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L’ÉTAT

DU DIALOGUE
SOCIAL
EN FRANCE
DIALOGUE SOCIAL
ET DIALOGUE SOCIAL EUROPÉEN

2017 - 2018
L’état du dialogue social L’état du dialogue social
en France en France

Remerciements Sommaire

Le groupe Humanis tient à remercier particulièrement les personnes suivantes pour leur contri- 04 PRÉFACES
bution précieuse à ce rapport.

Tout d’abord, nous tenons à remercier l’ensemble des représentants syndicaux, DRH et Directeurs gg Ce qu’il faut retenir
des Relations sociales qui ont pris le temps nécessaire pour répondre à notre enquête. gg Notions & chiffres clés
Nous tenons à remercier particulièrement les personnalités qui ont répondu positivement aux
demandes d’interviews qui illustrent ce rapport : 12 INTRODUCTION
gg Laurent BERGER, Secrétaire général de la CFDT
14 L’ÉTAT DU DIALOGUE SOCIAL EN FRANCE
gg François HOMMERIL, Président confédéral de la CFE-CGC

gg Philippe LOUIS, Président de la CFTC 36 QUEL AVENIR POUR LE DIALOGUE SOCIAL EUROPÉEN ?
gg Philippe MARTINEZ, Secrétaire général de la CGT
56 ANNEXES
gg Jean-Claude MAILLY, Secrétaire général de la CGT-FO

gg François ASSELIN, Président de la CPME gg Pour aller plus loin

gg Pierre GATTAZ, Président du MEDEF gg Extraits du sondage Odoxa pour Humanis

gg Alain GRISET, Président de l’U2P

Et
L’ANNÉE SOCIALE 2016-2018
gg Guillaume BALAS, Député européen (Les grands événements du dialogue social)
gg Véronique BIARNAIX-ROCHE, Représentante CFE-CGC au CESE
gg Maud STÉPHAN, Déléguée générale E&S - RDS

gg Thiébaut WIEBER, Secrétaire confédéral de la Confédération Européenne des Syndicats

Enfin nous remercions Thomas Breda et Manon Flandrois pour leur implication dans ce travail ainsi
que toutes les personnes qui ont participé, à leurs côtés, à son élaboration.

