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« L’accès des indigents aux services de santé au Burkina Faso  : un problème public ? »

Valéry Ridde
Lien social et Politiques, n° 55, 2006, p. 149-163.

Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :

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L’accès des indigents aux services de santé au Burkina


Faso : un problème public ?
† †

Valéry Ridde

En Afrique, malgré la formulation caments de l’Initiative de Bamako (Ministère de la Santé, 1992 : 26) et à

de politiques publiques de santé des- (IB) devaient, en partie, financer l’ac- prendre « des mesures pour la prise

tinées à améliorer l’accès des plus cès gratuit pour les indigents (Van en charge des plus démunis » (p. 45).

pauvres aux soins 1, force est de


† Lerberghe et de Brouwere, 2000) et En effet, le septième principe direc-
reconnaître que les indigents sont les « least well served » (Lee et
† † teur de l’IB, entériné par les chefs
toujours exclus des services de santé. Goodman, 2002 : 100). Or, au
† d’État africains en 1987, stipulait
Toutes les analyses des réformes Burkina, comme ailleurs en Afrique, clairement le besoin d’organiser
sanitaires sur ce continent le confir- les acteurs de la mise en œuvre de
des mesures telles que des exonéra-
ment (Gilson, Kalyalya et al., 2000; l’IB se sont focalisés sur les aspects tions et des subventions […] pour
Standing, 2002). En 1989, les orga- relatifs à l’efficacité (l’atteinte des garantir l’accès des couches sociales
nisations internationales estimaient à objectifs) de la politique, au détri- les plus démunies aux soins de santé
plus de 25 % la proportion anticipée
† ment des aspects liés à l’équité (l’uti- (OMS, 1999).
d’indigents 2 pour lesquels il fallait
† lisation en fonction des besoins et le
trouver une solution (OMS/FISE, paiement en fonction des capacités de Les responsables burkinabé
1989). payer) (Nitièma, Ridde et al., 2003). avaient donc conscience des effets
Les inégalités d’accès aux services de possibles du paiement direct sur
Au Burkina Faso, pays situé à l’équité et de l’importance d’organi-
santé y perdurent (Haddad, Nougtara
l’antépénultième place pour l’indice ser des mécanismes favorisant l’accès
et al., 2004), les indigents sont totale-
de développement humain (PNUD, des indigents aux services.
ment exclus, et les bénéfices tirés du
2005), les responsables sanitaires ont Cependant, plus de trois lustres après
paiement des services et des médica-
décidé d’appliquer, partiellement dès ces déclarations, aucune expérience
ments ne sont pas employés en faveur
les années soixante-dix puis nationa- particulière n’a été tentée, et les indi-
de l’équité d’accès (Ridde, 2003).
lement dans les années quatre-vingt- gents restent indubitablement exclus.
dix, la tarification des actes et la Pourtant, lors du lancement de Mais il ne sert à rien de gloser : encore

vente des médicaments essentiels l’IB, en 1992, les décideurs s’étaient faut-il tenter d’expliquer la situation
dans les formations sanitaires. Les engagés à réaliser « des recherches
† et de comprendre pourquoi l’on
surplus dégagés de la vente des médi- opérationnelles sur l’indigence » † retrouve encore dans les très récentes

Lien social et Politiques–RIAC, 55, La santé au risque du social. Printemps 2006, pages 149-163.
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LIEN SOCIAL ET POLITIQUES–RIAC, 55


Tableau 1. Les neuf composantes d’un problème public
L’accès des indigents aux services de santé Pour qu’une situation devienne un problème public il faut…
au Burkina Faso : un problème public ?
† †

1. … qu’elle soit reconnue comme importante


2. … que l’on en reconnaisse les causes
3. … que l’on précise les conséquences
4. … que l’on connaisse les populations concernées
5. … qu’elle soit nouvelle
6. … que l’on en soit proche
7. … qu’il y ait des événements, des crises ou des symboles à son propos
8. … qu’il y ait des rétroactions à son sujet
150 9. … qu’elle soit en phase avec les valeurs de la société

Sources : adapté de Rochefort et Cobb, 1994, et de Kingdon, 1995.

politiques sanitaires et de lutte contre montrer l’intérêt heuristique d’appli- son courant des problèmes, trois élé-
la pauvreté l’expression du souhait de quer le prolongement de la théorie des ments sont à considérer : les indica-

créer des mécanismes favorables aux courants au sous-processus de la mise teurs, les perceptions des acteurs (lors
indigents (Ministère de la Santé, en œuvre de la politique publique étu- des rétroactions), les événements ou
2001; Ministère de l’Économie et du diée ici. Ce prolongement théorique crises survenus. Mais d’autres
Développement, 2003). stipule que c’est par la rencontre du auteurs sont allés un peu plus loin
courant des problèmes avec celui des dans la description des composantes
Cadre théorique et approche solutions que la mise en œuvre d’une d’un problème, ajoutant, par
méthodologique politique publique est rendue possible. exemple, que les perceptions de la
Le troisième courant, celui des orien- situation sont d’origines individuelle
L’une des théories appliquées à
tations, demeure proche des deux ou sociale tout en étant le produit de
l’étude des politiques publiques, tirée
autres. De surcroît, la rencontre doit valeurs, de normes et de cultures
de Kingdon (1995), et les concepts
être favorisée par la présence de (Wood et Doan, 2003). Nous rete-
élaborés par l’un des courants de la
fenêtres d’opportunité et d’entrepre- nons les composantes d’un problème
socioanthropologie du développement
neurs politiques. Aussi, la proposition proposées par Rochefort et Cobb
(Olivier de Sardan, 1995) peuvent
que nous souhaitons étudier dans cet (1994), en les adaptant légèrement 5 et

nous aider à émettre quelques proposi-


article 3 est la suivante : si cette poli-
† † en intégrant des notions de Kingdon
tions d’explication. Les politiques
tique publique n’a pas été mise en (1995). Rappelons que la prise de
publiques sont composées de trois
œuvre en faveur de l’accès aux ser- conscience d’un problème est une
sous-processus : l’émergence, la for-
vices de santé pour les indigents, c’est émanation d’un construit social et

mulation et la mise en œuvre


notamment parce que la rencontre du que l’« on ne perçoit que ce que l’on

(Lemieux, 2002). Dans le cas de l’IB,


courant des solutions avec celui des sait résoudre » (Crozier et Friedberg,

l’émergence et la formulation sont lar-


problèmes n’a pas eu lieu, puisque la 1977 : 25). Cependant, faute de place,

gement d’origine exogène et, à


situation d’exclusion des services de nous éliminons la composante « solu-

l’échelle des pays, les normes ont été


santé des indigents n’a pas été com- tion » d’un problème 6. Aussi, le cou-
† †

établies par le niveau central. En


prise par les acteurs sociaux comme rant des problèmes de cette recherche
revanche, la mise en œuvre se déroule
un problème public 4.† est composé de neuf éléments
à la périphérie, la plupart du temps par
(tableau 1) qui servent de jalons théo-
l’intermédiaire de projets de coopéra- Pour qu’une situation devienne un
riques à la présentation des données
tion internationale au niveau d’une problème public, et non pas simple-
empiriques.
région sanitaire et de ses districts de ment un problème pour ceux qui la
santé. Dans un article précédent vivent, de nombreux facteurs doivent Pour répondre à l’interrogation
(Ridde, 2004), nous avons tenté de intervenir. Selon Kingdon (1995) et posée dans cet article, une recherche
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Tableau 2. Instruments de collecte de données et groupes d’acteurs concernés


