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Les enrobés à module élevé : bilan de près de 30 ans d’expérience française

(partie 2 de 2) Revue Via Bitume, Vol. 10 No 3, pp.11-17

Article · October 2015

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Michèle St-Jacques
École de Technologie Supérieure
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 Les enrobés à module élevé :
bilan de près de 30 ans d’expérience française (partie 2 de 2)

Par Yves Brosseaud, Ingénieur ENSAIS – Directeur de Recherche au

Laboratoire Central des Ponts et Chaussées - Centre de Nantes
et Michèle Saint-Jacques, ing. - Professeur titulaire - Département de génie de la construction
École de technologie supérieure, Université du Québec, Montréal

Le présent article fait suite à l’article
paru en juin 2015 (volume 10 n° 2). Il
vient compléter les données sur le bilan
de comportement de la technique,
les évolutions dans les formulations et
des propriétés dans le temps, l’ajout
d’enrobés recyclés avec des bitumes
moins durs, des nouvelles applications
et des recommandations d’usage des
enrobés à module élevé EME.
1 - Développement de la
technique : bilan en France,
transfert de technologie,
adaptation aux différents
contextes internationaux
1 – 1 Bilan du comportement des réalisations (2).
EME en France
Bien qu’il soit très difficile d’avoir des
chiffres précis sur les réalisations, on
peut estimer que les bitumes durs 10/20
ou 15/25, voire 20/30, représentent
environ 0,35 à 0,4 million de tonnes,
soit un potentiel de l’ordre de 4 à 5
millions de tonnes d’EME, parmi les
36 à 38 millions de tonnes d’enrobés
fabriqués en France. Le tonnage
d’EME a été en progression constante
durant la période 1990 à 2010. Cette
évolution des EME provient du fait que
les travaux d’entretien et surtout les
besoins de renforcement structurel des
chaussées, augmentent chaque année,
par rapport aux travaux neufs. De plus,
le choix se porte préférentiellement
vers des techniques bitumineuses plus
grandeur (1), et de nombreux chantiers
pilotes réalisés au milieu des années 80.
Un premier bilan sur le comportement,
réalisé dans le cadre de l’Observatoire
des Techniques de Chaussée de la
direction des routes, avait mis en
évidence un très bon comportement
mécanique sous service, et ce après,
plus de 10 à 15 ans de suivi. Aucune
dégradation significative par fissurations
transversales prématurées n’avait été
observée, ni de problème de faïençage,
ni de déformations permanentes. Les
seuls cas particuliers de fissuration
ont été expliqués par l’usage de
liants anormalement durs ou de
certains additifs, et par des mauvaises
Avec l’emploi de bitume extrêmement
dur, de grade assimilé à des 5/10 de
pénétrabilité, issu de procédés spéciaux
de raffinage, mobilisant des techniques
de semi-soufflage, des phénomènes
de retrait avaient été observés, dès
l’application de ces enrobés, au niveau
des joints transversaux de mise en
œuvre. Des fissurations transversales,
selon un pas d’une dizaine de mètres,
suivi d’un faïençage (Photographie 1)
avaient été constatées. Ces phénomènes
de fragilité d’un tel matériau avaient été
confirmés par une application sur un
chantier à environ 1000 m d’altitude,
où la fissuration de retrait, en période
hivernale, s’était quelque peu généralisée
dès les trois premières années.
Il convient donc de rester très vigilant sur
constituer des alertes intéressantes pour
sélectionner les liants durs trop fragiles.
Cette technique semble donner entière
satisfaction, à condition de bien
respecter les spécifications normatives
et les recommandations d’usage sur
l’emploi des EME.
Photographie 1 : manège de fatigue
des chaussées expérimentation 1994 –
section EME avec bitume très dur, sous
épaisseur 7 cm, dégradations après
2 millions de chargement : analogues à
celles de graves hydrauliques (fragilité)
1– 2 Évolution dans le temps des
propriétés mécaniques
Compte tenu des propriétés initiales
particulièrement élevées en terme
de module, obtenues par des
bitumes durs, on pouvait redouter un
vieillissement accéléré de ces bitumes,
et une fragilisation rapide de ces
EME, par rapport aux techniques
plus conventionnelles. Des mesures
de module en traction directe sur
prélèvements de chantier à la réalisation
Octobre 2015

