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Dossier

actualité et
dossier en
santé publique

16
septembre 1996

L’éducation
pour la santé
Du discours à la pratique
Sommaire
III Le développement de XXII L’éducation pour la santé,
l’éducation pour la santé une efficacité sous
en France : aperçu conditions
historique XXVII Tribune
VII État des lieux XL Bibliographie
XVI Une politique et des Adresses utiles
instruments pour
l’éducation pour la santé

e présent dossier s’inscrit dans le dé- dans une perspective à long terme de dévelop-

L veloppement de la politique de santé


publique pour lequel le rapport sur la
santé en France du Haut Comité de la santé pu-
pement des capacités individuelles et collecti-
ves pour assurer l’amélioration tant de la longé-
vité que de la qualité de la vie. […] Elle ne doit
blique publié fin 1994 constitue un fondement certainement pas se contenter d’une information
essentiel. sur les risques — encore que cette étape de sen-
L’éducation pour la santé trouve sa justification sibilisation soit nécessaire —, mais doit s’assi-
dans les données de santé publique qui souli- gner au moins comme objectif de provoquer
gnent aujourd’hui l’importance des comporte- chez les individus des modifications notables
ments comme facteurs explicatifs de la majorité d’opinions et d’attitudes et, mieux encore, de voir
des décès considérés comme prématurés et s’exprimer des désirs de changement de com-
évitables. portements assortis d’une élévation du niveau
Que signifie l’éducation pour la santé ? La com- d’aptitude à les opérer. À plus long terme on doit
préhension de l’histoire de cette pratique depuis en attendre des changements réels observa-
la fin du XIXe siècle apporte ici quelques éclaira- bles »1.
ges. En résumé, il ne s’agit pas seulement de En fait, l’intitulé même de cette activité en souli-
procéder à une information sanitaire : savoir par gne l’enjeu. Dans une acception large, l’éduca-
exemple qu’il est préjudiciable de fumer du ta- tion évoque la main tendue pour conduire sur
bac ne suffit pas. Ainsi, que le signalait E. Lévy le chemin de la réalisation de soi en société et
« l’éducation pour la santé doit être considérée la santé, l’équilibre dynamique de la personne

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en relation avec son environnement. Éducation E. Lévy. L’éducation
et santé impliquent la personne comme un tout pour la santé, Avis du Éducation
et gardent leur part de mystère. Sans doute Conseil économique et sanitaire
s’agit-il au fond de savoir aimer la vie et peut- social 1982.
être de retrouver le projet éducatif du philoso- 2
Pierre Hadot. Qu’est-ce C’est un terme employé pour
phe antique tel pris dans l’exigence libératrice que la philosophie désigner les occasions
d’une cohérence entre discours et mode de vie2. antique ? folio essais. d’apprentissage délibérément
mises en oeuvre pour faciliter
Il reste que l’éducation pour la santé dont on sou-
les changements de compor-
ligne la faiblesse des moyens par rapport à tement en vue d’atteindre un
ceux consacrés à l’activité de soins n’est pas objectif déterminé à l’avance.
aujourd’hui suffisamment bien organisée. On Dans ce contexte, l’éducation
trouvera ici dans son intégralité le rapport édité sanitaire a été étroitement liée
cette année par un groupe de travail interinsti- à la prévention de la maladie,
tutions présidé par la direction générale de la en tant que moyen de chan-
santé. Des propositions sont avancées pour ger des comportements qui
notamment constituer l’infrastructure de base ont été identifiés comme des
qui, faisant défaut aujourd’hui, ne favorise pas facteurs de risque, pour
certaines maladies. C’est une
le développement d’un secteur où interviennent
activité essentiellement
de très nombreux organismes publics et privés.
éducative qui met en jeu une
L’éducation est l’affaire de tous. L’éducation à certaine forme de communi-
la santé, c’est-à-dire celle qui s’appuie sur les cation destinée à accroître les
données de santé, doit pouvoir se mettre au connaissances et à dévelop-
service de l’ensemble des dispositifs publics et per une compréhension et un
privés ayant une vocation éducative. savoir-faire qui contribuent à
D’une manière générale, l’objet de l’éducation la santé. Toutefois, l’éducation
sanitaire ne touche pas
à la santé est double :
seulement les individus et
• d’abord, elle doit promouvoir l’utilisation des
leurs comportements, que
moyens de protection susceptibles de mettre à ces comportements soient
l’abri de dangers sanitaires établis, en informant sains ou à risque. Dans le
et en se gardant de banaliser ou de culpabiliser ; contexte de la promotion de
• plus fondamentalement, elle œuvre pour le la santé, différentes formes
renforcement de « l’estime de soi » ; et dans un d’éducation sanitaire visant
monde de dispersion et d’accélération, elle con- des groupes, des organismes
tribue à aider la personne à se retrouver « bien et des communautés entières,
dans son corps ». sont nécessaires. […] De
cette façon, l’éducation
Ce dossier fait une place importante aux tribu-
sanitaire et la promotion de la
nes. Pour un tel sujet il nous a semblé utile en
santé sont étroitement reliées
effet de recueillir les points de vue de l’expert de entre elles. La promotion de la
santé publique, du sociologue attentif à ce qui santé repose, par définition,
se joue actuellement dans les familles, dans ce sur la participation active d’un
que l’on appelle les zones de fracture sociale, public informé au processus
du sociologue à l’écoute des jeunes, et enfin du de changement. L’éducation
thérapeute. Centre français de sanitaire représente un outil
D’une façon ou d’une autre, ils nous invitent tous documentation capital pour ce processus.
en santé publique
à savoir accueillir la personne dans toute sa Source : Glossaire de la promotion de
Définitions issues de la santé, in Santé Société collection pro-
complexité pour à la fois atteindre des objectifs
la base de données du motion de la santé, Gouvernement du
d’intégration sociale et répondre au légitime Centre français de Québec, ministère de la Santé et des
souci d’un épanouissement consacrant les va- documentation en Services sociaux.
leurs d’effort et d’encouragement. santé publique

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Le développement de
l’éducation pour la santé en
France : aperçu historique

L’éducation pour la santé a bénéficié du passage de l’action hygiéniste progressive


à la constitution ponctuelle d’un système préventif qui s’est développé sur
l’ensemble du pays. La mission donnée au Comité français d’éducation pour la
santé de mettre en place les grandes campagnes nationales de prévention, l’aide
financière attribuée aux comités régionaux et départementaux sont des exemples
de développements institutionnels récents de l’éducation pour la santé.

u regard de l’histoire médicale, deux gran- ventif dans l’histoire des politiques sanitaires
A des conceptions de la santé et de la mala-
die émergent. La première est centrée sur
et, par conséquent, met en exergue une prise de
conscience hésitante et tardive de l’importance
l’objectivation de la maladie dans le corps. La de l’éducation pour la santé dans les politiques
seconde appréhende la santé et la maladie de santé publique.
comme un mode de relation de l’homme avec
son milieu où interviennent les facteurs hu-
mains, les conditions écologiques, économiques Les précurseurs
et sociales. Cette dichotomie n’est pas sans rap-
peler la distinction traditionnellement faite en- Le XIXe siècle est avant tout marqué par le dé-
tre les thèses « organicistes » qui privilégient le veloppement de la clinique. Le corps que l’on
corps en tant que tel, et les thèses « environ- interroge, et qui renferme le mystère de la ma-
nementalistes » qui soulignent les inter- ladie, occupe une place de plus en plus impor-
relations entre l’individu et le milieu qu’il oc- tante dans la médecine officielle ; même si par
cupe. Ces deux approches se sont confusément ailleurs, responsables sanitaires et médecins
mêlées au cours des siècles, pourtant leur continuent de s’interroger sur les liens entre les
coexistence n’implique pas qu’elles aient joui maladies et les conditions sociales. À l’issue de
du même développement et de la même impor- ces réflexions, de nombreuses campagnes se-
tance dans la société. En effet, à certaines ront lancées pour l’amélioration des conditions
périodes, des formes d’organisation vont favo- de vie et d’hygiène sur la base d’une causalité
riser l’émergence puis l’institutionnalisation de sociale à la santé et à la maladie.
l’approche organiciste. L’évolution de l’éduca- Mais ces amorces de politiques sociales se
tion pour la santé illustre ce mouvement de heurtent à un problème culturel majeur en
« balancier » entre le dispositif curatif et pré- France puisque la doctrine dominante considère

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que la diffusion des normes d’hygiène et l’as- maladie d’usure liée à la fatigue, aux horaires,
sistance sont de la responsabilité du médecin et à l’intensité du travail. Il apparaît alors un glis-
des personnes « éclairées ». Aussi « toute inter- sement entre la conception officielle du fléau
vention publique massive est rejetée jusqu’en social « maladie » et une certaine sensibilité
1871 au nom du libéralisme et du maintien de ouvrière du travail comme fléau social. Aussi,
l’ordre social ». Comme le montre Olivier O. Faure : Communication à reprenant les rêves les plus anciens de l’ordre
Faure, l’évolution du contexte sociopolitique de la table ronde « Aspects médical, les hygiénistes exigent que la méde-
l’époque va faire prendre conscience que la anthropologiques, cine « prenne sa place dans le cercle des auto-
population est un « capital source de richesse, historiques et sociologiques rités du pays ».
de la santé et de la maladie
qu’il faut entretenir et renouveler », et que les Mais face aux obstacles rencontrés par le
en France et en Allemagne »,
initiatives privées, si nombreuses soient-elles, juin 1987.
courant hygiéniste pour s’instaurer comme ges-
sont insuffisantes et surtout non coordonnées. tionnaire de la santé à la fin du XIXe siècle, les
Ainsi dans ce contexte, est né le « courant hy- héritiers de ce mouvement au siècle suivant
giéniste » : formé par groupe de spécialistes en vont chercher à l’institutionnaliser différem-
hygiène et santé publique qui parvient à s’in- ment. Ainsi en 1924 se développe sous la di-
troduire dans les instances de décision et à in- rection de M. Brisac, l’Office national d’hy-
vestir le Comité consultatif d’hygiène publique. giène sociale et se crée la Commission générale
Ceux-ci inspirent alors les premières politiques Ainsi P. Brouardel, président de propagande dirigée par Lucien Viborel. Elle
d’hygiène et s’organisent comme groupe d’in- du Comité consultatif groupe alors les représentants des départements
d’hygiène publique, est
térêt public. ministériels et des organismes publics et privés
l’inspirateur du premier projet
Par ailleurs nombre de médecins, sympathi- de loi ministériel déposé par intéressés, réalise le premier réseau de Centres
sants du courant hygiéniste, se retrouvent à la Lockroy en 1887. régionaux de propagande, suscite en particulier
tête de mairies après la loi de 1884, dont l’arti- des campagnes de lutte contre les maladies in-
cle 97 a étendu les pouvoirs municipaux, ce qui fectieuses. Parallèlement, se constituèrent les
explique la multiplication des bureaux d’hy- premiers organismes privés chargés d’éduquer
giène dans les grandes villes entre 1885 et 1895. le public : la Société scientifique d’hygiène ali-
mentaire et d’alimentation rationnelle (1904),
le Comité national de lutte antituberculeuse
Les ambitions des hygiénistes

Mais l’hygiénisme officiel a également une vi-


sée d’encadrement de la vie sociale comme l’il-
lustre la lutte contre la tuberculose vers 1880. Premier bureau d’hygiène au Havre
En effet, il est officiellement admis que la tu-
Le premier bureau d’hygiène est né au Havre du constat
berculose, nouveau fléau social, se propage par
suivant lequel « tout ce qui concerne la santé publique était
contamination d’individu à individu. De ce fait,
livré à l’arbitraire ou plutôt à l’inconnu, de telle manière qu’on
la lutte contre la tuberculose se matérialise par
peut dire sans exagération que les maladies quelles qu’el-
le dépistage des porteurs de germe et leur iso-
les fussent parcouraient la ville du Havre sans rencontrer
lement. C’est alors un véritable dispositif de
jamais le moindre obstacle »*. L’article premier de l’arrêté
lutte contre cette maladie qui est mis en place
constitutif de cette nouvelle structure précisait : « … la santé
par l’établissement d’un vaste réseau d’établis-
est la base sur laquelle repose avant tout le bonheur du
sements spécialisés, distincts des structures
peuple ; … elle est la première richesse d’une ville comme
classiques de la médecine praticienne, et char-
celle d’un pays, puisqu’elle a pour conséquence d’augmen-
gés tout à la fois du dépistage, de la prévention
ter la puissance de production et de diminuer les charges ».
et des soins. L’accent est mis sur la responsa-
Ce bureau avait pour mission de surveiller et d’organiser les
bilité individuelle. Mais il s’agit également de
désinfections, la vente de lait, les vaccinations, la prophy-
combattre les foyers de contagion que représen-
laxie, les eaux potables, les égouts, la voirie, les logements
tent certaines concentrations ouvrières comme
insalubres, les inspections d’écoles, les naissances et les
les quartiers du centre de Paris. C’est la lutte
décès.
contre les taudis et la rénovation urbaine. Face
à cette remise en cause du mode de vie, à ce * Marais T. M. : Extrait de « Experts et notables, les bureaux municipaux
dispositif d’encadrement, certains milieux d’hygiène en France 1879-1914 », de L. Murard et P. Zylbermann in Dossier de
ouvriers donnent une vision différente de la Genèses n° 10, janvier 1993, p. 57.
tuberculose comme maladie professionnelle,

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(1916), la Ligue nationale contre le cancer rain humain plus que du microbe et substituer
(1918), la Ligue française contre les maladies à la peur de celui-ci la confiance raisonnée dans
vénériennes, la Société française de prophy- la résistance d’un organisme bien équilibré ;
laxie, la Ligue française d’hygiène mentale P. Delore : Éditorial bref, développer une mentalité de santé ». Cette
(1920), le Comité national de défense contre de la revue La Santé de transmission qui s’effectue d’ordinaire par la
l’Homme, n° 1, avril 1942.
l’alcoolisme, etc. médiation d’institutions telles la famille,
l’école, l’Église est organisée en une série de
messages visant directement ces institutions :
L’émergence de information écrite avec les brochures et les dé-
l’éducation pour la santé pliants distribués dans les Centres départemen-
taux et régionaux d’éducation sanitaire, mais
Ce n’est qu’en 1945 que s’esquisse le premier aussi la publication de la revue La Santé de
système préventif français. Cette nouvelle cons- l’homme s’adressant particulièrement aux maî-
truction comporte progressivement la généra- tres, à tous les degrés de l’enseignement, et à
lisation sur l’ensemble du pays des centres in- côté d’eux à la jeunesse.
terdépartementaux d’éducation sanitaire, la
fondation du Centre national d’éducation sani- Arrêté du 23 octobre 1945,
taire, démographique et sociale et la commis- JO du 7 novembre 1945, L’éducation pour la santé
sion d’éducation sanitaire du Conseil perma- portant création des Centres au cœur des évolutions
régionaux d’éducation
nent d’hygiène sociale. Dès lors se succèdent
sanitaire et du Centre
des réorganisations administratives de l’éduca- national d’éducation Le milieu des années soixante-dix est une pé-
tion sanitaire, liées à la place que les gouver- sanitaire. riode importante pour l’éducation pour la santé,
nements ont pu prendre au sein de la santé pu- le Comité français d’éducation pour la santé
blique. (CFES) est chargé de mettre en place les pre-
L’instabilité des structures a largement con- mières grandes campagnes de prévention sur le
tribué à entraver le développement de l’éduca- tabac (sous l’impulsion de Madame Simone
tion pour la santé. De plus, l’incapacité d’éta- Veil, ministre de la Santé). La visibilité de la
blir clairement une distinction entre les charges santé publique prend alors une dimension ori-
administratives incombant à l’État, et les dépen- ginale. La publicité, qui à l’époque n’était pas
ses d’éducation proprement dites devant être considérée comme un domaine très respectable
couvertes par des fonds privés, a généré une et respecté, se mettait tout d’un coup au service
certaine complexité organisationnelle. L’évo- « Le tabac et les jeunes » de la santé. Cette arrivée inopinée, devait s’avé-
lution des structures est caractérisée par l’en- Numéro spécial de La Santé rer par la suite comme essentielle pour une com-
de l’Homme, septembre-
chevêtrement des comités et commissions pré- octobre 1994, CFES.
munication nationale en santé publique struc-
vus à tous les échelons, et par un transfert du turée et efficace.
secteur privé au secteur public — transfert qui Conjointement, le ministère décidait d’attri-
s’est accéléré dans les années soixante puisque buer des aides financières pour la création de
l’essentiel des ressources affectées à l’action nouveaux comités régionaux et départementaux
éducative provenait, en fait, des contributions d’éducation pour la santé (CRES et CDES). Au
des organismes de sécurité sociale et parfois, à même moment, de l’autre côté de l’Atlantique,
l’échelon local, des subventions allouées aux au Québec, une évolution majeure se produi-
associations interdépartementales par les dépar- sait : l’encouragement d’une politique de santé
tements. communautaire. Elle marquera définitivement
Par ailleurs, cette instabilité structurelle était un certain nombre de spécialistes (ou futurs
la résultante de rapports de forces entre diffé- spécialistes de la santé publique française). La
rentes approches de la santé. Pierre Delore, di- traduction la plus évidente de cette imprégna-
recteur du Centre régional d’éducation sanitaire tion fut sans aucun doute la publication de
à Lyon exposait en 1942 les principes d’une l’ouvrage de référence français Santé publique,
conception nouvelle de l’éducation sanitaire : J. Monnier, J.-P. Deschamps, santé de la Communauté de Monnier et coll. Ce
« Parler de la santé beaucoup plus que de la J. Fabry, M. Manciaux, livre témoigne de l’évolution d’une santé pu-
A. M. Raimbault. Santé
maladie ; montrer comment la santé se con- blique très hygiéniste vers des concepts beau-
publique, santé de la
serve, beaucoup plus que comment la maladie communauté, Éditions coup plus ouverts et contemporains de la pro-
se guérit ; exposer les lois de la vie saine ; s’oc- Sipem, 1980, 445 p. motion de la santé.
cuper d’abord de l’état normal ; parler du ter- Chacun se rappelle pour des raisons politi-

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ques évidentes, ce que fut le début des années d’actions de terrain grâce à la mobilisation
quatre-vingts (arrivée d’un gouvernement de autour de comités consultatifs de promotion de
gauche au pouvoir en France). La santé publi- la santé, à l’organisation de grandes rencontres
que a été marquée quant à elle, dès 1980, par « Quand la santé devient nationales sur la promotion de la santé et à la
la publication du rapport Cabanel. Il a été à publique ». Dossier de « La publication de documents de référence.
l’origine du concept d’Observatoire régional de Santé de l’Homme », n° 306, Le troisième élément fondamental qui sur-
la santé (ORS). juillet-août 1993. vint fut la décentralisation. Alors que la promo-
Par la suite, ce fut le développement d’une tion de la santé entraînait de plus en plus les
politique de promotion de la santé bénéficiant acteurs de santé publique aux croisements du
de moyens financiers substantiels (crédits sanitaire et du social, une répartition essentielle
d’État déconcentrés pour la prévention et la des compétences s’opérait entre l’État et les
promotion de la santé) et s’appuyant sur de départements.
nouvelles structures : les comités consultatifs L’introduction du concept de promotion de
régionaux, départementaux et locaux de promo- la santé (qui « secouait » les fondements mé-
tion de la santé. thodologiques de la traditionnelle « éducation
C’est le deuxième élément majeur de cette sanitaire ») et la modification des compétences
période : la reconnaissance du concept de pro- du principal financeur des CRES et CDES (le
motion de la santé. Cette période de grands dé- conseil général) remettaient en cause des struc-
veloppements de la santé publique a bénéficié tures qui pour la plupart n’avaient pas encore
de deux stimulants majeurs : opéré leur véritable mutation.
• les crédits ; Laurence Tondeur et François Baudier
• l’animation d’une véritable dynamique

Six événements majeurs


La fin des années quatre-vingts et le début des années quatre-vingt-dix d’information sanitaire (FNPEIS) qui
furent marqués par six éléments majeurs qui ont pesé sur l’évolution de donne des moyens significatifs pour
l’éducation pour la santé en France. Ils sont fort différents de par leur développer une politique d’envergure
nature et la place qu’ils ont tenue. Ils ont, chacun à leur niveau, joué un nationale en éducation pour la santé.
rôle essentiel pour installer une assise théorique et tracer des éléments
5. Le rôle des cinq « sages » qui ont
définitifs dans l’évolution de l’éducation pour la santé contemporaine. exercé un véritable « lobbying » auprès
1. L’omniprésence du sida comme raux bien sûr, mais aussi les villes — des autorités politiques pour qu’un plan
thème prioritaire de santé publique : « Villes Santé »), les caisses d’assuran- de santé publique efficace se mette en
pour de multiples raisons (épidémio- ces maladie, les mutuelles… place, en particulier dans les domaines
logiques, éthiques, thérapeutiques, du tabac, de l’alcool et du médica-
préventives…), cette maladie a surgi en 3. La diversification des activités ment*.
bouleversant beaucoup de certitudes, d’éducation pour la santé en direc-
de conceptions, de stratégies en édu- tion de nouveaux publics sociale- 6. L’adoption de la Charte d’Ottawa
cation pour la santé. Le sida est là et la ment en grande difficulté : jeunes (1986) qui assure reconnaissance et lé-
prévention est au centre de ce débat (missions locales) et un peu plus tard gitimité à la promotion de la santé**.
et des actions qui en résultent. adultes (revenu minimum d’insertion).
Les acteurs sociaux prennent alors en
2. La multiplication des intervenants compte la santé dans le processus de * G. Dubois, C. Got, F. Grémy, A. Hirsch et M.
en éducation pour la santé : en l’es- réinsertion et les acteurs de santé intè- Tubiana. L’action politique dans le domaine
pace de quelques années, de nom- grent dans leur démarche sanitaire l’in- de la santé publique et de la prévention, santé
breuses institutions ont mis des moyens sertion sociale. publique, 1992, 4e année, n° 4, pp. 3-30.
puissants pour encourager des pro- ** « Charte d’Ottawa pour la promotion de la
grammes de promotion de la santé : les 4. La création en 1988 du Fonds na- santé ». Organisation mondiale de la santé,
collectivités locales (les conseils géné- tional de prévention, d’éducation et novembre 17-21, 1986.

