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23/06/2023 11:25 Épidémies, épizooties - De la difficulté de penser la maladie pestilentielle : le legs antique - Presses universitaires de Rennes

Presses
universitaires
de Rennes
Épidémies, épizooties  | François Clément

De la difficulté de
penser la maladie
pestilentielle : le
legs antique
Jackie Pigeaud
p. 15-27

Texte intégral

L’invention de l’épidémie
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23/06/2023 11:25 Épidémies, épizooties - De la difficulté de penser la maladie pestilentielle : le legs antique - Presses universitaires de Rennes

1 Il faut résumer ce que j’appelle la problématique de la


maladie pestilentielle antique1. Le grand problème se situe
d’abord au niveau des médecins de l’Antiquité. Il s’agit de la
fameuse «  peste2  » d’Athènes. La description, qui est en
même temps la description princeps d’une épidémie au sens
moderne, en est faite par Thucydide, un historien3. Les
médecins ont tenté de s’introduire ensuite dans cette
histoire. On a replacé Hippocrate à Athènes dans les
biographies4. Galien a tenté de concilier les théories
hippocratiques avec les faits décrits par l’historien5. Il s’agit
bien d’un vrai problème épistémologique. Les théories des
médecins antiques, l’étiologie hippocratique des maladies,
ne sauraient rendre compte de l’ensemble des phénomènes
que décrit l’historien. Il s’agit de comprendre, en effet, ce
double phénomène  : d’abord qu’un ensemble important
d’une population, sinon la totalité, puisse être pris de la
même maladie, en même temps, dans un même lieu  ; et
ensuite que cette maladie vienne d’ailleurs. Trouver une
seule et même solution à ces deux phénomènes est difficile.
Le premier se résout bien en doctrine hippocratique. Ainsi
Galien cite Nature de l’homme du Corpus hippocratique6,
qui nous propose une cause et un raisonnement. C’est l’air
qui peut expliquer que des individus différents (hommes,
femmes, enfants) qui vivent différemment (vin ou
abstinence de vin, pain ou abstinence de pain, etc.), soient
malades en même temps, de la même maladie, puisque c’est
le seul élément commun à ces gens-là. Galien ajoute d’autres
causes possibles, comme la boisson d’une eau commune ou
les vapeurs de trous dans la terre qui laissent passer des
exhalaisons. Il faut trouver un médiat commun qui explique
le fait pathologique. Mais ce qu’une théorie hippocratique ne
peut fournir, c’est une conception du contage et de la
contagion, et une justification du déplacement de la maladie.
Or, comme le dit Thucydide, la maladie est venue d’Éthiopie,
au-dessus de l’Égypte, et elle s’est répandue en Égypte, en
Libye, et dans une grande partie du royaume de Perse7. C’est
ce deuxième phénomène qu’il est difficile de concilier avec
l’autre, dans une même explication8. Il existe une difficulté

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et même une résistance des médecins pour admettre la


propagation de la maladie dans l’espace géographique.
L’espace, pour eux, est constitué de monades comprenant
chacune leurs conditions selon l’air, l’eau, les lieux.
2 La « peste » décrite par Thucydide est un fait historique qui
embarrasse. C’est l’irruption du fait qu’il faut tenter
d’assimiler par la théorie. La contagion pose aussi, comme
nous le verrons, un problème éthique et métaphysique que
nous avons aussi étudié9. La « peste » est un scandale pour
la pensée. Quel que soit l’individu, son régime, son âge, sa
santé, sa vertu, il est pris par la maladie. Je citerai seulement
ici le texte des Définitions médicales de pseudo-Galien
(Jutta Kollesch le date de la fin du ier  siècle de notre ère)10,
qui donne un éventail des définitions de la peste (XIX
K 391) :
« La peste (loimos), est une maladie attaquant tout le monde
ou la plupart du fait de la corruption de l’air, de sorte que la
plupart périt. Voici la définition que l’on en donne encore : la
peste est une maladie commune attaquant la plupart du fait
de la même circonstance (kairos), à l’intérieur des cités et
des ethnies, facteur de dangers intenses et de morts. On peut
encore la définir ainsi : la peste est une modification de l’air
qui fait que les saisons ne conservent pas leur ordre propre,
et qu’en même temps un grand nombre meurt de la même
maladie. »

3 Même Asclépiade, l’ennemi d’Hippocrate, proposait, on le


sait par Caelius Aurélien, une définition de la peste
parfaitement hippocratique :
« La peste est une qualité inhabituelle dans les lieux où elle
se trouve, des êtres qui y vivent, par lesquelles, à la suite
d’une cause commune, ces êtres vivants sont atteints de
maladies promptes à les toucher et mortelles11. »

4 Pour Asclépiade12, comme on voit, la «  peste  » se résout en


maladies diverses. Il faudrait dire plutôt que la peste n’est
pas la maladie  ; elle est la condition de possibilité de
maladies funestes. Elle est liée, elle-même, aux conditions
des êtres vivants, et à une région déterminée. Il n’est pas
question, là non plus, de propagation. Ce texte est beaucoup
plus près de la pensée hippocratique que de l’esprit de la
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description de Thucydide. Il n’a pas dû être très difficile, sur