performantes, pour économiser des

matériaux non renouvelables et réduire
les volumes de transports.
Cette technique remonte à presque 25
ans d’expérience. Celle-ci s’appuie sur
le choix du liant, et sur les performances
du bitume dur utilisé, et éviter les produits
obtenus par un raffinage avec soufflage
trop agressif. Les essais BBR (Rhéomètre
de flexion de poutre), la température
et après 11 ans d’un trafic important
avaient été effectuées et comparées
aux valeurs de l’étude de formulation
en laboratoire. Il n’avait pas été
constaté d’évolution significative des
ViaBITUME

le comportement des très nombreuses
réalisations en service, mais également
sur les expérimentations en semi vraie
de transition vitreuse, les indices des performances mécaniques et donc aucun
fonctions carbonyles et sulfoxydes, problème particulier de durcissement
voire la température FRAASS, peuvent anormal (Tableau 1).
u
11
 u Les enrobés à module élevé...
suite de la page 11

Etude laboratoire Chantier 3 mois Chantier 11 ans

1 – 3 Transfert de technologie et développement de la
technique EME à l’étranger
E 10°C – 0,02 s (en MPa) 17 350 17 400 18 300
E 15°C – 0,02 s (en MPa) 15 000 Par suite du passage à l’essieu standard européen désormais
de 115 KN, de nombreux pays européens ont manifesté un
Non linéarité : 1-Ґ 0,16 0,28 0,30
intérêt certain pour ces EME 2. Des échanges techniques sur
les recommandations à suivre, sur les adaptations à prévoir
Tableau 1 : mesures de module en traction à la machine en fonction des matériaux disponibles, mais également des
asservie d’essai rhéologique (MAER), chantier RN2, renforcé cultures d’entreprise et des conditions climatiques ont été
par 8 cm EME cl2 et 2,5 Etude
cmlaboratoire
BBTM, EMEChantier
0/14 3 mois Chantier
continu 11 ans
(70 ;50 ;35 ;
nécessaires pour ajuster les formulations et les conditions
passant en % aux
E 10°C – 0,02 s (en MPa) tamis de 2 ;6 ;10mm
17 350 et teneur
17 400 en bitume
18 300 dur d’applications des EME.
5,7 %), teneur en vides 3%.
E 15°C – 0,02 s (en MPa) 15 000
Pour utiliser cette technique, il importe de bien comprendre
Des
Non essais: 1-Ґ
linéarité
Matériaux complémentaires
0,16 ont
Grave Bitume été
Grave faits
bitume0,28 sur des éprouvettes
EME 0,30
EME les fondamentaux : un matériau aux performances élevées, en
trapézoïdales, fabriquées à partir des compositions de grave
année 1991 2014 1991 2014 épaisseur suffisante, très bien compacté et aux caractéristiques
bitume GB et EME, correspondant à une expérimentation
Module extrêmement régulières (pas de ségrégation, ni de sous
sur le manège de fatigue 10 300
des chaussées
-
de 12Nantes
500
(1991),-
et
E 15°C 10 Hz (MPa) épaisseur, une composition stable).
conservées en laboratoire pendant 23 ans à une température
Essais
de de fatigue
20°C dans une chambre noire. Les résultats de module et Dans le cadre de la coopération franco-polonaise menée
de résistance
Module en fatigue
E 10°C 25 Hz sont récapitulés
15 000 20 000 dans le Tableau
16 500 20 2.
700 depuis 2002 sur les techniques de chaussées, un chantier
