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Introduction aux finances publiques 2003-2004 version 28 novembre 2003 1

Chapitre 4
LES BUDGETS PUBLICS

4.1 Le cadre budgétaire


4.1.1 Objectifs d'un plan comptable public
4.1.2 La structure du modèle de compte harmonisé
4.1.3 Principes de comptabilité et de gestion publiques
4.1.4 L'organisation de la comptabilité publique
4.2 Les fonctions de l'État
4.3 Les procédures budgétaires
4.3.1 Le budget par addition
4.3.2 Le budget base zéro
4.3.3 L'enveloppe budgétaire
4.4 Les contraintes
4.4.1 Les règles institutionnelles d'équilibre
4.4.2 Dépenses liées, dépenses nouvelles et référendum
4.4.3 Les ressources disponibles
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Ce quatrième chapitre traite des budgets publics. Cet aspect, envisagé ici en
survol de manière plutôt technique qu'en terme de politique économique, est
souvent négligé dans les manuels de finances publiques traditionnels. Ils
consacrent plutôt des pages à certaines catégories de dépenses (les assurances
sociales et la politique sociale, par exemple) ou à des processus de décision
(théories des votes, de la démocratie représentative, par exemple), mais rarement
de la procédure budgétaire en tant que telle. Le but poursuivi par ce chapitre est
bien plus modeste: il doit vous apprendre à lire et à comprendre un budget public,
pour en tirer ensuite l'essentiel en terme de politiques publiques. Il est divisé en
quatre sections. La première résume le cadre budgétaire du "Plan comptable
harmonisé" pour les collectivités publiques en Suisse. La deuxième section utilise
la classification fonctionnelle pour illustrer la répartition des tâches entre les
niveaux de gouvernement en Suisse. La troisième section est un rappel des
procédures budgétaires les plus usuelles qu'utilise le secteur public pour son
budget, avant de conclure par les contraintes légales et institutionnelles qui
encadrent la procédure budgétaire.

4.1 Le cadre budgétaire

Le but de cette section est de cerner les objectifs et la mise en œuvre du plan
comptable harmonisé pour les collectivités publiques, d'en expliquer l'utilisation
dans l'optique d'une gestion efficace et économique du secteur public local. Le
plan comptable harmonisé suisse (C.D.C.F., 1982, I, pp. 40-42), comme toute
comptabilité du secteur public, n'est pas simplement une structure organisée avec
plus ou moins d'habileté technique et de complexité pour identifier des centres de
charges, la nature des charges et des produits, et pour des calculs de coûts. Bref,
ce n'est pas seulement un champ d'expertise pour comptable averti. Un tel plan
reflète avant tout les options budgétaires, dépensières ou fiscales, des pouvoirs
locaux. Cette section passe successivement en revue: les objectifs (4.1.1), la
structure du plan comptable (4.1.2), les principes de comptabilité et de gestion
(4.1.3) et l'organisation de la comptabilité publique (4.1.4).

4.1.1 Objectifs d'un plan comptable public

Une comptabilité publique doit satisfaire au moins à quatre exigences


- intégrer et classer toutes les opérations budgétaires, financières ou purement
comptables, d'une collectivité publique;
- permettre le calcul des coûts des prestations publiques pour les besoins de
gestion et, le cas échéant, déterminer les recettes affectées;
- permettre la prévision et la planification;
- fournir les informations nécessaires aux décisions politiques dans un système
démocratique.

Le classement des opérations financières et comptables


Le premier objectif d'un plan comptable est d'intégrer toutes les opérations
financières ou comptables d'une collectivité publique en les classant de manière
systématique et ordonnée. Toutefois, ce classement présente des difficultés en
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raison de la diversité des informations que l'on veut obtenir. Trois classifications
sont traditionnellement retenues.

A. La classification fonctionnelle
La classification fonctionnelle met en évidence les domaines d'activité et les
tâches des collectivités publiques. Elle devrait permettre de distinguer non
seulement une tâche d'une autre, mais encore les catégories que pourrait contenir
chacune d'elle, si nécessaire en les subdivisant en centres de charges.

B. La classification comptable
La classification comptable sert à préciser le contenu des opérations budgétaires
inscrites dans la comptabilité publique: les charges ou les produits, les écritures
relatives aux comptes de fonctionnement ou d'investissement, celles qui
concernent le bouclement ou le bilan. Elle doit aussi fournir les informations
permettant de savoir si les écritures enregistrent des mouvements purement
comptables, c'est-à-dire sans encaissement ou sortie d'argent, comme les
imputations internes, ou bien des mouvements financiers.

La distinction entre "charges" et "dépenses" d'une part, entre "produits" et


"recettes" d'autre part, est de première importance. Les "dépenses" sont des
charges décaissées, c'est-à-dire qui entraînent des sorties effectives de monnaie.
Les charges non décaissées sont des charges réelles en ce sens qu'elles
correspondent bien à un appauvrissement du patrimoine de la collectivité
publique, mais elles ne donnent pas lieu à des décaissements au cours de la
période de calcul du résultat (par exemple: les attributions aux réserves et aux
comptes de provision). De même, les "recettes" sont des encaissements effectifs,
supportés par des flux monétaires, alors que les "produits" englobent les recettes
et les écritures comptables de produits sans flux monétaire (par exemple: les
prélèvements sur les réserves). Les notions de recette et de dépense servent de
base de données à la trésorerie pour déterminer les besoins en liquidités à court et
moyen termes, pour le calcul de la marge d'autofinancement et pour la
planification.

C. La classification économique
La classification économique permet d'identifier les dépenses et recettes selon leur
caractère économique et selon des caractéristiques propres à la mise en oeuvre de
politiques publiques macro-économiques. Elle permet de distinguer les dépenses
pour le personnel des dépenses pour les choses ou pour les services, les transferts
financiers, les dépenses liées, les diverses catégories de recettes fiscales ou celles
provenant du patrimoine. Elle constitue la base de l'analyse des effets des finances
publiques sur le circuit économique général, ainsi que de leur intégration aux flux
financiers dans les comptes nationaux.

