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ISBN : 9782200627546
Avant-propos 7
1. L’organisation textuelle 11
Bibliographie 195
Index 199
L’ORGANISATION TEXTUELLE
LE PARAGRAPHE
Dans un texte en prose, en particulier dans le texte romanesque, il faut
s’interroger sur le rôle des paragraphes, qui d’abord sont là pour faciliter la
lecture, mais ont aussi une fonction sémantique* en définissant une unité de
sens.
On remarquera que la fonction du paragraphe a évolué au XIXe siècle :
alors que jusque-là, le retour à la ligne est peu fréquent, comme on peut le
voir dans La Princesse de Clèves par exemple, et qu’il correspond
essentiellement à un changement de lieu ou de jour, à partir de l’époque
romantique ses fonctions deviennent beaucoup plus complexes.
Le paragraphe court
Le paragraphe court segmente le propos. Réduit à une seule phrase, elle-
même limitée à une proposition simple, voire minimale, il peut aboutir à
dramatiser ou solenniser le propos. Ainsi, l’organisation des paragraphes
chez Hugo correspond à une véritable mise en page de la tension
dramatique :
Peu à peu, cette tache, qui n’était plus une forme, pâlit.
Puis elle s’amoindrit.
Puis elle se dissipa.
À l’instant où le navire s’effaça à l’horizon, la tête disparut sous l’eau. Il
n’y eut plus rien que la mer.
Fin des Travailleurs de la mer.
Il voyagea.
Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente,
l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies
interrompues.
Il revint.
Flaubert, L’Éducation sentimentale, troisième partie.
Le paragraphe long
Il donne une unité à des éléments divers. Chez Balzac par exemple, il
permet de lier le récit et son interprétation. Il peut être une marque de
lyrisme, comme chez Chateaubriand. Chez Zola, il va souvent de pair avec
la description d’un univers multiple :
☞ C’est par une phrase au style périodique*, avec une longue clausule*
que se termine le paragraphe décrivant l’apparition du volcan du Tängri, cet
« au-delà fabuleux » auquel le héros aspire, pour le malheur de son peuple.
Écrivain « classique », Gracq a recours, comme les grands orateurs, à une
rhétorique de l’amplification dans laquelle trouvent leur place comme ici
des figures d’analogie* (comme si… la chute nauséeuse…).
soit la dernière phrase est très courte, souvent par contraste avec ce qui
précède, comme dans le passage de Voyage au bout de la nuit. Elle peut
contenir une pointe, c’est-à-dire un trait d’esprit : dans le passage de
L’Espoir cité plus haut, le complément déterminatif sans hommes crée
un paradoxe par rapport au reste du syntagme* (défendue par des armes).
Soixante et onze vers plus loin, une phrase de conclusion marquera la fin
du récit :
Mais parfois une longue tirade peut être « déguisée » (F. Tonge, L’Art du
dialogue dans les comédies en prose d’Alfred de Musset, Nizet, 1967), en
étant segmentée par une ou plusieurs brèves interventions d’un
interlocuteur, qui ne coupent pas néanmoins le fil logique de celle-là : le
long récit d’Agnès dans la scène 5 de l’acte II de L’École des femmes est
ponctué par un « fort bien » et deux apartés d’Arnolphe qui ont pour unique
fonction de souligner la progression chronologique et dramatique de la
narration tout en brisant la monotonie de la tirade.
La composition de la tirade doit également être dégagée. Son
architecture d’ensemble respecte la disposition* commune à la majorité des
discours rhétoriques. Dans la tirade narrative, la composition suit le plus
souvent la chronologie. Il y a souvent passage du temps de l’énonciation* à
celui du récit, et emploi du passé simple, si les événements sont antérieurs
au jour où est censée se dérouler l’action dramatique (cf. p. 73) :
TARTUFFE.
Mais si d’un œil bénin vous voyez mes hommages,
Pourquoi m’en refuser d’assurés témoignages ?
ELMIRE.
Mais comment consentir à ce que vous voulez,
Sans offenser le Ciel, dont toujours vous parlez ?
Molière, Tartuffe, IV, 5.
L’ORGANISATION DU POÈME
La disposition typographique d’un poème a des effets de sens : le blanc
typographique, équivalent visuel du silence, comme le dit Claudel dans
Réflexions et propositions sur le vers français (1925), isole différents
segments qui constituent chacun une unité distincte. À partir du XIXe siècle,
des poètes donnent une signification toute personnelle à la mise en page de
leurs poèmes : Apollinaire en est un exemple avec son recueil
Calligrammes dont les poèmes deviennent autant des objets à voir qu’à
entendre. Mais la disposition de tout texte versifié est dans une certaine
mesure signifiante.
Je me figure un auteur
Qui dit : je chanterai la guerre
Que firent les Titans au Maître du tonnerre.
C’est promettre beaucoup ; mais qu’en sort-il souvent ?
Du vent.
La Fontaine, Fables, livre V, « La Montagne qui accouche ».
L’organisation strophique
Un poème peut être composé d’une suite de rimes plates sans
organisation formelle récurrente, ou divisé en strophes, correspondant à la
répétition d’un schéma métrique et rimique. Chaque strophe correspond
également à une unité syntaxique : une ponctuation forte la clôt jusqu’à
l’époque romantique où commencent à être brisées les formes poétiques
traditionnelles. À l’unité syntaxique s’ajoute le plus souvent l’unité
thématique :
À la fenêtre recelant
Le santal vieux qui se dédore
De sa viole étincelant
Jadis avec flûte ou mandore,
Est la Sainte pâle, étalant
Le livre vieux qui se déplie
Du Magnificat ruisselant
Jadis selon vêpre et complie :
À ce vitrage d’ostensoir
Que frôle une harpe par l’Ange
Formée avec son vol du soir
Pour la délicate phalange
☞ Le poème est composé d’une seule phrase, qui s’articule selon les
strophes : dans la première, un syntagme* complément de lieu ; dans la
seconde, le groupe verbe-sujet ; dans la troisième, une reprise du
complément de lieu ; dans la quatrième, une relative et son antécédent. Des
symétries apparaissent, entre le premier et le deuxième quatrains, construits
sur le même schéma syntaxique, et entre les deux premiers et les deux
derniers quatrains (structure et thème semblables : À la fenêtre/À ce
vitrage ; répétition avec inversion de l’ordre adjectif-substantif de santal
vieux et livre vieux) qui montrent la substitution, à la sainte liturgique
patronne de la musique sacrée, d’une sainte patronne de la musique idéale,
celle de la poésie, domaine de l’ineffable (musicienne du silence).
☞ Deux univers et deux âges s’opposent dans les quatrains et les tercets,
comme l’indique la conjonction de coordination à valeur adversative mais :
pour chacune des deux parties, une phrase et un temps différents
(l’imparfait, situant le procès hors de l’actualité présente du locuteur, et le
passé composé, marquant les conséquences présentes résultant de
l’achèvement du procès). La structure des deux phrases est inversée : la
protase* dans la première est plus développée que l’apodose*, avec
l’anaphore* de tout. C’est le triomphe de la cité terrestre, qui portait en elle
les germes de sa chute. Dans le sizain, l’apodose plus longue que la protase
crée une cadence majeure* qui contribue « à grandir les tercets, à leur
donner de la pompe, de l’ampleur » (Th. De Banville, Petit Traité de poésie
française, 1872) : la ruine de Rome est aussi la défaite du mal, et peut-être
l’annonce d’un nouveau monde chrétien dont parlent d’autres poèmes du
recueil.
Dans son discours, le locuteur marque son attitude énonciative face à son
allocutaire* par des modalités d’énonciation* : la modalité assertive ou
déclarative vise à communiquer une certitude, la modalité interrogative
marque un questionnement, la modalité injonctive (ou jussive) un ordre.
La modalité exclamative exprime, quant à elle, une attitude affective du
locuteur à l’égard du contenu de son énoncé et vient se surajouter aux trois
types de modalité ci-dessus : si l’on considère que sa marque distinctive à
l’écrit est le point d’exclamation et à l’oral une intonation ascendante ou
comportant un fort accent d’emphase sur la dernière syllabe, on peut
remarquer qu’elle se combine à des énoncés assertifs, interrogatifs et
jussifs, comme le montrent les énoncés suivants qui ponctuent une scène de
grande tension :
ROSINE
J’étouffe de fureur !
BARTHOLO
Quelle rage a-t-on d’apprendre ce qu’on craint toujours de savoir !
BARTHOLO
Qu’elle ignore au moins que je l’ai lue !
Beaumarchais, Le Barbier de Séville, II, 15.
☞ Dans cette scène de tension, la modalité exclamative marque
l’exacerbation des sentiments des deux personnages qui s’affrontent. Elle
exprime très fortement la subjectivité* du locuteur à l’intérieur de
l’affirmation, de l’interrogation rhétorique* et de l’ordre. On remarque que
la situation de communication est ici faussée puisque les trois répliques
constituent des apartés.
Remarque : la modalité interrogative peut recouvrir un faux
questionnement, notamment lorsqu’elle s’accompagne d’une négation.