Les éléments de ce rapport sont téléchargeables sur


humanis.com

03
HUMANIS
L’ état F rance
du dialogue social en
2017 - 2018
L’état du dialogue social
en France

Préfaces

. Le dialogue social, français ou européen : . Cultiver


une réalité à partager. / le dialogue social
européen implique
de comprendre
son homologue et
de transcender les
D epuis trois ans le groupe Humanis
s’attache à travailler sur l’état du
dialogue social en France en ayant à
tout de même à souligner que plus d’un
salarié sur deux considèrent que le dia-
logue social va en se dégradant et qu’il intérêts particuliers
C haque jour les hommes et les
femmes du groupe Humanis s’at-
tachent à mettre en œuvre des ser-
considèrent que la qualité du dialogue
social va en se dégradant. De même,
65% des salariés français jugent que
cœur de mettre en lumière les réali- ne peut résoudre leurs problèmes ou vices résultant de la richesse des négo- leur pays ne favorise pas le dialogue
tés du terrain et la richesse des négo- améliorer leur vie au travail. On peut pour l’intérêt ciations qui se sont dessinées lors des social. Tous ces éléments tendent à
ciations entre les organisations patro- donc s’interroger sur la différence non débats entre organisations patronales démontrer que l’image du dialogue
nales et syndicales. Comme les années négligeable entre le nombre d’accords général. / et syndicales dans des centaines de social français doit se renouveler. Cela
passées, les leaders syndicaux et signés durant l’année, qui représente la branches et des milliers d’entreprises. est également valable pour le dialogue
patronaux nous ont apportés leur réalité du dialogue social sur le terrain, Cette troisième édition présente, dans social européen qui ne rencontre qu’un
point de vue et leurs réflexions sur le et la perception qu’en ont les salariés. une certaine continuité avec les pré- faible succès auprès des salariés fran-
w Pierre STEFF dialogue social. Thomas Breda, spé- Ce sentiment, s’il n’est pas nouveau, cédentes années, une représentation çais (63%) qui avouent être en attente
Président cialiste en économie du travail, chargé a eu tendance à s’accroître durant ces de l’état du dialogue social en France. d’une harmonisation des normes
du groupe Humanis de recherche au CNRS et chercheur à dernières années. Il est encore plus Elle pointe les évolutions que peut sociales au niveau européen afin de
l’Ecole d’Economie de Paris, prend cette flagrant lorsque l’on interroge les sala- connaître notre modèle social français combattre le dumping social mais
année la direction du rapport. riés européens. Cette dichotomie entre depuis quelques années. dans le même temps reconnaissent
Le sondage réalisé avec l’Institut le réel et la perception qu’en ont les Le gouvernement actuel et le précé- seulement à 8% avoir une connais-
d’études Odoxa entre août et sep- citoyens démontre encore une fois que dent ont souhaité réformer la ten- sance précise du dialogue social. Les
tembre 2017 montre que l’ensemble nous avons besoin de faire connaître dance visant à privilégier le dialogue Directeurs des Ressources Humaines,
des résultats restent stables par rap- le dialogue social, qu’il soit français social dans les accords de branches. les responsables syndicaux nationaux,
port aux deux dernières années et ou européen. C'est ce que nous nous Les nombreuses manifestations lors européens, que nous avons rencontrés,
laisse apparaitre une forte hétérogé- employons à réaliser, modestement, w Olivier MESNARD de la loi Travail ont prouvé l’attache- tous autant qu’ils sont, s’entendent à
néité des thèmes des accords. Il est avec la publication de ce rapport. Directeur général ment des français à ce modèle et une dire qu’il est essentiel que l’ensemble
du groupe Humanis résistance à accorder une certaine des acteurs du monde de l’entreprise
primauté aux accords d’entreprise. La doivent être formés pour appréhender
loi Travail a cependant été votée, des au mieux les enjeux des négociations
ordonnances sont venues la complé- et que les salariés eux-mêmes doivent
w Frédéric AGENET ter et ouvrent aujourd’hui le champ avoir une certaine culture du dialogue
Vice-Président des possibles pour des négociations social. Nous avions déjà perçu dans les
du groupe Humanis d’entreprises. On peut donc s’interro- précédentes éditions l’importance du
ger sur le rôle que chacun va avoir ou partage des informations, la nécessité
va devoir repenser pour que les salariés de la transparence, l’exigence d’avoir
reprennent confiance dans le dialogue des interlocuteurs formés. Ce sera
social. Ceci a d’autant plus de réson- peut-être l’un des principaux enjeux de
nance lorsque l’on étudie les résultats ces prochaines années tant au niveau
du sondage Odoxa, réalisé en août et national qu’européen pour que les sala-
septembre dernier, soulignant que plus riés reprennent confiance dans le dia-
de la moitié des salariés français (53%) logue social.

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HUMANIS HUMANIS
L’ état du diaLogue sociaL en F rance L’ état F rance
du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
Synthèse de la partie 1 Synthèse de la partie 2

Ce qu’il faut retenir Ce qu’il faut retenir

Le baromètre La boussole
du dialogue social du dialogue social
et du dialogue social européen
L’état du dialogue social en France Quel avenir pour le dialogue social européen ?