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État des lieux

Qui fait de l’éducation pour la santé ? Dans quel cadre ? Avec quels moyens ?
Selon quelle conception ? L’état des lieux présenté ici a été dressé en 1995 dans
le cadre d’un rapport (cf. p. XIII) élaboré par un groupe de travail interinstitutions.

a notion de santé peut être définie idéale- évaluer), méthodes pédagogiques, participati-
L ment comme un état de bien-être physi-
que, mental et social, c’est-à-dire comme une
ves, communautaires, technologies de commu-
nication, audiovisuelles notamment. L’éduca-
bonne adaptation à l’environnement et pas seu- tion pour la santé apparaît ainsi comme une
lement comme l’absence de maladie. L’éduca- dimension des sciences de la communication et
tion pour la santé va donc s’intéresser particu- de l’éducation.
lièrement aux facteurs de risques et aux Les approches de l’éducation pour la santé
conditions d’une meilleure santé (conditions de sont de trois ordres :
vie et comportements). • par thèmes (nutrition, sport, tabac, sida,
À cet égard, l’éducation pour la santé s’ins- maltraitance…) ;
crit dans le champ de la santé publique comme • par populations (jeunes, populations défa-
un moyen essentiel de la prévention et de la vorisées, personnes âgées…) ;
promotion de la santé. • par lieux de vie (école, entreprise, quar-
L’éducation pour la santé intervient auprès tier).
des individus et des groupes par des actions de L’éducation pour la santé concerne deux ty-
communication générale (campagnes télévi- pes d’acteurs : ceux qui sont confrontés à la né-
sées, affichage, radio, presse) ou de terrain (in- cessité de dispenser au quotidien des conseils de
terventions « d’éducateurs pour la santé » dans santé (médecins, pharmaciens, professions socia-
les écoles, les quartiers, les entreprises…). Elle les, enseignants… voire acteur implicite que peut
ne se réduit cependant pas à la délivrance d’une être tout un chacun), et ceux qui sont engagés
bonne information mais vise à infléchir les com- dans des activités explicites d’éducation pour la
portements individuels et collectifs, tout en santé (personnels de santé scolaire, médecins du
garantissant le respect de la personne humaine. travail, médecins de PMI, animateurs des orga-
Elle fait appel à des disciplines de base va- nismes d’éducation pour la santé, etc.).
riées : épidémiologie, démographie, statistique, L’éducation pour la santé est appelée à jouer
sociologie, psychologie, économie. Elle utilise un rôle de plus en plus important dans les poli-
aussi des méthodes complexes : enquêtes quan- tiques publiques :
titatives et qualitatives (en préalable et pour • en santé publique : la France, plus que les

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pays voisins, se caractérise par l’importance de l’enfant entre 1987 et 1993. L’éducation pour
la mortalité prématurée liée à des comporte- la santé contribue, pour une part essentielle, à
ments à risques (sur 120 000 morts avant 65 ans ceci a été souligné par le faire reculer l’alcoolisme et le tabagisme dans
par an, 60 000 sont considérées comme rapport sur la santé en notre pays. Elle a changé en moins de dix ans
évitables, 40 000 d’entre elles étant liées à des France publié fin 1994 par le du tout au tout l’attitude de la population par
conduites à risques). L’éducation pour la santé Haut Comité de la santé rapport aux préservatifs. Ceux-ci sont désor-
devrait donc y tenir une part essentielle. Par publique. mais utilisés, comme le montre une étude ré-
ailleurs, l’éducation pour la santé a un rôle ir- cente de l’Agence nationale de recherche sur
remplaçable là où aucune ou peu d’interven- le sida, par plus de 80 % des jeunes à l’occa-
tions curatives existent (sida, cancer du pou- sion de leur premier rapport sexuel.
mon…). Elle a également un rôle en prévention L’éducation pour la santé possède un remar-
secondaire et tertiaire dans le cadre du vieillis- quable rapport coût/efficacité : par ses effets en
sement de la population et de la prise en charge amont sur les conduites à risques, l’argent in-
des maladies chroniques (diabète, maladies vesti en éducation pour la santé est dix à cent
cardio-vasculaires), pour aider les patients à fois plus productif de santé que la même somme
gérer eux-mêmes leur maladie et faciliter leur affectée au dépistage ou au soin. Une enquête
réadaptation. Les démarches d’éducation du américaine a montré qu’un dollar investi dans
patient sont ainsi de plus en plus invoquées dans la prévention des accidents peut économiser 25
les critères requis pour optimiser la compliance dollars en dépenses de soins. L’intérêt de l’édu-
thérapeutique et la qualité de vie des patients cation du patient en termes d’économies de
atteints de maladies chroniques ; dépenses de soins est également attesté par des
• dans la politique de développement social : études coût/bénéfice réalisées pour différentes
la santé est facteur d’insertion sociale, elle joue pathologies (diabète, asthme).
un rôle reconnu dans la politique de réduction Aussi, au regard de l’importance du rôle po-
des inégalités et des fractures sociales comme tentiel et réel de l’éducation pour la santé, est-il
le montre l’analyse des difficultés des popula- paradoxal d’observer la faible place qui lui est
tions défavorisées et de la place qu’y tiennent reconnue dans les politiques publiques en France.
les problèmes de santé. L’inégalité face à l’édu-
cation pour la santé existe : la réduire est un
moyen de lutter contre les inégalités sociales ;
• dans le domaine de l’éducation des jeunes :
un des terrains privilégiés de l’éducation pour Des responsabilités
la santé est l’école et la famille. C’est dès l’en-
fance que des habitudes saines peuvent être dispersées
prises. Elle fait partie intégrante de l’éducation
du citoyen à cause de la dimension sociale de
la responsabilisation de tous face à la santé. En France, l’éducation pour la santé n’est pas
L’éducation pour la santé est difficile à éva- le monopole de l’État, ni au sein de l’État, ce-
luer, tant les déterminants des comportements lui du ministère chargé de la Santé.
individuels et sociaux sont complexes et intri-
qués. Mais les domaines dans lesquels elle a le
plus investi sont ceux où la santé publique a le L’État
plus progressé.
Sans parler de l’hygiène de vie (propreté, C’est la direction générale de la Santé (DGS)
alimentation) qui a été son champ d’élection et plus spécifiquement la sous-direction santé
jusqu’en 1945 et qui a été la principale raison des populations, disposant d’un bureau promo-
de l’accroissement de l’espérance de vie, tion et prospective en santé, qui est chargée de
l’exemple des accidents domestiques est parti- la mise en œuvre de la politique de l’État en ma-
culièrement éloquent. Les efforts conjugués de tière d’éducation pour la santé. Ce bureau assure
l’éducation pour la santé et de la réglementa- la « tutelle » du Comité français d’éducation
tion des produits ont permis de réduire par deux pour la santé (CFES) et les relations avec les
en dix ans la mortalité des enfants. Eloquent autres bureaux de la DGS (santé mentale, toxi-
également le domaine de l’hygiène bucco-den- comanie, dépendance, sida, populations spéci-
taire : réduction de moitié du taux de caries chez fiques, alimentation, environnement…), avec la

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direction de l’action sociale, la direction des concernés. Certains conseils généraux ont
hôpitaux, la division des relations internationa- donné des missions élargies en promotion et en
les…, ainsi qu’avec des institutions nationales éducation pour la santé à un personnel médi-
(par exemple le ministère de l’Éducation natio- cal (médecins et infirmières) qui était surtout
nale) ou internationales (Union européenne, attaché aux actions menées en direction de la
OMS…). Il gère une ligne budgétaire réservée mère et de l’enfant. La santé des personnes
au soutien de structures (surtout les comités précarisées (jeunes ou adultes) a souvent cons-
d’éducation pour la santé) ou à des program- titué une nouvelle priorité pour ces profession-
mes d’éducation et de promotion de la santé. nels. Un travail étroit avec les intervenants so-
Au-delà de cette direction, d’autres adminis- ciaux du département s’est ainsi opéré.
trations « sociales » ont vocation à intervenir Si les lois de décentralisation ont peu affecté
dans ce domaine : il s’agit en général de délé- les compétences municipales en matière de
gations aux missions spécifiques (MILDT, MILDT : Mission santé, les responsabilités communales sont de-
Dirmi, Dij, Div). interministérielle de lutte meurées importantes dans ce domaine. Dans
contre la drogue et la
Des organismes ou des dispositifs sous tu- une collectivité locale, les décideurs sont en
toxicomanie
telle des ministères sanitaires et sociaux inter- Dirmi : Direction prise directe avec la réalité quotidienne de la
viennent en outre plus ou moins directement interministérielle au RMI population. Ces liens privilégiés et les attribu-
dans le champ de l’éducation pour santé : Dij : Direction tions très diversifiées des municipalités pour la
l’Agence du médicament, le Haut comité de la interministérielle aux jeunes santé et le cadre de vie des habitants, permet-
santé publique. Div : Direction tent une approche globale des questions de
interministérielle à la ville
L’ensemble de ces activités est réalisé en santé. En effet, la municipalité intervient à la
lien étroit avec les services déconcentrés de fois sur les facteurs d’environnement comme
l’État : directions régionales ou départementa- le bruit, la circulation, l’habitat mais aussi sur
les des Affaires sanitaires et sociales (Drass ou des problèmes plus aigus comme la violence,
Ddass). Chacune de ces structures dispose la drogue… ou plus quotidiens comme l’équi-
d’une personne chargée du dossier « promotion libre alimentaire des enfants à la cantine. Cet
de la santé ». ensemble d’actions trouve sa cohérence dans un
D’autres ministères et d’autres services dé- dispositif décisionnel proche de la population
concentrés de l’État sont impliqués dans des et fortement influencé par le tissu associatif et
programmes d’éducation pour la santé : le mi- par la population. Le maire est, en outre, une
nistère chargé de l’Éducation nationale, ceux autorité sanitaire locale pour l’hygiène publi-
de la Jeunesse et des Sports, de l’Économie que : hygiène du milieu, eau, assainissement…
(campagnes de prévention des accidents de la
vie courante), des Transports, de l’Environne-
ment, du Travail, de l’Agriculture (nutrition) ou
de la Défense nationale… Une règlementation disparate
Le code de la santé publique est presque « muet » sur l’éducation pour
Les collectivités territoriales santé, soulignant ainsi par « défaut » les lacunes du système de santé
français davantage tourné vers le soin que vers la prévention. Aucun
article de loi n’affirme l’importance de ce secteur ou n’identifie la res-
Les départements ont un rôle très important en
ponsabilité de son pilotage : tout au plus l’éducation pour la santé est-
matière d’éducation pour la santé depuis que les elle citée dans la loi hospitalière (article L. 711-1 du code de la santé
lois de décentralisation leur ont donné de nou- publique) et référencée dans le code de la sécurité sociale pour le fonds
velles compétences en matière sanitaire et so- national de prévention, d’éducation et d’information sanitaires de la
ciale. C’est le cas dans des domaines sensibles caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (article
comme la protection maternelle et infantile, les L. 221-1).
vaccinations, la prévention de la tuberculose, Le « modèle » français de l’éducation pour la santé se caractérise en
des maladies transmissibles et du cancer. Par fait par un « libéralisme » extrême de la gestion de ce domaine qui se
ailleurs, le département est concerné directe- traduit par une grande « décentralisation » de ses responsables et le
ment par les politiques en direction des publics foisonnement de ses intervenants. Si cette caractéristique est indénia-
blement facteur de richesse, l’absence de cohérence entre les diffé-
les plus en difficulté et des personnes âgées.
rents intervenants nuit à l’efficacité de l’ensemble des actions, en dis-
Ces nouvelles orientations ont entraîné de- persant les moyens et en réduisant la capitalisation des expériences.
puis dix ans des restructurations et une réorga-
nisation sensible des services départementaux

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page IX


Au-delà de l’éducation pour la santé, la ville est d’éducation pour la santé touchant non seule-
aujourd’hui en France, au cœur d’un dispositif ment les personnes relevant de son régime
très opérationnel de promotion de la santé. (principalement les agriculteurs) mais aussi tou-
Beaucoup de municipalités s’inscrivent impli- tes les personnes qui vivent en milieu rural.
citement ou explicitement (Réseau Ville-Santé) Il faut signaler que les caisses d’allocations
dans l’esprit de la charte d’Ottawa. L’existence cette charte définit des familiales participent également à des actions
depuis quelques années d’une politique de la orientations stratégiques de promotion de la santé en direction des fa-
ville renforce ce rôle. globales pour promouvoir la milles et des publics les plus en difficulté.
santé, qui portent notamment
sur l'information et
l'éducation pour la santé.
Les caisses de sécurité sociale Les sociétés mutualistes

Les caisses du régime général d’assurance ma- Le secteur mutualiste regroupe environ 25 mil-
ladie fonctionnent dans le secteur de l’éduca- lions de Français. Depuis la fin des années
tion pour la santé grâce à deux grands types de soixante-dix, la Mutualité française a décidé de
ressources financières : développer d’importants programmes de pré-
• le Fonds national de prévention, d’éduca- vention et de promotion de la santé. Cette poli-
tion et d’information sanitaires (FNPEIS). Ce tique a été mise en place grâce à la constitution
fonds est géré au niveau national par la Caisse d’un fonds de prévention à partir de prélève-
nationale d’assurance maladie des travailleurs ments sur les cotisations de tous les adhérents
salariés (Cnamts). Ses grandes orientations re- et à la création dans chaque union départemen-
lèvent du conseil d’administration de cette ins- tale d’une équipe de prévention travaillant en
titution mais font l’objet de négociations avec lien étroit avec l’équipe nationale et les acteurs
la tutelle, c’est-à-dire le ministère chargé de la locaux de la prévention.
santé et de l’assurance maladie. Le poids finan-
cier de ce fonds est important pour le champ de
la prévention puisqu’il dépasse un milliard de Les grandes associations nationales
francs chaque année. Plus de la moitié de cette
somme finance les centres d’examen de santé Sur des thèmes précis relatifs en général à des
de la sécurité sociale, le reste étant utilisé pour pathologies spécifiques, elles poursuivent des
des programmes de dépistages (cancer, mala- objectifs variés, parfois simultanément :
dies génétiques, hygiène bucco-dentaire…), des • la défense des malades,
grandes actions nationales de communication • l’aide sociale et psychologique,
(alcool, tabac, vaccination…) ou des actions de • l’aide à la recherche,
proximité réalisées par les caisses d’assurance • la prévention et l’éducation,
maladie régionales ou locales. • la communication.
• les fonds d’action sanitaire et sociale. Ils Elles font en général appel aux fonds privés et
sont gérés par chaque caisse. Le soutien à des bénéficient très souvent de financements publics.
actions d’éducation pour santé relève de la dé- Les principales associations thématiques in-
cision de chaque conseil d’administration. Deux terviennent sur les thèmes suivants : alcoolisme,
points sont à préciser concernant la politique tabagisme, cancer, sida, maladies cardiovascu-
des caisses dans ce domaine : la très grande laires, toxicomanie, maladies respiratoires et
majorité des caisses d’assurance maladie dis- tuberculose, maladies génétiques, épilepsie,
pose maintenant d’un service d’éducation pour diabète… Certaines d’entre elles sont ancien-
la santé propre à leur structure ; les caisses ré- nes et ont une histoire très riche dans le champ
gionales d’assurance maladie ont des compé- de la prévention (tuberculose, alcool). Elles sont
tences spécifiques en matière de prévention des souvent organisées en fédération et peuvent dis-
accidents du travail et d’intervention auprès des poser de structures décentralisées.
publics du troisième âge. Concernant ce dernier Des associations nationales (Secours popu-
point, des liens existent avec la caisse nationale laire français, Secours catholique, Croix-rouge
d’assurance vieillesse. française, banques alimentaires…) ou des as-
Parmi les autres régimes obligatoires, la sociations de proximité portent plus particuliè-
mutualité sociale agricole est à l’initiative de- rement leurs efforts en direction des publics les
puis de nombreuses années de programmes plus démunis.

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page X


Des outils artisanaux
Les comités d’éducation pour la santé
Ils forment le seul réseau ayant, en santé — au nombre de 96 — sont En France, contrairement à d’autres pays étran-
France, une activité généraliste et également des associations « loi gers, l’éducation pour santé n’est reconnue ni
exclusive en éducation et en pro- 1901 ». Ils sont membres du sur le plan législatif ni sur le plan réglementaire.
motion de la santé. CFES et agréés par lui après avis Elle ne l’est pas davantage sur le plan de la com-
Le Comité français d’éducation des Ddass et des Drass. Leur
pétence professionnelle. La dispersion des ac-
pour la santé (CFES) est une conseil d’administration revêt une
association régie par la loi du composition semblable à celle du teurs dans le domaine de l’éducation pour la
1er juillet 1901, administrée par les CFES avec cependant une repré- santé n’est pas équilibrée par une culture, des
institutions concernées par l’édu- sentation des collectivités territo- formations, une recherche suffisante, une capi-
cation pour la santé au niveau riales concernées : régions, dé- talisation des expériences permettant de géné-
national (caisses de sécurité so- partements, communes. raliser un savoir-faire de qualité.
ciale, secteur mutualiste, ministè- Ces comités sont financés essen-
res), par des représentants du tiellement par les conseils géné-
réseau des comités départemen- raux, les caisses d’assurance ma- Un domaine sans formations
taux et régionaux, par de grandes ladie et l’État.
diplômantes
associations nationales et des Depuis le budget 1994, l’État con-
personnalités qualifiées. Son bud- tribue au financement du fonction-
get de fonctionnement est princi- nement des comités (80 000 F par
Jusqu’à présent, l’éducation pour la santé n’est
palement alimenté par la direction an) afin qu’ils disposent d’une pas reconnue sur le plan universitaire et n’est
générale de la Santé et les cais- réelle capacité d’animation. Les intégrée que de façon marginale à quelques pro-
ses de sécurité sociale. Le CFES comités retenus à ce titre sont, grammes d’enseignement en santé publique et
est l’opérateur des grandes cam- pour 1996, au nombre de 92 : 16 à quelques formations paramédicales sous
pagnes de communication natio- comités régionaux et 76 départe- forme de modules ou d’options. Il n’existe pas
nales financées par le ministère mentaux. La vocation de ces co- de formation initiale spécifique en éducation à
de la Santé et la Cnamts. mités a été définie par la circulaire la santé.
On peut souligner plusieurs ca- ministérielle du 21 janvier 1995.
Par contre, quelques formations continues
ractéristiques du rôle et des mo- Ce financement est apporté dans
ont vu le jour :
dalités de financement du CFES : le cadre des crédits déconcentrés
• en dépit d’une évolution ré- pour l’éducation et la promotion • des diplômes universitaires à Bordeaux et
cente, le CFES intervient davan- de la santé. Dans le même cadre, à Nancy,
tage comme un prestataire de l’État assure aussi le financement • des formations spécifiques en éducation et
service (communication nationale, du fonctionnement de 5 déléga- promotion de la santé mises en place par le ré-
fourniture de documents) que tions interrégionales pour l’éduca- seau du CFES en collaboration avec des facul-
comme un expert et un référent tion et la promotion de la santé tés de médecine et des universités.
sur les problèmes d’éducation (Direps) qui couvrent l’ensemble Les « éducateurs à la santé » n’ont pas de
pour la santé et les stratégies à du territoire métropolitain et ont été statut particulier. Les médecins généralistes qui
adopter dans ce domaine ; constituées en 1991 et 1992 pour à près de 80 % (d’après le Baromètre santé du
• son budget de fonctionnement répondre aux besoins de structu-
CFES) dispensent des conseils en matière de
reste très modeste. Ses effectifs ration du réseau et à la nécessité
(53 personnes dont 23 cadres) d’un développement d’ensemble dépendance (tabagisme, alcoolisme, drogues)
sont insuffisants pour donner à des compétences de celui-ci en ne reçoivent pas de formation dans ce domaine.
l’éducation pour la santé l’infras- termes de méthodologie, de do- En la matière, le retard de la France est pa-
tructure en méthodologie, en for- cumentation et de formation. tent : la Grande-Bretagne, la Belgique, le Ca-
mation et en recherche qui fait en- Le réseau des comités d’éduca- nada, les États-Unis disposent de chaires d’édu-
core défaut dans notre pays ; tion pour la santé évolue depuis cation à la santé et ce domaine y est constitué
• son organisation ne lui permet une dizaine d’années vers une en discipline.
pas d’intégrer véritablement la professionnalisation accentuée
communication dans une straté- par l’instauration des Direps. L’ef-
gie de santé publique sur chaque fectif global est en réelle progres- Un domaine sous-développé en
thème traité (nutrition, dépendan- sion : 117 équivalent temps plein
ces, cancers etc.). en 1990, 524 équivalent temps matière de recherche
Les comités départementaux et plein en 1995 (enquête CFES por-
régionaux d’éducation pour la tant sur 75 comités). En France, le secteur de la recherche en matière
d’éducation pour la santé est peu développé et
peu organisé. D’un côté, les recherches

