La Chatte

Dossier : h1851 Fichier : Romans Date : 20/7/2004 Heure : 13 : 59 Page : 85
Roman et tragédie
dans « La Chatte »
Colette, La Chatte, 1933 ; Le Livre de Poche no 96.
Présentation du roman
La Chatte paraît en 1933 chez Grasset, après avoir été

publiée en feuilleton dans la revue Marianne. Initialement
intitulé « Le Chien de pique », nom d’une figure du tarot,
le récit est placé sous le signe du destin et de la fatalité.
La rigueur dans la construction du récit, l’économie des
moyens et la concision de l’expression font de La Chatte
un des chefs-d’œuvre de l’œuvre romanesque de Colette,
à l’égal de Chéri, La Fin de Chéri ou La Seconde.
Résumé du roman
Alain coule des jours heureux dans la maison natale

de Neuilly auprès de sa chatte Saha. Son mariage avec
Camille, une amie d’enfance, l’éloigne pour un temps du
paradis natal et de sa compagne féline. Le jeune couple
s’installe au Quart-de-Brie, dans le studio d’un ami de
Camille parti en voyage, en attendant que les travaux
d’aménagement de la maison de Neuilly soient terminés.
Alain se fait difficilement à la nouvelle demeure, ouverte
sur les toits de Paris ; en outre, il perçoit en Camille une
86 Colette. Livret pédagogique
féminité insoupçonnée. Saha en son absence maigrit. Le

manque que ressent Alain depuis son départ le conduit
à la ramener dans le studio. Mais la rivalité qui était déjà
sensible entre Camille et la chatte s’accentue et Camille
tente de la tuer. La chatte est miraculeusement sauvée.
Camille dissimule un temps sa responsabilité, mais Alain
découvre la vérité et la quitte pour retrouver la maison
et le jardin de Neuilly.
La séquence
L’objectif de cette séquence est de rédiger une

argumentation fondée sur l’analyse d’une œuvre littéraire
dans le cadre de l’initiation à la dissertation. Nous
proposerons ici de justifier une affirmation. Le résultat
de ce travail pourrait correspondre à la première partie
d’une dissertation.
Nous analyserons le texte par des études thématiques,
justifiées par le sujet. L’intitulé des études thématiques
est volontairement vague de façon à ne pas induire une
interprétation du texte. Nous indiquons pour certains
thèmes des passages qui peuvent faire l’objet d’une
analyse plus détaillée.
À la fin de chaque séance, un bilan conduira à la
rédaction d’un paragraphe argumenté correspondant à
l’étape de l’argumentation générale.
Séance no 1
Roman et tragédie : étude du sujet
Sujet : En quoi le roman de Colette s’apparente-t-il
à une tragédie ?
(Colette, La Chatte, 1933 ; Le Livre de Poche no 96.)
« La Chatte ». Séance no 1 87
1. En quoi le rapprochement entre le roman et la tragédie

pose-t-il un problème ? Justifiez l’emploi du verbe
« s’apparenter » dans le sujet.
2. Relevez dans la définition suivante les principales
caractéristiques de la tragédie, puis proposez des
rapprochements possibles avec le genre romanesque : « La
tragédie est un genre dramatique caractérisé par la
représentation d’événements tristes, sanglants ou déplorables,
qui adviennent à des personnages de haut rang, par des
situations qui engagent la collectivité et par un style “élevé”.
Le héros est conduit par une forme de fatalité à affronter
un dilemme. Cette situation de crise conduit souvent le héros
à la quête d’une vérité sur soi. »
3. Illustrez chacune des caractéristiques potentiellement
communes aux deux genres par un exemple tiré de « La
Chatte ».
« la représentation d’événements tristes, sanglants ou
déplorables » : Camille tente de tuer Saha en la poussant
dans le vide.
« à des personnages de haut rang » : Alain travaille dans
l’entreprise familiale des Amparat et Camille est la
« petite des essoreuses Malmert ». Toutefois, ils sont loin
de posséder la grandeur et la noblesse des héros tragiques.
« par des situations qui engagent la collectivité » : il s’agit
d’un drame intime.
« un style “élevé” » : cette caractéristique ne s’applique
pas au roman qui met en scène un univers bourgeois et où
le registre familier est fréquent dans les dialogues ; elle
explique dans la tragédie classique le recours à l’alexandrin.
« Le héros est conduit par une forme de fatalité » : Toute
dimension divine ou métaphysique est absente du récit.
Tout au plus peut-on parler au premier abord d’un
« fatalisme » de la part du personnage dont le caractère