Cette interrogation, dite « rhétorique » ou « oratoire », équivaut alors à
une affirmation plus forte que si elle était formulée à la modalité assertive :
Tout à coup elle découvrit, dans une boîte de satin noir, une superbe
rivière de diamants ; et son cœur se mit à battre d’un désir immodéré.
Ses mains tremblaient en la prenant. Elle l’attacha autour de sa gorge,
sur sa robe montante, et demeura en extase devant elle-même.
Maupassant, Contes et Nouvelles, « La Parure ».
L’IDENTITÉ DU LOCUTEUR
L’identification du je dans un texte littéraire est celle qui pose le plus de
difficultés. Les pages qui suivent ont pour objet de récapituler à quelles
instances énonciatives ce je peut renvoyer.
Auteur et narrateur
Dans sa préface au Lys dans la vallée, Balzac écrit : « Dans plusieurs
fragments de son œuvre l’auteur produit un personnage qui raconte en son
nom [...] Mais le "moi" n’est pas sans danger pour l’auteur. Si la masse
lisante s’est agrandie, la somme de l’intelligence publique n’a pas augmenté
en proportion. Malgré l’autorité de la chose jugée, beaucoup de personnes
se donnent encore aujourd’hui le ridicule de rendre un écrivain complice de
sentiments qu’il attribue à ses personnages ; et s’il emploie le "je" presque
toutes sont tentées de le confondre avec le narrateur [...] ».
L’utilisation du je dans un texte de fiction vise en effet à confondre
l’auteur et celui qui raconte, c’est-à-dire le narrateur, auprès du lecteur
naïf, alors qu’il n’en est rien :
Condamné à mort !
Voilà cinq semaines que j’habite avec cette pensée, toujours seul avec
elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids !
Hugo, Le Dernier Jour d’un condamné.
☞ Celui qui dit je a tué dans des circonstances mystérieuses, pleure sur
l’avenir de sa fille unique... et meurt en laissant le roman inachevé. Cet
homme sans nom qui raconte son histoire est un personnage de roman
inventé par l’auteur qui lui délègue le rôle de narrateur ; il n’est bien sûr pas
Hugo. L’auteur par ce choix narratif veut faire croire « qu’il y a eu, en effet,
une liasse de papiers jaunes et inégaux sur lesquels on a trouvé, enregistrées
une à une, les dernières pensées d’un misérable » ; le lecteur semble
entendre directement la voix du héros, d’où une plus grande intimité avec le
narrateur auquel il s’identifie, une plus grande émotion aussi, qui permet à
Hugo de mieux transmettre son « plaidoyer, direct ou indirect, comme on
voudra, pour l’abolition de la peine de mort » (Préface). Le je permet aussi
à Hugo « d’élaguer de toutes parts dans son sujet le contingent, le nom
propre, et se borner à plaider la cause d’un condamné quelconque » (ibid.).
Narrateur et personnage
Un récit raconte, par le biais du discours du narrateur, l’histoire de
personnages. Mais alors que la voix du narrateur et celle du personnage sont
distinctes dans un roman à la troisième personne, excepté dans le discours
indirect libre*, dans un roman à la première personne, une même personne
grammaticale désigne le narrateur et le personnage. Cependant il faut
distinguer le sujet de l’énonciation – le « moi narrateur » – du sujet de
l’énoncé – le « moi de l’action », dont parle Léo Spitzer (Études de style).
Le premier use des temps du discours (cf. p. 72) et vise un destinataire plus
ou moins explicite, tandis qu’au second, lié aux temps du récit (cf. p. 73),
on pourrait aisément substituer un il :
Je fus plusieurs jours sans oser jeter les yeux sur la maudite tapisserie.
Il ne serait peut-être pas inutile, pour rendre vraisemblable
l’invraisemblable histoire que je vais raconter, d’apprendre à mes belles
lectrices qu’à cette époque j’étais en vérité un assez joli garçon. J’avais
les yeux les plus beaux du monde : je le dis parce qu’on me l’a dit ; un
teint un peu plus frais que celui que j’ai maintenant, un vrai teint
d’œillet ; une chevelure brune et bouclée que j’ai encore, et dix-sept ans
que je n’ai plus.
Gautier, Contes et Récits fantastiques, « Omphale ».
L’IDENTITÉ DU DESTINATAIRE
Destinataire et lecteur
Le lecteur en tant que personne qui lit effectivement une œuvre ne doit
pas être confondu avec le destinataire désigné de celle-ci.
Le « lecteur virtuel »
Le « lecteur », présent dans la Fable « Les Deux Amis » de La Fontaine,
dans les Confessions de Rousseau ou dans le poème « Au lecteur » des
Fleurs du Mal de Baudelaire, est une construction du locuteur, c’est-à-dire
du fabuliste, de l’autobiographe ou du poète : il fonctionne dans l’univers
du texte. Ce « lecteur virtuel », comme l’appelle G. Genette (Nouveau
Discours du récit, Le Seuil, 1983) est néanmoins un « relais [...] avec le
lecteur réel » (ibid.) qui peut prendre pour lui cette adresse.
Le « narrataire intradiégétique »
Dans un récit de fiction, le narrateur peut explicitement viser un
destinataire précis, interne à la diégèse, c’est-à-dire à l’histoire, au contenu
narratif, que Genette appelle le narrataire intradiégétique. C’est le cas
dans le roman épistolaire : dans les Lettres portugaises de Guilleragues, le
narrateur est une religieuse portugaise et ses lettres ne prennent pas en
compte le lecteur virtuel mais s’adressent à celui qui l’a trahie. La Chute de
Camus se présente comme le monologue d’un narrateur je, Clamence,
s’adressant à un interlocuteur muet qui se révèle peu à peu être un double
du narrateur :
Je vous reverrai demain, sans doute. Demain, oui, c’est cela. Non, non,
je ne puis rester.
Camus, La Chute.
La focalisation
Il y avait un bon quart d’heure qu’il était là, quand il vit en face de lui,
de l’autre côté de la ruelle, une porte ouverte et, au fond de l’ombre très
noire, une sorte de corsage ou de chemise qui s’agitait faiblement.
Giono, Le Hussard sur le toit, I.
Cette figure annonçait une finesse dangereuse, une probité sans chaleur,
l’égoïsme d’un homme habitué à concentrer ses sentiments dans la
jouissance de l’avarice et sur le seul être qui lui fût réellement de
quelque chose, sa fille Eugénie, sa seule héritière.
Balzac, Eugénie Grandet.
Focalisation et incipit
Dans le début de roman ou incipit, le héros peut être présenté de
l’extérieur et rester dans un premier temps inconnu (cf. ci-dessus le début
de La Peau de chagrin) : le lecteur a donc l’impression d’entrer dans
l’histoire en même temps que le narrateur. Peut suivre une focalisation zéro,
permettant la présentation détaillée du caractère du héros. L’entrée dans
l’histoire est alors progressive, la dramatisation est retardée, ce qui produit
un effet d’attente tandis que le lecteur acquiert un savoir parfait sur le
personnage. Dans nombre de romans balzaciens, comme Le Curé de
village, cette focalisation zéro est immédiate, puisque l’auteur veut insérer
ses personnages dans un contexte historique, politique, etc., qui les
explique.
Dans d’autres cas, la narration dans l’incipit utilise la focalisation
interne. L’information sur le personnage est alors minimale, le lecteur est
projeté dans une histoire en cours et l’effet de dramatisation est immédiat :
S’il raconte une histoire dans laquelle il joue un rôle secondaire, on parle
de narrateur homodiégétique : ainsi François Seurel dans Le Grand
Meaulnes.
Quand il est le héros de son récit, le narrateur est autodiégétique :
Je ne vous dirai point combien de fois elle broncha et eut peur de son
ombre ; il suffit que vous sachiez qu’il s’égara dans un bois et que,
tantôt ne voyant goutte et tantôt éclairé de la lune, il trouva le jour
auprès d’une métairie où il jugea à propos de faire repaître son cheval et
où nous le laisserons.
Scarron, Le Roman comique, chap. II, deuxième partie.
Le discours direct
Le locuteur peut choisir de citer fidèlement les paroles qu’il rapporte :
c’est le discours direct. Le décalage énonciatif est alors marqué par les
guillemets (à partir du XIXe siècle) ou, dans le cas où les paroles de plusieurs
personnages s’enchaînent, par le tiret. Le narrateur peut indiquer le
changement de locuteur soit par une phrase introductive comportant un acte
de parole, soit par une incise, dans laquelle le sujet est postposé au verbe, à
l’intérieur ou à la fin du discours direct et qui, à la manière d’une
didascalie, donne des indications sur le ton de la voix, l’attitude ou les
sentiments du personnage. Parfois, pour éviter la répétition pesante de ces
indications, le narrateur peut être plus allusif :
☞ Le discours direct est très présent chez Hugo, car la langue parlée par
chacun rend son appartenance sociale et sa psychologie immédiatement
sensibles, comme ici : la « misère » se manifeste aussi par la langue, en
particulier par celle qui « clopine » (Hugo), l’argot.