la question de la «  peste  », de concilier Hippocrate et
Asclépiade, tant l’esprit de la médecine répugne à admettre
et à expliquer l’épidémie en notre sens moderne, phénomène
que décrit justement pour la première fois l’historien
Thucydide. Les médecins font bloc. Et les poètes ? Question
qui peut être, pour nous, curieuse. Mais Lucrèce13, avec sa
description de la peste d’Athènes à la fin du chant VI du De
natura rerum, Virgile et la «  peste  » du Norique dans les
Géorgiques (III, 478  sq.)14  sont aussi des auteurs
«  médicaux  », sollicités comme tels, et dont la réflexion est
très importante. Depuis Servius15  on a rapproché cette
«  peste  » du Norique, qui concerne les animaux, de celle
décrite par Lucrèce  ; et depuis Scaliger (Poetica V, 11) les
philologues ont relevé tous les points d’imitation avec
Lucrèce, et par-delà, Thucydide. Le commentaire de Servius
est intéressant par ce qu’il ajoute. Selon lui, à un certain
moment, le Nil aurait débordé et serait resté longtemps sur
les champs  ; à partir de l’eau du fleuve et de la chaleur du
pays, des animaux divers et fort nombreux naquirent dans la
boue ; puis le Nil retrouva son lit, et ces animaux (animalia),
totalement ou à demi-accomplis, pourrirent. Alors, de l’air
corrompu, naquit la pestilence, que le souffle de l’Auster
chassa d’abord de l’Égypte vers l’Attique, puis de là, vers la
région de la Vénétie et de l’Illyrie16. Pour Servius, la peste du
Norique n’est que le prolongement de celle d’Athènes, née,
un jour, sur les rives du Nil. Naturellement ces animalia qui
naissent dans le limon du fleuve ne sont pas sans rappeler
les animalia quaedam minuta de Varron. Il faut, dit ce
dernier, s’il y a des endroits marécageux, situer la ferme en
sens opposé «  parce qu’il se développe certains petits
animaux que les yeux ne peuvent voir, et qui parviennent,
par l’intermédiaire de l’air, jusqu’à l’intérieur du corps, par
le chemin de la bouche et des narines, et suscitent des
maladies difficiles17 ». Mais il y a une différence essentielle.
Les animaux de Servius ne sont pas directement la cause de
la maladie. Ils sont à l’origine de la pollution de l’air, qui va,
lui, l’engendrer. La cause de la maladie est l’air. Il faut que

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cet air corrompu voyage. J’insiste sur le commentaire de


Servius, qui situe bien le problème. Dans les Géorgiques,
l’air est incriminé comme cause essentielle de la « peste » du
Norique : Hic quondam morbo caeli miseranda coorta est/
tempestas (v. 478-479), « Là, un jour, d’une maladie du ciel
naquit un état atmosphérique lamentable18… »
5 Mais revenons à quelques précisions de vocabulaire. On sait
bien qu’Hippocrate a écrit des Épidémies. L’épidémie, au
sens hippocratique qui n’est pas le nôtre, désigne la
description des maladies à l’intérieur d’un dême, durant une
constitution. La constitution (katastasis) est, comme l’écrit
Grmek, «  une description synthétique des conditions
météorologiques et des particularités épidémiologiques et
sémiotiques des maladies observées pendant une année, de
l’automne à l’été, dans un territoire délimité19  ». Les
Épidémies I et III fournissent, à part, hors des constitutions,
ce qu’on pourrait appeler des descriptions de malades qui
sont depuis toujours un modèle admiré. Ces malades sont
nommés et souvent logés  : «  Philiscos demeurait auprès de
la muraille20…  »  ; «  Silenos demeurait sur la Plateforme,
près de la maison d’Évalcidas21… » ; « La femme d’Épicratès,
qui habitait chez Archigetès22…  » Ces descriptions sont à la
fois familières et énigmatiques. Elles relèvent à la fois du
génie (de la mégalôphrosyné comme dit Galien) du Père de
la médecine, de son coup d’œil, de son jugement, et d’une
rhétorique médicale spécifique23. Épidémie, répétons-le, au
sens hippocratique, n’a rien à voir avec notre sens moderne.
L’épidémie est, pour nous, le phénomène que décrit
justement pour la première fois l’historien Thucydide et qu’il
appelle le loimos, le fléau si l’on veut.
6 Il faut donc toujours revenir à la description princeps de la
«  peste  » par Thucydide. Selon Grmek cette «  peste  » est
sans doute «  le typhus exanthématique sur un terrain
immunologique vierge  ». Thucydide prend bien soin de
noter, à deux reprises, que toutes les autres maladies
tournent au même mal (49, 1) et qu’aucune des maladies
habituelles ne sévissait en même temps ; s’il y avait quelque
atteinte, elle se terminait ainsi (51, 10), c’est-à-dire qu’elle se

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tournait dans la même maladie fondamentale, la «  peste  »,


dont Thucydide décrit ce qu’il appelle l’idea, la forme
générale (51, 1). Lichtenthaeler24  trouve des équivalents
hippocratiques à cette idée (II L 623, 673, et II L 181). Il se
trompe assurément. Car s’il est question dans ces textes de
maladies qui se transforment ou terminent en une autre, il
n’est jamais question d’une maladie dominante en laquelle
se résolvent toutes les autres. C’est bien autre chose que la
transformation de maladies en d’autres maladies, ce qui est
un phénomène bien évidemment décrit par Hippocrate.
Thucydide nous dit autre chose  ; il constate que durant la
peste, toutes les maladies se transforment en cette maladie
dominante. J’ai cité, du point de vue de l’étiologie générale
de la « peste », le texte hippocratique de Nature de l’homme.
Mais du point de vue de l’épidémiologie, on a rapproché
depuis longtemps du texte de Thucydide les constitutions
épidémiques d’Épidémies III, 3  et la «  toux  » dite
« épidémique » de Périnthe (Ep. Vl, 7, 1 = V L 330-336), si
remarquablement étudiée par M. D. Grmek25. Ce dernier
montre très bien combien la lecture unifiante de Littré
bloqua le diagnostic rétrospectif de «  la maladie de
Périnthe  ». «  Cette erreur de Littré  », écrit-il, «  c’est la
supposition qu’il y avait une maladie de Périnthe, c’est-à-
dire que la description VI, 7, 1, se rapporte toute à une
maladie épidémique spécifique26 ». De la toux de Périnthe je
retiendrai seulement les conclusions de Grmek. On se
trompe si l’on y cherche une maladie spécifique. Pour y
comprendre quelque chose, il faut briser l’unité illusoire de
la description. Il y a association de maladies, où l’on se
trouve devant l’équilibre des symptômes dans l’aspect
saisonnier d’une pathocénose27.