Taux d’augmentation +33% +25% expérimental (EME + BBTM) a été réalisé à Poznan (2 et 3). Le
Matériaux Grave Bitume Grave bitume EME EME bilan après 12 ans de service et quatre hivers particulièrement
ε 6 (microdéformation) 88 111 140 141
année 1991 2014 1991 2014 sévères (températures moyennes de -20°C pendant près d’un
Taux d’augmentation + 26% +1%
Module mois, avec des miminas voisines de -35°C), a démontré tout
Pente de fatigue
E 15°C 10 Hz (MPa) 10- 300
4 - -8 12- 5,3
500 - -7
l’intérêt de la technique, et surtout aucun problème majeur de
Essais de fatigue
fissuration thermique de ces enrobés à module élevé EME 0/16
avec un liant « semi dur » (grade 20/30, obtenu sans soufflage
Module E 10°C 25 Hz 15 000 20 000 16 500 20 700
important), appliqué en 12 cm d’épaisseur et recouvert soit
Taux d’augmentation +33% +25% par un enrobé très mince (BBTM de composition française) de
ε 6 (microdéformation) 88 111 140 141 2 cm, soit par un SMA en 4 cm. Seules trois fissures de joint
Taux d’augmentation + 26% +1% de construction sont remontées en surface. Un traitement
Pente de fatigue -4 -8 - 5,3 -7
par pontage aurait permis d’éviter les infiltrations et les
dégradations très localisées. Ces bons résultats avaient conduit
l’administration des routes polonaises à définir en 2006, les
Tableau 2 : mesures de module en flexion et de résistance en spécifications mécaniques (Module > 16 000 MPa à 10°C et
fatigue sur matériaux du manège de fatigue des chaussées de 10 Hz) et les conditions d’application des EME polonais, dans
Nantes, GB cl 2 0/14 et EME cl 2 0/14 de même composition un guide technique national.
granulométrique (7,4 ; 33 ; 55 ; passant en % aux tamis de
0,08 ; 2 ; 6 mm), teneur en bitume classe 60/70 de 4,4 % pour Suite à l’hiver rigoureux de 2013 en Pologne, des désordres
GB et bitume dur 10/20 de 5,7 % pour EME, et teneur en vides importants sont apparus sur des réalisations d’EME,
respectivement de 7 et 3%. notamment sur une autoroute en cours de travaux. Les analyses
ont mis en évidence des problèmes de réalisation en arrière
Ces résultats montrent une moindre évolution dans le saison, et par conséquent des difficultés de compactage et
temps des EME par rapport à la technique classique des GB, surtout l’absence de protection par une couche de roulement,
notamment en matière de résistance à la fatigue. L’oxydation celle-ci étant reportée au printemps suivant. Des fissurations
du bitume conduit à une augmentation significative du transversales de retrait thermique avec un pas de fissuration
module, cette rigidité s’accompagne d’une certaine fragilité important et une grande ouverture (de l’ordre de 3 à 5 mm),
en fatigue qui se traduit par une augmentation importante ont été constatées sur toute l’épaisseur de l’EME. L’examen des
de la pente de fatigue des matériaux bitumineux. Le critère de bitumes utilisés a montré que ceux-ci présentaient un caractère
résistance en fatigue de l’EME reste très stable. Le module de fragile et cassant à basse température, une forte teneur en
Octobre 2015