Le discours indirect
En recourant au discours indirect, le narrateur choisit de ne pas donner la
parole à ses personnages mais de transcrire leur propos à sa guise. Cela se
marque sur le plan formel :
par la subordination syntaxique : le discours est rapporté dans une
proposition subordonnée dépendant d’une proposition principale dont le
verbe indique la prise de parole (« il dit que ») ;
par la substitution à toutes les modalités possibles dans le discours direct
de la seule modalité assertive (« il lui demanda s’il viendrait » au lieu de
« viendra-t-il ? ») ;
par la transposition des déictiques* dans le cadre énonciatif du récit
(d’« aujourd’hui » à « ce jour-là », de « ici » à « là ») ;
par la transposition des personnes si le narrateur et le personnage ne sont
pas confondus : « je » et « tu » deviennent « il », les possessifs suivant la
même transformation ;
par la transposition des temps qui sont alors repérés par rapport au
moment du récit (« Il déclara : "J’ai fait, je fais, je ferai cela" » devient
« Il déclara qu’il avait fait, qu’il faisait, qu’il ferait cela ») : ces formes
en ais marquent toutes un « décalage [...] dans l’ordre de la prise en
charge énonciative » (Le Goffic, Points de vue sur l’imparfait),
puisqu’elles renvoient à un locuteur qui n’est pas le narrateur.
Le discours indirect, parce qu’il efface comme nous venons de le voir
toutes les marques formelles du discours qu’il rapporte en l’intégrant dans
le récit, permet au narrateur de filtrer les propos de son personnage : « Le
narrateur ne se contente pas de transposer les paroles en propositions
subordonnées, mais [...] il les condense, les intègre à son propre discours, et
donc les interprète en son propre style » (G. Genette, Figures III). Il en est
ainsi dans Manon Lescaut où le narrateur des Grieux s’interpose souvent
entre la parole des autres personnages, notamment celle de Manon, et le
lecteur :
Enfin, elle me dit qu’elle était sortie de ce lieu la dernière, pour cacher
son désordre, et que, ne suivant que le mouvement de son cœur et
l’impétuosité de ses désirs, elle était venue droit au séminaire, avec la
résolution d’y mourir si elle ne me trouvait pas disposé à lui pardonner.
Où trouver un barbare qu’un repentir si vif et si tendre n’eût pas
touché ?
Abbé Prévost, Manon Lescaut, première partie.
Remarques :
• La frontière entre discours indirect libre, discours direct et narration
pure est de plus en plus ténue dans le roman du XXe siècle :
Son père semblait enfin s’apercevoir qu’elle était là. Thérèse, d’un bref
regard, scruta ce visage sali de bile, ces joues hérissées de poils durs
d’un blanc jaune que les lanternes éclairaient vivement. Elle dit à voix
basse : « J’ai tant souffert ; je suis rompue ; » puis s’interrompit : à quoi
bon parler ? Il ne l’écoute plus ; ne la voit plus. Que lui importe ce que
Thérèse éprouve ? Cela seul compte : son ascension vers le Sénat
interrompue, compromise à cause de cette fille (toutes des hystériques
quand elles ne sont pas des idiotes). Heureusement, elle ne s’appelle
plus Larroque ; c’est une Desqueyroux. [...] Il prit le bras de Thérèse.
Mauriac, Thérèse Desqueyroux, I.
Non je ne descendrai pas non je ne veux pas voir le type tant pis si
scandale oh je suis bien dans mon bain il est trop chaud j’adore ça
tralala dommage j’arrive pas à siffler vraiment bien comme un garçon
oh je suis bien avec moi les tenant à deux mains je les aime j’en soupèse
l’abondance [...]
Albert Cohen, Belle du Seigneur, I, 18.
☞ Cohen va plus loin puisqu’il choisit une phrase sans clôture (toute
ponctuation, même finale, en est absente), à la syntaxe relâchée – les
substantifs ne sont pas tous déterminés (scandale), le pronom représentant
les n’a pas de référent* – pour traduire la pensée « la plus proche de
l’inconscient » (É. Dujardin, op. cit.) de son héroïne. Mais il faut néanmoins
souligner les limites (le roman s’adresse à un lecteur, donc il doit être
compréhensible) et la convention (la pensée peut-elle se verbaliser ?) d’un
tel choix.
3
LE VERBE
Phrases verbales, phrases nominales
Parce que le verbe est le constituant central de la phrase de base
permettant de décrire un procès*, la juxtaposition de plusieurs verbes dans
une phrase centre l’attention sur les procès :
Il rampait à plat ventre, galopait à quatre pattes, prenait son panier aux
dents, se tordait, glissait, ondulait, serpentait d’un mort à l’autre, et
vidait la giberne ou la cartouchière comme un singe ouvre une noix.
Hugo, Les Misérables, V, I, 15.
PÈRE UBU
[...] Qui es-tu, bouffre ?
LE NOBLE
Comte de Vitepsk.
PÈRE UBU
De combien sont tes revenus ?
LE NOBLE
Trois millions de rixdales.
PÈRE UBU
(Il le prend avec le crochet et le passe dans le trou.)
Condamné !
MÈRE UBU.
Quelle basse férocité !
Jarry, Ubu roi, III, 2.
☞ Dans les énoncés sans verbe de ce passage, seul figure le prédicat,
c’est-à-dire l’information principale ; le thème, c’est-à-dire le support
notionnel, ce dont on parle, est fourni par la situation d’énonciation* (les
didascalies* ou la réplique précédente). Ces constructions se rencontrent
surtout dans la comédie où le niveau de langue est plus relâché, et souvent,
comme ici, dans des moments de tension.
La notion d’aspect
Il faut aussi dans l’analyse d’une forme verbale prendre en considération
la notion d’aspect, c’est-à-dire la manière dont elle présente le procès. On
distinguera ainsi cinq aspects différents.
Le présent
Le présent évoque un procès contemporain de l’énonciation*. C’est
pourquoi il prédomine dès que l’acte d’énonciation ne se dissimule pas.
Ainsi, dans le roman à la première personne ou dans un récit
autobiographique (cf. p. 40, les passages au présent font entendre la voix du
narrateur au moment où il raconte, tandis que les passages au passé simple
présentent les procès séparés du moment de l’énonciation :
Mon premier souvenir date donc d’une fessée. Mon second est plein
d’étonnement et de larmes.
C’est au coin d’un feu de fagots, sous le manteau d’une vieille
cheminée, ma mère tricote dans un coin [...].
Jules Vallès, L’Enfant, I.
☞ Alors que les procès au présent des deux premières phrases ont pour
agent le narrateur, ensuite la narration semble « le fait du personnage »
(Ph. Lejeune, op. cit.). Ainsi que le souligne Ph. Lejeune, à cause de ce
mélange des voix, L’Enfant tient à la fois du journal ou du monologue
contemporain des événements, et du récit rétrospectif.
☞ L’imparfait qui ouvre cet incipit* fait pénétrer le lecteur dans une
action déjà commencée, in medias res*, mais « le terme du procès passé est
laissé totalement ignoré » (R. Martin). La succession des imparfaits (se
tenaient, observait, éprouvait), renforce l’effet d’attente produit par le
pronom anaphorique* ils, dépourvu de référent*. C’est le passé simple (dit)
qui introduit une rupture.
Mais, fouillant sous ses manches, Hamilcar tira deux larges coutelas ; et
à demi courbé, le pied gauche en avant, les yeux flamboyants, les dents
serrées, il les défiait, immobile sous le candélabre d’or.
Flaubert, Salammbô, VII.
Il choisit dans son armoire une chemise à col ouvert, vérifia si ses
souliers, si sa raquette, étaient valides ; et quelques instants plus tard, il
enfourchait sa bicyclette pour être plus vite au club.
R. Martin du Gard, Les Thibault, « La belle saison », VI.
Les doux souvenirs de mes beaux ans passés avec autant de tranquillité
que d’innocence, m’ont laissé mille impressions charmantes que j’aime
sans cesse à me rappeler.
Rousseau, Les Confessions, livre VII.
J’ai pris l’autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J’ai mangé au
restaurant, chez Céleste, comme d’habitude. [...] Quand je suis parti, ils
m’ont accompagné à la porte. [...] J’ai couru pour ne pas manquer le
départ.
Camus, L’Étranger, I, 1.
Le futur
Il faut signaler la présence récurrente du futur catégorique, temps du
discours qui situe le moment du procès postérieurement à l’énonciation*,
dans le discours amoureux en poésie. Dans ce dialogue fictif avec l’être
aimé, ce temps, qui présente un procès non constaté comme néanmoins
certain, assimile un simple rêve à deux à une prophétie, en le plaçant à
l’intérieur de l’univers de croyance de l’énonciateur :
L’infinitif de narration
LES DÉTERMINANTS
Les déterminants permettent d’actualiser le nom, le faisant passer de la
langue, tel qu’on le trouve dans un dictionnaire par exemple, dans le
discours, et de désigner un « objet » réel particulier auquel renvoie le
locuteur : le référent. Le système des déterminants est porteur d’un grand
nombre de valeurs référentielles.
