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La démarche naturaliste de Zola se heurte à des limites que nous ne pouvons ignorer et son roman semble alors posséder

plusieurs

Dissertation sur Thérèse Raquin de Zola facettes qui viennent compléter ses caractéristiques.
Tout d'abord, il est évident que ce roman possède une dimension fantastique et ce, dès le début, dans l'incipit, où les lieux décrits
prennent des allures mortifères et lugubres avec les nombreux adjectifs péjoratifs utilisés comme "jaunâtre" ou "gluantes" pour
évoquer les dalles ainsi que la présence du champ lexical de la mort lorsqu'on se rapproche de la mercerie. De plus, les nombreuses
peintures réalisées par Laurent nous plongent dans cette atmosphère fantastique : Laurent est obsédé par le visage de sa victime au
Le naturalisme est un mouvement littéraire du XIXème siècle qui prolonge le réalisme et qui s'attache à peindre la réalité tout en point de voir l'un de ses tableaux prendre vie et de supplier Thérèse de le retourner. Le thème du revenant est largement exploité
s'appuyant sur un travail minutieux de documentation. Emile Zola est le chef de file de ce mouvement. Thérèse Raquin, publié en 1867, est également. Les deux amants, rongés par la culpabilité, sentent la présence de Camille jusque dans le lit conjugal. La description de ce
le troisième roman de l'écrivain. La jeune Thérèse est recueillie par sa tante alors qu'elle n'est encore qu'une enfant. Elle grandit auprès corps meurtri revenu à la vie est si détaillée qu'elle en devient effrayante. La présence du chat est également déstabilisante dans la
de son cousin, Camille, un garçon à la santé fragile. Elle deviendra alors sa femme, une idée initiée par la tante. Malheureuse dans cette mesure où Laurent voit en lui un juge de ses actes, allant même jusqu'à confondre l'animal avec Camille. Le thème du fantôme, d'une
union, Thérèse succombe à l'ami de Camille, Laurent. Les deux amants n'ont alors plus qu'une seule en tête : faire disparaître l'obstacle présence inexplicable et obsessionnelle est également exploité par Maupassant dans le récit fantastique le Horla. Le personnage-
qui les empêche d'être ensemble. "On commence, j'espère, à comprendre que mon but a été un but scientifique avant tout" écrit Zola narrateur explique, sous la forme d'un journal intime, qu'il se sent suivi, observé sans arrêt et qu'il ressent une présence maléfique la
dans la préface de la deuxième édition de Thérèse Raquin, justifiant ainsi la démarche du naturaliste. Le roman de Zola peut-il seulement nuit qui viendrait aspirer son âme lorsqu'il dort. Il est si convaincu de cette présence qu'il finira par sombrer progressivement dans la
être considéré comme un roman naturaliste ? Si Thérèse Raquin semble posséder toutes les caractéristiques d'un roman naturaliste, nous folie comme Laurent.
verrons qu'il n'est pas possible de lui attribuer cette étiquette unique et que certains aspects l'en éloignent. Le roman de Zola semble également s'inscrire dans le genre du roman policier. En effet, les deux amants élaborent un plan pour se
débarrasser de Camille, nous avons une scène de crime détaillée, une victime, des coupables et des enquêteurs auxquels i faut
absolument cacher la vérité. Ainsi, les codes du roman policier se retrouvent dans le roman de Zola. La notion de culpabilité est très
Le roman d'Emile Zola s'inscrit clairement dans le mouvement littéraire du naturalisme. présente et finira par tuer les amants qui choisiront le suicide face à l'inavouable. La dernière scène du roman place la tante Raquin en
Le récit se déroule dans le Paris du XIXème siècle, vers 1860-1870. Il s'agit donc d'un cadre réel. L'incipit de l'œuvre présente un lieu juge triomphante: elle observe les meurtriers mourir. Stendhal utilise également les codes du roman policier dans son roman le Rouge et
connu : le passage du Pont-Neuf et s'attarde à le décrire avec une grande minutie. De nombreux paragraphes sont consacrés à la le Noir en s'inspirant de l'affaire Berthet lorsque son jeune héros, Julien Sorel, tue son ancienne maîtresse, Mme de Rênal. Il s'agit
description des lieux et la démarche réaliste de l'écrivain est clairement visible: il se montre précis dans les mesures, s'attarde sur l'aspect pourtant d'un roman réaliste du XIXème siècle.
des dalles, mentionne la luminosité, évoque les odeurs. Les cinq sens sont ainsi sollicités. Les noms des rues sont mentionnés, Pour finir, nous pouvons également relever la présence d'une sorte de fatalité dans ce roman qui n'est pas sans rappeler le fatum