monolithique frappe le lecteur.
« à affronter un dilemme » : Alain doit choisir entre
Camille et Saha, entre sa vie d’homme marié et l’univers
heureux de l’enfance.
« Cette situation de crise » : une crise essentiellement
psychologique qui s’exprime dans les monologues
intérieurs d’Alain et qui est rarement extériorisée.
« à la quête d’une vérité sur soi » : Alain prend
conscience à la fin du récit du lien profond qui l’unit à
Saha.
Séance no 2
Les personnages :
du trio amoureux au trio tragique
(Colette, La Chatte, 1933 ; Le Livre de Poche no 96, passim.)
1. Un personnel romanesque réduit.

Identifiez les personnages qui apparaissent dans le récit et
classez-les en fonction de leur présence et de leur rôle dans
la progression de l’action.
Alain, Camille et Saha apparaissent comme les person-
nages principaux puisqu’ils se distinguent par leur forte
présence dans le récit et ont un rôle moteur dans le
déroulement de l’action. Saha a un statut ambigu. Elle
joue un rôle essentiel dans le déroulement de l’action,
mais elle n’a de véritable présence qu’à travers le regard
ou les pensées des personnages, notamment d’Alain. Elle
est dotée d’un langage traduit par homophonie dans les
dialogues, mais le sens de ses paroles demeure dans
l’implicite ; seul Alain est capable de les comprendre.
La mère d’Alain et les domestiques (Mme Buque,

Adèle, Juliette « la Basquaise barbue », le vieil Émile)
interviennent très rarement.
M. Veuillet, des entreprises Amparat, n’apparaît
qu’indirectement et de façon furtive. Son absence
souligne le repli d’Alain sur l’univers de l’enfance
(« C’était M. Veuillet. Il est neuf heures et demie. Tu ne
connais plus les habitudes de la maison ? »).
Patrick, l’ami de Camille, n’apparaît qu’en tant que
propriétaire du studio.
À quel milieu social appartiennent les personnages
principaux ?
Alain travaille dans l’entreprise familiale des Amparat
et Camille est la « petite des essoreuses Malmert » (p. 37).
Alain connaît Camille depuis de nombreuses années. Ils
font tous deux preuve d’insouciance à l’égard des
questions matérielles (le roadster). Ils appartiennent à la
bourgeoisie aisée (ils habitent à Neuilly).
Quel rôle jouent dans le texte la mère d’Alain ? les
domestiques ?
La mère d’Alain et les domestiques ont surtout un rôle
de confidents qui rappelle celui des personnages
secondaires de la tragédie.
La mère d’Alain explicite les pensées de son fils (« Tu
parles comme un enfant », p. 91 ; « Des questions qui
n’ont une réponse que dans le divorce... Ou dans le
déménagement, ou Dieu sait dans quoi... », p. 91) et le
rôle de Saha (« C’est ta chimère », p. 149).
Les domestiques confirment et encouragent le regard
critique que porte Alain sur Camille (Alain « essuya son
visage, aspira l’air profondément comme si cette bouffée
de misogynie unanime, ce païen encens dédié au seul
principe mâle l’eût étourdi », p. 89).
Les personnages sont souvent ramenés au statut

d’objet. Ainsi Mme Amparat est-elle fréquemment
désignée de façon métonymique (« le gros gant blanc »
assimilé à « un pigeon blanc furtif », p. 31). Quant aux
domestiques, ils semblent figés dans l’univers de la
maison et de l’enfance, assimilés à des « bougonnements
cultuels » (p. 87), aux « juges du sous-sol » (p. 89).
2. Un trio amoureux.
Dans quelle mesure le mariage entre Alain et Camille peut-il