Instruments, catégorie d’acteurs Intéressés Particuliers Responsables Agents

Caractéristiques des acteurs Spécialisés, Non spécialisés, Non spécialisés, Spécialisés,


externes externes internes internes
Exemple d’acteurs interrogés Comité de Utilisateur ou Consultant, Infirmier,
gestion, expert, non, agriculteur, directeur, député, médecin,
membre ONG vendeuse conseiller pharmacien
Cartographies conceptuelles 1 (7) 1 (9)
(nombre de personnes)
Documentation, archives Multiples sources : rapports, registres, journaux, etc.
Observations, observations participantes Sept mois sur le terrain, participation à toutes les activités
Entrevues de groupe (nombre de personnes) 4 (41) 151
Entrevues informelles 23 4 1 32
Entrevues non directives centrées 6 6 4 6

a été menée dans un district sanitaire préalable de dizaines d’acteurs et aux mentaux (selon une représentation
du Burkina Faso au moyen de la stra- conseils de plusieurs autres. archétypale) se dégagent de l’organi-
tégie méthodologique de l’étude de Quelques entrevues ont été réalisées sation sociale des Mossi : i) une soli-

cas (Yin, 1994) et d’une enquête de en Moore par un sociologue burki- darité toujours importante mais qui
terrain de type socioanthropologique nabé, qui suivait un canevas produit s’effrite, ii) une organisation sociale
(Olivier de Sardan, 1995). Le cas et adapté préalablement de manière hiérarchique, stricte et qui recherche
étudié est un projet de coopération concertée. Les analyses ont été dis- la stabilité, iii) une croyance à l’in-
internationale d’une organisation cutées par les personnes concernées égalité « naturelle » entre les êtres
† †

non gouvernementale (ONG) qui lors d’une séance de restitution des humains, indispensable à l’harmonie
met l’IB en œuvre à travers un sou- résultats de la recherche, en 2005. sociale (voir Badini, 1994;
tien aux services de l’État. Il a été Ouedraogo, 1996). Évidemment,
sélectionné selon une démarche par- Le contexte social et sanitaire dans la société moderne actuelle, les
ticipative avec les responsables du droits coutumiers et les fondements
Le contexte spécifique de cette
ministère de la Santé, en fonction de de l’organisation sociale sont discu-
recherche est celui du district de
sa capacité d’accroître notre compré- tés, et l’identité collective est en
Souna (nom fictif). La population est
hension du phénomène étudié pleine mutation (Laurent, 1996).
très jeune, les villages sont de petite
(Stake, 2000). Nous avons utilisé de
taille, la majeure partie des gens (de Le district compte environ 500
multiples sources de données asso-
confession musulmane et faiblement mille habitants et un peu plus de 70
ciées à quatre groupes d’acteurs
scolarisés) sont des agriculteurs ou formations sanitaires (FS). Il est rela-
(tableau 2). Ceux-ci sont regroupés
des éleveurs. Il s’agit d’une des tivement dépourvu en personnel par
en fonction de leur place à l’intérieur
régions les plus pauvres du pays. Le rapport au reste de la région sanitaire
ou à l’extérieur de l’appareil gouver-
contexte social est celui de la et du pays. En 2003, seulement 40 %
nemental et en fonction du fait qu’ils

société des Mossi. Selon Ouedraogo des centres de santé et promotion


sont spécialisés ou non à l’égard des
(1990), la colonisation a tenté la sociale (CSPS, dispensaires) dispo-
politiques de santé (Lemieux, 2002).
destruction de la société tradition- sent du minimum requis pour être
La sélection des personnes inter- nelle et créé de nouvelles classes qualifiés de fonctionnels. Neuf
rogées a été réalisée après quatre sociales. Cependant, il montre égale- hommes forment l’équipe cadre de
mois sur le terrain et une minutieuse ment que perdurent des associations district (ECD), qui est chargée de la
identification des plus pertinentes. traditionnelles qui cherchent à main- coordination des activités sanitaires
Cela a été possible grâce à notre inté- tenir des rapports égalitaires et une et dont le responsable est le médecin-
gration dans le milieu, à la rencontre solidarité sociale. Trois points fonda- chef, présent depuis une dizaine
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LIEN SOCIAL ET POLITIQUES–RIAC, 55 étudié la démarche de planification (MCD), « le plan d’action, on n’a pas

sanitaire. Au niveau central, le guide le choix, [il] est déjà orienté, le


L’accès des indigents aux services de santé
au Burkina Faso : un problème public ?
† †
de renseignements élaboré pour PNDS est le cadre d’orientation » †

l’évaluation du PNDS propose un (Ob 34). Puisqu’une partie de ce plan


total de 35 indicateurs permettant de est d’ores et déjà financée par l’aide
suivre la réalisation des huit objectifs extérieure, il faut « maximiser les

de la politique (PNDS, 2003). Or, activités sur les financements » (Ob


l’objectif qui traduit une disposition 34), lui a-t-on demandé dans une
particulière pour l’accès aux soins lettre provenant du niveau central.
des plus pauvres (n°6, amélioration Pour les aider dans ce processus de
de l’accessibilité financière) est l’un planification, le ministère a rédigé un
des deux à ne bénéficier que d’un « canevas » devant être fidèlement
† †

152 seul indicateur d’évaluation. De sur- appliqué par tous les districts du pays
croît, il est mal formulé et ne prend (DEP, 2003). Nous y remarquons
en aucun cas en considération l’ac- rapidement un oubli de taille puisque
d’année dans la région. Une ONG
cessibilité des indigents : « Coût l’on ne demande absolument pas aux
implante un projet à Souna depuis † †

moyen des prestations et des ordon- districts de planifier les activités pré-
2001, à l’aide d’une équipe d’expa-
nances à chaque niveau du système vues dans le PNDS concernant la
triés et de spécialistes nationaux. Á
de santé » (p. 3). prise en charge des indigents. Malgré
cette époque, le district est très en †

cela, l’une des équipes formées par


retard dans la mise en place de l’IB; Et pourtant, il faut noter la mise à le MCD pour rédiger la liste des acti-
« c’est pour cela que l’on nous a l’écart de deux indicateurs d’équité vités 2004 du district eu égard à l’ob-

envoyés là-bas » (EI 12) 7, nous dit un figurant, six mois avant la production jectif n°6 planifie deux activités
† †

membre de l’ONG. Les objectifs du finale de ce guide, dans le document spécifiques en faveur des indigents.
projet de l’ONG ont été déterminés du PNDS remis aux bailleurs de fonds Mais, fin décembre, lorsque le MCD
en lien avec l’Initiative de Bamako et en avril 2003. Les planificateurs présente devant ses collègues des
en accord avec le Plan national de avaient prévu d’évaluer l’objectif n°6 autres districts de la région la liste de
développement sanitaire (PNDS) au regard de deux indicateurs, dont l’ensemble des activités du plan
2001-2010. Ainsi, l’objectif général celui du « nombre d’indigents pris en

d’action qu’il a seul finalisé, ces
annoncé est d’améliorer l’accessibi- charge par niveau dans les conditions deux activités ont disparu.
lité géographique et financière aux définies » (Ministère des Finances et

