septentrional, la Mission a entendu maints propos et communisme, qui heurte les concepts traditionnels et
noté des attitudes qui lui ont donné l'impression, comme
religieux des populations. Un sentiment d'hostilité se
elle l'a écrit plus haut, qu'il existait une hostilité très
nette de la part des Camerounais du Nord envers ceux réveille.
du Sud. Comme il s'agit là d'un des problèmes essentiels 117. Les incidents de mai 1955 vont accentuer davan-
de l'avenir politique du Cameroun sous administration tage ce sentiment, mais chose plus grave, en s'accentuant
française, la Mission a estimé qu'il n'était pas superflu il va s'étendre à toute la population du Sud à un point
de consacrer un chapitre spécial de son rapport à l'étude tel que si l'unité camerounaise n'est pas compromise on
de cette question. peut dire qu'elle est au moins en danger.

15
118. C'est qu'en effet, dans le Nord, la Mission entend tionnaires de toute origine à l'intérieur de l'administra-
à Fort-Foureau, à Yagoua et ailleurs que les populations tion du Territoire; la scolarisation du Nord qui doit
tendent à demander leur réunion au territoire du Tchad permettre à celui-ci de rattraper le retard qu'il a sur le
plutôt que d'être unies aux « gens du Sud» dans un Cameroun méridional dans la formation d'élites intellec-
Cameroun indépendant: l'UPC avait en effet annoncé tuelles; l'introduction au Cameroun septentrional de
que la Mission de visite venait apporter l'indépendance cultures plus rémunératrices telles que le riz et le coton.
aux Camerounais, que l'UPC représentait le Cameroun. De l'avis de l'Autorité administrante, la multiplication
Plus bas on parle de réunion à l'Oubangui et plus bas systématique des contacts entre toutes les populations
encore au Gabon. du Territoire, l'élévation du niveau de vie et le déve-
119. Si l'on peut comprendre cette confusion de l'UPC loppement de l'instruction dans le Nord sont les facteurs
et des « gens du Sud », elle n'en est pas moins déplorable sur lesquels il faudra jouer pour diminuer progressive-
et la plupart des fonctionnaires du Sud méritent un ment l'incompréhension du Sud par le Nord.
jugement plus équitable.
120. La Mission entendra dans le Nord demander G. - EVÉNEMENTS DE MAI 1955
plus d'écoles, yerra que celles qui existent sont assi-
dûment fréquentées et les notables lui déclareront qu'ils 127. Les émeutes de mai et leurs suites ont été cons-
ne veulent plus des « gens du Sud» et que leurs enfants tamment rappelées à l'esprit de la Mission pendant son
doivent être instruits afin qu'aucun fonctionnaire du Sud séjour dans le Territoire. Certains faits et certaines situa-
ne serve plus dans le Nord. tions mentionnés plus haut peuvent donner une idée de
121. Il faut admettre que la vieille hostilité du Nord l'atmosphère dans laquelle la Mission a dO s'acquitter
à l'égard des « gens du Sud» doit avoir été, dans le de sa tâche.
passé, profondément ancrée, pour qu'un sentiment pareil 128. La Mission n'a pas été en mesure de faire une
ait été ravivé en si peu de temps. D'autre part, la Mission enquête complète sur ces événements, car, parmi ceux
n'a constaté aucune hostilité parmi les populations du qui y ont pris part, plusieurs étaient l'objet de poursuites
Sud à l'égard des nombreuses communautés musulmanes judiciaires, d'autres étaient en fuite, et enfin le parti le
qui y résident. plus directement intéressé avait été dissous. A Yaoundé,
122. Les « gens du Sud» ne sont d'ailleurs pas les un représentant de l'Administration a exposé à la Mis-
seuls à avoir été l'objet de regrettables confusions: à sion 13 l'organisation et les méthodes des instigateurs des
deux reprises la Mission de visite a été invitée à quitter émeutes, savoir les membres des trois organisations poli-
le Territoire parce que les populations et leurs repré- tiques dissoutes par décret du Gouvernement français
sentants reprochent à l'Organisation des Nations Unies en date du 13 juillet 1955. L'Autorité administrante a
le fait que, même après la dissolution de leur parti, les également communiqué à la Mission un compte rendu
dirigeants de l'UPC ont été admis à être entendus par chron910gique des divers incidents survenus à l'époque
la Quatrième Commission. dans le sud du Territoire. Enfin, à Douala, la Mission
a pu voir un album contenant des photographies des
123. Cette faveur leur avait été accordée depuis plu-
armes utilisées par les émeutiers et de quelques actes
sieurs années malgré les très nombreuses protestations
commis par eux. La Mission ne peut que condamner de
de la population du Cameroun. Sans porter de jugement
la façon la plus catégorique les méthodes employées et
ni émettre de critique, la Mission estime que ces déci-
les crimes commis par les émeutiers.
sions de la Quatrième Commission ne sont pas étrangères,
elles non plus, à l'animosité que nourrissent les «gens 129. La Mission a été informée qu'à l'occasion des
du Nord» à l'égard des « gens du Sud». répressions qui ont eu lieu, des excès ont été commis
dans la région Bamiléké, notamment par les bandes
124. Il Y a lieu de ranimer le souffle de conscience
armées sous la conduite des chefs autochtones qui assou-
nationale qui commençait à se faire sentir au Cameroun
sous administration française. vissaient des vengeances personnelles. Des pétitionnaires
se sont plaints d'avoir été sans raison molestés, d'avoir
125. La Mission estime que la dissolution de l'UPC vu leur maison détruite et leurs biens saccagés. Si les
et de ses filiales, commandée par les circonstances exposées faits rapportés sont exacts, la Mission les déplore égale-
par l'Autorité administrante, ne constitue qu'une de ces ment.
mesures radicales que tout gouvernement peut être amené
à prendre en vue de faire face à des crises politiques 130. La Mission espère qu'après le châtiment des
violentes. Elle ne peut être considérée comme la solu- coupables, le pays reprendra une atmosphère de sérénité
tion définitive des problèmes que le Territoire connaît. et qu'avec la coopération de chacun le Cameroun conti-
La Mission aime à croire que l'Autorité administrante nuera dans la voie du progrès, sans que des troubles
mettra vigoureusement en œuvre le programme qu'eUe semblables se répètent. La Mission n'a pas hésité, dans
a esquissé dans les réponses aux questions que la Mis- les entretiens qu'elle a eus avec les représentants des
sion lui avait posées. groupes et des partis, à suggérer à ceux-ci d'user de
compréhension et de tolérance à l'égard de ceux qui
126. L'Autorité administrante a en effet cité les avaient été abusés par une propagande mensongère
mesures qu'elle avait prises pour mettre en œuvre une effrénée. La Mission a été heureuse de rencontrer cette
politique positive: la participation de délégués de tout compréhension chez ses interlocuteurs, qui, cependant,
le Territoire à des assemblées délibérant des intérêts n'approuvaient pas les activités subversives des organi-
communs, telles que l'Assemblée territoriale et la
Chambre de commerce; le travail en commun de fonc- 13 Pour un résumé de cet exposé, voir l'annexe V.

16

\
sations dissoutes, mais qui ont déclaré qu'ils étaient un moyen important de se rendre compte des aspirations,
prêts à réintégrer dans la communauté leurs compatriotes requêtes et doléances de la population du Territoire
égarés. qu'elle visite. Leur valeur est augmentée par la liberté
131. La Mission a été officiellement informée que dans laquelle se déroulent les audiences et par la qualité
722 personnes avaient été inculpées à l'occasion des du contenu des communications.
émeutes. Lors du passage de la Mission, ces personnes 139. Malheureusement, la Mission de visite a trouvé
se répartissaient de la façon suivante: 140, dont 75 ont au Cameroun sous administration française une atmos-
fait appel, avaient été prises en flagrant délit et con- phère assez tendue. Tant le représentant du Ministre
damnées à des peines de prison; 40 avaient été acquittées; de la France d'outre-mer à Paris que le Haut-Commis-
30 avaient fait l'objet d'un non-lieu; 80 étaient en liberté saire au Territoire ont déclaré à la Mission que les
provisoire; 357 étaient en état de détention préventive; Camerounais considéraient le vote de la Quatrième Com-
75 étaient en fuite. mission (audience de pétitionnaires de l'UPe) comme
132. Les victimes des événements de mai 1955 se une condamnation de la politique française et, notam-
comptent, d'après les renseignements communiqués par ment, du décret de dissolution de l'UPC et de ses filiales.
l'Autorité administrante, comme suit: forces de l'ordre: Depuis des années, un grand nombre de Camerounais
1 tué, 62 blessés (Africains); population civile: 4 tués et même l'Assemblée territoriale ont protesté contre les
(dont 2 Africains), 13 blessés (dont 2 Africains); mani- audiences de ces pétitionnaires qui affirmaient parler au
festants: 21 tués (Africains), 114 blessés (Africains). nom du Cameroun.
140. La décision de la Quatrième Commission en 1955,
H. - QUESTION DE L'UNIFICATION DU CAMEROUN SOUS
prise après la dissolution de ces organisations, avait
ADMINISTRATION FRANÇAISE ET DU CAMEROUN
consterné la population du Cameroun. De plus, malheu-
SOUS ADMINISTRATION BRITANNIQUE
reusement, les débordements de l'UPC ont réveillé dans
le Nord l'ancienne hostilité à l'égard des gens du Sud,
133. La Mission a entendu peu de demandes en faveur confondus trop légèrement avec les membres de l'UPe.
d'une telle unification et aucun des partisans de cette 141. La Mission de visite, bien qu'étant totalement
idée ne semblait avoir de programmes concrets en vue étrangère au vote de la Quatrième Commission, ne fai-
de réaliser cette unification. Cela était peut-être dû, en sait pas moins partie, aux yeux des Camerounais, de
partie, au fait que cette unification n'est pas fortement l'Organisation des Nations Unies au même titre que la
souhaitée pour le moment ou, en partie, au fait que le Quatrième Commission et se trouvait ainsi associée à
mot d'ordre des trois organisations politiques dissoutes ce vote.
était «L'unification et l'indépendance ». 142. Cela valut à la Mission une certaine méfiance,
134. La Mission estime qu'il n'y a pas lieu de tenir au début de son séjour tout au moins. Le communiqué
compte du fait qu'elle a reçu des centaines de feuilles de la Mission aurait dû suffire à apaiser les esprits, mais
de papier, dont beaucoup n'étaient pas signées ou por- malheureusement, une fois de plus, un tract répandu
taient des signatures illisibles, qui contenaient simple- par les partisans de l'UPC vint rejeter le trouble dans
ment le slogan «Unification et indépendance », et qui, les esprits.
dans la plupart des cas, s'accompagnaient d'accusations 143. Ce tract, reproduit en partie à l'annexe III du
dirigées contre l'Autorité administrante ou certains hauts présent rapport, relate - fort mensongèrement d'ailleurs
fonctionnaires. En général, des liasses de ces prétendues - que la Mission, à sa descente d'avion à Yaoundé,
communications étaient remises à la Mission par une avait reçu 5.000 pétitions de délégations politiques et
seule personne. syndicales « représentant le Cameroun» (à savoir l'UPC,
135. De la même manière, la Mission a reçu des la JDC camerounaise, le Syndicat des petits commerçants,
centaines de feuilles de papier qui portaient simplement artisans et transporteurs du Cameroun) que le Président
les mots «Nous voulons que les Français restent au de la Mission avait reçues « le sourire aux lèvres ».
Cameroun », ou une phrase plus développée précisant 144. Ainsi donc, les Camerounais nourrissaient à
que les signataires désiraient que le Territoire reste dans l'égard des organisations politiques dissoutes un vif sen-
l'Union française. timent d'hostilité et, à l'égard de la Mission de visite,
136. Ces deux sortes de communications n'ont été émanation de l'Organisation des Nations Unies, un sen-
remises à la Mission que dans le Cameroun méridional. timent de méfiance que seule l'attitude de la Mission
elle-même a pu vaincre.
I. - AUDIENCES ET COMMUNICATIONS 145. L'attitude de la Mission est exposée dans un
communiqué publié par celle-ci au début de sa tournée
137. Des visites aux diverses institutions politiques, dans le Territoire, à Fort-Foureau.
centres agricoles et d'élevage, fermes, centres d'habitat 146. Cependant, peu après, à Ngaoundéré, le repré-
et travaux publics de toutes sortes, centres médicaux et sentant du Haut-Commissaire a remis au Président de
institutions éducatives, permettent à une Mission de la Mission une note verbale dont l'objet était d'avertir
visite de se rendre compte, dans une large mesure, des la Mission d'une tension croissante dans le Territoire,
progrès d'un territoire dans les domaines politique, éco- due, d'une part, à ce qu'une partie de la population
nomique, social et de l'éducation. s'était méprise sur la procédure appliquée par la Mission
138. Les audiences qu'elle accorde et les communi- aux audiences et, d'autre part, à la propagande effrénée
cations qu'elle reçoit sont également pour une Mission des membres de l'UPC dissoute.

17
147. Au nom de la Mission, le Président fit des réserves sont absolument identiques et sont évidemment le résul-
formelles quant au contenu de ladite note verbale. tat de campagnes systématiques organisées par des partis
148. Après que le représentant du Haut-Commissaire politiques locaux, tant légaux que dissous. Le nombre
se fut retiré, la Mission convint qu'elle n'avait aucune et le volume de ces communications avaient pour but
raison de modifier son attitude en ce qui concernait d'impressionner la Mission par la force de ces partis et
l'octroi des audiences. le large appui dont ils jouissaient.
149. La Mission reconnaît qu'il y avait un point délicat 154. Il est probable que, parmi des dizaines de milliers
de procédure qui risquait de placer le secrétariat de la de communications sans importance reçues de cette
Mission dans une situation compromettante. manière, il puisse y en avoir quelques-unes d'importance
suffisante pour retenir l'attention de la Mission et d'autres
150. La question de procédure était qu'un membre dont la nature justifierait la qualification de pétition. La
du secrétariat avait reçu de la Mission des instructions Mission se rend bien compte que la situation dans laquelle
conformément auxquelles il devait demander aux péti- elle se trouve n'est pas sans précédents; elle ne l'en
tionnaires éventuels ainsi qu'aux personnes demandant regrette pas moins. La Mission n'a pas de solution à
audience, avant qu'ils ne paraissent devant la Mission, proposer, sinon celle évidente quoique fort dispendieuse,
qui ils étaient et qui ils représentaient; il devait égale- de fournir à la Mission du personnel surnuméraire pour
ment recevoir d'eux toutes communications écrites qu'ils accomplir cette tâche énorme. Etant donné que les pro-
voudraient bien remettre aux fins de lecture préalable. cédures existantes se sont révélées inefficaces en l'occur-
Le communiqué de la Mission avait déclaré que celle-ci rence, la Mission recommande que le Conseil de tutelle
accorderait des audiences à tout individu exprimant ses examine l'urgente nécessité de résoudre cette difficulté
opinions personnelles. Dans le Nord-Cameroun, surtout, qui croît sans cesse.
les gens du Sud étaient considérés par les gens du Nord
comme appartenant à l'UPC; un homme du Sud pou- J. - PROBLÈMES FRONTALIERS
vait certainement se présenter devant la Mission pour
lui parler à titre purement personnel, mais aux yeux 155. Peu de plaintes sérieuses concernant des diffi-
des gens du Nord il semblait ainsi que la Mission accor- cultés dues aux frontières du Territoire ont été portées
dait une audience à un membre de l'ope. devant la Mission. Il est fait abstraction, à cet égard,
151. La Mission certes a été heureuse d'avoir pu des expressions de mécontentement dues au fait que
entendre les porte-parole de bien des groupes représen- telle ou telle tribu se trouve divisée par une frontière,
tatifs et de faire la connaissance de leurs chefs. Des qu'il s'agisse de celle qui sépare les deux Territoires
membres de la Mission ont cependant eu l'impression sous tutelle du Cameroun ou de celle qui sépare le Terri-
qu'il y en avait d'autres qu'ils n'ont pas pu entendre. toire de l'Afrique-Equatoriale française.
A la suite de conversations particulières, il leur a paru 156. En général, on peut dire que les problèmes fron-
que beaucoup de personnes, ne sympathisant en rien taliers sont pour la population intéressée un simple
avec les buts et méthodes employés par les organisations désagrément qui affecte la liberté des relations, tant
politiques dissoutes, estimaient peu sage d'exprimer leurs personnelles que commerciales, entre les populations éta-
opinions publiquement devant la Mission, étant donné blies de part et d'autre de la frontière. Cette gêne est
l'atmosphère qui régnait dans le Territoire. particulièrement sensible lorsqu'il s'agit des membres
152. En ce qui concerne les communications écrites, d'une même tribu. Cette question a été évoquée dans
la Mission a relevé plus haut dans le présent rapport la section F ci-dessus.
que, tant dans le Territoire qu'après son retour à New- 157. A Fort-Foureau, la Mission a reçu une commu-
York, elle a reçu un nombre très grand de documents nication dont les auteurs réclamaient, notamment, la
concernant le Cameroun sous administration française. construction d'un aérodrome à Fort-Foureau qui per-
Le tout a été évalué à « quelque 40.000 ». Par suite de mettrait aux passagers et aux marchandises de prendre
manque de temps et de personnel, la Mission n'a même l'avion sans avoir à franchir la frontière pour gagner
pas pu les compter, et encore moins les lire. En rédigeant l'aérodrome voisin de Fort-Lamy, en Afrique-Equato-
le présent rapport et en formulant ses conclusions quant riale française. La communication demandait également
aux conditions dans le Territoire, la Mission a évidem- que l'échange de marchandises entre le Territoire et
ment tenu compte du contenu de nombre de ces com- l'Mrique-Equatoriale française soit entièrement libre.
munications, surtout celles qui reflètent l'opinion d'orga- 158. Dans les observations qu'elle a présentées au
nisations et d'individus que la Mission a pu rencontrer sujet de cette dernière demande, l'Autorité adminis-
personnellement. trante a indiqué qu'un nouvel arrangement concernant
153. Un échantillonnage du restant des communica- le trafic frontalier entre ces deux territoires avait été
tions montre que presque toutes appartiennent à deux signé le 15 février 1955. Il prévoit des facilités supplé-
catégories: d'une part, celles qui réclament l'indépen- mentaires concernant le commerce entre les deux terri-
dance immédiate du Cameroun sous administration fran- toires. Un certain nombre de denrées, principalement
çaise et l'unification des deux Camerouns, et d'autre alimentaires et dont les autochtones font une grande
part, celles qui affichent leur loyauté à l'Autorité adminis- consommation, sont désormais admises en franchise à
trante et leur satisfaction de la politique que celle-ci l'exportation et à l'importation, jusqu'à une valeur de
poursuit. Près de 90 pour 100 de ces communications ont 5.000 francs CFA 14 par personne et par passage.
été reçues en liasses allant de quelques douzaines à plu- 14 Le dollar des Etats-Unis vaut approximativement 175 francs
sieurs centaines de documents. Il y en a des milliers qui CFA.

18

\
CHAPITRE III

PROGRÈS ÉCONOMIQUE

A. - GÉNÉRALITÉS Territoire, savoir des ports, des routes, des chemins de


fer et des aérodromes. Dans le cadre du deuxième plan
159. Le Territoire semble bien pourvu de richesses on s , ellorce
Ir
surtout d' augmenter la production. '
naturelles végétales et animales, et la Mission a noté
,165. Au cour~ de son voyage, la Mission a pu observer
ayec satisfaction les efforts entrepris par l'Autorité admi- 1. œuvre accomplie au moyen des capitaux obtenus au
mstr~nte et la population en vue de les développer malgré
tItre du plan. Les montants effectivement investis com-
les dIfficultés présentées par le climat et le terrain. D'autres muniqués à la Mission par l'Autorité administrante
fac~eurs principaux qui s'opposent à un progrès plus
sont résumés ci-après : '
rapIde dans ce domaine sont la faiblesse relative de la Premier plan
densité de la population et l'absence de gisements miné- quadriennal
(30/4/46
Deuxième plan
(1/7/53
r~ux connus. On peut juger de la densité de la popula- à 30/6/53) à 30/6/55)
tI~n pa~ u~e comparaison avec la Nigéria, qui n'est pas (Milliards de francs CFA)
a) CCFOM&:
tres e.lOlgnee du Cameroun sous administration française
et qUI, avec une superficie à peine double de ce territoire Prêts aux collectivités ou organismes
(339.~69 mil~es carrés, contre 166.489), a une population publics . 0,7 2,1
10 fOlS plus Importante, soit 31.200.000 habitants (recen- Concours financiers aux sociétés
d'Etat ou d'économie mixte . 3,2 3,2
sement de 1953), contre 3.100.000 habitants.
Concours financiers aux entreprises
160. Pour ce qui est de la production de denrées ali- privées . 3,3 3,6
mentaires, le Territoire se suffit à lui-même mais une
diversification de ces denrées et une améli~ration du
b) FIDES b:

régime alimentaire des autochtones sont nécessaires. A Dépenses sociales . 1,9 0,9
Transports et communications . 14,3 2,6
cet égard, il convient de féliciter vivement l'Administra- 2,2 1,8
Développement de la production .
tion des mesures qu'elle a prises pour augmenter l'apport
en protéines dans ce régime par une consommation 25,6 14,2
accrue .de. poisson et de viande, grâce au développement
de la pIscIculture et à la conservation de la viande fournie • Caisse centrale de la France d'outre-mer.
par le cheptel local. b Fonds d'investissement pour le développement économique
et social des territoires d'outre-mer.
!6!. En ce ,qui conc~rne !es cultures de rapport, la
MISSIOn a note avec satIsfactIOn que l'on se préoccupait Montant total des capitaux investis du
non seulement d'améliorer les méthodes actuelles de 30 avril 1946 au 30 juin 1955:
Milliards
culture du cacao, du café et des bananes dans le Sud- de francs CFA
Cameroun, mais aussi de relever le niveau de la vie écono- CCFOM 16,1
mique du Nord en introduisant la culture en grand du FIDES............................ 23,7
coton et du riz et en aménageant des abattoirs et des
installations de réfrigération modernes. 39,8
162. Le progrès des industries est également notable.
166. On ne dispose malheureusement pas de chiffres
En particulier, la centrale hydro-électrique d'Edéa en voie
relatifs aux investissements privés. L'Autorité adminis-
d'achèvement et l'usine d'aluminium dont les bâtiments
trante estime cependant que leur total, jusqu'à la fin du
s'élèvent dans le voisinage joueront vraisemblablement
premier plan quadriennal, était à peu près égal à celui
un rôle fondamental. Le grand nombre de scieries
des investissements du FIDES et que cette proportion
d'ateliers de réparation, de petites fabriques de tou~
genres à la direction desquels participent un nombre s'est maintenue par la suite.
toujours croissant de Camerounais, témoignent égale- 167. A sa quinzième session, le Conseil de tutelle a
ment d'une activité industrielle accrue. exprimé l'espoir que l'Autorité administrante assurerait
la participation pleine et entière des autochtones à l'exécu-
163. Enfin, et ce n'est pas là le point le moins impor- tion du plan de développement ainsi qu'à toute autre
tant, les sommes considérables qui sont investies dans entreprise intéressant la vie économique du Territoire 15.
le T~rri~oire, tant par l'Autorité administrante que par les
part~c~l~e~s, ,attesteIl;t la confiance que leur inspirent les . 1~8. La Mission a consta~é que les autochtones parti-
pOSSIbilItes economiques de celui-ci. CIpaIent de plus en plus au developpement de la vie écono-
mique du Territoire, principalement par une action dite
164. Pour ce qui est des investissements de l'Autorité de « petit équipement rural », qui consiste à mettre en
administrante, ils sont effectués en coordination avec le œuvre un certain nombre de travaux de caractère à la
p!a~ de développement économique et social qui se sub-
fois économique et social qui contribuent tous à élever
dIVIse en deux plans quadriennaux. D'une manière le niveau et les conditions de vie des populations. Le
génér~le,. le premier (30 avril 1946 au 30 juin 1953) a
eu pnncipaiement pour but l'amélioration et la création 15 Voir Documents officiels de l'Assemblée générale, dixième
d'installations essentielles au futur développement du session, Supplément na 4, p. 167.

