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Chapitre 4
LES BUDGETS PUBLICS
Ce quatrième chapitre traite des budgets publics. Cet aspect, envisagé ici en
survol de manière plutôt technique qu'en terme de politique économique, est
souvent négligé dans les manuels de finances publiques traditionnels. Ils
consacrent plutôt des pages à certaines catégories de dépenses (les assurances
sociales et la politique sociale, par exemple) ou à des processus de décision
(théories des votes, de la démocratie représentative, par exemple), mais rarement
de la procédure budgétaire en tant que telle. Le but poursuivi par ce chapitre est
bien plus modeste: il doit vous apprendre à lire et à comprendre un budget public,
pour en tirer ensuite l'essentiel en terme de politiques publiques. Il est divisé en
quatre sections. La première résume le cadre budgétaire du "Plan comptable
harmonisé" pour les collectivités publiques en Suisse. La deuxième section utilise
la classification fonctionnelle pour illustrer la répartition des tâches entre les
niveaux de gouvernement en Suisse. La troisième section est un rappel des
procédures budgétaires les plus usuelles qu'utilise le secteur public pour son
budget, avant de conclure par les contraintes légales et institutionnelles qui
encadrent la procédure budgétaire.
Le but de cette section est de cerner les objectifs et la mise en œuvre du plan
comptable harmonisé pour les collectivités publiques, d'en expliquer l'utilisation
dans l'optique d'une gestion efficace et économique du secteur public local. Le
plan comptable harmonisé suisse (C.D.C.F., 1982, I, pp. 40-42), comme toute
comptabilité du secteur public, n'est pas simplement une structure organisée avec
plus ou moins d'habileté technique et de complexité pour identifier des centres de
charges, la nature des charges et des produits, et pour des calculs de coûts. Bref,
ce n'est pas seulement un champ d'expertise pour comptable averti. Un tel plan
reflète avant tout les options budgétaires, dépensières ou fiscales, des pouvoirs
locaux. Cette section passe successivement en revue: les objectifs (4.1.1), la
structure du plan comptable (4.1.2), les principes de comptabilité et de gestion
(4.1.3) et l'organisation de la comptabilité publique (4.1.4).
raison de la diversité des informations que l'on veut obtenir. Trois classifications
sont traditionnellement retenues.
A. La classification fonctionnelle
La classification fonctionnelle met en évidence les domaines d'activité et les
tâches des collectivités publiques. Elle devrait permettre de distinguer non
seulement une tâche d'une autre, mais encore les catégories que pourrait contenir
chacune d'elle, si nécessaire en les subdivisant en centres de charges.
B. La classification comptable
La classification comptable sert à préciser le contenu des opérations budgétaires
inscrites dans la comptabilité publique: les charges ou les produits, les écritures
relatives aux comptes de fonctionnement ou d'investissement, celles qui
concernent le bouclement ou le bilan. Elle doit aussi fournir les informations
permettant de savoir si les écritures enregistrent des mouvements purement
comptables, c'est-à-dire sans encaissement ou sortie d'argent, comme les
imputations internes, ou bien des mouvements financiers.
C. La classification économique
La classification économique permet d'identifier les dépenses et recettes selon leur
caractère économique et selon des caractéristiques propres à la mise en oeuvre de
politiques publiques macro-économiques. Elle permet de distinguer les dépenses
pour le personnel des dépenses pour les choses ou pour les services, les transferts
financiers, les dépenses liées, les diverses catégories de recettes fiscales ou celles
provenant du patrimoine. Elle constitue la base de l'analyse des effets des finances
publiques sur le circuit économique général, ainsi que de leur intégration aux flux
financiers dans les comptes nationaux.
(1) La première englobe tous les mouvements financiers qui résultent d'une
activité dans laquelle la commune agit comme partenaire de tiers externes à
l'administration. C'est le cas, par exemple, lorsque la collectivité vend des
services ou des produits, directement en demandant un prix ou sous une forme
indirecte en prélevant des redevances d'utilisation en application du principe
de l'utilisateur-payeur ou de celui du pollueur-payeur. Dans tous ces cas, la
fixation du "prix" (taxe ou redevance d'utilisation) ne peut se faire sans
connaître exactement les coûts.
(2) Deuxièmement, les relations financières entre collectivités publiques d'un
même niveau ou entre les niveaux de gouvernement exigent de connaître les
prix de revient exacts des tâches afin d'éviter des politiques de prix
discriminatoires (dumping en particulier) ou des rentes de situation
(comportement de monopoleur imposant unilatéralement ses conditions).