médicaments essentiels génériques du Budget, 2003 : 75). Or, il a disparu



Au niveau des formations sani-
(MEG) et aux soins de santé pri- et a été remplacé par le seul indicateur taires, les responsables des CSPS
maires de la population. de coût précédemment cité. Concer- avec les comités de gestion villa-
nant l’axe d’intervention « prise en

geois (COGES) doivent rédiger un
Les éléments de la situation plan d’action chaque année. Sur les
charge des indigents », trois activités

sont prévues dans le PNDS. Mais, au 32 plans consultés pour 2002 et


Le contexte décrit rapidement, il
moment de notre départ du Burkina, 2003, aucun ne retient l’accès aux
nous faut maintenant relever les élé-
aucune de ces trois activités n’a soins des indigents comme un pro-
ments empiriques qui peuvent nous
encore démarré. blème prioritaire. Un seul CSPS a
éclairer sur la compréhension qu’ont
jugé bon en 2003 de se fixer un
les acteurs sociaux de la situation
À l’automne 2003, l’équipe de objectif pour « assurer l’équité dans
d’exclusion des indigents des ser-

district doit élaborer son plan d’ac- l’offre de soins ». Bien qu’il soit le
vices de santé.

tion sanitaire pour l’année 2004. seul à se préoccuper de cette ques-


Selon une démarche d’observation tion, il faut relativiser cet engoue-
L’importance
participante, nous avons « vécu » † † ment, puisque le budget prévisionnel
Pour comprendre la manière dont l’ensemble du processus d’élabora- consacré à la réalisation de cet objec-
les acteurs du système de santé tion de ce document. Ce que l’on tif n’est que de 20 000 F CFA (50
considèrent la place de l’équité et de apprend d’abord, c’est que cette dollars canadiens) pour l’année 8. Un†

l’exclusion des indigents, nous avons année, précise le médecin-chef autre centre de santé s’est aussi doté
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d’un budget pour l’évacuation des avant, que ce soit dans des termes l’événement maladie voire, pour cer-
indigents vers les FS de référence, profanes ou dans des termes experts. tains, la survenue de la mort. Mais
mais ne s’est pas fixé d’objectifs à ce une chose est claire pour les partici-
Cependant, trois experts du terrain pants à la recherche : les consé-
propos. Cependant, il faut noter que †

de la recherche s’interrogent sur les quences de ces inégalités sont


ce budget annuel de 31 500 F CFA
effets du paiement des soins comme essentiellement, sinon exclusive-
est dix fois moins important que
cause de l’exclusion. En fait, la ques- ment, supportées par les indigents et
celui prévu pour les ristournes au
tion que se pose plus globalement le les plus pauvres.
personnel (360 000 F CFA). Comme
responsable de l’ONG est liée à la
pour confirmer notre analyse docu-
définition des groupes sociaux Premièrement, la décision d’utili-
mentaire, un infirmier nous explique
exclus par la mise en place du paie- ser les services de santé sera diffé-
que l’accès aux soins des indigents,
ment des soins. On comprend à tra- rente d’un sous-groupe de la
C’est un problème auquel on est vers son discours qu’il réfute le fait population à un autre. Les plus
153
confronté chaque jour. Mais les gens, que l’IB, que des projets comme pauvres, soit ne se rendent tout sim-
dans leurs analyses, ils n’ont pas celui qu’il dirige ont réduit l’utilisa- plement pas aux centres de santé, soit
retrouvé le… le problème là quoi. Si tion des services de santé pour l’en- font l’effort d’y aller mais n’auront
dans l’analyse on avait retrouvé que semble de la population. Pour les pas accès aux soins, car ils ne peuvent
c’est un problème et que… effective- « acheter ceci et cela » et, ainsi, ils
indigents, les interventions n’ont † †

ment, si on l’avait classé comme pro- seront « toujours arrêtés à la porte »


blème, en tout cas…il allait être
finalement rien changé, car, selon † †

lui, « avant, même si c’était gratuit, (FG1, homme). Il subsiste aussi des
prioritaire (EF8). †

ils ne venaient même pas. Oui ! […]



inégalités concernant le délai séparant
Ses collègues étudiants de l’École Enfin je te parle de l’extrême quoi » †
la survenue d’un épisode de maladie
nationale de santé publique (ENSP) (EF11). Dit autrement, ils étaient et le premier contact avec une forma-
semblent penser la même chose. Si exclus avant le paiement direct, alors tion sanitaire. Deuxièmement, l’in-
l’on étudie les rapports effectués par pourquoi rendre les instruments de égalité se constate à propos du
26 d’entre eux lors de leurs stages l’IB responsables de cette exclusion prestataire de soins. Les plus pauvres
dans les CSPS ruraux en 2003, on qui perdure ? Non seulement la cause

s’orienteront en premier lieu vers les
note qu’ils ont relevé 140 problèmes de l’exclusion est questionnée, mais tradipraticiens ou l’automédication
au total. Aucun des 140 problèmes aussi on pourrait penser que c’est pour contrebalancer le coût prohibitif
mis en évidence dans leur analyse de l’existence même de cette dernière des services publics. Le troisième
la situation n’est en lien avec l’accès qui est mise en doute. Un infirmier et point est relatif à la qualité différente
aux soins des plus pauvres. un président de COGES font un rai- des soins. Une femme nous précise : †

sonnement de la même nature, « On ne soigne pas de la même


La connaissance des causes arguant que l’avènement des MEG a manière celui qui possède quelque
réduit les coûts pour l’ensemble de la chose et celui qui n’a rien » (EF19).

Des individus dans chacun des Enfin, quatrièmement, le paiement


population et que les produits
groupes sont en mesure d’avancer des soins impose un fardeau financier
deviennent donc maintenant beau-
que le paiement des soins est l’une supplémentaire aux plus pauvres et
coup plus accessibles pour tous : « on
des causes majeures du peu d’utilisa-
† †

a aidé tous les pauvres […] c’est déjà grève l’économie familiale. Non seu-
tion des services de santé. C’est un lement le paiement des soins peut
pitié parce que c’est réduit » (EF13),
vrai problème. Et cela est dit tant par

précise le président. provoquer un transfert de ressources


des utilisateurs que par des non-utili- d’un poste de dépense (l’électricité)
sateurs des services, de même que vers un autre (les médicaments),
L’importance des conséquences
par les infirmiers ou des respon- mais, en plus, les biens disponibles ne
sables de la santé publique au niveau Au dire des personnes interrogées, sont pas toujours suffisants. Aussi,
central : « C’est parce que je n’ai pas
† † les inégalités d’accès aux services de deux solutions ont été mises en avant,
d’argent qu’on m’a renvoyée chez santé entraînent quatre grandes caté- l’emprunt et la vente des avoirs fami-
moi sans me soigner », dit une utili-
† gories de conséquences pour les liaux. Le recours à l’une ou l’autre
satrice (EF17). L’équation « argent =
† populations, le tout ayant des solution variera en fonction de l’en-
accès » semble très souvent mise en
† impacts certains sur la poursuite de tregent et des avoirs possédés.
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LIEN SOCIAL ET POLITIQUES–RIAC, 55 dent les relations sociales dans le auquel il faut trouver une solution.
pays. Dans la formulation des poli- Assurément, dans l’arène de la
L’accès des indigents aux services de santé
au Burkina Faso : un problème public ?
† †
tiques publiques, on note que les recherche, la manière dont on va
membres de ces groupes sont les définir le public cible des mesures
femmes, les enfants, les jeunes et les d’exemption du paiement des ser-
travailleurs. Lors d’une réunion à vices est l’objet d’une joute verbale
laquelle nous avons assisté fin 2003, perpétuelle, voire d’une logorrhée.
les responsables nationaux de la poli- Pour la grande majorité des partici-
tique nutritionnelle ont ajouté les pants, la manière dont la catégorie
personnes vivant avec le VIH-sida et des indigents est définie est l’un des
les orphelins du sida (Ob37). nœuds gordiens de la problématique.
Autrement dit, les indigents ne sont
154 pas considérés dans cette catégorie Enfin, plusieurs témoignages
de personnes particulièrement d’acteurs de différentes catégories
ciblées par les politiques publiques. expriment le fait que les indigents et
Au bout du compte, ces inégalités les plus pauvres ne prennent pas la
Mais qu’en pensent les acteurs ? Pour