Les articles
☞ Les substantifs, quand ils sont déterminés, le sont tous par un article
défini : les lieux (palais, camps d’ombre, bois) et les éléments rencontrés
par le poète dans son vagabondage (haleines, pierreries, ailes) sont
supposés connus alors qu’ils gardent leur mystère, ce qui contribue à créer
une atmosphère onirique et poétique. Ce poème peut en effet être interprété
à la fois comme le récit d’un rêve puisque la dernière phrase est : « Au
réveil il était midi », et comme celui d’une extase poétique.
On retrouve ces pluriels en quantité dans le style artiste* pour les raisons
citées ci-contre :
L’absence de déterminant
L’absence de déterminant, dans les cas où elle n’est pas imposée par des
contraintes de langue (comme après certaines prépositions), peut constituer
un choix stylistique :
elle apparaît dans certaines phrases nominales*, notamment descriptives,
qui constituent des énoncés abrégés où toute l’attention est centrée sur
les réalités auxquelles réfèrent les substantifs. Comme le remarque G.
Guillaume (Langage et Science du langage, Nizet, 1964), l’expressivité
s’accroît de par la réduction de l’expression grammaticale :
Profond silence, hors le frôlement des cartes et quelques cris du roi qui
se fâchait.
Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, IV, 38, 5.
☞ Ici se trouvent énumérés tous les poncifs qui traînaient dans les
romans populaires, « cette poussière » à laquelle Emma, adolescente, « se
graissa les mains » « dans les vieux cabinets de lecture » (ibid.), en prenant
pour des réalités ce qui n’est que virtuel : cette juxtaposition d’éléments
hétéroclites, tous visant à faire « pleurer Margot », est une marque de
l’ironie* de Flaubert vis-à-vis des rêves de son héroïne.
TARTUFFE.
(Il tire un mouchoir de sa poche.)
Ah ! mon Dieu, je vous prie,
Avant que de parler prenez-moi ce mouchoir.
DORINE.
Comment ?
TARTUFFE.
Couvrez ce sein que je ne saurais voir.
Molière, Tartuffe, III.
Le pays était plat, pâle, fade et mouillé. Une ville basse, hérissée de
clochers d’église, commençait à se montrer derrière un rideau
d’oseraies. Les marécages alternaient avec les prairies, les saules
blanchâtres avec les peupliers jaunissants. Une rivière coulait à droite et
roulait lourdement des eaux bourbeuses entre des berges souillées de
limon.
Fromentin, Dominique, IV.
Lorsque l’adjectif qualificatif épithète n’a pas une place fixe, comme
c’est le cas par exemple pour les adjectifs classifiants* ou suivis d’un
complément, toujours postposés, sa position prend souvent une valeur
stylistique.
Lorsqu’il est placé devant le substantif, il acquiert une valeur subjective,
affective, appréciative ou d’insistance – il est d’ailleurs notable que
l’antéposition de l’épithète a toujours été considérée comme un trait propre
à la langue littéraire – alors que, postposé au substantif, il a une valeur plus
objective, simplement descriptive :
Tu/vous
ORESTE.
Vous seule avez poussé les coups…
HERMIONE.
Tais-toi, perfide,
Et n’impute qu’à toi ton lâche parricide.
Racine, Andromaque, V, 3.
On
Ce pronom est rangé à la fois parmi les personnels à cause de son
fonctionnement syntaxique et parmi les indéfinis parce qu’il marque
l’indétermination : il vient du latin homo, « l’homme », et désignait
primitivement « l’homme en général, les hommes ». Mais parce qu’il
permet d’éviter la désignation directe de la personne, il peut se substituer
par énallage* à tous les autres pronoms personnels. C’est pourquoi, quand il
apparaît dans un texte, il faut d’une part préciser quand c’est possible la ou
les personne(s) à laquelle (auxquelles) il renvoie indirectement, et d’autre
part – surtout – mettre en lumière les raisons qui poussent le locuteur à
dissimuler ainsi le référent*.
• On peut renvoyer à la troisième personne du singulier :
Le discours ironique use aussi du pronom indéfini qui permet une mise à
distance (cf. p. 90) :
[...] alors on entama des chansons, on fit des tours de force, on portait
des poids, on passait sous son pouce, on essayait à soulever les
charrettes sur ses épaules, on disait des gaudrioles, on embrassait les
dames.
Flaubert, Madame Bovary, I, 4.
LA PHRASE
La phrase est une « unité stylistique » (G. Antoine, La Coordination en
français, t. I). Elle forme en effet le noyau central où se rassemblent tous les
procédés propres au style d’un écrivain. La manière dont les mots
s’organisent dans cette « unité de discours » (É. Benveniste, op. cit.), la
combinaison de la syntaxe et du rythme de la phrase construisent le sens de
l’énoncé.
Remarque : on peut distinguer « phrase » et « énoncé », qui sont souvent
employés de manière synonyme, en ce que la phrase est une catégorie
abstraite et l’énoncé « le résultat concret d’un acte de parole individuel »
(A. Sancier, D. Denis, Grammaire du français, Le Livre de poche, 1994).
Parataxe et hypotaxe
Lorsque la phrase est composée d’une seule proposition, elle est appelée
phrase simple. Quand elle est composée de plusieurs propositions, elle est
dite phrase complexe. Les propositions peuvent alors être sur le même plan
syntaxique, indépendantes les unes des autres, juxtaposées ou coordonnées.
On parle dans ce cas de parataxe, c’est-à-dire d’absence de rapports de
subordination.
L’usage de la parataxe est très fréquent au XVIIIe siècle, associé à
l’absence de coordination, appelée asyndète (nom féminin) : cette écriture a
reçu le nom de « style coupé ». L’absence de liens précisant le rapport entre
les différentes propositions, donne l’impression d’un refus d’interprétation
de la part du locuteur et participe d’une esthétique de l’implicite. Le texte
polémique du XVIIIe siècle passe très souvent par ce style. Voltaire « préfère
la notation d’un fait brut à l’explication de ses causes [...] et [...] cherche à
laisser le lecteur découvrir par lui-même la conclusion des faits présentés ».
(J.-R. Monty, « Étude sur le style polémique de Voltaire », Studies on
Voltaire and the Eighteenth Century, 44, 1966) :
Dans un récit au passé simple, parce que le seul ordre linéaire suffit pour
ce temps à marquer la succession chronologique des procès, l’asyndète
insiste sur leur enchaînement, sur la relation de cause à effet :
L’emphase syntaxique
Les mots dans la phrase s’organisent selon un ordre canonique : sujet,
verbe, complément d’objet ou attribut, complément d’objet indirect,
compléments circonstanciels. Le déplacement d’un constituant syntaxique
aboutit à sa mise en relief. Mais, parce que, contrairement à ce qui se passe
dans une langue casuelle (c’est-à-dire comportant des déclinaisons), en
français l’ordre des mots est une marque de la fonction syntaxique – « le
chat mange la souris » n’a pas le même sens que « la souris mange le chat »
– peu de constituants sont mobiles, à part la majorité des circonstanciels et
les épithètes détachées. Or leur place en tête de phrase entraîne plus un effet
d’attente des constituants essentiels de la phrase que leur propre mise en
relief :
☞ Dans ce poème qui repose tout entier sur un effet de suspens quant à
la nature du rendez-vous du poète et à l’identité du destinataire (cf. p. 40)
du discours, les compléments circonstanciels de temps détachés en tête de
phrase font attendre l’information essentielle ou prédicat que constitue le
procès, mis encore en relief par son rejet dans le vers suivant.
Le rythme de la phrase
☞ Les structures binaires qui organisent cette phrase servent ici, outre
leur aspect oratoire, à mettre en lumière « une nature vouée à l’instabilité »,
une « psychologie à renversement » (M. Raymond, Jean-Jacques Rousseau.
La quête de soi et la rêverie, Corti, 1962).
☞ La structure ternaire qui « envisage une question sous toutes ses faces,
en épuise tous les aspects » (Grammont, « Études sur le vers français »,
Revue des langues romanes, t. XLVI, 1903) est un trait caractéristique du
style de Fromentin.
sur des récurrences de sons consonantiques (allitérations) ou vocaliques
(assonances) :
[...] des coups de becs contre le tronc des chênes, des froissements
d’animaux qui marchent, broutent ou broient entre leurs dents les
noyaux des fruits, des bruissements d’ondes, de faibles gémissements,
de sourds meuglements, de doux roucoulements, remplissent ces déserts
d’une sauvage et tendre harmonie.
Chateaubriand, Atala, Prologue.
Obsédés par les pierres du sentier, ne pensant qu’à ne pas secouer les
civières, ils avançaient au pas, d’un pas ordonné et ralenti à chaque
rampe ; et ce rythme accordé à la douleur sur un si long chemin semblait
emplir cette gorge immense où criaient là-haut les derniers oiseaux,
comme l’eût empli le battement solennel des tambours d’une marche
funèbre.