Le récit de Thucydide, Histoire du


Péloponnèse II, 47-48
7 La description de Thucydide est un chef-d’œuvre qui devait
avoir un immense succès à travers les siècles, devenir un
sujet pour les médecins comme un modèle pour les poètes. Il
faudrait prendre le temps ici de commenter ce texte, mais il
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est beaucoup trop long pour que je puisse même le citer


entièrement. Je me contenterai de relever les lieux qui en
firent, si j’ose dire, les instruments particulièrement actifs28.
Ainsi, en  -  430, la maladie29  commença à sévir parmi les
Athéniens. On n’avait jamais vu un tel fléau (loimos). La
mortalité est extraordinaire. Les médecins n’y pouvaient
rien, eux qui n’avaient jamais rien connu de tel ; et ils étaient
les premiers à mourir. La religion n’est d’aucun secours. La
maladie, dit-on, a commencé en Éthiopie, puis descendit en
Libye et dans la plupart des territoires du grand roi. Elle
frappa subitement Athènes. On prétendit que les
Péloponnésiens avaient empoisonné les puits. Comment
expliquer le bouleversement (metabolè) qui en résulta  ?
Thucydide précise que lui-même fut atteint. Si par chance on
guérissait, il n’y avait point de récidive qui fût mortelle. Il
décrit le chemin que suit la maladie, et en donne l’essence.
D’abord le découragement (athymie) qui fait passer aussitôt
au désespoir :
« Qu’on fût solide ou faible, objet de soins ou non, quels que
fussent les modes de vie, c’était la mort. On se contaminait
comme dans un troupeau30. Le dévouement, la générosité, le
respect humain étaient abandonnés. Le juste mourait
comme le mauvais. »
«  On avait tout d’abord de fortes sensations de chaud à la
tête  ; les yeux étaient rouges et enflammés  ; au dedans le
pharynx et la langue étaient à vif ; le souffle sortait irrégulier
et fétide. […] En peu de temps le mal descendait sur la
poitrine, avec accompagnement de forte toux31. »

8 Quand il se fixe sur la kardia, (c’est-à-dire la région du cœur


et de l’entrée de l’estomac), il survenait des flots de bile,
« sous toutes les formes pour lesquelles les médecins ont des
noms32  ». Malaises terribles, hoquet, une chaleur terrible à
l’intérieur du corps, une soif inextinguible qui pousse à se
plonger dans un puits. Le mal passe par toutes les parties du
corps et descend dans l’intestin et les organes sexuels que
certains perdent, puis les mains et les pieds. Si l’on en
réchappe, parfois amnésie complète. La maladie passe la
mesure humaine. Les animaux se détournent des cadavres.
Ensuite les paysans se mirent à marcher vers Athènes,
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cherchant l’aide. Il ne reste plus de place dans tous les


espaces remplis de cadavres. On ne respecte plus le divin, ni
l’humain. Furent bouleversés tous les usages concernant les
sépultures. On parvient à un complet désordre moral.
« Crainte des dieux ou loi des hommes, rien ne les arrêtait. »
9 J’ai essayé de concentrer rapidement ce qui fut une
confluence de pathos et de problèmes théologiques, ou
disons métaphysiques  ; questions terribles qui mettent en
jeu les assises de la vie de la cité, le sens de la vie, et le jeu de
la divinité.

Galien contre Thucydide. Question de


rhétorique médicale
10 Il est intéressant de noter que la description de Thucydide
donna l’occasion d’une critique. Il y aurait un style
particulier, technique, propre à la technique médicale.
Galien se livre à un parallèle fort intéressant avec
Thucydide :
«  Les Anciens pensent que tout ce qui arrive aux malades,
Hippocrate l’écrit comme Thucydide33. Or, il n’en est rien,
mais c’est exactement le contraire qui se passe pour les écrits
d’Hippocrate et ceux de Thucydide. L’un écrit tout ce qui est
connu, même des particuliers, sans absolument rien
omettre. Hippocrate, lui, ne rapporte que quelques aspects
qui diffèrent selon la diathèse entière qui met en danger le
malade, et il rapporte de nombreuses choses qui échappent à
la vue des particuliers, mais comportent la diagnose tout à
fait technique et exacte et qui peuvent souvent échapper
même aux meilleurs médecins. Hippocrate, rapide dans
l’interprétation, négligeant d’écrire ce qui n’aura pas une
grande utilité, semblera souvent sortir de son bon sens,
quand il lui arrive de ne pas écrire l’ensemble de ce qui
arrive au malade, faisant connaître en outre ce qui ne lui
arrive pas  : «  Celui qui laisse de côté la plupart des
événements, il ne te paraîtrait pas délirer, à passer son
temps à des choses qui ne sont pas arrivées  ? Mais si tu te
mets dans l’esprit que c’est la même cause qui lui fait laisser
de côté ces événements-là et écrire ceux-ci, je pense que tu
l’admireras […]. J’ai parlé de ces choses en de nombreux