(3) La troisième raison est de permettre une comparaison entre collectivités, du
coût des prestations individuelles lorsqu'elles sont produites dans une
situation de monopole local avec une clientèle captive.
Schéma 4-1
La numérotation des comptes
FFF . CCC . DD
Classification fonctionnelle
domaine
tâche
subdivision de la tâche
Degré de détail
si nécessaire
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4. Exactitude: Rigueur des estimations évitant à la fois les reports et les dépassements
de crédits
10. Spécialité temporelle: Utilisation d'un crédit durant l'année de son autorisation
3. Efficience: Emploi ménager des moyens, exécution des tâches publiques finan-
cièrement supportables (ordre de priorités)
4. Efficacité: Emploi judicieux des moyens, rapport optimum entre les dépenses
engagées et les résultats obtenus
Exc. de revenus
Recours à
l'emprunt
Investissement
net
Autofinancement
Impôts
fonctionnement
Subventions acquises
versées Dédommage-
ments
Subv. versées Revenus de
d'investissements
fortune
Dépenses
Dépenses
d'investissement
d'investisse-
Subventions
ment
Recettes
reçues
Solde primaire
Intérêts
Besoin de
financement
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C'est à partir de cette nomenclature qu'il est possible de résumer, puis d'analyser
les fonctions du secteur public. Nous en donnons un aperçu pour l'année 2001
dans les tableaux 4-6 à 4-8.
Sauf pour les "Affaires étrangères" et, dans une large mesure pour la "Défense
nationale", on constate qu'il n'y a guère de domaines dans lesquels les
responsabilités ne sont pas partagées entre les trois niveaux de gouvernement. La
Confédération est un poids lourd en affaires étrangères, défense nationale, et
occupe une position dominante dans les affaires sociales, les transports et
communication, dans les domaines économiques et des finances (poids de la
dette). Les cantons ont une position dominante pour les tâches d'ordre public,
d'éducation et d'enseignement, de santé; les communes en ce qui concerne
l'administration, la culture et le sport, les tâches environnementales. Mais, il faut
entrer dans le détail des tâches pour avoir une image plus nuancée du partage des
compétences entre la Confédération, les cantons et les communes.
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Source: "Finances publiques en Suisse 2001" (A.F.F.) OFS, Neuchâtel 2003, pp. 27, 49, 83
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En raison de l'absence de marché pour les services collectifs, une autre démarche
doit être acceptée – et suivie – pour permettre la décision de les offrir, de les
produire et de les financer. C'est la procédure budgétaire, légitimée par des
institutions démocratiques. Par procédures budgétaires, nous entendons décrire la
manière dont les budgets publics sont établis. Seuls les trois modes les plus usités
sont mentionnés ici: le budget par addition, qui est la procédure traditionnelle de
loi la plus fréquente malgré toutes les critiques qu'on lui assène, le budget base
zéro et l'enveloppe budgétaire. Aucun des modes n'a l'exclusivité de la procédure
budgétaire: des combinaisons sont possibles selon les domaines ou les tâches
budgétisées.
Or l'élaboration du budget sous cette forme ne donne plus le temps de discuter des
politiques (culturelles, sportives, de formation, de jeunesse, de développement,
etc.), démarche qui devrait précéder le budget. L'ensemble des bureaux concernés
par une même politique devrait au moins convoquer une table ronde pour réfléchir
aux buts et aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de cette politique dans sa
globalité, répartir la tâche et coordonner leurs revendications budgétaires. Au
mieux cela devrait se faire dans un programme de législature accompagné d'une
planification financière.
En fait, ce mode budgétaire n'est pas entièrement réaliste dans la mesure où les
dépenses et les recettes du budget futur sont largement conditionnées par la
situation présente. Par exemple:
9 il n'est pas possible de modifier radicalement la politique du personnel d'une
année à l'autre;
9 les dépenses liées échappent au contrôle immédiat de la collectivité préparant
le budget;
9 les banques et les institutions de prêts ne veulent pas faire l'impasse sur le
service de la dette.