La gestion des tâches publiques et le contrôle des coûts


L'explosion des coûts de fonctionnement et d'investissement dans différents
domaines de l'activité publique exige une connaissance précise des coûts et des
prix de revient de certaines tâches et la maîtrise des instruments de gestion, à
l'instar de ce qui vaut pour les entreprises commerciales. Les décideurs politiques
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et les administrations ont besoin d'informations fiables et transparentes sur


l'efficacité et les coûts des services publics. Il n'est possible d'affecter
efficacement les moyens limités à disposition que si les coûts effectifs et les
prestations qui les occasionnent sont visibles pour tous les intéressés. Mais la
comptabilité souvent insuffisante des pouvoirs publics fait que c'est encore loin
d'être le cas. Le plan comptable harmonisé met justement l'accent sur le calcul des
coûts de production des services publics. En conséquence, il intègre des éléments
de comptabilité analytique, notamment par le biais des imputations internes entre
les divers chapitres de la classification fonctionnelle. Plusieurs raisons justifient
cette approche. Elles peuvent être groupées en trois grandes catégories:

(1) La première englobe tous les mouvements financiers qui résultent d'une
activité dans laquelle la commune agit comme partenaire de tiers externes à
l'administration. C'est le cas, par exemple, lorsque la collectivité vend des
services ou des produits, directement en demandant un prix ou sous une forme
indirecte en prélevant des redevances d'utilisation en application du principe
de l'utilisateur-payeur ou de celui du pollueur-payeur. Dans tous ces cas, la
fixation du "prix" (taxe ou redevance d'utilisation) ne peut se faire sans
connaître exactement les coûts.
(2) Deuxièmement, les relations financières entre collectivités publiques d'un
même niveau ou entre les niveaux de gouvernement exigent de connaître les
prix de revient exacts des tâches afin d'éviter des politiques de prix
discriminatoires (dumping en particulier) ou des rentes de situation
(comportement de monopoleur imposant unilatéralement ses conditions).
(3) La troisième raison est de permettre une comparaison entre collectivités, du
coût des prestations individuelles lorsqu'elles sont produites dans une
situation de monopole local avec une clientèle captive.

La prévision budgétaire et la planification financière


Les principes traditionnels de comptabilité publique restreignent le champ de
l'activité budgétaire à un espace donné (la commune, le canton) pour un temps
donné (l'année civile). Ces limites de temps et d'espace, nécessaires dans l'optique
du classement et du contrôle des recettes et des dépenses, ne répondent pas aux
exigences d'une gestion dynamique du secteur public. Prenons l'espace "temps":
des activités publiques sont décidées et mises en oeuvre sur plusieurs années avant
qu'elles ne soient utilisables; il n'est qu'à songer aux infrastructures que certains
services requièrent (écoles, hôpitaux, routes, environnement). Il faut alors inventer
des procédures budgétaires qui apportent des solutions adéquates dans le temps.
La séparation du compte annuel en compte de fonctionnement et compte des
investissements ébauche une première solution en ce sens. Le contenu du plan
comptable doit, formellement, être le même. Une rubrique comptable, pour ne
prendre qu'un exemple très simple, doit avoir le même contenu dans le temps,
c'est-à-dire d'un exercice annuel à l'autre. Ainsi, la séparation entre le budget de
fonctionnement et celui des investissements doit correspondre aux mêmes critères
qualitatifs ou quantitatifs
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Système comptable et démocratie


L'utilisation d'un système comptable transparent, clair et lisible, accompagné de
règles budgétaires appropriées contribue à l'information et la compréhension des
mécanismes de décision publique. Il faut connaître qui produit quoi, pour qui,
combien cela coûte, qui paie quoi, quels sont les circuits de financement. La
comptabilité publique a certainement un rôle à jouer dans ce domaine. Pour rendre
accessibles aux citoyens et aux parlements les comptes publics, ceux-ci doivent
être élaborés selon la même systématique à tous les niveaux de gouvernement.
Des principes connus, tirés de la comptabilité analytique, et des définitions claires
sont les bases d'un modèle de compte.

4.1.2 La structure du modèle de compte harmonisé

Le premier objectif de tout système comptable est d'enregistrer sans omission


toutes les opérations financières ou purement comptables, de les classer de façon
systématique afin de permettre une interprétation adaptée aux besoins de la
gestion. Pour ce faire, le modèle de compte harmonisé introduit une distinction
entre un compte de fonctionnement et un compte des investissements. Il utilise un
classement numérique double tenant compte des tâches des collectivités publiques
et de la nature des produits et des charges.

La numérotation des comptes combine la classification fonctionnelle et la


classification comptable. La classification fonctionnelle est organisée selon les
domaines d'activité et les tâches qui incombent à chaque collectivité publique. La
classification comptable n'est rien d'autre qu'une liste ordonnée des charges et des
produits de fonctionnement ou des dépenses et recettes d'investissement, ainsi que
des rubriques du bilan. La disposition générale est celle du schéma 4-1.

Schéma 4-1
La numérotation des comptes

FFF . CCC . DD
Classification fonctionnelle
domaine
tâche
subdivision de la tâche

Classification par nature


classe de compte
groupe de compte
compte récapitulatif

Degré de détail
si nécessaire
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La classification fonctionnelle (FFF) et la classification comptable (CCC) sont


fixées dans le plan comptable harmonisé pour toutes les collectivités publiques.
Elles ne peuvent être modifiées. La classification comptable permet deux degrés
supplémentaires de détail (DD) qui sont libres, la commune en décide selon ses
besoins. La numérotation est basée sur le système décimal (deux fois trois
positions, FFF et CCC et une fois deux positions, DD), ce qui permet de répondre
aux besoins de la Confédération, des cantons et des grandes communes, comme à
ceux des plus petites collectivités locales. Le modèle de compte harmonisé permet
encore de dissocier la classification fonctionnelle et la classification
administrative, dans l'hypothèse où les dicastères (répartition politique des
compétences) ne correspondent pas exactement à la division des tâche (C.D.C.F.,
1982, I, p. 90): dans ce cas, on remplace les FFF par une classification AAA.
Cette numérotation des comptes répond aux exigences de classement des
opérations financières (section 4.1.1). La classification comptable, dans ce
modèle, est en même temps une classification économique. Le détail des comptes
récapitulatifs a été présenté dans le chapitre 2 du cours d’introduction aux
finances publiques (tableaux pp. 6-7).

4.1.3 Principes de comptabilité et de gestion publics

Onze principes de comptabilité servent à régler techniquement la mise en oeuvre


des budgets. Ils sont rappelés dans le tableau 4-2. Sept d'entre eux (présentés en
italique) ont un caractère propre au secteur public. S'y ajoutent six principes de
gestion financière énumérés dans le tableau 4-3.