19
5
domaine d'application de cette formule est principale- librement exercés dans les seules limites prévues par la
ment l'agriculture (irrigation, drainage, conservation des loi, les règlements et l'utilité publique dûment déclarée.
sols construction de silos à grain et à fourrage, étangs c) Possibilité pour les détenteurs de droits coutumiers
de pisciculture, magasins et entrepôts, marchés, pistes de individuels comportant emprise permanente sur le sol et
collecte, pistes à bétail, aménagement de points d'eau, mise en valeur régulière, après une procédure de simple
forage de puits, aires de séchage et ateliers de prépara- constatation de ces droits et sous réserve de l'autorisation
tion de produits). Ces travaux sont effectués par les administrative imposée par l'article 7 de l'Accord de
sociétés africaines de prévoyance et les communes mixtes tutelle: a) soit d'en disposer librement, notamment en
rurales et leur financement en est assuré en partie par les hypothéquant; b) soit de les transformer en droit de
ces institutions et en partie par l'Autorité administrante, propriété définitive par l'immatriculation.
dont la contribution est prise en charge à parts égales
par le FIDES et par le Territoire. Depuis le début, d) Aménagement du régime des concessions de telle
150 millions de francs CFA, dont la moitié représente sorte qu'il n'en puisse être octroyé qu'après renoncia-
la contribution volontaire des collectivités indigènes, ont tion volontaire à leurs droits des détenteurs coutumiers
été investis au titre du petit équipement rural. en faveur des demandeurs de concessions, sous réserve
de l'autorisation administrative préalable, comme dans le
cas précédent.
B. - RÉGIME FONCIER
e) Aménagement d'une procédure permettant d'établir,
169. La Mission de visite de 1952 avait été informée par secteurs successifs, le cadastre des communes et autres
que l'Autorité administrante avait décidé de reprendre centres urbains.
la législation domaniale sur une base nouvelle et qu'un f) Aménagement de la procédure d'expropriation pour
projet de loi à cet effet était en préparation 16. cause d'utilité publique en vue de son extension aux
170. A sa treizième session, le Conseil de tutelle, tenant immeubles de statut coutumier.
compte des déclarations du représentant spécial de
l'Autorité administrante, qui avait expliqué que les pro- 173. Les textes d'application de ce nouveau régime
cédures de reconnaissance des droits fonciers des autoch- sont en cours d'élaboration.
tones et d'enregistrement des titres de propriété s'éten-
daient progressivement à tout le Territoire, et que le C. - AGRICULTURE
droit à la propriété individuelle était reconnu progressi-
vement dans les centres urbains et les régions agricoles 174. L'agriculture constituant d'une manière générale
développées, a exprimé l'espoir que l'Autorité adminis- l'occupation principale de la vaste majorité de la popula-
trante poursuivrait ses efforts, notamment en générali- tion et le fondement de la vie économique du Territoire,
sanf les opérations du cadastre, pour faciliter la défini- la Mission a noté avec satisfaction au cours de son voyage
tion de plus en plus complète des droits fonciers des les efforts déployés en vue de son développement.
autochtones. Le Conseil avait recommandé à cet égard
que l'Autorité administrante prenne les mesures néces- 175. Elle a fait mention plus haut de l'accroissement
saires pour empêcher d'éventuels abus et les atteintes de la production de coton et de riz dans le Nord-
possibles au droit foncier et aux intérêts des autochtones Cameroun, de ses intéressantes visites à la station expéri-
au cours des opérations d'enregistrement mentionnées mentale de Guétalé, à l'usine de transformation du riz
ci-dessus 17. de Yagoua et à l'usine de tabac de Batouri, de même
que des mesures prises dans le Sud pour améliorer la
171. Lors de sa visite, la Mission a demandé des ren- culture et le traitement du café et du cacao (la Mission a
seignements sur le régime foncier actuel. L'Autorité également noté à cet égard que la station de cacao qu'elle
administrante lui a répondu que pour se conformer à a visitée à Nkoemvoné, près d'Ebolowa, jouait un rôle
l'état des coutumes qui, en matière foncière, évoluent important) ainsi que la culture et l'exportation de bananes.
constamment sous l'influence européenne, le Gouverne-
ment français a publié, le 20 mai 1955, un décret portant 176. Les chiffres à l'exportation suivants, fournis par
réorganisation foncière et domaniale au Cameroun et l'Autorité administrante à la Mission, mettent en lumière
au Togo sous administration française. les progrès réalisés en matière de production agricole:
172. Cette réorganisation porte sur les points princi- 1950 1954
(Tonnes) (Tonnes)
paux suivants : Cacao .. 57.000
38.000
a) Définition restrictive des biens qui constituent le Café . 9.400 11.000
domaine privé immobilier du Territoire et affirmation Bananes . 47.000 75.000
de principes généraux destinés à permettre une équitable Caoutchouc . 1.600 3.400
répartition du domaine actuellement approprié entre les Tabac . 500 1.100
différentes collectivités publiques locales. Arachides .. 4.800 9.000
Graine de coton . o 16.000
b) Confirmation solennelle des droits fonciers coutu-
miers qui, comme le droit de propriété, peuvent être 177. A l'heure actuelle, les secteurs de modernisation,
18 Voir Documents officiels du Conseil de tutelle, treizième ses- les postes de paysannat et les sociétés africaines de pré-
sion, Supplément no 5, par. 172. voyance contribuent de plus en plus au développement
17 Voir Documents officiels de l'Assemblée générale, neuvième du Territoire. On a jugé bon de donner ici un bref
session, Supplément nO 4, p. 175. exposé des relations existant entre ces trois institutions.

20
178. Le but des secteurs de modernisation est de l'occasion de visiter deux exploitations maraîchères de
promouvoir l'économie de certaines régions. Ils ne forme coopérative à Koumélap et Bafolé. Il s'agit là
s'inscrivent pas dans une région administrative, mais d'une excellente initiative du chef de région, capable
coiffent un « secteur }) choisi pour sa relative unité d'inté- d'améliorer et de diversifier le régime alimentaire de la
rêt économique. Chaque secteur dispose d'un budget population et de lui apporter en même temps des res-
alimenté par des crédits de provenances diverses: sources économiques loin d'être négligeables dans cette
FIDES, ristournes du budget territorial. Son budget est région relativement éloignée.
soumis à l'Assemblée territoriale. Le secteur répartit 183. Pendant sa visite dans le Sud, la Mission a sans
ses crédits selon son plan d'action entre les postes de cesse été saisie de plaintes relatives au prix peu élevé
paysannat, qu'il contrôle et dirige, et les organisations du cacao. Dans ses observations à cet égard, et en réponse
du type SAP et coopératives qu'il aide sur leur demande à une question de la Mission relative à la création d'un
et dont il s'efforce éventuellement d'orienter l'activité. fonds de stabilisation des prix du cacao, l'Autorité
Le conseil d'administration du secteur comprend des administrante a présenté la réponse suivante:
représentants de la SAP, des représentants de coopéra-
tives, des représentants de planteurs et cultivateurs. Il « En octobre 1954, le Gouvernement français a
est le carrefour où se rencontrent toutes les parties signé un décret (nO 54/1021) qui donne la possibilité
intéressées au développement agricole. de créer dans le Territoire relevant du Département de
la France d'outre-mer des caisses de stabilisation des
179. Le rôle des postes de paysannat est la vulgarisa- prix de certains produits, dont le cacao. En outre, il a
tion des techniques agricoles. Le poste de paysannat été créé, par décret nO 55/185 du 2 février 1955, un
est un agent d'exécution placé sous l'autorité du secteur, fonds national de régularisation des cours des produits
dont il dépend totalement sur le plan administratif et d'outre-mer. Ce fonds est destiné à effectuer des prêts,
financier. Sur le plan technique, il reçoit des directives soit aux caisses de stabilisation des prix indiquées ci-
de certains services, principalement ceux de l'agriculture dessus, soit aux territoires, en vue de soutenir les
et de l'éducation de base. cours des produits au bénéfice des producteurs.
180. Les sociétés africaines de prévoyance ont des « Dans le cadre de ces dispositions, les autorités
objectifs essentiellement commerciaux. Elles s'occupent locales ont établi un projet de décret portant création
d'habitat, de crédit, de commercialisation des produits, d'une caisse de stabilisation des prix du cacao. Ce projet
d'achat de semences, de stockage, de transformation et a reçu avis favorable de l'Assemblée territoriale et
de transport des produits, etc. A la différence du secteur est actuellement soumis aux départements ministériels
de modernisation; la société africaine de prévoyance intéressés. Le Haut-Commissaire est intervenu à
correspond toujours à une circonscription administrative, plusieurs reprises et vient à nouveau d'intervenir
région ou subdivision. Elle est totalement autonome, mais auprès du Département de la France d'outre-mer
elle a besoin d'aide technique et financière. Celle-ci peut pour que ce décret soit signé le plus rapidement
lui être fournie par des organes de crédit, comme le possible.
Crédit du Cameroun, ou par le secteur de modernisation « Cette caisse de stabilisation des prix du cacao
au sein duquel elle est représentée. doit constituer un établissement public doté de la
181. La Mission a visité à Mantoum un poste de personnalité civile et de l'autonomie financière, et géré
paysannat dirigé par un fonctionnaire du service de par un comité de gestion composé par tiers de repré-
l'agriculture, dont le rôle essentiel est de vulgariser les sentants des intérêts généraux, des producteurs et des
techniques et les méthodes agricoles. La Mission estime exportateurs. Les opérations de la caisse auront pour
que le système des postes de paysannat est plein d'avenir but d'assurer la régularisation du prix d'achat du
et qu'il contribuera vraisemblablement à faire évoluer cacao aux producteurs et le maintien du régime des
les pratiques agricoles, qui en ont un grand besoin. A primes à la qualité, suivant un programme d'emploi
cet égard, la Mission voudrait souligner que, à sa des fonds disponibles déterminé par arrêté chaque
quinzième session, le Conseil, constatant que dans le année, par le comité de gestion. Ces opérations sont
Territoire l'agriculture reposait essentiellement sur le suivies par exercices annuels débutant le 1er juillet.
travail manuel, a invité l'Autorité administrante à La caisse recevra lors de sa création le solde créditeur
pousser à la mécanisation de l'agriculture et à diffuser de l'actuel compte hors budget « soutien cacao}); les
l'emploi de l'outillage agricole moderne 18. Si la Mission autorités locales se sont préoccupées de compléter
fait sienne en principe cette recommandation du Conseil, cette dotation initiale par un prêt du Fonds national
elle a conscience du fait que le coût des machines, les de régularisation des cours des produits d'outre-mer
difficultés d'entretien et, dans certains cas, la nature du et sont déjà intervenues en ce sens auprès du Départe-
sol peuvent interdire l'introduction rapide d'un outillage ment de la France d'outre-mer.
agricole moderne. Dans l'intervalle cependant, elle « Les modalités d'intervention de la caisse de
engage vivement l'Administration à encourager active- stabilisation des prix du cacao ne sauraient évidem-
ment l'emploi d'un outillage simple et moins onéreux ment être décidées que par le comité de gestion de la
tel que les charrues à bœufs, les charrettes et les brouettes. caisse, lorsque celle-ci aurait été créée. Cependant,
182. La Mission tient à signaler qu'au cours de ses l'Autorité administrante étudie dès maintenant les
déplacements dans la région de Foumban, elle a eu diverses formes d'intervention que le comité de gestion
pourrait envisager, afin d'assurer aux producteurs le
18 Ibid., dixième session, Supplément nO 4, p. 168. bénéfice de l'intervention de la caisse.

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«Enfin il convient de signaler que, en attendant la européens et, en 1952, les sociétés coopératives bana-
création de la caisse de stabilisation des prix du cacao, nières africaines les mieux organisées y ont adhéré.
l'Autorité administrante vient de suspendre l'applica- 190. La Mission, qui a été très favorablement impres-
tion des surtaxes différentielles frappant à l'exporta- sionnée par la manière excellente dont les plantations du
tion les cacaos de qualité «courant» et «limite ». syndicat sont cultivées et organisées, a été informée par
Les chefs de circonscriptions administratives ont été le président du syndicat que jusqu'à la fin d'octobre 1955,
invités à veiller attentivement à ce que cet allègement le syndicat est intervenu pour 78,5 pour 100 dans le
de la taxation se traduise effectivement par un relève- volume total des exportations de bananes du Territoire.
ment des prix payés aux producteurs. »
191. Les chiffres suivants, fournis par le SDIBC,
184. A Ebolowa, M. Mulcahy et M. Yang ont visité donnent une idée des progrès du commerce d'exporta-
l'installation expérimentale cacaoyère de Nkoemvoné. tion des bananes :
Ils ont été fortement impressionnés par les expériences Exportation Exportation
détaillées effectuées sur divers types de cacaoyers ainsi européenne africaine
Années (Tonnes) (Tonnes)
que par divers procédés de culture. Par suite de ces expé-
riences, la station a été en mesure d'obtenir de 16.000 1946 ................. 6.861 285
arbres appartenant à 70 variétés différentes, 15 récoltes 1947 .. , .............. 16.290 2.661
échelonnées dans l'année. On a informé la Mission
1948 ................. 25.464 5.457
1949 ................. 26.264 8.810
qu'alors que les planteurs locaux n'obtenaient par an 1950 ................. 32.366 16.688
que 350 grammes de cacao en moyenne par arbre, on 1951 ................. 37.650 19.067
pourrait obtenir par an avec la variété amélioré~ de 1952 ................. 26.961 22.766
1 kilogramme à 1 kilogramme 11 par arbre. La statlOn a 1953 ................. 40.163 36.795
profité des expériences réalisées par les pays latino- 1954 ............. , ... 36.752 37.295
américains producteurs de cacao; d'après elle, leur pro-
cédé de bouture serait le meilleur. Il peut être intéressant
de relever qu'un arbre de la station donne une récolte
D. - SYLVICULTURE ET CONSERVATION DES SOLS

exceptionnelle de 10 à 15 kilogrammes par an. 192. A sa treizième session, le Conseil de tutelle,


185. A Oveng, la Mission a vu pratiquer, avec beau- conscient des dangers du déboisement et de l'érosion
coup d'intérêt, le procédé introduit par les techniciens des sols dans le Territoire, a prié instamment l'Autorité
de la culture du cacao, de la vente aux enchères publiques administrante de prendre toutes les mesures appropriées
des récoltes par les producteurs eux-mêmes. Le cacao pour la conservation du sol et la protection des forêts,
était classé d'après sa qualité et était vendu par lots notamment en ce qui concerne le classement des forêts
homogènes. Ce procédé a le double mérite de pousser et le reboisement, et a exprimé l'espoir que l'Autorité
le planteur à améliorer la qualité de ses produits, et de administrante recevrait la coopération et l'appui sans
le protéger contre les abus, toujours possibles, des réserve des autochtones lorsqu'elle mettrait en œuvre
intermédiaires. ces mesures 19.
186. La Mission, au cours des nombreux entretiens 193. A sa quinzième session, le Conseil de tutelle a
qu'elle a eus avec les planteurs africains, a cru devoir exprimé à nouveau l'espoir que l'Assemblée territoriale
attirer leur attention sur une certaine négligence qu'elle et la population en général s'associeraient aux efforts
a observée dans l'entretien des plantations. L'intercalage que l'Autorité adrninistrante déployait pour protéger
de cultures vivrières dans les cultures de rapport n'est le sol contre l'érosion et, en particulier, pour classer les
pas l'une des moindres causes qui compromettent un forêts et améliorer les procédés de culture 20.
rendement satisfaisant des plantations.
194. Etant donné ce qu'elle a observé, la Mission
187. La mauvaise préparation du cacao par le plan-
traitera de quatre aspects principaux de la question : les
teur africain ne permet pas de présenter un produit de feux de brousse, l'éducation, le reboisement et le classe-
première qualité. Trop souvent il est séché à même le
ment des forêts.
sol et moisit. A cet égard, la Mission se plaît à noter
l'effort que fait l'Autorité administrante pour vulgariser 195. En ce qui concerne le premier point, la Mission a
le séchage sur claies mobiles et le séchage au four. observé, au cours de son voyage, de nombreux feux de
brousse, notamment dans la savane du nord et du centre
188. La Mission a été impressionnée par la coopéra-
du Territoire. Elle a constaté les dégâts importants que
tive de cacao qu'elle a visitée à Ekouk. C'est l'une des
ces feux causent aux pâturages et à la terre arable. Elle
trois coopératives dont l'animateur est le conseiller à
convient avec l'Autorité administrante qu'une mesure
l'Assemblée territoriale de cette région. Les planteurs
qui utilisent les méthodes modernes de culture et de tendant à interdire totalement ces feux serait, à l'heure
préparation ont réussi à obtenir des prix très élevés pour actuelle à la fois inopportune et inapplicable. Le palliatif
leurs produits. La Mission exprime l'espoir que ce bon possibl;, en ce moment, consiste à recommande~ l:in-
exemple sera suivi par d'autres planteurs. cendie des herbes assez tôt dans la saison pour lImIter
les dégâts. C'est précisément ce que l'Administration a
189. En ce qui concerne la culture des bananes, qui fait et la Mission a noté avec intérêt que dans tout le
joue un rôle très important dans la vie économique du Territoire, et notamment dans les pays Bamoun et de
Territoire, le présent rapport a déjà fait mention de la
visite de la Mission aux bureaux centraux du SDIBC, à 19 Ibid., neuvième session, Supplément nO 4, p. 174.
Penja. Le SDIBC a été créé en 1936 par les planteurs 20 Ibid., dixième session, Supplément nO 4, p. 168.

22

\
l'Adamaoua, ainsi que dans l'Est, les habitants prennent de la forêt. L'Assemblée a donné son accord de principe
progressivement l'habitude d'allumer les feux assez tôt. aux mesures proposées, sous réserve qu'un texte précis
196. Il n'est pas inutile d'insister cependant sur le lui soit soumis. Présenté à une session ultérieure, ce texte
fait que ce n'est là qu'un palliatif et que les feux de a été l'objet d'amendements tels qu'il a perdu tout son
brousse demeurent une calamité. sens.
203. En outre, il existe dans les esprits des conseillers
197. Comme le rapport l'a déjà indiqué, une partie
une confusion entre les notions de protection et de non-
de la Mission a visité l'école forestière près de Mbalmayo,
productivité. Confondant revenu et capital, arbre et
établissement bien connu qui maintient un excellent
forêt, certains refusent même d'admettre qu'on puisse
niveau tant en ce qui concerne le personnel que les protéger une forêt permanente en interdisant les défriche-
élèves. L'école est bien construite, bien aménagée et ments destinés à la culture tout en autorisant une exploi-
bien tenue, et elle offre un cours de 10 mois portant sur
tation normale.
tous les aspects de l'enseignement forestier. Chaque année
une vingtaine d'élèves sont admis, chiffre qui représente 204. Les conséquences de cet état d'esprit sont les
moins du vingtième des candidats qui se présentent, le suivantes: depuis 1949, aucun nouveau classement n'a
nombre des étudiants étant limité par la capacité de été effectué. Les Camerounais réagissent violemment au
l'économie d'absorber des diplômés. Ils sont formés mot «classement ». Tous les prétextes sont bons pour
pour être employés dans le service public comme dans demander des déclassements. Le Service des eaux et
l'industrie privée. L'agrandissement de l'école a été forêts est considéré comme un gêneur, et même les
retardé depuis 1953 par le manque de fonds, situation attributions de permis temporaires d'exploitation ne
qui mérite de retenir l'attention de l'Autorité admi- donnant aucun droit sur la terre sont des sujets de dis-
nistrante. . cussion sans fin.
198. La Mission a été informée, depuis 1952, que les 205. On doit donc malheureusement dire qu'en général
surfaces reboisées sont passées de 1.000 hectares à près les Camerounais du Sud ne coopèrent en aucune façon
de 2.000 hectares. Cela tient, pour une grande part, à avec l'Autorité administrante quand il s'agit d'appliquer
l'ampleur des crédits employés à cet effet et l'on pourra la politique de conservation des forêts, et même qu'ils
juger des progrès accomplis par les chiffres suivants: font tout ce qu'ils peuvent pour gêner cette politique.
206. Il faut toutefois signaler que les chefs traditionnels
1953 1954 1955
(estimation) des régions du Nord-Cameroun donnent leur appui au
Dépenses totales: (Milliers de francs CFA)
Service des eaux et forêts et protègent de leur propre
Fonds provenant du FIDES 134 206 306 autorité certains massifs forestiers. En fait, la politique
Fonds provenant des budgets locaux. 143 136,5 205,5 de conservation et de reboisement est, d'une manière
générale, assez bien comprise des populations de savane
199. Les dépenses imputables aux travaux exécutés qui souffrent d'un manque d'arbres et de forêts.
dans le cadre des budgets locaux sont couvertes par les 207. A Fort-Foureau, la Mission a appris avec satis-
crédits prélevés soit sur le budget territorial, soit sur les faction que la pépinière organisée par le Service des eaux
budgets des SAP ou par les subventions du FIDES et forêts avait permis la distribution de 7.000 manguiers,
aux SAP. 3.000 citronniers et 30.000 roniers. La distribution
200. On a fait savoir à la Mission que les efforts d'arbres fruitiers devrait être généralisée dans tout le
déployés en vue de classer les forêts continuent de Cameroun septentrional.
susciter des réactions vives et de rencontrer l'opposition 208. La Mission a remarqué en pays Bamiléké que
systématique de la population et de ses représentants. bon nombre de cultures se faisaient encore au mépris
Cette opposition provient: a) des habitants des régions des courbes de niveau. La Mission a été informée qu'une
forestières du Sud; b) des représentants à l'Assemblée propagande stupide attribuée par l'Autorité ad minis-
territoriale. trante à l'UPC avait cours dans le Territoire, savoir
201. Dans l'esprit d'un grand nombre d'habitants, le que toutes les femmes qui cultiveraient d'après les
classement des forêts prend l'apparence d'une tentative courbes de niveau deviendraient stériles. Il est à espérer
visant à les priver de leurs droits fonciers coutumiers au que la population tout entière écoutera sans réserve les
profit du domaine privé du Territoire. Ils ne sont pas conseils que lui donnent dans ce domaine les agronomes
encore disposés à sacrifier leurs intérêts personnels de l'Administration et que les autorités traditionnelles
immédiats à l'intérêt général et à l'avenir du Territoire, encourageront la population à suivre ces conseils.
bien qu'à plus ou moins longue échéance leur propre
intérêt est en jeu. E. - ELEVAGE
202. Pris séparément, la plupart des conseillers à
l'Assemblée territoriale comprennent l'importance du 209. La Mission, n'ignorant pas le rôle important que
classement et de la conservation des forêts, mais ne le cheptel joue dans la vie économique et sociale de la
désirant pas perdre leurs électeurs, ils adoptent une population, surtout dans le Cameroun septentrional, a
attitude nettement passive. Le Service des eaux et forêts noté avec beaucoup d'intérêt les efforts que l'Autorité
a, au cours de la deuxième session ordinaire de 1953, administrante déploie pour améliorer le cheptel et les
présenté à l'Assemblée territoriale un exposé sur le pâturages et pour développer les industries qui traitent
problème de la conservation des sols et de la protection les produits de l'élevage.

23
210. Comme on l'a dit, la Mission a visité la station ayant une activité économique (coopératives de café
de Wakwa, aux environs immédiats de Ngaoundéré, et arabica, coopératives bananières). Après avoir terminé
elle a constaté les grands progrès réalisés en ce qui son étude, le Service est en mesure de proposer les
concerne l'amélioration de l'élevage. Lorsqu'elle a visité réformes nécessaires dans l'intérêt du planteur africain,
le centre agricole voisin et Guétalé, elle a noté les mesures de déterminer les organismes les plus efficaces et de leur
prises en vue d'améliorer les pâturages. Elle a égale- apporter une aide appréciable, en particulier en leur
ment vu les abattoirs frigorifiques de Maroua et de donnant le moyen d'emprunter avec la caution de la
Ngaoundéré d'où l'on expédie de la viande par avion société de prévoyance régionale.
vers le Cameroun méridional et vers certaines régions 216. En raison des difficultés rencontrées jusqu'en 1950
de l'Afrique-Equatoriale française, de la Guinée espa- dans le domaine du mouvement coopératif et provenant
gnole et du Congo belge. pour l'essentiel de l'ignorance des Africains en matière
211. En ce qui concerne les peaux de bovidés, il a de gestion, il a été créé à Yaoundé un cours permanent
paru à la Mission que la préparation de celles-ci ne d'une durée de huit mois tendant à former des comptables
bénéficiait point d'un traitement satisfaisant. Les peaux qualifiés pour les coopératives et les sociétés de pré-
sont toujours séchées au soleil alors que, séchées à voyance. D'autre part, deux stagiaires africains vont
l'ombre, elles connaîtraient des prix beaucoup plus chaque année suivre en France le cycle théorique et
intéressants. Peut-être conviendrait-il que la chose soit pratique du Centre national de la coopération agricole.
signalée aux autorités locales et que celles-ci étudient la Enfin, dans le cadre des efforts déployés pour développer
possibilité d'aménager des séchoirs communautaires où le mouvement coopératif, on organise des réunions au
un préposé bien entraîné assurerait le nettoyage et le cours desquelles les agents européens et africains du
séchage rationnels des peaux. Ce serait là un progrès Service de contrôle font des causeries; en outre, des
dans le développement de l'industrie du tannage et de la voyages, financés par le fonds commun des SAP ou par
préparation d'objets de cuir. l'une de ces sociétés, permettent à des groupes de plan-
212. A plusieurs reprises, la Mission a aussi pu se teurs de visiter d'autres coopératives.
rendre compte des travaux que le Service des eaux et 217. Il existe actuellement 78 coopératives dans le
forêts entreprend en ce qui concerne la prospection et le Territoire; 55 d'entre elles consacrent leurs activités à
forage des puits qui contribuent tant à améliorer les la banane, 8 s'occupent du cacao, 2 du café arabica, une
conditions de vie de la population et du cheptel dans les du café robusta; en outre, il y a deux coopératives de
régions arides du Cameroun septentrional. consommation, dont l'une est une entreprise mixte,
deux coopératives de construction (une européenne et
F. - PÊCHERIES
l'autre mixte), deux de fabrication de meubles, une de
confection, deux de pêcheurs et deux de crédit.
213. Des efforts sont déployés dans un autre domaine
en vue d'améliorer la situation économique et la santé H. - INDUSTRIE
de la population: il s'agit du développement de la pisci-
culture dans presque toutes les régions où l'on peut la 218. L'activité industrielle est surtout concentrée dans
pratiquer. La Mission, qui a vu un certain nombre le sud du Territoire et porte presque exclusivement sur la
d'exploitations piscicoles en voie de création, estime qu'il transformation des produits agricoles et forestiers. Les
convient de féliciter l'Autorité administrante des efforts grandes entreprises industrielles qui exigent de grosses
qu'elle fait dans ce domaine. mises de fonds sont toutes entre les mains d'Européens,
214. La Mission espère que l'achèvement des pro- mais les Africains prennent une part active à la création
grammes qui consistent à introduire dans le pays un et au fonctionnement des petites entreprises, contribuant
excellent poisson, le tilapia, aura pour résultat notam- ainsi au développement industriel du Territoire.
ment de réduire l'importation de vivres qui affecte 219. A sa treizième session, le Conseil de tutelle,
actuellement le budget des familles. notant avec satisfaction les mesures prises en ce qui
concerne le développement industriel du Territoire,
G. - DÉVELOPPEMENT DES COOPÉRATIVES ainsi que l'intensification de l'aide financière aux indus-
tries artisanales existantes, a recommandé que l'Autorité
215. La Mission a appris avec satisfaction que l'Auto- administrante encourage le développement des petites
rité administrante multipliait ses efforts pour développer industries avec une participation accrue des autoch-
le mouvement coopératif. Dans le cadre de cette politique, tones 21.
le Service d'assistance technique aux coopératives 220. Le Conseil a renouvelé cette recommandation à
s'occupe de l'organisation des coopératives nouvelles et sa quinzième session et il a recommandé en outre à
de la réorganisation des anciennes. En ce qui concerne l'Autorité administrante d'étudier la possibilité de
les premières, le Service étudie, préalablement à leur développer encore, parmi les autochtones, l'artisanat et
création, les conditions de fonctionnement et il établit le travail artisanal à domicile 22.
un compte d'exploitation provisionnel. Les conditions 221. La Mission a déjà signalé qu'elle avait eu l'occa-
de viabilité de la coopérative que l'on propose de créer sion de voir, à Edéa, l'importante centrale hydro-
sont alors exposées aux futurs coopérateurs. Pour ce
qui est de la seconde catégorie de coopératives, le Service 21 Ibid., neuvième session, Supplément, 1t> 4, p. 173 et 174.
étudie les conditions de fonctionnement des sociétés 22 Ibid., dixième session, Supplément 1t> 4, p. 168.

