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La certification des comptes

des collectivités territoriales


Un article rédigé par Louis Goetz, Vincent Sibille, Oury Bah et Emmanuel Boutin.

Introduction------------------------------------------------------------------------------------------------- 1
Rationaliser et unifier les états financiers des collectivités locales-------------------------- 2
Harmoniser les normes comptables------------------------------------------------------------------4
Déployer un contrôle interne comptable et financier--------------------------------------------5
Faciliter l’intervention d’auditeurs externes-------------------------------------------------------- 6
Conclusion-------------------------------------------------------------------------------------------------- 7
Annexes------------------------------------------------------------------------------------------------------ 8

Introduction

Selon la Cour des Comptes, “il apparaît que l’intervention d’un auditeur externe
serait souhaitable pour assurer, non seulement la régularité, mais aussi la sincérité et
l’image fidèle des comptes de ces collectivités. Elle constituerait une contribution à la
transparence de la gestion publique”. C’est, en effet, ce qui est prévu dans la loi NOTRé
votée en 2015.

Cependant des inquiétudes légitimes ont été soulevées. Par exemple,


l'association des régions de France note que “un temps d’adaptation sera nécessaire
avant une généralisation de la démarche de certification, tant pour les collectivités
que les commissaires aux comptes, [...]” (Cour des Comptes). Il nous paraît donc
nécessaire de comprendre comment peut s’organiser cette préparation à la
certification.

L’objectif de ce nouvel article de la Gazette des communes est double :

● Identifier les enjeux de la certification des comptes des collectivités


territoriales
● Comprendre les modalités de préparation à la certification des comptes
des collectivités territoriales.

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Tout d’abord, on peut se pencher sur les raisons ayant amené à voter les
articles de la loi NOTRé concernant la certification des comptes des collectivités
territoriales par la cour des comptes (CdC). Par exemple, l’article 30 de la loi parle
d’améliorer “l'information des organes délibérants et des citoyens sur la nature et la
portée des engagements pris en matière d'endettement [des collectivités]” (Légifrance)
et ce “sans remettre en cause la libre administration des collectivités”. En plus de ces
mesures, on retrouve dans cet article un effort de transparence et d’accessibilité de
l’information relative au budget des communes pour les citoyens. C’est cet enjeu de
transparence qui est valorisé par la cour des comptes lors de la mise en place des
principes de sincérité et d’image fidèle dans les normes comptables des collectivités
territoriales.

Ces grands principes comptables de sincérité et d’image fidèle impliquent de


revoir en profondeur plusieurs aspects de la gestion comptable et financière des
collectivités territoriales :

1. Rationaliser et unifier les états financiers des collectivités territoriales


2. Harmoniser les normes comptables
3. Déployer un contrôle interne comptable et financier
4. Faciliter l’intervention d’auditeurs externes

Dans cet article, la Gazette des communes souhaite traiter les enjeux liés à la
certification des comptes des collectivités territoriales selon les quatre axes
précédents, en veillant à mettre en avant le processus préalable indispensable à la
certification des comptes. Le bilan final de l’expérimentation de la certification des
comptes locaux publié par la Cour des Comptes en janvier 2023 a servi d’inspiration
pour l’élaboration des propositions concernant le processus préalable à la
certification des comptes.

Rationaliser et unifier les états financiers des


collectivités territoriales

La certification expérimentale a révélé de graves lacunes dans la présentation des


comptes des collectivités, qu’il s’agit de combler pour que cette démarche de
fiabilisation puisse porter ses fruits.

Vers un compte financier unique

La situation actuelle laisse beaucoup à désirer en termes de lisibilité. Les états


financiers, comptes administratif (CA) et de gestion (CG), rendent difficilement lisibles
l’évolution de l’activité et du patrimoine. En outre, en rupture du principe d’unité
budgétaire, la présentation du budget des collectivités est éclatée entre budget
principal et budgets annexes, un par satellite, alors que ces derniers représentent une
part substantielle de l’activité et peuvent être nombreux, notamment pour les

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intercommunalités (6 à 9 en moyenne). De plus, les flux réciproques entre ces budgets,
qui peuvent représenter jusqu’à la moitié du résultat de fonctionnement du budget
principal, empêchent d’avoir une image fidèle de la situation financière de chaque
entité publique locale (EPL). Au surplus, le CA ne présente pas de façon agrégée
dépenses et recettes par nature, comme les dépenses de personnel (fort poste de
dépense pour les communes, notamment). Les collectivités territoriales (CT) françaises
présentent donc des comptes par budget, non agrégés au niveau de la personne
morale et non retraités des flux réciproques, à l’inverse de la plupart des entités
publiques françaises, et étrangères (pays développés), qui présentent même des
comptes consolidés.