Tableau 4-2 Principes de comptabilité


1. Annualité: Établissement du budget pour l'année du calendrier civil

2. Universalité: Saisie dans la comptabilité de toutes les opérations financières de la


collectivité

3. Clarté: Rédaction non équivoque et compréhensible des libellés des comptes

4. Exactitude: Rigueur des estimations évitant à la fois les reports et les dépassements
de crédits

5. Sincérité: Estimation objectivement contrôlable ne contenant aucune donnée


dénaturée ou fictive

6. Produit brut: Interdiction des compensations entre dépenses et recettes

7. Échéance: Mode de comptabilisation des recettes lorsqu'elles sont facturées et des


dépenses lorsqu'elles sont dues

8. Spécialité qualitative: Utilisation d'un crédit pour le seul but fixé

9. Spécialité quantitative: Utilisation d'un crédit jusqu'au seul montant autorisé

10. Spécialité temporelle: Utilisation d'un crédit durant l'année de son autorisation

11. Antériorité: Vote d'un budget avant l'exercice qu'il concerne


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Tableau 4-3 Principes de gestion financière publique


1. Légalité: Exigence d'une base juridique inscrite dans une loi ouvrant un crédit
ou un texte équivalent

2. Équilibre budgétaire: Équilibre du budget de fonctionnement

3. Efficience: Emploi ménager des moyens, exécution des tâches publiques finan-
cièrement supportables (ordre de priorités)

4. Efficacité: Emploi judicieux des moyens, rapport optimum entre les dépenses
engagées et les résultats obtenus

5. Utilisateur-payeur: Participation acceptable du bénéficiaire d'une prestation à son coût

6. Non-affectation: Interdiction de lier l'utilisation d'un type d'impôt exclusivement


pour le financement d'une tâche publique déterminée

4.1.4 L'organisation de la comptabilité publique

L'organisation de la comptabilité publique prend en compte la manière dont les


écritures comptables sont enregistrées dans les comptes, la séparation éventuelle
de ceux-ci entre le fonctionnement et l'investissement, de même que la manière
dont sont interprétés les résultats et les ratios de résultats (ce que sont les
"amortissements", le "solde primaire", la "marge d'autofinancement" pour ne
donner que deux exemples). Ces définitions sont importantes pour deux raisons au
moins. (i) C'est en général par rapport à ces dernières, et donc à l'organisation de
la comptabilité publique, que vont se définir les contraintes budgétaires et
institutionnelles (section 4.4 ci-après) – par exemple lorsque l'on dit que le compte
de fonctionnement doit être "équilibré", ou bien que la marge d'autofinancement
devrait correspondre à une couverture de 60 pour cent au moins des
investissements. Ou encore, lorsque l'on soumet certaines catégories de dépenses
au référendum. (ii) C'est le plus souvent aussi par rapport à ces définitions que
sont mesurées les performances du secteur public, tout au moins en ce qui
concerne les résultats, l'équilibre, la responsabilité budgétaire. Faire reposer le
respect du critère de "soutenabilité" des finances publiques en regard du déficit du
compte (qui ne doit pas dépasser 3 % du PIB) comme le veut une des règles de
Maastricht, exige des précisions sur ce que l'on entend par "déficit".
On propose ici de comparer deux organisations comptables, la première
correspond à la proposition du plan comptable harmonisé pour les collectivités
publiques en Suisse (schéma 4-4), la seconde est le modèle de l'Union Européenne
(schéma 4-5). Le premier distingue fonctionnement et investissement; le second
ne le fait pas, ce qui va compliquer l'analyse et la comparaison des résultats. Par
exemple, les concepts de "solde primaire", "d'autofinancement" ou de "besoin de
financement" ne se laissent pas calculer directement, sans correction pour les
comparer.
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Schéma 4-4 Organisation des comptes harmonisés C.D.C.F.

Compte de fonctionnement Compte des investissements

Personnel Impôts Subventions


Biens, services et d'investiss.
Parts à des
marchandises recettes
Intérêts Subventions
Subventions acquises Dépenses
versées d'investissement Investissement
Dédommage-
net
Financements ments.
spéciaux Revenus de
Imp. internes fortune
Financements
Amortissements spéciaux
Imp. internes

Exc. de revenus

Recours à
l'emprunt
Investissement
net

Autofinancement

Schéma 4-5 Modèle UE

Impôts
fonctionnement

Personnel Parts à des


Dépenses de

Biens, services et recettes


marchandises Subventions
fonctionnement
Recettes de

Subventions acquises
versées Dédommage-
ments
Subv. versées Revenus de
d'investissements

fortune
Dépenses

Dépenses
d'investissement

d'investisse-
Subventions
ment
Recettes

reçues

Solde primaire Vente de


patrimoine

Solde primaire
Intérêts
Besoin de
financement
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4.2 Les fonctions de l'État

Revenons un instant au schéma 4-1 pour examiner la classification fonctionnelle.


Dans le plan comptable harmonisé utilisé en Suisse, il y a dix domaines d'activité
de base, numérotés de 0 à 9 (le premier F), à savoir:

0 Administration 5 Affaires sociales


1 Ordre public 6 Transports et communications
2 Enseignement et formation 7 Environnement
3 Culte, culture, loisirs 8 Économie
4 Santé 9 Finances et impôts.

C'est à partir de cette nomenclature qu'il est possible de résumer, puis d'analyser
les fonctions du secteur public. Nous en donnons un aperçu pour l'année 2001
dans les tableaux 4-6 à 4-8.

Sauf pour les "Affaires étrangères" et, dans une large mesure pour la "Défense
nationale", on constate qu'il n'y a guère de domaines dans lesquels les
responsabilités ne sont pas partagées entre les trois niveaux de gouvernement. La
Confédération est un poids lourd en affaires étrangères, défense nationale, et
occupe une position dominante dans les affaires sociales, les transports et
communication, dans les domaines économiques et des finances (poids de la
dette). Les cantons ont une position dominante pour les tâches d'ordre public,
d'éducation et d'enseignement, de santé; les communes en ce qui concerne
l'administration, la culture et le sport, les tâches environnementales. Mais, il faut
entrer dans le détail des tâches pour avoir une image plus nuancée du partage des
compétences entre la Confédération, les cantons et les communes.
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Table 4-6 Public expenditures 2001, in 1 000 Sfr