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XI


engagées par les acteurs se caractérisent par
leur pragmatisme. De l’autre, celles dévelop- 10 francs pour la prévention
pées par les chercheurs en sciences sociales ou 11 000 F pour les soins
en sciences de la communication n’envisagent
que très rarement des retombées opérationnel-
les. Elles tournent autour de modèles théoriques Les dépenses relatives aux • le budget déconcentré par
de comportement et de communication alors actions d’information et l’État pour l’éducation et la
que l’éducation pour la santé est un domaine d’éducation pour la santé ne promotion de la santé en
où se conjuguent réflexion et action. font pas l’objet pour le moment général (soit 20 MF en 1995)
Ce manque de coordination entre le monde d’une comptabilité officielle représente environ le quart du
de la recherche et celui de l’action est également spécifique. Dans les comptes budget total des activités qu’il
dommageable pour le développement systéma- nationaux de la santé ces cofinance (le reste étant fourni
tique de l’évaluation scientifique des stratégies dépenses sont intégrées dans par les collectivités territoria-
de prévention. L’insuffisance d’investissement, les différentes rubriques du les, les caisses locales de
de compétences, et de coordination dans ce do- chapitre « prévention collec- sécurité sociale, …) ;
maine de la recherche a récemment été souli- tive » (voir rapport de juin 1995 • le budget moyen des
gné par l’intercommission de l’Institut natio- du service des statistiques, comités d’éducation pour la
nal de la santé et de la recherche médicale des études et des systèmes santé est de 835 000 F
(Inserm) chargée des recherches en prévention. d’information des ministères (enquête CFES 1994).
L’obstacle principal vient de la difficulté sanitaires et sociaux). Le Les services de médecine
qu’il y a à établir une corrélation simple entre chiffrage précis est difficile, préventive mènent également
les modifications de comportement (réduction ces activités n’étant pas des activités de prévention
des risques notamment) et les actions d’éduca- précisément définies au sein primaire pour des groupes
tion pour la santé qui précisément visent ces des lignes budgétaires qui les d’individus ; à titre d’exemple,
changements. soutiennent. selon un rapport de la direc-
L’impact, la compréhension, la mémorisa- tion des lycées et collèges
tion, l’appréciation des messages sont systéma- Des sources de financement pour 1992/1993 les services
tiquement mesurés, qu’il s’agisse des campa- diverses de promotion de la santé en
gnes ou des actions de terrain, mais leurs Les principaux financements faveur des élèves consacrent
conséquences à plus long terme sur les condui- nationaux consacrés à ce 15 % de leur temps à des
tes individuelles et collectives est difficile à iso- secteur sont indiqués dans la activités collectives dont 51 %
ler du contexte général et il est quasiment im- figure ci-contre. On note une d’éducation pour la santé. En
possible de constituer des groupes témoins. implication financière significa- conséquence, le budget total
Il reste que le retour sur investissement des tive de divers organismes : affecté à ce secteur peut être
actions d’éducation pour la santé est très impor- autres ministères, autres estimé comme étant de l’ordre
tant comme le montre le retournement de ten- caisses nationales de sécurité de : 600 à 700 MF par an.
dance de la consommation de tabac en 1992, sociale, et d’organismes
la baisse plus rapide en France qu’à l’étranger privés : ligue nationale contre Un déséquilibre entre les
de la consommation d’alcool et les résultats le cancer, fondation de enjeux et les moyens
dans les domaines évoqués en introduction pour France, fédération française affectés
la lutte contre la transmission du VIH par de cardiologie, croix-rouge En conclusion en France,
l’usage du préservatif et pour la réduction de française, organismes d’assu- chaque année, on consacre
la mortalité par accident domestique. rance (caisse nationale de environ par habitant : 10 F
prévoyance, Union des pour l’information et l’éduca-
assurances de Paris). tion pour la santé, 250 F pour
L’absence de capitalisation L’importance des finance- la médecine préventive et
ments locaux est éclairée par 11 000 F pour les soins. Dix
En France, il n’existe pas de centre de ressour- l’analyse des programmes francs par habitant, c’est 200
ces, pas de système de recueil et d’analyse qui d’action déconcentrée de l’État fois moins que les seules
identifie les expériences de promotion de la dans ce domaine et par celle dépenses de médicament et
santé et les structures y participant. des budgets des comités 10 fois moins que les seules
Il n’y a pas non plus de centre référent qui d’éducation pour la santé : dépenses de cure thermale.
puisse conseiller et exporter des méthodes et
des documents, suffisamment évalués.

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XII


Le CFES diffuse systématiquement toutes
les semaines une documentation de base et du
matériel à tous les comités d’éducation pour la
santé. Il élabore et diffuse à l’intention de tous
les intervenants en éducation pour la santé (no-
Principaux financements nationaux en tamment les caisses d’assurance maladie et les
éducation pour la santé (millions de francs) établissements scolaires) entre 20 et 40 millions
de documents de prévention par an, édite un
bimestriel La Santé de l’homme et réalise des
Prévention du sida guides méthodologiques. Sur le terrain, les co-
mités régionaux et même les comités départe-
14 65 Autres problèmes de santé mentaux mettent à la disposition des acteurs de
)
07

terrain de la documentation et des répertoires


Cnamts (1

Fonds national de prévention, permettant de connaître les ressources en édu-


93 242 d’éducation et cation pour la santé.
d’information sanitaires Le CFES et son réseau constituent ainsi —
Fonds national d’action conformément à leur mission — un début de
)
80

sanitaire et sociale noyau dur référent et de lieu ressources en


138
(3

méthologie d’éducation pour la santé. Mais, fi-


n
Sa Fédération nationale nancés essentiellement sur programme, ils ne
M inistèr e d e la de la Mutualité française disposent que de moyens limités pour dévelop-
per cette fonction essentielle au développement
et à la professionnalisation de l’éducation pour
la santé en France.
L’absence de reconnaissance universitaire et
Les deux logiques du système de santé donc professionnelle, le sous-développement en
Poursuite d’objectifs et gestion des ressources recherche, l’anarchie méthodologique du sec-
teur, ajoutés aux difficultés structurelles de
l’évaluation, alimentent le déficit en visibilité,
Part de la mortalité évitable Structure de la dépense en légitimité, lesquels par un retour en boucle
dans la mortalité avant courante de santé en 1993
expliquent en partie la faiblesse des moyens
65 ans en 1991
26 472 Dépenses en faveur alloués et donc la place paradoxalement faible
du système de soins d’un secteur pourtant stratégique.
Mortalité évitable par (recherche, formation)
20 000
le système de soins

Dépenses Le rapport L’information et l’éducation


pour les maladies sanitaires dans le système de santé
682 482 (soins hospitaliers et français : état des lieux et propositions a
ambulatoires, biens
été élaboré par un groupe de travail
Mortalité évitable par médicaux, transports
une prévention des sanitaires, aides aux présidé par Annick Morel, chef de service
40 000
risques individuels malades et à la direction générale de la Santé. Ce
subventions) groupe était composé de représentants
Comportements de la direction de la Sécurité sociale, de
à risque 16 138 Dépenses de prévention directions régionales et départementales
Décès évitables Millions de F
Dépenses d’éducation des affaires sanitaires et sociales, de
pour la santé (600 MF) caisses d’assurance maladie (Cnamts) et
du Comité français d’éducation pour la
La part des efforts consacrés à la prévention des risques santé. Le rapport a été rédigé à la
individuels est nettement inférieure à la part des gains en mortalité demande du Comité de déconcentration
prématurée qu'elle pourrait permettre. et de réorganisation du ministère du
Travail et des Affaires sociales.

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XIII


Éducation pour la santé
en Rhône-Alpes
L’éducation pour la Le projet derrière Types d’interventions mises en œuvre
santé semble prendre l'éducation pour la santé pour promouvoir ces changements de
une place croissante comportements
La responsabilisation 64%
dans les
L'apprentissage de Information 83 %
préoccupations et la
nouveaux comportements 49% Animation 57 %
politique des
La capacité de motiver les personnes 41% Communication 37 %
institutions, elle est de
plus en plus La relation d'aide 36% Formation 37 %
directement associée à La promotion de la capacité Étude, action 18 %
la responsabilité que de choix des personnes 35% Évaluation 18 %
ressentent ces L'information sur les déterminants Médiation, approche communautaire 17 %
organismes vis-à-vis de de la santé 33% Soutien méthodologique 14 %
leur population de L'action sur les conditions de vie 28% Programmation 7%
référence. Cette valeur L'approche pédagogique 27%
L’information est placée en tête : l’animation ar-
de l’éducation pour la L'interdisciplinarité 25%
rive ensuite, qui est avec la communication, le
santé est reliée à sa La promotion d'alternatives/
support « moderne » de l’information. La for-
capacité à contribuer à comportements à problèmes 19%
mation, enfin, est surtout développée par le
la réduction des La sensibilisation à des
monde associatif.
problèmes de santé (sa nouvelles valeurs 18%
Le primat de l’information reflète l’importance
place dans la La résolution de problèmes 12%
en éducation pour la santé du rapport au sa-
prévention), à son L'adéquation aux valeurs
voir : l’EPS est largement construite sur une
potentiel de la population 10%
base de connaissance : du corps humain, de
méthodologique Autres (approche communautaire…) 7%
ses besoins, de son fonctionnement, du dé-
d’intervention dans
Responsabilisation et changement de compor- veloppement cognitif, psychomoteur, affectif
différents lieux de vie, à
tement arrivent donc en tête, c'est le modèle de la personne, des pathologies physiques et
son approche globale
de l'époque : l'apprentissage de nouveaux mentales. Cette base de connaissances est en
des personnes et des
comportements représente la composante ins- constante évolution et sa maîtrise réclame un
groupes.
trumentale concrète d'un modèle psycho- effort continu d’actualisation et de transmission
Deux demandes
sociologique du changement qui passe par la du savoir.
émergent des
responsabilisation, la motivation, la relation Les éducateurs pour la santé se posent de ma-
institutions :
d'aide. nière croissante le problème de l’appropriation
• que le cadre et les
moyens de ce savoir, des pro-
soient plus cédures, des dispositifs
Méthodologie

clairement Le Collège Rhône-Alpes d'éducation pour la santé (Craes) a réalisé qui le facilitent, d’où
fixés (par les pour la direction générale de la Santé entre novembre 1994 et mars sans doute, le score
pouvoirs 1995 une enquête sur les activités d’éducation pour la santé dans dans les items, de la
publics) pour la région Rhône-Alpes. Cette enquête a comporté deux volets : communication, de l’ani-
que l’édu- • des entretiens semi directifs auprès d’une quinzaine de représen- mation, de la formation.
cation pour la tants des principales « familles » institutionnelles spécialement in- Il est intéressant de re-
santé puisse téressées par la prévention éducative (services déconcentrés de marquer l’écart appa-
s’inscrire l’État, collectivités territoriales, organismes de protection sociale, as- rent entre la place do-
véritablement sociations, univers éducatif et économique). minante de l’information
dans la santé • une enquête par questionnaire auprès de 1 004 organismes de dans les missions et les
publique ; la région susceptibles de développer des activités d’éducation pour interventions des orga-
• que le la santé (494 associations, 57 organismes de protection sociale, 160 nismes et le poids mis
domaine se services de collectivités territoriales, 26 services d’État déconcen- ici sur le changement
profession- trés, 124 services de médecine du travail, 73 structures relevant de des personnes. L’uni-
nalise avec l’éducation nationale, 27 organismes d’assurances et de retraite, 43 vers de l’éducation pour
l’élaboration autres structures s’occupant de populations spécifiques : familles, la santé vit en équilibre
de référentiels jeunes). entre deux modèles :
méthodo- 322 d’entre eux ont répondu à l’enquête dont 280 se sont déclarés l’apport d’information et
logiques concernés. la promotion du chan-
communs. gement.

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XIV


Thématiques d’intervention Priorités ressenties par les organismes répondant
Les répondants avaient la possibilité de co- En ce qui concerne les thèmes d’intervention, l’étude permettait de comparer
cher un ou plusieurs thèmes ; leurs réponses les pratiques et les aspirations
donnent le tableau suivant :
Priorités ressenties Priorités pratiquées
Sida 59 % 1 Toxicomanie 1 Sida
Alimentation et nutrition 45 % 2 Alcoolisation excessive 2 Alimentation et nutrition
Toxicomanie 42 % 3 Sida 3 Toxicomanie
Tabagisme 41 % 4 Santé mentale, suicide 4 Tabagisme
Alcoolisation excessive 39 % 5 Planification, IVG, sexualité 5 Alcoolisation excessive
Planification, IVG, sexualité 35 % 6 Tabagisme 6 Planification, IVG, sexualité
Vaccination 34 % 7 Violences 7 Vaccinations
Violence 29 % 8 Rythmes de vie 8 Violences
Hygiène générale 27 % 9 Alimentation et nutrition 9 Hygiène générale
Rythmes de vie 27 % 10 Bon usage du médicament 10 Rythmes de vie
Accidents domestiques 21 %
La santé mentale devient une préoccupation majeure pour l’EPS, ce ressenti
Bon usage du médicament 21 %
d’une priorité forte est la marque de la perception des effets ravageurs de la
Hygiène bucco-dentaire 21 %
crise (le coté « noir » : suicide…) mais aussi de l’évolution de la conception de
Santé mentale, suicide 21 %
l’éducation pour la santé vers une approche globale, celle de l’OMS ou la com-
Environnement 19 %
posante psychosociale du bien être prend une place croissante par rapport au
Maladies professionnelles, AT 19 %
seul aspect physiologique.
Activités physiques et sportives 18 %
L’alcool pointe la « mauvaise conscience » de la prévention dans la mesure ou
Cancers 17 %
les acteurs sentent bien le décalage entre l’importance objective du problème
Vieillissement 16 %
et les résistances à en faire dans les faits une véritable priorité.
Maladies cardio-vasculaire 14 %
La toxicomanie est certainement un marqueur privilégié des difficultés écono-
Troubles musculo-squelettiques,
miques, culturelles, sociales.
mal de dos 14 %
Autres (accès aux soins, bruit…) 14 %
Les besoins des organismes pour acteurs perçoivent leur travail dans le
Accidents voie publique 12 %
améliorer leurs activités moyen et long terme et qu’ils ont peur
Tuberculose 8%
d’éducation pour la santé de se voir imposer des évaluations à
250 organismes, soit 89 % du total dé- trop court terme.
Publics concernés préférentiellement clarent avoir de tels besoins. Le partenariat n’est plus seulement
par les actions Les besoins prioritaires sont perçus au une demande des institutions et des
niveau de la communication avec les financeurs, c’est aussi un besoin des
Jeunes (16–25 ans) 56 %
autres acteurs. La dimension échan- acteurs pour concrétiser la nouvelle
Adolescents (12–18 ans) 48 %
ges arrive en tête, devant le besoin de dimension de réseau.
Familles 36 %
supports pédagogiques et de docu-
Populations en difficulté 34 %
mentation. Les organismes ressources
Tout public 32 %
La demande d’appuis méthodologi- L’enquête a mis en évidence l’impor-
Enfants (7–12 ans) 30 %
que et de formation est le fait de plus tance du conseil méthodologique réa-
Femmes 23 %
du tiers des acteurs. À l’inverse, le lisé par les associations généralistes
Travailleurs 23 %
monde de l’éducation pour la santé se de proximité (comités départementaux
Périnatalité petite enfance (0–7 ans) 17 %
place encore peu dans une dimension d’éducation pour la santé…) et l’impor-
Personnes âgées 12 %
évaluative, sans doute parce que les tance des institutions de référence, en
Handicapés 10 %
particulier dans le champ de la toxico-
Autres 9%
manie.
On peut noter la dominance du public jeune, cents et le problème des conduites « à La documentation est une ressource
puis un ensemble important : enfance, publics risques » et les publics en difficulté et beaucoup plus clairement identifiée
en difficulté, femmes, familles qui intéresse la recherche de solutions pour com- que le conseil méthodologique et les
une structure sur trois. battre la précarisation. En revanche, grandes associations nationales sont
On retrouve fortement les publics prioritaires les handicapés, les personnes âgées, perçues comme source d’une impor-
de la période : les jeunes 16–25 ans et l’uni- les travailleurs sont moins présents tante documentation.
vers de l’entrée dans le chômage, les adoles- dans les préoccupations. Claude Bouchet et Antoine Caprioli

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XV


Une politique et des
instruments pour
l’éducation pour la santé

Les propositions présentées ont été établies avec l’objectif de créer les conditions
d’une coordination et d’une utilisation efficaces des moyens humains et financiers
disponibles dans le domaine de l’éducation pour la santé, tout en respectant
l’autonomie des acteurs. Pragmatiques, elles n’envisagent donc pas de profonde
réforme d’ensemble de la gestion du dispositif qui aurait conduit par exemple à
proposer de centraliser l’ensemble des moyens publics affectés à l’éducation pour
la santé. Destinées à consolider ce secteur et à lui donner une crédibilité, elles
devraient permettre l’adoption de mesures propres à accentuer son développement.

a gestion partagée et décentralisée du dis- dents, cancers, douleur…) et des 4 déterminants


L positif d’éducation pour la santé est dé-
fendable et trouve de fortes justifications. Les
prioritaires (consommations d’alcool, usage du
tabac, précarité-insertion et santé, et difficultés
logiques institutionnelles peuvent, certes, être d’accès aux soins et à la prévention) appellent
partiellement spécifiques : elle peuvent et doi- des mesures d’information et d’éducation pour
vent, cependant, pour partie converger lorsque la santé (par exemple : « intensifier les actions
des objectifs collectifs de santé publique ont été d’éducation pour la santé en milieu scolaire de
identifiés. C’est ce qui est désormais possible manière à retarder de façon significative, chez
avec la détermination forte du Gouvernement les garçons comme chez les filles, l’âge de dé-
de faire des priorités de santé publique affichées but du tabagisme »). Ces objectifs doivent
l’un des axes de l’orientation des financements orienter les activités du CFES et, autant que
publics des dépenses de santé. faire se peut, celles des autres partenaires na-
Le rapport La santé en France du tionaux (Cnamts par exemple par l’intermé-
Décliner les objectifs Haut Comité de la santé publique a dé- diaire de l’arrêté fixant le programme du
du rapport sur fini des priorités nationales en matière FNPEIS) dans le but de parvenir, à terme, à
la santé en France de santé publique et fixé des objectifs l’élaboration d’une stratégie nationale en ma-
chiffrés et datés dans les domaines re- tière d’éducation et de promotion de la santé.
tenus (par exemple : « d’ici à l’an 2000 diminuer Les nombreux organismes nationaux, no-
de 35 % la proportion de fumeurs réguliers et de tamment privés (mutuelles, grandes associa-
fumeurs occasionnels chez les 12-18 ans »). La tions) œuvrant dans le domaine de l’éducation
quasi-totalité des 14 problèmes de santé (acci- pour la santé, n’agissent pas pour le moment de