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livres, et notamment ceux que j’ai consacrés à l’anatomie


d’Hippocrate et à la peste de Thucydide34. »
11 Ce texte est très intéressant. Il y avait donc un très ancien
débat sur la rhétorique d’Hippocrate, qui la comparait à celle
de Thucydide. Mais ce n’est pas à n’importe quel texte de
Thucydide que Galien pense. C’est à celui du Livre II avec
qui les médecins ont un vieux compte à régler. Car, comme
je l’ai déjà dit, la description de la « peste » d’Athènes n’est
pas le fait d’un médecin, n’est pas le fait du contemporain
Hippocrate, mais celui de l’historien Thucydide, qui a donné
ainsi à la médecine occidentale une description princeps de
l’épidémie, au sens moderne du terme. J’ai longuement
considéré cette question ailleurs, et essayé de montrer que la
logique de l’imaginaire hippocratique, les théories de la
maladie, l’étiologie de la constitution, empêchaient les
médecins de comprendre le fait de la peste, de sa
contagion35  ; j’ai montré l’application de Galien à résoudre
en hippocratisme le fait thucydidéen. Dans ce texte, Galien
pense sans aucun doute à la description du loimos d’Athènes
par Thucydide36.
12 Galien veut nous faire entendre que Thucydide, l’homme de
la brachylogie37, se révèle un écrivain fort bavard, dans la
description de la «  peste  »  ; ne sachant pas ce qui est
signifiant il raconte tout. « C’est qu’il écrit en profane, pour
des profanes, ce qui est arrivé aux malades, tandis
qu’Hippocrate le fait en homme de l’art, pour des hommes
de l’art38. »
13 La brachylogie hippocratique, elle, ne relève pas, si l’on en
croit Galien, d’une intention rhétorique, mais est le résultat
d’une réflexion consciente, raisonnée, technique39. Le non-
médecin, dans sa bonne volonté naïve, note tous les
événements dans leur diversité, victime du poikilon40  de la
maladie (on pourrait objecter que, dans le cas de la « peste »
athénienne, les médecins n’ont rien noté du tout). Chez
Hippocrate, ce que nous prenons pour une brièveté
rhétorique est le résultat d’une herméneutique. «  Ceux qui
ne sont pas familiarisés avec cette brièveté antique, sont
portés à croire qu’il y manque quelque chose », écrit encore
Galien41. Or, Hippocrate est le meilleur médecin et le
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meilleur écrivain grec42. Mais d’où vient qu’il est ces deux
choses à la fois ? Disons : de la nature des choses, du style,
de son génie ? Les trois explications se trouvent chez Galien.
14 De la nature des choses : « Le style d’Hippocrate est bref et
concis », écrit Galien, « parce qu’il décrit la chose manifeste
par elle-même, dans son évidence débarrassée de tout
arrangement n’ayant pas supposé qu’il existât jamais qui que
ce soit qui pût les ignorer ou les nier43 ».
15 Du style d’une époque et de son génie personnel  : c’est ce
que pense d’autres fois Galien. Hippocrate utilise la
brachylogie habituelle aux Anciens  ; et il faut tenir compte
de son génie.
16 Galien continue en disant qu’il a montré souvent combien
cet homme fut habile, en négligeant ce qui était connu des
autres médecins, et en exposant soigneusement ce qui leur
était inconnu44.
17 Voilà donc trois raisons données à la brièveté d’Hippocrate.
Un grand problème est, en quelque sorte, celui des « trous »,
de l’absence de liaison entre les notations.
18 Le problème continue d’intéresser les médecins. On le voit
par exemple chez Baillou45.

La pestilentia
19 J’ai longuement traité de cette maladie dans mon livre La
maladie de l’âme46. Laissons de côté la question de savoir s’il
s’agit de la peste ou non. Il s’agit du concept général de la
maladie contagieuse et des problèmes qu’elle pose à
l’imaginaire. Mais, comme nous l’avons déjà dit, la contagion
pose aussi des problèmes éthiques et métaphysiques, dès la
description de Thucydide. Comment peut-on expliquer que
le juste soit malade, que les bons sentiments, le geste
pitoyable pour l’autre soient «  punis  »  ? Comment justifier
les dieux, ou Dieu  ? La contagion pose la question de la
théodicée, et nous avons essayé de montrer jadis, chez
Lucrèce, un anti-providentialisme conséquent dans le livre
VI du De natura rerum47. Philon d’Alexandrie s’attaque à ce
problème dans son De prouidentia, à l’intérieur d’une
polémique anti-épicurienne48. Dans la même perspective,

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saint Cyprien, lui, a voulu montrer que la peste, loin de


prouver l’absence de providence ou l’irresponsabilité divine,
sert à renforcer la foi. Tout le tableau des symptômes les plus
abominables de la peste, ad documentum proficit fidei49.
20 Il est intéressant de trouver, dans quelques phrases des
Étymologies d’Isidore de Séville, toute la problématique
antique de la maladie pestilentielle  : la définition (la
contagion), l’étiologie (l’air), et la théodicée. On lit dans les
Etymologies (IV, 6, 17-18) :
«  Pestilentia est contagium, quod dum unum
adprehenderit, celeriter ad plures transit. Gignitur enim ex
corrupto aere, et in uisceribus penetrando innititur. Hoc
etsi plerumque per aerias potestates fiat, tamen sine
arbitrio omnipotentis Dei omnino non fit. »
«  La pestilence est une maladie contagieuse  ; dès qu’elle se
saisit d’un individu, elle en gagne rapidement plusieurs. Car
elle naît de l’air corrompu et s’installe en pénétrant dans les
viscères. Bien que cela se produise par les effets de l’air,
pourtant, sans le jugement de Dieu tout-puissant, cela ne se
peut absolument pas exister. »