"Guénégaud", "Mazarine", le passage a "trente pas de long et deux de large", la Seine est évoquée et les marqueurs temporels sont très qui s'abat sur les héros de la tragédie. Le roman de Zola s'apparente à la tragédie sous bien des égards: un amour impossible, un triangle
nombreux : "par les beaux jours d'été" par exemple. Le cadre spatio-temporel se veut donc réaliste et précis. amoureux, la présence de la mort qui rôde partout, l'impossible fuite pour les personnages et la fin du roman : la mort des deux amants.
La focalisation adoptée dans le roman contribue également au projet naturaliste de l'auteur. En effet, si le narrateur est externe, en Nous ne sommes évidemment pas en présence de Roméo et Juliette mais c'est en pensant s'aimer que les personnages commettent
dehors de l'histoire, la focalisation, quant à elle, est interne. En focalisation interne, le narrateur se glisse dans la peau d'un personnage l'irréparable, acte qui enclenche un mécanisme fatal : celui de la culpabilité puis de la mort. La morsure laissée par Camille dans le cou
pour donner ses points de vue, faire passer ses idées. Il décrit alors ce que voit, entend, pense ce personnage. Le lecteur est ainsi invité à de Laurent apparaît comme un signe prémonitoire du destin des deux autres personnages.
se glisser dans la peau de Thérèse mais aussi celle de Laurent, Camille et la tante, à tour de rôle pour mieux cerner, appréhender,
comprendre les personnages. Ce choix de focalisation est un choix qui souligne la démarche naturaliste du romancier : l'influence du
milieu et des tempéraments des personnages est visible, les mécanismes qui mettent en route les diverses actions commises sont
déchiffrables et accessibles. Ce choix de focalisation est également présent dans l'éducation sentimentale de Flaubert avec le personnage Le roman de Zola s'inscrit dans le mouvement naturaliste et révèle la volonté de l'auteur : une démarche scientifique qui tend à
de Frédéric. étudier l'influence d'un milieu et des tempéraments sur des personnages comme il le précise dans la seconde préface de Thérèse Raquin.
La parution du roman Thérèse Raquin a fait grand bruit. Zola précise dans la préface : "Aussi ma surprise a-t-elle été grande quand Le cadre spatio-temporel est réaliste, les descriptions des lieux sont précises, la focalisation adoptée accentue la démarche naturaliste
j'ai entendu traiter mon oeuvre de flaque de boue et de sang, d'égout, d'immondice, que sais-je ?". Les reproches ont été virulents et la de l'auteur. Cependant, le roman s'inscrit également dans une dimension fantastique avec le thème du revenant qui vient hanter les
démarche de l'auteur mal comprise. La raison est simple : la dimension naturaliste du roman a été perçue comme "malsaine", meurtriers. Il joue aussi sur les codes du roman policier avec le crime, les coupables, la victime, les lieux liés à une enquête policière
"immonde". La description du corps de Camille, lorsque ce dernier repose à la morgue, est très détaillée, précise. Le romancier s'est glissé comme la morgue, le plan mis en place par les assassins. Thérèse Raquin se rapproche également de la tragédie par les thèmes que cette
dans la peau d'un médecin légiste et a fourni une description du cadavre extrêmement minutieuse et réaliste. Cette description est oeuvre met en avant et la sombre fatalité à laquelle les personnages ne peuvent échapper. Dans son roman l'Assommoir, publié en
nécessaire dans la mesure où la vision du corps joue un rôle majeur sur l'évolution du personnage de Laurent. Le meurtre de Camille 1877, nous retrouvons cette dimension fantastique dans la description du ventre de Paris. Comme avant chacun de ses romans, Zola
trouve également une explication scientifique sous la plume de Zola qui s'attarde à étudier le tempérament des deux amants : Thérèse, s’est livré à une véritable enquête de terrain du quartier de la Goutte d’Or et des métiers ouvriers qu’il restitue avec une précision et
trop longtemps étouffée, élevée à la manière de Camille, contrainte de rester au lit alors qu'elle ne souffrait d'aucune maladie, laisse sa acuité qui immerge instantanément le lecteur. Loin de descriptions froidement « réalistes », sa peinture des rues de Paris, des
véritable nature exploser au contact de Laurent. immeubles, des machines ou encore des ateliers des ouvriers est au contraire presque surréaliste tant elle est organique et imagée.
Par bien des aspects, le roman de Zola s'inscrit dans le mouvement naturaliste et en possède toutes les caractéristiques. Sous la plume de Zola, tout s’anime et prend une allure merveilleuse ou monstrueuse, hautement symbolique.
Cependant, il serait réducteur de ne voir cette oeuvre que sous sa dimension naturaliste.

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