la GB rejoint celui de l’EME après 23 ans de conservation.
Ces valeurs indiquent une très bonne conservation des
propriétés en fatigue des EME, et une rigidité comparable à
celle d’une GB.
ViaBITUME
asphaltènes, et de forts indices d’oxydation déterminés par
analyses infra rouge, significatifs d’un processus de fabrication
inapproprié conduisant à une trop forte oxydation du bitume.
Ces constatations confirment l’importance du choix d’un

La durabilité des EME s’avère très satisfaisante au vu de
ces résultats d’évolution comparativement à la technique
éprouvée depuis plus de 35 ans des GB.
12
bitume pas trop dur et trop oxydé, mais suffisamment
structuré, pour la formulation des EME, devant tenir compte
des conditions climatiques, mais aussi de la période de
réalisation des travaux.
Dans l’article sur les EME adaptés au
climat nordique (4), l’approche de
formulation adaptée de ces matériaux
dans le contexte québécois prévoit la
réalisation d’essai de retrait empêché
sur cylindre, pour évaluer la résistance
au retrait thermique. La spécification
retenue pour le Québec est une
température de rupture inférieure à
– 28°C. Il serait intéressant de caractériser
les EME français, vis-à-vis de ce critère,
de classer les différents EME, et de juger
de son adaptation au contexte français,
peu rigoureux en matière d’hiver.
De nombreux pays européens, comme
l’Espagne, le Portugal, la Belgique, le
Royaume Uni, l’Italie, la république
Tchèque ont déjà expérimenté et ont
réalisé de nombreux chantiers d’EME
sur des routes nationales, autoroutes, et
aussi des plateformes multimodales et
dans des travaux urbains.
Des réalisations d’EME ont également
été faites dans les départements et
territoires d’outre mer, comme à la
Réunion et à la Guadeloupe.
2 - Chaussées à longue durée
de vie, exemple de l’emploi
des EME sur le boulevard
périphérique (BP) de Paris
Les gestionnaires de réseau très
fortement circulé et pour lesquels les
travaux d’entretien constituent une gêne
quasi insurmontable pour les usagers, se
tournent vers la réalisation de structures
à très longue durée de vie, où les
séquences d’entretien se limiteraient au
seul maintien des propriétés de surface.
L’usage de matériaux très performants
comme les EME constitue une solution
intéressante, pour réduire les contraintes
mécaniques et garantir une bonne
durabilité des performances à long
terme.
C’est sur ces principes de comportement,
que la ville de Paris a opté pour des
scénarios d’entretien des chaussées sur
le BP Paris (37 km, trafic le plus important
de France avec 300 000 véhicules/jour,
dont 20% de poids lourds). La solution
lourde et la plus durable consiste
à décaisser la structure actuelle sur
25 cm et à lui substituer 22 cm d’EME 2,
en 2 couches successives, et d’appliquer
une couche de roulement générale en
BBTM 0/6 sur 3 cm, aux liants modifiés
pour prolonger les caractéristiques de
surface. Dans ce contexte, les travaux
d’entretien devraient se limiter sur une
période de 50 ans de durée structurelle,
à renouveler uniquement la couche
de roulement par un BBTM appliqué
à grande vitesse (finisseur avançant à
plus de 20 m/mn) afin de diminuer le
temps de neutralisation de la chaussée.
Des ajustements d’épaisseur de plus
ou moins 3 cm permettent d’adapter
l’épaisseur au trafic projeté sur les 50 ans,
sur le tronçon concerné. Cette solution
constitue un investissement de base
assez lourd, mais permet d’optimiser la
durabilité. Des solutions intermédiaires
par renforcement successifs en EME
sont donc envisagées pour les aspects
financiers, avec une estimation des
durées de vie pour la première séquence
du renforcement, l’objectif restant une
durée de vie totale de 50 ans.
Les travaux d’entretien par l’application
d’EME 2, après fraisage des voies lentes
d’autoroute, ou par réfection après
élimination des couches de surface sur
les boulevards, sont devenus depuis
plus de 15 ans, la technique la plus
pratiquée pour réduire les durées
d’intervention lors des travaux et
augmenter la durabilité des chaussées.
La Photographie 2 présente un exemple
de réalisation de nuit d’un chantier de
renforcement en EME sur le boulevard
périphérique de Bordeaux.
Photographie 2 : Usage de trémie
mobile pour travaux de nuit sur le BP
de Bordeaux, chaussées de 3 voies de
circulation, préalablement fraisées.
Après refroidissement de l’EME (moins
de 75°C), celui-ci peut être remis en
circulation, à vitesse modérée (70 km/h
max) sans que l’on soit confronté à un
quelconque risque de déformations
permanentes. Ces conditions de remise
au trafic rapide constituent l’un des
points favorables pour les travaux en
zone urbaine dense.
3 - Évolution des formulations
EME : exemples récents
de formulations 0/10
en rechargement, de
recyclage à fort taux, de
reconstruction urbaine
associant traitement au
ciment et EME
3 – 1 Évolution des formulations
EME vers des granularités plus
fines
Les formulations granulaires des
EME s’adaptent aux épaisseurs plus
minces de mise en œuvre, 6 à 8 cm
en moyenne, avec une épaisseur
strictement supérieure à 5 cm, pour
satisfaire les contraintes altimétriques
dans le cadre des travaux d’entretien
et de renforcement en milieu urbain et
périurbain. La dimension maximale est
donc passée d’une valeur traditionnelle
de 14 mm, à seulement 10 mm pour
ces formulations, tout en conservant les
mêmes performances de m aniabilité et
de propriétés mécaniques. Un exemple
de formulation EME 0/10, présenté
au Tableau 3, montre les très bonnes
propriétés en valeur de module, en
résistance en fatigue et à l’orniérage.
Cette formulation a été appliquée avec
succès sur la rocade de Toulouse. Les
conditions de réalisation des travaux
de nuit ont conduit à une très bonne
homogénéité des compacités (teneur
moyenne en vides sur chantier 3,5%,
Octobre 2015
pour 7 cm d’épaisseur). D’autres
applications de ces EME 0/10 sont à
signaler sur les rocades et les boulevards
urbains de grandes villes françaises.
L’incorporation d’enrobés à recycler dans
ViaBITUME
ces formules EME 0/10 est également
possible. Un exemple de recyclage à
u
13
 u Les enrobés à module élevé...
suite de la page 13