Face à cela, l’expérimentation actuelle d’un compte financier par budget n’est pas
satisfaisante car ce n’est pas véritablement un compte financier unique (CFU). Le
projet de fonctionnalité de comptes agrégés de l’application comptable commune à
toutes les CT mené par la DGFIP pour mise en place pour 2025, mais seulement pour
les entités certifiées, ne suffit pas donc non plus en l’état. La Cour des Comptes
préconise de cibler à terme d’unifier CA et CG des budgets principal et annexes en un
seul CFU, avec les évolutions réglementaires nécessaires.

Et surtout, il s’agit de rendre un rapport de gestion qui l’accompagne obligatoire,


comme pour les entités publiques nationales (EPN) et de santé (EPS), sous forme d’un
rapport d’exécution budgétaire, pour la transparence envers les élus et les citoyens.

Une véritable lisibilité

Il s’agit d’abord d’augmenter la transparence. Le recoupement des informations


comptables entre CA et CG n’est pas aisé pour dégager la situation patrimoniale et
financière de la CT. Ensemble, ils font souvent plusieurs centaines de pages, remplies
de données chiffrées d’autant moins lisibles qu’elles ne sont pas accompagnées
d’explications littéraires faisant le commentaire de ce contenu. A l’inverse des
entreprises privées, qui doivent ajouter un document explicatif à leurs états financiers
pour faire approuver leurs comptes par leur conseil d'administration, là où les CT ont
seulement besoin du CA devant l’assemblée délibérative, à l’inverse des EPN et
EPS.Cela est totalement contraire à la transparence vis-à-vis des élus et des citoyens. Il
faut l’imposer. Dans le même temps, continuer de réduire le nombre des annexes
obligatoires (toujours 38). Et faire une revue générale de l’information financière exigée
des CT sur la base d’une comparaison avec les EPN, EPS et universités. Pour une
refonte d’ampleur augmentant la transparence, y compris dans la pédagogie de la
terminologie utilisée pour les explications, avec les évolutions réglementaires
nécessaires.

Il faut ensuite muscler la fiabilité de l’information budgétaire, notamment sur la


section d’investissement. Elle est souvent en déficit car son financement ne figure pas
totalement dans les comptes, entre autres pour des opérations de cut off comme cela
arrange les collectivités. Une adaptation législative et réglementaire s’impose pour
“pour définir précisément la composition de la section d’investissement, assurer une
présentation exhaustive et fiable des ressources d’investissement” d’après la Cour des
Comptes.

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Il s’agit enfin d’étendre aux CT l’obligation de rendre l’annexe définie par le recueil des
normes comptables, notamment pour les commentaires de ses tableaux qui
expliquent les variations substantielles des soldes de gestion du bilan et du CR.

Enfin, imposer la consolidation des comptes permettrait d’éviter bon nombre de ces
écueils.

Harmoniser les normes comptables

Il est primordial qu’un système de hiérarchisation et d’harmonisation des


normes comptables au niveau national soit mis en place, afin de faciliter la
certification des comptes des collectivités territoriales.

Un recueil des normes comptables pour les entités publiques locales est par
exemple en cours d’établissement par le Conseil de normalisation des comptes publics
depuis avril 2021. Certains aspects du recueil restent néanmoins à compléter. Il est
particulièrement important que la méthode préférentielle de présentation des états
financiers, considérée comme la meilleure option par l’autorité des normes
comptables, soit mise en place. Cette méthode doit permettre de garantir une
comparaison des comptes budgétaires et de moderniser le cadre budgétaire des
collectivités locales. L’avancée permise par le recueil des normes comptables est donc
à poursuivre, afin d’atteindre une homogénéisation totale des normes applicables aux
collectivités territoriales. Ce recueil doit être adopté comme le référentiel normatif des
entités publiques locales. Cette avancée vient répondre à plusieurs enjeux de la
certification des comptes des collectivités territoriales, notamment le renforcement de
la fiabilité des informations financières via des normes adoptées par tous et la
possibilité de comparer les données des collectivités territoriales pour une meilleure
évaluation de la performance.