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XVI


façon concertée, partiellement en raison d’un de nombreux moyens d’intervention (profes-
défaut de reconnaissance mutuelle de leurs vo- sionnels de santé, dispositifs favorisant la vie
cations et savoir-faire respectifs et scolaire, programmes scolaires). Il est dèjà
d’objectifs partagés. Il appartient à Organiser la impliqué dans des dispositifs de coordination
l’État de créer les conditions permet- concertation des interministérielle pour des problèmes de santé gra-
tant de combler ces lacunes. Le prin- organismes nationaux ves à court terme (transmission du VIH, toxi-
cipe d’une concertation régulière de comanie). C’est ainsi qu’une expérimentation
ces organismes partenaires sera mis en œuvre a été engagée sur trois académies pour faire pas-
par la DGS. Une rencontre nationale (impli- ser à 20 heures l’horaire annuel de
quant le niveau local) est organisée en 1996 afin Favoriser le développement l’élève pour l’éducation sexuelle (clas-
de valoriser l’éducation pour la santé comme de l’éducation pour ses de 4e et 3e). Cependant, le dévelop-
outil de promotion de la santé. Cette rencontre la santé à l’école pement d’une coopération d’ensemble
doit permettre de préciser les positionnements par rapport à l’éducation pour la santé
et les intentions de ces différents organismes vue de façon non spécifique reste important afin
par rapport aux nombreux domaines de l’édu- d’éviter des sollicitations multiples et disper-
cation pour la santé (quels publics, quels thè- sées du milieu scolaire, et il appartient à la DGS
mes, quels milieux d’intervention, quels prin- de le favoriser. Par ailleurs, la recherche de syner-
cipes et modalités d’intervention…). Les gies entre l’école et son environnement impli-
domaines retenus à titre prioritaire, notamment que la contribution de l’autorité sanitaire. Cette
par référence au rapport sur la santé en France, coopération conduira à actualiser la convention
feront l’objet sur cette base d’un examen visant tripartite établie entre le ministère de l’Éduca-
à définir des perspectives de développement et tion nationale, celui chargé de la Santé et le CFES
des pistes de coopération entre organismes prin- qui prendra en compte le suivi du réseau fran-
cipalement concernés. Cet examen portera éga- çais des écoles-santé bâti dans un cadre européen
lement sur les outils « transversaux », communs (OMS, Union européenne, Conseil de l’Europe).
à l’ensemble des acteurs : documentation, mé- La démarche engagée depuis 1995
thodes, formation…. L’ensemble de ces opé- Développer la convergence dans le cadre des conférences régiona-
rations devrait déboucher à terme sur une charte de l’action des partenaires les de santé est fondée sur un principe
de partenariat, précisant les principes d’une col- dans le cadre de la politique d’association en amont des institutions
laboration entre les divers partenaires natio- régionale de santé et organismes concernés par la politi-
naux. que de santé dans le but de définir des
La responsabilité de l’information et de priorités régionales adaptées. Ces conférences
l’éducation pour la santé à l’école incombe au sont suivies d’un développement progressif de
ministère de l’Éducation nationale qui dispose projets régionaux de santé répondant aux prio-

Faire du CFES un centre de référence et de ressources


La subvention de fonctionnement, jectif pluri-annuel sur 3 ans avec le giées entre les différents centres
attribuée annuellement par l’État au CFES devrait permettre d’orienter nationaux d’éducation et de pro-
CFES, est affectée sans cadre de la restructuration de l’organisation motion de la santé fait partie des
référence pluriannuel et le CFES du CFES en précisant l’affectation priorités du nouveau programme
n’est pas structuré de façon suffi- des moyens financiers renforcés communautaire sur l’éducation et
sante tant pour permettre une in- qui lui seront consacrés dans le la promotion de la santé (découlant
sertion convenable des actions de but de constituer un centre de ré- de l’application de l’article 129 sur
communication dans une stratégie férence national en la matière. la prévention sanitaire, du traité de
d’ensemble éclairée par la recher- Maastricht). Le CFES a déjà entre-
che, que pour suivre des domai- Intégrer le CFES dans le réseau pris de renforcer ses liens avec ses
nes pourtant prioritaires comme : international des institutions homologues européens. Ce point
cancers, dépendances, maladies nationales homologues pourra faire l’objet de la convention
transmissibles… Un contrat d’ob- L’instauration de relations privilé- d’objectif passée avec le CFES.

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XVII


rités et aux objectifs repérés. Ces programmes et de ressources. L’objectif est de constituer
permettront d’intégrer des activités d’éducation dans chaque région un centre de capitalisation
pour la santé dont la réalisation bénéficiera des d’expériences et de diffusion de méthodes, au
coordinations instaurées dans ce cadre. moyen d’un redéploiement au profit du réseau
des crédits d’État consacrés à l’éducation et la
promotion de la santé
Consolider les bases Les crédits déconcentrés de l’État en matière
méthodologiques et scientifiques d’éducation pour la santé sont tout à la fois af-
fectés à des actions et au soutien des comités
Le dispositif d’éducation pour la santé d’éducation pour la santé. Afin de former dans
souffre d’un défaut de relation avec le Développer la capacité chaque région de véritables pôles de référen-
secteur de la recherche et d’une ins- d’expertise en ces (documentation, formation, aide méthodo-
cription insuffisante des actions de éducation pour la santé logique), une grande partie de ces crédits de-
communication nationale dans des vront clairement être affectés à la structuration
stratégies diversifiées (faisant appel à l’ensem- de ces pôles de référence qui devront répondre
ble des moyens d’intervention susceptibles à des cahiers des charges précis. Les Drass in-
d’être adoptés pour les objectifs recherchés y terviendront dans la labélisation de ces centres
compris ceux dépassant le seul cadre de l’in- de référence qui devront être les interlocuteurs
formation et de l’éducation sanitaires). Le régionaux compétents de l’ensemble des opé-
CFES a entrepris de corriger ces défauts en rateurs en matière d’éducation pour la santé.
mettant en place un comité scientifique et des L’amélioration de la procédure d’agrément
comités d’experts sur les grandes campagnes des comités d’éducation pour la santé par le
nationales (afin de préciser des stratégies de CFES devrait assurer la référence à des valeurs
communication pluriannuelles sur les campa- et à des objectifs communs et développer la
gnes financées par la Cnamts). Mais les moyens professionalisation. L’agrément fait l’objet
du CFES apparaissent insuffisants pour faire face d’un projet de charte du réseau des comités sou-
à l’enjeu. Afin de développer les études dans mis actuellement par le CFES à la discussion.
le domaine de l’éducation pour la santé et no- Il impliquera l’adhésion aux valeurs et aux ob-
tamment leurs applications à des campagnes de jectifs définis et devra être renouvelé tous les
communication nationales, la DGS s’engage à cinq ans (il est aujourd’hui tacitement recon-
réserver sur 3 ans 500 000 F par an sur ses cré- duit sans limitation de temps, un retrait restant
dits d’études (4 000 000 F annuels). Une éva- cependant possible). L’avis des services de
luation de la dynamique créée sera réalisée au l’État sera systématiquement recueilli.
terme de ces 3 ans. Les appels d’offres seront
définis en liaison avec les principaux partenai-
res nationaux dont le CFES, la Cnamts et le Former des compétences et mieux
ministère de l’Éducation nationale. Par ailleurs, faire connaître l’existant
la DGS promouvra la prise en compte du champ
de la recherche en éducation pour la santé dans Assurer une formation pour les intervenants en
le cadre de la contractualisation avec l’Inserm. éducation pour la santé est une nécessité. Ceci
Le réseau des comités départemen- suppose le développement d’une formation
taux et régionaux d’éducation pour la Renforcer le réseau des continue assurée par le CFES et le réseau des
santé est le seul à vocation généraliste Comités régionaux et comités, avec le concours de l’École nationale
totalement dédié à des missions d’édu- départementaux de santé publique (donnant lieu à l’attribution
cation pour la santé. Il est conjointe- d’éducation pour la santé d’un certificat reconnu au niveau national).
ment soutenu par les collectivités ter- Cette formation (150 heures environ) a été en-
ritoriales, les organismes de protection sociale gagée au sein du CFES avec les Direps pour une
et l’État, qui fournit un effort budgétaire parti- cinquantaine de membres du réseau. Dans un
culier depuis le budget 1994. Des objectifs de cadre régional, des échanges permanents sur les
structuration sont à poursuivre en liaison avec pratiques des intervenants devront être facili-
les différents partenaires afin de couvrir chaque tés. La formation en matière d’éducation pour
département par un comité d’éducation pour la la santé dans le cadre de la mise en place pro-
santé disposant d’une capacité d’animation et gressive des instituts universitaires de santé pu-
de doter chaque région d’un centre de référence blique devra être développée.

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XVIII


Éducation pour la santé et priorités de La santé en France
Le pôle Méthodologie recherche évaluation (Merev) définies dans le rapport du HCSP La santé en
des délégations inter-régionales pour l’éducation France. Un exemple de déclinaison dans le champ
et la promotion de la santé (Direps) et le CFES ont de l’éducation pour la santé d’une des 18 priorités
élaboré un document sur la place et le rôle de mises en avant par ce rapport est présentée ci-
l’éducation pour la santé dans le cadre des priorités dessous à titre d’illustration.

Les moyens et Exemples d’actions


recommandations proposés Prévention des chutes des person-
Accidents de Concernant les enfants nes âgées, CRES de Midi-Pyrénées
la vie courante • Former des adultes relais, intégrés à • Formation sur la prévention des chu-
l’Institut universitaire de formation des tes pour les aides ménagères interve-
maîtres, auprès des enseignants des nant à domicile.
petites et moyennes sections pour me- • Élaboration d’un document grand
Rappel de l’objectif spécifique
ner des actions de prévention dans leur public sur la prévention des chutes
identifié par le HCSP
Réduire de 20 % le taux de mortalité classe, chez la personne âgée.
d’ici l’an 2000 (18 000 décès, 4 millions • Former des équipes de santé scolaire Prévention des accidents du jeune
et de Protection maternelle et infantile enfant, CRES d’Aquitaine
d’accidents, 530 000 hospitalisations).
pour aider à mieux connaître les acci- • Formation de professionnels de la
dents de la vie courante des enfants et petite enfance.
Mesures liées à l’éducation pour la soutenir des projets dans leurs secteurs, • Ateliers parents et ateliers enfants.
santé préconisées par le HCSP • Former les assistantes maternelles Prévention des chutes des personnes
pour atteindre l’objectif sur les mécanismes qui aboutissent à âgées, CRES d’Île-de-France (Cresif)
Les mesures préconisées concernent l’accident, • Supports produits : expositions, bro-
le développement de la prévention par • Favoriser l’apprentissage ou informer chures ( Sous des pieds (Cresif) et
la sensibilisation et l’information : sur le développement psychomoteur Questions de prudence (Cramif et
• des parents d’enfants en bas âge de l’enfant auprès des parents lors de Cresif).
ainsi que des personnes âgées et des l’entrée de l’enfant à la crèche. • Journée régionale de restitution des
personnes qui interviennent à leur do- actions réalisées localement entre 1990
Concernant les personnes âgées
micile pour l’aménagement de la mai- et 1992 et publication des actes.
• Sensibiliser et former le personnel des
son et l’adoption de matériel offrant Sensibilisation, CDES d’Alpes-Mari-
structures d’accueil et d’hébergement
toute sécurité, times
• Former les personnes qui préparent
• des éducateurs pour qu’ils dévelop- • Enquête sur la perception du pro-
le brevet d’édudes professionnelles sa-
pent la prévention, blème par le grand-public.
nitaire et social
• de l’ensemble de la population pour • Sensibilisation à la prévention et aux
• Sensibiliser les intervenants des ins-
diminuer l’utilisation de l’eau sanitaire gestes de premier secours.
titutions gérant des logements sociaux,
trop chaude. Santé communautaire intergénéra-
des associations de personnes âgées
tionnelle, Adessi
sur les risques de chute et d’accidents
• Échanges entre personnes âgées et
au domicile,
Notre analyse de la situation enfants d’une école primaire sur les ac-
• Encourager le théâtre forum sur ce
Des facteurs favorisant les accidents cidents domestiques à différentes épo-
thème dans les clubs de personnes
de la vie courante sont présents dans ques et création d’un spectacle par les
âgées comme la troupe de Vendée
notre environnement quotidien. Ils ne enfants sur ce thème.
(CPAM), et tout moyen d’animation pas-
sont pas suffisamment pris en compte Formation de relais, Adess de l’Ain
sant par le jeu et la participation des
et jugés comme important par les res- • Formation des assistantes maternel-
personnes âgées.
ponsables, par exemple : voirie et sé- les, puéricultrices, médecins de PMI
curité (enfants, personnes âgées, han- Concernant toute la population sur l’enfant et la relation à son corps et
dicapés), sécurité et structure collective • Favoriser la collaboration et le travail la psychomotricité libre en crèche.
de vie (notamment pour personnes interpartenarial avec les associations Outil, CDES du Gard
âgées), facteurs psychosociaux (dé- de consommateurs, Création du « châlet de tous les dan-
pression, solitude des personnes • Former les professionnels des clubs gers » comprenant 4 pièces avec un
âgées, négligence des adultes à sportifs et associations sportives locales potentiel de dangers à identifier et à
l’égard des enfants). à la prévention des accidents du sport. expliciter. Omar Brixi

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XIX


Pour favoriser la formation des autres pro-
fessionnels concernés, des travaux ont été en-
trepris par le CFES avec les principaux orga- Adolescence, âge de tous les possibles
nismes de formation de médecins généralistes « Adolescence, âge de Première phase : création d’un

Académie de Nice
à la suite d’un colloque national entre médecins
tous les possibles » outil, les dossiers AATP
de santé publique et médecins généralistes
(AATP) est un Une soixantaine de personnes de
(Hammamet, Tunisie). Dans le cadre du dispo- programme d’éducation l’Éducation nationale, d’organismes et
sitif conventionnel actuel, une demande de prise
pour la santé destiné d’associations de prévention se sont
en compte de l’éducation pour la santé dans la
aux adolescents des réunies régulièrement de février 1993
liste des thèmes indemnisables a été effectuée collèges. à mai 1994.
auprès du Comité national pour la formation
La finalité est de Elles ont élaboré deux dossiers de 300
continue pour 1997 (à l’heure actuelle, le thème
responsabiliser les pages chacun, à l’usage des ensei-
n’y figure pas explicitement). Il s’agit de pou- adolescents et de les gnants : Adolescence, âge de tous les
voir bâtir une formation sur le rôle du médecin
rendre capables de faire possibles (dossier sixième-cinquième
généraliste, les méthodes en éducation pour la
le choix d’un mode de édité en août 1995 et dossier qua-
santé, l’éducation du patient, le relais local vie sain et équilibré. trième-troisième édité en août 1996).
d’une campagne nationale, l’intégration dans
Pour cela, les Chaque volume comprend quatre cha-
des actions locales collectives…
enseignants devenus pitres :
Il n’existe pas à l’heure actuelle de système éducateurs de santé, • équilibre alimentaire et croissance,
national permettant de recenser les différentes
transmettront des • hygiène de vie pour vivre ensemble,
informations sur les supports, les acteurs et les
notions de base de • vie sexuelle et vie familiale,
actions d’éducation pour la santé. La DGS a santé aux élèves, et • consommations et comportements à
établi un mode de classification pour les actions
essaieront d’apporter risques.
co-financées avec les crédits déconcentrés pour
aide et écoute aux Chaque chapitre est divisé en cinq
l’éducation et la promotion de la santé (ligne adolescents en difficulté parties, toutes organisées de la même
47.11/20). Ce système sera coordonné avec
Ce projet est né de la manière : conseils santé (rappelant les
celui que le CFES vient d’entreprendre dans le
volonté commune de notions de base de santé), fiches et
cadre du réseau afin de disposer d’un outil per- promouvoir des actions pistes pédagogiques, documents pé-
mettant — en premier lieu au niveau régional
de prévention exprimée dagogiques utilisables dans les diffé-
— de recenser l’activité menée dans ce do-
par des acteurs de rentes disciplines sans surcharge des
maine. Cette mission devrait être prise en terrain : médecins et programmes scolaires car conçus
compte dans le cadre des financements pour
infirmiers de l’Éducation pour s’y intégrer.
conseil méthodologique régional.
nationale, enseignants
de collèges, chefs Deuxième phase : mise en œuvre du
d’établissement, et des programme AATP dans les collèges
Consolider les crédits d’État affectés à
responsables L’application sur le terrain consiste à
l’éducation pour la santé académiques. faire connaître le programme et former
L’association « Interface les enseignants pour qu’ils deviennent
En dépit des redéploiements déjà effectués à
santé 83 » composée de acteurs d’éducation pour la santé
leur profit, les crédits d’État consacrés à l’édu- l’académie de Nice, du auprès des adolescents.
cation pour la santé sont insuffisants pour orien-
conseil général du Var, Les enseignants doivent transmettre des
ter de façon volontariste le dispositif et de dis-
de la Caisse primaire connaissances afin de modifier les com-
poser au niveau local de leviers d’entrainement d’assurance maladie, de portements en inscrivant les messages
sur d’autres partenaires pour construire des pro-
l’Union varoise de la dans la durée pendant les quatre ans de
grammes régionaux. Une augmentation sera
Mutualité française et la scolarité au collège, repérer les diffi-
demandée au budget 1997 avec un triple but : du comité cultés de certains élèves et leur propo-
renforcer l’action du CFES dans l’optique de
départemental ser un projet d’aide personnalisée.
la restructuration prévue plus haut, constituer
d’éducation pour la Les informations données aux adoles-
les pôles de référence méthodologique évoqués santé pilote le cents portent sur leur corps, leur santé
ci-dessus et enfin développer des actions dans
programme qui se et les problèmes qu’ils peuvent ren-
le cadre des projets régionaux de santé élabo-
décompose en deux contrer.
rés sur la base des priorités des conférences ré- étapes principales. Ce travail prend comme point de dé-
gionales de santé.
Propositions du rapport cité p. XIII

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XX


part le vécu des élèves et répond à Une équipe académique de deux per- Chaque collège a adapté le pro-
leurs demandes. sonnes (médecin de l’Éducation natio- gramme à ses besoins et à ses aspi-
Les messages doivent mettre en valeur nale, enseignant chargé de mission) rations. Certains établissements ont
les aspects positifs de la santé et de met en place le programme. choisi un thème (ou deux) et ont ap-
la forme physique, faire comprendre Elle diffuse AATP dans les établisse- pliqué l’ensemble du programme dans
que la santé n’est pas un droit, qu’elle ments scolaires, aide à la mise en une classe ou un niveau de classe.
se mérite par des efforts quotidiens. Il œuvre sur le terrain, à la création des On tire de ces expériences un premier
faut apprendre aux adolescents à res- équipes de prévention et à leur forma- bilan positif :
pecter leur corps et introduire chez eux tion, conforte les équipes tout au long • grand dynamisme et forte motivation
un sentiment de responsabilité. de l’année. des adultes impliqués (mais leur nom-
L’élève doit comprendre et se réappro- L’équipe propose à chaque collège bre n’était pas toujours suffisant pour
prier des notions de santé, notions qu’il une présentation du programme en entraîner l’ensemble du collège dans
recevra au cours des enseignements une heure et un stage d’établissement l’application du programme) ;
des différentes disciplines. Mafpen (Mission académique de for- • amélioration de la communication au
Pour une classe donnée, un seul des mation des personnels de l’Éducation sein de l’établissement ;
quatre chapitres est traité à la fois, en nationale) de trois jours (un par trimes- • intérêt pour l’éducation à la santé
thème transversal. Pour rester cohé- tre) destiné à toute personne de la que beaucoup n’avaient pas encore in-
rents, les différents intervenants communauté éducative intéressée. tégrée dans leur enseignement ;
s’appuient sur les conseils santé du Le premier jour est réservé à la présen- • meilleure connaissance des fonc-
classeur. Les fiches pédagogiques tation détaillée du programme ainsi tions et des limites de chacun, en par-
proposent des adresses et des ouvra- qu’à une réflexion sur l’adolescence et ticulier dans le domaine de la méde-
ges (livres, vidéos…) à consulter pour ses problèmes menée par un psychia- cine, avec les notions de secret
approfondir le sujet. Les pistes péda- tre. Les stagiaires choisissent en fonc- médical et de secret professionnel.
gogiques introduisent pour chaque tion des particularités de l’établisse- Après cette expérience, certains fac-
matière les documents pédagogiques ment le ou les thèmes prioritaires parmi teurs semblent indispensables pour la
utilisables avec les élèves, des exer- ceux proposés dans le classeur AATP réussite de l’entreprise tels que : l’im-
cices, des suggestions d’activités… et prévoient la mise en œuvre sur le plication et la participation active du
Le programme AATP s’appuie dans terrain. La deuxième journée de stage chef d’établissement ou de son adjoint,
chaque collège sur une équipe de pré- permet de faire le point sur l’avance- de la documentaliste, du conseiller
vention composée de personnel volon- ment des travaux et de prévoir une principal d’éducation, d’enseignants
taire : enseignants, personnes de éventuelle formation complémentaire de plusieurs disciplines, et de celle du
l’équipe d’encadrement, médecin, in- qui se déroule le troisième jour. médecin à toutes les étapes de la mise
firmier, assistante sociale… Le rôle de Ainsi, un gynécologue a traité de la vie en œuvre.
cette équipe est double : conduire la sexuelle, un ORL des méfaits du bruit. Dans les établissements concernés,
politique de prévention, faire le point C’est également le dernier jour que se tous s’accordent pour penser que le
sur les problèmes qui se posent, et fait le bilan de l’année écoulée et que collège doit être un lieu de vie et de
proposer des solutions avec l’aide de s’élaborent les perspectives pour l’an- communication propice à l’épanouis-
personnes-ressources. née à venir. sement de l’élève en tant qu’adoles-
AATP s’intègre dans le projet d’établis- cent et pas seulement en tant qu’« ap-
sement. Il est soumis à l’approbation Premiers résultats prenant » et qu’« être en bonne santé »
du conseil d’administration et présenté Au terme de la première année expé- est un des facteurs contribuant à la
aux parents d’élèves. rimentale, ces résultats se dégagent : réussite scolaire et à l’intégration so-
• 21 collèges (14 100 élèves) se sont ciale.
Dynamique dans le Var intéressés au programme AATP. Anne-Marie Bouchard et Nathalie Iahns
Le programme AATP est devenu opé- • 15 collèges (200 adultes) ont béné-
rationnel dans le Var à la rentrée 1995, ficié d’une présentation.
où les 75 collèges publics et privés du • 9 collèges (110 adultes dont 70 en-
département ont reçu un exemplaire seignants) ont suivi un stage d’établis-
du dossier sixième-cinquième. sement.