apparaître comme un mariage de raison ?
L’idée d’un mariage de raison n’est pas explicite dans
le texte. Elle peut sembler sous-entendue dans le passage
suivant : « Il se leva du banc vert, prit le sourire important
du fils Amparat qui épouse, condescendant, la petite des
essoreuses Malmert, “une jeune fille qui n’est pas tout à
fait de notre bord”, disait Mme Amparat. Mais Alain
n’ignorait pas que les Machines-à-laver-Malmert, parlant
entre eux des Amparat-de-la-soie, n’oubliaient pas de
mentionner, en levant haut le menton : “Les Amparat ne
sont plus dans la soie, la mère et le fils ont seulement
conservé des intérêts dans la maison, et le fils n’y fait pas
figure de maître...” » (p. 37).
Montrez l’ambiguïté des relations qui unissent Alain et
Saha.
L’ambiguïté dans le texte apparaît essentiellement dans
les contacts physiques. Ainsi Alain esquisse sur Camille
une caresse « pour Saha » (p. 48-49) tandis que Camille
reproche le comportement amoureux d’Alain à l’égard
de Saha : « Je vous ai vus ! cria-t-elle. Le matin, quand
tu passes la nuit sur ton petit divan... Avant que le jour
se lève, je vous ai vus, tous deux... » (p. 131).
Montrez que Camille et Saha se conduisent en rivales l’une

envers l’autre et expliquez l’expression d’Alain : « Tu ne peux
avoir de rivales que dans l’impur... » (p. 50).
Le thème de la rivalité apparaît très tôt dans le roman,
mais ce n’est qu’à la fin du récit qu’il prend une
connotation ouvertement amoureuse. Cette rivalité se
manifeste par la fuite de Saha devant Camille au début du
récit, alors que, pour Camille, elle est au départ
inconcevable, Saha n’étant rien d’autre qu’une bête.
La rivalité selon Alain n’existe pas. Camille par sa
sensualité sans pudeur est du côté de l’impur. Saha, par
opposition, représente la pureté, un univers éloigné de la
sexualité et de l’âge adulte, c’est-à-dire aussi, en
conséquence, l’univers protecteur de l’enfance. Cette
opposition entre le pur et l’impur sera reprise dans un
ouvrage de Colette (Ces plaisirs... plus tard publié sous le
titre Le Pur et l’Impur). L’adjectif « pur » n’a pas chez
Colette la valeur que le langage lui accorde
habituellement. Le refus de la sexualité et le repli sur
l’enfance constituent la « monstruosité » d’Alain.
Séance no 3
L’espace : étude thématique
« Le jardin, vaste [...]
“C’est ma chatte... Ma chatte à moi” » (p. 11-12).
« À son réveil [...] Où se croit-elle » (p. 41-42).
« Vinrent juin et les plus longs jours [...]
par la chaleur et la volupté » (p. 57).
(Colette, La Chatte, 1933 ; Le Livre de Poche no 96.)
1. La maison de Neuilly :
le paradis enchanté de l’enfance.
1.1. Un espace préservé.
Montrez que le jardin apparaît comme un espace clos et

protégé.
Par opposition au Quart-de-Brie, c’est la figure
géométrique du cercle qui caractérise le jardin de Neuilly.
Le jardin apparaît comme un espace préservé de
l’extérieur par des ormes qui défendent la maison « du
voisin et du passant ». Il est aussi hors des atteintes du
temps : « on eût pu retrouver, égarés par paires, les mêmes
vieux ormes, reliquats d’une quadruple et princière
avenue, vestiges d’un parc que le nouveau Neuilly
ravageait » (p. 11-12). À l’abri du jardin, « Alain goûta
les moments qui échappent à la durée humaine » (p. 32).
Et maintenant cet espace est menacé par Camille et les
travaux d’aménagement qui offensent Alain et Saha
(« Pareillement offensés, ils supputaient le dommage
causé à leur proie et à leur présent », p. 35).
1.2. Un espace rêvé.
Quels éléments de la description confèrent au jardin une

atmosphère merveilleuse et fantastique ?
Certains éléments de la description de la maison,
comme « le toit en gâteau », « certaines pâtisseries
modestes », rappellent l’univers des contes de fées
(maison en pain d’épices dans Hansel et Gretel).
L’évocation du jardin où « un seul arbre [...] recueillait
la clarté lunaire » (p. 12) crée une atmosphère propre au
surgissement du fantastique sous la forme « d’un reflet
d’argent » (p. 12) qui n’est autre que Saha.
Montrez qu’au sein de cet espace Alain retombe en enfance.

