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INTRODUCTION

La flambée spectaculaire des prix des denrées alimentaires au cours des dernières décennies a
entraîné une augmentation du nombre de personnes souffrant de la faim et de la malnutrition,
exposant la fragilité du système alimentaire mondial. Selon l’Organisation des Nations Unies
pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la population mondiale dépassera les 9 milliards
d’êtres humains en 2050. Cependant, la demande mondiale pour les denrées alimentaires
devrait augmenter de près de 70%, ce qui ajoutera de la pression sur les ressources agricoles
déjà rares ou en forte demande ainsi que sur les écosystèmes (FAO, 2004). Au moins 80% des
ingrédients des aliments actuels pour le bétail concurrencent directement ou indirectement
l’alimentation humaine: céréales, soja, farine de poisson (FAO, 2012). Cependant, les sources
d’aliments (céréales et animaux) pour animaux peuvent être redirigées vers l’alimentation
humaine et ouvrir la voie à d’autres sources de protéines novatrices dans les aliments pour la
volaille, telles que les produits à base d’insectes moins chers, écoresponsables et durables.
L’élevage en masse de larves de MSN peut produire des aliments alternatifs et
écoresponsables (32 à 58% protéines et 15 à 39% lipides) (Barragan-Fonseca et al., 2017)
pour les animaux monogastriques (volaille, porc et poissons) ainsi qu'un résidu pouvant servir
d’amendement organique ayant des propriétés fertilisantes intéressantes appelé frass (Xiao et
al., 2018), ce qui permet de générer des revenus pour les industries de gestion des déchets
organiques (Gold et al., 2018). L’objectif général de cette étude est de déterminer l’efficacité
des techniques de production des larves de Black Soldier Fly (BSF).

Il s’agit spécifiquement de (i) caractériser les déchets organiques au Sénégal, (ii) d’évaluer
l’effet des techniques de production sur les paramètres de croissances des larves de BSF et
(iii) d’évaluer l’impact des techniques de production sur la biomasse des larves de BSF.
Synthèse bibliographique

Généralités de l’espèce Hermetia illucens

Position systématique de l’espèce

La position systématique de Hermetia illucens se présente comme suite :

Règne : Animalia

Embranchement : Arthroboda

Classe : Insecta

Ordre : Diptera

Famille : Stratiomyidae

Sous-famille : Hermetiinae

Genre : Hermetia

Espèce : Hermetia illucens

Nom binomial

Hermetia illucens (Linnaeus, 1758)

Cette espèce a de nombreux noms vernaculaires, les plus communs étant « Black Soldier Fly
(BSF) » (en anglais) et le nom français « Mouche Soldat Noire ».

Origine et Répartition

Originaire des régions tropicales, subtropicales et tempérées du continent américain, BSF est
aujourd'hui présente dans le reste du monde, entre 40° de latitude sud et 45° de latitude nord,
et a été retrouvée dans de nombreux pays d'Europe, d'Océanie (Australie et Nouvelle-
Zélande), d’Asie (Indonésie, Japon, Philippines et Sri Lanka) et En Afrique (Sénégal)
(Leclercq, 1997).

Description de l’insecte

Hermetia illucens est un insecte holométabole : le passage du stade larvaire au stade adulte se
fait suite à un passage par un stade nymphal. La transformation est complète, larves et adultes
ont des morphologies et des habitudes de vie contrastées.
Les larves

Les larves sont saprophages et photophobes (Everest Canary et Gonzalez, 2012a) : elles
vivent et se nourrissent de matière organique (animale ou végétale) en décomposition (James,
1935). Leur capsule céphalique est séparée de leur corps ; leurs fortes pièces buccales servent
à manger mais contribuent également à leur locomotion. Le corps larvaire comprend 11
segments couverts de poils et de soies. Sa couleur est beige ou marron clair jusqu'à la
nymphose, puis elle vire au marron foncé. Les larves peuvent atteindre jusqu'à 20 mm de
longueur et environ 6 mm de largeur.