Ensuite, il nous semble nécessaire de revoir certaines instructions budgétaires


et comptables existantes en modifiant certaines législations et réglementations qui
leur sont associées. En effet, pour que le recueil des normes comptables pour les
entités publiques locales soit appliqué au mieux, il faut pouvoir intégrer petit à petit
les principes de comptabilisation issus de ce recueil. C’est ce que cherche à mettre en
place l’instruction budgétaire et comptable M57, qui doit être appliquée à l’ensemble
du territoire pour parvenir à une harmonisation complète des normes comptables. La
revue de certaines instructions budgétaires et la poursuite dans le déploiement de
l’instruction budgétaire et comptable M57 permettraient de prendre encore
davantage en compte cet enjeu de comparabilité des données, découlant de la
certification des comptes.

Enfin, l’harmonisation des normes comptables doit passer par une révision de
plusieurs dérogations aux principes comptables généraux. Ces dernières ne
permettent bien souvent pas de donner une image fidèle et sincère de la situation
financière et du patrimoine des collectivités territoriales. Bien que leurs objectifs
soient louables, comme le respect du principe de séparation des exercices où les
principes de traduction financière de l’évolution du patrimoine des entités, la

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représentation de l’image fidèle doit rester l’objectif ultime à atteindre. Pour cela, il
serait intéressant de revoir plusieurs dérogations, notamment celles concernant les
subventions d’investissement versées ou le processus d’amortissement, qui ne
favorisent pas la comparabilité des comptes entre les collectivités territoriales.

Ainsi, l’harmonisation des normes comptables est un processus nécessaire à


l’avancée vers la certification des comptes des collectivités territoriales, en permettant
notamment de favoriser la comparabilité des données des collectivités territoriales
pour améliorer la performance publique.

Déployer un contrôle interne comptable et


financier

“Le déploiement effectif d’un contrôle interne comptable bâti à partir d’un
référentiel national adapté aux différentes tailles de collectivités est une condition
préalable et nécessaire de première importance pour la fiabilisation des comptes
locaux.” (Cour des Comptes) En effet, un contrôle interne performant, basé sur un
référentiel national détaillé par type de collectivité, permettra de fiabiliser davantage
les comptes des collectivités, tout en simplifiant le travail de l’auditeur et/ou du
certificateur.

Malheureusement, l’établissement d’un contrôle interne représente un coût


important surtout du point de vue de l’ordonnateur. Ce coût est d’autant plus
important pour les petites collectivités.

Le rapport d’expérimentation a montré que le contrôle interne permettait de


passer d’une approche purement budgétaire à une approche par les risques. C’est ce
qui permettra de fiabiliser les comptes de la collectivité.

De plus, le cadre doit encore évoluer puisque certaines collectivités n’ont pas de
contrôle sur certaines dépenses. Par exemple, les départements ne contrôlent pas
complètement les dépenses liées au RSA, qui est surtout géré par la Caisse
d’Allocation Familiale.

Une grosse partie des enjeux du contrôle internes des collectivités territoriales
réside dans des contrôles propres aux systèmes d’information. En effet, des étapes de
contrôle sur certains flux d’information, la centralisation des données, ainsi qu’une
meilleure politique de cybersécurité permettraient de grandement réduire de
nombreux risques (fraudes ou erreurs) liés à ces systèmes informatiques de CICF
(Contrôle Interne Comptable et Financier). Cela répondrait donc à un enjeu majeur de
la certification des comptes des collectivités territoriales, en essayant de réduire au
maximum ces risques d’erreurs et/ou de fraudes.

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Ensuite, la Cour des Comptes note que le renforcement de la traçabilité des
dispositifs CCA (Contrôles Comptables Automatisées) déjà présent sur l’application
Helios, serait une source relativement facile à mettre en place pour un contrôle
interne.

De nombreuses révisions du système Hélios sont déjà prévues par la DGFiP (Direction
Générale des Finances Publiques) pour renforcer le contrôle de gestion. Seulement, la
DGFiP ne souhaite pas autoriser un accès d’édition aux ordonnateurs. Ce qui
permettrait pourtant aux ordonnateurs de directement entrer les demandes de titres
et de mandat, sans avoir à dépenser des ressources dans une application comptable
tierce ou une structure sur-développée. En effet, la DGFiP craint une érosion de la
séparation ordonnateur-payeur. Pourtant, une gestion appropriée des droits d’édition
et de consultation permettrait de conserver une séparation ordonnateur-payeur
intacte.

Ainsi, cette démarche de déploiement d’un contrôle interne comptable et


financier est essentielle dans la préparation à la certification des comptes des
collectivités territoriales. Elle vient répondre à différents enjeux, en permettant de
mieux prévenir les erreurs et/ou fraudes comme évoqué précédemment et en assurant
une meilleure gestion financière. Cette démarche assurera donc une meilleure gestion
des ressources publiques.