d’accès aux soins, et le corollaire de parole et ne sont pas écoutés : « les


deux médecins, le doute porte sur † †

l’obligation de trouver des moyens indigents, les sans-voix sont toujours


l’incapacité des individus de mobili-
financiers pour les plus pauvres, peu- mis de côté » (EF2). Ainsi, comme
ser les processus de solidarité fami- †

vent avoir des conséquences pour la cet indigent le confirme : « Parce que
liale (EF16), « l’écho général » doute
† †
† †

résolution ou l’apparition d’un pro- (EF2) : de telles personnes n’existent



je suis indigent, je ne peux pas me
blème de santé et éventuellement pas, personne au Burkina n’est isolé lever et dire que le gouvernement ne
provoquer la mort, nous disent cer- et n’est pas en mesure, à un moment s’occupe pas de moi et l’accuser de
tains. Ainsi, aller à la recherche des donné ou à un autre, de se diriger ne rien faire pour moi. Parce que
créanciers peu rendre « fou » (EF17);
† †

vers un réseau social quelconque c’est difficile » (EF22).


ceux qui ont réussi à se rendre au pour obtenir de l’aide financière ! †

centre de santé vont « revenir à la † La nouveauté de la situation


maison avec leur maladie » (EF19), †
Nous avons constaté une réelle
et les indigents, nous dit-on, restent à difficulté éprouvée par des habitants Plusieurs informations tendent à
la maison, préférant mourir dans la de Souna à concevoir l’existence de montrer que certains pensent et affir-
bâtisse familiale que dans un bâti- sous-groupes de la population au- ment (ex. EF11) que cette exclusion
ment public, car « le malade n’ira pas

delà des grands groupes habituels perdure depuis bien longtemps et que
vendre sa mort au centre de santé » †
tels que celui des femmes ou des la mise en place du paiement direct
(EF18). enfants. Mais ici, nous voulons n’a rien changé à cela. Pourtant,
mettre en valeur le fait que, pour un outre que l’utilisation des services de
Les populations touchées certain nombre de personnes, l’exis- première ligne a considérablement
tence même du sous-groupe des indi- chuté jusqu’en 2001, certaines
Comme Green (1999) le précise gents n’a pas de sens dans un pays où études ont montré que cette organisa-
bien, il est essentiel que les planifi- près de la moitié de la population vit tion financière en avait également
cateurs de la santé se soucient des en dessous du seuil officiel de pau- réduit l’utilisation dans certains dis-
groupes vulnérables de la société. vreté. Autrement dit, et plus simple- tricts du Faso (Ridde, 2003). L’une
Dans le vocabulaire des politiques de ment, tout le monde est pauvre au des explications que nous fournit un
santé burkinabé, ces groupes sont Burkina. Tous les pauvres sont des président de comité de gestion à l’ab-
qualifiés tantôt de vulnérables, tantôt indigents, et tous les indigents sont sence de mise en œuvre ou de
de spécifiques, mais ils recouvrent la qualifiés de pauvres. Pour Cobb et réflexion sur les systèmes de prise en
plupart du temps les mêmes catégo- Coughlin (1998), la « gymnastique
† charge des indigents est le fait que
ries de personnes. Évidemment, la verbale » est l’un des éléments carac-
† ces derniers ne se présentent pas aux
définition de ces groupes devrait être téristiques des luttes politiques pour CSPS. S’ils ne viennent pas, nous ne
une émanation sociale et être en faire en sorte qu’une situation soit sommes pas confrontés au problème
phase avec les valeurs qui sous-ten- comprise comme un problème public et par conséquent, il n’est pas néces-
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saire de s’interroger sur la manière dirigeants politiques serait une cause sociation de malades qui a pris les
dont on va pouvoir les aider… Dans de la pérennité du problème et de devants pour réclamer la gratuité des
le même ordre d’idées, une autre l’absence de solution. Pour la lutte soins pour les plus pauvres. Certes,
explication fournie par un infirmier contre la pauvreté, « Est-ce que, si tu
† quelques articles de journaux ont
est le fait que le problème n’est pas ne vis pas une situation, tu peux pro- évoqué ces questions, mais cela a été
nouveau car, tout simplement, il poser quelque chose de concret et de d’une manière très éphémère. Moins
n’est pas posé. D’autres nous l’ont sérieux ? » (EF5). Non seulement les
† † de 1 % de l’ensemble des articles de

fait quelquefois remarquer : † responsables ne vivent pas la réalité 2002 et 2003 (n = 982) du journal
de l’exclusion des soins, nous dit un d’opposition L’Indépendant traitent
En fait… c’est comme si ce n’était
infirmier, mais, de surcroît, ils ne du système de santé.
vraiment pas le problème… un pro-
blème aujourd’hui réel parce que… ressentent pas cette situation : « Parce
† †

moi je ne sais pas ! Bon… parce



qu’en haut les gens ne sont pas sen- Les rétroactions
qu’aujourd’hui vous me parlez de ça ! sibilisés, ce n’est pas un problème 155

L’enseignement initial prodigué à


Mais on m’a jamais parlé de ça ! Et je pour quelqu’un qui est en haut »
l’ENSP aux futurs infirmiers à pro-
† †

ne sais pas pourquoi (EF6). (EF6).