Malraux, L’Espoir, III, 3.
La période
La période, structure caractéristique du « grand style » du siècle de Louis
XIV puis de tout discours rhétorique, peut se définir comme une phrase
complexe qui se caractérise par :
une unité sémantique : elle forme une unité de sens, celui-ci n’étant
vraiment complet qu’à la fin de la phrase. Dans le texte de Malraux ci-
dessus, l’apodose donne son sens symbolique et sa grandeur à la scène
évoquée dans la protase ;
une unité syntaxique : elle forme une phrase complète, composée de
diverses propositions, indépendantes, principales et subordonnées,
souvent liées par des connecteurs* (mais, puis, car, ainsi…) qui
soulignent la cohésion de la structure. La conjonction et dans le texte de
Malraux établit un lien logique entre les deux parties de la phrase ;
une unité rythmique fondée sur des parallélismes, une égalité des
membres de la phrase ou au contraire un volume croissant ou décroissant
de ceux-ci :
Ô mort, nous te rendons grâces des lumières que tu répands sur notre
ignorance : toi seule nous convaincs de notre bassesse, toi seule nous
fais connaître notre dignité : si l’homme s’estime trop, tu sais déprimer
son orgueil ; si l’homme se méprise trop, tu sais relever son courage ; et
pour réduire toutes ses pensées à un juste tempérament, tu lui apprends
ces deux vérités, qui lui ouvrent les yeux pour se bien connaître : qu’il
est méprisable en tant qu’il passe, et infiniment estimable en tant qu’il
aboutit à l’éternité.
Bossuet, Sermon sur la mort.
DÉNOTATION ET CONNOTATION
Dénotation
Un mot a un sens invariant et non subjectif, qu’on peut analyser hors du
discours : c’est ce que l’on appelle sa dénotation, ainsi la définition du mot
cheval donnée ci-dessus.
Pour établir cette dénotation, il faut « identifier les principales unités de
sens qui constituent sa définition » (C. Fromilhague, A. Sancier,
Introduction à l’analyse stylistique, Dunod, 1991), appelées sèmes. On
distingue les sèmes génériques (pour un substantif : concret/abstrait ;
inanimé/animé ; animal/humain ; masculin/féminin, etc.) et les sèmes
spécifiques, c’est-à-dire ses sens particuliers comme « animal de monture »
qui distinguent par exemple le cheval de la vache ou de l’antilope.
L’étude des sèmes génériques récurrents à travers le lexique dans un
texte peut permettre de caractériser l’univers de référence créé par
l’écrivain :
Antonymie et synonymie
L’antonymie est l’opposition sémantique entre deux termes appartenant
à la même partie du discours : arriver/partir ; petit/grand ; garçon/fille.
La synonymie est l’équivalence sémantique entre deux mots appartenant
à la même partie du discours. Mais une synonymie totale ne peut exister, car
deux mots ne peuvent avoir tous leurs sèmes* en commun : au sème
« gaieté » de l’adjectif gai, son synonyme jovial ajoute un sème
« d’enjouement communicatif ». C’est pourquoi certains préfèrent parler de
parasynonyme.
Énumérations, structures binaires et ternaires mettent souvent en liaison
synonymes* et/ou antonymes* :
Hyperonymie et hyponymie
Un hyperonyme est un mot générique dont le sens inclut celui d’autres
mots : animal est l’hyperonyme de tous les noms d’animaux.
Un hyponyme est un mot dont le sens est inclus dans celui d’un autre
mot : cheval, hibou sont des hyponymes d’animal.
Le recours systématique aux hyponymes marque un souci d’analyse, de
pittoresque ou d’exhaustivité ; le recours aux hyperonymes donne au texte
une portée généralisante :
Polysémie
La polysémie est, pour un terme donné, la coexistence de plusieurs sens
dérivant clairement l’un de l’autre. Les mots monosémiques, qui n’ont
qu’un seul signifié, sont très rares : ce sont principalement les noms propres
et les noms savants. Le substantif cœur peut signifier « organe central de
l’appareil circulatoire », « partie centrale de quelque chose », « bonté », au
XVIIe siècle « courage ».
Remarque : il faut être très attentif à l’évolution sémantique de certains
mots dans le temps. Leur sens classique, étymologique, est souvent plus fort
que leur sens courant actuel. Ainsi les adjectifs étonnant et formidable ont,
au XVIIe siècle et pour le second jusqu’au XIXe, le sens de « qui frappe
comme le tonnerre », « qui suscite la terreur ».
La polysémie, engendrant des jeux de mots, est à l’origine de certaines
figures de style comme :
la syllepse de sens dans laquelle un mot est employé à la fois au sens
propre et au sens figuré : cette figure est très fréquente dans la littérature
baroque et précieuse où flamme et feu, entre autres, renvoient à la fois à
l’un des quatre éléments et à l’amour ;
l’antanaclase (mot féminin) ou répétition d’un même mot pris en
différents sens : « C’est au cœur [milieu] de la société que l’on manque
le plus de cœur [charité] » (cité par H. Morier, op. cit.).
Connotation
Au sens premier de la dénotation peut s’ajouter un sens additionnel, sa
connotation. Ce sens est simplement suggéré et secondaire : ainsi môme a le
sens dénotatif de « enfant » et un signifié* supplémentaire, connotatif, qui
est l’appartenance à un registre* de langue familier. La connotation est
marque de subjectivité en ce qu’elle révèle la présence d’un locuteur et en
manifeste les particularités. Elle peut être liée à différents procédés.
Celui-ci avait pénétré sans plaisir dans l’eau froide, avait marqué un
temps d’arrêt comme s’immergeaient d’abord son pénis et ses couilles,
puis son nombril. Il s’était alors ondoyé le torse et foutu carrément à la
flotte.
J.-P. Manchette, Trois hommes à abattre.
L’INVENTION
Les arguments visent à persuader l’auditeur en se fondant :
sur l’ethos c’est-à-dire l’image que l’orateur donne de sa personne, qui
doit accroître sa crédibilité ;
sur le pathos, c’est-à-dire les passions qu’il suscite chez le récepteur ;
sur le logos, c’est-à-dire le raisonnement.
L’ethos et le pathos
L’ethos et le pathos jouent essentiellement au début et à la fin d’un
discours.
• L’ethos apparaît à chaque fois que le discours « est comme un miroir
qui représente l’Orateur » (Gibert, La Rhétorique ou les Règles de
l’éloquence, Paris, 1730) et se marque stylistiquement par la prédominance
du je :
Le logos
Le logos est l’organisation des arguments. Une partie de ceux-ci se
rangent dans des catégories formelles limitées, appelées « lieux » ou
« topoï » (« topos » au singulier) dans lesquels puise l’orateur pour étayer
son raisonnement. Les traités de rhétorique en retiennent généralement
sept :
la définition (cf. chez Pascal, p. 145),
la division (cf. chez La Fontaine, p. 141),
le genre et l’espèce (cf. chez Molière, p. 123),
la cause et l’effet (cf. chez Voltaire, p. 101),
la comparaison (cf. chez Ronsard, p. 25),
les contraires (cf. chez Rousseau, p. 106),
les circonstances (cf. chez Corneille, p. 21).
LA DISPOSITION
Les arguments sont ensuite mis en forme selon un plan canonique, dont
certaines subdivisions peuvent être réduites, supprimées ou développées
selon le sujet traité, mais qui correspond à la structure de la majorité des
discours « classiques » :
l’exorde, qui constitue le début du discours, dans lequel l’orateur
cherche à capter l’intérêt du public. Les procédés stylistiques pour y
parvenir peuvent être l’apostrophe, la modalité* interrogative ou jussive,
et de manière générale tout ce qui est lié à l’ethos* et au pathos*
(cf. p. 143) ;
la narration, qui expose les faits ;
la confirmation, qui présente les arguments de l’attaque et
éventuellement les objections de la défense dans une partie appelée
réfutation ;
la péroraison, constituant la fin du discours, qui doit elle aussi produire
l’émotion et a des caractéristiques stylistiques similaires à celle de
l’exorde :
L’ÉLOCUTION
C’est la partie de la rhétorique qui concerne le plus directement l’analyse
stylistique, avec les « figures », qui sont le principal instrument de « l’art de
bien dire ». La définition de la figure et la détermination des catégories de
figures suscitent bien des débats chez les théoriciens (cf. J.-J. Robrieux, Les
Figures de style et de rhétorique) dans lesquels nous ne pouvons entrer ici.