Les Adultes

Les adultes mesurent de 13 à 20 mm de long, ils possèdent deux longues antennes, une seule
paire d'ailes bien développées (lorsqu'au repos les ailes sont repliées l'une sur l'autre), les ailes
postérieures étant minuscules, et trois paires de pattes avec un tarse blanc/ jaune. Les mâles
sont plus petits que les femelles (Tomberlin et Sheppard, 2002) et une différence anatomique
sur le dernier segment abdominal permet de déterminer les sexes. Les femelles possèdent un
oviducte tubulaire rétractile tandis que les mâles présentent un édéage (organe reproducteur
de l'insecte mâle) et une paire de crochets lui permettant de saisir l'organe génital femelle lors
de la copulation.

Cycle de vie d’Hermetia illucens

Le cycle de vie de BSF varie selon les populations (sauvages ou domestiquées) et les
environnements (température, humidité, intensité lumineuse, qualité et quantité de nourriture
disponible). Les femelles pondent entre 320 et 1000 œufs, sur un substrat sec en milieu
humide (pour limiter les pertes en eau de leurs œufs) à l'aide de leur ovipositeur (Kim et al.,
2008; Olivier, 2004; Tomberlin et al., 2009).

Les œufs sont pondus en rangées serrées, généralement dans un interstice pour les cacher de
la prédation et à proximité d'une source de nourriture potentielle. Les femelles BSF pondent
leurs œufs près de ceux des autres individus et meurent peu après la ponte (Tomberlin et al.,
2002). Les œufs ont une forme ovoïde et mesurent environ 1 mm de long. Ils passent du beige
au jaune/beige pendant la période d'incubation, qui dure d'un peu plus de 4 jours, à 27-29°C
(Booth et Sheppard, 1984) à environ 3,5 jours à 30°C (Tomberlin et Sheppard, 2002).
Cycle de vie de Hermetia illucens
Dès l'éclosion des larves (0,66 mm de long), elles utilisent la matière organique environnante
comme source de nourriture. La durée du stade larvaire dure de 4 semaines à 5 mois, selon la
disponibilité de la nourriture (Furman et al., 1959). La température est également un
paramètre clé pour le développement et les taux de survie des larves, la température optimale
se situant entre 20 et 30 °C (Everest Canary and Gonzalez, 2012b; Tomberlin et al., 2009).
Les larves en croissance effectuent des mues successives qui séparent cinq stades larvaires. Ils
atteignent successivement le stade nymphal puis imago suite à la mue imaginale.
Morphologiquement, les quatre premiers stades larvaires sont difficiles à différencier (sauf
pour la taille) mais le stade prénymphal (5ème stade larvaire) est caractérisée par un
changement de couleur marqué du beige au brun foncé, une migration hors du substrat
(facilitée par une modification des organes buccaux en crochets), les vieilles larves cessant de
se nourrir avant la nymphose (Diener et al., 2011). Le dernier stade concerne les pupes, qui
mesurent de 12 à 25 mm de long (Wayan et al., 2010). Ils sont immobiles ; leur cuticule est
rigidifiée et riche en sels de calcium formant une enveloppe sombre.
Généralement, la métamorphose est terminée en 2 semaines (Furman et al., 1959) et les mâles
émergent souvent plus tôt que les femelles (Kim et al., 2008). Après l'émergence, les jeunes
adultes s'envolent après quelques minutes, après avoir déployé leurs ailes. BSF est un insecte
eurygame, par conséquent, il a besoin de vastes espaces pour son vol nuptial. L'accouplement
a lieu environ 2 jours après l'émergence de l'imago (Tomberlin et al., 2009), et 2 jours
supplémentaires sont nécessaires avant la ponte. Un imago ne vit que 5 à 14 jours, son
espérance de vie étant incontestablement dépendante de la taille corporelle (et des réserves
énergétiques associées) et de l'accès à l'eau (Olivier, 2004).
Physiologie et Alimentation
Les adultes de la BSF n'ont pas besoin de se nourrir car ils vivent en grande partie des