24

\
électrique de l'Energie électrique du Cameroun 229. La Mission a apprécié les routes bitumées qui
(ENELCAM), et qu'elle avait visité, dans la même relient Yaoundé à Sangmélima, Edéa à Douala et
région, l'usine de la Société d'aluminium du Cameroun Douala à Penja, et le rôle qu'elles jouent dans la vie
(ALUCAM). économique des régions qu'elles desservent. La première
222. La Mission a constaté avec une vive satisfaction de ces routes est utilisée pour le transport du cacao,
que, grâce aux efforts de l'Autorité administrante, une du café et du tabac produits dans le Territoire; la
centrale gigantesque telle que celle de l'ENELCAM a deuxième relie les installations hydro-électriques d'Edéa
été établie dans le Territoire dont l'économie est toujours et reliera la future usine d'aluminium au port principal;
essentiellement agricole et dont l'industrialisation n'est quant à la troisième, elle constitue, avec le pont du
qu'à ses débuts. L'installation fournit déjà à Douala, Wouri, entre les ports de Bonabéri et de Douala, une
la plus grande ville commerciale du Territoire, 12.500.000 voie indispensable pour l'exportation rapide des bananes.
kWh d'énergie électrique. On a informé la Mission qu'une Ce pont, inauguré en 1955, est l'un des plus grands
quantité considérable d'énergie électrique sera absorbée ouvrages d'art construits en Afrique.
par l'usine de l'ALUCAM, en construction. 230. Les auteurs des communications que la Mission
223. La Mission espère que tout le programme ainsi a reçues se plaignaient souvent du nombre insuffisant
que les activités industrielles connexes ne manqueront de routes secondaires et auxiliaires en bon état et aussi
pas de stimuler la population du Territoire et de pro- du manque de petits ponts. A ce propos, la Mission
mouvoir l'industrialisation rapide du Sud-Cameroun. pense que des mesures efficaces pourraient être prises,
en ce qui concerne notamment l'utilisation de matériel
224. Elle estime en conséquence que le Conseil de
de construction de routes, pour encourager les autorités
tutelle voudra inviter l'Autorité administrante à inclure
locales et les communes à faire un effort particulier
dans ses rapports annuels des renseignements complets
en vue de construire les routes secondaires dont leur région
sur le fonctionnement des installations de l'ENELCAM
a besoin.
et de l'ALUCAM, ainsi que sur la mesure dans laquelle
le Territoire et sa population auront tiré profit de ces 231. La Mission désire attirer tout particulièrement
installations. l'attention sur les problèmes de routes dans la région
225. Parmi les mesures d'ordre fiscal que l'Autorité de Babimbi. Elle estime du plus haut intérêt de voir se
administrante prend, de concert avec l'Assemblée terri- matérialiser sur le terrain les études de tracés entreprises
toriale, pour aider les industries locales, il faut citer et ce, dans un avenir très proche; la construction du
l'abaissement des droits d'entrée sur les matières pre- pont sur la Sanaga, entre Sanguengué et Sakbayémé, se
mières, le relèvement des droits d'importation sur les révèle également d'une urgente nécessité.
produits finis et la réduction des impôts frappant les 232. La Mission a visité les principaux ateliers de la
biens de consommation de fabrication locale. Régie des chemins de fer du Cameroun à Douala, et
226. En ce qui concerne l'artisanat, le Crédit du elle a appris que des plans de développement ferroviaires
Cameroun accorde des prêts à certains artisans pouvant étaient à l'étude.
fournir des garanties ou à des mutuelles d'artisans se 233. La Mission a également observé avec intérêt les
cautionnant réciproquement. travaux de développement du port de Douala, ainsi que
227. Enfin, c'est surtout dans le cadre des sociétés ses installations et son matériel modernes.
africaines de prévoyance (SAP) que se développent 234. Dans le domaine des communications, la Mission
les industries rurales (extraction d 'huiles et usines à a été fort impressionnée par la centrale téléphonique
café). Ces entreprises sont en expansion certaine. Cepen- automatique moderne qu'elle a visitée à Douala, qui a
dant, cette expansion n'est peut-être pas aussi rapide commencé à fonctionner en juillet 1955. Elle a aussi pris
qu'on pourrait le souhaiter, la plupart des industries connaissance avec satisfaction des renseignements qui lui
légères de transformation produisant à des prix qui ne ont été fournis sur le centre de formation des postes et
peuvent encore soutenir la concurrence des marchandises télécommunications de Douala, qui a formé plus de
importées, malgré les tarifs douaniers protecteurs dont 100 élèves au cours des trois dernières années.
elles bénéficient. En outre, il existe une autre difficulté, 235. A Douala, la Mission a assisté à l'inauguration
en ce qui concerne plus particulièrement le secteur de la station de radiodiffusion, qui est climatisée et
africain: bien que l'instruction professionnelle soit acti- pourvue d'un matériel tout à fait moderne.
vement encouragée, les cadres sont encore très insuffi-
sants, en quantité et en qualité.
J. - FINANCES PUBLIQUES
J. - TRANSPORTS ET COMMUNICATIONS
236. Les finances du Cameroun présentent certains
228. La Mission a eu maintes fois l'occasion de rendre caractères particuliers qui, pour la plupart, dépendent
hommage aux efforts louables que l'Administration eux-mêmes de la structure économique et sociale du
déploie pour créer dans tout le Territoire un réseau Territoire. Ces caractères sont tels que les ressources
relativement satisfaisant de grandes routes et pour financières du Territoire ne peuvent répondre actuelle-
assurer leur entretien. Elle a visité le Territoire avant ment à tous les besoins et que l'aide de l'Autorité admi-
que la saison des pluies fût complètement terminée et nistrante est nécessaire.
l'on n'avait naturellement pas eu le temps de remettre 237. Le Territoire a un budget distinct, essentielle-
en état les tronçons les plus endommagés. ment alimenté par ses propres ressources; ce budget est

25
préparé par l'Administration, puis l'Assemblée territo- second plan, actuellement en cours de réalisation. C'est
riale l'examine et le vote. L'Assemblée a le contrôle dire que la métropole a versé 11 milliards de francs CFA
absolu des dépenses de fonctionnement du Territoire, pour le premier plan, contre 9 milliards de francs pris
mais les dépenses d'équipement doivent être également en charge par le budget du Territoire, et 2 milliards
soumises au Comité directeur du FIDES. 700 millions de francs CFA pour le second plan, contre
238. Un autre trait distinctif est l'instabilité relative 900 millions imputés sur le budget du Territoire.
des revenus dérivant des ressources agricoles qui sont 243. En outre, quelque 4 milliards de francs CFA ont
extrêmement sensibles aux fluctuations des cours mon- été accordés sous forme de prêts, soit au Territoire lui-
diaux. Comme dans la plupart des pays sous-développés, même, pour lui permettre de participer au capital des
l'impôt direct ne tient qu'une place secondaire et, dans nouvelles sociétés d'économie mixte (ENELCAM,
le cas du Territoire, le produit de cet impôt ne repré- ALUCAM), soit aux collectivités locales secondaires,
sente qu'un cinquième des ressources fiscales. Au notamment aux nouvelles communes, pour leur per-
contraire, l'impôt indirect - qui comprend les droits mettre de s'équiper à leur tour.
d'entrée et les droits de sortie frappant les produits 244. Enfin, le Trésor français consent des avances
locaux - représente les trois cinquièmes des ressources sans intérêts pour aider le Territoire à financer son
fiscales du Territoire. C'est cette source de recettes qui budget de fonctionnement. Plus de 1 milliard 200 mil-
est la plus sensible aux conjonctures économiques, lions de francs CFA ont été récemment avancés, pendant
comme on peut le voir pour le cacao. une période difficile, pour stabiliser les finances du
239. Un autre trait caractéristique des finances du Territoire. Le budget métropolitain intervient aussi en
Territoire, d'ailleurs fréquent dans les pays qui s'équi- prenant à sa charge certaines dépenses de fonctionne-
pent, est le décalage qui existe entre le moment où ment du budget local, en particulier les dépenses de
apparaissent les charges de l'investissement et celui où personnel (administrateurs, gendarmerie et justice) dont
l'expansion de la production qui en résulte commence à le total atteint près de 400 millions de francs CFA.
produire des revenus qui devraient normalement per- 245. De ce qui précède, la Mission conclut que les
mettre de couvrir ces charges. ressources fiscales du Territoire sont insuffisantes à
240. Un dernier caractère distinctif est le fait que les l'heure actuelle pour faire face aux dépenses courantes.
dépenses de personnel sont relativement très élevées; Sans investissements continus de capitaux étrangers, tels
dans le budget de 1956, elles représentent près de 50 pour que ceux fournis maintenant par le FIDES et la CCFûM,
100 de la masse du budget de fonctionnement. Cepen- le rythme actuel du développement dans les domaines
dant, cette structure administrative est considérée par économique, social et culturel ne pourrait être maintenu.
l'Autorité administrante comme le minimum indispen- En d'autres termes, l'économie du Territoire à l'heure
sable pour assurer, dans les meilleures conditions pos- actuelle n'est pas encore viable. Cependant la Mission
sible, le développement économique et social du Ter- espère fermement que les revenus découlant des investis-
ritoire. sements en capitaux actuels et futurs dont bénéficiera
241. C'est pour ces diverses raisons que le Territoire progressivement le Territoire permettront d'assurer la
a recherché et obtenu l'assistance financière de l'Autorité viabilité économique du Territoire.
administrante. 246. Au cours de ses nombreuses audiences, la Mission
242. En premier lieu, l'Autorité administrante contri- a entendu les Africains se plaindre des impôts qui leur
bue très largement à l'équipement territorial dans le sont réclamés. La situation budgétaire exposée ci-dessus
cadre du FIDES et du plan de développement. Cette établit suffisamment la nécessité de ces impôts dont les
contribution était de 50 pour 100 dans le premier plan taux pratiqués actuellement n'ont pas paru exagérés à
quadriennal; elle a été portée à 75 pour 100 dans le la Mission.

CHAPITRE IV

PROGRÈS SOCIAL

A. - GÉNÉRALITÉS roun revêt de multiples aspects, parfois étroitement


liés, parfois, au contraire, nettement distincts. C'est en
247. Dans le cas du Cameroun sous administration apportant la solution qui convient à tous ces problèmes
française, comme dans celui de la plupart des pays sous- que posent l'action et l'organisation sociales que l'on
développés, il est particulièrement difficile d'exposer en assurera à la population autochtone du Territoire une
termes généraux les grands problèmes sociaux qui inté- vie meilleure, plus saine, plus pleine et plus conforme aux
ressent l'ensemble du Territoire et les progrès accomplis principes de la morale. En outre, il ne faut jamais oublier
en vue de leur solution. Sauf peut-être en ce qui concerne que l'expression « population autochtone» est impropre
le développement des -services médicaux et sanitaires si l'on entend par là un groupe homogène. Il serait plus
- auquel l'Autorité administrante a consacré une grande exact de parler de « populations autochtones» entre
partie de ses efforts et qui, en conséquence, est traité lesquelles il existe des différences notables dues à des
dans une section séparée - l'évolution sociale du Came- facteurs d'ordre géographique et climatique et qui se

26
distinguent par leur tribu ou leur race, leur religion, pu manquer de remarquer les habitations insalubres dans
leur comportement social, leur degré d'instruction, leur lesquelles un si grand nombre d'Africains vivent encore
culture, leur niveau de vie et leur condition économique. avec leur bétail. C'est ainsi que la Mission a constaté
Les problèmes sociaux peuvent être particuliers à un que les conditions de logement dans le quartier Bamiléké
groupe donné ou à plusieurs groupes, ou encore affecter de Nkongsamba sont inférieures à la majorité des maisons
l'ensemble de la population. de cette ville; peut-être est-ce dû au fait que ce secteur
248. Il importe également de se rappeler que les pro- est habité par des personnes étrangères à la collectivité.
grammes mis en œuvre par l'Autorité administrante, 251. La Mission voudrait souligner la contribution de
dans les domaines économique, politique et de l'ensei- la SAP à l'amélioration du logement et des meubles, en
gnement, d'une part, et les contacts toujours plus nom- mettant à la disposition de la population des matériaux
breux avec la civilisation occidentale, d'autre part, de construction à prix raisonnable: briques, blocs de
entraînent un affaiblissement de la société tribale dans ciment, portes, fenêtres et meubles.
le Territoire. Ceux qui abandonnent leur tribu pour 252. La Mission apprécie les efforts qu'a déployés
venir chercher du travail dans les centres urbains échap- l'Autorité administrante pour résoudre cet important
pent en grande partie aux influences et à l'autorité tra- problème, et elle la félicite des progrès accomplis jusqu'à
ditionnelles, mais ils perdent, en même temps, la protec- présent. Elle estime cependant que l'Autorité adminis-
tion et la sécurité que leur assurait le chef, la tribu, le trante devrait accorder une place encore plus large à
clan ou la famille. Ainsi, plongés dans un milieu étranger, cette action et qu'il faudrait prévoir des crédits plus
ils se heurteront inévitablement à certains problèmes importants en vue de lancer une campagne concertée
avant d'être complètement assimilés dans la nouvelle pour la construction d'habitations qui soient tout au
société qu'ils ont choisie. moins salubres; pareille campagne permettrait de réduire
249. Sur le plan social, les diverses missions religieuses rapidement les sommes affectées aux services médicaux,
apportent aussi dans le Territoire une importante contri- étant donné que, dans les conditions actuelles, l'inci-
bution dont la Mission de visite les félicite chaleureuse- dence des maladies comme la tuberculose est nécessaire-
ment. Leur action, menée principalement dans les ment très élevée.
domaines de la protection de l'enfance, de l'enseigne-
ment et de la santé publique, est mentionnée dans les C. - NIVEAU DE VIE
sections correspondantes du présent rapport. On trouve,
à la page 165 du rapport annuel de l'Autorité adminis- 253. A la question précédente se rattache étroitement
trante pour 1954 23, une liste des missions qui exercent celle du niveau de vie, y compris les normes de nutri-
leurs activités dans le Territoire. tion, tous éléments qui dépendent plus ou moins du
coût de la vie. La Mission a eu l'impression que, si le
B. - LOGEMENT
coût de la vie était très élevé dans les grands centres
urbains, notamment dans le Sud (Douala et Yaoundé),
250. La Mission est convaincue que la construction la population autochtone dans l'ensemble paraissait à
de meilleures habitations doit être l'une des préoccupa- même de faire face à la situation et semblait bien nourrie
tions essentielles de l'Autorité administrante, mais elle et bien vêtue. La Mission a également relevé que l'appro-
se rend parfaitement compte des extrêmes difficultés visionnement en viande y était abondant en partie
financières à résoudre et aussi des difficultés de trouver depuis que la viande congelée est expédiée par avion du
un type de construction améliorée susceptible de plaire nord du Territoire; cette viande fournit le supplément
à l'autochtone. L'Autorité administrante est la première de protéines nécessaire au régime ordinaire qui est riche
à dire qu'il faut améliorer les conditions de logement et en hydrates de carbone.
elle a exposé, dans son rapport annuel pour 1954 (p. 213 254. Pour essayer de freiner la hausse du coût de la
à 216), les efforts qu'elle a déployés en ce sens. La vie à Douala, l'Administration a ouvert des magasins
Mission estime que les premiers résultats sont encoura- témoins qui vendent surtout des denrées alimentaires à
geants, mais ne représentent qu'une infime partie de la population autochtone au prix coûtant. A Douala,
l'œuvre à accomplir. La Mission a visité les habitations il y a aussi quatre restaurants communautaires situés
que la station de culture du cacao de Nkoemvoné cons- dans les quartiers ouvriers les plus populeux de la ville.
truit actuellement pour ses employés, et elle les a jugées La Mission a inspecté l'un de ces restaurants et a vu
très satisfaisantes. De même, elle a vu à Yagoua servir au consommateur, au prix de 20 francs CFA
les logements construits à l'intention des fonctionnaires (12 cents USA), un repas substantiel composé de riz
africains et, à Yaoundé, les réalisations de la Société ou de taro, de viande, d'arachides et d'huile de palme.
immobilière du Cameroun (SIC). A Douala, elle a visité Le prix de revient de ce repas est de 25 francs CFA, dont
la cité mutualiste de Bassa, première entreprise com- 15 sont payés par l'Administration. La Mission a appris
munale réalisée dans le Territoire, où chaque occupant que 1.848 repas avaient été servis le jour précédent.
est propriétaire de son propre logement qu'il paie par Elle a pu constater la grande popularité dont jouissaient
versements échelonnés. En revanche, en traversant les ces établissements et elle exprime l'espoir que l'institu-
régions rurales et les petits villages isolés, la Mission n'a tion en sera étendue à d'autres centres urbains où le
coût de la vie est également élevé.
23 Rapport annuel du Gouvernement français à l'Assemblée géné-
rale des Nations Unies sur l'administration du Cameroun placé 255. Dans le Nord, en revanche, le niveau de vie reste
sous la tutelle de la France, année 1954. bas et ne dépasse pas le minimum vital, l'aliment principal

27
étant le mil auquel heureusement s'ajoutent maintenant exemple lorsqu'à Edéa, elle a donné audience à sept ou
de plus en plus des protéines sous forme de poisson, huit jeunes Camerounaises intelligentes et évoluées qui
grâce aux efforts que fait l'Autorité administrante pour représentaient la Jeunesse féminine catholique. Les jeunes
développer la pisciculture. Camerounaises ont déclaré que, lorsque le père deman-
256. En ce qui concerne la fabrication de farine de dait une dot élevée que l'homme choisi par la jeune
mil, la Mission a constaté que les autochtones, d'une fille ne pouvait pas payer, l'intéressée était forcée d'épou-
manière générale, continuaient à moudre le grain à la ser un homme choisi par le père et assez riche pour
main entre des pierres. Elle a été informée que c'était payer le prix demandé. Si elle refusait, elle était chassée
une coutume difficile à faire disparaître et que les maris de la maison paternelle et reniée. La Mission leur a
notamment étaient hostiles à ce que leurs femmes utili- fait observer qu'il existait une loi qui permettait le
sent la méthode plus moderne et plus rapide du moulin mariage sans autorisation paternelle si la dot demandée
à bras. Il paraît que les épouses ne sauraient à quoi dépassait 5.000 francs CFA. Elles ont répondu que,
occuper leur temps libre. dans la pratique, la loi n'était guère utile, car l'habitude
était de verser clandestinement des sommes très supé-
257. La Mission pense que de nouvelles mesures rieures aux 5.000 francs. Par leur comportement, ces
devraient être prises pour freiner la hausse du coût de jeunes filles ont montré qu'elles ne savaient absolument
la vie dans le Sud, pour élever le niveau de vie dans le pas comment sortir d'une situation aussi difficile; elles
Nord et pour enseigner aux Africains à adopter un ont supplié la Mission et l'Autorité administrante de
régime alimentaire mieux équilibré en consommant les aider.
davantage de viande et de poisson - denrées qu'ils
peuvent se procurer maintenant - ainsi qu'à utiliser des 260. Au paragraphe 245 de son rapport, la Mission
méthodes plus modernes pour préparer leurs aliments. de visite de 1952 a souligné les résultats malheureux de
la loi Lamine-Gueye qui prévoit le versement de presta-
tions familiales aux fonctionnaires polygames pour
D. - CoNDITION DE LA FEMME ET DOT chacune de leurs femmes et chacun de leurs enfants. Il
est manifeste que cette loi encourage 1'homme à acheter
258. Pour ce qui est de la condition de la femme, il autant de femmes qu'il le peut et à avoir d'elles autant
est apparu à la Mission qu'il y avait peut-être quelques d'enfants que possible. On cite le cas extrême d'un
légers signes d'amélioration. Elle a relevé notamment fonctionnaire qui est arrivé à acquérir 27 femmes. La
qu'une femme s'était présentée aux élections à l'Assem- femme fait donc prime et la dote monte en conséquence.
blée territoriale en 1952 et que, la même année, une Du point de vue de l'Administration, la loi impose au
femme avait été élue conseillère municipale de la com- budget une charge sans cesse plus lourde. La Mission
mune mixte rurale de Sangmélima. En outre, au cours de 1955 a reçu des communications dont les auteurs se
des audiences que la Mission a données à Ayos, une plaignaient de l'iniquité d'une loi qui permettait aux
femme a déclaré que, sous l'Administration française, riches d'acquérir plusieurs femmes et de recevoir des
la condition des Camerounaises s'était beaucoup amélio- indemnités supplémentaires, alors que le pauvre, étant
rée et qu'elles n'étaient plus considérées comme des donné la hausse considérable de la dot, avait du mal à
choses ou comme des animaux; elle a exprimé l'espoir en trouver ne serait-ce qu'une. La Mission de 1952 a
que les femmes seraient traitées avec de plus en plus de exprimé l'avis que les dispositions de la loi devraient
considération. Une autre femme a tenu des propos être revisées. L'Autorité administrante n'a pas donné à
analogues quand la Mission a fait une courte halte la Mission de 1955 de plus amples renseignements à ce
pendant le voyage de Ayos à Yaoundé. Cependant, la sujet. La Mission partage entièrement l'avis, émis par
Mission estime que, malgré les louables efforts de l'Auto- celle qui l'a précédée, que la loi Lamine-Gueye doit être
rité administrante pour modifier la coutume indigène revisée et elle espère sincèrement que l'Autorité admi-
de façon à permettre aux Camerounaises d'occuper une nistrante examinera la question aussitôt que possible.
situation plus digne et de gagner plus de liberté, la 261. La dot pose un problème non seulement avant
tradition et les coutumes n'accordent encore aux femmes le mariage, mais aussi ultérieurement, si la femme quitte
que peu de droits. Il en est notamment ainsi pour le son mari ou s'il y a divorce. Le mari essaie alors de se
mariage. Dans tout le Territoire en effet, la coutume faire rendre par les parents de la femme ce qu'il a donné.
locale accepte la polygamie. La Mission a été informée La Mission a appris que, sur les affaires portées devant
que, s'il existe une loi qui permet d'annuler tout mariage les tribunaux indigènes, un fort pourcentage a trait,
conclu par une femme contre son gré, l'influence de la sous une forme ou sous une autre, à des questions de
société et de la coutume et la pression exercée par les dot, ce qui envenime les relations entre les parties. A
parents de la jeune fille, ainsi que les facteurs écono- Bertoua, la Mission a eu l'occasion d'entendre une de
miques en jeu, interdisent souvent à l'intéressée d'avoir ces affaires dans laquelle l'objet en litige était une misé-
recours aux moyens légaux qui assureraient sa liberté rable couverture; on a d'ailleurs expliqué à la Mission
individuelle. qu'il s'agissait d'une dot qui s'élevait au total à 32.000
259. En ce qui concerne ces mariages forcés, l'élément francs CFA. Etant donné le plaidoyer intarissable de la
essentiel est celui de la dot qui malheureusement pousse belle-mère courroucée, il était manifeste que le tribunal
beaucoup de parents égoïstes à contraindre leur fille à avait déjà, avec une patience louable, consacré beau-
accepter en mariage un prétendant qu'elle n'a pas choisi. coup de temps à la couverture.
Le problème de la dot est un problème épineux et très 262. La Mission félicite l'Autorité administrante des
ancien qui reste irrésolu. La Mission a eu un excellent mesures qu'elle a prises pour améliorer la condition de

28
la femme et, notamment, pour résoudre lê problème de F. - ALCOOLISME
la dot. Il lui a paru cependant qu'il ne suffisait pas de
promulguer des lois et des arrêtés pour remédier aux 266. L'alcoolisme, fléau social dont il était déjà
fléaux sociaux qui sont la conséquence de la dot. Le question dans le rapport de la Mission de visite de 1952 25,
meilleur moyen de résoudre le problème est d'éduquer a paru à la Mission de 1955 sévir encore au Cameroun.
les filles et d'inculquer aux parents des conceptions La Mission a reçu plusieurs communications à ce sujet
différentes. L'Autorité administrante pourrait faire la à Ayos, à Douala et à Dschang. Les représentants du
propagande nécessaire par la presse et la radio, ainsi que Comité local de défense contre l'alcoolisme d'Ayos
par l'intermédiaire des chefs de subdivision et des mis- semblaient préoccupés surtout par les alcools distillés
sions religieuses qui s'efforceraient d'abord de recueillir d'origine locale et ils ont suggéré que l'Assemblée terri-
l'appui des chefs et des notables autochtones dont toriale adopte une loi interdisant la fabrication et la
l'influence ferait beaucoup pour amener les parents à vente de ces boissons. Le médecin en charge a dit à la
adopter une attitude plus éclairée. Mission, à son passage, qu'il y avait à l'hôpital d'Ayos
37 malades souffrant de sclérose du foie consécutive à
l'alcoolisme. En outre, la Mission a reçu une communi-
E. - SERVICES SOCIAUX ET PROTECTION DE L'ENFANCE cation émanant d'un certain nombre d'infirmiers qui ont
attiré son attention sur le nombre fort élevé d'alcooliques
263. Pendant son séjour à Douala, la Mission a pu (ils soutiennent que 50 pour 100 des malades sont atteints
visiter plusieurs établissements où fonctionnent des ser- d'éthylisme aigu) et demandaient que l'on entreprenne
vices d'assistance et de protection sociales 24. Elle a des efforts plus soutenus pour supprimer ce fléau social.
inspecté le centre social de New-Bell-Bamiléké à Douala A Douala, on a critiqué le nombre excessif des débits
(école ménagère) dont la construction date de 1953 et de boissons européens et africains (300 à 400 débits
qui réunit tous les aspects de l'activité sociale. Elle a africains). On a demandé en outre que l'heure de ferme-
vu des éducateurs européens et africains apprendre aux ture des débits de boissons soit avancée, ce qui réduirait
femmes à confectionner des vêtements, à coudre, à laver, considérablement la consommation, car les Africains
à repasser, à faire la cuisine, et leur enseigner des éléments ont tendance à s'enivrer au café, mais pas chez eux.
d'hygiène et de puériculture. La Mission est arrivée
pendant une classe de démonstration au cours de laquelle 267. La Mission rend hommage à l'Autorité adminis-
trante pour les mesures qu'elle a prises en vue de lutter
on enseignait aux élèves les bonnes manières à table.
Il existe également, en annexe à ce centre, un jardin contre l'alcoolisme dans le Territoire, et renvoie le lecteur
d'enfants où l'on pratique les méthodes Montessori, aux pages 210 à 212 du rapport annuel de l'Autorité
Decroly et Froebel; les enfants de 5 à 6 ans y vont le administrante pour 1954, où ces mesures sont exposées
matin et les plus jeunes, de 3 à 4 ans, l'après-midi. Les en détail. Ici encore, comme pour le problème de la dot,
enfants apprennent l'alphabet, s'instruisent en jouant la solution réside autant dans l'éducation de la popula-
avec des cubes et de la pâte à modeler, chantent en tion que dans l'adoption de mesures législatives de
groupe et reçoivent des notions d'hygiène élémentaire. répression et de contrôle. Si l'on montre aux enfants
Ces jardins d'enfants ont un grand succès, ainsi que le des écoles la déchéance physique et morale qu'entraîne
prouve le nombre de journées de présence qui s'élève, l'abus de l'alcool, une fois parvenus à l'âge adulte, ils
pour les huit premiers mois de 1955, à 98.462. seront beaucoup moins tentés de boire outre mesure.
A cet égard, on a montré à la Mission de visite plusieurs
264. La Mission a également visité le centre social brochures excellentes qui illustrent de façon très simple
du quartier Deïdo à Douala qui, en moins grand, res- les méfaits de l'alcoolisme 26. La Mission espère que
semble au précédent. Toujours dans le quartier Deïdo, l'Autorité administrante continuera à se préoccuper de
elle a inspecté la maison des nourrissons qui a totalisé ce problème, qu'elle adoptera, le cas échéant, de nou-
7.520 journées d'hébergement pendant les huit premiers velles mesures et qu'elle organisera en même temps des
mois de 1955. Le personnel est fourni par la mission programmes éducatifs destinés à circonscrire l'alcoolisme.
catholique. Lors de la visite de la Mission, la maison
abritait 30 nourrissons dont les mères étaient dans la
plupart des cas mortes en couches et dont personne ne G. - TRAITEMENT DES DÉLINQUANTS
pouvait s'occuper. L'hébergement est gratuit. Le père
peut venir voir son enfant que la maison garde jusqu'à 268. Lors de sa visite dans le Territoire, la Mission a
l'âge de 3 ans; l'enfant est ensuite rendu au père ou, si inspecté les prisons de Bertoua, Batouri, Abong-Mbang
celui-ci ne peut l'élever, il est confié à la mission catho- et Ngambé; elle a eu l'impression que ces établissements
lique. étaient un peu encombrés et qu'ils manquaient d'air et
de lumière. Dans la prison de Bertoua, par exemple,
265. La Mission de visite a été très favorablement qui ne comptait à ce moment-là aucun mineur et dont
impressionnée par l'œuvre excellente des centres sociaux, les détenus purgeaient des peines de six à sept mois, la
notamment la maison des nourrissons. Elle félicite Mission a observé que les locaux étaient dans un état
l'Autorité administrante et espère que l'on aura bientôt déplorable. La prison d'Abong-Mbang, prévue pour
les fonds nécessaires pour répondre au vœu de la popula-
tion qui demande l'extension de ces services. 25 Voir Documents officiels du Conseil de tutelle, treizième ses-
sion, Supplément nO 5, par. 247 à 252.
24 Voir également Rapport annuel de l'Autorité administrante 38 Voir Rapport annuel de l'Autorité administrante pour 1954,
pour 1954, p. 179 à 181. p. 181, par. 4.