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXI


L’éducation pour la santé,
une efficacité sous
conditions

Évaluer l’éducation pour la santé est complexe car il s’agit théoriquement de


mesurer son impact sur les modifications de comportement. Les différents types
d’évaluation sont présentés ici suivis d’une réflexion sur la notion d’efficacité en
éducation pour la santé.
éducation pour la santé est un ensemble pour la santé réside dans la définition même de
L’ d’interventions qui vise à informer, mo-
tiver et aider la population à adopter volontai-
l’objet qu’ils vont mesurer et des moyens à
mettre en œuvre pour y parvenir. Pour mesurer
rement des comportements favorables à la l’efficacité d’une action de santé, on peut aussi
santé. C’est donc sur le changement de com- bien s’attacher :
portement qu’il faudrait théoriquement mesu- • aux résultats et à l’impact de l’action,
rer l’efficacité des programmes d’éducation c’est-à-dire à l’atteinte des objectifs de l’action
pour la santé. Seulement sous cette simple (effectiveness), au-delà de l’efficacité d’une
évidence se cache une notion complexe : celle action, c’est son effet que l’on cherche à
de comportement. Les déterminants d’un com- mesurer (outcome evaluation). Il y a des effets
portement sont multiples et difficilement espérés (les objectifs) et des effets latéraux, non
appréhendables puisque intriqués à l’habitus de prévus, qui peuvent être bénéfiques ou non. On
l’individu et aux conditions sociales, économi- a par exemple remarqué que certains program-
ques, politiques et environnementales dans les- mes d’éducation pour la santé amélioraient les
quelles vit celui-ci. De fait, l’évaluation correcte résultats scolaires en plus de leur action propre ;
de l’impact des actions d’éducation pour la • à la pertinence de l’action, il s’agit de
santé est largement tributaire de normes, critè- s’assurer de l’adéquation entre la nature de
res et outils fort complexes à saisir de manière l’action engagée et les déterminants du compor-
scientifique. Nombre d’évaluations contournent tement (connaissances, croyances, circons-
cette complexité en déportant leur objet vers des tances, expériences) de la population concernée
indicateurs intermédiaires. (efficacy) ;
• au « rendement » et à la cohérence de
l’action, c’est-à-dire au degré d’adéquation
Quelle évaluation ? entre le programme, ses objectifs, et les moyens
mis en œuvre, il s’agit d’analyser les ressources
L’une des difficultés majeures à laquelle se employées (efficiency), et de les confronter aux
heurtent les évaluateurs d’actions d’éducation résultats de l’action. Le corollaire de cette

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXII


recherche permet d’évaluer le rapport coût sur
efficacité. Évaluation du programme
En fonction de l’objet à évaluer, des critè- Plan santé ville
res d’efficacité sont dégagés au regard des fac-
teurs influencés par les actions d’éducation pour L’éducation pour la santé est aujourd’hui fortement
la santé. Mais dans le secteur de l’intervention mobilisée par les programmes d’insertion et de dévelop-
sociale, les indicateurs quantitatifs ne sont pas pement social*.
aussi opératoires que dans les champs écono- Dans le cadre de la lutte contre la précarité, les actions
miques et scientifiques. Le mieux être d’un de santé publique entreprises s’inscrivent dans un
groupe humain est, par nature, plus difficile à ensemble plus vaste. Ainsi les actions d’éducation pour
mesurer que la productivité d’une entreprise. la santé auprès de populations en difficulté mettent à
Il est incontestable que mesurer uniquement contribution plusieurs dispositifs d’insertion ou de
par des évaluations quantitatives certains effets développement social, tels les zones d’éducation
de programme portant sur la dynamique sociale prioritaire, les missions locales, les programmes de
ou sur l’évolution de pratiques est inopérant. De santé communautaire. Trouver des groupes témoins
même, l’évolution d’un taux de morbidité, par devient alors difficile puisque les politiques publiques
exemple, ne peut suffire à évaluer l’état de santé ambitionnent de couvrir tous les quartiers et populations
d’une population. Par conséquent, la stratégie en difficulté. Par ailleurs ces populations, par leur
de mesure et les instruments mobilisés sont cer- caractère instable et mobile géographiquement, rendent
tes déterminants pour l’appréhension des résul- le maintien quantitatif des échantillons étudiés très
tats d’un programme, mais ne permettent pas difficile.
pour autant de cerner toutes les dimensions du Le partenariat mis à contribution, pour ce type d’action,
concept à évaluer. rassemble également des associations et institutions
Au-delà de la difficulté d’identifier des cri- n’ayant pas les mêmes critères d’évaluation. Ainsi les
tères pertinents pour l’action, les évaluateurs en CAF seront sensibles au surcoût occasionné par le
éducation pour la santé se heurtent à la validité traitement des dossiers de familles en difficulté, les
des instruments et des stratégies de mesure . municipalités aux incidences électorales notamment en
Le deuxième écueil, c’est le temps. Les ef- matière de délinquance et de toxicomanie, les adminis-
fets attendus des actions d’éducation pour la trations à la conformité entre politiques menées et
santé étant généralement de l’ordre d’une mo- circulaires en vigueur.
dification de comportements ou d’attitudes, la
* Évaluation du programme Plan Santé Ville — Réseaux de Santé de proximité,
dimension temporelle joue un rôle essentiel. Un O. Brixi, F. Alias, L. Tondeur, CFES, janvier 1996.
changement de comportement ne peut se me-
surer qu’à moyen, voire long terme. L’effica-
cité d’une action d’éducation pour la santé ne
peut donc s’apprécier immédiatement. Un cadre conceptuel pour sont bien dues au programme. Cette validité est
Le troisième écueil réside dans le fait qu’il l’évaluation des programmes favorisée, mais non garantie, par l’existence
de santé, F. Champagne,
est difficile de dégager un résultat spécifique à d’un groupe témoin, de même que la réparti-
A. P. Contandriopoulos,
l’action dans un contexte social qui interagit. R. Pineault in Revue tion au hasard des sujets dans le groupe expé-
Le résultat produit et mesuré à l’issue d’une d’épidémiologie et de santé rimental et le groupe témoin.
action d’éducation pour la santé est effective- publique n° 33, 1985, p. 173- Les critères et processus d’évaluation de ce
ment indissociable, ou en partie tributaire, du 181. type d’intervention sont également indissocia-
contexte dans lequel il a été produit (normes bles des enjeux sociaux conduisant aux choix
sociales existantes, comportements, environne- politiques de santé publique. C’est ainsi que des
ment). Ainsi les enquêtes par sondage permet- critères éthiques, idéologiques, peuvent fonder
tent de dégager des tendances, des évolutions, des objectifs d’action qui ne sont pas toujours
mais ne peuvent en aucun cas mettre en évi- en rapport avec la réalité des problématiques.
dence l’efficacité d’une action. Elles ne peuvent C’est notamment le cas en matière de lutte con-
distinguer ce qui dans un changement de com- tre le sida et la toxicomanie.
portement, par exemple, relève spécifiquement Les critères techniques de validité de l’éva-
de l’action de ce qui relève des influences du luation se heurtent donc aux normes et critères
corps social (média, débat social, évolution de socio-politiques de l’évaluation, mais aussi à
la législation). En d’autres termes, on ne peut d’autres contingences techniques dues aux ty-
avoir la certitude que les variations observées pes de programmes et de populations ciblées.

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXIII


Pour que l’impact des résultats des program- • Prospective sida 2010. pourra également être procédé à la mise en
mes de santé publique puisse être mesuré, il est Ministère des Affaires place d’indices pouvant suivre la qualité de vie,
Sociales, de la Santé et de la
nécessaire de s’inscrire dans la durée. Or, le l’implication sociale, le soutien social, l’affir-
Ville, Agence nationale de
système de financement de l’éducation pour la recherches sur le sida. mation de soi, ou l’efficacité perçue au sein
santé en France, le financement par projet, con- Paris : 1994. d’un groupe de population.
duit à ce que des projets prometteurs soient pri- • Baromètre Santé 93/94.
vés de financements à long terme. Ce problème F. Baudier, Ch. Dressen,
est encore aggravé par le fait que les fonds al- D. Grizeau, et al., Paris : Quelle efficacité ?
Éditions CFES 1995.
loués sont affectés de manière restrictive (par
• Les comportements
exemple à la communication) ou sont mis à dis- sexuels en France. A. Spira,
À partir de ces outils, il est donc possible de
position à bref délai, pour être dépensés immé- N. Bajos, et le groupe ACSF. dégager les effets d’action d’éducation pour la
diatement, ce qui est contestable quant à l’effi- Paris : La documentation santé. La Commission européenne de l’Union
cacité des actions. Française, 1993. internationale de promotion et d’éducation pour
Ce manque de moyens financiers conduit • Adolescents, enquête la santé (UIEPS) a répertorié, au niveau inter-
aussi les acteurs de ces actions à « naviguer à nationale. M. Choquet, national, 200 études d’efficacité d’actions
S. Ledoux. Paris : Inserm,
vue » et à effectuer des évaluations sur la base 1994.
d’éducation ou de promotion de la santé. Il res-
de questionnaires conçus par des non-profes- sort de cette analyse que les actions contribuent
sionnels du travail sociologique, et dont la dif- globalement à :
fusion et les retours demeurent très aléatoires. • faire progresser les connaissances ;
Devant les difficultés qu’il faut surmonter • faire prendre conscience des risques et
pour mettre sur pied des groupes témoins, l’in- comportements à risque ;
capacité de cerner les effets induits par le • mobiliser des décideurs, mobilisation qui
processus d’évaluation retenu, l’emploi de mé- peut conduire à la définition ou à l’ajustement
thodes aussi strictes que la conception expéri- du cadre législatif ;
mentale ou l’évaluation « sélective » est modéré • améliorer l’état de santé de certaines
en France. Il convient de noter que différents populations voire diminuer la prévalence de
chercheurs anglo-saxons se sont essayés, cer- certaines pathologies ;
tains avec succès, aux analyses expérimentales • comprimer les coûts des dépenses de santé.
sur des programmes d’éducation pour la santé. Quand bien même l’objectif de l’éducation
La grande majorité des études d’efficacité por- pour la santé n’est pas de réduire les dépenses
tent sur l’analyse d’indicateurs, analyses qui de santé, elle y contribue en promouvant des
demeurent souvent partielles et insuffisantes et comportements de responsabilisation vis-à-vis
dont toute la difficulté réside dans le choix de de l’usage des médicaments par exemple et en
ces indicateurs. développant des programmes de prévention
L’évaluation des résultats, n’ayant de valeur primaire, qui ont une incidence sur la pré-
que si l’on peut relier les résultats au proces- valence de certaines pathologies. En prévenant
sus, consiste, en pratique, à évaluer des inter- F. Champagne, A. P. tôt l’apparition d’un cancer, on limite les dé-
relations entre les résultats (et l’impact) et Contandriopoulos, R. penses : l’investissement en communication
d’autres composantes du programme. Les fac- Pineault, op. cit. étant moindre que ceux engagés dans les soins
teurs, ainsi dégagés, constituent des « indica- nécessités par cette maladie. Ce rapport coût sur
teurs intermédiaires » du succès, mais peuvent avantage est difficilement appréhendable ; tou-
aussi être considérés directement comme les Fisher L., Vanburen J., tefois une équipe américaine a pu montrer que
résultats attendus d’un processus éducatif. Les Nitzkin L et al. High light dans leur campagne préventive sur les accidents
critères retenus sont majoritairement compor- results of the Monroe county domestiques d’enfants, pour un dollar investi,
tementaux, cognitifs, et/ou affectifs. Les indi- poison prevention vingt-cinq étaient économisés.
demonstration project.
cateurs les plus souvent utilisés sont effective- On a pu distinguer les actions qui ont le plus
Annual Joint Meeting
ment les connaissances ou croyances, les Minneapolis, 1981.
d’impact. Aussi les actions qui développent des
attitudes et intentions, les comportements dé- aptitudes ou qui proposent des conseils person-
clarés. Ces indicateurs sont suivis par des son- nalisés, celles qui sont axées sur l’acquisition
dages réguliers — enquête KABP pour le sida de connaissances obtiennent de bons résultats.
(Prospective sida 2010), Baromètre Santé, série Les actions qui focalisent sur la capacité à re-
de post-tests pour les campagnes nationales — connaître les pressions sociales, et/ou qui visent
ou isolés — ACSF, enquêtes adolescents. Mais une modification des normes sociales plutôt
suivant les objectifs de l’action entreprise il qu’un changement de comportement obtiennent

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXIV


Union internationale de promotion de la santé et d’éducation pour la santé
L’UIPES est une association mondiale a pour objectifs d’influencer et nant le développement de leurs actions
d’individus et d’institutions œuvrant dans de soutenir le développement dans ces domaines ;
les domaines de la promotion de la santé de la promotion de la santé et • Information : en facilitant les échan-
et de l’éducation pour la santé, dont l’ob- de renforcer les moyens de ges mondiaux d’expériences ;
jet est d’améliorer la santé du monde par l’UIPES de remplir sa mission. • Formation : en contribuant à l’amélio-
l’éducation, l’action communautaire et ration des connaissances et des com-
l’élaboration de politiques de santé pu- Activités pétences requises pour fournir un tra-
blique. En rassemblant des personnes Les différentes activités de l’UIPES sont : vail efficace en promotion de la santé
de différents secteurs pour débattre de • Porte-parole : en favorisant le déve- et en éducation pour la santé dans les
politiques, techniques, et pratiques, loppement d’une opinion publique infor- domaines politiques et pratiques :
l’UIPES offre un lieu interdisciplinaire mée sur la santé ; • Recherche : en promouvant la re-
pour ses membres dans toutes les ré- • Liaison : en maintenant des relations cherche scientifique, y compris les étu-
gions du monde pour partager connais- continues avec des organismes natio- des sur le terrain ;
sances, expériences et points de vue. naux et internationaux concernés par la • Conférences : en offrant des plates-
Organisation non gouvernementale, promotion de la santé ; formes d’études et de discussions par
l’UIPES est en relation officielle de tra- • Communication : en encourageant et l’organisation de conférences mondia-
vail et coopère étroitement avec l’OMS, en soutenant la création de réseaux ef- les, de rencontres et de séminaires ré-
l’Unesco et l’Unicef. Elle collabore avec fectifs avec des institutions régionales, gionaux.
des organisations gouvernementales nationales et internationales et des per- La revue trimestrielle de l’UIPES, Pro-
pour développer et améliorer les as- sonnes œuvrant dans les champs con- motion & éducation est une revue pro-
pects théoriques et pratiques de la pro- cernés ; fessionnelle contenant des articles de
motion de la santé et de l’éducation • Expertise : en donnant son avis sur référence sur tous les aspects théori-
pour la santé. les implications des politiques et pro- ques et pratiques de la promotion de
Fondée à Paris en 1951, l’UIPES re- grammes de promotion de la santé et la santé et de l’éducation pour la santé,
groupe des membres de plus de 80 de l’éducation pour la santé mis en de même que des nouvelles internatio-
pays et décentralise son action par l’in- place par l’OMS, l’Unesco et d’autres nales sur des réunions ou événements
termédiaire de Bureaux régionaux. Elle organismes internationaux et en soute- importants dans le monde.

également des résultats significatifs à partir du En revanche, les actions qui ne fournissent
moment où le processus d’évaluation n’est pas que des connaissances, ne visent pas à dévelop-
réduit à des critères sanitaires. per l’estime de soi ou l’aptitude à prendre des
Ces résultats connexes ou dérivés de l’action décisions, ou proposent simplement des com-
sont particulièrement significatifs dans un portements alternatifs ont des effets limités.
champ plus vaste que celui du sanitaire : le Il est à noter également que les campagnes
champ social. L’éducation pour la santé n’est nationales, qui ont des indicateurs limités (pré-
pas seulement un moyen d’intervention de santé test, post-test), ont un impact fort et immédiat,
publique qui permet un bien être physique et mais qui s’atténue dans le temps.
mental, mais elle concourt, au-delà, au bien être Finalement, peu d’études actuellement sont
social, soit à toutes les dimensions de la santé en mesure de montrer l’impact à long terme des
définies par l’OMS en 1983. La toxicomanie, actions d’éducation pour la santé sur le com-
comme les maladies liées à une consommation portement, pour les raisons énoncées ci-avant.
excessive d’alcool, sont avant tout l’expression Toutefois le changement comportemental est
d’un mal de vivre que l’éducation pour la santé plus significatif dans les programmes qui ont
tente d’apaiser. développé une approche globale. Peters et
Ainsi, en s’intéressant à une population d’un School Health a review Paulussen, qui ont fait le compte rendu de douze
foyer d’hébergement pour travailleurs immigrés of the effectiveness of health études d’évaluation de la santé à l’école dans
education and health
à La Verrière dans les Yvelines, les promoteurs le cadre du projet de synthèse sur l’efficacité
promotion, International
d’un projet d’éducation pour la santé ont agi sur Union for Health Promotion de l’éducation et de la promotion de la santé de
les représentations de la santé de ces personnes and Education, Peters L. & l’UIEPS, montrent que la plupart des program-
et, indirectement, ont réduit l’isolement dont Paulussen T., 1994. mes présentaient quelques résultats positifs.
souffrait une majorité de ces immigrés. L’amélioration des connaissances à court terme

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXV


est retrouvée dans toutes les études qui avaient
considéré ce paramètre comme critère de juge- Prévenir les toxicomanies
ment. Mais cette amélioration n’a pas conduit l’expérience de Rennes
nécessairement à des changements de compor-
tement. Les attitudes et croyances furent plus Une expérience a été effectuée au Collège des
difficiles à influencer. Huit études sur dix me- Ormeaux à Rennes dans le cadre des projets
surant le changement de comportement ont pilotes d’éducation pour la santé visant à prévenir
trouvé quelques effets à court terme. Mais cel- les toxicomanies*. Il s’agissait de tester la faisabi-
les qui ont entrepris des évaluations à long lité d’une démarche de prévention primaire des
terme ont eu tendance à montrer une diminu- toxicomanies. Le test proposé par ce projet est le
tion de l’effet avec le temps. Un changement suivant : est-il possible par une éducation pour la
de comportement à long terme fut maintenu santé globale de renforcer l’aptitude des jeunes à
dans un seul programme, qui était intégré dans choisir une manière de vivre et de modifier dans
une approche communautaire plus large. un sens favorable leurs rapports à ces produits ?
Le programme mis en œuvre sur trois ans a
permis de dégager des modifications de compor-
L’évaluation : une aide à la décision tements significatives pour les élèves l’ayant suivi.
Il est effectivement observé une évolution des
L’éducation pour la santé est reconnue efficace représentations des jeunes (diminution de la
dans les domaines où le système curatif est difficulté de prise de parole, la baisse du désir
impuissant. Son efficacité est manifeste contre d’être autre physiquement, moindre besoin de
les accidents domestiques d’enfants, en matière jouer un rôle) et une nette progression de la
d’incitation à la vaccination et pour la préven- confiance accordée aux adultes. Ces change-
tion de maladies sexuellement transmissibles ments, ayant favorisé des attitudes nouvelles, ont
comme le sida. En revanche dans d’autres do- été induits par la démarche entreprise pour mener
maines son efficacité est remise en cause. le programme d’éducation pour la santé, notam-
L’évaluation en ce domaine sert donc bien ment par la prise en compte des préoccupations
souvent à alimenter cette exigence extrême des adolescents et la réalisation d’activités
d’efficacité, qui prévaut depuis plusieurs années facilitant les relations (voyage d’étude par exem-
pour l’éducation pour la santé. Cette attitude est ple). Ce programme s’est avéré efficace dans la
significative du déni de la prévention en France. mesure où il avait pour objectif de réduire les
L’évaluation devrait prioritairement être un facteurs de risque des toxicomanies parmi
moyen d’aide à la décision pour poursuivre ou lesquelles on trouve : les difficultés relationnel-
modifier une action et servir, par là-même, l’ef- les**.
ficience des actions.
* Éducation pour la santé visant à prévenir les toxicomanies, Conseil
Il est effectivement possible d’optimiser de l’Europe, Strasbourg, 1984.
l’efficacité des actions au regard de l’expé- ** La prévention primaire des toxicomanies en milieu scolaire, un
rience acquise en s’attachant à une formula- projet européen à Rennes, A. Jourdain, A. M. Palicot.
tion réaliste des objectifs de l’action, et de son
évaluation.
Ainsi il est vain de s’attaquer à des compor-
tements ou des habitudes sans remonter à l’en- De même il est vain de chercher à mesurer
vironnement qui les conditionne largement (en- des changements de comportements à court
vironnement physique et social). Il est vain de terme, de chercher à évaluer quantitativement
prétendre changer les comportements par la dif- des maladies évitées par les programmes d’édu-
fusion de campagnes médiatiques. Celles-ci, cation pour la santé, et d’apprécier les effets
sont certes la partie visible de l’iceberg, mais produits uniquement d’un point de vue sanitaire
n’ont pour vocation « que » l’évolution des re- pour rendre compte de l’efficacité d’un pro-
présentations collectives. L’étape suivante est gramme.
dévolue aux actions de proximité, moins spec- La question aujourd’hui n’est donc plus de
taculaires, qui requièrent du temps pour que des savoir si l’éducation pour la santé est efficace
effets puissent être dégagés, mais qui intervien- pour investir en prévention primaire, mais bien
nent avant tout en capitalisant sur les évolutions plutôt de se demander si on se donne les moyens
suscitées par les premières. pour qu’elle le soit. Laurence Tondeur