Function Confederation Cantons communes
0 Administration 1'912'934 3'440'765 3'691'204
1 Public order 632'111 5'009'173 1'897'310
. police 167'482 2'331'340 780'679
. justice 95'699 1'053'602 41'655
. fire defence 0 64'935 495'728
. other 368'930 1'559'296 579'248
National defence 4'956'846 257'882 238'619
. army 4'870'197 167'401 56'868
. civil defence 86'649 90'481 181'751
Foreign Affairs 2'691'469 0 0
2 Education 3'650'226 15'598'801 9'662'846
. kindergarten 0 386'690 650'676
. public schools 15'951 5'708'130 7'579'345
. special schools 0 610'695 597'957
. professional teaching centres 455'434 2'787'634 664'699
. colleges 11'932 1'900'809 88'286
. higher technical schools 18'973 229'176 3'899
. universities, research 2'392'798 3'624'024 19'473
. others 755'138 351'643 58'511
3 Culture, leisure and sports 780'352 1'297'457 2'205'995
. culture 472'976 654'559 838'387
. sports 136'261 130'967 761'753
. others 171'115 511'931 605'855
4 Health 227'653 11'025'989 7'741'352
. hospitals 9'299 8'436'604 5'629'002
. others 218'354 2'589'385 2'112'350
5 Social Affairs, solidarity 12'529'165 11'315'825 5'885'297
. old-age pensions 4'833'915 1'121'513 210'351
. invalidity insurance 3'575'494 1'181'558 172'751
. health insurance 1'918'374 3'032'617 428'620
. other social insurances 931'752 2'190'717 886'585
. social housing 242'076 179'860 48'097
. homes for old age pensioners 0 37'581 927'007
. individual social aid 1'027'554 2'685'624 2'596'472
. others 0 886'355 615'414
6 Transportation and roads 8'680'481 6'045'738 3'018'192
. roads 2'897'050 4'714'058 2'432'815
. railways 3'324'923 0 0
. regional public transportation 913'251 1'267'366 564'353
. others 1'545'257 64'314 21'024
7 Environment 812'866 1'527'093 3'603'008
. water 0 42'023 279'982
. sewage and water purification 176'202 511'970 1'547'783
. garbage collection and disposal 45'996 172'941 913'095
. land planning, zoning 370'842 549'542 513'173
. others 219'826 250'617 348'975
8 Economy 4'787'923 4'490'744 820'160
. agriculture 3'962'176 2'930'530 98'725
. forestry 255'657 494'608 353'756
. others 570'090 1'065'606 367'679
9 Finance 9'474'461 3'925'436 2'945'026
. equalization 0 747'715 467'916
. revenue-sharing 5'881'071 593'661 0
. public debt interest and management 3'593'390 2'433'204 2'446'964
. others 0 150'856 30'146

Total 51'136'487 63'934'903 41'709'009


Source: "Finances publiques en Suisse 2001" (A.F.F.) OFS, Neuchâtel 2003, pp. 27, 49, 83
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Table 4-7 Respective shares of public expenditures 2001, in per cent


within between
Function Confede- Confede-
Cantons communes Cantons communes
ration ration
0 administration 4 5 9 21 38 41
1 public order 1 8 5 8 66 25
national defence 10 0 1 91 5 4
foreign affairs 5 0 0 100 0 0
2 education 7 24 23 13 54 33
3 culture, sports 2 2 5 18 30 51
4 health 0 17 19 1 58 41
5 social affairs 25 18 14 42 38 20
6 transportation 17 9 7 49 34 17
7 environment 2 2 9 14 26 61
8 economy 9 7 2 47 44 8
9 finance 19 6 7 58 24 18
total 100 100 100 33 41 27

Source: author's calculation based on Table 3


within = proportion of the function in the budget for a government layer (vertical).
between = proportion of each of the three layers for a single function (horizontal).

La décimalisation de la première position peut être trop étroite: c'est pourquoi le


système prévoit une subdivision des tâches principales (le deuxième F). Le cas
échéant, on peut même faire appel à un troisième degré de détail (le troisième F).
La notation FFF correspond aux centres de charges que définissent les prestations
des collectivités locales. Ainsi, par exemple pour le chapitre deux:
2 Enseignement et formation
20 Ecole enfantine
21 Cycle scolaire obligatoire
210 École primaire
211 École secondaire … etc.

Table 4-8 Education expenditures 2001, in 1 000 Sfr


Confederation Cantons Communes
Function
1 000 Sfr % 1 000 Sfr % 1 000 Sfr %
20 kindergarten 0 0 386'690 37 650'676 63
21 public school 15'951 0 5'708'130 43 7'579'345 57
22 special school 0 0 610'695 51 597'957 49
23 professional school 455'434 12 2'787'634 71 664'699 17
college 11'932 1 1'900'809 95 88'286 4
technical school 18'973 8 229'176 91 3'899 2
university 2'392'798 40 3'624'024 60 19'473 0
29 other 755'138 65 351'643 30 58'511 5
total 3'650'226 13 15'598'801 54 9'662'846 33

Source: "Finances publiques en Suisse 2001" (A.F.F.) OFS, Neuchâtel 2003, pp. 27, 49, 83
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4.3 Les procédures budgétaires

En raison de l'absence de marché pour les services collectifs, une autre démarche
doit être acceptée – et suivie – pour permettre la décision de les offrir, de les
produire et de les financer. C'est la procédure budgétaire, légitimée par des
institutions démocratiques. Par procédures budgétaires, nous entendons décrire la
manière dont les budgets publics sont établis. Seuls les trois modes les plus usités
sont mentionnés ici: le budget par addition, qui est la procédure traditionnelle de
loi la plus fréquente malgré toutes les critiques qu'on lui assène, le budget base
zéro et l'enveloppe budgétaire. Aucun des modes n'a l'exclusivité de la procédure
budgétaire: des combinaisons sont possibles selon les domaines ou les tâches
budgétisées.

4.3.1 Le budget par addition

Le budget par addition est la forme la plus conservatrice d'établissement du


budget. On part de la situation existante, prenant en considération le dernier
compte bouclé et le budget de l'année en cours pour procéder par rounds
d'observation et de calcul. Chaque unité administrative fait valoir, par rubrique
comptable (mais pas toujours selon la classification fonctionnelle par tâches)
l'énumération des dépenses envisagées (bien évidemment toujours
"indispensables" !) et des recettes possibles. Le rituel est stratégique et invariable,
même lorsque des directives cherchent à le moderniser ou à le dynamiser. Dans
une premier temps, les services demandent "plus" pour être certains d'obtenir "au
moins" autant que ce qu'ils avaient obtenu dans le compte ou le budget précédent
(si possible le plus haut des deux !), ce qui conduit à une addition hors de
proportion avec les moyens budgétaires disponibles. En clair, le déficit de
fonctionnement qui ressort du premier tour est inadmissible. Commencent alors
les va-et-vient entre les bureaux et le département des finances, entre le chef des
finances et les responsables des unités administratives, puis entre les membres de
l'exécutif, jusqu'à ce qu'un compromis présentable devant le parlement permette
d'atteindre au moins le seuil acceptable fixé par les règles institutionnelles
relatives à "l'équilibre".