29
50 détenus, abritait, lors de la visite de la Mission, tissement momentané de certaines activités et d'une
75 détenus dont 10 devaient être prochainement trans- diminution générale du volume des affaires. A ce propos,
férés à Lomié. La Mission avait reçu une communica- la Mission a reçu plusieurs communications qui invitaient
tion écrite d'un prisonnier détenu à Abong-Mbang instamment l'Autorité administrante à entreprendre de
qu'elle a interrogé lors de sa visite; le prisonnier s'est nouveaux travaux d'équipement pour donner du travail
plaint de ne recevoir qu'une nourriture insuffisante et à ceux qui sont sans emploi depuis 1953, dès que les
de ne pas être rémunéré. Les détenus ont unanimement programmes d'équipement en cours seraient achevés.
déclaré qu'ils n'étaient jamais battus, contrairement aux De son côté, l'Autorité administrante a déclaré qu'à
allégations des auteurs de certaines communications. son avis, la situation s'améliorait déjà en ce qui concerne
Pour ce qui est des plaintes concernant la nourriture, la main-d'œuvre spécialisée et semi-spécialisée. Elle
la Mission a appris que le régime alimentaire des détenus pense que les ateliers privés d'Edéa et les travaux d'urba-
comprenait 600 grammes de riz servi matin et soir, de nisation qui doivent être entrepris sous peu dans les
l'eau, du manioc, des macabos et 300 grammes de viande quartiers populeux de Douala absorberont un grand
par semaine. A Ngambé, la prison, qui venait d'être nombre des travailleurs actuellement sans emploi dans
terminée, abritait 41 détenus dont plusieurs avaient ces zones surpeuplées.
participé aux émeutes du mois de mai. A la prison de 273. Le chômage dans les centres urbains est dû en
Batouri, un détenu a dit qu'après 20 mois en prison, il grande partie à ce que maints Africains ont quitté leurs
n'avait pas encore été jugé. Le chef de région, qui assistait foyers dans les autres régions pour aller chercher du
à l'entretien, n'a pas démenti cette déclaration. travail dans les villes, où le ralentissement temporaire
269. Les détenus sont astreints au travail tous les jours des activités les laisse sans travail. On sait que les Afri-
sauf le dimanche; ce jour-là, les tâches ménagères se cains n'aiment pas rentrer chez eux sans argent et sans
terminent à 10 heures du matin et les détenus sont auto- pouvoir offrir les cadeaux habituels. En outre, comme ils
risés à recevoir ensuite la visite de leurs parents. On leur ont joui d'une grande liberté dans les centres urbains, ils
enseigne aussi des métiers manuels, tels que la vannerie ne sont pas enclins à se soumettre de nouveau à la disci-
et la menuiserie, mais ils ne reçoivent aucune rémunéra- pline traditionnelle de la vie au village. La politique de
tion pour leur travail. Tout en tenant compte du fait l'Autorité administrante consiste à trouver des emplois
que les prisons étaient alors encombrées à la suite des pour ces travailleurs en dehors des villes principales et,
émeutes de mai, la Mission suggère que l'Autorité admi- pour les encourager à retourner dans les régions dont
nistrante étudie l'ensemble de l'organisation péniten- ils sont originaires, l'Autorité administrante assume les
tiaire, afin de veiller à ce qu'il y ait suffisamment d'air frais de « rapatriement ». Certaines de ces régions com-
et de lumière dans les prisons et d'exiger des détenus mencent à être exploitées et mises en valeur; il y existe
qu'ils tiennent leur quartier dans un parfait état de donc une demande de main-d'œuvre et les rapatriés y
propreté. La Mission pense également que l'Autorité trouveraient toutes possibilités d'emploi, à condition
administrante pourrait envisager l'organisation d'un qu'ils soient disposés à prendre un métier. En 1954,
pécule du prisonnier. Enfin, la Mission estime que les 225 chômeurs accompagnés de 117 femmes et de
détenus devraient être jugés aussi rapidement que 88 enfants ont été rapatriés dans leurs régions.
possible. 274. L'Autorité administrante pense qu'il n'y a pas
270. En ce qui concerne la police, en général, la Mis- lieu de prendre des mesures spéciales pour résoudre le
sion a reçu, alors qu'elle se trouvait à Eséka, une com- problème du chômage dans les centres urbains; elle
munication des habitants de Ndogsend qui demandaient estime que l'action des facteurs normaux qui règlent la
que l'on crée des postes de police dans les zones de vie économique ne tardera pas à redresser la situation.
savane, afin de protéger les plantations contre les voleurs, Etant donné que la population autochtone du Sud est
ceux-ci ayant généralement le temps de disparaître avant assez préoccupée par le chômage, la Mission n'est pas
que la police se soit rendue sur les lieux. absolument persuadée que la politique du laisser-faire
soit la meilleure pour résoudre le problème dans le
minimum de temps. C'est pourquoi elle pense que
H. - MAIN-D'ŒUVRE l'Autorité administrante devrait continuer à suivre le
problème du chômage et étudier des mesures positives
271. Au cours des audiences qu'elle a données et par et permanentes pour le résoudre. La Mission a reçu
les communications écrites qu'elle a reçues, la Mission certaines communications qui préconisent, par exemple,
a été mise au courant de plusieurs problèmes qui, d'après d'instituer une forme quelconque d'assurance contre le
certains, se poseraient dans le domaine du travail. La chômage au lieu de s'arrêter simplement au retour du
Mission s'est donc informée auprès de l'Autorité admi- travailleur dans sa région d'origine.
nistrante au sujet des problèmes soulevés; elle a cherché 275. A Sangmélima, la Mission a reçu une communi-
aussi à obtenir des renseignements de fraîche date sur cation déclarant qu'un chef local aurait envoyé, dans la
certaines questions relatives à la situation de la main- zone relevant de son autorité, un représentant chargé de
d' œuvre dans le Territoire, questions dont le Conseil de demander à chaque village de lui fournir de deux à
tutelle avait déjà été saisi. quatre personnes pour travailler sur sa plantation, où
272. Dans le Sud, il semble qu'une grande partie de ces personnes étaient soumises à de durs travaux. L'au-
la population soit préoccupée par le chômage. L'Autorité teur de la communication reconnaissait qu'il n'en était
administrante a déclaré que le chômage qui existe pas de même ailleurs, mais il assurait la Mission que la
actuellement, notamment à Douala, résulte d'un ralen- situation qu'il décrivait existait réellement à Sangmélima.

30
276. L'Autorité administrante rappelle que l'article 2 quatre nouvelles conventions importantes conclues en
du Code du travail interdit formellement le travail forcé. 1955 pour les travaux publics et la construction, les entre-
S'il est d'usage, pour les habitants des villages, d'exécuter prises commerciales, les banques et les industries de
des travaux sous la direction de leur chef, dans l'intérêt transformation. La Mission exprime l'espoir que les
général de la collectivité, nul ne peut être obligé, même conventions collectives seront conclues de plus en plus,
dans ce cas, à prendre part à ces travaux contre son gré. afin de permettre l'application totale du Code du travail
277. La Mission veut bien admettre que des cas tels d'outre-mer dans le Cameroun et espère que l'Autorité
que ceux qui sont mentionnés dans la communication administrante continuera de s'efforcer par tous les
précitée sont très rares et que l'Autorité administrante moyens d'assurer le respect absolu des dispositions du
prend les mesures qui conviennent pour redresser la Code déjà en vigueur.
situation dès qu'elle en a connaissance. Il n'en demeure 283. En ce qui concerne les syndicats dans le Territoire,
pas moins que la question des prestations de service la Mission n'a pas été en mesure de connaître le nombre
est très délicate et peut donner lieu à des abus. de leurs adhérents en 1955. Les chiffres pour 1954 sont
278. Un jour, la Mission a entendu soutenir que, pour donnés aux pages 175 et 176 du rapport annuel de
gagner 18.500 francs CFA par mois, un Africain devait l'Autorité administrante pour cette année-là. L'Autorité
avoir au minimum un diplôme tel que le brevet. L'Auto- administrante a déclaré que les syndicats étaient bien
rité administrante a assuré la Mission qu'il n'en était soutenus par leurs membres: en effet, les ordres de grèves
rien et que le Code du travail ne contenait aucune dispo- étaient bien exécutés (sauf dans le cas des grèves que
sition à cet effet. la Confédération générale du travail [CGT] a essayé de
déclencher en 1955). La Mission a appris que les relations
279. Il a semblé à la Mission qu'il y avait dans certains entre employeurs et syndicats étaient satisfaisantes,
milieux un malentendu quant au montant et à la nature comme le montre le fait que, sur 50 grèves qui ont eu
de l'indemnité d'expatriation qui, selon certains, peut lieu en 1954, 41 ont duré moins de 24 heures, et 2 seule-
représenter jusqu'à 50 pour 100 du traitement d'un ment plus de 5 jours. L'Autorité administrante estime
Européen. L'Autorité administrante a expliqué que cette que le niveau des dirigeants syndicalistes laisse souvent
indemnité était instituée par le décret du 5 mai 1951 et à désirer, mais qu'il s'améliore. Elle estime également
qu'elle était versée en deux fois: la moitié lorsque l'inté- que la CGT, syndicat important qui, d'après elle, est
ressé quittait la France, l'autre moitié lorsqu'il y rentrait. ouvertement de tendances communistes, a perdu du
Pour une période de deux ans de service outre-mer, terrain en 1955.
l'indemnité représente 25 pour 100 du salaire. Cette
indemnité n'a jamais été versée à un Européen recruté
sur place par l'Autorité administrante. Enfin, tout Afri- I. - SERVICES DE LA SANTÉ ET DE L'HYGIÈNE PUBLIQUES
cain recruté dans son pays pour servir à l'extérieur
bénéficierait de la même indemnité. 284. La Mission estime que l'Autorité administrante
280. La Mission ayant demandé si des mesures spé- continue à développer les services de la santé et de
ciales étaient prévues pour aider les anciens combattants l'hygiène publiques. Dans le rapport annuel de l'Autorité
à trouver du travail, l'Autorité administrante a déclaré administrante pour l'année 1954, on peut trouver aux
que de telles mesures étaient appliquées depuis 10 ans. pages 186 à 203 un exposé des résultats obtenus et les
Un service spécial pour les anciens combattants, l'Office statistiques correspondantes. La Mission a reçu égale-
des anciens combattants, se tient en liaison avec les ment des renseignements plus récents communiqués par
employeurs, y compris l'Administration, et fait fonctions le Directeur des service de la santé publique du Cameroun,
de bjlreau de placement pour les anciens combattants. à Yaoundé; elle tient à les porter à la connaissance du
Cet office consent des prêts aux anciens combattants qui Conseil.
veulent monter une affaire. En outre, un arrêté du 285. Un somme de 1 milliard 34 millions de francs
7 juillet 1955 accorde la priorité aux anciens combattants CFA est inscrite au budget du Territoire pour couvrir
pour 70 pour 100 des emplois disponibles. les dépenses de fonctionnement (personnel et matériel)
281. Des pétitionnaires qui se disent anciens combat- en 1955, ce qui, tout en ne représentant qu'une faible
tants se sont plaints de ne recevoir aucun secours; augmentation par rapport à 1954 (1 milliard 13 millions
d'autres, que des veuves ou des orphelins de guerre de francs CFA), représente un accroissement de l'ordre
connaissent une détresse assez aiguë. L'attention de de 42 pour 100 depuis 1952 (727.600.000 francs CFA).
l'Autorité administrante a été attirée sur ces plaintes. Dans le projet de budget pour 1956 présenté à l'Assem-
282. La Mission a reçu certaines communications blée territoriale, il est demandé que cette somme soit
concernant le Code du travail et son application dans le encore accrue de 10 pour 100 (elle serait portée à 1 mil-
Territoire 27; elle a demandé à l'Autorité administrante liard 175 millions de francs CFA).
quelles nouvelles mesures étaient prises pour appliquer 286. De 1947, époque à laquelle le FIDES a com-
le Code. L'Autorité administrante a renvoyé la Mission mencé à mettre des crédits à leur disposition, à novembre
à ses rapports annuels pour 1953 et 1954 et a mentionné 1955, les services de la santé publique du Territoire ont
reçu 1 milliard 122 millions de francs CFA; les prévisions
27 La Mission a reçu notamment des communications de dockers pour l'exercice 1955-1956 s'élèvent à 120 millions de
et d'ouvriers du port de Douala, ainsi que de domestiques, y francs CFA. Ces sommes sont consacrées principalement
compris des garçons de bars, demandant que des conventions
collectives soient conclues, le plus tôt possible, afin que leurs à la recherche, à l'enseignement, à la médecine théra-
activités professionnelles respectives soient réglementées. peutique et prophylactique.

31
287. Le personnel médical comprenait encore, en de francs CFA consacrés à l'ensemble du Territoire. Aussi
1955, 64 médecins 28, dont 4 autochtones, et 61 29 sages- espère-t-elle que des sommes de plus en plus importantes
femmes et infirmières diplômées d'Etat. Cinquante-neuf seront inscrites aux budgets du Territoire et du FIDES
Camerounais étudient la médecine en France, Il la pour les services médicaux de l'Administration dans le
pharmacie, un l'art dentaire et 16 jeunes femmes pré- Nord, afin de corriger le déséquilibre actuel dû en grande
parent le diplôme d'Etat d'infirmière ou de sage-femme. partie au fait que les missions se concentrent malheureuse-
288. Si le nombre des grands hôpitaux n'a pas aug- ment dans le Sud. Le manque d'assistance médicale se
menté en 1955 (il en existe 4: 2 à Douala, 1 à Yaoundé fait encore sentir dans le Nord.
et 1 à Ayos), ils ont été considérablement agrandis et 293. Tout au long de sa visite, la Mission a eu maintes
modernisés, comme la Mission a pu le constater lors- occasions d'observer ce que l'Autorité administrante
qu'elle les a visités, soit achevés, soit en construction. faisait pour assurer à la population autochtone des ser-
C'est ainsi qu'il existe un bloc opératoire moderne à vices de santé et d'hygiène publiques. Partout où elle
l'hôpital Laquintinie à Douala et un nouveau service s'est arrêtée, elle a visité l'école et le centre médical.
de psychiatrie à l'hôpital lamot, d'Ayos. La Mission Son itinéraire, qui figure plus haut, donne la liste des
a également vu un grand hôpital en construction à Bafous- écoles et des centres médicaux de l'Autorité adminis-
sam et un autre à Foumban. trante et des différentes missions ainsi visités.
289. Quand la Mission de 1952 a "isité le Territoire, 294. La Mission ne pense pas qu'il y ait lieu de décrire
il y avait 196 dispensaires officiels (61 dans les centres chacune de ces institutions; elle se bornera à mentionner
urbains et 135 dans les régions rurales). Lorsque la pré- celles qui présentent un intérêt spécial et à donner son
sente Mission s'est rendue dans le Territoire, on en impression générale.
comptait 220 (63 urbains et 157 ruraux). En 1954, 295. La Mission a visité les quatre grands hôpitaux
14 dispensaires-antennes et dispensaires ruraux ont été de l'Administration, qui supportent favorablement la
mis en construction par l'Administration; celle-ci a doté comparaison avec des institutions du même genre dans
de matériel 6 nouveaux centres du Service d'hygiène les pays plus développés. Elle a particulièrement admiré
mobile et de prophylaxie (SHMP). l'hôpital Laquintinie à Douala qui, lui a-t-on dit, est
290. Le nombre d'autochtones hospitalisés a conti- le plus grand (900 lits) des hôpitaux dans les territoires
nuellement augmenté, passant de 48.445 en 1951 à africains sous administration française. Non seulement
69.087 en 1954; au cours de cette période, le nombre cet hôpital dessert Douala et ses environs, mais encore
de décès dans les hôpitaux a diminué de 6 pour 100 reçoit tous les cas vraiment graves du Territoire. On peut
environ en 1954 par rapport à 1951. La Mission tient se faire une idée de son activité si l'on considère, par
tout spécialement à souligner que le nombre de femmes exemple, que du 1er janvier au 1er octobre 1955 le service
venant accoucher dans les hôpitaux et les maternités a d'oto-rhino-laryngologie a procédé à quelque 23.600 con-
presque doublé depuis 1951, passant de 10.331 en 1951 sultations. La Mission a inspecté l'excellent service den-
à 20.003 en 1954. La Mission a pu constater que, même taire dirigé par un chirurgien-dentiste diplômé, où les
dans le Nord, un grand nombre de femmes enceintes soins, y compris la prothèse, sont gratuits.
viennent librement et avec une confiance totale dans les 296. Dans le Nord, à Yagoua, la Mission a constaté
différents centres médicaux pour des consultations pré- l'amélioration considérable qu'a représentée la cons-
natales et postnatales; elle tient donc à féliciter l'Autorité truction du dispensaire moderne qui se dresse à côté
administrante des progrès accomplis pour surmonter la de son prédécesseur vêtuste. C'est le premier des cinq
répugnance que de nombreuses femmes avaient mani- dispensaires qui doivent être construits et le médecin
festée à cet égard - problème qu'avait d'ailleurs noté en charge a fait remarquer avec fierté à la Mission ,qu'il
la Mission de visite de 1952 3 °. contient la meilleure salle d'opérations de tout le Terri-
291. Non seulement l'Autorité administrante dirige toire.
ses propres services médicaux, mais elle continue à encou- 297. L'hôpital lamot à Ayos mérite aussi une mention
rager et à subventionner les activités médicales que honorable. Environ 90 infirmiers y reçoivent leur for-
plusieurs missions ont entreprises dans le Territoire. En mation. Lorsque la Mission l'a visité, il s'y trouvait
1955, 33.600.000 francs CFA ont été inscrits au budget 450 malades, dont 150 lépreux. On se rappellera que
du Territoire contre 27 millions en 1954; on prévoit c'est dans cet hôpital surtout qu'on a effectué les
une somme de 37.700.000 francs CFA pour 1956. Le recherches qui ont permis de faire disparaître presque
FIDES a alloué 91 millions de francs CFA à ce titre entièrement la maladie du sommeil.
pendant les trois dernières années.
298. La Mission a trouvé que la plupart des nom-
292. A cet égard, la Mission de visite constate que les breux dispensaires et postes médicaux qu'elle a visités
fonds consacrés en 1954 aux dépenses de fonctionnement étaient satisfaisants, bien que certains aient un équipe-
des services médicaux des missions dans le nord du ment limité et rudimentaire et quelques-uns laissent à
Territoire (où les missions sont moins actives) ne s'élèvent désirer du point de vue de l'antisepsie et de la propreté
qu'à 1.500.000 francs CFA sur un total de 17 millions générale. La Mission a vu des salles d'attente trop pleines,
28 Non compris 12 médecins privés et 20 médecins travaillant
les consultants en surnombre s'asseyant dans les couloirs,
avec les missions. sous la véranda et même en plein air. Les centres médi-
29 Non compris 44 sages-femmes et infirmières des missions. caux de l'Autorité administrante paraissent avoir suffi-
30 Voir Documents officiels du Conseil de tutelle, treizième ses- samment de médicaments et de produits pharmaceutiques,
sion, Supplément 11" 5, par. 207 et 208. qu'ils reçoivent de la Pharmacie centrale de Yaoundé.

32

--._._-------
Ils les distribuent gratuitement aux malades, à moins endémique et virulente, et exprime l'espoir qu'il sera
qu'il ne s'agisse d'une préparation spéciale exigée à la prochainement possible de protéger de la même manière
place du médicament ordinaire. toutes les régions du Territoire qui en ont besoin.
299. La Mission tient à attirer l'attention sur la ques- 301. A Douala, la Mission a entendu exprimer l'opi-
tion de l'usage de la pénicilline. A différentes reprises, nion que, si l'on examinait soigneusement les conditions
on a signalé à certains de ses membres, que l'achat de la actuelles du Territoire et les besoins immédiats de la
pénicilline semblait n'être contrôlé qu'assez légèrement. population, on verrait qu'on a davantage besoin de for-
Certains se procureraient irrégulièrement de la pénicilline mations sanitaires mobiles, de dispensaires et de centres
de sources diverses, dont la Nigéria, et s'en serviraient sanitaires que de grands hôpitaux. A ce propos, la Mis-
fréquemment en dehors de toute règle, de sorte que sion a noté avec intérêt les deux cliniques dentaires
s'ils ont vraiment besoin d'être soignés à l'aide de cet mobiles dépendant de l'hôpital de la mission presbyté-
antibiotique, celui-ci reste inefficace. La Mission n'a pas rienne américaine à Ebolowa. Il convient de mentionner
été en mesure de vérifier le bien-fondé de ces allégations; spécialement qu'alors qu'en 1944 cette clinique dentaire
elle en a fait part à l'Autorité administrante et elle espère avait fourni 25 appareils dentaires, au cours des années
que celle-ci enquêtera sur la situation et prendra les suivantes elle en fournissait plus de 1.000 par an, à peu
mesures qui se seront révélées nécessaires. de frais pour les patients.
300. Non seulement la Mission a pu observer l'aspect 302. La Mission a également été heureuse de constater
curatif des services médicaux de l'Autorité adminis- l'excellence du travail accompli tant à la léproserie de
trante, mais encore elle a assisté à certaines démonstra- la mission catholique romaine à Nden qu'à l'hôpital
tions pratiques de médecine préventive. Alors qu'elle se gouvernemental à Sangmélima. Cependant, elle a regretté
rendait de Maroua à Mokolo, elle s'est arrêtée pour d'apprendre que des médicaments qui étaient normale-
observer une équipe qui aspergeait des maisons avec du ment fournis à cet hôpital par la Pharmacie centrale de
DDT pour réduire le nombre des cas de paludisme. La Yaoundé n'arrivaient plus ces temps derniers en aussi
Mission a appris que le PISE fournissait les camions et grandes variétés.
le DDT, et l'Autorité administrante le personnel. On lui 303. Les auteurs des communications reçues par la
a dit également que la campagne antipaludique, com- Mission sont généralement satisfaits des services de
mencée en 1953, est centrée sur la région de Diamaré santé et d'hygiène publiques, mais demandent que ces
et qu'en 1954 quelque 270.000 personnes ont été protégées services prennent plus d'extension: plus de lits d'hôpital,
grâce aux aspersions des logements. La Mission a été plus de médecins, plus de médicaments et plus de maté-
impressionnée par la conscience, l'efficacité et la rapi- riel. La Mission de visite loue l'Autorité administrante
dité de l'équipe. Elle loue l'Autorité administrante et et les missions des grands efforts qu'elles déploient et
le FISE des mesures qu'ils prelment contre une maladie de l'efficacité avec laquelle elles collaborent.