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXVI


t ribune

L’importance pour la santé


publique de l’éducation et de
l’information sanitaires

une certaine manière l’éducation sur la responsabilité personnelle et donc


D’ pour la santé se confond avec la à une dimension proprement éducative.
santé publique : elle est présente dans la Pour ce qui a trait au domaine du soin,
sphère de l’épidémiologie dont les con- qui ne cesse de s’étendre du fait de la
cepts majeurs (le risque, les groupes ex- « pandémie » des maladies chroniques
posés, les déterminants) sont ses instru- liées au vieillissement, il est de plus en
ments de travail quotidien, elle est au plus clair (et réclamé par l’opinion publi-
centre du secteur de la prévention et de que) que le suivi des patients ou des per-
la promotion de la santé dont elle assure sonnes handicapées nécessite de vérita-
plus précisément le volet informatif et bles stratégies d’éducation du patient
subjectif, elle est également présente sur faisant appel aux outils méthodologiques
le territoire du soin et de la réadaptation, de l’éducation pour la santé, ne serait-ce
sous la forme — trop méconnue dans no- que pour lever les difficultés d’observance
tre pays — de l’éducation du patient. thérapeutique (elles concernent 50 % des
Les objectifs donnés par le « rapport prescriptions). Relève également de la res-
sur la santé en France » la placent à un ponsabilité de l’éducation pour la santé
carrefour central en raison des priorités (actions médiatiques, documents d’infor-
que constituent la réduction de la morta- mation, actions sur site) l’incitation à la
lité et de la morbidité évitables, l’amélio- vaccination dans un contexte où les pres-
ration de la qualité de vie des personnes criptions de santé cessent d’être obliga-
malades et handicapées, et la réduction toires pour devenir recommandées.
des inégalités face à la santé. Quant à la lutte contre les inégalités,
On le sait, les deux tiers des 60 000 elle est au centre même de la problè-
morts prématurées évitables chaque an- matique de l’éducation pour la santé : le
née se rattachent à des comportements à rapport au risque et notamment les suici-
risque, les trois principaux s’appelant ta- des, les consommations de tabac, d’alcool
bagisme, alcoolisme, vitesse au volant. et de psychotropes sont très nettement dif-
Les protections « passives » (sécurité des férenciées suivant les catégories sociales
produits, interdictions, règlementations et l’éducation pour la santé — notamment
diverses, ou actions sur l’environnement) pour ce qui concerne les actions de terrain,
sont fort efficaces. Encore doivent-elles mais même au niveau des campagnes mé-
être expliquées et complétées par une in- diatiques — intervient prioritairement au
tervention sur la prise de risque. Ceci ren- niveau des groupes défavorisés.
voie nécessairement à une interrogation Indépendamment de la place de l’édu-

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXVII


tribune

cation pour la santé dans la politique de Pour mériter sa place au sein de la


santé actuelle, il faut souligner que cer- « L’éducation pour la santé, ça santé publique — et sans doute également
tains types d’interventions sanitaires, marche » pour être réellement efficace — l’éduca-
ceux qui ont trait aux aspects essentiels tion pour la santé doit aussi éviter la nor-
et quotidiens de notre mode de vie, à sa- Pour mériter sa place dans la santé publi- malisation et la médicalisation, en adop-
voir la nutrition, l’hygiène bucco-dentaire que l’éducation pour la santé doit bien tant des méthodes de travail rigoureuses,
en particulier, le sommeil, les violences évidemment faire la preuvre de son effi- participatives voire communautaires, et
de tous ordres, sont des thèmes spécifi- cacité. Celle-ci est difficile à établir ponc- en se référant à des valeurs de responsa-
ques de l’éducation pour la santé et ne tuellement car, non seulement, les déter- bilité, de liberté, d’épanouissement ou de
peuvent être guère traités par d’autres minants de la santé sont intriqués et plaisir, car le but de l’éducation pour la
techniques quelles qu’elles soient. Mais, interactifs et il est difficile d’isoler la va- santé n’est pas de nier ou de tuer le ris-
il est clair que le domaine par excellence riable « éducation pour la santé » de son que inhérent à la vie humaine (et sans
de l’éducation pour la santé est celui des contexte, mais les comportements hu- doute à toute vie intéressante) mais de le
maladies non curables. mains sont complexes et plastiques et ne maîtriser, et de le gérer.
Pour tenir la place qui lui est assignée se laissent pas enfermer dans des « essais En matière d’éducation pour la santé,
au sein de la santé publique, l’éducation contrôlés randomisés ». En revanche, il nous sommes, en France, en plein para-
pour la santé doit remplir un certain nom- est courant de dégager des indicateurs doxe.
bre de conditions et éviter certains intermédiaires qui permettent d’évaluer Dans la théorie, nous venons de le
écueils. Ces contraintes vont dans le sens l’atteinte des objectifs (effectiveness) et voir, l’éducation pour la santé occupe —
de « l’intérêt général » de la santé publi- l’utilité de l’action (efficacy). D’un point mais à certaines conditions — une place
que. En effet, les campagnes ou les ac- de vue macro-économique, il est possible importante et croissante au sein de la
tions de proximité sont facilitées par un d’avancer que « l’éducation pour la santé, santé publique. Dans la réalité, on le sait,
environnement favorable à la santé : en- ça marche ». En effet, il est frappant de l’éducation pour la santé ne bénéficie pas
vironnement physique et socio-économi- constater que c’est dans les domaines d’une réelle reconnaissance politique et
que. Un des effets multiplicateurs de dans lesquels elle a le plus investi que la administrative. Elle ne dispose pas du
l’éducation pour la santé sur la santé santé publique a le plus progressé. Sans minimum d’infrastructure de base (for-
publique est d’inciter les autorités sani- parler de l’hygiène de vie (propreté, ali- mations, recherche) qui permettrait une
taires à promouvoir des univers consom- mentation) qui a été son champ d’élection accumulation d’expériences et un sem-
matoires ou publicitaires cohérents avec jusqu’en 1945 et qui a été la principale blant de structuration. Ses moyens sont
les exigences de la santé publique. Autre raison de l’accroissement de l’espérance faibles : 10 francs au maximum par per-
aspect de l’éducation pour la santé : parce de vie, l’exemple des accidents domesti- sonne et par an (à comparer aux 12 000
qu’elle agit sur les normes sociales, les ques est particulièrement éloquent. Les francs du secteur curatif).
représentations et les conduites, voire les efforts conjugués de l’éducation pour la Il est permis néanmoins d’être opti-
« habitudes de vie », elle exige de se santé et de la réglementation des produits miste : l’éducation pour la santé est en
poursuivre dans la durée. Ainsi une inter- ont permis de réduire par deux en 10 ans expansion, elle affine et approfondit ses
vention ponctuelle d’information sani- la mortalité des enfants. Éloquent égale- méthodes et se dote d’instruments de ré-
taire dans une école ne peut-elle être con- ment le domaine de l’hygiène bucco-den- férence. Elle s’inscrit dans un paysage
sidérée comme une action d’éducation taire : réduction de moitié du taux de ca- (qu’elle a contribué à façonner) et qui est
pour la santé. L’éducation pour la santé ries chez l’enfant entre 1987 et 1993. celui de l’éducation pour la santé impli-
s’appuie sur des hypothèses, des con- L’éducation pour la santé contribue, pour cite, souterraine, quotidienne, celle qui
cepts, des méthodes, des critères d’éva- une part essentielle, à faire reculer l’al- remplit nos écrans et nos magazines et qui
luation qui en font une véritable disci- coolisme et le tabagisme dans notre pays. peut être certes « la pire des choses » (le
pline. Elle exerce, de la sorte, une Elle a changé en moins de dix ans du tout culte de la santé — beauté — perfor-
pression — la pression de « l’action » — au tout l’attitude de la population par rap- mance « qui a remplacé le salut », selon
sur le système d’information sanitaire et port aux préservatifs. Ceux-ci sont désor- le mot de Canguilhem) mais aussi « la
sociale pour connaître les besoins et les mais utilisés, comme le montre une étude meilleure des choses », si elle fonde une
groupes cibles. Elle pousse à des recher- récente de l’Agence nationale de recher- culture de santé partagée, dépassant l’uto-
ches sur les facteurs sociaux, familiaux, che sur le sida, par plus de 80 % des jeu- pie de la jeunesse éternelle, pour rejoin-
psychologiques qui augmentent la vulné- nes à l’occasion de leur premier rapport dre les grandes valeurs humanistes qui
rabilité des individus, elle induit une ré- sexuel. Ces interventions peuvent être fondent notre société.
flexion sur la pédagogie, sur le rôle de considérées comme très rentables : les
l’exemplarité et de l’apprentissage par les Américains avancent que le retour sur in-
pairs : ce n’est pas le moindre service vestissement de la prévention des acci- Bernadette Roussille
qu’elle rende à la santé publique. dents est de 1 pour 25. Délégué général du CFES

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXVIII


L’éducation pour la santé
face à la « fracture sociale »

a pauvreté, apparaît aujourd’hui ponse le plus adapté à bon nombre des


L comme l’un des déterminants ma- problèmes détectés.
jeurs dans l’état de santé des populations, Mais, l’examen attentif des capacités
et par conséquent comme une zone de tra- de réponse du système de santé à ce ni-
vail particulièrement stratégique en santé veau, montre une série de décalages en-
publique dans la plupart des pays du tre « l’offre et la demande », qui peuvent
monde1. s’opposer à l’atteinte de tels objectifs,
Depuis une vingtaine d’années ce phé- révélant des contradictions de fond entre
nomène a acquis une importance particu- intentions politiques, moyens mobilisés
lière en France, où d’après différentes es- et fonctionnement du système de santé.
timations, entre 10 % et 20 % de la
population vivrait au seuil ou dans un état
de grande pauvreté (soit entre 5 et 13 Éduquer les pauvres à la santé.
millions de personnes)2. De quoi parle-t-on ?
Les effets de cette « fracture sociale »
sont nombreux, produisant de profonds Les quelques études ayant cherché à pré-
bouleversements dans les conditions et ciser l’état de santé des personnes
modes de vie de ces populations, et sont précarisées6, concluent à une absence de
à l’origine de véritables dynamiques de pathologies spécifiques, mais constatent
régression sur le plan social, politique et un cumul de problèmes d’ordre biologi-
culturel, qui trouvent une expression par- que et psychologique mal ou non résolus,
ticulière dans le champ de la santé. souvent occasionnés ou aggravés par la
Il est frappant de constater à quel point situation sociale de la personne, qui la
sur ce dernier registre, l’ensemble des place de fait dans une situation de fragi-
observateurs et décideurs ayant compé- lité et de risque accru par rapport au reste
tence en la matière, à quelque niveau que de la population.
ce soit, se rejoignent pour reconnaître que Il n’en reste pas moins que le tableau
cette situation semble à l’origine d’une d’ensemble qui en résulte, renvoie une
nouvelle demande, qu’il convient de image très préoccupante où l’on décèle
prendre en compte de manière prioritaire également des signes de régression sani-
dans la construction de politiques de taire. Du point de vue épidémiologique,
santé publique pertinentes 3, 4, 5. De la on peut constater chez ces populations
même manière, la plupart d’entre-eux une incidence particulière des phénomè-
préconise le recours à des actions d’édu- nes épidémiques mal contrôlés (sida, hé-
cation et promotion de la santé des pu- patites, tuberculose…), ou de problèmes
blics concernés, comme moyen de ré- endémiques tels que les problèmes den-

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXIX


tribune

taires et ophtalmologiques, ou certaines ligibilité quand on la regarde de l’exté- L’éducation pour la santé dans le
pathologies mentales névrotiques (essen- rieur) que celle offerte dans le champ de champ de la précarité : enjeux et
tiellement les dépressions). la santé, même si les formes qu’elle prend limites actuels
Autour et entre ces figures relative- (souvent il s’agit de situations complexes
ment classiques de la nosographie médi- que le sujet présente en bloc, de manière
cale, viennent s’ajouter des « demandes » massive et indifférenciée) ne correspon- Comme nous venons de le décrire très
d’un genre « nouveau » pour les profes- dent pas avec les critères d’admission sommairement, l’éducation à la santé
sionnels de la santé, que l’on classera es- opérant couramment dans le système de dans une réalité aussi complexe que celle
sentiellement dans le champ de la santé santé. L’analyse de la « demande » (qui des personnes en situation de précarité,
mentale, parce que renvoyant au domaine souvent n’est identifiée que par les pro- exige a priori un degré de construction
du comportement et du ressenti (résumé fessionnels en contact avec ces publics), conceptuel, stratégique et organisationnel
souvent sous la notion de « mal-être »)7. fait souvent apparaître un sujet en voie de d’une grande qualité et cohérence. L’en-
Ici, on constatera l’absence ou l’abandon décomposition, ayant perdu (ou ne pos- jeu ici n’est pas seulement de « soigner »
des préceptes préventifs les plus basiques sédant pas pour les plus jeunes) les repè- un corps, mais bien plus de (re)donner à
et surtout (ce qui pose le plus problème à res les plus élémentaires lui permettant de un sujet les conditions de sa santé (dans
l’intervenant en santé, puisqu’en en con- s’adapter de manière logique à sa situa- ses dimensions biologique, psychologi-
tradiction totale avec son propre référen- tion, en discernant clairement ses intérêts que et sociale, et on peut même ajouter
tiel culturel et professionnel), des attitu- (ici il s’agirait de sa santé) et en se situant éthique et politique), et de l’aider à « être
des individuelles ou collectives dans correctement (c’est-à-dire en tenant bien » dans l’environnement qui est à
lesquelles la santé semble désinvestie compte des normes en vigueur) dans son l’origine de son « mal-être », sans pour
parce que dépourvue de toute valeur sym- environnement social, administratif et autant jouer sur la plupart des détermi-
bolique. Ces nouvelles conduites agies8, économique. nants qui ont provoqué cet état.
sont à la base de l’augmentation des con- Devant ces situations le diagnostic est Dans une perspective d’éducation et
duites dites « à risque » (toxicomanies, posé : il s’agit de reconstruire et de sou- promotion de la santé, une telle mission
alcoolisme, accidents…), ainsi que de la tenir le sujet atteint, de lui (re)donner les peut rapidement apparaître comme une
démultiplication des tableaux de décom- clefs nécessaires à sa « réinsertion so- injonction paradoxale, faute d’une appré-
pensations psychologiques, difficiles à ciale », et dont la santé fait partie. En ciation fine des différents mécanismes en
saisir pour le non spécialiste au guichet somme, il s’agit de l’éduquer, voire le jeu, qui permettent à l’intervenant et à la
des services sanitaires et sociaux en con- rééduquer : apprendre à se détendre et « cible » de trouver un terrain sur lequel
tact avec ces publics (violences, suicides, parler de sa souffrance pour retrouver la chacun puisse garder un degré de liberté
comportements d’abandon particulière- confiance en soi, soigner ses dents, se suffisant pour gérer les contradictions que
ment visibles au niveau de l’hygiène cor- désintoxiquer, être propre, apprendre à la démarche révélera dès sa mise en ap-
porelle et de vie ou dans l’absence d’at- manger équilibré (c’est possible même plication.
titudes d’attention et de protection des quand on a un « petit budget »9), s’occu- Nous avons pu observer un certain
plus vulnérables notamment à l’égard des per correctement de soi et de ses enfants, nombre de difficultés de cet ordre, qu’il
enfants et des personnes âgées). savoir utiliser ses droits et comprendre ses semble opportun de signaler ici, même si
Ces constats renvoient directement obligations (de citoyen… mais aussi de nous ne pouvons trop les expliciter dans
aux dynamiques de régression générées « malade »), avoir confiance dans la so- l’espace qui nous est imparti.
par la crise sociale citées plus haut. Sur ciété et y retrouver des appuis (réinventer Un premier problème se pose au ni-
le plan social, la transformation et perte ou retrouver « la communauté », « créer veau des capacités de l’éducateur. En ef-
de rôles et statuts sociaux identitaires (no- du lien social »). fet, l’absence de codification et d’orga-
tamment ceux liés au travail), l’affaiblis- La stratégie thérapeutique va (pres- nisation du champ de l’éducation à la
sement des mécanismes de socialisation que) de soi : mettre en place des démar- santé13, et l’importance de la demande a
et de soutien social (montée en charge des ches d’éducation pour la santé, telle que pour conséquence que nombre d’interve-
situations d’isolement et fractures com- la définit la circulaire nº 385 du 31 octo- nants aujourd’hui confrontés à ces situa-
munautaires, transformations de la fa- bre 1985 du ministère des Affaires socia- tions sont rapidement asphyxiés par la
mille et crise de l’école), mais aussi les les et de la Solidarité nationale10, ou plus complexité de la tâche, et finissent par
difficultés d’accès aux services de protec- largement celle donnée par le rapport obtenir des résultats contraires à ceux
tion sanitaire et sociale (seuils d’accès Lévy en 198211. Or, l’observation de la espérés. L’absence de connaissance et de
incompatibles avec les capacités des per- mise en pratique de la démarche12 mon- maîtrise de la problématique dans toutes
sonnes fragilisées), sont à l’origine d’une tre qu’elle ne va pas de soi, et que sa réus- ses dimensions14, une faible position dans
souffrance individuelle et collective qui site exige un certain nombre de condi- le champ de l’action sanitaire et sociale
a du mal à être élaborée et qui ne trouve tions qui sont souvent très difficiles à (la légitimité de ce type de démarche est
d’autre surface d’expression (ou d’intel- réunir dans l’état actuel du champ. loin d’être reconnue dans un champ où