Alain échappe aux obligations familiales « par caprice »
et court se cacher au sein « des ténèbres plus sûres »
(p. 12). Le dialogue avec Saha en langue féline ressort
d’une pratique enfantine tandis que la syntaxe prend acte
de ce retour en enfance : « C’est ma chatte... Ma chatte
à moi » (p. 12).
2. Le studio du Quart-de-Brie :
une cage de verre.
2.1. Un espace transitoire.
Relevez et commentez la métaphore utilisée p. 57 pour

décrire le studio.
Il s’agit de la métaphore du bateau qui est présente
dans presque toutes les descriptions du Quart-de-Brie.
Cette métaphore est filée tout au long d’un champ lexical
qui court sur plusieurs lignes : « soulevaient les bords »,
« un air sans cesse agité tourmentait », « la proue du
bâtiment »... Il sera ailleurs question du « hublot » de la
salle de bains ou de « la corde de bateau » des rideaux.
Ces métaphores peuvent être interprétées de façon réaliste
ou de manière symbolique. Dans le premier cas, il
s’agirait de mettre en avant la décoration intérieure
choisie par Patrick (Patrick est un grand voyageur). Dans
le second cas, de souligner le caractère transitoire du
logement menacé par une « tempête ».
2.2. Un espace ouvert.
Quelle figure géométrique récurrente décrit le studio du

Quart-de-Brie ?
Il s’agit de la figure du triangle : « hypoténuse », « trois
côtés »... Cette figure triangulaire s’oppose à la figure

circulaire du jardin.
De quoi sont faites les parois du studio ? Quelle est la valeur
symbolique de cette matière ?
Les parois sont constituées de verre à mi-hauteur. À
cette transparence des murs répond la transparence de la
coiffeuse en cristal et la nudité de Camille. L’appartement
est traversé par la lumière et s’oppose en cela aux
« ténèbres plus sûres » du jardin.
Bilan
Montrez que la maison de Neuilly et le Quart-de-Brie
sont en opposition dans le récit. En quoi cela confère-
t-il au texte une dimension tragique ? (Vous rédigerez
votre réponse sous la forme d’un paragraphe
argumenté et vous vous appuierez sur des citations
précises du texte.)
Séance no 4
Un univers de symboles
« Alain endormi poursuivit [...]
et renaît sans mémoire avec le jour. »
(Colette, La Chatte, 1933 ;
Le Livre de Poche no 96, p. 24-25.)
1. La voie royale vers l’inconscient.

1.1. Une recomposition du réel.
Montrez que beaucoup d’éléments du rêve ressortissent à un
cadre réaliste lié à l’enfance.
Alain plonge dans la ville du songe. Cette plongée est
progressive. La ville est peuplée par : « les gardiens de
square », « les passants », « les habitants », et Alain
traverse des espaces familiers : « la place », « le kiosque
où joue la musique militaire » armé « d’une badine ». Cet
univers recompose l’univers de l’enfance (« C’est
enfantin »), mais il est donné comme factice, comme le
montre la reprise du terme « figurants ».
Relevez les incohérences qui confèrent un caractère
d’étrangeté à l’évocation du quotidien.
L’étrangeté est conférée par l’indétermination assurée
par les articles définis. « Les gardiens » sont « couronnés
d’or » et le « figurant brun » est « perforé d’un grand œil
de carpe ». Le rêve se transforme progressivement en
cauchemar, mais celui-ci est évité par l’intervention
inopinée des « deux longs bras d’ombre ».
Quelle est l’attitude d’Alain face aux événements étranges
du rêve ?
Alain ne semble pas inquiet malgré le caractère de plus
en plus effrayant du rêve. Il est « extrêmement lucide et
avisé ». Les passages au discours direct témoignent de
l’assurance du personnage dans le rêve où domine une
impression de facilité : « il s’agit, en somme et simplement,
de franchir », « c’est enfantin ». Et ses tentatives sont
couronnées de succès. Alain encourage ses rêves et ne les
craint pas : « il aimait ses songes, qu’il cultivait ». Le rêve
est lié à l’univers de l’enfance qu’il ressuscite.
1.2. Des symboles à déchiffrer.
Quel sens peut avoir la « cravate en forme de cœur » par