CHAPITRE V

PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT

A. - GÉNÉRALITÉS' que compte le Territoire, 251.600 environ (soit 55 pour


100) sont actuellement inscrits dans divers établissements
304. Dans presque tous les centres qu'elle a visités, d'enseignement. La Mission note cependant que l'ensei-
la Mission a inspecté les établissements d'enseignement gnement est répandu d'une façon très inégale, puisque,
officiel ainsi qu'un grand nombre des écoles des diverses dans le Nord, 6 pour 100 seulement des enfants d'âge
missions. Elle a pu ainsi constater que l'Autorité admi- scolaire vont à l'école alors que, dans le Sud, cette pro-
nistrante fournissait à la population du Territoire de portion atteint 86 pour 100. Le nombre des établisse-
plus en plus de moyens d'enseignement. Ces progrès ments d'enseignement reflète naturellement cette situa-
ressortent d'ailleurs des statistiques récentes que l'Auto- tion. En 1955, il ne relevait du Service de l'inspection
rité administrante a communiquées à la Mission. Le nord, qui s'étend sur presque la moitié du Territoire,
nombre des élèves inscrits dans les écoles primaires, où que 85 écoles, comptant 8.073 élèves, alors que, dans
l'enseignement est gratuit, s'élevait en 1955 à 244.300 le Sud, plus de 359 écoles relevaient de cinq inspections.
(dont 33 pour 100 de filles), contre 216.061 en 1954 306. Il semble que la population de la région septen-
(dont 53.080 filles). Le nombre des élèves inscrits en trionale est pleinement consciente de l'utilité de l'ins-
1955 dans les établissements du second degré (lycées, truction. Sans doute, à une certaine époque, la popu-
collèges, écoles normales), tant publics que libres, était lation de cette région ne s'intéressait guère aux écoles.
d'environ 5.000 (dont 14 pour 100 de filles), contre 4.700 Il en va tout autrement maintenant. Non seulement les
(dont 600 filles) l'année précédente. populations de la région septentrionale reconnaissent
305. Le nombre des élèves inscrits dans les établisse- l'utilité des études, mais elles témoignent d'un vif désir
ments d'enseignement technique était de 2.384 (dont de s'instruire. Aussi l'Autorité administrante se propose-
50 pour 100 de filles) en 1955, contre 2.031 (dont 603 filles) t-elle d'augmenter le nombre des établissements d'ensei-
en 1954. Ainsi, sur les 450.000 enfants d'âge scolaire gnement dans cette région. Dans presque toutes les

33
communications reçues par la Mission dans la région 312. La Mission voudrait également attirer tout parti-
septentrionale - à Fort-Foureau, à Mokolo, à Mora, culièrement l'attention du Conseil de tutelle sur l'école
à Yagoua, à Garoua, à Guider - la population récla- d'Ayos, qui compte au total 262 garçons et filles, dont
mait plus d'écoles et plus de maîtres, notamment dans 50 enfants métis, non reconnus, sont totalement à la
les localités de la brousse. charge du Territoire. Ils viennent de toutes les régions
307. Cependant, la Mission estime que la question de du Territoire. Les bâtiments scolaires, dortoirs y com-
l'âge scolaire n'est pas encore complètement résolue. Ce pris, sont en excellent état et parfaitement tenus. Le
problème est évoqué aux paragraphes 272 et 273 du niveau de l'enseignement y est élevé. On oriente vers
rapport de la Mission de visite de 1952. La Mission de le lycée ou l'enseignement technique les élèves qui
visite de 1955 a reçu également plusieurs communications subissent avec succès l'examen de sortie. Les élèves les
dont les auteurs demandaient le relèvement de la limite plus doués vont terminer leurs études en France.
d'âge au-delà de laquelle les élèves ne sont plus admis
dans les établissements d'enseignement. Pour sa part,
la Mission pense que l'Autorité administrante pourrait
c. - ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

tenir compte des idées émises à ce sujet par la Mission


313. Il existe dans le Territoire cinq établissements
de visite de 1952.
publics d'enseignement secondaire: le lycée Général-
308. La Mission considère donc que le Conseil de Leclerc, à Yaoundé, le collège moderne de Nkongsamba,
tutelle voudra peut-être féliciter l'Autorité administrante le collège classique et moderne de Douala, le collège
du succès des efforts qu'elle a déployés dans le Nord du Nord, à Garoua, et le collège moderne de jeunes
pour développer l'enseignement, et l'inviter à continuer filles de Douala. Le nombre des élèves inscrits dans ces
à faire tout son possible pour satisfaire ce vif désir établissements s'élevait en 1954 à environ 1.600, dont
d'instruction, notamment en augmentant les crédits sco- 290 filles. La moitié environ des élèves étaient internes.
laires et le nombre des maîtres dans la région septen- La Mission a visité ces établissements; elle a été parti-
trionale, et d'appliquer avec le maximum de souplesse culièrement frappée par la haute qualité de l'enseigne-
le règlement relatif à l'âge scolaire limite. ment donné au lycée, qui comptait 147 enfants euro-
309. En ce qui concerne les dépenses afférentes à péens en 1954, sur un effectif total de 831 élèves. Les
l'enseignement, les crédits budgétaires consacrés à l'ensei- membres de la Mission ont assisté à plusieurs cours qui
gnement se sont élevés en 1955 à 1 milliard 300 millions les ont vivement intéressés. Les programmes d'études
de francs CFA (7.428.570 dollars), contre 1 milliard sont les mêmes que dans la métropole et préparent ainsi
10 millions de francs CFA en 1954. Ces crédits servent les élèves à l'entrée dans les universités françaises. Tout
à construire des écoles de village et à couvrir les dépenses en félicitant l'Autorité administrante des efforts qu'elle
de toutes les écoles du Territoire. Les crédits du FIDES déploie dans le domaine de l'enseignement secondaire,
servent à la construction d'écoles dans les centres. Entre la Mission constate que, sur un effectif scolaire de
1953 et 1955, le montant total de ces crédits du FIDES 1.600 élèves, 1.533 élèves appartiennent à des établisse-
s'est élevé à 873 millions de francs. Tout en reconnais- ments du Sud, le collège du Nord, à Garoua, ne comptant
sant que les crédits affectés à l'enseignement ont aug- que 67 élèves. La Mission exprime donc l'espoir qu'au
menté régulièrement chaque année, la Mission estime fur et à mesure que les élèves de l'enseignement primaire
qu'il faut encore plus de crédits, et qu'il faut consacrer aborderont en nombre croissant l'enseignement secon-
au Nord une plus forte proportion de ces crédits. daire, l'Autorité administrante développera cet enseigne-
310. La Mission a appris que dans le souci de ne pas ment dans le Nord en y créant de nouveaux établisse-
limiter l'enseignement au seul domaine de la théorie, il ments.
a été proposé d'instituer dans le Sud des écoles séparées
pour les filles, ceci afin de permettre de leur dispenser D. - ENSEIGNEMENT TECHNIQUE
un enseignement ménager.
314. Dans le domaine de l'enseignement technique,
B. - ENSEIGNEMENT PRIMAIRE l'Autorité administrante a fait un effort spécial qui a
été favorablement accueilli par la population. Cepen-
311. L'enseignement public du premier degré com- dant, l'Autorité administrante indique qu'une grande
prenait, à la fin de 1954, 429 écoles primaires publiques, partie de la jeunesse reste encore à convaincre de la
avec un effectif de 59.338 élèves, dont 16.278 filles. La possibilité qui lui est offerte d'atteindre un bon niveau
Mission a visité plusieurs de ces écoles à Mindif, Mokolo, de vie en faisant l'apprentissage d'un métier manuel. En
Yagoua, Guider, Meïganga, Batouri, Abong-Mbang, même temps, la Mission a reçu, en particulier des syn-
Sangmélina, Kribi et Dschang. Dans le Nord, elle a dicats, bon nombre de communications qui indiquent
visité avec un intérêt particulier les écoles de filles de que la population désire de plus en plus non seulement
Maroua et de Garoua. Cette dernière école compte une formation technique pour les jeunes, mais également
maintenant 150 élèves de 6 à 14 ans, soit une augmen- des cours de perfectionnement pour les travailleurs
tation de 225 pour 100 en trois ans. Ce fait, ainsi que adultes qui ont déjà quelque connaissance et quelque
le nombre croissant des filles dans la plupart des écoles pratique de leur métier. On a exprimé l'opinion que ce
- par exemple à l'école de Mokolo, qui, sur 268 élèves, genre d'enseignement était, actuellement, encore plus
compte maintenant 48 filles, alors qu'il n'yen avait nécessaire au Territoire que les études livresques et
que 3 en 1948 - indique l'importance croissante accordée théoriques qui n'offrent de débouchés que dans les
à l'enseignement des .lilles dans le Nord. bureaux.

34
315. En 1954, il Y avait neuf sections de préappren- un proche avenir. Ces quatre établissements d'enseigne~
tissage, qui. groupaient 330 élèves. La Mission a visité ment sont tous situés dans le Cameroun méridional et
les sections de Maroua, Mokolo et Dschang. L'école le Nord n'a encore aucun centre de formation des maitres
de Dschang, inaugurée en 1952, compte actuellement qui puisse s'y comparer.
64 élèves et trois sections: bois, fer et maçonnerie. Pen- 323. La Mission a été favorablement impressionnée
dant la première année, les garçons étudient ces trois par les résultats des méthodes employées à l'école pilote
spécialités; pendant la deuxième année, ils se spécialisent de Pitoa, dans la région de la Bénoué. Ces méthodes
dans la technique qui semble leur convenir le mieux. consistent dans une large mesure à utiliser en matière
316. Lorsqu'ils ont terminé avec succès les années de d'enseignement des leçons de choses tirées directement
préapprentissage, les élèves peuvent aller dans l'un des du milieu. Cette école constitue peut-être la première
six. centres d'apprentissage (Nkongsamba, Bafoussam, tentative que l'on ait faite pour donner au Nord des
Garoua, Douala, Ebolowa et Edéa). En 1954, 366 élèves maîtres recrutés parmi les habitants de la région. Plu-
y suivaient des cours d'une durée de trois ans. La Mission sieurs communications indiquent que, si les habitants
a visité tous ces établissements et a remarqué combien du Nord sont heureux d'avoir des instituteurs français,
les élèves étaient zélés et capables. ils hésitent en revanche à confier l'instruction de leurs
317. Enfin, à l'échelon sup~rieur de l'enseignement enfants à des Camerounais du Sud. Ils désirent confier
technique, il y a l'école professionnelle de Douala à des gens du Nord l'instruction des enfants du Nord.
(207 élèves en 1954) qui offre un cycle d'études d'une Les 263 garçons qui étudient à l'école de Pitoa viennent
durée de 5 ans, et où l'on enseigne des spécialités à exclusivement du Nord; on y envoie des garçons intel-
partir de la troisième année. La Mission a visité cet ligents recrutés jusque du fond de la brousse. L'école
important établissement qui possède un matériel consi- leur donne d'abord un enseignement primaire général.
dérable, notamment un laboratoire de physique et de Ensuite, l'élève peut décider de se préparer à l'agricul-
chimie. ture, à l'élevage ou aux eaux et forêts, ou encore à
318. La Mission est d'avis que le développement de l'enseignement. On prépare cette dernière catégorie
l'enseignement technique est hautement recommandable. d'élèves au diplôme de moniteur et, par la suite, au
Il permettra de doter le Territoire, au cours des années brevet élémentaire. On donne également aux moniteurs
à venir, d'ouvriers qualifiés qui font encore tant défaut. une formation spéciale qui leur permet, lorsqu'ils re-
Les travaux exécutés par les élèves dans les diverses tournent dans leurs villages isolés, de diriger les cours
branches (bois, fer, maçonnerie, etc.) sont remarquables d'adultes ou d'y prêter leur concours. Il est à signaler
et témoignent de leur aptitude innée. tout particulièrement que les places disponibles à l'école
sont réparties proportionnellement entre toutes les tribus
319. L'enseignement professionnel s'adresse aux jeunes qui composent la population du Nord.
filles et aux femmes, mais se limite principalement dans
leur cas à l'enseignement ménager: couture, broderie, 324. La Mission a également visité à Dschang le seul
cuisine, raccommodage, coupe, hygiène et puériculture. établissement d'enseignement du Territoire qui forme
Cette formation fait souvent partie du programme des des moniteurs d'éducation physique. Inauguré en 1950,
écoles primaires, spécialement celles des filles. La Mission c'est un internat où deux professeurs européens donnent
attire particulièrement l'attention sur les centres de ser- un enseignement sportif à 21 élèves, dont une fille. La
vice social qui assurent également la formation des jeunes Mission a appris que les parents s'opposent à voir leurs
fiUes dans ces domaines. filles recevoir ce genre de formation. La Mission a assisté
à une excellente séance de gymnastique. Chaque année,
10 élèves reçoivent leur diplôme et un nouveau groupe
E. - FORMATION DES MAÎTRES de 10 élèves commence ses études. On construira sous
peu un gymnase à l'aide de fonds prélevés sur le budget
320. Pour augmenter le nombre des maîtres, l'Auto- local. L'enseignement est gratuit mais, conformément au
rité administrante a porté de trois à neuf, en 1954, le principe admis, quand la pension est gratuite, les élèves
nombre des cours complémentaires qui forment une s'engagent à enseigner dans les écoles publiques pendant
grande partie des moniteurs. Ces neuf cours complé- les 10 ans qui suivent la remise de leur diplôme. L'Auto-
mentaires ont 561 élèves, dont 33 jeunes filles. rité administrante indique qu'en général les jeunes Came-
321. Pour former des instituteurs adjoints, l'Autorité rounais ne se sentent pas attirés par l'idée d'avoir à
administrante dirige trois écoles normales de garçons, s'engager pour 10 ans et l'Administration ne peut pas
à Bertoua, Dschang et Foumban, et une école de filles, recruter facilement des élèves, même en payant toutes
à Ebolowa. A la fin de 1954, il y avait dans ces écoles leurs dépenses, pour des cours qui entraînent pour eux
613 élèves. La Mission a visité ces quatre établissements une telle obligation.
d'enseignement et a remarqué que l'Administration 325. La Mission a été témoin de l'intérêt que la popu-
s'efforçait d'adapter aux besoins particuliers du Terri- lation prend à la culture physique et aux sports, en
toire le programme suivi en France, en enseignant dans visitant dans plusieurs centres d'excellents terrains de
ces écoles l'histoire, la géographie et l'économie du jeux, dont ceux de Yaoundé et de Ngaoundéré sont de
Territoire. magnifiques exemples. En outre, les élèves de plusieurs
322. La Mission a remarqué que les classes et les missions, comme celle de Garoua et celle de Ngaoundéré,
dortoirs étaient quelque peu encombrés et a appris que ont donné devant la Mission de visite des séances de
ces écoles n'ont pas assez de place; elle espère que l'Auto- gymnastique suédoise effectuées de façon exemplaire. A
rité administrante sera en mesure de la leur fournir dans Mora, la Mission a été invitée à assister à des séances

35
d'acrobatie auxquelles mêmes les plus je~nes garçons demandé si l'on avait pris des mesures pour remédier
ont participé avec un allant, un enthousIasme. e~ une à cette situation' l'Autorité administrante a répondu
hardiesse extraordinaires. A Fort-Foureau, la MIsSIOn a qu'en ce qui con~erne l'enseign~ment primair~ le Terri-
assisté à une séance de gymnastique d'une parfaite exé- toire était divisé en six inspectIOns. Chaque lllspecteur
cution, sous la conduite du directeur des sports du sultan. est chargé de quatre régions et es~ secon~~ par u.n ~djoint
dans chacune de ces régions. L Autonte admlllistrante
F. - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
est d'avis que ce système permet d'aller voir .les maîtres
des écoles les plus éloignées et de les conseIller.
326. Il n'y a encore aucun établissement d'enseigne-
ment supérieur dans le Territoire, car l'Autorité admi- H. - ECOLES DES MISSIONS
nistrante maintient sa thèse qui est exposée au para-
graphe 264 du rapport de la Missi?n. d,e visite. po,:r 331. Jusqu'ici, on a surtout traité dans le pré.s~nt
1952. La Mission actuelle a demande SI 1 on avaIt pns chapitre des écoles des différ~n~s degrés que dIrIge
des mesures pour créer dans le Territoire des cours l'Autorité administrante. La MISSIOn attire maintenant
avancés dans certains domaines limités, en tant que l'attention sur la tâche importante qu'accomplissent,
mesures préliminaires à la création d'une un~versit~. dans le domaine de l'enseignement, les missions chré-
L'Autorité administrante a répondu qu'elle n'envIsageaIt tiennes, catholiques et protestantes. En ce qui concerne
pas actuellement la création d'une université, mais qu'elle l'enseignement primaire, par exemple, ces écoles comp-
étudiait actuellement un projet de création, au lycée de taient en 1954 un effectif de 155.934 élèves, contre
Yaoundé, d'une année propédeutique qui préparera les 60.127 élèves dans les écoles publiques. On trouvera
étudiants à entrer dans les grandes écoles. En outre, de d'autres statistiques comparatives à la page 390 du rap-
nombreux boursiers africains (136 en 1954) suivent main- port annuel de l'Autorité administrante pour 1954.
tenant des cours par correspondance au Centre national
d'études pour se préparer à un c<:rtificat de licence. D~s 332. L'Autorité administrante poursuit une politique
examens écrits ont lieu chaque année dans le Tern- qui consiste à coordonner étroitement l'enseignement
toire. Ces boursiers sont de jeunes fonctionnaires qui public et l'enseignement privé, et exerce un double
désirent poursuivre leur formation sans être obligés de contrôle à la fois financier et technique, sur les écoles
quitter leur domicile et leur emploi. privées 'qui reçoivent des subvention~. .A différ~ntes
reprises, le personnel des écoles des mISSIOns a faIt de
327. En ce qui concerne d'une façon générale les
bourses d'études à l'étranger, on a décerné 71 bourses grands éloges de l'Autorité administrante p~ur ,sa, gén~­
rosité dans l'allocation des fonds et a soulIgne 1 espnt
d'enseignement secondaire en 1955 (41 à des garçons et
30 à des filles). Sur ces 41 jeunes gens, 16, qui sont de cordialité et de coopération qui existe dans leurs
relations mutuelles. La Mission a visité les établissements
bacheliers, reçoivent en France leur formation profe~­
de la mission catholique à Karna, Ngaoundéré, Mei-
sionnelle en quatrième année d'école normale. L'AdmI-
nistration a pris cette mesure pour améliorer la qualité ganga, Eséka et Douala, et ceux des missio~s protes:
du personnel enseignant du Territoire, comme l'avait tantes à Mbé (mission luthérienne norvégIenn~),. a
recommandé le Conseil de tutelle. En 1955, il a été accordé Ngaoundéré (mission norvégienne), à Meiganga (m~ss~on
en outre 180 bourses d'enseignement technique (110 à luthérienne américaine), à Batouri et à Ebolowa (mISSIOn
des garçons et 70 à des filles) et 172 bourses d'enseigne- presbytérienne américaine), à Bangangté (mission pro-
ment supérieur (160 à des garçons et 12 à des filles), testante française) et à Douala (école protestante de
contre 151 en 1954. Deido). La Mission de visite ne saurait trop louer l'œuvre
admirable qui s'accomplit de toute évidence dans cha-
328. La Mission a appris avec un vif intérêt que le cune de ces écoles, ainsi que l'intelligence, le désintére~­
Territoire a acheté 200 chambres à la Cité universitaire sement et les capacités technique du personnel enseI-
de Paris, qui sont mises à la disposition de ces b<:ursiers. gnant, qui manifestait partout un gra?d empre~~eme~t
Des dispositions ont été prises pour venir en aIde aux à montrer avec un orgueil compréhensIble ce qu Il avaIt
épouses des boursiers mariés. Notamment, elles sont accompli.
envoyées en France pendant un an.
333. Lors de son passage à Yaoundé, la Mission de
329. L'Assemblée territoriale, en approuvant les cré- visite s'est entretenue avec les représentants de l'Eglise
dits prévus pour l'octroi des bourses, a demandé que
catholique, les évêques du Cameroun, Mgr G;a!fen. et
l'on orientât les bénéficiaires suivant les nécessités du Mgr Etoga, et avec les représentants de la FederatIOn
Territoire.
évangélique du Cameroun et de l'Afrique équatoriale,
G. - ADMINISTRATION SCOLAIRE M. Newhouse, M. Keller et M. Helmlinger, qui lui ont
exposé leur organisation, leurs principes, leurs moyens
330. Dans ses observations sur le rapport annuel de financiers et les résultats qu'ils obtiennent.
l'Autorité administrante pour 1953, l'UNESCO avait 334. La Mission tient à mentionner de façon spéciale
dit qu'il semblait que le personnel chargé d'inspecter la visite qu'elle a faite au séminaire de Yaoundé, dirigé
les écoles et de conseiller les maîtres était assez réduit par les pères bénédictins, et où un groupe de 49 sémi-
en comparaison avec le nombre des établissements naristes lui a souhaité la bienvenue. Ces jeunes gens,
d'enseignement et celui des élèves 31. La Mission a tous des Camerounais, se préparent à leur mission avec
31 Ibid., quinzième session, Annexes, point 3 de l'ordre du jour, un esprit admirable qui présage du bien qu'ils feront à
T/1150, par. 27. leurs compatriotes.

36
335. La Mission de visite pense que le Conseil de sifier ses efforts dans ce domaine 32. La présente Mission
tutelle voudra probablement féliciter l'Autorité adminis· a également constaté que l'UNESCO, dans ses obser-
trante et les missions de leur collaboration fructueuse vations sur le rapport annuel de l'Autorité adminis-
et des progrès des populations autochtones du Terri- trante pour 1953, avait exprimé la satisfaction qu'elle
toire dans le domaine de l'enseignement. éprouvait de la création du centre pilote d'éducation de
de base à Endingding. Grâce à l'expérience ainsi acquise,
il a été possible de lancer une campagne organisée qui
J. - ENSEIGNEMENT OFFICIEL ET ENSEIGNEMENT PRIVÉ a donné des résultats satisfaisants 33. La Mission tenait
donc à examiner les mesures 34 que l'on avait prises
336. La question n'est plus de savoir si l'enseignement pour intensifier une campagne qui avait commencé dans
privé est utile au Cameroun, la preuve en a déjà été de si bonnes conditions et à se renseigner à ce sujet.
faite. La question est de savoir comment le budget du La Mission a appris qu'il existait dans tout le Territoire
Territoire va permettre à cet enseignement de se mainte- des cours du soir où les adultes apprenaient à lire et
nir et de se développer. acquéraient une connaissance élémentaire de la langue
337. A la rentrée scolaire d'octobre 1955, les inscrip- française. C'est ainsi que, dans le Nord, il y a 30 cours
tions pour l'enseignement primaire étaient de 70.849 d'adultes qui ont lieu deux ou trois fois par semaine
élèves pour l'enseignement officiel, et de 173.484 élèves et que donnent des moniteurs ou maîtres africains. La
pour l'enseignement privé. Mission regrette de n'avoir pu visiter aucun de ces
cours et de ne pouvoir en conséquence dire s'ils ont
338. Pour l'enseignement secondaire, il a été dit que
permis d'obtenir de bons résultats et s'ils sont bien
l'enseignement officiel comptait trois cinquièmes de
accueillis de la population.
l'effectif total des élèves, les missions ne disposant pas
de moyens suffisants pour multiplier les établissements 344. Non seulement l'Autorité administrante combat
plus dispendieux du secondaire et du technique. l'analphabétisme, mais elle donne à la population adulte
l'occasion d'acquérir des connaissances pratiques dans
339. Au point de vue financier, les missions ont reçu les postes de paysannat. La Mission a vu l'œuvre accom-
les subventions suivantes: 1953,205.570.000 francs FCA; plie à Mantoum, dans un poste de paysannat typique
1954, 190 millions de francs CFA; 1955, 241 millions où un fonctionnaire, qui fait partie intégrante de leur
de francs CFA. Pour 1956, les représentants des missions, petite collectivité, apprend aux petits agriculteurs, au
tenant compte des difficultés budgétaires du Territoire, niveau du village, les méthodes agricoles qui con-
ont demandé un minimum de 326 millions de francs viennent 35. La Mission est d'avis que l'Autorité admi-
CFA, mais le projet de l'Administration ne prévoit que nistrante mérite des félicitations pour les progrès déjà
280 millions de francs CFA. Les missions reçoivent en accomplis en matière d'éducation de base des adultes
somme un tiers du budget de l'enseignement, alors dans les postes de paysannat et que les efforts devraient
qu'elles groupent dans leurs écoles plus des deux tiers être multipliés.
des enfants qui sc font instruire.
345. Les foyers culturels, qui existent dans certains
340. Il en résulte, notamment, une grosse difficulté centres, permettent également aux adultes de se cultiver:
en ce qui concerne les maîtres africains de l'enseignement La Mission a visité l'un de ces centres, à Garoua, qUI
privé. Ceux-ci, à titre égal, ne peuvent être rétribués dispose d'une petite bibliothèque. Les fresques sont
comme le sont ceux de l'enseignement officiel, et leur l'œuvre du directeur de l'école de Pitoa, qui donne
avancement, pour des raisons financières, ne peut leur également des leçons de peinture. Le hall du centre sert
être assuré; il s'ensuit que les premiers ont une tendance également à des représentations théâtrales mises en scène
à déserter les écoles privées et compromettent le succès par un professeur du collège de Garoua. La Mission a
de celles-ci. Non seulement les maîtres s'en vont, mais reçu une communication qui demandait la création d'un
les nouveaux maîtres sont difficiles à recruter. plus grand nombre de ces foyers culturels dans le Nord;
341. Il semble donc que l'Assemblée territoriale et s'étant rendu compte elle-même du grand intérêt que
l'Autorité administrante devraient revoir la répartition suscitent ces centres et de la valeur qu'ils ont pour la
des crédits entre l'enseignement officiel et l'enseignement population autochtone, la Mission félicite l'Autorité
privé, en tenant compte plus particulièrement de la fré- administrante de ce qu'elle a déjà fait dans ce domaine
quentation scolaire selon le type des écoles. et exprime l'espoir qu'un plus grand nombre de ces
342. Il est bien entendu que les considérations anté- institutions sera ouvert dans les années à venir.
rieures, faites à la lumière de la situation actuelle, ne 346. La Mission a remarqué, en visitant trois des
devraient en aucune façon gêner les plans de l'Autorité musées du Territoire, les efforts que fait l'Administra-
administrante pour l'amélioration et l'extension de tion pour préserver l'héritage culturel de la population.
l'enseignement officiel. Elle a tout d'abord visité le musée d'art local de Maroua,
créé avec l'aide des chefs et des notables de l'endroit.
J. - INSTRucnON DES ADULTES 32 Voir Documents officiels du COf/seil de tutelle, treizième ses-
sion, Supplément na 5, par. 273.
33 Ibid., quinzième session, Annexes, point 3 de l'ordre du jour,
343. La Mission constate que la Mission de visite document TI1150, par. 58 à 64.
pour 1952 avait remarqué que l'éducation de base était,
34 Pour plus de détails, voir le rapport annuel de l'Autorité
semblait-il, encore peu développée et que l'Autorité administrante pour 1954, p. 235 et 236.
administrante pourrait envisager la possibilité d'inten- 36 Voir par. 181 ci.dessus.

37
On y peut voir une très bonne collection d'articles reli- 347. La Mission s'est également beaucoup intéressée
gieux, d'instruments de musique, de harnais, d'articles au musée de Douala, qui possède une galerie d'histoire
de pêche, de parures, d'ouvrages en métal, d'instruments naturelle et de préhistoire, ainsi qu'une série de salles
aratoires, de poteries et d'armes. Dans le bâtiment voi- dont chacune contient des objets caractéristiques des
sin, elle a pu admirer les produits contemporains de divers groupes ethniques du Territoire. Elle a également
l'artisanat locaL babouches, tissage, vannerie, broderie visité le musée de Foumban où sont conservés les objets
et maroquinerie. Toujours à Maroua, la Mission a visité anciens de l'art bamoun. La Mission félicite l'Autorité
la foire locale et .s'est intéressée tout particulièrement administrante et ses collaborateurs africains de réunir et
aux sept ou huit cases autochtones (sarés) caractéris- d'exposer ces articles, qui ne manqueront pas d'avoir
tiques, par leur style, des diverses régions du Territoire. pour la population autochtone une grande valeur édu-
Elle estime que ces collections peuvent maintenir chez cative.
l'autochtone une fierté et une conscience salutaires de 348. La Mission verrait avec intérêt l'Autorité admi·
sa valeur et que le visiteur pourra être pris d'émulation nistrante envisager, avec les Nations Unies, l'organisa-
en contemplant les beaux exemples de l'artisanat local. tion à New-York d'une exposition groupant à la fois
De la comparaison des divers types de saré exposés, il quelques pièces représentatives de l'art traditionnel et
pourra naître une formule améliorée de l'habitat de ces les travaux réalisés avec tant d'art et de délicatesse dans
régions. les écoles et les centres d'artisanat.