La collectivité hérite en fait d'une situation qui rend inutile une réflexion à partir
d'une base zéro. Toutefois, cette pratique n'est pas dénuée d'efficacité "à la marge"
dans la mesure où l'on identifie de manière précise les dépenses liées pour
lesquelles la collectivité n'a pas de liberté, reste une part plus ou moins importante
des dépenses "choisies" pouvant faire l'objet de directives analogues à celle d'une
"base zéro". Par exemple, il est possible de bloquer la dotation d'un service en
personnel à la valeur de l'année de référence, toute demande supplémentaire
devant être justifiée. Cette démarche est souvent utilisée en combinaison avec la
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Un autre inconvénient du budget base zéro est qu'il ne résout pas le dilemme d'une
démarche budgétaire basée sur l'année, alors que le long terme serait souhaitable
pour aménager des politiques publiques soutenables. Une autre forme de
procédure budgétaire est parfois proposée pour palier à cet inconvénient: le PPBS
– pour planning, programming, budgeting system ou système de planification de
programmation et de budgétisation. Cette approche n'est pas développée ici.
2) Etablir un contrat de prestation n'est pas une démarche aussi aisée qu'il n'y
paraît à première vue, particulièrement en raison des caractéristiques non
marchandes des prestations. Pour reprendre l'exemple universitaire, il n'y a pas de
consensus actuellement sur la manière de définir ou de mesurer en termes de
résultats l'enseignement ou la recherche ! Les contrats de prestation sont plus aisés
à mettre en place pour des tâches limitées à des productions industrielles
publiques, comme la distribution d'eau, l'assainissement des eaux usées, les
déchets ménagers ou le contrôle des véhicules. Incidemment, ces tâches sont le
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plus souvent celles qui peuvent être financées par l'application du principe de
l'utilisateur-payeur, sans enjeux redistributifs et faisant l'objet de budgets annexes.
La plupart des cantons se sont donnés, pour eux et pour leurs communes, des
règles générales financières et budgétaires plus ou moins restrictives. Ces
prescriptions font généralement référence à un "équilibre" à atteindre lors de la
discussion du budget ou de dépenses isolées et à respecter lors de décisions
portant sur le budget, des crédits supplémentaires ou sur les comptes. Elles
englobent le plus souvent trois points: la règle de base, un objectif, une sanction.
Ainsi, dans le canton de Fribourg (loi du 25.11.1994 sur les finances de l'Etat et
règlement du 12.3.1996 d'exécution de ladite loi), la règle est celle de l'équilibre
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Deux autres sources de contraintes existent en plus des règles visant directement
l'équilibre du budget. D'une part les collectivités héritent de situations passées sur
lesquelles elles n'ont pas d'emprise, trouvant leur origine soit dans la tutelle d'un
niveau supérieur de gouvernement soit parce que des choix antérieurs entraînent
des dépenses récurrentes, financières et d'exploitation. D'autre part, une majorité
de cantons connaissent le système du référendum obligatoire lorsqu'une dépense
nouvelle, unique ou répétitive, dépasse un seuil de référence ou pour décider des
impôts (soit directement, soit parce que le seuil du déficit permis serait atteint).
Cela vaut aussi dans la plupart des cantons pour le niveau communal lorsqu'un
parlement communal remplace l'assemblée des citoyens.
Le tableau 4-9 illustre la situation dans les cantons suisses, en 1999, pour montrer
la diversité dans le choix politique, en base de référence et dans la procédure de
calcul permettant de fixer la limite en francs qui déclenche le référendum. Il n'y a
pas de "pensée unique politiquement correcte" dans ce domaine.
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1
Novaresi N. (2001) Discipline budgétaire : étude de l’influence du référendum financier et des
règles d’équilibre budgétaire sur les finances publiques des vingt-six cantons suisses, Centre
d’études en économie du secteur public BENEFRI, thèse de doctorat, Fribourg, pp. 147-148.
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Notes de tableau
1) Article constitutionnel, sauf mention contraire : FR : "Loi sur les finances de l'État" du 25.11.1994; NE : "Loi
sur les finances" du 21.10.1980; SG : "Gesetz über Referendum und Initiative" du 27.11.1967; SZ :
"Vollzugverordnung zur Verordnung über Finanzhaushalt" vom 23.12.1986; BS : "Gesetz über den kantonalen
Finanzhaushalt" du 16.4.1997.
2) En principe, les cantons ne mentionnent pas le nombre d'années pendant lesquelles la dépense doit se répéter.
Font exception AI (5 ans), SG (10 ans), UR (10 ans), VD (10 ans), TI (4 ans).
3) Le référendum peut aussi être demandé par une partie du Grand Conseil (référendum obligatoire extraordinaire) :
par exemple, FR (1/4 des députés), LU (50 députés; cf. note 6), SG (1/3 des élus), BE (120 députés), OW (1/3
des députés), ZG (1/3 des députés), ZH (45 députés); ou par des communes : BL (5), JU (8), SO (5), TI (1/5).