Ce mode de procéder souffre de défauts majeurs, connus de chacun.


9 Il absorbe un temps et une énergie incroyable – que l'on pourrait consacrer
avantageusement à des réflexions et à des démarches de gestion des politiques
publiques – dans un rituel qui se répète chaque année et dont on sait à l'avance
que les premiers rounds donnent des résultats inutilisables.
9 Il ne permet par une vision prospective à moyen terme, en particulier en ce qui
concerne les investissements. Il faut donc compléter cette procédure par la
juxtaposition des programmes d'investissement.
9 Dans la mesure où la classification administrative des chapitres diverge de la
classification fonctionnelle, la négociation budgétaire, si elle se fait par
dicastère, ne permet pas d'appréhender globalement les politiques publiques
par domaine ou par tâche.
Introduction aux finances publiques 2003-2004 version 28 novembre 2003 13

Or l'élaboration du budget sous cette forme ne donne plus le temps de discuter des
politiques (culturelles, sportives, de formation, de jeunesse, de développement,
etc.), démarche qui devrait précéder le budget. L'ensemble des bureaux concernés
par une même politique devrait au moins convoquer une table ronde pour réfléchir
aux buts et aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de cette politique dans sa
globalité, répartir la tâche et coordonner leurs revendications budgétaires. Au
mieux cela devrait se faire dans un programme de législature accompagné d'une
planification financière.

En bref, ce mode budgétaire est un système structurellement bloqué, dont


l'efficacité de mise en œuvre dépend entièrement de la qualité et de la volonté des
acteurs. S'il perdure encore, c'est pour deux raisons principales:
(i) C'est celui qui permet le plus facilement et de manière diffuse des
comportements stratégiques et le jeu des groupes de pression;
(ii) L'incapacité d'innover par ce mode n'est pas ressentie comme un défaut
majeur lorsque la marge de manœuvre financière de la collectivité est
réduite, l'essentiel des dépenses étant liées et données historiquement et les
impôts difficilement modifiables à la hausse.

4.3.2 Le budget base zéro

Le budget base zéro admet comme hypothèse de départ la rupture de


l'enchaînement historique des budgets successifs. En d'autres termes, le budget
2004 ne dépendrait en rien du budget 2003, tout étant à refaire, à prouver. Dans ce
mode, chaque bureau doit justifier entièrement et "à neuf" les montants des
dépenses qu'il projette et les recettes qu'il veut inscrire, le but étant d'éviter des
blocages et des rentes de situation. Pour le reste, la procédure est la même que
celle du budget par addition et par tours de lecture des avant-projets de budget
jusqu'au respect des règles institutionnelles d'équilibre.

En fait, ce mode budgétaire n'est pas entièrement réaliste dans la mesure où les
dépenses et les recettes du budget futur sont largement conditionnées par la
situation présente. Par exemple:
9 il n'est pas possible de modifier radicalement la politique du personnel d'une
année à l'autre;
9 les dépenses liées échappent au contrôle immédiat de la collectivité préparant
le budget;
9 les banques et les institutions de prêts ne veulent pas faire l'impasse sur le
service de la dette.

La collectivité hérite en fait d'une situation qui rend inutile une réflexion à partir
d'une base zéro. Toutefois, cette pratique n'est pas dénuée d'efficacité "à la marge"
dans la mesure où l'on identifie de manière précise les dépenses liées pour
lesquelles la collectivité n'a pas de liberté, reste une part plus ou moins importante
des dépenses "choisies" pouvant faire l'objet de directives analogues à celle d'une
"base zéro". Par exemple, il est possible de bloquer la dotation d'un service en
personnel à la valeur de l'année de référence, toute demande supplémentaire
devant être justifiée. Cette démarche est souvent utilisée en combinaison avec la
Introduction aux finances publiques 2003-2004 version 28 novembre 2003 14

procédure précédente. La principale difficulté est de fixer le "seuil de référence"


(qui remplace en fait le plus souvent le "seuil zéro") le plus bas possible; le
principal inconvénient étant que la situation acquise en dessous de ce seuil n'est
plus remise en cause, même pour une tâche devenue obsolète ou qui a perdu son
importance au fil du temps. Fixer un seuil minimal de référence pour des dépenses
ne va évidemment pas faire disparaître tout comportement stratégique. La pratique
montre que l'enjeu est simplement déplacé, la dispute portant désormais sur la
valeur du seuil et non plus sur le montant à budgétiser.

Un autre inconvénient du budget base zéro est qu'il ne résout pas le dilemme d'une
démarche budgétaire basée sur l'année, alors que le long terme serait souhaitable
pour aménager des politiques publiques soutenables. Une autre forme de
procédure budgétaire est parfois proposée pour palier à cet inconvénient: le PPBS
– pour planning, programming, budgeting system ou système de planification de
programmation et de budgétisation. Cette approche n'est pas développée ici.

4.3.3 L'enveloppe budgétaire

La pratique de l'enveloppe budgétaire consiste à attribuer à un service un montant


global de dépenses et, le cas échéant, à autoriser un volume de recettes, pour
l'exécution d'une tâche, sans entrer dans le détail des rubriques comptables
pertinentes pour l'organisation de ce service. Ce mode ne peut fonctionner que si,
au préalable, l'exécutif établit avec le service en question un contrat de prestation
dans lequel sont stipulés les objectifs à atteindre, qualitativement et
quantitativement, les moyens adéquats du contrôle de leur réalisation, ainsi que
les sanctions ou pénalités au cas où ces objectifs ne seraient pas atteints. Dans
l'optique de la Nouvelle Gestion Publique, ce mode permet au gouvernement de
définir l'offre, abandonnant au bureau le soin de décider au mieux de la fonction
de production permettant de la réaliser.

Quatre problèmes liés à ce mode méritent d'être mentionnés.


1) Recourir à une enveloppe budgétaire pour une tâche ne dispense pas le
gouvernement du débat sur les priorités entre politiques publiques lorsque les
ressources budgétaires sont limitées. Attribuer une enveloppe budgétaire à
l'université n'évacue pas la question de la place de cette politique face à d'autres
besoins, qu'ils existent dans le même domaine, mais pour une autre tâche, dans
une Haute Ecoles Spécialisée, ou dans d'autres domaines, hôpitaux, homes, aide
sociale ou infrastructures, par exemple.