CHAPITRE VI

RENSEIGNEMENTS SUR L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES

349. Le Conseil de tutelle avait donné mandat à la lecteurs dans une salle spéciale de la bibliothèque muni-
Mission d'examiner, de concert avec l'Autorité adminis- cipale de Douala. Certains chefs de Yaoundé et la biblio-
trante, les mesures prises ou à prendre pour fournir aux thèque de Douala ont exprimé le désir de recevoir un
populations du Territoire sous tutelle des renseignements plus grand nombre de renseignements et davantage de
sur l'Organisation des Nations Unies. publications sur l'Organisation des Nations Unies, et
350. Elle a constaté que les publications et les affiches la Mission a conseillé à l'Autorité administrante de
des Nations Unies figuraient dans les salles de classe, les demander des documents au Département de l'infor-
bibliothèques, les foyers culturels et les autres insti- mation des Nations Unies pour les remettre à toutes
tutions qu'elle a visitées. Les écoles complètent les classes les personnes et à toutes les institutions du Territoire
d'instruction civique par des cours sur l'Organisation qui en feraient la demande. La Mission a également
des Nations Unies, pour familiariser les populations conseillé de mettre la documentation de l'UNESCO à
locales avec les buts et les principes généraux de l'Orga- la disposition des foyers culturels du Territoire.
nisation des Nations Unies et du régime international 352. Comme il est dit plus haut, le Président de la
de tutelle. Dans tout le Territoire sous tutelle, la Mission Mission a pris la parole à la radio et la Mission a accordé
était accompagnée d'un photographe de l'Administra- des entrevues à quatre agences de presse, à Yaoundé.
tion centrale de Yaoundé, qui prenait des vues fixes et
des films, et par un journaliste qui envoyait à la Presse (Signé) M. H. DORSINVILLE (Haïti), Président
du Cameroun des articles sur les faits et gestes de la
Mission dans le Territoire. R. SCHEYVEN (Belgique)
351. La Mission a constaté avec satisfaction que les M. K. YANG (Chine)
publications des Nations Unies sont à la disposition des E. W. MULCAHY (Etats-Unis d'Amérique)

38
ANNEXE 1

Itinéraire

Distances Distances
parcourues parcourues
Dales (/955) Parcours (km) Dales (1955) Parcours (km)
Octobre Octobre
15 Départ de New-York. 24 Retour en automobile à l'aéroport de Salak; 17
16 Arrivée à Paris. visite de l'abattoir; départ pour Yagoua en 192
Entrevue avec des fonctionnaires du Ministère avion. Survol des rizières de la vallée du Lo-
17
de la France d'outre-mer, à Paris. gone. A Yagoua, entrevue avec le chef de
canton, visite de l'ancien et du nouveau dis-
18 Arrivée à Yaoundé (Cameroun sous administra- pensaire, de l'école, de la rizerie et du quar-
tion française) par avion, de Paris, entretiens tier des fonctionnaires africains; audiences.
préliminaires avec le Haut-Commissaire pour
le Territoire sous tutelle et avec d'autres fonc- Arrivée à Garoua, par avion, de Yagoua. 180
tionnaires. 25 Groupe A: Audiences à Garoua; puis visite des
19 Arrivée à Fort-Lamy (Afrique-Equatoriale fran- 1.000 installations portuaires, du quartier des
çaise) par avion, de Yaoundé; visite du labo- affaires, du quartier de résidence des fonc-
ratoire vétérinaire de Farcha, de l'abattoir et tionnaires africains, de l'école des filles, de
du collège Félix-Eboué. l'école des garçons, du foyer culturel, du
20 Arrivée à Fort-Foureau (Cameroun sous admi- 15 collège moderne, du bâtiment des PTT et du
nistration française) en bateau, deFort-Lamy; palais du Lamido.
allocution du chef de région; visite de l'école,
Groupe B: Départ en automobile pour Guider; 100
du terrain de sports, de l'ancien et du nouveau
arrêt en cours de route à Pitoa pour visiter le
dispensaire, du palais du sultan et du marché;
marché du village et une école pilote. A Gui-
audiences.
der, visite du palais du Lamido, de l'école et
Groupe A: Visite en automobile du village 100 de l'hôpital. Allocution du chef de subdivi-
d'Afadé; retour à Fort-Foureau. sion.
Groupe B : Visite des pêcheries et de la pépinière. 15
Retour à Garoua en automobile. 100
Retour de la Mission à Fort-Lamy, en bateau.
26 Départ en automobile pour Nagoundéré; arrêt 353
21 Arrivée à l'aéroport de Salak (près de Maroua) 185 en cours de route à Mbé pour visiter l'école
par avion, de Fort-Lamy; départ en automo- 17 publique, l'école et le dispensaire delanùssion
bile pour Maroua; visite du musée de l'arti-
luthérienne norvégienne et pour entendre une
sanat.
allocution du chef de canton; arrêt également
Groupe A: Visite de l'école, de l'hôpital, de l'arti- à la mission catholique de Kama, et visite de
sanat et du marché; audiences; visite du l'école et du dispensaire.
chantier de fonçage d'un puits profond ainsi
que du centre agricole; 27 Réunion de travail à Ngaoundéré.
Groupe B: Départ en automobile pour rendre 28 Ngaoundéré. Audiences; visite de la station
visite au Lamido de Mindif, retour à Maroua. expérimentale d'élevage de Wakwa; allo-
cution du chef de région; visite de l'hôpital,
22 Départ de Maroua en automobile pour 80
du quartier de résidence des infirmières, du
Mokolo; arrêt en cours de route à Méri pour
quartier des fonctionnaires africains, de
examiner les travaux d'aménagement d'un ré-
l'école régionale, du quartier des étrangers,
servoir expérimental de conservation des eaux,
du terrain de sports, d'une pépinière expéri-
observer des travaux de forage de puits, d'as-
mentale, de l'école de la mission norvégienne,
persion au DDT par un groupe mobile et de
du palais du Lamido, de la mission catho-
construction de routes. Visite de l'école et
lique, de la station radiophonique et météoro-
de l'hôpital de Mokolo; audiences.
logique de l'aérodrome, de l'abattoir, d'un
Départ en automobile pour Kapsikis, visites 98 alevinage et des chantiers de reboisement.
et retour à Mokolo.
23 Départ de Mokolo en automobile pour Mora; 128 29 Départ en automobile pour Meiganga, où la 160
arrêts en cours de route pour visiter la sta- Mission accorde des audiences; visite de
tion expérimentale d'agriculture de Guétalé, l'école de la mission catholique, de l'atelier
observer la mise en œuvre d'un programme de menuiserie, de l'école et de l'orphelinat de
de réinstallation à Koza et visiter la mission la mission luthérienne et du dispensaire pu-
des adventistes du Septième Jouretlemarché. blic.
A Mora, visite de l'école et audiences. Retour en voiture à Ngaoundéré; réunion de 160
Retour en automobile à Maroua. 63 travail.

39
Distances Distances
parcourues parcourues
Dates (1955) Parcours (km) Dates (1955) Parcours (km)
Octobre Novembre
30 Départ en automobile pour Bertoua; arrêts 551 7 Groupe B: Sangmélima; visite de l'école, de 232
en cours de route à Meïganga, Bemboran 1'hôpital et de la SAP de Meyo. Départ en
(visite d'une usine de production de farine de voiture pour Ebolowa, arrêts en cours de
manioc), Mboussa et Garoua-BoulaY. route à Ngoulémakong (Ntem), à Mengong
31 Groupe A: Départ en automobile pour Batouri; 86 pour y rencontrer le chef de groupement et à
audiences; visite de la fabrique de tabac de la Ekouk pour inspecter la coopérative de cacao.
SEITA, de la prison, de l'école et de l'hôpital. A Ebolowa, visite de l'école et de l'hôpital de
la mission américaine, puis audiences.
Retour en automobile à Bertoua. 86
8 Groupe A: Audiences à Ngambé (Babimbi), puis 120
Groupe B: A Bertoua, le groupe est accueilli par visite du dispensaire et de la prison. Départ en
les personnalités locales, puis visite l'école, voiture pour Edéa, arrêt en cours de route à
la prison, le tribunal indigène, le dispensaire Senguengué.
et l'hôpital, les pêcheries et une ferme expéri-
mentale. Groupe B: Départ en voiture pour inspecter la 32
station expérimentale du cacaoyer et une 281
Novembre nouvelle cité à Nkoemvoné; retour à Ebo-
1 Départ en automobile pour Abong-Mbang; 113 Iowa. Visite du centre d'apprentissage d'Ebo-
arrêts en cours de route à Longtimbi et à Iowa. Départ en voiture pour Kribi, arrêt en
Doumé, pour des audiences. Visite de l'hôpi- cours de route à Lolodorf, puis nouvel arrêt
tal et de l'école d'Abong-Mbang; audiences. en chemin pour inspecter des« ponts cadres».
2 Visite de la prison d'Abong-Mbang. Départ en 206 A Kribi, visite du jardin d 'enfants (quartier de
automobile pour Yaoundé; arrêts en cours de Talla), de la mission catholique, de l'hôpital
route à Ayos (audiences puis visite del'hôpital et de l'hôtel de ville; audiences.
Jamot et de l'école) et à Meingang, où la 9 Groupe A: Audiences à Edéa; visite de l'école,
Mission est saluée par les personnalités lo- de la fabrique d'huile de palme, de la centrale
cales. électrique et de l'usine d'aluminium en cons-
3 A Yaoundé, la Mission tient une réunion de truction.
travail, donne audience aux chefs des mis-
Groupe B: Visite du port de Kribi, excursion
sions protestantes du Territoire et rencontre
en bateau aux chutes du Lobé, et visite de
divers chefs de service.
l'école nautique.
4 Yaoundé. Réunion de travail; visite de l'Assem- Départ en voiture pour rejoindre le groupe A 122
blée territoriale et entrevue avec certains de à Edéa
ses membres; visite de l'hôtel de ville,du lycée
Général-Leclerc, de l'hôpital, du quartier La Mission entière se rend en:voiture à Douala. 96
africain et d'un groupe d'habitations nou- 10 Douala. Réunion de travail; la Mission visite
velles. Audiences puis entrevue avec des évê- ensuite le quartier New-Bell, notamment le
ques catholiques. centre social, le marché, l'école de filles, la
cantine, le musée et le port; réception donnée
5 Yaoundé. Allocution du chef de région. par le conseil municipal; audiences.
Groupe A: Départ en voiture pour Nkolbewa; 175 11 Douala. Participation à diverses cérémonies
arrêt en cours de route à Oveng pour rencon- organisées à l'occasion de l'anniversaire de
trer le chef de canton et visiter le marché; l'armistice; audiences.
le groupe est accueilli à Nkolbewa par le chef
supérieur. 12 Douala. La Mission visite l'école de Joss, le
lycée de Douala, l'école technique, l'école
Groupe B: Visite du quartier musulman de Bali, le collège Libermann. Elle visite l'école
Yaoundé; audiences. protestante etle centre social de Deido, l'école
maternelle, les bureaux des PTT et un nou-
6 Groupe A: Audiences à Yaoundé.
veau groupe d'habitations à Bassa, l'atelier
Groupe B: Départ en voiture pour Sangmélima; 180 de chemins de fer, l'hôpital Laquintinie et le
arrêt en cours de route à Mbalmayo pour dispensaire d'Akwa; inauguration de la sta-
visiter l'école publique, l'hôpital et l'école tion de Radio-Douala; audiences; entrevue
forestière, et pour donner audience à la avec le Haut-Commissaire.
population; autres arrêts à Zoatélé (nouveau 13 Départ en voiture pour Nkongsamba, arrêt en 168,5
centre administratif) et à Nden, pour visiter cours de route à Mbanga pour donner au-
l'école et la léproserie de la mission catho- dience à la population, à Penja pour inspecter
lique. Audiences à Sangmélima. la plantation de bananiers et l'hôpital de
7 Groupe A: Départ en voiture pour Ngambé; 244 SDIBC, ainsi qu'une plantation mixte de
arrêt en cours de route à Ngoulémakong caféiers et de bananiers, et enfin à Loum
(Sanaga-Maritime) où le groupe s'est adressé pour donner audience à la population.
à la population; nouvel arrêt à Eséka pour 14 Nkongsamba. Visite de la ville, notamment du
donner audience et visiter le dispensaire, la quartier africain, du marché, du centre arti-
mission catholique et la Société des bois du sanal, de l'hôpital et du collège moderne;
Cameroun. audiences.

40
Distances Dls/ances
parcourues parcourues
Dates (1955) Parcours (km) Da/es (1955) Parcours {km}
Novembre Novembre
14 Départ en voiture pour Bangangté; arrêt en 123,2 Magba, la résidence du sultan à Matapou et
cours de route à Mélong pour donner au- un poste de paysannat; retour à Foumban.
dience à la population, puis à Bafang. A
16 Départ en voiture pour Dschang; arrêts en 166
Bangangté, la Mission se divise en deux
cours de route à Kagnam, Koumélap et
groupes qui se rejoignent plus tard, le même Bafolé pour visiter des exploitations maraî-
jour, à l'hôpital de Bangwa.
chères, à Foumbot pour donner audience à
Groupe A: Entrevue avec le chef à Bazou. la population et à Bafoussam, où la Mission
est accueillie par des personnalités locales et
Groupe B: Donne audience à la population de visite le centre d'apprentissage et l'hôpital
Bangangté; visite l'école, les pêcheries, la en construction. Audiences à Dschang, où
mission protestante française et l'hôpital de la Mission visite l'école de filles, l'école de
Bangwa. garçons, la section de préapprentissage et
Départ en voiture de toute la Mission pour 144 artisanat rural, la société de prévoyance afri-
Foumban. caine et la centrale électrique municipale.
17 Dschang. Réunion de travail.
15 Foumban. Audiences et visite de l'artisanat.
18 Départ en voiture pour Bamenda (Cameroun 108
Départ en voiture pour visiter une scierie à 220 sous administration britannique).

ANNEXE II

,,,,, Ministère de la France d'outr~mer: décret du 13 juillet 1955 portant dissolution d'une association
/ et de ses filiales au Cameroun

Le Président du Conseil des ministres, rounaises (UDEFEC), sont et demeurent dissoutes sur l'ensemble
Sur le rapport du Ministre de la France d'outre-mer, des territoires relevant du Ministère de la France d'outre-mer.
Vu la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les ART. 2. Le Ministre de la France d'outre-mer est chargé de
milices privées, modifiée par l'ordonnance du 30 décembre 1944; l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel
de la République française.
Le Conseil des ministres entendu,
Fait à Paris, le 13 juillet 1955.
Décrète: (Signé) Edgar FAURE
ART. 1er • L'Union des populations du Cameroun (UPC) amsl Par le Président du Conseil des ministres:
que toutes organisations ou associations qui en émanent ou s'y
rattachent directement, et notamment la Jeunesse démocratique Le Ministre de la France d'outre-mer,
camerounaise (IDC) et l'Union démocratique des femmes came- (Signé) Pierre-Hemi TErrGEN

ANNEXE III

Note pour le Président de la Mission de visite du Conseil de tutelle

L'ambiance dans laquelle s'est déroulée la première semaine Pour l'opinion camerounaise, l'Organisation des Nations Unies
passée par la Mission de visite dans le Nord-Cameroun, les quel- est actuellement l'alliée de l'UPC contre l'autorité française. Cette
ques informations dont je dispose sur l'évolution de l'état d'esprit idée aussi simple que fausse a été peu à peu emacinée par les pro-
de la population dans les différentes régions du Territoire, me font cédés classiques de répétitions incessantes, par l'exploitation men-
un devoir d'appeler l'attention de la Mission sur un certain nombre songère d'audiences à New-York, par l'utilisation tendancieuse
de points. d'une correspondance réelle ou fictive avec certains fonctionnaires
L'Union des populations du Cameroun, dissoute le 13 juillet, de l'Organisation.
poursuit une vigoureuse action de propagande clandestine. Son Elle a été récemment confirmée par le vote de la Quatrième
influence réelle est limitée à quelques zones du sud-ouest du Terri- Commission de l'Assemblée générale décidant d'accorder audience
toire, et ses effectifs sont certes très minces. Mais la plupart des aux représentants des partis dissous, vote qui a été largement
petits centres situés hors de sa sphère d'action comprennent cepen- exploité par l'UPC auprès de l'opinion.
dant quelques unités ou quelques dizaines de partisans ou de Le résultat de cette propagande a été de persuader la minorité des
sympathisants, et son influence est assez forte dans certaines régions tenants de l'UPC que la seule présence de la Mission de visite les
du Sud-Ouest. L'UPC a en outre montré au mois de mai qu'elle mettait à l'abri des lois. Il a également été de plonger la masse de
était capable d'organiser des groupes de choc, d'orchestrer une la population dans la perplexité, et même d'éveiller chez certains
campagne d'excitation permanente, de déclencher des incidents des sentiments hostiles à l'Organisation des Nations Unies et à la
graves. Mission de visite qui la concrétise à leurs yeux.

41
Une campagne de fausses nouvelles, déclenchée par l'UPC dès Je tiens donc à faire toutes réserves sur les explications que
l'arrivée de la Mission dans le Territoire et dont on trouvera un l'Autorité chargée de l'administration pourrait s'estimer obligée
exemple typique dans le tract publié le 19 octobre 1955 par l'UPC de fournir touchant les conséquences pour l'ordre public de l'atti-
de Yaoundé et abondamment diffusé dans le Territoire, contribue tude que la Mission de visite a cru devoir adopter envers les repré-
actuellement à aggraver l'état d'esprit dont je viens d'exposer les sentants des partis dissous par la loi française.
constantes. Des extraits de ce tract sont ci-joints. pièce jointe: tract de l'UPC,
La confiance des petits groupes upécistes s'en trouve considérable- Yaoundé, 19 octobre 1955. (Signé) Raymond LEFÈVRE
ment renforcée et ceux-ci n'hésitent pas à se présenter au grand
jour, sollicitent des' audiences, déclarent ouvertement représenter P. S. - Les expressions de «complicité» et de «duplicité »,
les partis dissous. Cependant, l'énervement de la masse de la employées au neuvième alinéa de cette note verbale expriment
population va croissant. l'interprétation des représentants de l'UPC, d'une part, et, d'autre
L'attitude, juridiquement inattaquable, de la Mission de visite part, celle des autres fractions de la population dans les circons-
qui accepte de recevoir les tenants de l'UPC s'ils ne se présentent tances qui sont rapportées audit paragraphe.
pas en tant que tels, s'est traduite jusqu'ici dans les faits par un L'Autorité administrante n'a jamais estimé ni suggéré que ces
scénario qui menace de se répéter fréquemment: interprétations pouvaient être fondées et ne les partage évidem-
La délégation upéciste se présente et déclare verbalement repré- ment en rien.
senter l'UPC. Un secrétaire de la Mission l'informe alors qu'elle ***
ne peut être reçue, mais qu'elle le sera si elle déclare représenter
n'importe quoi sauf l'UPC. La délégation upéciste se rallie à cette UNION DES POPULATIONS DU CAMEROUN
suggestion, se persuade de la «complicité» de la Mission, tandis
que la masse de la population s'irrite d'une équivoque dont la· Section camerounaise du Rassemblement démocratique africain
raison lui échappe et accuse même la Mission de duplicité. Section centrale de Yaoundé sous maquis
L'incident qui s'est produit à Garoua le 25 octobre n'aurait
pas eu lieu si j'avais donné, comme j'en avais le devoir, instruction Les envoyés des Nations Unies sont arrivés à Yaoundé.
au chef de région de procéder à l'arrestation immédiate de la La Mission de visite du Conseil de tutelle de l'Organisation des
délégation upéciste; bien qu'il ait été sans gravité, il illustre à mon Nations Unies, longuement attendue au Territoire, est arrivée hier
sens les réactions des diverses factions de l'opinion. Il est malheu- à Yaoundé. A sa descente d'avion à l'aéroport, et avant de gagner
reusement possible que des incidents analogues ou plus graves la voiture mise à sa disposition par l'Autorité administrante, la
se produisent non seulement dans le nord, mais dans le sud du Mission de visite a été saluée par des délégations des organisations
Cameroun, partout où l'UPC ne rassemble pas la majorité des politiques et syndicales représentatives du Cameroun, à savoir:
habitants, c'est-à-dire la presque totalité du pays. Union des populations du Cameroun, Jeunesse démocratique du
Il va sans dire que l'Autorité chargée de l'administration assurera Cameroun, Syndicat des petits commerçants, artisans et transpor-
par tous les moyens l'ordre public et la protection des personnes, teurs du Cameroun. Ces délégations avaient remis plus de 5.000
y compris celle des militants upécistes à l'arrestation desquels elle pétitions accompagnées de plusieurs drapeaux du Cameroun et
procédera d'ailleurs éventuellement. de l'Organisation des Nations Unies au Président de la Mission,
M. Max Dorsinville, Ambassade d'Haïti. Ce dernier, accompagné
Il va également sans dire qu'elle fera tout ce qui dépend d'elle de M. Roland Pré, reçut le sourire aux lèvres les gros plis à son
pour que la Mission puisse entendre les éléments représentatifs adresse. Inutile de vous dire que l'assassin Roland Pré, qui ne
de toutes les fractions de l'opinion à l'exception bien entendu des s'attendait pas voir les Camerounais accueillir la Mission dès
représentants « officiels» des partis dissous. l'aviation par des milliers de pétitions en faveur de l'unité et l'indé-
Mais la Mission comprendra qu'il est impossible de prévoir pendance immédiates du Cameroun, se mettait à ronger ses ongles
et de prévenir toutes manifestations improvisées dans une atmo- comme un voleur ayant échoué à son entreprise.
sphère qui semble devoir s'alourdir. L'attitude que la Mission a Beaucoup de patriotes s'étonnent de nous voir depuis le mois
cru devoir adopter envers l'UPC est juridiquement inattaquable. de mai continuer la lutte dans l'ombre; la lutte dans l'ombre sera
Elle est, dans son esprit, hautement démocratique et conforme aux peut être plus fructueuse qu'une lutte au découvert. On se rappelle
principes de la Charte et de l'Accord de tutelle. Mais il est de qu'en 1940, lors de l'occupation allemande, Brazzaville était
fait qu'elle se révèle en pratique peu adaptée aux circonstances et devenue Paris, et que le général de Gaulle s'était réfugié à Londres
généralement incompréhensible pour la population. afin de continuer la lutte pour la libération de la France. Aujour-
C'est pourquoi je me vois contraint d'appeler l'attention de la d'hui, la direction de l'UPC à Douala ou la capitale politique du
Mission de visite sur des faits dont il ne dépend ni d'elle ni de moi Territoire se trouve transférée au Caire et ailleurs pour continuer
qu'ils ne soient pas, et sur leurs répercussions éventuelles. la bataille.

ANNEXE IV

Partis et associations politiques du Cameroun sous administration française

1. Médiation franco-camerounaise (Médiafrancam) 2. Association des notables Bamiléké (Assobaké)


Siège social : Ngaoundéré. Siège social: Bafang.
Date du dépôt des statuts: 6 mai 1955.
Date du dépôt des statuts: 25 novembre 1952.
Association se proposant de «grouper les habitants du Came-
roun, autochtones et étrangers, s'intéressant à l'avenir du Association se proposant d'« inculquer à ses membres l'amour
Territoire ». du travail et la conscience du devoir ».
Activité politique. Activité politique.

42

\
3. Kumszé - Association traditionnelle Bamiléké pour l'intégrité, la grandeur de la France et la civilisation
Siège social: Dschang. du monde».
Date du dépôt des statuts: 10 mai 1948. Activité politique.
Activité essentiellement politique. 13. « Majong Bamiléké»
4. Union Bamiléké Siège social:Nkongsamba.
Siège social: Bafoussam. Date du dépôt des statuts: l or août 1954.
Date du dépôt des statuts: 8 février 1948. Société à caractère ethnique, activité politique accessoire.
Activité principalement politique. 14. Association « Amicale Voix du peuple Béti» (Assobati)
5. Rassemblement du peuple camerounais (RPC) Siège social: Mvolyé-Yaoundé.
Siège social: Bafoussam. Date du dépôt des statuts: 24 février 1948.
Date du dépôt des statuts: 12 février 1953. Activité politique secondaire, son but étant essentiellement
l'entraide des Bétis.
Association qui se propose de « grouper tous les Camerounais
et Camerounaises autour d'un foyer afin d'assimiler les diver- 15. Bloc démocratique camerounais
ses pensées et opinions pour former les liens de solidarité
qui les guideraient dans la défense de leurs droits de citoyens Siège social : Yaoundé.
camerounais ». Date du dépôt des statuts: l or août 1951.
Activité strictement conforme à ce programme. Se propose de « promouvoir le progrès social et de favoriser
l'épanouissement de la démocratie au Cameroun », de « con-
6. Assemblée traditionnelle du peuple Bamoun tribuer à l'éducation civique et politique de l'opinion came-
Siège social: Foumban. rounaise» et de « défendre les intérêts économiques, sociaux
et politiques des populations camerounaises ».
Date du dépôt des statuts: 20 juin 1955.
Activité essentiellement politique.
Association qui se propose de « travailler au développement
du peuple Bamoun ». 16. Evolution sociale camerounaise (Esocam)
Activité politique. Siège social: Yaoundé.
7. Union Bamoun Date du dépôt des statuts: 19 juin 1949.
Siège social: Foumban. Se propose de favoriser l'évolution politique, économique et
social du Cameroun par tous moyens démocratiques.
Date du dépôt des statuts: 13 janvier 1950.
Activité essentiellement politique.
Activité politique.
17. Radicaux modérés du Cameroun (RMC ou Ramocam)
8. Association amicale de la Bénoué (Assabénoué)
Siège social: Nseng-Nlong 1 (Mbalmayo).
Siège social: Garoua.
Date du dépôt des statuts: 21 avril 1953. Date du dépôt des statuts: 8 septembre 1953.
Association dont l'activité politique n'est qu'épisodique. Se propose de « trouver une solution modérée, juste et équi-
table à tous les problèmes qui se posent dans le Territoire
9. Groupement antiupéciste des Boulous du Dja-et-Lobo du Cameroun dans le domaine politique et social ».
Activité essentiellement politique.
Siège social: Sangmélima.
Date du dépôt des statuts: 15 avril 1955. 18. Union tribale Ntem-Kribi (UTNK)
Activité essentiellement politique. Siège social: Eblakoum (Ebolowa).
10. Renaissance camerounaise (Renaicam) Date du dépôt des statuts de cette société qui, en fait, existe
depuis l'avant-guerre: septembre 1955.
Siège social: Abong-Mbang.
Se propose de promouvoir politiquement, socialement et
Date du dépôt des statuts: 2 décembre 1949.
économiquement l'ethnie Boulou.
Activité à base principalement politique.
Activité principalement politique.
Il. Union des populations Batanga (UPB)
19. Etude de la région du Nkam (Ernkam)
Siège social: Kubi.
Siège social: Yabassi.
Date du dépôt des statuts: 5 décembre 1953.
Date du dépôt des statuts: 27 avril 1953.
Se propose d'« unir les tribus Batanga par des liens fraternels
afin de mener un travail collectif tendant au bon développe- But: « resserrer les liens d'amitié et de solidarité entre les
ment de la région·». ressortissants du Nkam ».
Mène cependant une activité politique. Activité cependant essentiellement politique.