pos de l’IB évoque la problématique
La proximité En revanche, il nous paraît inutile de l’accessibilité financière aux
de rappeler combien les particuliers soins de santé, mais la situation par-
De l’avis de divers protagonistes sont proches du problème de l’accès ticulière aux indigents, absolument
de toutes les catégories d’acteurs, il aux soins, tant les écrits précédents pas. Ces dernières années, deux for-
est clairement établi que les per- l’attestent largement. Cela serait un mations continues ont été données
sonnes membres de la catégorie des truisme que de dire que les indigents par l’ONG et par les autorités régio-
responsables sont très loin des réali- l’ont attesté, et nous avons vu que les nales aux infirmiers du district. La
tés des personnes les plus démunies utilisateurs ou non-utilisateurs des présentation de la politique de l’IB
dans l’incapacité d’utiliser les ser- services de santé font aussi face, de fait partie intégrante du contenu.
vices de santé. Un exemple donné temps à autres, aux difficultés de dis- Cependant, l’étude documentaire et
par les participants, lié à l’actualité poser des ressources financières la participation au déroulement
au moment de la collecte des don- indispensables pour avoir accès aux d’une de ces formations montrent
nées, est celui de la formulation de la soins. qu’à aucun moment la probléma-
politique de réduction de la pauvreté. tique de l’accès aux soins des indi-
En effet, à l’époque, de multiples Les événements, crises et symboles gents n’est abordée. Le principe n°7
réunions et rencontres à travers tout de l’IB a disparu des esprits, et l’ex-
le pays étaient organisées pour for- Il n’y a pas eu, à notre connais- clusion des soins de santé n’est pas
muler le nouveau cadre stratégique sance, de crise majeure au Burkina une situation jugée problématique.
de lutte contre la pauvreté. Or, la Faso en lien avec les difficultés d’ac- Le constat est le même lors des for-
façon dont elles étaient organisées cès aux services, notamment pour les mations données aux membres des
illustre, pour nos interlocuteurs, indigents. Il existe, de temps à autre, comités de gestion villageois et aux
l’éloignement des responsables des ce que nous pourrions appeler des gérants des dépôts de médicaments.
problèmes des plus pauvres. Ces res- micro-crises, c’est-à-dire des événe- Dans ces formations, encore une
ponsables viennent parler lors de ces ments ponctuels dans les CSPS où fois, la population est vue comme
réunions, mais « ça ne perce pas la
† l’on voit arriver un indigent qui une entité globale, et les sous-
population, il faut que la base soit demande à être pris en charge. Mais groupes qui la composent ne sont pas
touchée » (EF12). Et cet infirmier
† ce type de situation ne survient que pris en compte. En ce qui concerne la
d’ajouter que ce ne sont pas les très rarement, et les solutions sont formation des membres des équipes
pauvres qui sont réunis pour parler trouvées d’une manière individuelle cadres de district, le constat est sen-
de la pauvreté, mais les riches (EF5). et ponctuelle. Personne ne profite de siblement le même. L’étude attentive
Le dialogue social est donc biaisé. l’occasion pour s’ingénier à réfléchir des modules de formation montre
Selon trois fonctionnaires du minis- et éventuellement à systématiser la qu’ils sont de très bonne qualité,
tère de la Santé, cet éloignement du prise en charge (EF8, EF12). Il n’y a mais qu’ils omettent de parler de
phénomène pour les responsables et pas eu non plus, par exemple, d’as- l’utilisation des fonds générés par la
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LIEN SOCIAL ET POLITIQUES–RIAC, 55 qu’est-ce que nous allons faire pour moins à des comportements person-
pouvoir… voilà, améliorer les nels qu’à un mode de fonctionne-
L’accès des indigents aux services de santé choses ? parce que on a laissé les
au Burkina Faso : un problème public ?

ment de la société dans son ensemble
† †

choses comme ça évoluer bon (EF7). et de l’État en particulier. Ainsi, les


Enfin, lors des visites de supervi- infirmiers évoquent des notions rela-
sion effectuées par l’ONG ou l’ECD tivement abstraites et conceptuelles
dans les centres de santé, il semble telles que les droits humains, la
que personne n’ait réellement évo- démocratie ou encore la bonne gou-
qué la problématique de l’accès aux vernance. Ces trois derniers aspects,
soins pour les indigents. La quaran- en dehors de certaines particularités,
taine de situations que nous avons nous paraissent prévaloir sur l’en-
observées lors de cette recherche semble des autres notions relevant de
156 confirme les dires des acteurs. Même la justice sociale au Burkina Faso.
si certains disent qu’est parfois évo- Pour la catégorie des intéressés
quée la nécessité de consulter gratui- (membres de COGES), l’accent est
vente des MEG ou de la prise en
tement, jamais personne n’est venu particulièrement mis sur l’honnêteté,
charge des indigents.
aborder le sujet, que ce soit pour les la vérité et la transparence, autant de
Il faut préciser, cependant, qu’au encourager ou les décourager à de termes opposés à la corruption ou au
cœur du module 14, c’est-à-dire telles pratiques équitables (EF5, détournement de l’aide. Puis l’action
celui discutant du financement de la EF6). « Il faut que le problème soit

politique représente, si elle répond
santé, la notion d’équité prend une posé et qu’on en discute, mais on ne évidemment à ces qualités requises
place importante. Bien que l’on m’a jamais dit qu’on a eu à poser ces préalablement, une modalité de la
explique que la mise en place du questions » (EF12), confirme un pré-

justice sociale. L’État ou le gouver-
paiement vise la pérennité des ser- sident de comité. Un infirmier en nement disposent d’un rôle indé-
vices, on n’oublie pas d’évoquer le poste depuis près de 20 ans nous dit niable mis au jour par les paysans.
dilemme connu entre la recherche de (V11) : « ceux du district, on a pas
† †
En ce qui concerne la capacité de la
la viabilité financière des formations parlé des pauvres » (EI48).

société dans son ensemble, collecti-
sanitaires et celle de l’équité d’accès vement, d’agir et de garantir l’équité,
aux soins. Mais les considérations Les valeurs il ne semble pas se dégager une
évoquées dans ce module destiné à la vision très claire de l’analyse. La
À l’aide de la technique de la car- solidarité a été mise en avant, tandis
seule formation des médecins
tographie conceptuelle, nous avons que, d’un autre côté, on ne semble
demeurent encore très théoriques.
tenté de comprendre ce que la notion pas trop croire à l’efficacité de l’ac-
Les médecins chefs de district du de justice sociale voulait dire pour tion collective. Enfin, fait remarquable
pays sont très souvent appelés à par- les agents (infirmiers) et les intéres- parmi d’autres, aucun lien entre la jus-
ticiper à de multiples réunions et ate- sés (membres des comités de ges- tice sociale et l’amélioration des
liers de travail dans la capitale. Le tion). Faute de place, nous résumons conditions de vie des sous-groupes de
responsable du district, en poste ici les grandes lignes qui se dégagent la population habituellement quali-
depuis plus de dix ans, a donc été de cet exercice (Ridde, 2006). fiés de vulnérables (femmes et indi-
invité à des dizaines de rencontres. Globalement, ce qu’il nous paraît gents), si ce ne sont les enfants, n’a
Cette situation d’exclusion des soins essentiel de retenir dans l’étude des été établi par les membres des comi-
a t-elle été discutée ? La réponse du
† énoncés produits par les infirmiers et tés de gestion.
médecin est assez claire : † qualifiant la notion de justice sociale
est que ces derniers évoquent des L’étude des documents de poli-
Nous, nous faisons des rencontres au
processus fondamentaux dont la res- tiques publiques fait ressortir deux
niveau de… national, au niveau inter-
ponsabilité est la plupart du temps grandes tendances générales concer-
national, mais bon ! au cours de ces