réserves énergétiques constituées au cours du développement larvaire (Newton et al., 2005),
mais ces apports peuvent être complétés par du nectar. Cependant, le facteur environnemental
qui régit intimement leur espérance de vie est l'accès à l'eau : les adultes ayant accès à l'eau
peuvent vivre jusqu'à 14 jours, alors que ceux privés d'eau survivent difficilement plus de 8
jours (Tomberlin et al., 2002).
Les larves de BSF sont voraces jusqu'à 21 à 24 jours après l'éclosion. Le substrat dans lequel
ils vivent est saturé d'eau, la déshydratation est donc réduite et l'accès à la nourriture est
simple. Cependant, si le substrat devient excessivement humide, les larves ont tendance à s'en
aller. Leur activité alimentaire réduit le volume de matière organique de 40 à 80 % (Diener,
2010) et impacte fortement la teneur du substrat en azote et en phosphore. Les larves de BSF
ne sont pas cannibales.
Digestion – Système enzymatique et bactérien
Les larves de BSF sont polyphages. Cette polyphagie leur permet de profiter pleinement de de
nombreuses sources de nourriture, en grande partie grâce à leurs pièces buccales puissantes
ainsi que l'activité enzymatique efficace de leur système digestif (intestin et glandes
salivaires). C'est surtout dans l'intestin que les enzymes telles que les amylases, les protéases
et les lipases sont les plus actives. D'autres enzymes telles que la leucine arylamidase, l'α-
galactosidase, la β-galactosidase et l'α-mannosidase, absentes ou peu actives chez la mouche
domestique Musca domestica, sont fortement efficaces chez les larves de BSF (Kim et al.,
2011).
Par ailleurs, les larves de BSF hébergent une flore intestinale qui participe activement à la
digestion des aliments. L'identification par pyro-séquençage des communautés bactériennes
de l'intestin des larves de BSF a mis en évidence une flore intestinale spécifique, qui diffère
largement de celles documentées chez d'autres insectes. Cette flore comprend quatre phylums
(Bacteroidetes, Firmicutes, Proteobacteria et Gammaproteobacteria) dans des proportions
variables selon les sources alimentaires. Parmi ces communautés bactériennes, certaines
souches ou espèces ont une activité enzymatique importante (protéase, amylase, cellulase,
lipase), telles que Bacillus amyloliquefaciens, B. stratosphericus et Proteus mirabilis (Jeon et
al., 2011).
Comportement
Habituellement, les BSF adultes se trouvent à proximité d'endroits où le fumier, la nourriture
en décomposition ou les animaux morts sont abondants. Les odeurs de matière organique en
décomposition attirent les femelles prêtes à pondre, tandis que les mâles préfèrent les endroits
ensoleillés où la végétation prédomine (Figure). De plus, les mâles sont fortement territoriaux
en ce sens qu'ils défendent leur zone contre d'autres mâles jusqu'à ce que des femelles matures
à la recherche d'un partenaire passent à proximité (Tomberlin and Sheppard, 2001).
La vie d'un imago BSF étant très courte, l'accouplement n'a lieu que 2-3 jours après
l'émergence. L'accouplement est exclusivement diurne et comporte plusieurs étapes : d'abord
le mâle attrape une femelle qui survole son aire de repos avec ses pattes et ses crochets
d'édéage, puis mâle et femelle vont effectuer un vol nuptial qui peut les mener jusqu'à 1,5 m
au-dessus du sol où la copulation commence (Tomberlin et Sheppard, 2001). Par la suite, ils
reviennent au niveau du sol, pendant 20 à 30 minutes, et continuent de former un couple, mais
ici mâle et femelle regardent dans des directions opposées (Figure).
Les étapes de reproduction sont régies par les conditions environnementales et par le moment
de la journée (Tomberlin et Sheppard, 2002) ; en particulier, l'éclairage et la disponibilité de
l'espace sont cruciaux pendant l'accouplement (Zhang et al., 2010). La ponte dépend