Le dialogue social en France reste Mais, le ressenti des salariés par En cause, une actualité législative Instauration d’une Europe sociale : Le dialogue social européen : Un dialogue social européen
globalement stable rapport au dialogue social tend à contestée et conflictuelle l’impossible solution politique une alternative viable pour une pourtant fortement méconnu
se dégrader Europe sociale ? par les salariés européens

gg Au niveau interprofessionnel, on note gg Le sondage Odoxa2 montre que 53% gg L’inefficience et la montée de la conflic- gg 
Afin de lutter contre les pratiques gg Face aux difficultés liées à une solu- gg Cette demande de dialogue social à
une forte baisse par rapport à 2015, des salariés pensent que le dialogue tualité dans le dialogue social ressen- de «dumping social », la question de tion politique, une autre voie est éga- l’échelle européenne contraste avec la
puisque seuls 29 textes ont été conclus social au sein de leur entreprise leur ties par les salariés peuvent s’expli- l’harmonisation des droits des travail- lement possible : construire une Europe grande méconnaissance qu’ont les sala-
en 2016 contre 52 l'année précédente. permet de résoudre leurs problèmes et quer par le fait que l’enquête d’opinion leurs européens a souvent été étu- sociale par la concertation des parte- riés de ce même dialogue social : seuls
Le nombre d'accords interprofession- d’améliorer leur vie au travail. a été concomitante à la présentation diée. Historiquement, l’harmonisation naires sociaux et le dialogue social. 8% des salariés européens ont une
nels revient ainsi au niveau de 2014 des ordonnances réformant le Code sociale au sein de l’UE est presque tou- connaissance précise du dialogue social
(28 accords). gg L’image des représentants du personnel du travail durant l’été 2017. jours envisagée d’un point de vue poli- gg Le sondage Odoxa montre qu’il existe européen et 58% des français avouent
dans l’entreprise se maintient au niveau tique, à travers l’usage des institutions une demande très forte des salariés ne pas du tout savoir ce dont il s’agit.
gg 
L’évolution des négociations de de 2016, suggérant que la dégradation gg Le dialogue social avait déjà connu en européennes. pour une harmonisation à l’échelle
branche est relativement stable, même observée cette année-là se poursuit : 2016 des évolutions marquantes avec européenne de leurs conditions de tra- gg 
Les salariés européens ont une
si cela cache une forte hétérogénéité en 2017, seul 53% des salariés leur font la loi Travail qui réorganisait les rapports gg 
Cependant, les efforts politiques vail. Concernant les rémunérations par connaissance assez limitée de leurs
des thèmes d’accords : si la rémunéra- confiance pour défendre leurs intérêts entre loi et accord collectif et mettait déployés pour obtenir quelques timides exemple, 80% des salariés français, bri- droits, ils sont à peine plus d’un sur
tion et le temps de travail sont abor- (52% en 2016, 60% en 2015). l’entreprise au cœur de la régulation des avancées en témoignent : le modèle de tanniques, italiens, espagnols ou alle- deux à savoir que le dialogue social
dés à un niveau équivalent à 2015, les relations de travail. Les contestations gouvernance de l’UE est peu adapté à mands souhaitent une telle harmonisa- européen couvre la durée maximale
autres thèmes (protection sociale com- gg Les salariés sont plus nombreux qu’en qu’elle a provoqué font de la loi Travail la construction d’une Europe sociale tion – alors que les salariés allemands du travail et les congés parentaux, et
plémentaire, contrat de travail, égalité 2016 à considérer que le dialogue un élément clé pour comprendre l’état du fait de la forte divergence d’inté- (74%) sont en moyenne mieux rému- un sur trois à connaitre leurs droits en
homme/femme) sont en nette diminu- social dans leur entreprise est avant du dialogue social en France en 2016. rêts entre les pays membres de l’UE. nérés et les britanniques (73%) sont matière de télétravail et de lutte contre
tion, exception faite des classifications. tout « conflictuel » (32%, + 10 points peut-être moins portés vers l’Europe. le stress au travail.
par rapport à 2016), ce qui en fait le gg Dernièrement encore, au sommet social
gg L’activité conventionnelle au sein de premier qualificatif associé au dialogue de Göteborg de novembre 2017, l’adop- gg De manière générale, les salariés euro-
l'entreprise connaît, elle, une hausse social, et moins nombreux à considérer tion d’un socle européen des droits péens estiment que le dialogue social
significative des accords de 15% ce dialogue « apaisé » (20%, -11 points sociaux par les présidents du Parlement européen est utile pour améliorer les
(42 200 accords). La plupart des thèmes par rapport à 2016). européen, du Conseil de l’Union euro- conditions de travail des salariés (66%),
1/ Ceci pouvant s’expliquer par l’une des mesures
de négociation connaissent une aug- de la loi du 6 août 2015 qui vise le développement péenne et de la Commission euro- et efficace pour harmoniser les normes
mentation en nombre d’accords, mais la gg Ils sont près de deux tiers (65%) à de l’épargne salariale. péenne ne constitue qu’une déclaration sociales et lutter contre le dumping
croissance d'ensemble est surtout tirée juger que le pays ne favorise pas le 2/ Sondage Odoxa pour Humanis réalisé auprès d’intention : il n’est pas contraignant social en Europe (63%).
par les accords liés à l’épargne salariale1. dialogue social. des salariés français du 23 au 30 août 2017. du point de vue juridique.