2) Etablir un contrat de prestation n'est pas une démarche aussi aisée qu'il n'y
paraît à première vue, particulièrement en raison des caractéristiques non
marchandes des prestations. Pour reprendre l'exemple universitaire, il n'y a pas de
consensus actuellement sur la manière de définir ou de mesurer en termes de
résultats l'enseignement ou la recherche ! Les contrats de prestation sont plus aisés
à mettre en place pour des tâches limitées à des productions industrielles
publiques, comme la distribution d'eau, l'assainissement des eaux usées, les
déchets ménagers ou le contrôle des véhicules. Incidemment, ces tâches sont le
Introduction aux finances publiques 2003-2004 version 28 novembre 2003 15

plus souvent celles qui peuvent être financées par l'application du principe de
l'utilisateur-payeur, sans enjeux redistributifs et faisant l'objet de budgets annexes.

3) Il faudrait admettre que le bureau puisse soit produire lui-même en engageant


les ressources nécessaires à cet effet, soit trouver un opérateur privé avec lequel il
passe contrat tout en gardant la responsabilité de la réalisation (production
déléguée). La cohérence voudrait aussi que les bureaux offrant des prestations
"intermédiaires" se trouvent en concurrence avec les opérateurs privés lors des
appels d'offre.

4) On ne peut ignorer la question des soldes budgétaires ou d'un excédent de


recettes si une rationalisation et la gestion efficace du service permettent
d'abaisser son coût au-delà des prévisions du contrat de prestation. Les restituer
entièrement dans le budget principal nuirait à l'incitation à plus d'efficacité
productive et l'innovation. Des critères de répartition ou d'utilisation du gain net
possible doivent donc être prévus au préalable et faire partie intégrante du contrat
de prestation.

On peut hésiter sur la meilleure procédure à choisir pour préparer et décider un


budget. On aboutira probablement à un mélange des genres. Mais l'on ne s'étonne
guère de constater que, malgré l'introduction de nouvelles méthodes et de
nouvelles procédures, le "budget par addition" a encore de beaux jours devant lui
et reste la pratique la plus courante. En fait, le budget se caractérise par de
multiples enchaînements temporels soit entre dépenses, soit entre recettes. La
situation actuelle résulte en partie de décisions passées et conditionne déjà plus ou
moins étroitement les évolutions futures.

4.4 Les contraintes

On aurait tort de croire que, munies d'un instrument performant de gestion


budgétaire, comme le plan comptable harmonisé, et aguerries aux procédures
budgétaires les plus complexes, les collectivités publiques peuvent dès lors
décider librement de tâches et de dépenses, selon les besoins et les demandes
exprimées par leurs résidants, et des ressources, selon leur disposition à payer.
Plusieurs contraintes viennent restreindre les choix. Nous en avons sélectionné
trois catégories, qui forment les trois sous-sections suivantes.

4.4.1 Les règles institutionnelles d'équilibre

La plupart des cantons se sont donnés, pour eux et pour leurs communes, des
règles générales financières et budgétaires plus ou moins restrictives. Ces
prescriptions font généralement référence à un "équilibre" à atteindre lors de la
discussion du budget ou de dépenses isolées et à respecter lors de décisions
portant sur le budget, des crédits supplémentaires ou sur les comptes. Elles
englobent le plus souvent trois points: la règle de base, un objectif, une sanction.
Ainsi, dans le canton de Fribourg (loi du 25.11.1994 sur les finances de l'Etat et
règlement du 12.3.1996 d'exécution de ladite loi), la règle est celle de l'équilibre
Introduction aux finances publiques 2003-2004 version 28 novembre 2003 16

du budget de fonctionnement, amortissement compris. L'objectif est un degré


suffisant d'autofinancement des investissements. La sanction est l'obligation
d'augmenter le coefficient d'impôt lorsque le déficit du compte de fonctionnement
atteint 3 pour cent du total des revenus. Sans entrer dans les détails techniques des
politiques budgétaires que sous-tendent ces textes, de telles prescriptions légales
ont en commun qu'elles séparent le fonctionnement des investissements (on ne
peut pas exiger l'équilibre annuel du compte comprenant des investissements), et
mettent en relation directe, explicite ou non, l'équilibre budgétaire, les règles
d'amortissement et d'endettement, et l'impôt – qui devient la véritable variable de
gestion.

Si elles ont le mérite d'instaurer une discipline budgétaire, de telles dispositions


gênent les gouvernements et les incitent à pratiquer quelques contorsions au
moment d'établir le budget. Les comportements stratégiques, des tentatives de
contourner la contrainte ou la sanction sont démarches courantes. Ainsi, lorsque,
comme à Fribourg, on a une règle d'équilibre et un seuil d'alerte, c'est plutôt le
seuil d'alerte qui vaut comme objectif immédiat – manière de voir qui permet en
fait un budget supplémentaire sur 33 ans (33 ans à 3 % = 100 pour cent) ! D'autres
règles et d'autres interprétations sont évidemment possibles. Les déficits des
comptes publics enregistrés ces dernières années montrent bien que la thèse de
l'équilibre budgétaire annuel ne résulte plus ni d'une tradition ni d'un principe
spontané.

4.4.2 Dépenses liées, dépenses nouvelles et référendum

Deux autres sources de contraintes existent en plus des règles visant directement
l'équilibre du budget. D'une part les collectivités héritent de situations passées sur
lesquelles elles n'ont pas d'emprise, trouvant leur origine soit dans la tutelle d'un
niveau supérieur de gouvernement soit parce que des choix antérieurs entraînent
des dépenses récurrentes, financières et d'exploitation. D'autre part, une majorité
de cantons connaissent le système du référendum obligatoire lorsqu'une dépense
nouvelle, unique ou répétitive, dépasse un seuil de référence ou pour décider des
impôts (soit directement, soit parce que le seuil du déficit permis serait atteint).
Cela vaut aussi dans la plupart des cantons pour le niveau communal lorsqu'un
parlement communal remplace l'assemblée des citoyens.

Dépenses issues de décisions passées


9 les dépenses liées: ce sont des tâches ou des mesures décidées par un niveau
de gouvernement (la Confédération), mais que doit appliquer ou financer (en
tout ou en partie) un autre niveau de gouvernement (les cantons). On est dans
une logique de "principal-agent" où le principal décide et l'agent exécute.
Exemple: la législation fédérale sur la protection de l'environnement, qui
occasionne des coûts d'application aux cantons et aux communes.
9 les dépenses exécutées en collaboration soit parce que des mesures de tutelle
l'exigent, soit parce que les cantons (les communes) sont trop petits pour les
réaliser seuls. Exemple: les accords intercantonaux concernant les universités
et les H.E.S.
Introduction aux finances publiques 2003-2004 version 28 novembre 2003 17

9 le service de la dette: les établissements de prêt exigent le paiement des


intérêts passifs; en principe, les législations financières cantonales exigent
également l'amortissement de la dette. Ce sont donc des décisions passées qui
fixent l'importance de la dépense actuelle, à laquelle il n'est pas possible de se
soustraire.