21 Le passage du De natura rerum (39) d’Isidore50, est


beaucoup plus long et ajoute d’autres hypothèses sur
l’étiologie. On y retrouve aussi le problème de l’extrinsecus
lucrétien sur lequel j’ai attiré, après d’autres, l’attention51.
Comment expliquer que c’est un air venu de l’extérieur qui
touche ainsi une population donnée en même temps  ?
Comme Lucrèce, Isidore résout le problème en ramenant le
déplacement de l’épidémie (qui pose une énigme) au cas du
déplacement d’un individu d’un pays à un autre :
«  En effet, de même qu’un climat nouveau ou une eau
nouvelle éprouve habituellement la santé d’un étranger, à
son arrivée, au point de le rendre malade, de même un air
corrompu arrivant d’autres climats corrompt également le
corps d’un mal foudroyant52. »

22 C’est encore le problème de Fracastor (1478-1553), affronté


qu’il fut toute sa vie aux vagues des plus terribles épidémies :
le typhus exanthématique (en  1505  et  1528), la peste de
Vérone (1510), et la vérole. Fracastor est profondément ému
devant les fléaux qui touchent l’humanité, et, je cite, il «  a
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recherché la nature, les principes et les causes de cette


nouvelle maladie53  ». Entendons la vérole. Fracastor est un
grand médecin et sa contribution à la compréhension de la
transmission des maladies est immense. C’est aussi un très
grand humaniste. Certes on connaît encore, vaguement, le
poème de Fracastor (divin poème, dit Scaliger54) Syphilis ou
Le mal français. Le nom de Syphilis arrive dans le chant III,
vers  332. Le berger Syphilus (III  288)55  a offensé les dieux
par ses sacrifices :
«  Mais Sirius à qui rien n’échappe […], n’a pu voir sans
indignation de tels sacrilèges. Dans sa colère, il charge ses
rayons de venins pestilentiels et de miasmes virulents qui
vont infecter à la fois l’air, le sol et les eaux. Aussitôt sur
cette terre criminelle surgit une peste inconnue. Existerait-il
des maladies nouvelles  ? Syphile en est atteint le premier,
pour avoir profané le premier les saints autels. Une lèpre
hideuse couvre son corps, d’affreuses douleurs torturent ses
membres et bannissent le sommeil de sa couche. Puis, ce
mal terrible  –  connu depuis parmi nous sous le nom de
syphilis… »

23 Quelques dates d’abord. Dès sa retraite de  1510, Fracastor


travaille à son grand poème (fin de la première forme
en 2 chants : 1525). Il l’adresse à Bembo. En 1528 se déverse
une épidémie de typhus exanthématique. 1530  : deuxième
version de Syphilis. En 1534, il écrit à son ami Rannusio qu’il
a écrit un traité De contagione. Il ne le publiera que 12 ans
plus tard. Il faut l’admettre  : tout commence par le fameux
poème qui est aussi important que le traité De contagione. Il
est à sa place, à l’avant. Il est premier, et il conduit à la
révolution de la conception qu’on a de la contagion  ; il y
participe. Les Géorgiques de Virgile ou le De natura rerum
de Lucrèce56  se trouvent évidemment convoqués comme
sources, sur le même plan que Galien par exemple, ou
l’œuvre de Thucydide. C’est une épopée, et un centon, pour
une bonne part, à partir de Virgile et de Lucrèce.
24 La question des termes n’appartient pas seulement à la
philologie ; elle relève aussi de l’histoire des sciences. Le Dr
Alfred Fournier a raison de protester contre ceux qui
prennent le poème pour un « spirituel badinage ». C’est, dit-
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il, «  un traité médical du Mal français en vers latins  ; c’est


une véritable monographie scientifique […] c’est la
description théorique et clinique d’une maladie57  ». Mais je
ne le suis pas quand il parle de « paraphrase poétique » du
traité. Il faut penser le poème comme la maturation des
hypothèses de Fracastor sur la propagation des maladies.
Dans une lettre antérieure à 1530, il donne ces définitions :
«  Par contagion il faut entendre le transfert d’une même
affection d’un corps à un autre  : l’état de souffrance
pathologique est égal pour les deux sujets, celui qui reçoit et
celui qui est à l’origine. […] il est aussi évident que cela peut
advenir non seulement aux êtres animés, mais aussi aux
sujets privés d’âme, la vigne, les fruits, etc.58. »

25 Cela arrive par contact, ou par le moyen d’un fomes. «  Par


fomes j’entends, écrit Fracastor, une cause contagiante59,
non parce que par elle-même elle soit capable de
communiquer l’infection, mais parce qu’elle en a la
possibilité, après qu’elle a reçu d’autrui et conservé la
matière infectieuse […] vêtements, bois…  » Il peut y avoir
contagion à distance ; par exemple un homme peut souffrir
d’ophtalmie, seulement pour avoir vu un ophtalmique60. Il y
a, semble-t-il, écrit-il dans le De contagione, trois types
différents de contagions ; la première infecte seulement par
contact direct ; la seconde fait la même chose mais en outre
laisse un fomes qui peut par lui-même infecter. Et il existe
une troisième sorte de contagion qui est transmise non
seulement par contact direct ou par fomes, mais qui infecte
aussi à distance, comme les fièvres pestilentielles etc. «  Par
fomes, continue-t-il, j’entends vêtements, objets de bois, et
choses de cette sorte qui, bien que n’étant pas par eux-
mêmes corrompus, conservent néanmoins les germes
originels de la contagion (seminaria prima contagionis)61 ».
Ce mot de fomes est en lui-même ce qu’il signifie, un
brandon, pour dire vite. L’analogie entre la maladie et
l’incendie arrive tout de suite.
«  Comme souvent quand sur de la paille une étincelle
(favilla)62  est tombée, d’une torche qu’un berger a
abandonnée négligemment dans un champ, d’abord, en