rencontres-là, je n’ai jamais très éloignée de leur propre sphère nant le concept d’équité chez les res-
entendu… on a abordé ce sujet d’indi- vitale. Il semble donc que, pour la ponsables. La première tendance est
gents sur le plan sanitaire, est-ce que majorité d’entre eux, la justice celle d’une équité dont l’objectif est
c’est quelque chose d’important ? † sociale est perçue comme imputable, d’améliorer le sort des pauvres. Le
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groupe des plus pauvres est entendu consubstantielle à la vie sociale. Cet avec le courant des solutions est
ici dans son acception la plus large assentiment irénique favorise claire- aussi nécessaire — il est indispen-
possible, autrement dit, la proportion ment le statu quo et la paix sociale, sable que la situation, dans notre cas
de la population (46,4 % en 2003)† « pour la bonne marche du monde »
† † majoritairement vécue comme un
vivant en dessous du seuil national (FG4, femme). Sans la présence de problème par les seuls indigents, soit
de pauvreté (190 dollars canadiens catégories sociales différentes, point comprise comme un problème
par personne et par an). Cette idée de stabilité et de pacification sociale. public, globalement et socialement
est surtout véhiculée dans les poli- « Si tout le monde est riche, il n’y
† reconnu en tant que tel par la société
tiques de lutte contre la pauvreté. La aura pas de respect » (FG2, femme).
† en général et pas seulement par
seconde tendance, s’éloignant de Cela explique en particulier pour- quelques personnes. Les données
celle largement influencée par le quoi, d’une manière spontanée, les empiriques illustrent parfaitement
concept de pauvreté véhiculé par la personnes interrogées ont décidé (à pourquoi la situation de l’exclusion
Banque mondiale, est plus portée à la suite d’un exercice fictif effectué des soins des indigents, exemple pro- 157
prendre en considération les besoins avec eux) de partager une donation bant de l’absence d’équité du sys-
des indigents. Nous pourrions dire de sacs de mil au village de manière tème de santé, n’a pas encore été
que cette vision est essentiellement égalitaire, soit une ration pour une perçue par les acteurs impliqués dans
celle qui est véhiculée dans les poli- famille. Le partage équitable mettrait la mise en œuvre de l’IB comme un
tiques de santé. en péril la stabilité sociale, mais il est problème public auquel il fallait
envisageable si une requête spéci- trouver une solution. D’une manière
En ce qui concerne les particu-
fique du donateur est faite en ce sens, générale, on voit bien qu’aucun des
liers, les groupes de discussion ont
nous dit-on. Lorsque l’on évoque les éléments constitutifs d’un problème
permis de comprendre, d’abord, les
inégalités d’accès aux soins, là, les n’est propice à cette transformation
catégories émiques justifiant la pré-
particuliers pensent que c’est injuste cognitive. Des neuf déterminants,
sence des inégalités sociales. Ces
et qu’il faut agir pour les résorber. aucun ne semble favorable à une
catégories sont relativement nom-
Un homme dira : « Que personne
† †
considération publique à l’égard de
breuses, mais il faut essentiellement
n’ait plus d’accès aux soins que l’équité (tableau 3). D’une manière
retenir que, selon les participants, les
l’autre » (FG3, homme). Il s’agit

plus particulière, trois éléments
inégalités sociales sont des faits sur
donc d’une vision plutôt égalitariste essentiels peuvent être convoqués
lesquels il est quasiment impossible
de l’équité. Dans le domaine du pour expliquer ce constat.
d’intervenir. L’explication rous-
financement, par contre, certaines
seauiste de l’origine naturelle de l’in-
personnes conceptualisent une Un système de valeurs peu propice
égalité entre les êtres humains plane
approche plus rawlsienne : « si les
† †
à la prise en compte des indigents
sur les discours entendus. Dieu est
riches doivent payer pour que nous,
souvent convoqué, car c’est lui qui a Il se dégage une tendance très
les indigents, puissions accéder aux
décidé de faire en sorte que les uns et nette à propos de la notion de justice
soins, ça c’est une bonne chose » †

les autres soient différents. L’usage sociale admise par les acteurs.
(FG1, homme).
du mot « différent » revient à plu-
† †
L’orientation générale constatée
sieurs reprises comme pour expli- Discussion nous semble beaucoup plus proche
quer que l’égalité n’est pas d’une vision égalitariste de la justice
envisageable : « les gens ne peuvent
† † Il y a vingt ans, Cobb et Elder distributive que d’une vision rawl-
pas être les mêmes, Dieu a fait les écrivaient que les problèmes ne sienne où le principe de la différence
choses différemment » (FG1,
† deviennent pas politiques du seul fait nécessite d’agir prioritairement en
homme). Certains se plaignent de qu’ils se posent ou qu’on les faveur des plus déshérités (Mooney,
cette volonté divine et trouvent cela constate : tout dépend de l’interpréta-

1987; Rawls, 2004).


bien injuste. Mais ce n’est pas le cas tion qu’on en fait et des définitions
pour tous, et quelques-uns pensent, que se donne une société 9. Si la † Cela a déjà été mis en évidence
au contraire, que cet état de fait est reconnaissance de l’existence d’un chez les Mossi du Burkina (Fiske,
juste, car « il faut que l’on se
† problème n’est pas seule garante de 1990). Au Québec, il semble bien
mélange » (FG4), nous dit une
† la mise en œuvre d’une politique que les acteurs de la santé publique
femme. La différence paraît donc publique — puisque la rencontre pensent autrement et mettent l’accent
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LIEN SOCIAL ET POLITIQUES–RIAC, 55 Tableau 3. Résumé des éléments empiriques de la situation d’exclusion
des soins et niveau d’influence pour sa transformation en pro-
L’accès des indigents aux services de santé
au Burkina Faso : un problème public ?
† †
blème public (niveau d’influence : + fort; +/– moyen; – faible)

1. L’importance [–] Au niveau central


i) Quelques directives équitables
ii) Présence dans les politiques mais absence dans les
guides de planification pour les régions et les
districts et présence dans les guides pour la
planification des CSPS
iii) Absence d’indicateurs équitables pour l’évaluation
des politiques
Au niveau local
i) Absence de planification à l’égard du problème
pour le district et les CSPS
158 ii) Absence de prise en compte par les stagiaires
élèves infirmiers
Au niveau individuel
sur la vision rawlsienne lors des inter- i) Les agents pensent que l’IB a amélioré l’accès aux
ventions (Massé et Saint-Arnaud, soins pour tous donc pour les indigents
2003). Au Faso, les acteurs sont plus ii) Les particuliers se plaignent des inégalités
préoccupés par l’accès aux soins de financières d’accès aux soins
tous que par celui des plus pauvres et 2. Les causes [+/–] i) Le paiement des soins est une cause évidente
ii) Mais le groupe des intéressés s’interroge sur le fait
des indigents. La notion de besoin est qu’il n’ait rien changé pour ceux qui étaient déjà
rarement prise en compte pour porter exclus avant l’IB
un jugement sur l’accès aux soins. Si 3. Les conséquences [–] Exclusivement pour les plus pauvres sur :
certains sous-groupes de la popula- i) La décision de consulter (refus ou décalage)
tion attirent l’attention des uns et des ii) Le choix du prestataire (pas les CSPS)
iii) La moindre qualité des soins
autres, ce sont des sous-groupes rela- iv) Le fardeau financier sur l’économie familiale
tivement grands comme les pauvres
4. Les populations affectées [–] i) Indigents exclus du groupe des populations
ou les femmes. Contrairement, par vulnérables dans les politiques publiques
exemple, à la présence d’une discon- ii) Vision monolithique du groupe des pauvres
tinuité des notions d’équité entre les iii) Gymnastique verbale vis-à-vis de la notion d’indigent
iv) Pas de place pour la voix des indigents
« développeurs » et les « développés »
† † † †