raison de 20% a été réalisé en 2012 sur la rocade de Bordeaux.
Les performances de laboratoire et les contrôles du chantier
ont satisfait les spécifications normatives imposées. Les
résultats de laboratoire étaient très voisins de ceux de l’EME
0/10 présenté précédemment, le module étant légèrement
plus élevé de 1 000 MPa, et la résistance en orniérage un peu
meilleure de 1%, s’expliquant très probablement par l’ajout
de recyclés un peu plus oxydés.
La production française de bitume dur, selon les classes 10/20
et 15/25 ne permet plus de faire face à la très forte demande
pour réaliser tous les EME. Pour leur fabrication, il devient
donc nécessaire d’étoffer l’offre, soit par l’ajout d’additifs dans
les bitumes classiques, soit par l’usage de taux de recyclage
significatif de l’ordre de 30 voire 50%, avec un bitume 20/30.
THEMELI (5), a montré l’intérêt de l’emploi de bitume naturel
d’origine Selenizza pour produire des bitumes durs et par
conséquent des EME avec des bitumes de grade conventionnel
comme un 50/70. Un taux de 15% d’incorporation de ce
à 30% et qui confèrent au matériau une augmentation de
ses propriétés mécaniques (module et fatigue). Aujourd’hui
cette pratique se généralise aux EME, avec l’emploi de bitume
20/30, plus conventionnel et plus facilement disponible.
Les taux de recyclé sont alors souvent compris entre 30 et
40%, pour donner la rigidité au mélange. Des réalisations
d’EME au taux exceptionnel de 50 à 60% ont été effectuées
sur autoroutes, avec des AE particulièrement homogènes,
suffisamment oxydés, provenant de l’ancienne couche de
roulement de l’autoroute. Des études de comportement sur
ces matériaux ont montré que les performances moyennes de
l’EME étaient satisfaites, mais que la dispersion, notamment
sur le comportement en fatigue devenait quelque peu limite,
montrant les limites des taux de recyclage élevés (8).
Composition Composition
EME 0/10 EME 0/14 avec 30% AE
Granulats 10/14 - 14
Granulats 6/10 42,5 % 16

bitume naturel permet de satisfaire toutes les performances Granulats 2/6 20,7 % 19
de l’EME, sans aucune incidence sur le degré d’oxydation et Granulats 0/2 (fillérisé à environ 15%) 27,8 % 15
avec un excellent comportement à basse température. Agrégats d’enrobés AE (recyclés) - 29 *
Fines d’apport (calcaire) 3,3 % 2
L’usage de recyclés d’enrobés (agrégats d’enrobé AE) dans
Bitume 10/20 20/30 additivé, incorporé
les matériaux d’assise de chaussée est devenu très fréquent
[Péné 17, TBA 67,5] sous forme de mousse
(6 et 7), avec des taux qui avoisinent généralement les 20 5,7 % 5,2 %
Température de fabrication EME 180°C 130°C
Performances (spécifications)

TRAÇAGE Maniabilité PCG : (% vides)

Résistance à l’eau : r/R (%)
80 girations : 5,9
86
100 girations : 5,2 (< 6)
87 (> 0,70)
DE LIGNES Orniérage : 30 000 cycles (%) 3,6 2,3 (< 7,5)
Module : E 15°C 10 Hz (MPa) 16 000 17 000 (14 000)

Résistance fatigue : ε6 (microdéformation) 135 140 (> 130)

Tableau 3 : Formulations et performances de laboratoire d’un

EME 0/10 et d’un EME 0/14 avec 30% de recyclés.