rapport à la situation d’Alain dans le récit ?
En l’absence de reprise du motif dans le récit, les
interprétations sont ouvertes. « La cravate en forme de
cœur » peut renvoyer au mariage (l’image du nœud dans
le texte) ou au statut social (héritier de la maison
Amparat). Elle a une fonction de dissimulation : « Si je
marche un peu vite, après avoir noué ma cravate d’une
certaine manière [...], il y a de grandes chances pour que
personne ne s’aperçoive que je suis tout nu. »
Quel sens symbolique peut avoir de même la nudité d’Alain
dans le rêve ?
La nudité est un des thèmes récurrents de l’œuvre. Il
y a d’abord la nudité sans pudeur de Camille qui choque
Alain : « C’est du toupet. Toute nue ? Où se croit-elle ? »
(p. 42). La nudité et l’absence de pudeur renvoient à la
sexualité et à l’impureté qu’Alain tente tour à tour de
maîtriser ou d’occulter. La nudité est aussi le signe de la
transparence et de l’absence de mystère. La nudité d’Alain
dans le rêve transpose cette double angoisse de l’impureté
et de la transparence.
2. Un rêve prémonitoire.
2.1. Un rêve félin.
Quel rôle joue Saha dans le rêve d’Alain ?

Saha initie et protège le rêve d’Alain. Elle rappelle en
cela la figure tutélaire du chat telle que Baudelaire l’a
évoquée.
Montrez ce que l’attitude d’Alain dans le rêve a de félin.

La confusion créée par Colette entre les règnes animal
et humain est sensible dans les attitudes physiques du
héros (« franchir cette place », « contourner le kiosque »,
« je m’élance en faisant des sauts périlleux ») et dans les
ronronnements.
2.2. Le récit comme interprétation des rêves.
Quel est le motif central du rêve ? Quel sens prendra-t-il

dans la suite du récit ?
Le motif se définit comme un thème récurrent sous la
forme d’un mot appelé parfois « mot clé ». Le motif
central est ici celui de l’œil qui est une obsession des
rêves d’Alain. Cet œil est constamment qualifié de grand
et de rond. Le motif prendra son sens au fur et à mesure
du développement du récit. Ainsi, en observant une
photographie de Camille, Alain commente : « Cet œil...
j’ai vu cet œil... » et tente de le rétrécir en retouchant la
photo au crayon (p. 31). Plus tard, en observant Camille
dans son sommeil : « Auras-tu toujours, à toute heure,
dès que tu sors du sommeil, un si grand œil ? Ne sais-tu
pas fermer les yeux à demi ? Cela me fait mal à la tête
de voir des yeux si ouverts... » (p. 50).
Qui désignent en fait les « deux longs bras d’ombre » qui
sauvent Alain dans le rêve ?
Il s’agit d’une personnification qui désigne Saha. Cette
personnification est une transposition de la première
description de Saha dans le jardin (p. 12). L’allusion est
transparente pour le lecteur.
Montrez que, dès l’incipit, le récit est placé sous le signe du

destin.
Camille tire les cartes à Alain, mais se méprend sur
l’interprétation des signes : « Il sort avec le voyage, et avec
la nouvelle importante... / – Qui ? / – Le roadster,
voyons ! » L’ironie dont fait preuve Camille à propos du
valet de pique prendra un sens tragique à la fin du récit.
Cette thématique du destin était mise en avant par le
premier titre de La Chatte : « Le Chien de pique ».
Bilan
Commentez la place et la fonction des scènes de rêve

dans le récit.
Séance no 5
La tragédie de la connaissance de soi
(Colette, La Chatte, 1933 ; Le Livre de Poche no 96, passim.)
1. L’engrenage inexorable du récit.
1.1. Une action réduite à l’essentiel.
À l’aide du résumé (p. 85-86), décomposez la progression