Dépenses nouvelles et référendum


Une deuxième contrainte concerne les dépenses nouvelles. Dans la plupart des
législations cantonales figure le droit de référendum visant les dépenses nouvelles.
Le référendum joue sans doute un rôle clé dans la procédure budgétaire en
retenant quelque peu les ambitions dépensières et d'endettement des
parlementaires (Feld et Kirchgässner : 1998). Dans 19 cantons, les dépenses
nouvelles uniques, par forcément d'investissement, ou périodiques lorsqu'elles
vont se répéter sur une durée de quelques années sont soumises au référendum
obligatoire. Ailleurs, le référendum est facultatif.

Le tableau 4-9 illustre la situation dans les cantons suisses, en 1999, pour montrer
la diversité dans le choix politique, en base de référence et dans la procédure de
calcul permettant de fixer la limite en francs qui déclenche le référendum. Il n'y a
pas de "pensée unique politiquement correcte" dans ce domaine.
Introduction aux finances publiques 2003-2004 version 28 novembre 2003 18

Table 4.9 : le référendum financier dans les cantons (état au 1.1.1999)1

base REFERENDUM OBLIGATOIRE REFERENDUM FACULTATIF


cantons
légale1 dépense unique dépense nbre de délai en dépense
dépense unique
périodique2 signat.3 jours périodique2
1 2 3 4 5 6 7 8
5 % d'une unité 1% d'une unité
Appenzell Rh.E. 60,76 - - - -
fiscale fiscale
ter 2 2
Appenzell Rh.I. 7 500'000 100'000 200 30 250'000 50'000
28 bis/ = montant sur 5 3 ¼% = montant sur 5
Fribourg 1 % (DCF+I)t-1 6000 90
251 ans (DCF+I)t-1 ans
4
Glaris 69 500'000 100'000 - - - -
Grisons 2 5'000'000 500'000 3000 90 1'000'000 300'000
3 5%oo
Jura 77, 78 5 % (RBF+I)t 5%o (RBF+I)t 2000 60 5%o (RBF+I)t
(RBF+I)t
5
3'000'000 300'000
Lucerne 39 bis, 40 25'000'000 5
2'500'000 3
3000 60 6 6
10'000'000 1'000'000
1.5% 1.5%o
Neuchâtel 39/ 5,451 6000 40 7
400'000 7
100'000
RCFt-1 RCFt-1
Nidwald 52,52a 5'000'000 500'000 250 60 250'000 50'000
47/ 3'000'000 2
Saint-Gall 15'000'000 2
1'500'000 3
4000 30 300'000
6,7,7 bis 1 8
6'000'000 9
200'000
Schaffhouse 42,42bis,ter 10
1'000'000 10
100'000 600 60 11
300'000 11
50'000
Schwyz 30/ 241 250'000 50'000 - - - -
3
Soleure 35, 36 5'000'000 500'000 1500 90 1'000'000 100'000
Thurgovie 23 3'000'000 600'000 2000 90 1'000'000 200'000
2 2
Uri 24, 25 1'000'000 100'000 300 90 500'000 50'000
12 2 2
Vaud 27 20'000'000 2'000'000 12000 40 2'000'000 200'000
Argovie 63 - - 3000 90 3'000'000 300'000
3
Bâle-Campagne 31, 49 - - 1500 56 500'000 50'000
Bâle-Ville 29/ 221 - - 2000 42 13
1'500'000 = sur la période
3 14 14
Berne 61, 62 - - 10000 90 2'000'000 400'000
Genève 15, 16 53, 56 7000 40 125'000 60'000
Obwald 17 59 - - 3
100 30 1'000'000 200'000
3 2
Tessin 42 - - 7000 45 1'000'000 250'000
18 0,75 % 0,25 %
Valais 31 - - 3000 90
(DCF+I)t-1 (DCF+I)t-1
3
Zoug 34 - - 1500 60 500'000 50'000
Zurich 19 28bis,30bis - - 3
5000 60 3'000'000 300'000
B = budget; C = compte; D = dépenses; F = fonctionnement; I = investissement; R = recettes; t = année courante;
t-1 = année précédente. Par exemple, Fribourg : 1 % du total des Dépenses des Comptes de Fonctionnement et (+) des
Investissements de l'année précédente (t-1).

1
Novaresi N. (2001) Discipline budgétaire : étude de l’influence du référendum financier et des
règles d’équilibre budgétaire sur les finances publiques des vingt-six cantons suisses, Centre
d’études en économie du secteur public BENEFRI, thèse de doctorat, Fribourg, pp. 147-148.
Introduction aux finances publiques 2003-2004 version 28 novembre 2003 19