De même, des EME combinant des AE au taux 30%, avec une

production d’enrobés tièdes ont été utilisés sur des chantiers
de renforcement sur des rocades. Le tableau 3 présente les
résultats de cette étude de formulation, où le bitume 20/30
a été incorporé dans le malaxeur sous forme de mousse de
bitume, pour produire un EME à une température de seulement
130°C, soit 50°C de moins que les fabrications classiques à
180°C. Les propriétés sont conformes aux spécifications, et
bien comparables aux EME sans AE.
Toutefois, il convient de rester vigilant sur la régularité de
Octobre 2015

l’AE, et d’apprécier ses propriétés par des analyses en nombre

suffisant, pour bien évaluer sa composition et les propriétés
résiduelles de l’ancien bitume qui doit être suffisamment
oxydé, pour structurer le futur enrobé, mais pas trop, pour ne
pas présenter un caractère fragile.
ViaBITUME

Lors d’une expertise récente, il a été mis en évidence sur un

EME à 40% AE, l’impossibilité d’atteindre le niveau minimum
R.B.Q.:8106-0568-44 du module des EME. Celui-ci plafonnait à 11 000 MPa, par
14
suite d’un bitume extrait de l’EME
trop mou (20/30), consécutif à une
mauvaise caractérisation de l’AE et d’un
sous compactage en période hivernale
(teneur en vides de 10% au lieu des 6%
maxi imposés). Ces mauvaises propriétés
ont des conséquences importantes sur la
durabilité du matériau et par conséquent
sur celle de la chaussée.
La pertinence de la caractérisation des
AE, leur uniformité et leur traçabilité
sont essentielles pour satisfaire les
performances du futur EME, puisque
l’on compte sur les propriétés de l’ancien
bitume pour corriger celles du bitume
neuf, en vue de structurer le mélange de
ces deux liants et garantir la durabilité
de l’EME sur le long terme.
3 – 2 Reconstruction de boulevard
urbain incluant des EME,
en association avec des
retraitements hydrauliques en
place
Les chaussées mixtes, conjuguant une
fondation, voire des terrassements, en
matériaux hydrauliques et une couche
de base en matériaux bitumineux sont
des dispositions prévues de longue
date dans le catalogue français de
dimensionnement des chaussées.
Un exemple de réalisation de
reconstruction de chaussée avait été
présenté dans la revue Via Bitume
d’octobre 2013. Il s’agissait du cours
des 50 otages à Nantes, présentant
la réhabilitation d’une chaussée, par
l’association de traitement en place
au liant hydraulique et de matériau
FiEr partenaire de
FiEr
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vos projets routiers
LvM est heureuse d’être engLobe
depuis juin 2015
bitumineux à haute performance (9).
L’EME avait été formulé avec un bitume
modifié par des polymères SBS réticulé,
du type « Styrelf », pour améliorer la
longévité du liant. Ceci n’est pas une
pratique courante en France, où la
quasi-totalité des EME est réalisée avec
des bitumes généralement durs 10/20,
voire 15/25, et maintenant de bitume
plus conventionnel au 20/30 avec AE au
taux de 30% ou plus.
4 – Nouveaux usages des EME
en ville : voies spéciales de
transport par bus (BHNS),
sous les rails des tramways
4 – 1 Voies spéciales de transport en
commun par bus
Les transports en commun par bus à
haut niveau de service nécessitent de
réaliser des chaussées structurantes
soit en site propre, soit en site partagé,
pour assurer une bonne durabilité de
l’infrastructure (10). Ces chaussées
souvent de type souple en matériaux
bitumineux, pour des raisons de facilité de
construction, sont constituées d’assises
en EME. Les dernières réalisations sur la
métropole Nantes – Saint Nazaire pour
les deux lignes de Busway en site propre
ont conduit à la mise en place en couche
de fondation de 10 à 12 cm de EME 0/20,
en couche de base de 8 à 10 cm EME
0/14 et d’une couche de roulement en
béton bitumineux à module élevé BBME
de 5 à 7 cm, selon les sections et trafics.
Les zones d’arrêt sont majoritairement
composées d’enrobés percolés.
Ces structures permettent des gains
en matériaux, mais également en
décaissement de 25 à 35 % par rapport