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vérité, elle avance petite, et comme quelqu’un qui hésite  ;


puis, quand peu à peu elle a pris force en marchant, elle
s’emporte, et, en vainqueur elle ravage la moisson et les
champs, et le bois voisin, et elle projette des flammes jusque
sous l’éther. Résonne au loin crépitante la forêt de Jupiter
qui jamais ne fut pénétrée, et loin, tout autour, le ciel et les
campagnes renvoient sa lumière63. »
26 Il faut attendre pour trouver fomes, le chant II, 257, III, 163.
La prolifération du terme dans l’œuvre de Fracastor est
étonnante, deux emplois dans le poème, cinquante dans le
De contagione64. Dans le poème (II, 257), fomes désigne
l’étoupe qui conserve, sans qu’il y paraisse forcément assez
de feu pour allumer la mèche et faire partir le coup de
l’arquebuse. Fomes : bois sec, copeaux pour allumer ou pour
nourrir le feu. Au sens moral, ce qui enflamme ou excite,
foyer, etc., «  n’est guère employé que par les auteurs
chrétiens  », dit le dictionnaire d’Ernout et Meillet. Mais on
oublie Pontano65  (préface du livre  9, De rebus caelestibus),
qui nous parle de la bile noire, qu’il pense être le brandon
(fomes) du génie, et qui doit être comparée non au vin,
comme le fait Aristote, mais à la terre. De même que la terre
par sa chaleur nourrit les germes et donne vie aux semences,
ainsi la bile noire fait pulluler les germes des simulacres et
des pensées (cogitatio). La bile noire est parente (cognatio)
de la terre66. La force, la vitalité, la germination sont là,
présents, dans le fomes. Dans le De contagione, Fracastor
consacre un chapitre à la définition du terme qui devient
médical. Bembo avait condamné le terme (dans la première
occurrence du poème)  ; il lui reprochait de manquer de
«  vaggheza  ». Fracastor suit les conseils de Bembo pour le
contexte, mais il maintient le terme. Car ce fomes permet de
faire comprendre qu’une maladie peut durer dans le temps à
bas bruit et se réveiller brutalement. Il conforte l’hypothèse
de médiation, ou si l’on veut, de contagion différée et
indirecte. En donnant des exemples de ce fomes, Fracastor le
sort aussi de l’ordre du métaphorique pour lui donner une
réalité. Il n’est pas besoin de parler de maladie nouvelle ; les
maladies sommeillent et se réveillent. Tout le poème répond
à des questions qui se posent aux médecins  : réfutation de

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l’origine américaine, causes épidémiques ayant déterminé


son explosion subite…  ; symptômes et lésions, incubation
latente, manifestations initiales se portant sur les organes
génitaux et qui se généralisent, terribles douleurs, déchéance
et mort
27 En fait, l’image du brandon a été très utile pour faire de ce
qu’on appelle la maladie nouvelle, la maladie émergente, qui
existe, dirais-je, dans le silence67.

Notes
1. La maladie de l’âme, Paris, Les Belles Lettres, 1981  ; 3e éd., 2006,
p. 211-242.
2. Il est évident que lorsque nous parlerons de peste, c’est pour faire
court, et sans penser à un diagnostic rétrospectif de peste. Sur ces
questions nous renvoyons au livre indispensable de M. D. Grmek, Les
maladies à l’aube de la civilisation occidentale, Paris, Payot, 1983.
3. Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 47 sq. (année 431-428, récit
de la peste d’Athènes).
4. Cf. Vie d’Hippocrate, par Soranus.
5. La maladie de l’âme, op. cit., p. 211 sq.
6. Nature de l’Homme IX  ; cf. éd. J. Jouanna, C.M.G. Hippocratis de
natura hominis, Berlin, 1975. Cf. Galien, XVII K 8 sq.
7. II, 48.
8. Nous avons longuement examiné la manière dont Lucrèce, qui imite
Thucydide à la fin du chant VI de son De rerum natura, joue de l’adverbe
extrinsecus qui peut signifier que la peste vient «  d’un autre monde  »,
sens cosmique, ou simplement « de l’étranger », sens géographique :
Et toute cette force des maladies, et cette pestilence (pestilitas),
ou bien viennent de l’extérieur (extrinsecus) comme nuées et nuages au-
dessus de nous
1100 à travers le ciel, ou bien, nées souvent de la terre même
elles surgissent, quand, humide, celle-là se putréfie,
battue de pluies et de soleils intempestifs.
Ne vois-tu pas aussi que par la nouveauté du ciel et des eaux,
sont éprouvés tous ceux qui loin de leur patrie et de leur maison
1105 arrivent, parce que les choses sont très différentes ?
(DRN, VI, 1103  sq.  ; ma traduction dans Les Épicuriens, Gallimard,
Bibliothèque de la Pléiade, 2010).
9. La maladie de l’âme, op. cit.

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10. Kollesch J., Untersuchungen zu den pseudogalenischen