du récit en fonction des chapitres. Quels événements
importants ont été occultés ? Pourquoi ?
(N. B. : Colette n’a pas numéroté les chapitres de son
roman.)
Chapitres I et II. Alain coule des jours heureux dans

la maison natale de Neuilly auprès de sa chatte Saha.
Chapitre III. Son mariage avec Camille, une amie
d’enfance, l’éloigne pour un temps du paradis natal et
de Saha. Le jeune couple s’installe au Quart-de-Brie, dans
le studio d’un ami de Camille parti en voyage, en
attendant que les travaux d’aménagement de la maison
de Neuilly soient terminés. Alain se fait difficilement à
la nouvelle demeure, ouverte sur les toits de Paris, et
découvre en Camille une féminité insoupçonnée.
Chapitre IV. Saha en l’absence d’Alain maigrit.
Chapitres V et VI. Le manque que ressent Alain depuis
son départ le conduit à ramener Saha dans le studio. La
rivalité qui était déjà sensible entre Camille et Saha
s’accentue.
Chapitre VII. Camille tente de tuer Saha, qui est
toutefois miraculeusement sauvée. Camille dissimule un
temps sa responsabilité, mais Alain découvre la vérité et
quitte Camille pour retrouver la maison et le jardin de
Neuilly.
Le mariage est la principale scène occultée.

L’événement est discrètement rappelé par Alain qui
regrette que le mariage se soit fait dans le jardin de la
maison de Neuilly, mais se félicite que « “la cérémonie”
d’hier, respectant le beau jardin, eût ravagé seulement le
logis de Camille » (p. 54). Cette ellipse narrative permet
de concentrer l’intrigue sur l’expérience décevante et le
manque créé par Saha.
1.2. Une construction dramatique.

Quel rôle joue la scène du crime dans la progression du récit ?
La scène du crime décide du départ d’Alain et de son
retour au domaine de l’enfance. Toutefois, elle le
précipite plutôt qu’elle n’en est la cause. Conformément
à la tragédie, le crime constitue un acte désespéré pour

échapper à la fatalité.
2. Crise tragique et révélation de soi.
2.1. Un parcours régressif : le refus de grandir.

En quoi le mariage modifie-t-il radicalement la perception
qu’Alain avait de Camille ?
La vie commune plus que le mariage fait naître chez
Alain une forme de dégoût progressif pour la sensualité
et le corps de la femme. La condamnation de Camille
est de nature sensuelle : « Ses sens, l’un après l’autre,
abusaient Alain et condamnaient Camille » (p. 84).
Montrez qu’Alain se comporte en éternel adolescent.
Alain est caractérisé par des comportements et un
langage enfantins. Mme Amparat souligne de façon
récurrente ce trait de caractère du héros : « Tu parles
comme un enfant » (p. 91). L’enfance est liée à la
demeure familiale et au jardin. Lorsque Alain y retourne,
il retombe littéralement en enfance. Il retrouve « son
domaine d’enfant privilégié » (p. 30). Il y retrouve des
gestes « élaborés par le vœu inconscient de l’âge
maniaque, entre la quatrième et la septième année »
(p. 29). Il porte sur le monde un regard enchanté qui
anime le réel. Ainsi, à travers son regard, le jardin
ressuscite : « Derechef, l’allée s’élargit, les ormes
montèrent, la treille morte ressuscita » (p. 34), ou se
métamorphose : « Un des appareils d’arrosage, debout sur
son pied unique, rouait sur le gazon, ouvrant sa queue
de paon blanc barrée d’un instable arc-en-ciel » (p. 30).
Il est en cela proche de Saha qui a peur du cordage « parce
que le cordage, c’est le serpent » (p. 68). Son rapport à
l’imaginaire est caractéristique de l’enfance. Il provoque
des images « propres, tantôt à exciter sa vanité et sa hâte,

tantôt à engendrer l’appréhension, voire le désarroi » et
se complaît dans le rêve.
« Attardé dans les rets d’une interminable et dure
adolescence », Alain possède le caractère monolithique
des héros tragiques.
2.2. Le surgissement d’une parole.