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXX


domine la rationalité médicale curative), 1
L’OMS reconnaît ce facteur comme l’un des princi- recherche évaluation — Délégations inter-régionales
pour l’éducation et promotion de la santé (Direps),
et un cadre d’intervention souvent aussi paux facteurs responsables de la non atteinte de l’objec-
tif Santé pour tous en l’an 2000. Voir : Pour une CFES, mai 1996, p. 12
précaire que son public15, expliquent ces 12
nouvelle stratégie de la santé pour tous, Élaboration Cf. notamment à nos travaux : Santé et précarité :
situations. d’une politique d’équité, de solidarité et de santé, Evaluation des interventions de neuf CDES de la région
D’une manière plus spécifique, il sem- Document de base pour le processus de consultation, Centre-Ouest — Rapport à la Direps Centre-Ouest, F.
ble également important de s’interroger OMS, Genève, 1995 ; en particulier dans le cadre de la Bertolotto, Resscom, mai 1995 ; et Les espaces —
sur la validité des schémas théoriques résolution WHA48.16 de la 48e Assemblée mondiale Santé : Un outil pour l’accès à la santé des publics en
de la santé « Adaptation de l’OMS aux changements difficulté, Rapport Final à la DGS (Convention n° 94-
dominants en matière d’éducation à la mondiaux : pour une nouvelle stratégie de la santé pour 03), C. Fabre, F. Bertolotto, N. Busiaux, Gres Média-
santé, qui apparaissent souvent inopérants tous », OMS, 12 mai 1995 tions Santé, octobre 1995
face aux problématiques posées par la 2
Évaluation des politiques publiques de lutte contre la 13
Il n’y a pas de diplôme officiel d’éducateur pour la
précarité. En effet, rares sont les interve- grande pauvreté. Avis présenté au nom du Conseil santé, le CFES a un rôle de référence mais n’a pas des
nants qui utilisent les travaux de socio- économique et social par Mme Geneviève de Gaulle- vrais pouvoirs de régulation du secteur, d’autant que le
logie et anthropologie de la santé16 qui Anthonioz. Séances du 11 et 12 juillet 1995. JO Année réseau de CDES et CRES sur lequel il s’appuie priori-
1995, n° 3 tairement n’est pas le seul réseau d’opérateurs actifs sur
montrent que le sujet social, placé en si- ce registre (la Cnamts, la MSA et les fédérations mutua-
3
tuation critique, ne fera pas nécessaire- La santé en France, Haut Comité de la santé publique,
Paris la Documentation française, 1994 listes par exemple, sont de plus en plus actives dans ce
ment des choix « rationnels » en matière 4
domaine)
Cf. aux résultats des travaux des Conférences Régio-
de santé, mais qu’il s’adaptera en fonc- nales de Santé, par exemple l’enquête de type Delphi en
14
Voir notre article : Travail social, insertion et mala-
tion d’intérêts souvent « à côté » de la Île-de-France, in : Étude sur les priorités de santé die : réduire les inégalités, F. Bertolotto, Rev. Prévenir
norme. publique en Île-de-France, Enquête de type Delphi n° 28 premier semestre 1995, pp. 109/116
15
Enfin, l’éducation à la santé des plus réalisée auprès de 370 acteurs régionaux, février-mai La subvention de fonctionnement allouée par l’État
pauvres sans une réflexion critique du 1996 (document de travail), Dr Y. Margue, Dr P. aux Codes dépasse rarement les 80 000 F par année
Lombrail, Conférence Régionale de Santé, p. 34 16
Cf. par exemple aux travaux de L. Boltansky, C.
sens politique que la démarche implique 5
Voir aussi nos articles sur ces questions au niveau Herzlich, M. Auge, J. Pierret, et plus récemment les
(« elle doit permettre non seulement la local, notamment Santé publique et dynamiques de travaux de P. Bouhnik et S. Touze sur la gestion des
prise en charge par chacun de sa propre changement au niveau local — Le rôle des municipali- risques de contamination VIH chez les héroïnomanes
santé, mais encore la responsabilisation tés, F. Bertolotto, Dr M. Schoene, Actualité et dossier intra-veineux (rapport de recherche à l’ANRS, 1996),
de tous ceux qui ordonnent les conditions en santé publique n° 15, juin 1996, p. 14-16 ou ceux de G. Cresson ou de L. Cardia-Voneche et B.
de vie et de travail, ou qui créent l’envi- 6
C’est essentiellement les travaux de l’association Bastard sur la production familiale de santé (consulter
ATD-Quart Monde, puis les constats des associations notamment Sciences Sociales et Santé, vol. 13, n° 1,
ronnement socio-économique et cultu- mars 1995)
humanitaires ayant investi le champ de la précarité par
rel »17), dans un contexte politique et ce biais (tels que Médecins du Monde, Médecins sans 17
L’éducation pour la santé en France, Avis du Conseil
institutionnel dominé par l’obsession ges- frontière ou Remede), suivis des travaux du Credes et Economique et Social, 7 octobre 1982 p. 858 (dit
tionnaire et la réduction des coûts, pour- de l’Insee sur la consommation médicale des plus rapport Lévy)
rait amener à occulter le débat social sous démunis, et des évaluations réalisées dans le cadre du
la chape d’une santé publique qui fait le RMI (cf. notamment : RMI et santé, J.-Y. Fratras, B.
Goudet (dir.), Ed. CFES, La santé en action, 1993 ; et :
contraire de ce qu’elle déclare dans sa État de santé des bénéficiaires du RMI : synthèse des
doctrine. Éduquer à la santé serait ici ap- données existantes, F. Schaetzel, O. Querouil, Dirmi,
prendre aux plus fragiles à se conformer 1991), que l’état de santé des plus pauvres a été exploré
à cette situation sans générer des charges ces dernières années en France
7
(maladie) ou risques (sida, toxicomanie) Voir sur ces questions : Cette souffrance qu’on ne peut
supplémentaires à la société. Un tel en- plus cacher, H. Strohl, M. Arene (rapp.), Rapport de la
Commission santé mentale Div/Dirmi/Cnamts, Div,
jeu politique ne peut être ignoré des ac- 1995
teurs de l’éducation pour la santé, sous 8
Cf. par exemple à : Actualité de l’agir. À propos de
peine de créer les conditions d’un nouvel l’adolescence, P. Jeammet, Les actes de la nouvelle
affaiblissement de cet important (mais revue de psychiatrie, n° 31, printemps 1985, p. 201/222
fragile) secteur du système de santé. 9
Cf. notamment : Alimentation et petit budget, L.
Barthelemy, A. Moissette, M. Weisbrod, Ed. CFES, La
santé en action, mars 1994 (2e Ed.)
10
Circulaire nº 385 du 31 octobre 1985 relative à la
mise en place d’une politique officielle de promotion
de la santé, partie « C », ministère des Affaires sociales
et de la Solidarité nationale. Notons que cette circulaire
reprend la définition de l’OMS donnée lors de la 36e
assemblée mondiale de la santé (février 1983)
11
Qui semble être celle adoptée par le CFES, tel que le
Fernando Bertolotto signale le rapport Priorités en santé publique : apports
de l’éducation pour la santé, Groupe méthodologie
Sociologue, RessCom/93, Saint-Denis

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXXI


tribune

Les familles,
l’éducation et la santé
n assiste, dans le champ de l’édu- vidus sur leur propre existence et leurs
O cation pour la santé, à l’émergence capacités de gestion des problèmes aux-
quels ils sont confrontés2.
de nouvelles modalités d’intervention qui
prennent pour cible le sujet individuel
considéré dans sa globalité. L’action pré-
ventive visait naguère à améliorer la prise Une recherche sur les
en charge de risques particuliers (tabac, préoccupations des parents
alcool, drogue, sida, etc.) en diffusant, à quant à la santé de leurs enfants
leur propos, de l’information et des ap-
pels à la responsabilité. On commence adolescents
aujourd’hui à prendre de la distance avec
ce modèle, au motif qu’il surévalue et la Cette évolution qui s’amorce dans le
rationalité des acteurs visés et le lien cau- champ de l’éducation pour la santé doit,
sal qui va de l’information reçue à la mise selon nous, être replacée dans les trans-
en œuvre des comportements attendus1. formations plus générales des pratiques
Plutôt que de faire valoir tel ou tel risque éducatives et des modalités contemporai-
et le moyen de s’en protéger, certaines ac- nes de la régulation sociale. En effet, cette
tions d’éducation pour la santé se propo- mutation des interventions de prévention,
sent donc de contribuer à doter les in- dans laquelle passent au second plan les
dividus des ressources personnelles pratiques à risques tandis que sont valo-
nécessaires pour faire face à toute situa- risées les capacités individuelles de réac-
tion. Abandonnant la spécialisation tra- tion face aux problèmes, se retrouve dans
ditionnelle par « produit » ou par type de bien d’autres secteurs de l’éducation, et
risques, elles insistent sur l’autonomie in- notamment dans le champ familial. Tel
dividuelle et sur la capacité de résistance est du moins l’enseignement d’une recher-
aux injonctions des groupes de pairs. El- che portant sur les pratiques éducatives en
les se centrent sur le bien-être psycholo- matière de santé que nous réalisons auprès
gique des individus et sur leur insertion de parents d’enfants des classes de troi-
dans leur communauté d’appartenance. sième et quatrième3. Dans le cadre de
Dans la perspective ainsi développée, cette étude, qui englobe également les
c’est moins l’information qui compte que enfants eux-mêmes et les enseignants,
la possibilité de disposer de lieux de pa- nous avons eu des entretiens avec les pa-
role ou de dispositifs permettant de main- rents au sujet de leurs enfants : comment
tenir voire de reconstruire les liens so- les voient-ils ? Quelles préoccupations
ciaux — tous dispositifs qui ont pour ont-ils à leur propos ? Quels principes
visée d’accroître la « maîtrise » des indi- d’éducation mettent-ils en œuvre ?

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXXII


À la faveur de ce travail, ce qui appa- quis par les enfants dans leur jeune âge, En bref, les parents évoquent leurs
raît essentiel pour les parents, quel que et qu’ils n’ont guère d’actions spécifiques enfants « comme des personnes ». Ils ne
soit d’ailleurs le milieu social auquel ils sur ces sujets. se limitent pas à décrire des projets sec-
appartiennent, ce sont moins des préoc- Ainsi l’expression de thématiques spé- toriels, la réussite scolaire ou profession-
cupations sectorielles — la crainte de cifiques relatives aux différents domaines nelle notamment, mais au contraire visent
l’échec scolaire ou les difficultés d’inser- de la santé apparaît-elle assez réduite. un bien-être global de l’individu enfant.
tion professionnelle, la peur de l’accident, Tout se passe comme si les parents
ou encore la représentation des risques avaient cessé de faire de la santé l’un des
associés au tabac à l’alcool ou aux dro- vecteurs de l’éducation familiale. La communication et le dialogue,
gues — qu’un souci beaucoup plus géné- vecteurs de la confiance entre
ral et diffus qui porte sur le bien-être de parents et adolescents
leurs enfants. Lorsqu’ils évoquent la si- Un enjeu majeur :
tuation de leurs enfants, ce qui émerge le bien-être des enfants Dès lors que les parents considèrent leurs
spontanément du discours de ces parents, enfants non comme des sujets à éduquer,
c’est le désir qu’ils ont de mettre à la dis- Ce qui motive principalement les parents mais bien comme des personnes dotées de
position de leurs enfants les ressources lorsqu’on évoque leurs enfants et la vie capacités et de projets, le but recherché
intellectuelles, morales ou affectives de quotidienne de la famille, c’est davantage par l’éducation dans le cadre familial vise
nature à les rendre autonomes et aptes à le bien-être des enfants. Les portraits que à favoriser l’émergence chez l’adolescent
faire face aux problèmes et aux sollicita- tracent les parents de leurs enfants se si- d’une personnalité autonome et de per-
tions de tout ordre qu’ils auront à affron- tuent immédiatement dans un registre qui mettre son insertion dans la société.
ter dans leur existence. a trait à la psychologie. Les parents éva- À cette finalité globale, faire en sorte
luent les ressources personnelles de leurs que les enfants puissent « avoir une bonne
enfants et leurs difficultés éventuelles vie », correspond une modalité d’inter-
Des préoccupations de santé dans des termes très généraux. S’ils font vention privilégiée qui a trait précisément
circonstanciées et maîtrisées référence aux difficultés professionnelles aux relations familiales. Donner de
et aux perspectives professionnelles, c’est l’autonomie aux enfants, les responsabi-
Les questions touchant à la santé ne sont dans le cadre d’un projet plus large qui liser suppose que les parents échangent
certes pas absentes du discours des pa- englobe l’ensemble des aspects de la per- avec leurs enfants et restent bien au con-
rents. Cependant, elles apparaissent sonnalité de l’enfant. tact avec la réalité que ceux-ci vivent. Par
comme des préoccupations délimitées et À titre d’exemple, voici ce que dit une conséquent, la quasi totalité des parents
circonstanciées qui sont de deux ordres. mère au sujet de sa fille Anne, 15 ans : interrogés dans le cadre de cette étude
Les parents évoquent la santé en ex- « Anne est rêveuse, c’est sûr. C’est quel- font de l’instauration de bonnes relations
primant des préoccupations qui ont trait qu’un d’assez équilibré malgré tout. Qui avec leurs enfants une priorité absolue et
à la maladie, celle de l’enfant ou de l’un voudrait réussir ses études, mais qui ne le critère principal de réussite de leur tra-
des membres de la famille, et parfois le fait pas beaucoup d’efforts. Elle voudrait vail de parent. Parler de tout, être mis au
handicap. La santé est ainsi présente à tra- être éducatrice. Elle a envie de s’occuper courant, par les adolescents des problè-
vers les difficultés et les problèmes ren- de jeunes qui ont des problèmes. Elle a mes qu’ils rencontrent, négocier autant
contrés par les parents de sorte que l’on beaucoup de copains qui ont des problè- que nécessaire, au sujet des sorties par
peut alors faire référence au modèle de la mes et elle voudrait pouvoir les aider… exemple : tels sont les enjeux principaux
santé « instrumentale »4. On pense par Anne est toujours de bonne humeur. Elle de l’éducation pour beaucoup de parents.
exemple à des parents qui ne mentionnent aime aller à l’école. Pour elle, le contact Avoir la confiance de ces enfants et faire
l’atteinte qu’a subi leur fils de quatorze est très important. Elle est assez indépen- en sorte que ceux-ci soient en confiance :
ans à un œil qu’après une longue discus- dante malgré tout. » Cette mère, comme tout se passe comme si les parents adhé-
sion ou toutes sortes d’autres aspects de le font beaucoup de parents, replace sa fille raient au principe de Françoise Dolto se-
la vie de cet adolescent ont été abordé — dans le contexte familial et dans la fratrie lon lequel il est nécessaire « d’attacher
l’enfant, de son côté, banalisant égale- en faisant appel au même registre : « Sa pour pouvoir détacher ».
ment ce problème. sœur a cinq ans de plus. Elle est très ren- Certes, les parents interrogés ne réa-
Les parents ont aussi évoqué la santé fermée sur elle-même. Donc j’avais un peu gissent pas de la même façon et des dif-
d’autres façons, en parlant hygiène et pro- peur, avec Anne, que ce soit un peu pa- férences se font jour dans leur discours.
preté, alimentation ou sommeil, mais là reil, qu’il faille toujours deviner, scruter, Notamment certains d’entre eux s’inscri-
encore ces énoncés ont été sollicités par pour savoir. Tandis qu’Anne, elle n’est pas vent dans une perspective plus normative
nous et s’accompagnent de commentai- comme ça. Elle se livre facilement. Si elle et considèrent que l’éducation de leurs
res par lesquels les parents indiquent que a un problème, elle attend peut-être deux enfants ne va pas sans contrôle et sans
les comportements adéquats ont été ac- ou trois jours et elle le sort. » surveillance. Ces parents semblent être

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXXIII


tribune

aussi ceux pour qui les risques réperto- 1


Benoit Bastard, Laura Cardia-Vonèche, « Du sujet
riés comme tels dans la perspective tra- rationnel à l’acteur pris dans les relations affectives et
ditionnelle de l’éducation pour la santé — sexuelles », in New conceptual Perspectives for Un-
derstanding Sexual Behaviour and HIV Risk, Luc van
drogues, tabac ou alcool — sont perçus Campenhoudt, Mitchell Cohen, Dominique Hauser,
comme menaçants. Pourtant, cette dis- Gustavo Guzzardi (Eds.), Londres, Taylor et Francis,
tinction ne concerne qu’un petit nombre 1995 (à paraître).
de parents qui ne sont pas, eux-aussi, sans 2
On peut proposer l’exemple d’une action engagée par
s’inscrire dans la tendance générale qui le Canton du Tessin, en Suisse. Il s’agit d’un bus qui
vise, à terme, le bien-être et l’autonomi- circule dans les communes, les entreprises ou les écoles
et s’y installe pour un temps. Le bus lui-même ne
sation des enfants. contient aucune information particulière, mais seule-
ment des questions ou des propos, qui renvoient, d’une
façon métaphorique, à la thématique de l’autonomie
Créer un cadre où l’individu peut individuelle. Le mode d’action mis en place passe par
l’instauration d’échanges entre les personnes touchées
s’épanouir par le bus, ainsi qu’avec les intervenants présents.
3
Il s’agit d’une recherche financée par le ministère de
Au fond, ce qui frappe dans les premiers l’Éducation nationale (direction de l’Évaluation et de la
résultats de cette recherche qualitative, prospective) et par la Mission interministérielle à la
c’est que les propos des parents ne ren- recherche et à l’expérimentation, dans le cadre d’un
voient pas à la conception selon laquelle appel d’offre sur les pratiques éducatives. La recherche
s’est effectuée à partir de deux collèges. Elle a porté sur
la santé serait le résultat du respect de soixante-quinze enfants, leurs parents dans la mesure
normes substantielles de comportements du possible ainsi que les enseignants des établissements
ou d’interdits spécifiques. Les parents retenus.
entendent la santé dans un sens beaucoup 4
Luc Boltanski, La découverte de la maladie, Centre de
plus « moderne », celui des actions de sociologie européenne, Paris, 1968.
prévention que nous citions au début de 5
Benoit Bastard, Laura Cardia-Vonèche, Bernard Eme,
cet article, ou encore celui qu’a développé Gérard Neyrand, Reconstruire les liens familiaux. Nou-
Jonathan Man dans les années récentes et velles pratiques sociales, Paris, Syros, 1996, à paraître.
qui met l’accent sur le respect des indi-
vidus et sur l’accès à l’autonomie.
Les pratiques de santé dans cette pers-
pective ne sont plus, comme elles l’étaient
naguère, les éléments « prétextes » sur les-
quels s’appuient les parents pour faire re-
connaître leur position de parent. Les in-
jonctions du genre « Finis tes légumes,
c’est bon pour ta santé », n’ont plus cours.
L’éducation n’est plus pensée comme
inculcation, elle est vue comme la créa-
tion d’un cadre où l’individu peut s’épa-
nouir, en trouvant en lui-même les res-
sources nécessaires5. Dans un tel projet,
la santé au sens de l’information sur des
risques ciblés n’a guère de place, mais la
santé est partout, au sens très large du
bien-être psychologique et social. Elle de-
vient le but-même de l’éducation.

Benoit Bastard
Centre de sociologie des organisations,
CNRS, Paris
Laura Cardia-Vonèche
Institut de médecine sociale et préven-
tive, Université de Genève

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXXIV


Mais que veulent-ils donc ?

S itifl’éducation à la santé est un objec-


de santé publique reconnu par
car le désir d’action, d’autonomie et de
liberté prédomine.
tous, reste à savoir comment améliorer sa Il apparaît clairement que les jeunes
mise en place en direction des ado- sont déjà informés à propos des problè-
lescents. En effet, la pertinence des ac- mes majeurs de santé publique (tabac,
tions est actuellement en question. Mais alcool, drogue, sida) et que leur niveau de
que veulent-ils donc, ces adolescents connaissance s’avère suffisant sur bien
d’aujourd’hui ? Si les attentes dans ce des points. L’école joue un rôle primor-
domaine ne sont pas toujours faciles à dial dans ce domaine. Mais ce savoir
cerner (et à exprimer !), l’analyse des at- s’avère peu opératoire. Pire, près d’un
titudes et du mode de vie des adolescents, jeune sur deux ne souhaite pas d’informa-
ainsi qu’une réflexion sur la pratique de tions complémentaires. Toutefois, lors-
l’intervention préventive, apportent des qu’ils en expriment le besoin, ils veulent
éléments de réponse. être informés par l’école, plutôt que par
les médias ou les copains. Notons qu’un
bon nombre de jeunes souhaitent aborder
Attitudes et modes de vie des des sujets peu habituels comme le stress,
adolescents la déprime, les difficultés relationnelles,
les problèmes humanitaires…
« Être en bonne santé » ne signifie pas, La vie quotidienne des jeunes s’arti-
pour eux, « être exempt de maladie », cule principalement autour de trois lieux
mais « être bien dans sa peau ». Ainsi, les de vie : la famille, l’école, les copains.
adolescents estiment, par exemple, que la Les adolescents sont, dans leur majorité
qualité de la vie relationnelle fait partie et de plus en plus longtemps, scolarisés ;
de la santé et que « être laid » peut, dans ils vivent avec leurs parents (mariés ou
certains cas, être une maladie chroni- séparés) ; ils ont des activités extra-sco-
que… Cette approche globale de la santé laires diversifiées (dont fréquemment le
transparaît aussi à travers leur vécu quo- sport). Les relations sont globalement
tidien et les jeunes mal à l’aise se plai- satisfaisantes avec leur entourage (fami-
gnent de troubles divers (d’où le cumul). lial, scolaire, amical). Plus que les con-
La démarche préventive en matière de ditions matérielles (habitat, transport,
santé n’est pas spontanée à l’adolescence, type de scolarité…), c’est d’ailleurs la
parce que la « santé » est un concept trop qualité relationnelle avec l’entourage qui
théorique à cet âge (et la maladie trop importe.
lointaine) et que l’apprentissage des con- À propos des conduites de santé, il
duites se fait surtout par « essai et erreur » existe une grande diversité. Certains