4) Pour l'achat de biens fonciers la limite est de 5 millions de francs.
5) Le montant n'est pas spécifié exactement. Il est dit que la somme des dépenses périodiques ne doit pas dépasser
le montant valable pour la dépense unique. Si cette somme n'est pas prévisible c'est la dépense annuelle prévue
multipliée par dix qui est prise comme référence. D'où les valeurs introduites dans les colonnes 4 et 8.
6) À partir de ces montants, le référendum peut aussi être demandé par 50 conseillers.
7) Neuchâtel ne prévoit pas une limite à l'exercice du référendum facultatif. Toutefois, cet exercice ne peut pas se
faire au-dessous des limites entrant dans les compétences du Conseil d'État, fixées dans la loi financière. Celui-ci
est compétent pour les dépenses jusqu'aux limites qui figurent dans le tableau.
8) Cette limite s'applique pour les "Projekte für den Bau von Staatsrassen", exception faite des routes nationales,
pour les "Staatsbeiträge nach dem Einführungsgesetz zum eidgenössischen Eisenbahngesetz" et pour les
"Staatsbeiträge nach dem Gesetz zur Förderung des öffentlichen Verkehrs".
9) Cette limite concerne les dépenses périodiques engagées en vertu de la loi d'encouragement des transports
publics ("Gesetz zur Förderung des öffentlichen Verkehrs").
10) Si la dépense nouvelle n'a pas été acceptée à plus des 4/5 des voix par le parlement, celle-ci est aussi soumise à
vote obligatoire s'il s'agit d'une dépense unique de plus de 300'000 francs ou d'une dépense périodique de plus de
50'000 francs.
11) Ces limites s'appliquent aux décisions du parlement qui ont été acceptées par au moins les 4/5 des élus. Sinon la
dépense tombe sous le référendum obligatoire (cf. note 10).
12) Disposition entrée en vigueur le 1.1.1999. Auparavant, Vaud ne connaissait que le référendum facultatif sur les
dépenses extrabudgétaires fondées sur une loi ou un décret. La portée était très limitée.
13) L'art. 29 de la Constitution exclut les dépenses et les achats en vue de l'acquisition de biens fonciers pour le
patrimoine administratif du champ d'application du référendum, pour autant qu'une loi n'en dispose pas
autrement. L'art. 22 de la loi financière réglemente ce cas. Les opérations en question sont soumises à
référendum facultatif si la valeur du bien produit dépasse le triple de la limite valable pour les autres dépenses.
14) Si 80 parlementaires le souhaitent, toute dépense ne dépassant pas les montants donnant droit au référendum
facultatif peut être munie de la clause référendaire et ainsi être soumise à référendum facultatif.
15) Seules les lois sont soumises à ces limites. Les arrêtés normaux ne le sont pas.
16) Le terme "nouvelle" n'est pas mentionné dans l'article pour définir les dépenses soumises à référendum.
17) Disposition entrée en vigueur le 29.11.1998. Auparavant : coexistence entre référendum obligatoire (1 million de
francs pour les dépenses uniques et 200'000 francs pour les dépenses périodiques) et référendum facultatif
(500'000 francs, respectivement 100'000 francs).
18) Le terme utilisé est "dépense extraordinaire" et non pas "nouvelle".
19) En vigueur depuis le 1.1.1999. Auparavant : coexistence entre référendum obligatoire (20 millions de francs pour
les dépenses uniques et 2 millions de francs pour les dépenses périodiques) et référendum facultatif (2 millions
pour les dépenses uniques et de 200'000 francs pour les dépenses périodiques).
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Mot clés
Classification fonctionnelle, classification comptable, classification économique;
charge et dépense, produit et recette; amortissement, autofinancement, solde
primaire; 11 principes de comptabilité, 6 principes de gestion financière publique
(connaître les contenus, et non pas retenir la liste par cœur!); budget par addition,
budget base zéro, PPBS, enveloppe budgétaire; effet taux, effet base, pour la
fiscalité directe;
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Exercices
Les participants au cours peuvent pratiquer les quelques exercices suivant pour se
familiariser aux questions traitées dans ce chapitre.
Références
Feld L. et Kirchgässner G., 1998, "Public Debt and Budgetary Procedures: Top
Down or Bottom Up? Some Evidence from Swiss Municipalities", in Poterba et
Van Hagen (eds): Budgeting Institutions and Fiscal Performance, Chicago
University Press et N.B.E.R.