Faciliter l’intervention d’auditeurs externes

Les collectivités territoriales sont soumises à un certain nombre d’obligations


en matière de transparence et de contrôle financier. Dans ce cadre, la certification des
comptes est une étape essentielle. Elle permet de garantir la régularité, la sincérité et
l’image fidèle des comptes des collectivités et de leur gestion financière. Pour attester
de la bonne application de ces obligations, elles doivent faire appel à des auditeurs
externes pour obtenir une certification.

Faciliter l’intervention des auditeurs externes est donc un enjeu d’importance


pour la bonne gouvernance, la transparence, la crédibilité et la performance de la
gestion publique.

Cet enjeu peut garantir aux citoyens la fiabilité des comptes de leur collectivité,
ainsi que la pertinence des informations financières qui leur sont communiquées.

Pour faciliter l’intervention des auditeurs externes, la collectivité doit avant tout
préparer le terrain en amont. Elle doit notamment préparer un dossier comprenant
tous les éléments nécessaires à l’audit, tels que :

- Les comptes annuels de la collectivité

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- Les budgets prévisionnels
- Les rapports d’activité
- Les plans de financement
- Les conventions passées avec des partenaires financiers.

Il convient également de prévoir des rendez-vous réguliers avec les auditeurs


afin de répondre à leurs questions et de fournir toutes les informations
complémentaires dont ils pourraient avoir besoin.

Enfin, la collectivité doit être prête à mettre en place les recommandations qui
lui seront faites à l’issue de l’audit, afin d’améliorer sa gestion financière et sa
transparence.

Ainsi, cette démarche de facilitation de l’intervention des auditeurs externes


vient renforcer l’enjeu de fiabilité des informations financières. L’intervention
d’auditeurs externes permettra donc de renforcer la confiance globale concernant la
gestion des fonds publics. Cette démarche s’inscrit également dans une logique de
plus grande transparence concernant la situation financière des collectivités
territoriales.

Conclusion

La certification des comptes est une démarche qui favorise la production d’une
information financière enrichie et la modernisation de la gestion comptable et
financière. Cette information enrichie permet aux élus et aux électeurs de mieux
connaître l’état financier de leur collectivité et de prendre des décisions en
conséquence. De plus, des comptes respectant les principes d’image fidèle et de
sincérité permettent par exemple une meilleure gestion des risques.

On peut notamment noter un intérêt particulier pour la certification des


collectivités de grande taille, afin de permettre aux investisseurs de mieux mesurer le
risque qu’ils prennent en cas de prêt à ces collectivités. L’enjeu majeur pour les plus
grosses collectivités territoriales lié à la certification des comptes serait ainsi de leur
faciliter l’accès aux financements externes.

On peut toutefois relever certaines limites à la généralisation de la certification


des comptes des collectivités territoriales, comme par exemple une demande
considérable de ressources humaines et financières à la Cour des comptes. D’autres
options plus efficientes, adaptées à la taille des collectivités pourraient être
envisagées en cas de non-faisabilité.

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La mise en place de la certification des comptes des collectivités territoriales
pourrait donc prendre quelques temps avant de devenir une obligation pour toutes
les collectivités, mais le processus qui est déjà bien engagé dans la réflexion et dans la
conceptualisation nous amène à penser que le chemin suivi est le bon.

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Annexes
Bibliographie
Cour des Comptes. “Bilan final de l'expérimentation de la certification des

comptes locaux.” Cour des comptes, 21 January 2023,

https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-02/20230105-Bilan-final-experimentati

on-certification-comptes-locaux_0.pdf. Accessed 5 May 2023.

Direction Générale des Collectivités Locales. “LA CERTIFICATION DES COMPTES

DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - DOSSIER DE CANDIDATURE.” Collectivités

locales, 2015,

https://www.collectivites-locales.gouv.fr/sites/default/files/Finances%20locales/2.

%20am%C3%A9liorer%20l%27info%20et%20gestion/1.%20fiabilite%20et%20certicfi

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Légifrance. “LOI n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation

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https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000029101338/?detailTy

pe=EXPOSE_MOTIFS&detailId=. Accessed 5 May 2023.

Légifrance. “PORTANT NOUVELLE ORGANISATION TERRITORIALE DE LA

REPUBLIQUE - ETUDE D’IMPACT.” Projet de loi portant nouvelle organisation

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https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/Media/Files/autour-de-la-loi/legislatif-et-

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_territoriale_cm_18.06.2014.pdf.pdf. Accessed 5 May 2023.

Mazars, and Valérie Riou. 5 Questions à Valérie Riou, Associée Secteur Public

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