Montrez comment Alain prend peu à peu conscience de son
amour pour Saha. Vous veillerez à prouver que cette prise
de conscience passe par la parole.
La progression du récit correspond à la découverte de
« ce qui n’avait pas encore de nom » (p. 126). Alain a du
mal à mettre un nom sur sa relation avec Saha : « Vous
comprenez que je ne veux pas... Cette chatte croit que... »
(p. 62). Dans ses dialogues avec Camille, il est conduit
à y réfléchir : « – Et toi, comment le sais-tu ? / Il ne se
l’était jamais demandé et s’en tira par une plaisanterie »
(p. 67). La révélation de la culpabilité de Camille est
amenée par la « mélodie d’une voix insaisissable,
tremblante et haute » (p. 126) et prend la forme d’un
véritable interrogatoire où se révèle le caractère sadique
d’Alain.
En quoi Saha joue-t-elle un rôle actif dans la découverte de
« la vérité » ?
C’est Saha qui révèle la culpabilité de Camille par « le
plus sauvage feulement, un cri, un bond d’épilepsie »
(p. 119) et donne tout leur sens aux signes constatés par
Alain et qu’il ne s’expliquait pas : « pattes mouillées »,
« griffes cassées » (p. 121 et 122). De façon plus générale,
Saha catalyse les craintes d’Alain. Elle le conduit
insensiblement à retourner dans la demeure familiale par
les rêves qu’elle protège (voir p. 24-25) et par ses
changements d’humeur et d’état physique (notamment
son amaigrissement). Elle joue donc un rôle actif dans la

découverte d’une « vérité sur soi ».
Bilan
Montrez que la progression du récit s’apparente à une

quête de l’identité.

La Chatte

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La Chatte paraît en 1933 chez Grasset, après avoir été

Alain coule des jours heureux dans la maison natale

86 Colette. Livret pédagogique

féminité insoupçonnée. Saha en son absence maigrit. Le

L’objectif de cette séquence est de rédiger une

1. En quoi le rapprochement entre le roman et la tragédie

88 Colette. Livret pédagogique

« fatalisme » de la part du personnage dont le caractère

1. Un personnel romanesque réduit.

La mère d’Alain et les domestiques (Mme Buque,

90 Colette. Livret pédagogique

Les personnages sont souvent ramenés au statut

Dans quelle mesure le mariage entre Alain et Camille peut-il

Montrez que Camille et Saha se conduisent en rivales l’une

92 Colette. Livret pédagogique

1.1. Un espace préservé.

Montrez que le jardin apparaît comme un espace clos et

Quels éléments de la description confèrent au jardin une

Montrez qu’au sein de cet espace Alain retombe en enfance.

2.1. Un espace transitoire.

Relevez et commentez la métaphore utilisée p. 57 pour

Quelle figure géométrique récurrente décrit le studio du

94 Colette. Livret pédagogique

côtés »... Cette figure triangulaire s’oppose à la figure

1. La voie royale vers l’inconscient.

96 Colette. Livret pédagogique

1.2. Des symboles à déchiffrer.

Quel sens peut avoir la « cravate en forme de cœur » par

2.1. Un rêve félin.

Quel rôle joue Saha dans le rêve d’Alain ?

Montrez ce que l’attitude d’Alain dans le rêve a de félin.

Quel est le motif central du rêve ? Quel sens prendra-t-il

98 Colette. Livret pédagogique

Montrez que, dès l’incipit, le récit est placé sous le signe du

Commentez la place et la fonction des scènes de rêve

1. L’engrenage inexorable du récit.

1.1. Une action réduite à l’essentiel.

À l’aide du résumé (p. 85-86), décomposez la progression

Chapitres I et II. Alain coule des jours heureux dans

Le mariage est la principale scène occultée.

1.2. Une construction dramatique.

100 Colette. Livret pédagogique

à la tragédie, le crime constitue un acte désespéré pour

2. Crise tragique et révélation de soi.

2.1. Un parcours régressif : le refus de grandir.

« La Chatte ». Séance no 5 101

des images « propres, tantôt à exciter sa vanité et sa hâte,

2.2. Le surgissement d’une parole.

102 Colette. Livret pédagogique

son amaigrissement). Elle joue donc un rôle actif dans la

Montrez que la progression du récit s’apparente à une

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