Nous rappellerons seulement :
que la notion « d’écart » par rapport à une « norme » revient dans la
plupart des analyses : « Les figures du discours sont les traits, les formes
ou les tours plus ou moins remarquables et d’un effet plus ou moins
heureux, par lesquels le discours, dans l’expression des idées, des
pensées ou des sentiments, s’éloigne plus ou moins de ce qui en eût été
l’expression simple et commune. » (Fontanier, Traité des figures du
discours, publié de 1818 à 1827). Il est néanmoins plus fructueux de
considérer qu’une figure est avant tout une « norme codée »
(C. Fromilhague, Les Figures de styles), repérable par cela même ;
que considérée à l’origine comme un simple ornement (cf. Du Marsais,
Des tropes ou Des différents sens, 1730), la figure a été sentie par
d’autres comme « un moyen d’expression nécessaire et inévitable »
(Molinié, Vocabulaire de la stylistique), c’est-à-dire comme la seule
expression adéquate à son objet ;
que toute classification est discutable (cf. G. Genette, Figures I) mais
constitue une commodité pédagogique. Celle que nous avons choisie
s’inspire de celle adoptée par la plupart des traités classiques jusqu’à la
fin du XIXe siècle (cf. Fontanier, op. cit.) ;
que les définitions varient selon les théoriciens et que, dans un ouvrage
d’initiation comme celui-ci, nous choisissons de présenter celle qui est la
plus communément admise, en ne répertoriant que les figures les plus
connues. Celles qui ont déjà été définies plus haut sont suivies d’un
astérisque, permettant au lecteur de se reporter à l’index.
• La parenthèse est l’insertion dans une phrase d’un élément qui rompt
la construction syntaxique. Celui-ci est souvent le fait d’un locuteur autre
que celui qui s’exprime dans le reste de l’énoncé ; le récit peut ainsi laisser
la place au discours et la parenthèse introduire la polyphonie* :
☞ Dans ce recueil dont le titre même est antithétique, Hugo insiste sur la
toute-puissance de l’amour par divers procédés d’amplification : des
constructions parallèles, dont une sous la forme d’un chiasme* dans le
deuxième vers, et des antithèses* (joie/larmes ; jeune homme/vieillard ;
maudit/adore).
Comparaison et métaphore
La comparaison n’est donc pas un trope, puisqu’elle n’opère pas un
transfert de sens mais rapproche des termes ou des notions au moyen d’un
outil de comparaison.
Le comparant doit toujours renvoyer à un référent* virtuel déterminé par
l’article* défini ou indéfini pour qu’il y ait figure : « tu es belle comme ta
mère » n’est pas une figure, « tu es belle comme le jour, comme une
déesse » en est une.
La métaphore, en revanche, est un trope, puisqu’elle opère un transfert
de sens d’un mot à un autre en vertu d’un rapport d’analogie : Hugo dans
Les Pauvres Gens peut dire que « la mer, c’est la forêt », parce qu’il établit
un rapport d’analogie entre la forêt où l’on risquait de se faire voler et la
mer où la tempête prive le pêcheur de poissons.
Une bonne façon d’analyser une métaphore ou une comparaison est de
rendre compte de leur fonctionnement syntaxique qui conditionne en partie
leur sens.
La comparaison est introduite soit par un lien syntaxique (comme, ainsi
que, de même que, pareil à, plus que), soit par un verbe modalisateur*
(ressembler, sembler, avoir l’air, on eût dit). Dans le deuxième cas, la
comparaison repose sur la subjectivité d’un locuteur :
Le ciel qui de bleu était devenu blanc, était de blanc devenu gris. On eût
dit une grande ardoise.
Hugo, Les Travailleurs de la mer, deuxième partie, III, VI.
☞ Hugo fait souvent intervenir un regard extérieur (cf. p. 47) qui observe
et interprète le monde qui « n’existe pas sans un sujet pour le voir, le
penser, sans un moi pour tenter de le structurer et d’en saisir les
correspondances » (M. Roman, M.-C. Bellosta, « Les Misérables » roman
pensif, Belin, 1995).
La métaphore peut établir une relation entre deux termes appartenant à la
même catégorie grammaticale, celle du nom ; elle peut alors être :
attributive :
le nom et le verbe :
le nom et l’adjectif :
Dans le flot de voyageurs qui coulait par saccades vers la sortie, elle
était la seule à ne pas se presser. Son sac de voyage à la main, la tête
dressée sous le voile de deuil, elle attendit son tour de tendre son billets
à l’employé, puis elle fit quelques pas (...).
a) Il ne se trouvait autour d’elle aucun homme qui pût lui inspirer une de
ces folies auxquelles les femmes se livrent, poussées par le désespoir
que leur cause une vie sans issue, sans événement, sans intérêt.
b) Il écrivit une de ces lettres folles où les jeunes gens opposent le
pistolet à un refus.
c) Ce gentilhomme était un de ces petits esprits doucement établis entre
l’inoffensive nullité qui comprend encore, et la fière stupidité qui ne
veut ni rien accepter ni rien entendre.
1. Relevez tous les adjectifs. Lesquels vous semblent étranges par rapport à
l’élément qu’ils qualifient ?
2. Quel est le mètre des vers du poème ? Combien de syllabes du vers
occupe l’adjectif « délicieusement » ? Dans quelle pièce de Molière des
personnages ridicules utilisent ces longs adverbes en –ment ? Quel est le
courant littéraire dont se moque Molière et qu’imite Verlaine ?
3. Relevez des procédés syntaxiques qui marquent un goût pour
l’expression rare, l’archaïsme.
4. En quoi tous ces éléments ont-ils leur place dans ce poème d’un recueil
intitulé Fêtes galantes ?
Thomas Diafoirus est venu avec son père demander à Argan la main de
sa fille.
1. Qu’ont en commun les termes suivants employés par Toinette :
divertissement, donner la comédie, galant ? En quoi l’expression donner
une dissection est-elle une bonne trouvaille de la part de Toinette ?
2. À quel registre appartiennent les termes dissection, prolifique, procréer,
bien conditionné (= pourvu des qualités requises) ? Quel effet produisent
ces termes dans le contexte où ils sont employés ?
3. Quelle est la figure de pensée qui domine dans ce passage ?
EXERCICE 9 – FIGURES DE STYLE
Relire « Les figures de construction » (p. 136).
Quel est l’effet produit par la polysyndète dans la première strophe de
cette pièce des Poèmes saturniens, de Verlaine, « Mon rêve familier » ?
RÉPONSES
Réponse 1
1. Les quatre premiers vers ont des rimes abba et forment un système clos,
présentant les deux personnages. Quatre alexandrins en rimes plates
développent la morale.
2. Les octosyllabes permettent une rupture dans le style héroï-comique de
la fable. Alors qu’une une réalité triviale – l’histoire de deux chiens – est
évoquée de manière solennelle, les octosyllabes sont consacrés à
l’évocation de Laridon : à un vers court, qui n’est pas un vers noble,
correspond un personnage dégénéré.
3. Il y a une opposition comique entre dons et Laridons aux deux derniers
vers de la fable, qui contribue à créer, avec le choix de l’apostrophe
solennelle ô, le style héroï-comique propre à cette fable.
Même si chez La Fontaine, rien n’est systématique, le choix des mètres
et des rimes appuie souvent le sens du propos.
Réponse 2
1. Harpagon commence par appeler le Ciel à son secours. Puis il s’adresse
à son argent comme à un être cher. Il s’adresse ensuite au public,
rompant l’illusion théâtrale. De manière encore plus subtile, il s’adresse
à différents groupes du public puisqu’il oppose vous (vous verrez) à ils
(qu’ils ont part).
2. Ces multiples interrogations traduisent le basculement d’Harpagon dans
la folie. Mais Molière n’a pas voulu créer une scène tragique et l’adresse
au spectateur, qui est brutalement introduit au cœur de l’intrigue, a un
effet comique.
3. Les interrogations partielles portent sur l’identité du voleur, le lieu où ce
voleur et le trésor se peuvent se trouver, ainsi que sur la nature des bruits
et des conversations autour d’Harpagon. Ces questions ne sont pas
rhétoriques : Harpagon souhaiterait que quelqu’un lui réponde ! Elles
marquent donc son obsession et sa déraison.
4. Quant aux interrogations totales, elles ont le plus souvent une structure
négative. La réponse est donc ainsi orientée, Harpagon incitant tout le
monde à lui répondre, à le renseigner.
Ainsi la multiplicité des destinataires, le nombre des questions et la
variété de leur forme contribuent à peindre l’état mental d’Harpagon,
totalement bouleversé par le vol de sa cassette.
Réponse 3
Cet emploi est intrigant : pourquoi présenter comme connu un
personnage inconnu du lecteur ?
Celui-ci aura la clé de l’énigme quelques lignes plus loin :
Réponse 4
Dans le deuxième incipit, le pronom personnel anaphorique il est
employé sans antécédent. Depuis le début du XXe siècle, les romanciers
usent fréquemment de ce procédé qui pique la curiosité du lecteur en incipit
de roman : qui est cette personne dont je ne sais rien, pas même le nom et à
propos de laquelle on me fait croire qu’on n’a pas besoin de me la
présenter ?
Réponse 5
Dans les Mémoires, Chateaubriand adopte souvent ce « style du
voyageur » (J.-M. Gautier, Le Style des Mémoires d’outre-tombe, Droz,
1959), avec des phrases nominales, des groupes nominaux sans
déterminants, pour traduire des impressions fugitives ou pour croquer
rapidement des lieux.
