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Ana Aslan

Ce nom a conquis le monde entier dans les années cinquante, lorsque ce docteur
roumain a publié les résultats de ses études sur l’usage de la procaïne couplée à des
stabilisateurs pour ralentir les effets du vieillissement.
C’est le Gérovital, qu’en ces années de croissance et d’espoir on retrouve dans les vitrines de
toutes les pharmacies occidentales. Considéré une véritable fontaine de jouvence, il est
disputé par les grands de ce monde :Ymma Sumak, Salvador Dali, Charlie Chaplin, Pablo
Neruda, Aristotel Onassis, Indira Gandhi, Marlene Dietrich, Charles de Gaulle, Tito,
J.F.Kennedy, Claudia Cardinale et bien des autres en ont profité pendant une vingtaine
d’années, jusqu’à ce que la guerre froide et les intérêts des multinationales pharmaceutiques
n’écrasent le produit roumain.
En 1973 les Etats-Unis le classent parmi les drogues, 9 ans plus tard ils en interdisent
purement et simplement l’importation et la vente. Le Gérovital sombre petit à petit dans
l’oubli.

Mais qui est donc Ana Aslan?


Petite dernière d’une fratrie de quatre enfants, elle naît en 1897 à Braila, à l’époque
ville fleurissante de Munténie et centre important d’export-import depuis le Moyen-Âge.
 Son père, Margarit Aslan, est un intellectuel d’origine arménienne et sa mère vient d’une
vieille famille de Moldavie. Suite au décès de son père quand elle n’a que 13 ans, sa mère
décide de déménager la famille à Bucarest où Ana, peu encline à la vie conventionnelle et
rangée des jeunes filles de bonne famille et passionnée de vol, envisage à un moment de
devenir pilote. Elle apprend à voler sur un petit avion type Bristol-Coanda, mais sa vocation
de médecin prend bientôt le dessus, contrée par sa mère qui trouve que la médecine n’est pas
une voie convenable pour une femme.
Elle commence donc une grève de la faim qui lui fait obtenir gain de cause, s’inscrit à l’Ecole
de Médecine et décroche son diplôme en 1922.
A la fin de la Première Guerre Mondiale, qu’elle a passée en partie à Iasi en soignant
les soldats blessés, Ana, de retour à Bucarest,  travaille à côté d’un neurologue de renom,
Gheorghe Marinescu, puis, après son diplôme, devient assistante du professeur Danielopolu,
qui la conseille dans sa thèse de doctorat. Après quelques années d’enseignement universitaire
et de pratique médicale, en 1949 elle est nommée chef du département de physiologie à
l’Institut d’Endocrinologie de Bucarest : c’est là le début de sa carrière de gérontologue. Elle
commence à utiliser la procaïne pour soigner des affections rhumatiques, en commençant par
un étudiant cloué au lit par l’arthrose, puis étend ses expériences à un maison de vieillard et
obtient des résultats tellement prometteurs qu’elle se fait remarqué par l’Académie Roumaine.
En 1952 elle ouvre le premier institut au monde dédié aux personnes âgées : l’Institut
de Gériatrie de Bucarest qui, grâce au Gerovital, devient vite une référence au niveau
mondial. Vingt ans plus tard elle et la pharmacienne Elena Polovreageanu mettent au point
Gérovital H3 – expressément destiné au troisième âge – suivi quatre ans plus tard par
Aslavital, un produit pour soigner les maladies du système nerveux et cardiovasculaire.
Elle crée le concept de «prévention de la vieillesse», soigne les patients d’un maison
pour vieillards pauvres et aide les familles de boyards que le régime prive de leurs droits.
Alors que la vente du Gérovital rapporte à l’Etat chaque année dix-sept millions de dollars,
son refus de faire payer ses patients  lui vaut une action en justice, qui lui réclame 1.500.000
lei (environ 270.000 € actuels), une somme énorme pour l’époque et le pays. Elle est acquittée
sept ans plus tard, à peine cinq mois avant que la maladie l’emporte, en 1987.
Pionnière de la médecine sociale, Ana Aslan introduit une approche globale et
multidisciplinaire du processus de vieillissement : aspects  médico-sociaux, économiques,
psychologiques, démographiques, écologiques et culturels avec une étude intergénérationnelle
abordant l’image sociale des séniors.
Membre de l’Académie Roumaine, et de l’Académie des sciences de New York,
Chevalier de l’ordre des Palmes académiques françaises, Officier de l’Ordre du Mérite de la
République fédérale d’Allemagne, la savante roumaine obtient entre autres le Prix "Marie
Curie" de l’Académie Medici d’Italie, le Prix international et la médaille "Léon Bernard",
prestigieuse distinction accordée par l’Organisation Mondiale de la Santé pour sa contribution
apportée au développement de la gérontologie et de la gériatrie.
A ses yeux, ses découvertes thérapeutiques ont été les armes puissantes contre la fatalité de la
sénescence.
Ana Aslan est le médecin – chercheur, la femme militante qui a démontré que  « oui,
le temps peut être défié ! »

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