principalement sur la température (optimum de 27,5°C à 37,5°C) (Booth and Sheppard, 1984)
et sur l'humidité (30 à 90 %) (Sheppard et al., 2002).
Valeur nutritionnelle des larves de mouche soldat noire
Les larves de MSN constituent une source alimentaire de grande valeur nutritive, très riche en
protéines et en lipides (Tableau 1). Cependant, la teneur en lipides et en protéines est variable
et dépend du type de régime alimentaire. La teneur en cendre est relativement élevée, mais
variable de 6 à 18%, base sèche (Tableau 1). Elles sont également riches en calcium et
phosphore (tableau 2) (Arango Gutiérrez et al., 2004; St-Hilaire et al., 2007; Yu et al., 2009).
Les larves de MSN contiennent différents acides aminés, et celle la plus importante
proportion est la lysine avec 6 à 8% (Tableau 3). Son profil nutritionnel riche et varié fait
d’Hermetia illucens (MSN) un insecte prometteur pour l’alimentation animale (Barragán-
Fonseca et al., 2018b; Gold et al., 2018).
Principe, rendement et produits à valeur ajoutée issu du procédé de bioconversion
La combinaison de sa capacité de traitement des déchets avec la génération d’une biomasse de
valeur économique (larves) fait de la MSN un outil prometteur pour la gestion des déchets
organiques. Les larves de MSN se sont révélées efficaces dans la gestion des fumiers et des
déchets organiques (Newton et al., 2005a). Selon Tomberlin (2001) et Newton et al., (2005b)
les larves de MSN réussissent à réduire les excréments humains et les convertir en biomasse,
en réduisant considérablement l’odeur. Les larves ont réduit de 50% le volume du fumier de
poulet et a permis d’éliminer les vecteurs de maladies possibles (Tomberlin et al., 2002). En
général, les larves peuvent consommer 15 kg/m2/jour de surface d'aliment. En gros, 20% en
poids de matière organique alimentaire sont convertis en tissus par les larves (Ghughuskar,
2012). L’étude réalisée par Diener et al., (2011a) a montré que la réduction du volume des
matières organiques variait entre 66,4 à 78,9% en fonction de la quantité quotidienne de
matières organiques ajoutées à l'unité expérimentale et de la présence ou absence d'un
système de drainage. Diener et al., (2011a) ont montré qu’avec une densité de 0,86 larve/cm2
on pouvait atteindre un taux d'alimentation quotidien de 507 mg/larve/jour, ce qui est bien
supérieur aux 61 mg de déchets de cuisine proposés par Diener et al., (2009). La
bioconversion de fumier par les larves de MSN offre de nombreux avantages, y compris une
réduction jusqu’à 56% du volume des matières organiques sans odeur nauséabonde (Newton
et al., 2005a). Les expériences avec le fumier de vaches ont montré des réductions de 43%
d'azote et 67% de phosphore (Gobbi, 2012). Les activités larvaires et bactériennes peuvent
réduire la matière sèche, mais aussi d'autres composants tels que l'azote ou le phosphore.
Parallèlement à la production de larves et de prépupes, un résidu composé des excréments
larvaires et de la diète non-digérée (frass) est également produit (Diener et al., 2009). Les
bioproduits et marchés issus de la transformation des larves sont variés. En effet, protéines,
lipides, frass (déjections et matières organiques résiduelles après la bioconversion par les
larves) similaire au compost et autres extraits (chitine, enzymes, antibiotiques) sont d’un
grand intérêt pour les marché

8 agroalimentaires, médicaux, pharmacologiques ou énergétique (Defoliart, 1995; Bukkens et


Paoletti, 2005).
Les déchets organiques au Sénégal
Les différentes déchets disponible à Dakar
Production et Caractérisation des déchets

Caractérisation chimique de déchets


Les fumiers d’animaux monogastriques (volaille, porcs, et lapins) ont donné les teneurs en N
total et P total les plus élevées et le rapport C/N le plus bas (Gomgnimbou et al., 2016).

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