Definitiones medicae, Berlin, Akademieverlag, 1973.
11. Lues est qualitas insueta in his ubi est locis consistentium
animalium, qua ex communi causa facilibus morbis et interfectivis
adficiuntur.
12. Asclépiade de Bithynie, médecin de la fin du iie ou du début du
ier  siècle avant J.-C. L’originalité de sa pensée serait à l’origine de la
médecine méthodique (cf. La maladie de l’âme). Ce médecin connut un
renouveau important au xviiie  siècle (cf. mon livre Aux portes de la
psychiatrie. Pinel, l’Ancien et le Moderne. Paris, Aubier, 2001).
13. Cf. La maladie de l’âme, p. 226-236.
14. Cf. ma postface à la republication des Géorgiques  : Virgile,
Géorgiques, introduction, notes et postface, Classiques en Poche
bilingue, Les Belles Lettres, 1998.
15. Le grand commentateur de Virgile.
16. Commentaire au vers  478  ; cf. Servii grammatici qui feruntur in
Vergilii Bucolica et Georgica commentarii, recensuit G. Thilo, Lipsiae,
1887.
17. De re rustica, I, 13 ; cf. l’éd. et trad. de J. Heurgon, Paris, Les Belles
Lettres, 1978. Sur cette question, cf. Salmann K., «  M. Varro quid ad
medicinam contulerit », dans Centro di Studi Varroniani Atti Congresso
internazionale di Studi Varroniani, vol. II, Rieti, 1976, p.  507-513,
surtout p.  508-510  ; Id., «  M. Terentius Varro und die Anfänge der
Mikrobiologie  », Gymnasium, 83  (1976)  ; Philipps J. H., «  On Varro’s
“animalia quaedam minuta” and etiology of disease  », dans
Transactions and Studies of the College of Physicians of Philadelphia,
série 5, vol. 4, 1982, p. 12-25.
18. On a rapproché ces vers d’Enéide III, v. 137-139 : Subito cum tabida
membris/corrupto caeli tractu miseranda venit/arboribusque satisque
lues et letifer annus, « Quand soudain, du ciel tout entier corrompu, une
peste nous vint, infectant les corps, désolant arbres et moissons ».
19. Grmek, Les maladies…, op.cit., p. 415.
20. Épidémies I, ler malade, II L 683.
21. Épidémies I, 2e malade, II L 685.
22. Épidémies I, 5e malade, II L 695.
23. J’ai longuement étudié cette rhétorique dans « Écriture et médecine
hippocratique », dans Textes et langages, I, université de Nantes, 1978,
p.  134-165, et dans «  L’écriture comme élément constitutif de la
médecine », dans M. Détienne (dir.), Les savoirs de l’écriture, Lille, PU,
1988, repris dans Poétiques du corps, aux origines de la médecine, Paris,
Les Belles Lettres, 2008, p. 63-84.

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24. Lichtenthaeler C., Thucydide et Hippocrate vus par un historien-


médecin, Genève, 1965.
25. Grmek M. D., «  La constitution épidémique d’un rude hiver en
Thrace  : la toux de Périnthe  », étude présentée au  3e colloque
hippocratique (Paris, 1978), reprise et augmentée dans Les maladies…,
op. cit., p. 437-481.
26. Les maladies…, op. cit., p.  481. La pathocénose est une notion très
importante due à M. Grmek. Cf. la définition donnée dans
«  Préliminaires d’une étude historique des maladies  », Annales E.S.C.,
1969, p. 1473-1483 : « Distribution des fréquences de diverses maladies
dans une population déterminée qui obéit à certaines lois. Les maladies
forment un système biologique avec une dynamique propre qui n’est pas
aléatoire.  » C’est donc  1) un ensemble d’états pathologiques qui sont
présents. 2) «  La fréquence et la distribution de chaque maladie
dépendent, en plus de divers facteurs endogènes et écologiques, de la
fréquence et de la distribution de toutes les autres maladies.  » 3) «  La
pathocénose tend vers un état d’équilibre » (ibid.).
27. Op. cit., p.  455. Littré, comme le montre Grmek, devait évoluer sur
cette question.
28. Je renvoie à la traduction de Jacqueline de Romilly, dans Historiens
grecs, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1964, p. 41-42.
29. Nosos. La traduction par épidémie est maladroite, qui masque le
problème qui va conduire tout le récit.
30. Le verbe est anapimplèmi. Je renvoie à La maladie de l’âme, op.cit.,
p. 218-219.
31. Trad. J. de Romilly, op. cit.
32. Cela rend compte sans doute des couleurs de la bile. Voici ce qu’écrit
Rufus d’Éphèse : « Praxagoras (de Cos) désigne les humeurs d’une façon
particulière, il en appelle certaines douces, bien tempérées, vitreuses
(ὑαλοειδῆ), en s’en rapportant aux apparences (τὴν ἰδέαν) extérieures
du phlegme ; d’autres aiguës, sodiques, salées, amères, en tenant compte
de la saveur  ; porracées eu égard à la couleur  ; semblables à du jaune
d’œuf, en considérant la consistance ; corrosives, parce qu’elles portent à
se gratter  ; stagnantes, celles qui restent dans un vaisseau et ne
transsudent pas…  » (trad. C. Daremberg, dans Œuvres de Rufus
d’Éphèse, éd. et trad. C. Daremberg et C. É. Ruelle, Paris, Imprimerie
Nationale, 1879, p. 165-166).
33. La comparaison du style d’Hippocrate et du style de Thucydide est
reprise par Littré, I L 474 : « Thucydide a vécu, a écrit en même temps
que le médecin de Cos : plus j’ai médité sur le style de l’un et de l’autre,
plus aussi je me suis convaincu qu’il existait entre ces écrivains une
étroite affinité… »
34. Vll K 850-851.
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35. Cf. La maladie de l’âme, op.cit., p. 211.