Réponse 6
1. Le groupe déterminé par un démonstratif est identifiable grâce à la
proposition relative qui suit (phrases a et b) ou le groupe adjectival qui
caractérise le substantif (phrase c)
Il y a passage de la présentation d’un individu (une femme, un homme,
un gentilhomme) à l’inscription de celui-ci dans un cadre plus vaste, par le
biais de la structure « un de ces », qui permet le passage du singulier au
pluriel généralisant.
La proposition relative dans a et b comporte :
un sujet au pluriel où le GN est déterminé par un article défini à valeur
généralisante : les femmes, les jeunes gens ;
un verbe au présent à valeur omnitemporelle (ou présent de vérité
générale) : se livrent, opposent.
Elle va dans le même sens de la généralisation que la proposition
principale. Dans la citation 3, la structure est un peu différente mais l’effet
est le même. La proposition relative a fait place à un participe passé
adjectivé, qui est totalement équivalent à la relative (on pourrait permuter
avec : un de ces petits esprits qui sont doucement établis… mais il y aurait
alors une avalanche peu élégante de propositions relatives !). La fin de la
phrase comporte elle aussi des marques de généralisation avec le présent de
vérité générale et les noms abstraits déterminés par l’article défini (la
nullité, la stupidité).
2. Ces phrases ont toutes une cadence majeure, avec des relatives de grande
ampleur, qui se s’achèvent sur un rythme ternaire (sans issue, sans
événement, sans intérêt) ou binaire (l’inoffensive nullité et la fière
stupidité ; ni rien accepter ni rien entendre) ou par une formule
surprenante, avec le lien établi par exemple dans la phrase b entre
pistolet et refus, qui a des allures de zeugme.
3. Comme l’écrit Balzac dans la préface de La Comédie Humaine, « il y a
des situations qui se présentent dans toutes les existences, des phases
typiques »…
Réponse 7
1. Qu’est-ce qu’un humble bassin ? une ombre bleue ? une chose (= un
baiser) à la fois immensément excessive et farouche ? Comment des
trompeurs peuvent-ils être exquis ? On remarque que les adjectifs ont
tous une valeur subjective et créent une atmosphère étrange. Les
adjectifs pâle, grêles, légers, doux, humble, bas avec les substantifs
nonchalance, lueurs, et les verbes ride, atténue contribuent à établir une
esthétique de la « fadeur » (cf. Jean-Pierre Richard, Poésie et
profondeur, « Fadeur de Verlaine »).
2. Le poème est en décasyllabes et « délicieusement » occupe le
2e hémistiche (4/6). Verlaine pastiche les tournures précieuses, avec les
adverbes intensifs si (si pâle, si grêles), très (très sec), les adverbes longs
(délicieusement, mis en valeur par la diérèse (dé-li-ci-eu-se-ment) ;
immensément) qui rappellent les adverbes emphatiques du jargon
précieux (cf. dans Les Précieuses ridicules, sc. 9 : « furieusement bien »,
« le sublime en est touché délicieusement », « effroyablement belles » et
l’épisode du sonnet de Trissotin dans Les Femmes savantes, III, 2 :
« Votre prudence est endormie, De traiter magnifiquement, Et de loger
superbement, Votre plus cruelle ennemie. »)
3. Verlaine cultive archaïsmes et constructions rares. La structure archaïque
aller + participe (qui vont flottant) est une tournure fréquente chez lui,
qui crée un mouvement dans la description (même si le sens est duratif,
il reste quelque chose du sens du verbe de mouvement). La construction
nous parvient bleue est rare elle aussi et comporte également un sème de
mouvement. Les emplois des relatifs de qui, lequel sont également
archaïsants.
4. Ce cinquième poème, intitulé « À la promenade », comme le fut une
gravure d’après Watteau, un des peintres de la galanterie du XVIIIe siècle,
fait partie d’un recueil qui a été souvent considéré par ses contemporains
comme une exquise « transposition d’art » offrant « la sensation juste
que donnent les tableaux de Lancret de Watteau » (Philippe Dauriac,
dans Le Monde Illustré du 26 juin 1869).
Réponse 8
1. Les termes employés par Toinette font allusion à la vie mondaine et
galante. L’expression forgée par Toinette donner une dissection (avec
l’article indéfini) mise en parallèle avec l’expression figée donner la
comédie (avec l’article défini) souligne le ridicule du personnage de
Thomas Diafoirus qui ne connaît pas les convenances de la conversation
galante.
2. Les termes dissection, prolifique, procréer, bien conditionné
appartiennent au langage médical et font allusion à des réalités du corps
triviales : le cadavre, la reproduction à la place de l’amour, l’homme
assimilé à un étalon, et l’éventuelle débilité de la descendance évoquée
en creux. Là encore ces termes montrent que Thomas Diafoirus et son
père ne savent pas adapter leur discours à leur destinataire, et cela suscite
le rire.
3. La figure de pensée qui domine est l’ironie, avec le discours de Toinette,
qui ne cesse de faire croire qu’elle adhère aux propos des Diafoirus,
notamment dans sa dernière réplique qui est en fait une attaque contre les
médecins charlatans.
Réponse 9
Verlaine aime ce procédé qui donne à la fois l’impression d’un style un
peu familier, de la confidence, d’un propos qui se construit au fil de la
plume, tandis que se précise la pensée ou le tableau qu’il imagine. Ici cette
répétition traduit également l’obsession de recherche de la figure de la
femme aimée idéale.
Réponse 10
Un certain nombre de procédés stylistiques marquent la répétition
d’événements tristes et contribuent donc à souligner la monotonie et la
tristesse de l’existence de la jeune femme :
répétition dans une structure ternaire de la même construction (la même
+ nom),
adjectifs marquant la durée (continuelles, incessante) qui s’appliquent
tous deux au mauvais temps, réel ou métaphorique (averses, pluie),
locution adverbiale sans cesse qui est de la même famille lexicale que
incessante et qui s’applique à la chute des feuilles,
imparfait qui inscrit cette description pleine de mélancolie dans la durée.
EXEMPLES D’ANALYSE STYLISTIQUE
Le verbe
Le présent de vérité générale (v. 1 et 2) et d’habitude (str. 2 : avec
l’adverbe parfois) fait place à un présent d’énonciation* (v. 11 à 20 et
v. 28). Dans les deux dernières strophes apparaît le futur prophétique.
Les déterminants
Les articles indéfinis prédominent dans la première partie : le substantif
ainsi déterminé reste d’une certaine manière virtuel (un coffret, une maison,
un flacon, un vieil amour).
Les adjectifs
Les caractérisants du nom sont très nombreux et prennent la forme
d’adjectifs non classifiants* pour la plupart, évaluatifs*, axiologiques*, de
sens dépréciatif (âcre, ranci, sale, etc.). Les seuls qui soient laudatifs
(charmant, aimable, cher) sont associés à des substantifs à connotation*
dépréciative, dans des oxymores* (cf. ci-après).
La phrase
Des phrases courtes, ne respectant pas le cadre métrique, ouvrent le
poème et réapparaissent dans la strophe 4.
La phrase déborde du cadre de la strophe dans les strophes 1-2 et 6-7. La
protase* est plus longue que l’apodose*, produisant un effet de chute,
accentué par l’enjambement* strophique pour la seconde occurrence ; les
deux segments exclamatifs qui suivent (v. 26 à 28) sont à rattacher à ce qui
précède ; cette perturbation du cadre syntaxique va de pair avec la modalité*
exclamative.
La phrase est souvent complexe*, avec des propositions subordonnées
qui sont essentiellement des relatives adjectives constituant des expansions*
du substantif.
Le verbe
Dans un texte descriptif, il n’est pas étonnant que l’imparfait domine,
puisque, par son aspect duratif, il permet de constituer les procès en toile de
fond. Mais, parce que les éléments sont perçus par Florent et que cette
perception s’inscrit dans un temps en mouvement, d’autres temps verbaux
apparaissent :
le passé simple (1. 13, 17, etc.), soulignant que la description n’est pas
coupée de la diégèse* : Florent est en train d’errer dans les Halles et ce
qu’il voit provoque une réaction chez lui ;
le plus-que-parfait (1. 14), qui marque un retour en arrière par rapport au
moment décrit, et qui souligne la transformation du marché des Halles au
fil des heures, transformation que les sens exacerbés du personnage
jugent inquiétante.
Parce que la description est chronologique et afin de marquer une étape,
Zola emploie l’adverbe maintenant avec l’imparfait, trait d’écriture
particulier aux naturalistes, comme nous l’avons vu (cf. p. 76) : il contribue
à rapprocher le moment de la diégèse de celui de la narration et à créer un
sentiment de proximité entre le lecteur et le personnage.
Les déterminants
L’article défini, très employé, présente le monde des Halles comme
connu du lecteur ; il a une valeur générique et donne une vision globale et
collective des différents éléments cités. Les déterminants pluriel dominent,
y compris avec des noms non nombrables, en particulier des noms abstraits
(1. 6 : les beurres ; 1. 9 : des pâleurs ; 1. 16 : de nouvelles et incessantes
profondeurs de nourriture). Vigueurs (1. 10), non déterminé, est lui aussi au
pluriel. Ce trait d’écriture propre au style artiste, traduisant la volonté de
s’écarter de la norme, d’une part souligne la débauche de nourriture dans les
Halles, d’autre part tire vers le concret des éléments abstraits : c’est le
triomphe de la matière.