aux GB classiques.
Les renforcements des chaussées
nantaises pour les 7 lignes de bus à
haut niveau service, en site partagé ont
également été réalisés en solution de
base par des EME en 2 couches de 7 à 9
cm d’épaisseur.
Ces chaussées présentent de bons
comportements, exception faite de
certaines stations où l’arrêt du bus
strictement au même endroit à quelques
centimètres près, et au droit des bordures
en granit, qui connaissent un fluage
localisé de 2 à 3 cm (Photographie 3).
Une dalle de béton de ciment incrustée
dans l’EME reste la solution mixte à
préconiser.
Photographie 3 : Busway à Nantes –
exemple d’un défaut de fluage/
poinçonnement localisé dans une station.
4 – 2 EME sous les rails
Les structures de chaussées pour les
tramways sur pneus s’apparentent aux
structures routières pour lesquelles
u
Octobre 2015
ViaBITUME
englobecorp.com
15
 u Les enrobés à module élevé...
suite de la page 15
la résistance aux déformations par
orniérage de surface est renforcée par
l’emploi de couche de roulement avec
enrobés spéciaux, parfois d’enrobés
ouverts percolés par un coulis
hydraulique. Sur les zones d’arrêt, des
dispositions telles que des dalles de
béton de ciment mince collées sont
parfois utilisées, comme pour les arrêts
de bus du réseau « Chronobus » dans
l’agglomération nantaise.
En revanche, les structures de chaussées
pour les tramways sur rail font
massivement usage de structures rigides
en béton de ciment, avec parfois la pose
des rails sur blochets supportés par du
ballast ou du béton de ciment.
Deux innovations importantes ont été
réalisées ces trois dernières années, avec
la construction des lignes de tramways
sur rail à Strasbourg et à Dijon, où une
partie de la structure en béton de ciment
a été remplacée par des EME 0/14.
Dans le cas de Dijon (11), la solution
consiste à substituer 29 cm de béton
maigre de classe 3 (BC3) par seulement
8 ou 10 cm selon les sections d’EME
0/14. Il convient aussi d’améliorer la
portance de la plateforme initiale de
classe PF1 de 20 MPa, par une classe
PF 2 de 50 MPa, constituée par un
matériau granulaire GNT de 11 cm,
pour pouvoir compacter correctement
l’EME et limiter les déformations, et
par conséquent les contraintes, dans la
couche de fondation.
L’EME 0/14 comporte 30% d’AE,
son module est de 16 000 MPa, son
comportement en fatigue est conforme à
la spécification, 130 microdéformations.
Outre l’intérêt économique, cette
solution présente deux avantages
majeurs, soit la rapidité de réalisation au
finisseur et la remise quasi-immédiate au
trafic. La pose et réglage des blochets
Octobre 2015
ainsi que le coulage du béton BC5 dans
le banchage, s’est déroulée sans aucune
difficulté, et cela dès le lendemain de
l’application des EME. Des platines de
réglages (Photographies 4 et 5) pour
ViaBITUME
la pose des blochets compensaient les
dilatations générées par les variations de
température de l’EME durant les travaux
16
et favorisaient la répartition des charges,
limitant les effets de poinçonnement.
Le maître d’ouvrage et l’entreprise sont
pleinement satisfaits de cette nouvelle
application des EME.
Photographie 4 : support en EME
0/14, pose des blochets et rails, dès le
lendemain de l’application EME
Photographie 5 : détail des platines
de réglage pour la pose des blochets,
support des rails, compensant les
variations de température de l’EME
5 - Recommandations pour
l’usage des EME
Face à l’accroissement de l’agressivité
du trafic présent sur toutes les routes du
monde, la technique des EME devient
une solution pour assurer durablement
la fonction structurelle des chaussées.
Son application peut être développée
sur le réseau routier principal de
l’ensemble des pays, aussi bien dans
les projets de renforcement structurel,
que dans celui de la construction neuve
d’autoroutes ou de routes à fort trafic,
ainsi que sur les boulevards urbains
à fort trafic. Il convient cependant
d’adapter les caractéristiques des liants
aux contraintes climatiques, notamment