36. On se souvient que Thucydide (II, 48, 3) abandonne au profane ou
au médecin l’étiologie, pour se consacrer à un témoignage personnel
(récit de sa maladie et récit de ce qu’il a vu chez d’autres gens), afin, si la
maladie se reproduit, que muni d’un savoir préalable l’on ne soit pas
dans l’ignorance. Sur la « peste » d’Athènes, cf. Grmek, Les maladies…,
op. cit., p. 33, 141, 150, 437, 448, 456, et son article « Notions d’infection,
de contagion et de germe dans la médecine antique », dans Mémoires V.
Textes médicaux latins antiques, articles réunis et éd. par G. Sabbah,
Publications de l’université de Saint-Étienne, 1984, p. 53-70.
37. La brevitas. C’est en effet sa réputation.
38. VII K 854.
39. Que signifie Galien quand il dit qu’Hippocrate raconte des choses qui
n’existent pas ? Il pense sans doute à des phrases du genre de celle-ci :
« Elle n’eut pas une seconde apyrexie » (II L 697). Seul le technicien peut
«  rajouter  » une note de ce type, car il sait que, dans ce genre de
maladies, c’est possible  ; et que l’absence du phénomène peut être
signifiant.
40. La diversité offusquante.
41. IX K 760.
42. XVIII B K 324.
43. I K  50. Ce dernier membre de phrase est la traduction de J. E.
Pétrequin, Chirurgie d’Hippocrate, Paris, Imprimerie nationale, 1877,
I, p. 112.
44. VII K 909.
45. À propos de l’histoire de Jean Tassin  : cf. Guillaume de Baillou
(1538-1616), Opera medica omnia, Paris, 1635. Son « histoire », ajoute-
t-il, est sans doute trop longue. Ce qui est le propre de l’historien (quod
est historici proprium), mais non pas celui du médecin, surtout quand il
fabrique un compendium. Et Baillou cite le texte de Galien, que nous
venons de citer : « Thucydides, ait Galenus, omnia scripsit… » (p. 66).
46. Op. cit., p. 211-242.
47. Cf. ibid., p. 236 sq.
48. De prouidentia, I, 37  et II, 90  ; cf. La maladie de l’âme, op.cit.,
p. 238-239.
49. De mortalitate, 14.
50. Cf. l’éd., trad. de J. Fontaine, Bordeaux, 1960, p. 302-305.
51. La maladie de l’âme, op. cit., p. 234.
52. Trad. J. Fontaine, sauf pour le verbe corrompit («  infecte  »  –
 Fontaine).

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53. Girolamo Fracastoro, « Praefatio in Tractatum De Morbo Gallico ad


Petrum Bembum  », dans Hieronymi Fracastorii Veronensis, Adami
Fumani Canonici Veronensis, et Nicolais Archii Comitis Carminum
Editio II, t. 1, Padoue, Guiseppe Comino, 1739, 2e partie (Operum
Hieronymi Fracastorii Veronensis quaedam Fragmenta ex codice
autographo nunc primum vulgata), p.  47 (nelle pagination)  : «  Mecum
miseratus humanas calamitates,  &  naturam omnem  &  principia, ac
causas novi hujusce morbi, nec non  &  quae ad eum curatio sit,  &  per
quae, & quomodo factitanda, spectato ».
54. Fracastor est certainement un des plus grands poètes néo-latins.
55. De là le nom de syphilis donné par la suite au mal français.
56. On a noté, à juste titre, l’importance de l’édition du poème de
Lucrèce, d’Andrea Navagero, en  1515. Cf. Origini e primi sviluppi della
dottrina Fracastoriana del contagium vivum. La dottrina fracastoriana
del contagium vivum, a cura di Francesco Pellegrini, Verona, 1950,
p. 8.
57. La Syphilis, éd. Dr A. J. Fournier, Paris, 1869, p. IX.
58. Cité dans Pellegrini, Origini e primi sviluppi…, op. cit., p. 59.
59. Je risque ce néologisme.
60. Ibid., p. 60.
61. De contagione, ch. 2  (éd. W. C. Wright, Hieronymi Fracastorii De
contagione, New York, Putnam, 1930, p. 7).
62. Cf. Virgile, Géorgiques II, 303.
63. Syphilis, I, 45-50.
64. Cf. la note ad loc.
65. Pontano, 1426-1503.
66. On sait l’admiration de Fracastor pour Pontano.
67. Je renvoie à Mirko Grmek, à propos du sida  : «  Le concept de
maladie émergente », dans History and Philosophy of the Life Sciences,
15 (1993), p. 281-296.

Auteur

Jackie Pigeaud
Professeur émérite de lettres
classiques (histoire de la
médecine), université de Nantes et

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membre senior honoraire de


l’Institut universitaire de France.
Du même auteur

La limite dans la pensée


épicurienne in La limite,
Presses universitaires de
Rennes, 2012
Ouverture in La limite, Presses
universitaires de Rennes, 2012
L’arbre – Les arbres  : de René
Rapin à Thomas Browne in
L'arbre ou la Raison des
arbres, Presses universitaires
de Rennes, 2013
Tous les textes
© Presses universitaires de Rennes, 2017

Licence OpenEdition Books

Référence électronique du chapitre


PIGEAUD, Jackie. De la difficulté de penser la maladie pestilentielle : le
legs antique In : Épidémies, épizooties : Des représentations anciennes
aux approches actuelles [en ligne]. Rennes  : Presses universitaires de
Rennes, 2017 (généré le 23 juin 2023). Disponible sur Internet  :
<http://books.openedition.org/pur/153300>. ISBN  : 9782753585065.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.153300.

Référence électronique du livre


CLÉMENT, François (dir.). Épidémies, épizooties : Des représentations
anciennes aux approches actuelles. Nouvelle édition [en ligne]. Rennes :
Presses universitaires de Rennes, 2017 (généré le 23 juin 2023).

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Disponible sur Internet  : <http://books.openedition.org/pur/153270>.


ISBN  : 9782753585065. DOI  :
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Épidémies, épizooties

Des représentations anciennes aux approches


actuelles

Ce livre est recensé par


André Filipe Oliveira da Silva, Medievalista online, mis en ligne le
14 juillet 2020. URL  :
http://journals.openedition.org/medievalista/3361  ; DOI  :
https://doi.org/10.4000/medievalista.3361

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