12. Front intercolonial 20. Jeunesse de la Sanaga-Maritime (Jeusamar)


Siège social: Paris. Siège section camerounaise: Kubi. Siège social: Edéa.
Date du dépôt des statuts: 24 juillet 1952. Date du dépôt des statuts: sept~mbre 1952.
Se propose d'« améliorer la situation sociale intellectuelle Se propose de « regrouper toutes les jeunesses de la Sanaga-
politique et économique des Français de 1; métropole e~ Maritime afin de permettre une évolution plus rapide et plus
d'outre-mer» et de « conquérir dans le monde civilisé la complète ».
place à laquelle leur donnent droit les sacrifiees consentis Activité accessoirement politique.

43
21. Coordination des indépendants camerounais (lndécam) 25. Solidarité camerounaise
Siège social: Edéa. Siège social: Douala.
Date du dépôt des statuts: 8 'novembre 1952. Date du dépôt des statuts: 10 septembre 1947.
Se propose de « rassembler tous les Camerounais quels que But: « raffermir les liens qui doivent unir les Camerounais et
soient leur sexe et leur opinion» et de « promouvoir au promouvoir les progrès politique, économique et social du
progrès» sur les plans tant économique et social que poli· Cameroun».
tique. Activité principalement politique.
Activité essentiellement politique.
26. Assemblée traditionnelle du peuple Douala dite « Ngondo »
22. Front national camerounais Siège social: Douala.
Siège social: Douala. Date du dépôt des statuts: (?) Cette société existe de fait
Date du dépôt des statuts: 7 juillet 1955. depuis le début du xxe siècle.
But: « défense des intérêts politiques ». Activité essentiellement politique.
Activité essentiellement politique.
27. Ligue progressiste des intérêts économiques et sociaux des
23. Evolution des femmes camerounaises populations du Nord-Cameroun (Pronord)
Siège social: Douala. Siège social: Mokolo.
Date du dépôt des statuts: 1er mars 1955. Date du dépôt des statuts: 25 avril 1955.
But: « aider les femmes camerounaises à la défense des libertés But: «faire prendre conscience» aux Camerounais de « leurs
et des droits» de la femme. intérêts identiques dans l'essentiel ».
Activité accessoirement politique. Activité essentiellement politique.
24. Unité camerounaise (Unicam) 28. Union sociale camerounaise (USe)
Siège social: Douala. Siège social: Douala.
Date du dépôt des statuts: 22 avril 1954. Date du dépôt des statuts: septembre 1952.
Se propose de «créer et consolider entre tous les habitants du But: « progrès des libertés démocratiques, contribution par
Cameroun l'unité et la solidarité nécessaires au progrès et à tous moyens à la promotion politique, économique et sociale
l'évolution du pays ». du Cameroun ».
Activité essentiellement politique. Activité essentiellement politique.

ANNEXE V

Résumé de l'exposé présenté à la Mission de visite des Nations Unies sur l'organisation, les moyens d'action
et les méth3des de propagande de l'Union des populations du Cameroun

La vie politique de ce territoire a été marquée, ces dernières dans une large mesure, au communisme international. Cela ressort
années, et tout spécialement en 1954 et dans les premiers mois tant de l'étude de son organisation que de l'analyse de ses méthodes
de 1955, par le développement d'un mouvement extrémiste revendi- d'action, de ses moyens et de ses thèmes de propagande.
quant d'une manière exclusive et brutale l'indépendance et l'unifica·
tion immédiate du Cameroun. Ce mouvement était représenté I. - ORGANISATION DU PARTI
par le parti de l'Union des populations du Cameroun et par ses
groupements annexes constitués à une époque relativement récente, Rapidement résumées, les principales caractéristiques de cette
Jeunesse démocratique camerounaise et Union 'démocratique des organisation sont les suivantes:
femmes camerounaises.
A
L'action de ce mouvement et les caractères de violence et d'agres-
sivité qu'il conférait à la manifestation de ses prises de position L'UPC était bâtie sous une forme pyramidale très fortement
successives, ainsi qu'à la poursuite des objectifs qu'il s'était assi- structurée et hiérarchisée et possédait, dans certaines régions du
gnés, ont suffisamment troublé la situation de ce pays pour qu'il sud-ouest du Territoire, tant dans les centres urbains que dans les
ne soit pas inutile d'analyser l'organisation, les méthodes et les villages, une assise de base que les dirigeants voulaient aussi étendue
moyens d'action de l'UPC et de ses groupements satellites. que possible.
1. Au sommet de la pyramide se trouvait un comité directeur
Vous n'ignorez pas que l'UPC s'est toujours présentée comme un
central, émanation du congrès du parti qui, en principe, se réunis-
parti politique nationaliste. On peut même dire qu'il a tenté de
sait une fois par an. Mais la réalité du commandement se trouvait
se faire passer, tout spécialement auprès de l'opinion publique
exercée par les organes permanents du comité directeur au sein
internationale, comme le seul parti authentique nationaliste du
desquels nous trouvions les leaders les plus influents:
Cameroun. Ce faisant, il tentait de fonder la légitimité de ses
revendications sur la Charte des Nations Unies et la reconnaissance a) Bureau politique comprenant Félix Moumié, président, Abel
du droit des peuples à la libre disposition d'eux-mêmes, ainsi que Kingué et Ernest Ouandié, vice-présidents, Ruben Um Nyobé,
sur le texte même des Accords de tutelle. secrétaire général.
Mais en fait, il n'est nullemént exagéré de dire que, malgré les b) Secrétariat dirigé par un responsable assermenté en la per-
dénégations répétées de ses leaders, dénégations destinées à donner sonne de Théodore Mayi Matip.
des apaisements aux représentants de certains Etats Membres de c) Trésorerie également dirigée par un homme de confiance
l'Organisation des Nations Unies, ce mouvement se' rattachait, Job Ngapeth.

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2. Au-dessous du comité directeur central se situaient les sec- Il est à noter d'ailleurs que, souvent, les mêmes hommes occu-
tions régionales, dont la mise en place était en cours au moment paient des postes de direction à la fois dans ces groupements et
des incidents du mois de mai. Chaque section devait grouper au dans le sein de l'UPC (cas de Jacques Ngom, secrétaire général de
moins 3.000 militants et cordonner leur activité par l'intermédiaire l'USCC et membre du comité directeur central de l'UPC; cas
d'un ou de plusieurs permanents du parti entretenus par la section d'Abel Kingué, président de la JDC et vice-président de l'UPe).
elle-même. Il convient également de signaler que l'UPC a été créée en 1948
3. Nous trouvons ensuite les comités centraux, au nombre d'une à partir de la CGT locale, par des cégétistes européens affiliés au
quarantaine environ au mois d'avril 1955. Ces comités étaient parti communiste français et par l'intermédiaire d'hommes comme
essentiellement des organes de relais, retransmettant aux militants Um Nyobé ayant déjà fait leurs preuves dans l'agitation syndicale.
de la base les directives du bureau politique et contrôlant leur
Il convient surtout de souligner que, par la mise en œuvre de ses
application. Chaque comité central supervisait une fraction de l'aire
groupements annexes, l'UPC s'alignait sur la tactique employée
territoriale d'implantation du parti, sans correspondre pour autant
par tous les partis communistes et notamment par le parti commu-
à une circonscription administrative déterminée. Suivant l'impor-
niste français (la JDC pouvant être assimilée à l'Union des jeu-
tance plus ou moins grande du nombre des adhérents, une région
nesses républicaines de France) et par le parti communiste viet-
pouvait ne compter qu'un seul comité central, alors que plusieurs
namien dont l'action était constamment développée, au sein des
comités centraux pouvaient fonctionner dans une seule subdivision.
diverses couches de la société, par des associations de jeunes, de
4. Enfin, dans les quartiers des centres urbains et dans certains femmes, de travailleurs groupés officiellement en associations
villages de la brousse, se trouvaient les comités de base qui repré- d'Etat sous le terme de Lien-Viel.
sentaient les racines profondes de l'UPC. Au mois d'avril 1955, il
existait environ 450 comités de base, dont plus de 250 pour la seule
II. - L'APPill APPORTÉ À L'UPC PAR LE COMMUNISME INTERNATIONAL
région de la Sanaga-Maritime.
Les leaders upécistes attachaient la plus grande importance au L'UPC et ses groupements sateIlistes étaient redoutables en
développement de ces comités et au renforcement de leur efficacité. eux-mêmes de par la solidité de leurs structures et la valeur de leur
Selon Um Nyobé, ils devaient être les organes les plus agissants organisation. Mais leur efficacité se trouvait considérablement
du parti et l'article 6 des statuts du parti reconnaissait en eux « la renforcée par l'appui constant qu'ils recevaienttant duparticommu-
fondation de l'édifice de l'UPC ». niste français que des plus importantes organisations communistes
Les mêmes dirigeants s'efforçaient de faire pénétrer ces comités internationales.
dans le plus grand nombre possible de villages de la brousse. A
Il est à noter qu'un tel effort procède d'une parfaite conscience Les leaders upécistes ont évidemment toujours nié leur apparte-
des conditions dans lesquelles peut se développer un mouvement nance au communisme. Une telle attitude, destinée essentiellement
d'obédience communiste dans les pays sous-développés. L'expérience à l'Organisation des Nations Unies, ne doit pas surprendre.
asiatique nous a appris, en effet, que dans de tels pays, un mouvement En fait, plusieurs des leaders upécistcs parmi les plus importants
révolutionnaire n'assure son succès définitif que dans la seule mesure ont demandé leur adhésion au parti communiste français (PCF).
où il réussit à s'implanter profondément dans les masses paysannes, Cette adhésion leur a été refusée car les dirigeants de ce parti, et
le prolétariat urbain, sur lequel le communisme s'appuie dans les notamment Jacques Duclos, fidèles à la tactique exposée dans les
pays occidentaux, ne pouvant représenter une force réelle du fait ouvrages théoriques de Lénine et Staline sur le développement
de sa faiblesse numérique'. du communisme dans les territoires dépendants, ont voulu éviter
B que le mouvement révolutionnaire camerounais ne perde, en se
L'UPC avait, par ailleurs, entrepris un effort considérable de rattachant d'une façon trop voyante au PCP, cette façade de nationa-
réorganisation interne dont les points essentiels sont les suivants: lisme derrière laquelle se dissimule toujours l'action communiste
dans les territoires non autonomes. Mais les mêmes dirigeants
1. Renforcement de la discipline à tous les échelons. ne marchandaient pas par ailleurs l'appui total qu'ils accordaient
2. Création d'une véritable police du parti, officieusement appelée à l'UPC, ni ne dissimulaient l'intérêt qu'ils portaient à ce parti.
« milice populaire» par les militants upécistes eux-mêmes. Dans cet ordre de choses, les éléments les plus significatifs ont été
les suivants:
3. Utilisation par les upécistes traduits en justice de toutes les
voies de recours possibles, et remise des affaires importantes entre 1) Echange constant de correspondance, envoi de brochures et
les mains d'avocats «reconnus» par le parti, c'est-à-dire d'avocats de documents.
communistes ou procommunistes.
2) Action suivie du PCF auprès des étudiants camerounais en
4. Répercussion des motions et télégrammes adressés aux plus France.
hautes instances françaises ou internationales, à certains membres 3) Conseils d'ordre politique et tactique. L'extrait d'une lettre
du parti communiste français.
adressée, en avril 1954, par Ruben Um Nyobé à Félix Moumié est
5. Développement de l'autocritique exigée de tous les militants particulièrement significatif à cet égard: '

C «Au cours des entretiens que j'ai eus avec des amis de Paris
j'ai senti une certaine crainte chez nos amis d 'extrême-gauch~
L'organisation upéciste était complétée enfin par les groupements notamment...
annexes gravitant autour du parti.
«Cette crainte est fondée sur la perspective d'une indépen-
Ces groupements étaient destinés à adapter l'action du parti
dance formelle éventuelle, qui nous jetterait sous la coupe de
aux données d'un milieu humain particulier, soudé par des liens
l'impérialisme américain. J'ai également senti que nos amis
sociaux et par des intérêts communs, et à permettre, de ce fait, une
semblaient nous reprocher d'attacher une trop grande impor-
action en profondeur plus efficace. Les deux plus marquants étaient
tan~e à l'Organisation des Nations Unies et de négliger les luttes
la Jeunesse démocratique camerounaise (JDC) et l'Union démocra- SOCiales sur place...
tique des femmes camerounaises (UDEFEC). Mais on pouvait
leur assimiler aussi l'Union des syndicats confédérés du Came- «Nous devons tenir compte de ces observations qui sont
roun (USCC) d'obédience CGT communiste qui agissait en colla- comme de sages conseils en notre faveur... » ,
boration étroite avec l'UPC et lui apportait le renfort de nombreux 4) Envoi d'avocats communistes au Territoire (Mes Jacquier,
syndicats de travailleurs de Douala. Cachin et Matarasso).

45
5) Invitation d'un membre du comité directeur de l'UPC au rounais faisaient l'objet d'une oppression systématique commandée
congrès annuel du PCF (Jacques Ngom en 1954). par des intérêts économiques et n'étaient plus les maîtres chez eux.
Quant aux réalisations effectuées dans le seul intérêt des popula-
B tions tant par l'Administration que par les missions, l'UPC cher-
D'autre part, l'UPC bénéficiait de l'appui de toutes les organisa- chait en toutes occasions à les minimiser, en soutenant que l'Admi-
tions communistes internationales. Des membres de ce parti ont nistration et les missions n'étaient que des instruments au service
assisté: exclusif des seuls intérêts « colonialistes ». L'accusation s'étendait
aussi bien aux missions étrangères qu'aux missions françaises puisque
Aux stages organisés par la CGT communiste à Courcelles-sur-
nous avons vu les médecins américains de l'hôpital de Sakbayémé
Yvette;
être accusés d'avoir volontairement laissé mourir des malades, alors
Aux congrès de la Fédération syndicale mondiale, de la Fédéra- que cet hôpital avait été complètement paralysé par une grève
tion de la jeunesse mondiale (Vienne, Bucarest, Varsovie, Pékin), totale de son personnel africain, suscitée avec le maximum de
du Mouvement mondial des partisans de la paix dont les thèmes de mauvaise foi, par les upécistes locaux.
propagande essentiels dénonçant, en Afrique, les Accordsde Londres
En contrepartie, la propagande upéciste annonçait aux masses
et de Paris et soulignant que les Africains étaient intégrés contre
l'indépendance et l'unification prochaine du Cameroun sans jamais
leur volonté dans un bloc agressif, ont été repris par l'UPC au
aborder un seul des problèmes concrets dont la solution condi-
Cameroun.
tionnait l'émancipation du Cameroun, mais en présentant tou-
C jours l'avènement de l'indépendance comme le retour à un nouvel
Enfin, l'UPC disposait de toute la littérature communiste ou âge d'or.
procommuniste dont le service lui était très largement assuré Enfin l'UPC s'attachait à mettre en relief les divers appuis
(publications signées Karl Marx, Lénine, Staline, Mao Tsé-toung; dont il pouvait bénéficier, utilisant à l'extrême dans sa propagande
brochures de propagande éditées en France, en Europe orientale, le fait que des membres du parti aient été entendus par l'Organisa-
au Viet-Nam, en Chine; journal du Cominform Pour une paix tion des Nations Unies, et se présentait, en toutes circonstances,
durable, pour une démocratie populaire). comme l'unique parti nationaliste du Cameroun, les autres groupe-
ments étant qualifiés de «mouvements fantoches », asservis au
colonialisme ou soudoyés par l'Administration.
III. - LA FORMATION DES CADRES
b) Moyens et méthodes
Les leaders de l'UPC, comme ceux de tout mouvement révolu-
Tous ces thèmes abondamment développés furent exploités au
tionnaire, avaient parfaitement compris que l'efficacité de leur
maximum dans toutes les zones où s'exerçait l'emprise upéciste,
action, et notamment de leur action de propagande, était en grande
dans de multiples réunions publiques et privées, par des motions
partie liée à la valeur des cadres du parti et à la solidité de la forma-
et des communiqués auxquels la plus large diffusion était assurée,
tion doctrinale qui serait donnée à ces derniers.
par d'innombrables tracts dont la production est allée en s'inten-
Pour assurer l'unité d'action et de pensée des militants de base, sifiant jusqu'au mois de mai 1955, par des pétitions adressées à
une école des cadres fut ouverte à Douala au mois de mars 1955. l'Organisation des Nations Unies en nombre sans cesse croissant
Elle devait recevoir des promotions successives de six semaines et répercutées dans la masse, par la presse du parti représentée au
chacune. En raison des incidents du mois de mai une seule promo- Cameroun par les journaux Etoile, Lumière, Voix du Cameroun,
tion suivit le cycle complet de ces études. Vérité. D'autres moyens, et notamment la diffusion de nouveIles
La formation donnée aux élèves qui, tous, étaient des militants orales, étaient également utilisés, surtout en ce qui concerne la
confirmés, était à la fois idéologique et pratique. Elle visait à orienter propagation de fausses nouvelles.
les esprits et à préparer au maximum les cadres de base en vue du En ce qui concerne les méthodes de la propagande, il convient
développement de l'action révolutionnaire. L'influence de l'idéolo- de signaler:
gie communiste transparaissait dans les cours qui étaient professés,
comme en témoigne amplement cette phrase de Félix Moumié, 1) L'adaptation des thèmes au niveau intellectuel des diverses
extraite du discours adressé aux élèves de la première promotion: couches de la société et l'effort entrepris pour véhiculer l'idéologie
«Je vous recommande la lecture attentive et l'application des révolutionnaire en lui donnant comme substrat l'exploitation
conseils donnés par Mao Tsé-toung dans son admirable opuscul systématique des moindres mécontentements locaux.
Contre le libéralisme. Je vous ai dit l'autre jour que j'avais lancé une 2) L'effort constant du parti pour aboutir, par la répétition des
commande de 100 exemplaires, et je pense incessamment les possé- mêmes thèmes et des mêmes idées, à un véritable martèlement
der. Dès que je les aurai, je vous en ferai envoi par vos comités des esprits.
respectifs. » 3) La déformation et l'exagération systématiques de tous les
faits pouvant servir les intérêts du parti. Souvent cette déforma-
IV. - THÈMES, MOYENS ET MÉTHODES DE LA PROPAGANDE UPÉCISTE
tion aboutissait d'ailleurs à la propagation de fausses nouvelles
(à titre d'exemple on peut citer l'article paru dans le numéro 9
a) Les thèmes de la propagande du journal l'Etoile, sous la signature de Calvin Essombé, intitulé
« Dix mille patriotes camerounais accueillent le délégué de la IDC
L'action de propagande, menée par l'UPC, pour laquelle les à l'aérodrome de Douala)} alors qu'Abel Kingué n'avait été reçu
militants devaient être spécialement préparés par l'école des cadres, que par une délégation d'une centaine de membres du parti).
a été l'un des fondements essentiels de la force du parti. Cette
action s'est toujours située dans une ligne marxiste, les dirigeants 4) La volonté constante d'inonder le pays de textes imprimés ou
upécistes basant leur propagande sur la «contradiction interne» ronéotypés, car, pour les masses camerounaises, la véracité de ce
que l'analyse marxiste reconnaît dans chaque société et dévelop- qui est écrit est très souvent liée au fait même que cela est écrit.
pant cette contradiction selon les données de la dialectique. 5) Les attaques violentes contre tous les opposants africains,
Le thème de base reposait évidemment sur l'opposition que menacés dans leurs biens et dans leur vie.
la propagande affirmait constamment entre la société des admi- 6) L'abus des pétitions. Le droit de pétition a été véritablement
nistrants et ceIle des administrés dans le Cameroun d'aujourd'hui. monopolisé par l'UPC et l'on peut dire sans exagération que,
A partir de cette affirmation, l'UPC concluait que le Cameroun depuis 1954, le Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies
était exploité au seul bénéfice des adrninistrants, que les Came- a été submergé par des centaines de pétitions envoyées à tout

46
propos et hors de propos par des upécistes. La plupart de ces «Il n'est pas possible à Willie Jacob de pousser de l'avant
pétitions, conformément aux directives mêmes du comité direc- la culture intellectuelle de ses enfants pénalisés à raison des
teur central, étaient largement reprises par les comités de base après opinions de leur père, ce qui ressemble à se méprendre à la
avoir été lancées une première fois par le comité directeur lui- situation créée par le Gouvernement américain aux enfants du
même. C'est ainsi qu'à la suite de la «Proclamation commune» noble couple Rosenberg.»
du 22 avril 1955, réclamant l'indépendance immédiate du Came-
e) Motion de la JDC en date du 26 décembre 1954. - La IDC
roun, la mise en place d'un gouvernement provisoire et la prépara-
tion d'une assemblée constituante, le comité directeur, par sa se prononce:
circulaire nO 12/55/0P du 4 mai 1955, avait demandé à tous les «Pour l'évolution des nations d'Asie et du Cameroun aspi-
comités de base de réunir des listes de signatures à adresser à rant à l'indépendance politique et à la libération économique
l'Organisation des Nations Unies, avec la pétition suivante: «Le et sociale de leur pays et pour la reconnaissance totale de la
peuple camerounais approuve la proclamation commune du Chine de Mao Tsé-toung.
22 avril 1955, etc. »
« Pour la solidarité totale avec les efforts des pays populaires,
7) L'orientation de la propagande par le comité directeur, de du parti communiste français, pour la liberté des pays colonisés
telle sorte que les motions et pétitions paraissent toujours émaner hostiles au projet actuel de pacte de tous les pays du monde
de la base. Un exemple typique nous a été signalé par un instituteur, contre la Russie des grands Lénine, Staline, les dieux des libertés.
membre de l'UPC, traduit devant un conseil de discipline pour Enfin, que les nations libres ne soient pas obligées de s'intégrer
avoir rédigé une lettre particulièrement injurieuse pour la per- dans des blocs capitalistes.»
sonne du Haut-Commissaire. Cet instituteur reconnaissait avoir
signé la lettre en question mais faisait remarquer qu'il s'agissait c) Le développement de la propagande avant les émeutes du mois
d'un document dont le canevas avait été préparé par le comité de mai
directeur et qui avait été envoyé, par ailleurs, à un grand nombre La propagande upéciste a été largement intensifiée durant le
de militants, pour orchestrer une campagne de protestations contre mois d'avril 1955 et les premières semaines du mois de mai.
la comparution d'Um Nyobé devant le tribunal de première instance
Cet effort accru visait un double objectif:
de Yaoundé, où le secrétaire général de l'UPC devait répondre
d'une plainte déposée contre lui pour dénonciation calomnieuse. D'une part, il s'agissait de préparer les populations d'une façon
8) Enfin, il convient de souligner que, si la propagande upéciste très tendancieuse, à la venue prochaine de la Mission de visite de
était centrée pour l'essentiel sur des faits se rapportant au Cameroun, l'Organisation des Nations Unies ainsi qu'en témoignent les décla-
de très nombreuses résurgences des slogans et mots d'ordre du rations faites par Gertrude Omog, militante de l'UPC et de
communisme international apparaissaient constamment dans les l'UDEFEC, à l'occasion d'une réunion publique le Il mai 1955,
tracts et dans la presse de l'UPC. à Panja:

Nous citerons les quelques exemples suivants parmi beaucoup « Le sort du Cameroun dépendra de cette visite de la Mission
d'autres: de l'Organisation des Nations Unies. Il est entre nos mains.
Quand le jour viendra, voici dans quelles conditions il faudra
a) Journal l'Etoile nO 9 du 1er février 1955. - Dans l'article de la recevoir:
André-Claude Nyobé intitulé « Les peuples imposent leur volonté
de paix malgré la ratification des Accords de Londres et de Paris », «1) Ne pas mettre d'habits neufs ou même décents, de pré-
nous trouvons les phrases suivantes: férence se vêtir de haillons, de bilas ou de peaux de bêtes comme
jadis nos aïeux, afin de prouver que les Français ne nous ont
«D'autre part, le Gouvernement d'Adenauer n'est composé rien appris, que nous ne connaissons même pas comment on
que des criminels de guerre nazis, les créateurs d'Oradour-sur- fabrique des habits.
Glane qui conçoivent juste la doctrine expansionniste et de «2) S'abstenir de s'exprimer en français. Vous devrez parler
supériorité de la race germanique.)} en dialecte, par l'entremise d'interprètes qui noteront ainsi
«Une fois les accords ratifiés, Adenauer se sentira libre de l'ignorance dans laquelle la France a laissé la masse camerounaise.
recommencer le chemin d'Hitler.» Pour renforcer l'opinion des visiteurs dans ce domaine, les
enfants entre 6 et 15 ans ne parleront ni le français ni l'anglais.
b) Journal l'Etoile nO 10 du 1er mars 1955. - Dans l'article
« 3) Tous ceux qui souffrent de la moindre infirmité devront
«Lettre ouverte à M. Christol », Mathieu Tagny écrit:
se trouver sur le passage de la Mission de visite, avec les femmes
«Ainsi donc, frère, au lieu du Dieu dollar vous avez voulu enceintes, afin de prouver que le Cameroun n'a ni hôpitaux,
nous appeler à genoux pour la prière du soir!... Nous nous ni dispensaires, ni médicaments et encore moins de gens capables
refuserons à souscrire pour le Dieu Yankee où l'argent est le de prodiguer des soins aux malades.
maître suprême.» « Cette mission, chargée de voir les conditions dans lesquelles
«Cher M. Christol, injurier la mémoire du grand Staline, vous vivez, doit se faire une opinion basée sur les protestations
paix à son âme, qui a contribué si grandement à sauver l'huma- que vous formulerez, sur le tapage que vous mènerez, sur les
nité, cela vous regarde et seuls les hommes servant des gouverne- cris que vous pousserez et les pleurs que vous verserez à son
ments de déroute comme vous, sont capables de telles sottises.)} passage.)}

c) Journal l'Etoile nO 8 du 1er janvier 1955. - Dans son article D'autre part, le parti qui, à ce moment-là, ne reculait pas devant
« La température politique du Cameroun », Félix Roland Moumié la perspective d'une épreuve de force, cherchait à préparer une
écrit: ambiance psychologique propre à assurer son succès.
« Il faudrait vraiment instituer au Cameroun une université D'où le crescendo de sa propagande qui a rapidement atteint
spéciale pour apprendre la vraie histoire des peuples ...Mao Tsé- un degré de violence et de mauvaise foi rarement égalé (dénoncia-
toung et Vo Nguyen Giap seraient tout indiqués pour y envoyer tion de «complots» et de «crimes)} colonialistes en série). Cette
des cours par correspondance avec l'expérience asiatique si riche propagande cherchait à développer simultanément dans les masses
d'enseignements.» un complexe d'inquiétude et un sentiment de colère. Pour ce faire,
les militants furent avertis que l'Administration voulait « décapi-
d) Journal la Lumière nO 1 du mois de février 1955. - Lettre ter» l'UPC, «attenter à la vie» des principaux leaders, « détruire
ouverte de Félix Moumié: les permanences », «noyer dans le sang» le « mouvement de

47
libération ». Dans le même temps, il leur était recommandé dans considérables qu'elle a poursuivis, l'UPC n'avait pas réussi à étendre
les meetings et les réunions publiques de se préparer à l'action son implantation au-delà des centres urbains de Douala, Yaoundé,
directe, tandis que le parti préparait les plans d'un véritable soulève- Nkongsamba et des régions du Mungo et de la Sanaga-Maritime.
ment et organisait de véritables groupes de choc armés. Sur ce dernier Par ailleurs, et ceci est très important, l'UPC ne put mobiliser
point, la préméditation, confirmée par les multiples témoignages dans les émeutes que des éléments les plus douteux de la population,
recueillis depuis les émeutes, fut prouvée par la synchronisation ceux qui furent qualifiés par des notables du Mungo « d'honunes
des incidents, par la similitude des tactiques opérationnelles em- sans femmes ni cases ».
ployées par les émeutiers en des points différents du Territoire Quoi qu'il en soit, l'upe par ses méthodes d'action aussi bien
(guet-apens du Mbanga, de Loum, de Douala, attaque des prisons que par sa propagande s'est révélée beaucoup moins conune un
et des bâtiments administratifs, attentats contre le service d'ordre, parti véritablement nationaliste que comme un groupement révolu-
sabotage des communications, attaque des opposants africains, etc.), tionnaire, d'obédience communiste, cherchant à réaliser, par tous
par les défilés des « troupes» upécistes armées qui eurent lieu, les moyens, la conquête du pouvoir et l'instauration, selon les
notamment à Douala, avant les incidents majeurs. déclarations mêmes de Félix Moumié, d'une république démo-
Cependant, il convient de souligner que, malgré les efforts cratique du Cameroun.