Le démonstratif qui détermine le dernier élément descriptif du
paragraphe (1. 18) a valeur à la fois de déictique* et d’anaphorique* : il fait
référence à un élément qui n’a cessé d’être évoqué tout au long de ce
passage (l’éveil des Halles) tout en lui donnant une nouvelle caractérisation
(il est présenté ici comme fulgurant).
La phrase
La phrase simple domine (1. 4 : À droite, à gauche… ; 1. 14 : La mer…),
ainsi que la parataxe* lorsque la phrase est complexe (1. 9 : Les cœurs
élargis…) : il y a juxtaposition de notations diverses pour décrire le « ventre
de Paris ». L’énumération ouverte est fréquente, traduisant l’idée d’une
débauche infinie de nourriture ou le désarroi sans fond du personnage
(1. 15-16 : aveuglé…).
L’avant-dernière phrase du paragraphe constitue une période* qui clôt
fortement l’épisode descriptif. Sémantiquement elle développe
conjointement deux éléments antithétiques : « mourir de faim » et « Paris
gorgé ». Rythmiquement, elle se construit par masses croissantes (de
aveuglé à devinant… de nourriture ; de dans Paris gorgé à dans ce réveil
fulgurant des Halles), et par structures binaires (aveuglé, noyé ; les oreilles,
l’estomac ; nouvelles et incessantes ; il demanda grâce et une folle douleur
le prit ; dans Paris et dans ce réveil). Protase* et apodose* sont équilibrées,
l’acmé* se situant sur le mot grâce, seul recours de Florent, innocent écrasé
par la société.
La ponctuation faible de la virgule est abondante, hachant la phrase,
procédé propre à l’écriture artiste, qui donne l’impression que l’écrivain
procède par petites touches successives, à la manière du peintre
impressionniste.
Conclusion : Cette description des Halles – la première du roman,
puisqu’on est au chapitre 1 – traduit l’abondance et le mouvement, et pose
d’emblée ce « ventre » comme un organe colossal et monstrueux, vivant et
menaçant.
Le verbe
Une série d’impératifs programmatifs débute au v. 14. Elle marque un
deuxième mouvement dans la tirade : aux reproches succèdent les ordres.
La juxtaposition de plusieurs impératifs au v. 24, rend les injonctions de
plus en plus pressantes et signale ainsi la péroraison* (cf. ci-dessous). Le
discours de Nicomède passe du présent (je crains, v. 1) au conditionnel
(v. 4), marquant le potentiel dans une hypothèse menaçante, puis au passé
composé (v. 8, v. 13) qui indique que le présent d’Attale (son amour pour
Laodice), est, quoi qu’il en pense, inexorablement lié à son passé (son
éducation de citoyen romain).
Les déterminants
Les déterminants possessifs de la 3e personne du singulier occupent une
grande place. Ils présentent Rome comme un maître à qui tout appartient.
Prince, Rois, Reines sont quant à eux, à l’exception d’une occurrence
(v. 17), déterminés soit par l’article indéfini (v. 9) soit par l’article défini
pluriel (v. 25) ou bien ne sont pas déterminés (v. 10). Toutes ces
déterminations revêtent une valeur péjorative en transformant une élite en
une multitude.
La phrase
La complémentation rapproche des termes antagonistes – éclat et injure,
déshonorant et amour d’une reine ; Princes, Rois et moindres bourgeois ;
ignominie et reine d’Arménie – et opère ainsi un renversement des valeurs,
parce que Nicomède, faisant semblant d’épouser le point de vue de Rome,
met en lumière les contradictions d’Attale qui veut être romain mais aimer
en roi.
Aux trois phrases courtes des vers 8 à 13 succède une phrase plus ample
et plus complexe, avec imbrication de subordonnées, correspondant au
programme de conduite que donne ironiquement Nicomède à Attale.
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INDEX
A
acmé, 108
action, 128
actualisation, 70
adjectif,
affectif, 90
axiologique, 91
classifiant, 90
évaluatif, 91
objectif, 90
subjectif, 90
allégorie, 147
allitérations, 107
allocutaire, 31
anacoluthe, 139
anadiplose, 138
anaphore, 83
anaphore fidèle, 88
anaphore grammaticale, 137
anaphore rhétorique, 137
antanaclase, 118
antépiphore, 137
antiphrase, 150
antithèse, 143
antonomase, 149
antonymie, 115
aphérèse, 135
apocope, 135
apodose, 108
archaïsme, 119
aspect accompli, 69
aspect global, 69
aspect imperfectif, 70
aspect inaccompli, 69
aspect inchoatif, 70
aspect itératif, 70
aspect perfectif, 70
aspect sécant, 69
aspect semelfactif, 70
aspect terminatif, 70
assonances, 107
asyndète, 100
attelage, 140
B
burlesque, 121
C
cadence majeure, 109
cadence mineure, 109
champs lexicaux notionnels, 123
chiasme, 138
clausule, 111
clitique, 105
comparaison, 144
confirmation, 133
connecteur logique, 26
connotation, 118
cotexte, 18
D
datif éthique, 52
déduction, 131
déictiques, 57
dénotation, 114
dérivation, 136
destinataire, 31
didascalies, 53
diégèse, 41
dilemme, 132
discours direct, 56
discours indirect, 58
discours indirect libre, 60
dislocation de la phrase, 103
disposition, 128
double énonciation, 42
E
écriture artiste, 66
élocution, 128
embrayeur, 35
emphase, 102
énallage, 72
énoncé, 31, 100
énonciation, 31
enthymème, 131
épanalepse, 143
épanorthose, 143
épichérème, 132
épidictique, 126
épiphore, 137
épithète de nature, 92
ethos, 129
euphémisme, 152
exorde, 133
expansion, 15
extraction du constituant, 104
F
figures, 125
focalisation, 44, 104
focalisation externe, 45
focalisation interne, 44
focalisation zéro, 44
focus, 104
fonction émotive, 90
foyer, 104
G
génitif subjectif, 66
genre délibératif, 126
genre démonstratif, 126
genre épidictique, 126
genre judiciaire, 126
gradation, 141
graphèmes, 113
H
héroï-comique, 122
hétérométrie, 24
hypallage, 140
hyperbate, 141
hyperbole, 152
hyperonyme, 116
hypocoristique, 96
hyponyme, 116
hypotaxe, 101
hypotypose, 153
I
ikon, 146
imparfait de rupture, 77
incipit, 47
induction, 131
infidèle, 88
infinitif de narration, 81
infinitif historique, 81
interrogation oratoire, 33, 33
interrogation rhétorique, 33
invention, 128
ironie, 61
L
litote, 151
locuteur, 31
logos, 129
M
macro-structurale, 150
medias res, 48
métaphore, 144
métaphore filée, 148
métonymie, 149
mètre, 24
micro-structurale, 150
modalisateurs, 123
modalité assertive, 32
modalité injonctive, 32
modalité interrogative, 32
modalité jussive, 32
monologue autonome, 64
monologue intérieur, 64
motif, 145
N
narrataire, 41
narrateur,
autodiégétique, 50
extradiégétique, 49
homodiégétique, 50
intradiégétique, 49
narration, 133
néologisme, 118
nom compact, 84
O
oratoire, 33
oxymore, 143
P
parasynonyme, 115
parataxe, 66
parenthèse, 141
parlures, 122
paronomase, 135
pathos, 129
période, 110
perlocutoire, 26
péroraison, 133
personnification, 178
phonème, 113
phrase clivée, 104
phrase complexe, 100
phrase pseudo-clivée, 104
phrase semi-clivée, 104
phrase simple, 100
pointe, 18
polyphonie, 61
polyptote, 136
polysémie, 117
polysyndète, 140
prédicat, 68
prétérition, 151
procès, 20
pronom nominal, 35
prosopopée, 153
protase, 108
R
référence actuelle, 114
référence virtuelle, 114
référent, 82
registres de langue, 120
rhétorique, 125
S
sémantique, 29
sème, 114
stichomythie, 22
style coupé, 100
syllepse, 117
syllogisme, 131
syncope, 135
synecdoque, 149
synonymie, 115
syntagme, 105
T
thème, 68
tirade, 18
topos, 130
trimètre romantique, 175
trope, 144
Z
zeugme, 139
TABLE DES MATIÈRES
Sommaire 5
Avant-propos 7
1. L’organisation textuelle 11
Le paragraphe 11
Longueur des paragraphes 12
Structure des paragraphes 15
L’organisation du texte dramatique 18
La tirade : définition et structure 18
Effet de sens des tirades et des répliques courtes 21
L’organisation du poème 23
Vers courts, vers longs 24
L’organisation strophique 25
Bibliographie 195
Grammaire, linguistique 195
Versification 195
Rhétorique, stylistique 196
Index 199