aux températures froides, qui pourraient
générer des fissurations thermiques avec
l’usage de bitume beaucoup trop dur.
Les EME, en association avec des BBTM,
permettent d’améliorer la sécurité des
usagers par de meilleures propriétés de
surface (rugosité, uni), sur un support
résistant à la fatigue et aux déformations
permanentes.
De plus, ces EME contribuent
aux préoccupations actuelles du
développement durable. Car s’ils sont
plus performants, ils autorisent une
réduction des épaisseurs des couches
de chaussées. Les gains en terme de
consommation de granulats peuvent
représenter, pour les très forts trafics,
jusqu’à 30% d’économie de ressources
non renouvelables. La diminution
des consommations de bitume peut
atteindre 20%.
Les ressources en granulats suffisamment
durs sont nécessaires. Pour les liants, des
adaptations sont vraisemblablement à
envisager dans un premier temps. Des
additifs pourront être incorporés aux
bitumes couramment utilisés pour durcir
«moyennement» le bitume de classe
usuelle et par conséquent augmenter
le module de l’enrobé et réduire sa
sensibilité à l’orniérage.
La réussite de cette technique passe
aussi par l’acceptation des principes qui
ont présidé à la mise au point de ces
matériaux, à savoir une composition
la plus homogène possible, disposant
d’un film de mastic (bitume et filler)
suffisamment épais pour de bonnes
résistances à la fatigue mécanique et
thermique, ainsi qu’au désenrobage
par l’eau, ce mastic étant suffisamment
dur et peu sensible aux effets de
la température pour constituer un
module élevé et conduire à un bon
comportement à l’orniérage, de ces
matériaux structurants en assise de
chaussées.
6 - Conclusion
Les EME constituent une technique
bitumineuse moderne, particulièrement
performante, pour faire face
aux problèmes d’accroissement
de l’agressivité du trafic, tout
en contribuant au concept du
développement durable. La réduction
des épaisseurs induit une économie
des ressources non renouvelables, une
réduction des travaux de décaissement
en milieu urbain, ou de mise à niveau
des accotements. La durabilité de
ces matériaux et par conséquent des
structures autorise une diminution
significative des séquences d’entretien
lourd pour un meilleur usage à tous. La
diversité de ses applications routières,
industrielles (quais, aires de manœuvre)
voire dans le domaine des pistes et
voies de circulation des aéronefs
est un autre atout majeur de son
développement. La technique est bien
maitrisée, grâce à un savoir-faire de
près de 25 ans d’expérience. Le bilan
technique des nombreuses réalisations
est particulièrement satisfaisant, aussi
la période de transfert de technologie
vers les pays étrangers est actuellement
bien engagée. D’une manière générale
la technologie française : conception
de chaussée, méthode de formulation,
mise au point de nouveaux liants,
de nouveaux matériaux, modèles de
calculs, ingénierie, s’exporte bien à
l’étranger.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier
chaleureusement Daniel RABILLER,
ingénieur à Nantes-Métropole, Hervé
DUMONT, directeur technique d’Eiffage
Travaux Publics, Luc MOUSSU, directeur
technique d’Eurovia Bretagne, Pierre
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POMMELET, ingénieur chef au Pôle Loire
Chézine Nantes, Serge ANDONIAN, chef
du laboratoire à la communauté urbaine
de Strasbourg, Gilles LACASSY, ingénieur
à la direction interdépartemental des
routes DIR Atlantique, Philippe GODART,
ingénieur voiries à la communauté
urbaine de Bordeaux , Nelly AZAMBRE,
chef du laboratoire des matériaux à la
communauté urbaine de Lyon, Laurent
LASCROUX, ingénieur aux services
techniques de la ville de Toulouse, Nicolas
PEZAS, directeur technique du conseil
général de Gironde, Mathieu VALLEZ,
directeur technique d’Eurovia Est.
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Dossier spécial IFSTTAR : les 35 ans du
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Octobre 2015
ViaBITUME
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