Notes de tableau
1) Article constitutionnel, sauf mention contraire : FR : "Loi sur les finances de l'État" du 25.11.1994; NE : "Loi
sur les finances" du 21.10.1980; SG : "Gesetz über Referendum und Initiative" du 27.11.1967; SZ :
"Vollzugverordnung zur Verordnung über Finanzhaushalt" vom 23.12.1986; BS : "Gesetz über den kantonalen
Finanzhaushalt" du 16.4.1997.
2) En principe, les cantons ne mentionnent pas le nombre d'années pendant lesquelles la dépense doit se répéter.
Font exception AI (5 ans), SG (10 ans), UR (10 ans), VD (10 ans), TI (4 ans).
3) Le référendum peut aussi être demandé par une partie du Grand Conseil (référendum obligatoire extraordinaire) :
par exemple, FR (1/4 des députés), LU (50 députés; cf. note 6), SG (1/3 des élus), BE (120 députés), OW (1/3
des députés), ZG (1/3 des députés), ZH (45 députés); ou par des communes : BL (5), JU (8), SO (5), TI (1/5).
4) Pour l'achat de biens fonciers la limite est de 5 millions de francs.
5) Le montant n'est pas spécifié exactement. Il est dit que la somme des dépenses périodiques ne doit pas dépasser
le montant valable pour la dépense unique. Si cette somme n'est pas prévisible c'est la dépense annuelle prévue
multipliée par dix qui est prise comme référence. D'où les valeurs introduites dans les colonnes 4 et 8.
6) À partir de ces montants, le référendum peut aussi être demandé par 50 conseillers.
7) Neuchâtel ne prévoit pas une limite à l'exercice du référendum facultatif. Toutefois, cet exercice ne peut pas se
faire au-dessous des limites entrant dans les compétences du Conseil d'État, fixées dans la loi financière. Celui-ci
est compétent pour les dépenses jusqu'aux limites qui figurent dans le tableau.
8) Cette limite s'applique pour les "Projekte für den Bau von Staatsrassen", exception faite des routes nationales,
pour les "Staatsbeiträge nach dem Einführungsgesetz zum eidgenössischen Eisenbahngesetz" et pour les
"Staatsbeiträge nach dem Gesetz zur Förderung des öffentlichen Verkehrs".
9) Cette limite concerne les dépenses périodiques engagées en vertu de la loi d'encouragement des transports
publics ("Gesetz zur Förderung des öffentlichen Verkehrs").
10) Si la dépense nouvelle n'a pas été acceptée à plus des 4/5 des voix par le parlement, celle-ci est aussi soumise à
vote obligatoire s'il s'agit d'une dépense unique de plus de 300'000 francs ou d'une dépense périodique de plus de
50'000 francs.
11) Ces limites s'appliquent aux décisions du parlement qui ont été acceptées par au moins les 4/5 des élus. Sinon la
dépense tombe sous le référendum obligatoire (cf. note 10).
12) Disposition entrée en vigueur le 1.1.1999. Auparavant, Vaud ne connaissait que le référendum facultatif sur les
dépenses extrabudgétaires fondées sur une loi ou un décret. La portée était très limitée.
13) L'art. 29 de la Constitution exclut les dépenses et les achats en vue de l'acquisition de biens fonciers pour le
patrimoine administratif du champ d'application du référendum, pour autant qu'une loi n'en dispose pas
autrement. L'art. 22 de la loi financière réglemente ce cas. Les opérations en question sont soumises à
référendum facultatif si la valeur du bien produit dépasse le triple de la limite valable pour les autres dépenses.
14) Si 80 parlementaires le souhaitent, toute dépense ne dépassant pas les montants donnant droit au référendum
facultatif peut être munie de la clause référendaire et ainsi être soumise à référendum facultatif.
15) Seules les lois sont soumises à ces limites. Les arrêtés normaux ne le sont pas.
16) Le terme "nouvelle" n'est pas mentionné dans l'article pour définir les dépenses soumises à référendum.
17) Disposition entrée en vigueur le 29.11.1998. Auparavant : coexistence entre référendum obligatoire (1 million de
francs pour les dépenses uniques et 200'000 francs pour les dépenses périodiques) et référendum facultatif
(500'000 francs, respectivement 100'000 francs).
18) Le terme utilisé est "dépense extraordinaire" et non pas "nouvelle".
19) En vigueur depuis le 1.1.1999. Auparavant : coexistence entre référendum obligatoire (20 millions de francs pour
les dépenses uniques et 2 millions de francs pour les dépenses périodiques) et référendum facultatif (2 millions
pour les dépenses uniques et de 200'000 francs pour les dépenses périodiques).
Introduction aux finances publiques 2003-2004 version 28 novembre 2003 20

4.4.3 Les ressources disponibles

La troisième catégorie de contrainte concerne les ressources. C'est, dans ce


domaine, "l'art du possible avec les impôts que l'on a". La fiscalité représente la
principale source autonome de financement de la Confédération, des cantons et
des communes. La mobilisation de l'impôt conditionne de ce fait étroitement
l'évolution à la marge des dépenses publiques, en supposant les autres recettes de
fonctionnement constantes ou bien, pour les redevances et les taxes, inutilisables
dans le budget principal parce qu'affectées à des tâches particulières en
application des principes de l'utilisateur-payeur ou du pollueur-payeur. La
variation des dépenses d'une année à l'autre doit par conséquent être couverte par
une variation équivalente de la fiscalité obtenue soit d'un effet taux, soit d'un effet
base, soit d'une combinaison des deux. L'effet taux mesure l'augmentation du
produit fiscal liée au relèvement du taux d'imposition (de la cote ou du coefficient
annuel) ou l'inverse. L'effet base correspond à la progression du montant de
l'impôt résultant soit de l'augmentation de la base imposable (à taux inchangé),
soit de l'élargissement de la base imposable par l'arrivée de nouveau
contribuables, personnes ou entreprises.

Il est aisé de comprendre que, là encore, la collectivité n'a qu'une marge de


manœuvre limitée. Elle ne contrôle pas l'effet base qui pourrait être obtenu par
l'augmentation de l'assiette fiscale des contribuables résidants: leurs revenus sont
déterminés par l'économie de marché. La recherche de nouveaux contribuables
pour élargir la base d'imposition met les collectivités en concurrence. Enfin, pour
un panier et une qualité identiques des prestations, c'est le coefficient d'impôt
(touchant à l'effet taux) qui devient la variable de commande la plus importante,
seule ou en combinaison avec des prélèvements du type utilisateur-payeur. Mais
alors, une collectivité publique qui voudrait élargir sa marge de manœuvre
financière par l'augmentation du coefficient d'impôt ne peut le faire sans égard aux
même données dans les collectivités concurrentes: un écart défavorable la mettrait
"hors prix".

Mot clés
Classification fonctionnelle, classification comptable, classification économique;
charge et dépense, produit et recette; amortissement, autofinancement, solde
primaire; 11 principes de comptabilité, 6 principes de gestion financière publique
(connaître les contenus, et non pas retenir la liste par cœur!); budget par addition,
budget base zéro, PPBS, enveloppe budgétaire; effet taux, effet base, pour la
fiscalité directe;
Introduction aux finances publiques 2003-2004 version 28 novembre 2003 21

Exercices
Les participants au cours peuvent pratiquer les quelques exercices suivant pour se
familiariser aux questions traitées dans ce chapitre.

(1) Se munir des comptes de son canton ou de sa commune de domicile pour


essayer d'en comprendre le classement fonctionnel et comptable.
(2) Examiner le classement fonctionnel des tâches de la Confédération sur la
base des comptes de la dernière année.
(3) Chercher pour son canton de domicile quelles sont les tâches qui absorbent
le plus de ressources, dans le dernier compte, en 1990, en 1980.
(4) Par le biais d'internet, entrer dans le Recueil systématique des lois de son
canton de domicile pour aller chercher les règles budgétaires et des comptes
concernant l'équilibre et les amortissements.

Références

Feld L. et Kirchgässner G., 1998, "Public Debt and Budgetary Procedures: Top
Down or Bottom Up? Some Evidence from Swiss Municipalities", in Poterba et
Van Hagen (eds): Budgeting Institutions and Fiscal Performance, Chicago
University Press et N.B.E.R.

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