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXXV


tribune

adoptent des comportements de consom- L’ensemble des recherches sur l’ado- d’initiative, si nécessaire à une vie
mation (par ordre de fréquence) d’alcool, lescence et les actions de prévention per- adulte… De plus, la diversité et la multi-
de tabac, de médicaments psychotropes mettent de définir quelques priorités de plicité des messages, surtout s’ils se suc-
et de drogues, sans toutefois devenir sys- réflexion. cèdent à un rythme accéléré ou s’ils sont
tématiquement des consommateurs régu- Une approche globale de la santé s’im- discordants (de la part d’un même émet-
liers ; d’autres manifestent des troubles pose : à partir d’un problème de santé teur ou d’émetteurs différents), peut pro-
somatiques ou psychologiques (fatigue, (comme le tabagisme, par exemple), il duire des effets non désirés, allant de la
sommeil, appétit, malaise). convient non pas d’éviter d’aborder les saturation à l’indifférence, voire le rejet
En cas de difficultés personnelles aspects spécifiques (il faut bien donner un des messages.
(santé, scolaire, sentimental, drogue, minimum d’information sur le sujet !), Toute stratégie de prévention nécessite
sexualité…), deux attitudes majeures se mais de le comprendre dans un cadre glo- une implication des divers acteurs (jeu-
dégagent : soit les adolescents s’adressent bal, c’est à dire, leur mode de vie, leur nes, parents, enseignants, décideurs).
à un membre de la famille ou à un(e) scolarité, leur vie relationnelle, leurs con- Mettre en place cette stratégie prend du
ami(e), soit ils ne se confient pas. Les jeu- sommations d’autres produits, leurs temps, passe par des voies itératives et
nes les plus « à risque » ont tendance à plaintes somatiques… n’est pas toujours spectaculaire… Les
faire confiance aux amis plutôt qu’aux Il convient de partir de l’expérience changements opérés ne concernent pas
parents. individuelle de chacun et non d’une éla- seulement les comportements (parfois
boration générale sur les dangers (mor- l’effet est même à long terme), mais aussi
talité et morbidité) et les motifs des un climat, des échanges, un mode de vie
De grandes différences conduites. En effet, parler d’un sujet plus général…
selon l’âge et le sexe « externe » est aisé mais peu efficace…
Une approche de groupe devrait être
Toutefois, sur tous ces points, des diffé- privilégiée, en particulier pour les gar-
rences importantes apparaissent selon le çons. Le groupe permet, en effet, de se
sexe et l’âge. comparer aux autres et de prendre la
Les filles investissent plus la famille mesure des problèmes rencontrés par
et le travail scolaire que les garçons ; les d’autres jeunes. Si, au cours d’une inter-
garçons privilégient les activités de vention collective de prévention, une li-
groupe (sports collectifs, sorties au café, bre parole émerge à propos des condui-
sorties avec les copains). Elles se confient tes individuelles de santé, la réflexion,
aussi plus souvent aux parents, en parti- porteuse de changement, peut se prolon-
culier à propos des sujets « intimes » ger au-delà, lors d’une situation de risque
(sexualité, grossesse) alors que les gar- par exemple. Ce qui n’exclut pas une
çons restent nettement plus discrets sur prise en charge individuelle pour ceux qui
ces points. À propos de leur santé, les ont des difficultés graves (prévention se-
filles s’expriment surtout à travers des condaire).
plaintes corporelles (elles se disent « trop Pour des raisons d’opportunité, les
grosses », « fatiguées », « nerveuses », médias et l’école sont très sollicitées. Or,
« déprimées »…) alors que les garçons d’autres canaux d’interventions pour-
privilégient les troubles du comportement raient être explorés, comme par exemple,
(alcoolisation, drogue, violence, vol…). pour les plus jeunes, les lieux de loisirs
Les plus jeunes participent plus volon- et de vacances. Quant à la famille, elle est
tiers à de multiples activités « encadrées » rarement impliquée activement. Or, sa
(sport, musique, mouvements de jeu- participation s’avère nécessaire et ceci du
nesse, sorties avec les parents) que les début jusqu’à la fin de l’adolescence.
plus âgés, plus indépendants dans leurs Le contenu et la cohérence globale des
activités quotidiennes. Les plus jeunes messages méritent une plus grande atten-
s’appuient presque exclusivement sur tion. Comme la majorité des messages
leurs parents lorsqu’ils rencontrent une suggère (explicitement ou implicitement)
difficulté, alors que les plus âgés ont plus les effets néfastes (voire catastrophiques)
souvent recours aux divers intervenants des comportements individuels, on peut
professionnels. Si les premiers ont envie se demander si certains n’engendrent pas Marie Choquet
d’information et de discussion sur la des peurs et des prudences excessives, Directeur de recherche, Inserm U 169,
santé, ce désir s’étiole avec l’âge. qui, à terme, risquent d’entamer l’esprit Villejuif

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXXVI


L’éducation et la personne

U nnoncé
chirurgien du siècle dernier a pro-
cette parole célèbre — que je
fondeur émotive à l’existence dans son
ensemble.
cite de mémoire — : « Je croirai à l’exis- Cette recherche de sens ne peut être
tence de l’âme lorsque je rencontrerai satisfaite par l’effort d’incorporation so-
celle-ci à la pointe de mon scalpel. » À la ciale qui caractérise trop exclusivement
fin du XXe siècle cette profession de foi notre système éducatif, ses principes et
scientiste et matérialiste nous apparût ses méthodes. Ce besoin vital de trouver
dans toute sa sécheresse et son dogma- un sens à la vie, insuffisamment nourri,
tisme. Pourtant le scientisme a la vie « s’exalte » pour employer un terme em-
dure ; « âme » est un terme qui par ses prunté à Diel, c’est-à-dire qu’il s’hyper-
connotations mythique, théologique et trophie, se fanatise, sécrète des idéaux
poétique inspire la méfiance ; il demeure que leur caractère absolu rend inaccessi-
qu’aucune culture, aucune langue n’a pu bles ou destructifs. Ainsi les idéologies
faire l’économie de cette notion qui ex- totalitaires qui ont marqué plusieurs gé-
prime à la fois l’évidence et le mystère nérations de ce siècle, et aujourd’hui, le
de notre animation. Freud lui-même, tout raidissement dogmatique et ritualiste de
imprégné qu’il fût de l’idéologie scien- diverses religions, menace pour le présent
tiste emploie le mot Seele (âme) traduit et peut-être pour l’avenir. Et ce n’est pas
durant des décennies par le terme réduc- un millénarisme naïf, croyance en un âge
teur de « psyché ». Lorsque C. G. Jung du Verseau salvateur ou en un XXe siècle
parle du « Soi », lorsque Paul Diel1 il y a devenu par miracle spirituel, qui appor-
déjà un demi siècle employait le terme teront la solution. Si j’ai mentionné
« désir essentiel », ils désignaient cette l’âme, terme mythique, c’est pour rappe-
aspiration caractéristique de l’être humain ler l’aspect mystérieusement animé de la
à se vivre, non pas seulement comme un personne, terme qui désigne une réalité
être social, mais comme un être animé, éminemment concrète.
participant de l’aspect mystérieux de la La nécessité, même si elle n’est pas
nature et du cosmos. actuellement à l’ordre du jour, se fera de
En d’autres termes, la psychologie, la plus en plus urgente de rétablir dans le
psychosomatique, et plus généralement la projet éducatif l’équilibre entre la forma-
problématique de l’équilibre et donc de tion intellectuelle, utilitaire et adaptative,
la santé humaine ne peuvent faire abstrac- et d’autre part le développement de la
tion de ce besoin vital de se sentir exister personne, ses capacités de sentir, de
comme un être autonome limité par la s’émouvoir, et de créer, le versant inven-
naissance et par la mort, relié dans sa pro- tif et intuitif de l’être humain. La mise à

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXXVII


tribune

l’écart par l’éducation traditionnelle de pas seulement son moi social. L’institu- présentés comme les seuls indices de sa
ces aspects fondamentaux est peut être tion scolaire, l’organisation sociale, fon- valeur aux yeux des adultes. C’est qu’il
une des causes principales du malaise de dées sur des principes utilitaires étant des existe dans le milieu social et son éma-
l’époque et du mal-être des individus jus- structures établies, apparemment nation, le système éducatif une sorte
qu’au dysfonctionnement corporel dont la sécurisantes, il est plus facile pour les d’impatience de tirer l’enfant de son
fréquence peut faire oublier le caractère adultes d’y pousser l’enfant puis l’ado- monde enfantin pour en faire un futur ci-
anormal et le lien avec les aspects lescent et le jeune adulte que de chercher toyen, un futur membre actif et efficace
dysfonctionnels de notre culture. à détecter leurs potentialités individuel- de la collectivité. Le mercantilisme, idéo-
les, leurs aspirations personnelles. Au logie plus ou moins inavouée qui sous-
cours de l’histoire des collectivités les tend notre culture, incite les éducateurs,
Instruire et épanouir adultes ont su se faire entendre pour com- parents et enseignants à méconnaître les
battre la domination et l’aliénation dont besoins profonds de l’enfant et à le pro-
Éduquer l’enfant, c’est-à-dire la personne ils souffraient : les esclaves, le Tiers-État, jeter trop tôt, et surtout sans les transitions
humaine, devrait idéalement comporter la classe ouvrière, plus près de nous les nécessaires et sans respecter son rythme
une double finalité dont la fin commune femmes. Mais l’enfant, lui, ne sait pas propre, dans l’univers de l’abstraction et
serait que l’adulte parvînt à l’équilibre, exprimer clairement ses aspirations et ses du savoir livresque. D’où la dichotomie
donc à la santé dans son acception la plus revendications, il les exprime globale- que l’on peut observer dans les sociétés
générale et la plus complète2. Il s’agit ment et inconsciemment par ses caprices, développées entre les êtres résignés ou
d’une part de transmettre à l’enfant, à sa désobéissance, ses refus, ses inhibi- sur-adaptés aux exigences matérielles de
l’adolescent et au jeune adulte les con- tions. Les adultes doivent faire preuve la société et ceux qui rejettent et/ou se
naissances et les savoir-faire qui lui per- d’une grande capacité d’écoute s’ils veu- sentent rejetés par le système. Je pense
mettront de s’adapter à la société et d’y lent découvrir derrière ces manifestations que l’enfant est avide d’apprendre et que,
exercer ses compétences : cet aspect de la demande de l’enfant qui est toujours lors du passage décisif au Cours Prépa-
l’éducation, le plus souvent considéré, est la même : une réclamation adressée aux ratoire, si les traits caractéristiques de
assuré tant bien que mal par la collecti- adultes d’être reconnu pour ce qu’il est l’enfance et les différences individuelles
vité grâce au système d’enseignement dans sa spécificité personnelle, en tant étaient davantage pris en compte, bien des
pour tous qu’elle a progressivement mis qu’enfant d’abord et parmi les enfants en échecs pourraient être évités, et le corps
en place. C’est le versant que l’on pour- tant qu’individu irréductible. Pour le dire social s’en trouverait renforcé, dans sa
rait appeler « institutionnel » de la tâche en un mot n’est-ce pas son besoin cohésion, mais aussi dans sa créativité et
éducative. Mais l’autre versant, bien d’amour qu’il exprime ? sa capacité d’évolution.
moins exploré, dont la prise en compte est L’enfance, comme toute autre étape du
aussi urgente sinon davantage, pourrait développement — et l’être humain peut
être appelé « vocationnel ». Dans le pre- se développer tout au long de sa vie — Respecter la nature de l’enfant
mier cas, il s’agit de faire entrer l’enfant demande à être vécue pour elle-même
dans le système préétabli créé par l’effort alors que souvent elle est considérée trop Si la société, trop souvent, projette ses
civilisateur des générations ; c’est une exclusivement comme une préparation idéologies sur l’enfance, méconnaissant
nécessité, la survie de l’individu et de la aux stades ultérieurs. Le besoin vital de ainsi ses aspirations profondes, les pa-
société en dépend. Dans le second cas, il jeu, la vision poétique du monde qui est rents, de leur côté, ont tendance, souvent
ne s’agit plus de lui faire entendre ce que propre à l’enfant sont souvent étouffés, sans s’en rendre compte, à projeter sur
nous avons à lui dire mais d’écouter ce parfois brutalement, lors du passage à « la leurs enfants leur vision, leurs préjugés,
qu’il a à nous dire de sa nature, de ses grande école »3 et, par exemple, lors de leurs angoisses d’où une insuffisante at-
désirs, de ses aspirations. L’éducation l’apprentissage de la lecture qui pourrait, tention portée à leur nature propre et à
vocationnelle devrait tendre moins à ins- qui devrait être un élargissement mer- leurs besoins. Les parents, quel que soit
truire qu’à épanouir. Ce que « veut » l’en- veilleux de son champ de connaissance. leur statut social veulent que leurs enfants
fant sans pour autant savoir consciem- Trop souvent l’enfant se sent jugé selon « réussissent » ce qui est bien naturel, et
ment ce qu’il veut, c’est certes s’instruire des critères intellectuels, des critères d’ef- dans un monde où le chômage, la préca-
et acquérir des connaissances, mais avant ficacité, de rapidité qui font qu’il s’effraie rité et l’esprit de compétition entretien-
tout développer sa personne, c’est-à-dire ou s’inhibe, dans le cas surtout où ses nent une sorte de menace confuse cela ne
sa créativité, son inventivité, le libre jeu premiers pas dans l’intellectualisation va pas sans angoisse. Mais l’angoisse est
de ses capacités. Il aspire en effet à vivre sont mal soutenus par son milieu d’ori- mauvaise conseillère et l’enfant, trop vi-
sa vie d’adulte non comme un devoir à gine. Lui qui a encore tant besoin de jouer vement poussé vers la réussite scolaire,
accomplir sous la surveillance d’une so- et de rêver se trouve soudain jeté dans une trop souvent harcelé et sanctionné, soit se
ciété hiérarchisée mais comme un jeu compétition où l’intellect, la rapidité de soumet passivement aux exigences, re-
créatif dont l’acteur soit sa personne et compréhension et d’assimilation lui sont nonçant trop vite à sa nature ludique et

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXXVIII


poétique, soit se révolte ou s’inhibe. À le redoutable appareil bureaucratique qui
cela s’ajoute que dans chaque famille pré- régit notre système d’enseignement. Du
vaut un certain schéma. Il en résulte que temps aussi avant que les parents s’atta-
l’enfant auquel ce schéma correspond chent à élever l’enfant pour lui-même et
sera plus considéré, plus choyé que les non pour en faire un pion sur l’échiquier
autres. Ainsi, par exemple dans une fa- social ou l’instrument de réalisation de
mille de scientifiques un enfant ou un leur propre rêve.
adolescent qui montre des dispositions « The child is father of the man » écri-
pour les mathématiques sera plus estimé vait le poète anglais William Blake :
qu’un autre qui montre du goût pour la « L’enfant est le père de l’homme ». Res-
littérature. Dans d’autres milieux, par pecter l’enfant, sa nature poétique et lu-
suite d’un préjugé séculaire le garçon plus dique, son amour inné de la vie, sa pres-
que la fille sera l’objet de l’attention. cience naturelle du mystère de
Dans un milieu défavorisé, les parents l’existence, son besoin de connaître et de
pourront exiger que l’enfant, profitant des grandir, éviter de tuer prématurément cet
avantages qui ont fait défaut aux parents, élan fondamental, c’est préparer une gé-
fasse des études brillantes alors que peut- nération d’adultes créatifs qui auront les
être il ambitionne d’exercer un métier meilleures chances de pouvoir prendre en
manuel, etc. charge la société à venir et les problèmes
L’éducation devrait faire de nous des qu’elle posera. Car peut-être en définitive
êtres capables d’aimer la vie ce qui inclut la pensée utopique, au sens péjoratif (con-
le besoin de s’instruire. Celui qui, en tant siste-t-elle à croire qu’en maintenant le
que sujet apprenant, s’est senti respecté statu quo les difficultés s’aplaniront d’el-
dans sa particularité aura toutes les chan- les-mêmes.
ces d’apprendre par intérêt et non par
contrainte. Il sera mieux à même d’inven-
ter sa place dans la société au lieu de se 1
Paul Diel : Psychologie de la Motivation, Petite
la voir assignée, ou refusée. Une éduca- Bibliothèque Payot.
tion qui laisse grandir l’enfant au lieu de 2
Cf. Revue de Psychologie de la Motivation : N° 14 :
lui substituer prématurément un adulte en Repenser l’éducation. n° 18 : L’école aujourd’hui et
demain.
miniature n’est-elle pas la plus apte à at-
3
teindre ce but, ou plutôt à s’en rappro- Cf. Cyrille Cahen : Thérapie de l’échec scolaire, Ed.
Nathan 1996.
cher : créer une société plus vivante, plus
fraternelle, plus saine ? Utopie ? Oui, si
l’utopie est un projet irréalisable à court
terme, non, si par utopie on entend le
songe creux et le chimérique. De plus en
plus clairement l’on perçoit que les dé-
sordres de notre civilisation : clivages
sociaux, maladies psychosomatiques, fré-
quence croissante des états dépressifs,
sont dus en grande partie au mal-être des
individus mal préparés à exercer leur
créativité quel que soit le domaine de leur
activité.
Ainsi le projet éducatif tel qu’il est
conçu par notre société ne peut être
amendé par des réformes ponctuelles, il
devrait être repensé fondamentalement.
Nombreux sont ceux qui s’y emploient
dans les sciences de l’éducation, mais leur
voix n’est pas encore suffisamment en- Cyrille Cahen
tendue et du temps passera avant que Médecin-psychiatre, centre médico-
leurs travaux n’influencent profondément psychopédagogique, Paris

actualité et dossier en santé publique n° 16 septembre 1996 page XXXIX


Charte d’Ottawa pour la promotion de la l’usage des formateurs. Bruxelles : De
santé, Conférence internationale pour la Boeck Université, 1992, 282 p.

Bibliographie promotion de la santé “ Vers une nouvelle


santé publique ”, 17-21 novembre 1986, International Union for health promotion
Ottawa (Ontario), Canada, 4 p. and education. (IUHPE). Regional Office
for Europe. Utrecht. Evaluation of the
Aïach Pierre, Bon Norbert, Deschamps IUHPE project on the effectiveness of
Jean-Pierre Comportements et santé : health Promotion and health education
questions pour la prévention. Nancy : (Bonn : 1995/03/22-24). Utrecht : Regional
Antoine Gueniffey, chargé de mission « édu- Presses universitaires de Nancy, 1992, Office for Europe IUHPE, 1995, 77 p.
cation pour la santé » à la DGS (bureau SP1), a
assuré la coordination de ce dossier. Boegli Jean-Daniel École en santé : Michaud Pierre-André, Baudier François,
Les chapitres « États des lieux » et « Une politi-
quelques clefs. Lausanne : Éditions LEP Choquet Marie, Mansour Sylvie / dir. La
que et des instruments pour l’éducation pour la
(Loisirs et pédagogie), Éditions Labor, santé des adolescents. Quels liens entre
santé » sont issus d’un rapport élaboré par un
groupe de travail présidé par Annick Morel, chef 1996, 167 p. recherche et prévention ? (Cartigny : 1993/
de service à la DGS, et composé de Claude 11/04-06). Vanves : CFES, (collection
Boulle (direction de la Sécurité sociale), Jean- Bury Jacques Éducation pour la santé : Séminaire), 1994/11, 226 p.
François Collin (Direps Grand-Est), Odile Ferragu concepts et enjeux, planification.
(Drass de Basse-Normandie), Laurence Gautier- Bruxelles : De Boeck Université, (collection Sandrin-Berthon Brigitte, Lestage Annick,
Pascaud (Cnamts), François Martin (CDES Eure- Savoir et santé), 1988, 235 p. Baudier François, Monnot Alain 1, 2, 3…
et-Loir), Annick Morel, Michel Reyser (CPAM Ha- santé. Éducation pour la santé en milieu
guenau), Bernadette Roussille (CFES), Fédéric Comité français d’éducation pour la santé. scolaire. Vanves : CFES, (collection La
Tissot (Ddass de l’Oise) et Jean-Manuel Cartier,
(CFES). Groupe méthodologie recherche santé en action), 1994, 218 p.
René Demeulemeester et Antoine Guéniffey (DGS).
évaluation. Vanves, Délégations inter-
Les autres articles et encadrés ont été rédigés
par : régionales pour l’éducation et la promotion Tondeur Laurence Réflexion sur
François Baudier, délégué général adjoint du de la santé. (Direps). Priorités de santé l’institutionnalisation de l’éducation pour la
Comité français d'éducation pour la santé publique : apports de l’éducation pour la santé en France. Mémoire de DEA de
Anne-Marie Bouchard, médecin responsable santé. Vanves : CFES, 1996/05, 59 p. politiques sociales et société. Paris :
départemental du Var, conseiller technique dé Université de Paris 1, 1994, 144 p., ann.
l’inspecteur d’académie Coppé Monique, Schoonbroodt Colette
Claude Bouchet, Collège Rhône-Alpes d'éduca- Guide pratique d’éducation pour la santé :
tion pour la santé réflexion, expérimentation et 50 fiches à
Omar Brixi, Comité français d’éducation pour la
santé
Antoine Caprioli, Collège Rhône-Alpes d'éduca-
tion pour la santé
Nathalie Iahns, médecin de l’Éducation nationale
du Var Ministère du Travail et des Affaires Cnamts
Laurence Tondeur, chargée de Mission à la Dé- sociales Département santé publique
légation inter régionale pour l'éducation et la pro- Direction générale de la Santé 66, rue du Maine
motion de la santé du Centre Ouest 8, avenue de Ségur 75694 Paris Cedex 4
Merci à Benoit Bastard, Fernando Bertolotto, 75350 Paris SP 07 01 42 79 30 30
Cyrille Cahen, Laura Cardia-Vonèche, Marie
Choquet et Bernadette Roussille pour leurs tri- Comité français
bunes. d’éducation pour la santé
Ministère de l’Éducation nationale, 2, rue Auguste Comte
de l’Enseignement supérieur 92170 Vanves
et de la Recherche 01 41 33 33 33
Direction des lycées et collèges
Sous-direction de la vie scolaire Union internationale de promotion de la
et des établissements santé et d’éducation pour la santé
Adresses utiles 110, rue de Grenelle
75007 Paris
2, rue Auguste Comte
92170 Vanves
01 49 55 10 10 01 46 45 00 59

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