lors de l’implantation d’un projet 5. La nouveauté [–] i) Il y a toujours eu de l’exclusion des soins,
ii) les indigents ne fréquentent jamais les CSPS
d’une ONG à Kinshasa (De Herdt,
6. La proximité [+/–] i) Les responsables et dirigeants (et dans une moindre
2003), il existe dans notre cas une mesure les planificateurs) sont très éloignés de
certaine cohérence conceptuelle cette situation
entre ces deux groupes d’acteurs. ii) Contrairement aux autres acteurs
L’égalité de l’accès aux soins pour 7. Les événements, crises, i) Aucune crise majeure
tous prime sur l’équité d’accès pour symboles [–] ii) Des événements « macro » (IB, dévaluation, CSLP)
certains. La mobilisation du principe ou « micro » (méningite, ARV) non utilisés en
faveur des indigents
de l’équité verticale qui postule un
8. Les rétroactions [–] i) Absentes dans la formation initiale ou continue des
accès différent pour des besoins dif- infirmiers, des gérants DMEG, des membres des
férents n’est pas envisagée. Pour le COGES ou de l’ECD
dire autrement et confirmer empiri- ii) Présentes théoriquement dans la formation des MCD
quement certaines propositions théo- iii) Absentes lors des supervisions et des évaluations
riques (Flori et Tizio, 2000), les 9. Les valeurs [+/–] i) Théorie de la justice de type égalitariste
ii) Les inégalités de santé ou sociales sont des faits,
membres de l’ONG ou des COGES alors que…
ou les infirmiers usent du raisonne- iii) … les inégalités d’accès aux soins sont injustes mais…
ment « efficacité ergo équité ». Cela a
† † iv) … il faut être incité pour agir contre
été montré dans cette recherche, v) Difficulté à concevoir des sous-groupes de la population
vi) Recherche de la paix sociale
comme ailleurs en Afrique (Gilson,
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2000). D’une manière générale, les tème de santé et au processus de pla- assessment). Enfin, contrairement à
acteurs sociaux étudiés dans cette nification à trois niveaux de la pyra- ce que plusieurs spécialistes de la
recherche ne sont pas prêts à mettre la mide sanitaire (national, district, planification sanitaire réclament
stabilité et la paix sociale sur l’écha- centre de santé) révèle clairement depuis bien longtemps (Blum, 1981;
faud afin d’intervenir en faveur des que la planification n’est pas vrai- Ridde et Girard, 2004), ici comme
indigents ou des plus démunis; la ment efficace et n’est absolument encore trop souvent ailleurs, la plani-
société forme un tout, selon le fameux pas équitable. L’absence de considé- fication est conçue par les acteurs de
principe du holisme de Louis Dumont ration pour l’accès aux services des la santé publique comme une activité
(1985). Dire cela revient à apporter indigents a été bien décrite dans les de l’ordre de la technique et non du
une nouvelle piste d’explication à la sections concernant, d’une part, changement social. Si nous pouvons
préséance irénique de l’égalitarisme. l’importance accordée à cette situa- penser que le processus de planifica-
En effet, puisque le système de valeurs tion lors de la planification et, tion du PNDS a été quelque peu par-
en place paraît reposer sur le fait que d’autre part, les rétroactions lors des ticipatif sur le plan national, notre 159
les individus sont inégaux par nature, formations, supervisions et autres observation du processus de planifi-
reprenant ainsi la thèse rousseauiste, il processus d’évaluation. Aussi la cation locale dévoile assez bien que
est bien délicat de vouloir contrer cet prise en compte de l’exclusion per- tel ne fut pas le cas. Cela n’a rien
état de fait. Cette stabilité sociale et la manente des services de santé est- d’effarant puisque, dans le domaine
recherche du consensus permanent elle reléguée aux calendes grecques.
n’incitent pas les personnes concer- de la santé et en Afrique, les profes-
Trois raisons majeures rendent cette sionnels de la santé font preuve de
nées à agir spontanément en faveur de situation intelligible. D’abord, la pla-
certains groupes, au détriment de fortes réticences à l’inclusion de la
nification est un exercice mal maî-
quelques autres. Le conflit est la pire communauté dans le processus de
trisé. Les concepts employés ne sont
des situations qui puissent être imagi- planification, spécialement au niveau
pas acquis, et les compétences néces-
nées, comme Hagberg (2001) l’a par- des districts (Kahssay et Oakley,
saires ne sont généralement pas pré-
faitement montré ailleurs au Burkina. 1999; cité par Morgan, 2001). En
sentes dans les équipes de travail. La
La recherche d’équité et les efforts de outre, les politiciens et les planifica-
distinction entre des résultats d’acti-
redistribution peuvent en somme aller teurs centraux semblent fonder les
vité et des résultats de changement
à contre-courant et être ressentis politiques de santé en partie sur des
(effets), en ce qui concerne la cible
comme une menace par les forces valeurs d’équité et de justice sociale,
d’un projet, n’est pas bien comprise.
dominantes (Braveman, 2003 : 185 10).
† †

La faiblesse des processus évaluatifs mais les planificateurs périphériques


Cependant, il ne nous semble pas avoir (tant de l’ECD que de l’ONG) et leur oublient ces justes considérations et
décelé une rigidité absolue au sein de corollaire, soit le manque de préci- n’arrivent pas à planifier ni à implan-
cette société locale, notamment en ce ter des interventions équitables. Cela
sion des indicateurs d’effets, expli-
qui a trait aux inégalités liées au sys- illustre, croyons-nous, la difficulté
quent en partie cette préoccupation
tème de santé. L’application d’incita- du passage d’un mode cognitif en
pour les activités au détriment des
tions pour des interventions plus faveur de l’équité à une opération
effets. Ensuite, les activités et objec-
équitables au sein du système de santé conative. Une triple explication peut
tifs planifiés ne répondent pas à des
ne heurterait pas dramatiquement les être proposée : i) l’influence impor-
besoins préalablement définis, mais, †

croyances locales. Mais nous avons tante des bailleurs de fonds dans
plutôt, à des ressources allouées ou
bien noté qu’aucune mesure incitative l’énoncé de l’équité au niveau cen-
supposées accessibles. L’évaluation
n’a été implantée réellement, c’est-à- tral 11 mais leur absence au niveau
des besoins n’est quasiment jamais †

dire autrement que d’une manière dis- local, ii) le manque de solutions éla-
effectuée. Or, la définition d’une
cursive ou épistolaire.
distribution équitable des ressources borées dans les écrits scientifiques
est qu’elle doit être entreprise en ou testées localement pour endiguer
Un processus de planification
fonction des besoins des Burkinabé. l’exclusion des indigents des ser-
dysfonctionnel et non orienté vers
Green et al. (1997 : 188) qualifient vices, iii) le double jeu du peu d’in-
les besoins †