48
ANNEXE VI

\/7 Il
0
11 12' 13' 14' 15' 16'

ITINERAIRES DES MISSIONS


DE VISITE DES NATIONS UNIES
~ \\ 1 \'Ç~
\
,_
.
'==e-& -.. e irY-C-H·
!2 ..l=.A.-ç
"-~...:j
-O?'1
:-~~-4-c. ~
13
,

DANS LES TERRITOIRES


SOUS TUTELLE DU CAMEROUN
+-i-t-+- Chemins de fer
Rou~es pra~icables en ~ou~es saisons
_ _ _ Rou~es (seledionnées)
praticables en certaines saisons

Itinéraire 1949 ~ =:.- Par roule


Pa,
12'

Itinéraire 1952 ~~ Par route


.~~~~~n.. •d~. !e.r.
__ __ Trajet par avion
Itinéraire 1955 Trajel par ,'!utf! effectué
par la mISsIOn au complet
{
- - _ _ _ Trajet par :'oute effectué
par la moitié de la mission

MILLES

KILOMETRES

10'

9'

8'

r
r'
-'~--'------- . _ - - - - - -_._-. -.

)
6'
6'

s'

4'

3'
3'

OCEA N
ATLANTIQUE
2'
2'

9' 13' 14' Is' 16'

MA? NO. 796 (F) UNITED NATIONS


MARCH 1956
OBSERVATIONS DE L'AUTORITÉ CHARGÉE DE L'ADMINISTRATION
SUR LE RAPPORT DE LA MISSION DE VISITE 36

L'Autorité administrante a pris connaissance avec le Le maintien de l'ordre public comme celui de la léga-
plus grand intérêt du rapport présenté par la Mission lité exigeaient que toute équivoque fût dissipée. C'est
du Conseil de tutelle des Nations Unies, qui a visité pourquoi l'Autorité administrante a fait connaître à la
le Territoire du Cameroun sous administration française population, par tous les moyens de publicité, que toute
en octobre et novembre 1955. organisation de manifestation ou de délégation des
L'Autorité administrante a été particulièrement sen- partis dissous, à quelque occasion que ce fût, y compris
sible au souci d'objectivité manifesté par les membres le passage de la Mission de visite, aboutirait à l'arresta-
de la Mission. Elle estime cependant utile de présenter tion des participants. Elle a, par ailleurs, informé la
des observations sur certains points. Mission de visite de sa position.
Le communiqué publié par la Mission de visite le
20 octobre a achevé de clarifier la situation et, si les
1. - OBSERVATIONS SE RAPPORTANT À L'INTRODUCTION dirigeants clandestins de l'UPC ont poursuivi leur cam-
DU RAPPORT ET À SES CHAPITRES PREMIER ET II pagne d'excitation et de fausses nouvelles, celle-ci est
restée - sauf un incident à Eséka - pratiquement sans
1. L'Autorité administrante note que la Mission de écho.
visite a signalé en quelques passages de son rapport, et
notamment dans l'introduction, certains malentendus sur- L'attitude de l'Autorité administrante quant au droit
venus avec les autorités locales au sujet de la remise de d'audience a son corollaire dans celle qui a été adoptée
pétition aux membres de la Mission par des agents quant au droit de pétition.
d'organisations politiques dissoutes. Ces malentendus, La remise d'un document, au nom des partis dissous
dans tous les cas, ont été dissipés sans difficultés majeures, devant un officier de police judiciaire, justifiait et com-
grâce à la parfaite objectivité des membres de la Mission mandait son intervention immédiate, le document devant
et à leur souci constant de donner à leur visite sa signifi- être remis à l'autorité judiciaire pour poursuite éven-
cation exacte et d'éviter toute équivoque. L'Autorité tuelle du chef de reconstitution d'un parti dissous.
administrante estime cependant nécessaire de rappeler L'UPC est la seule organisation qui ait pour emblème
quelle a été sa position à l'égard du problème soulevé un drapeau rouge. Elle avait donné instruction à ses
par les demandes d'audience ou les présentations de partisans de remettre des pétitions à la Mission avec un
pétitions émanant de certains membres des organisa- drapeau rouge. Un paquet de documents apporté à la
tions politiques dissoutes. Mission, enveloppé d'un drapeau rouge, constituait donc
Le Gouvernement français a· estimé nécessaire de une présomption formelle de la reconstitution du parti
dissoudre l'UPC (et ses filiales: IDC et UDEFEC) à et c'est pourquoi de tels paquets ont été saisis à Yaoundé
la suite de l'organisation et de l'action de bandes armées et Mbalmayo.
dont ce parti était responsable; depuis le 13 juillet 1955,
2. L'Autorité adrninistrante note, d'autre part, que
date du décret de dissolution, toute manifestation d'acti- la Mission de visite fait allusion à plusieurs reprises,
vité au nom de l'UPC et de ses filiales est donc un acte
dans son rapport, à l'atmosphère politique de certaines
de reconstitution de partis dissous et tombe sous le coup
régions du Territoire, qu'elle qualifie de tendue. Elle
de la loi.
souligne, par ailleurs, les éléments qui, selon elle, ont
La propagande de l'UPC, qui a toujours tendu à per- causé cette tension.
suader la population que l'Organisation des Nations
Unies approuvait son action et soutenait ses dirigeants, Les délégations et les personnes que la Mission a
s'est clandestinement mais activement employée, après entendues ont été, par le fait même qu'elles se sont pré-
comme avant le 13 juillet, à diffuser des mots d'ordre sentées, celles qui se préoccupaient des problèmes poli-
de manifestations publiques avec drapeaux rouges, délé- tiques et s'intéressaient aux Nations Unies. L'Autorité
gations, cortèges, etc., qui devaient être organisées à administrante estime que les circonstances de son voyage
l'occasion du passage de la Mission de visite annoncée ont amené, dans une certaine mesure, la Mission de
comme la Mission qui allait proclamer l'indépendance visite à surestimer l'importance des faits qu'elle a cru
et l'avènement du gouvernement de l'UPC. devoir rapporter.
Il n'en reste pas moins que l'Autorité administrante se
3e NOTE. - Ces observations ont été reçues par le Secrétaire rallie aux explications fournies par le rapport de la
général après la dix-septième session du Conseil de tutelle et, Mission: au cours des récentes années, l'UPC est parve-
partant, n'ont pas été examinées par le Conseil durant cette session. nue à persuader la population que l'Organisation des

49
Nations Unies était son alliée. Il en est résulté que les Paragraphe 34. - La visite de Yokadouma n'a pas
militants du parti ont eu dans leur force une confiance été rendue impossible par l'état de la route que les
accrue. Mais il en est également résulté qu'une très large pluies avaient, en effet, fort endommagée, mais qui
majorité du peuple camerounais, trompé par la propa- restait praticable; elle a été empêchée par le fait que le
gande de l'UPC, a perdu confiance dans les Nations grossissement de la rivière Kadeï suspendait le fonc-
Unies. tionnement du bac et que le passage en pirogue d'une
Les émeutes du mois de mai ont, en outre, provoqué large rivière en crue aurait été particulièrement dangereux.
une vague «d 'antiupécisme» dans le pays. Les inci- Paragraphe 47. - L'Autorité administrante craint que
dents où des tenants de l'UPC ont été molestés ont, la rédaction de ce paragraphe, très claire pour la Mis-
heureusement, été rares, mais une conséquence indirecte sion de visite et pour elle-même, ne puisse être mal com-
des émeutes a été le réveil des hostilités ethniques: les prise par un lecteur non informé: le représentant du Haut-
tribus de l'Est et du Centre-Sud ont considéré l'UPC Commissaire a informé la Mission que la région était de
comme le parti des Bassa et des Bamiléké. Les habitants celles où l'UPC exerçait une influence, mais n'a pas
du pays Bamiléké l'ont considérée comme le parti qui déclaré - il aurait dans l'affirmative fait une déclaration
gâtait leur réputation, les tribus du Nord l'ont considérée inexacte - que la région de la Sanaga-Maritime consti-
comme l'expression des «gens du Sud ». On peut donc tuait «le fief» des upécistes. Les incidents qui se sont
dire que l'UPC a remis en question l'unité naissante du produits en mai 1955 à Babimbi montrent, par exemple,
Cameroun. l'importance du parti de l'Esocam dans ce secteur. Le
La plupart des faits et des incidents rapportés par la service d'ordre ne se composait d'ailleurs que d'un
Mission s'expliquent donc par l'action combinée de ces peloton de gardes.
deux facteurs qu'un vote à la Quatrième Commission
est venu aggraver à la veille de l'arrivée de la Mission Paragraphe 61. - Les exploitations maraîchères citées
dans le Territoire; l'hostilité ouverte de certains éléments ont été créées par l'initiative des services du paysannat et
du Nord aux gens du Sud, les manifestations de méfiance de l'éducation de base, mais sont exploitées par les
envers l'Organisation des Nations Unies, les déclara- collectivités villageoises et à leur seul profit.
tions séparatistes de certains chefs Mousgoum, Baya et
Fang, se ramènent pour l'essentiel à ces deux facteurs Paragraphe 69. - La loi du 18 novembre 1955 a érigé
dont le rapport de la Mission rend d'ailleurs compte les villes de Yaoundé, Douala et Nkongsamba en com-
fort clairement. munes de plein exercice avec un conseil municipal élu
au collège unique et un maire élu par les conseillers.
L'Autorité a pris toutes les mesures utiles à l'apaise-
ment des esprits. Mais la Mission de visite a visité le Cette loi a été promulguée au Cameroun par arrêté
Territoire quelques mois seulement après les événe- 8598 du 14 décembre 1955. Les élections auront lieu
ments de mai et la seule annonce de sa venue a provoqué trois mois après que l'Assemblée territoriale se sera
le réveil de rancunes et d'antagonismes encore trop prononcée sur le sectionnement électoral des trois com-
récents. munes.

Paragraphes 30 et 31. - Le communiqué publié par la Paragraphe 106. - L'accès rapide du plus grand
Mission à Fort-Foureau le 20 octobre a constitué, dans nombre possible de Camerounais à des emplois admi-
l'opinion de l'Autorité administrante, une contribution nistratifs, tenus jusqu'à présent par du personnel euro-
importante à l'apaisement des esprits. péen, constitue l'une des préoccupations essentielles de
l'Autorité administrante qui vise à mettre en place,
Aussi l'Autorité administrante a-t-elle donné la plus tant dans les emplois administratifs proprement dits que
large diffusion à ce communiqué qui a été immédiate- dans de nombreux postes techniques (travaux publics,
ment télégraphié dans toutes les localités, radiodiffusé santé, enseignement), non seulement les ressortissants du
et imprimé dans la presse locale. L'incident de Meïganga Territoire détenant certains diplômes d'enseignement
n'aurait donc pas dû se produire. Il est vivement regret- supérieur ou technique, mais encore des fonctionnaires
table et, bien que le communiqué ait été effectivement camerounais ayant fait la preuve de leur valeur profes-
affiché, il semble que le chef de subdivision n'en ait pas sionnelle et susceptibles de s'adapter rapidement à des
mesuré toute l'importance. Afin d'éviter le renouvelle- responsabilités accrues.
ment éventuel de cette erreur, le Haut-Commissaire a
diffusé, le 30 octobre, de nouvelles instructions pour que Paragraphe 110. - Le principe de l'égalité des soldes,
le communiqué de Fort-Foureau fasse de nouveau l'objet à égalité de diplômes et de compétences, constitue une
du maximum de publicité dans tout le Territoire et soit règle absolue pour la rémunération des agents de l'admi-
expliqué à la population. Aussi l'incident de Meïganga nistration, quelle que soit leur origine.
a-t-il été sans .lendemain.
Paragraphe 151. - L'Autorité administrante tient à
Paragraphe 33. - L'Autorité administrante signale que préciser que son opposition à l'audition de certains
le problème de l'exhaussement du radier de Lom s'est pétitionnaires a été exprimée avec une netteté qui élimine
heurté à de très grandes difficultés techniques, du fait toute possibilité «d'impression ». il ne peut donc
du manque de stabilité des terrains sous-jacents, et a s'agir, dans ce paragraphe, de représentants des partis
nécessité de longues études préliminaires. Les travaux dissous. Elle précise par contre que ces réserves ouverte-
sont en cours depuis le début de 1956 et seront vraisem- ment faites et largement diffusées, elle a respecté totale-
blablement terminés avant la prochaine saison des pluies. ment le droit d'audience et de pétition.

50
II. - OBSERVATIONS SE RAPPORTANT AU CHAPITRE III Paragraphe 207. - L'Autorité administrante signale
également le succès des efforts entrepris pour l'extension
Paragraphe 168. - Le chiffre de 150 millions de des plantations d'eucalyptus en pays Bamiléké. Pour la
francs CFA cité par la Mission de visite comme repré- seule année 1955, plus de 170.000 plants ont été distri-
sentant le total des investissements effectués au titre du bués, dont 151.000 à des particuliers.
« petit équipement rural », y compris la contribution
volontaire des collectivités autochtones, correspond, en Paragraphe 211. - Les techniques de préparation des
fait, au seul effort consenti par les finances locales de peaux doivent être considérablement améliorées grâce
1952, date de la création du « petit équipement rural », aux crédits prévus à cet effet par le second plan quadrien-
jusqu'à novembre 1955. nal. La création d'une chaîne de petits hangars de séchage
et de cuves d'arsenicage aux principaux points d'abat-
De 1952 au 31 décembre 1955 le Territoire a consacré tage du bétail est en cours de réalisation. Quatre hangars
une somme globale de 159.516.000 francs CFA au sont entrés en service en 1955, sept sont en cours de
« petit équipement rural », se répartissant en 124.885.000 construction, cinq doivent être mis en chantier avant la
francs de crédits des budgets territoriaux successifs et en fin de l'année. Un centre d'amélioration du tannage
34.631.000 francs de redevances sur la circulation fidu- artisanal a été créé à Maroua.
ciaire. De plus, 265 millions de francs CFA provenant
des crédits du FIDES devaient être consacrés au petit Paragraphe 216. - L'Autorité administrante signale à
équipement rural à la date du 31 décembre 1955. La l'attention du Conseil de tutelle l'effort entrepris pour
contribution des SAP et des diverses collectivités autoch- favoriser la création de coopératives africaines de crédit
tones doit être ajoutée à ces chiffres. mutuel agricole. Les coopératives de production, dont
tous les membres sont solidaires, pourront emprunter
Paragraphe 180. - Les objectifs poursuivis par les facilement auprès du Crédit du Cameroun, grâce au
sociétés africaines de prévoyance ne sont pas exclusive- versement à cet organisme, sur les crédits FIDES, d'une
ment ni même essentiellement commerciaux. Ces orga- somme globale de 75 millions de francs CFA, destinée
nismes s'efforcent, par leurs activités diverses, d'élever à servir de fonds de garantie.
le niveau de vie des masses rurales. A ce titre, ils distri-
buent des semences sélectionnées, vulgarisent de nou- Paragraphe 218. - L'activité industrielle du Terri-
velles méthodes de culture, mettent un outillage agricole toire ne se réduit pas à des entreprises de transformation
moderne à la disposition de leurs adhérents, participent des produits agricoles et forestiers. Il existe également
à l'exécution des programmes du petit équipement rural, au Territoire plusieurs industries mécaniques (tôlerie,
fournissent du crédit pour l'amélioration de l'habitat et charpentes métalliques, clouterie), une importante
la constitution de coopératives. fabrique de liants hydrauliques dont la capacité de pro-
duction doit s'élever jusqu'à 25.000 tonnes par an, une
Les sociétés africaines de prévoyance s'occupent égale-
manufacture de cigarettes, une entreprise de tissages.
ment de commercialiser une partie de la production de
leurs adhérents et de mettre à leur disposition des pro- Paragraphe 222. - La production d'énergie électrique
duits de consommation courante dans toutes les régions doit être considérablement augmentée pour faire face à
où le commerce est insuffisamment organisé. la consommation très importante des installations indus-
Paragraphe 183. - L'Autorité administrante suit avec trielles de la société ALUCAM. La capacité de produc-
la plus grande attention les importants problèmes soulevés tion de ces installations sera de 45.000 tonnes d'alumi-
par les fluctuations des cours mondiaux des principaux nium par an, vers 1960, nécessitant une consommation
produits agricoles exportés par le Territoire. Le fléchis- de plus de 900 millions de kWh. A la même époque, la
sement récent des cours, notamment en ce qui concerne capacité de production des installations hydro-électriques
le café et le cacao, entraînant une diminution des revenus de la société ENELCAM aura été portée à 1 milliard
des producteurs, trois décrets du 16 décembre 1955 ont de kWh.
créé au Cameroun une caisse de stabilisation des prix Paragraphes 225 et 227. - Les industries locales ne
pour le cacao, le café et le coton. Ces organismes entre- bénéficient pas de « tarifs douaniers protecteurs ».
ront en fonctionnement dès que les arrêtés locaux L'aide aux industries naissantes se présente, en fait,
d'application auront été approuvés par l'Assemblée terri- sous une forme relativement complexe dont les points
toriale. Dans l'immédiat, les producteurs de cacao béné- essentiels sont les suivants :
ficient des avantages suivants :
a) Exonération pendant cinq ans de taxes de consom-
Paiement de la prime à la qualité de 10 francs par mation intérieure dues par les industries nouvelles et
kilogramme pour le cacao de qualité supérieure; maintien, pendant cinq ans, au taux en vigueur du
Abaissement de la valeur mercuriale du cacao de 29 décembre 1948, des taxes de sortie dues éventuelle-
150 francs à 124 francs par kilogramme (arrêté nO 3 ment par ces mêmes industries;
du 31 janvier 1956), ce qui représente une augmentation b) Exonération de la taxe sur le chiffre d'affaires
moyenne de 4,50 francs par kilogramme du prix payé pour toutes les opérations réalisées en vue de l'expor-
au producteur; tation;
,Paiement d'une prime de soutien de 5 francs par kilo- c) Exonération des taxes à l'entrée portant sur les
gramme (décision nO 1422 du 29 février 1956) versée aux matériaux et matériels d'équipement;
producteurs sur les marchés contrôlés, pour toutes les d) Possibilité d'octroi d'un régime fiscal de longue
qualités de cacao (supérieur, courant, limite). durée;

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e) Détaxe sur les droits portant sur les matières pre- Enfin, des cours d'adultes fonctionnent au Territoire
mières importées utilisées par les industries nouvelles. .dans le cadre des efforts poursuivis par les services de
l'éducation de base.
III. - OBSERVATIONS SE RAPPORTANT AUX Paragraphe 318. - Afin de répandre l'enseignement
CHAPITRES IV ET V technique, l'Autorité chargée de l'administration a revisé
la conception qui avait présidé à la création des centres
Paragraphe 269. - Le parquet général du Territoire a
de préapprentissage. Ceux-ci, sous le nom de « sections
toujours donné aux juges des divers ressorts les instruc-
manuelles, artisanales et agricoles », sont maintenant
tions nécessaires pour que les inculpés soient jugés le
annexés aux écoles primaires, ce qui permet d'amener
plus vite possible. Dans de nombreux cas cependant
un plus grand nombre d'élèves à suivre leurs cours.
l'instruction judiciaire est sérieusement ralentie par la
longueur et les grandes difficultés des enquêtes. Leur but est double: d'une part, faciliter le passage de
l'école à la vie en complétant la formation théorique de
Paragraphe 273. - L'Autorité administrante souligne l'élève par une formation pratique qui lui permette
que le sous-emploi constaté par la Mission, dans les d'être intégré de façon plus aisée par la société rurale.
grands centres urbains, ne touche pas les ouvriers pourvus D'autre part, ces sections manuelles effectuent une sélec-
d'un métier. Les chômeurs, dont la masse est susceptible tion parmi leurs élèves, les plus doués étant dirigés
de variations correspondant à l'ouverture ou à la ferme- vers les centres d'apprentissage et l'école professionnelle
ture de grands chantiers de travaux publics ou privés de Douala.
sont, pour la plupart, des manœuvres sans aucune qualifi- Neuf centres de préapprentissage fonctionnaient en
cation professionnelle, et dont il est difficile d'assurer la 1954 et comptaient 330 élèves. Les sections manuelles
stabilité de l'emploi. artisanales et agricoles étaient au nombre de 15 en 1955,
Paragraphes 285, 286, 287. - Les inscriptions budgé- dont 8 dans le Nord, groupant 553 élèves dans 21 classes.
taires au titre de la santé publique s'élèvent en 1956 L'extension de ces sections va être poursuivie.
(budget territorial) à 1 milliard 154 millions de francs
CFA. Le personnel médical, en 1955, comprenait Paragraphe 339. - Aux chiffres des subventions
66 médecins. octroyées aux missions par le budget territorial, il convient
" d'ajouter les subventions du FIDES qui se sont élevées
Paragraphe 307. - Le problème des limites d'âge à à 66 millions en 1953, 74 millions en 1954 et 122 millions
l'admission dans les établissements scolaires n'a pas en 1955.
échappé à l'Autorité chargée de l'administration. Sa
ligne de conduite est analogue à celle préconisée par la En outre, pour l'année 1955, les subventions du budget
Mission de visite de 1952. territorial ont été portées à 300 millions.
Les âges limites sont portés au Cameroun à 16 ans pour Paragraphe 341. - Compte tenu des crédits que le
l'enseignement primaire, contre 14 en France, et 15 ans Territoire peut chaque année consacrer à l'enseignement,
pour l'entrée en classe de sixième, première année du il n'apparaît pas à l'Autorité administrante qu'il faille
cycle d'études secondaires, contre 13 ans en France. réviser les principes présidant à la répartition des crédits
Une large tolérance est pratiquée en ce domaine. La entre l'enseignement public et l'enseignement privé.
réglementation est notamment appliquée avec la plus Le caractère de ces deux enseignements diffère, en
grande souplesse aux filles. effet, profondément. L'enseignement privé fait, en général,
Par ailleurs, il a été créé des sections manuelles arti- porter son effort sur une action de masse, son action
sanales et agricoles qui sont annexées à des écoles pri- éducative suivant l'expansion religieuse. L'enseignement
maires; ces sections, outre des cours d'enseignement public s'attache, de son côté, à dispenser principalement
technique, dispensent un enseignement général que un enseignement de qualité élevée. Ces deux types
peuvent suivre ainsi des élèves ayant dépassé l'âge d'action se complètent heureusement et remplissent par-
scolaire. faitement leur but respectif.

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RÉSOLUTION 1373 (XVll) ADOPTÉE PAR LE CONSEIL DE TUTELLE
LE 5 AVRIL 1956

RAPPORT DE LA MISSION DE VISITE DES NATIONS UNIES DANS LES TERRITOIRES SOUS TUTELLE DU CAMEROUN
SOUS ADMINISTRATION BRITANNIQUE ET DU CAMEROUN SOUS ADMINISTRATION FRANÇAISE (1955)

Le Conseil de tutelle, ses propres conclusions et recommandations au sujet de


Ayant examiné à sa dix-septième session les rapports la situation dans les Territoires en question, il a tenu
de la Mission de visite des Nations Unies dans les Terri- compte des observations et conclusions de la Mission
toires sous tutelle du Cameroun sous administration de visite et des observations présentées à ce sujet par les
britannique et du Cameroun sous administration fran- Autorités administrantes;
çaise (1955) ainsi que les observations présentées par 4. Décide de continuer à tenir compte de ces observa-
écrit par le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande- tions et de ces conclusions quand il examinera des
Bretagne et d'Irlande du Nord sur le rapport relatif questions relatives à ces Territoires sous tutelle;
au Cameroun sous administration britannique 37 et les 5. Invite les Autorités administrantes intéressées à tenir
observations formulées oralement par le représentant de le plus grand compte des conclusions de la Mission de
la France sur le rapport relatif au Cameroun sous visite ainsi que des observations faites à ce sujet par les
administration française 38, membres du Conseil de tutelle;
1. Prend acte des rapports et des observations pré- 6. Décide, conformément à l'article 99 de son règle-
sentés par les Autorités administrantes intéressées; ment intérieur, de faire imprimer les rapports de la
2. Remercie la Mission de visite de l'œuvre qu'elle Mission de visite ainsi que les observations présentées
a accomplie en son nom; par écrit par le Gouvernement du Royaume-Uni et le
3. Signale qu'à sa dix-septième session, en formulant texte de la présente résolution;
31 Voir Documents officiels du Conseil de tutelle, dix-septième 7. Prie le Secrétaire général de prendre des disposi-
session, Supplément nO 3, T/1226 èt T/1234. tions pour faire imprimer ces documents le plus tôt
88 T/123l. possible.

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