ce type de planification de market- térêt des planificateurs et du manque


L’étude de l’ensemble des élé- driven demands et l’opposent à d’incitation à planifier pour le chan-
ments liés à l’organisation du sys- l’évaluation des besoins (needs gement social et l’équité.
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LIEN SOCIAL ET POLITIQUES–RIAC, 55 d’action important n’en usent pas en clusion des services de santé des
faveur de l’équité, car ils ne vivent indigents n’a jamais été perçue
L’accès des indigents aux services de santé
au Burkina Faso : un problème public ?
† †
tout simplement pas la situation comme un problème public. Cet
d’exclusion. Lorsque des chercheurs article a permis, croyons-nous, de
se sont penchés sur la mise en œuvre mettre en lumière la faiblesse des
de l’IB au Bénin, en Zambie et au éléments caractérisant la possibilité
Kenya, ils ont constaté l’échec des que la situation devienne un pro-
trois pays à en faire bénéficier blème public. Cela a été explicité,
d’abord les plus pauvres (Gilson, non seulement à propos du système
Kalyalya et al., 2001 14); l’une des
† dominant de croyances et de la
raisons de cette situation, signale notion de justice sociale, qui semble
l’étude (confirmant ce que nous proche d’une conception égalitariste,
160 avons mis en évidence), est que les mais aussi eu égard au contenu de
pays n’en sont « tout simplement »
† † l’ensemble des autres éléments
Une préoccupation loin des pas arrivés à reconnaître les besoins constitutifs d’un problème public.
spécifiques des plus pauvres et à s’y Mais cela n’explique pas tout. Il faut,
acteurs sociaux
attaquer 15.
† d’abord, noter l’absence de connais-
Enfin, les acteurs intéressés de †
12
sances (scientifiques et profanes) à
manière importante par la mise en Conclusion propos des solutions techniques pos-
œuvre des politiques de santé en sibles pour juguler cette exclusion.
Les éléments proposés par
général et de l’IB en particulier sont Ensuite, si des fenêtres d’opportunité
Kingdon (1995) pour porter un juge-
situés dans des sphères sociétales sont apparues, lors de multiples cir-
ment sur la manière dont une situa-
trop éloignées du problème et des constances, pour prendre à bras le
tion devient un problème public ne
personnes touchées par la situation. corps le problème de l’accès aux
nous ont pas paru suffisamment
Autrement dit, ils ne sont majoritai- soins des indigents, il faut bien
détaillés pour nous faire avancer
rement pas enclins à comprendre que admettre qu’elles n’ont jamais été
dans notre recherche, et nous avons
cela constitue un problème puis- saisies. Une partie de l’explication
tourné notre regard vers d’autres
qu’ils ne vivent pas véritablement la réside dans l’absence d’individus
auteurs. Nous ne sommes apparem-
situation. Connaissant bien la problé- (d’entrepreneurs politiques) désirant
ment pas le seul puisque cette trian-
matique, Farmer (2003) observe que user de leurs ressources pour pro-
gulation théorique a aussi été
« la souffrance des pauvres du monde mouvoir l’équité d’accès aux soins et
employée par Peretz (1998) dans une

fait rarement irruption dans la favoriser le couplage des courants


recherche utilisant l’approche de
conscience des riches, même quand des solutions et des problèmes dans
Kingdon et celle de Rochefort et
il devient patent que notre richesse la mise en œuvre de l’IB. Enfin, le
Cobb. Aussi, nous croyons que
est directement reliée à cette souf- cas analysé, à l’instar de bien
l’ajout des éléments issus des tra-
france » 13. Aussi, le fait de ne pas d’autres (voir Turshen, 1999; Lee,
vaux sur la définition d’un pro-
† †

vivre concrètement la situation d’ex- Buse et al., 2002), reflète parfaite-


blème 16 en science politique,

clusion des soins participe à la ment que le courant des orientations


rapidement évoqués dans la section
construction de l’intelligibilité de ce des réformes sanitaires actuelles
méthodologique du présent article, a
manque de préoccupation pour les dans les pays du Sud en général, et
été particulièrement fécond pour
indigents et l’équité d’accès aux au Faso en particulier, favorise beau-
mieux comprendre pourquoi l’exclu-
soins. Il ne s’agit pas d’affirmer que coup plus la viabilité financière que
sion des soins des indigents burki-
les dirigeants et les planificateurs (du l’équité d’accès et de financement
nabé est restée cantonnée à l’état
ministère et de l’ONG) ne sont pas des services. Les experts de l’OMS
d’une situation.
sensibles à ces questions, certains Afrique et de l’UNICEF, membres
individus le sont véritablement. L’échec de la mise en œuvre de du « Bamako Initiative Working

Cependant, cela ne suffit pas. Dans l’IB, en ce qui concerne son objectif Group », ont dit en 1999 que « la pro-
† †

leur ensemble, ces acteurs qui jouis- d’équité, trouve donc une partie de blématique de l’équité » et les

sent d’un pouvoir de décision et son explication dans le fait que l’ex- moyens d’atteindre les laissés pour
LSP 55 corrigée-3 26/05/06 09:11 Page 161

compte « deviennent une priorité



7
Ce code est l’un de ceux qui sont BLUM, H. 1981. Planning for Health,
dans le futur » (OMS/AFRO, 1999 :
† †
employés dans la thèse dont cet article Generics for the Eighties. New York,
est issu, pour désigner les auteurs des Human Science Press.
14)… Retour vers le futur ? †

verbatim; EF = entrevue formelle, EI =


BRAVEMAN, P. 2003. « Monitoring equity
entrevue informelle, Ob = observation,

Valéry Ridde in health and healthcare : A conceptual †

Unité de santé internationale V = visite. Voir Ridde, 2005.


framework », Journal of Health Popu-

Faculté de médecine 8
Soit le coût moyen d’environ 13 consul- lation Nutrition, 21, 3 : 181-192. †

Université de Montréal tations (actes et médicaments).


COBB, R. W., et J. F. COUGHLIN. 1998.
9
« Policy problems are not simply givens,

« Are elderly drivers a road hazard ?
† †

nor are they matters of the facts of a Problem definition and political
situation, they are matters of interpreta- impact », Journal of Aging Studies, 12,

tion and social definition » (Cobb et 4 : 411-427.


Notes †

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1
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l’initiative de Bamako en 1987. Seuil.
10
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against the tide of prevailing forces, DE HERDT, T. 2003. « Aide d’urgence et


2
Soit les personnes exclues de manière †

who may feel threatened by efforts to notions locales d’équité : analyse d’un
permanente de l’accès aux services de †

santé, achieve a more equitable distribution of programme d’aide nutritionnelle comme


society’s benefits. »†
une interface sociale », Canadian Jour-

3
Qui résulte d’une thèse de doctorat en nal of Development Studies, XXIV, 2 : †

santé communautaire soutenue à


11
Les dirigeants doivent faire « toujours
273-287.

l’Université Laval (Québec) et en partie référence à cette question de santé pour


financée par le Centre de recherche en tous, d’équité, juste comme ça » † DEP. 2003. Canevas et guide d’élaboration
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12
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Demers, B. Sondo) ont été précieux, et le
soutien de Maria De Koninck, ma direc- 13
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† †

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14
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† †

France). munities » (p. 53).


† 263-281.
4
Notre proposition a récemment été véri- 15
« All countries simply failed to reco-
† FARMER, P. 2003. Pathologies of Power : †

fiée en Angleterre, où la mise en œuvre gnise and tackle the specific needs of the Health, Human Rights, and the New
des politiques décidées au niveau central poorest » (ibid. : 54).
† † War on the Poor. Berkeley, University
visant à réduire les inégalités sociales de of California Press.
santé a été négativement affectée par le
16
Le champ des connaissances dans ce
fait que cette question d’inégalité n’a domaine est immense, et nous n’avons FISKE, A. P. 1990. « Relativity within †

pas été suffisamment perçue comme un pas la prétention de l’avoir appréhendé Moose “Mossi” culture : Four incom- †

problème prioritaire au niveau local dans sa totalité. mensurable models for social relation-
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† †

5
Comme d’autres l’ont fait (Cobb et FLORI, Y.-A., et S. TIZIO. 2000. « Les †

Coughlin, 1998; Houston et Richardson, politiques sanitaires subsahariennes : †

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6
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