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HUMANIS HUMANIS
L’ état du dialogue social en F rance L’ état F rance
du dialogue social en
2017 - 2018 2017 - 2018
Notions
& chiffres clés

Les IRP avant Les fruits du


et après les dialogue social
ordonnances en 2016
Source : Dares 2016

/ Les instances représentatives


du personnel (IRP) fusionnent, P our les entreprises de plus de 50 salariés, les délégués du
personnel, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions
1 accord interprofessionnel
signé au niveau national
177 accords
signés sur la formation
- 26 %
de travail et le comité d¹entreprise fusionnent dans une nouvelle professionnelle
passant de quatre à deux. 5 en 2015
instance le comité social et économique (CSE) à côté de laquelle 239 en 2015
2 en 2014
perdurent les délégués syndicaux.
Cet accord national interprofessionnel
du 25 mars 2016 permet la mise en conformité
Cette fusion peut être l’occasion de limiter les coûts de coordi-

155
du fonds de gestion des congés individuels de formation
nation et d’assurer une meilleure information de tous les
avec les dispositions de la loi du 5 mars 2014
acteurs. Les syndicats pointent en revanche une baisse des accords
moyens alloués (par décret d’application des ordonnances)
relative à la formation professionnelle,
à l’emploi et à la démocratie sociale. signés sur la protection sociale
- 38 %
et craignent plus généralement que la fusion n’engendre pas
complémentaire
seulement une simplification mais aussi un affaiblissement de la
251 en 2015
représentation des salariés, notamment avec la disparition des
CHSCT. Quoiqu’il en soit, cette fusion témoigne d’une rupture

29 65
dans le cadre du dialogue social en France : mises à part quelques
possibilités de regroupement récentes, le nombre d’instances
du personnel n’avait fait qu’augmenter depuis la création des
textes textes
délégués du personnel en 1936. signés au niveau interprofessionnel - 44 % signés sur le thème des
+ 59 %
à l’échelon national et infranational classifications professionnelles
Pour les TPE/ PME, les ordonnances prévoient plusieurs dispo- 52 en 2015 41 en 2015
sitifs dérogatoires. Un chef d’entreprise de moins de 50 28 en 2014
salariés pourra négocier directement sur tous les sujets avec
un élu du personnel, qui, en l’absence de délégué syndical
dans l’entreprise, pourra conclure un accord collectif. Un chef
d’entreprise de moins de 20 salariés, sans élu du person-
nel, pourra consulter ses salariés en leur proposant un projet
d’accord qui, pour être validé, devra être approuvé à la majorité
42 231 accords 8 414 accords
sur l'épargne salariale
des deux tiers. Ces dernières dispositions, interprétées comme
signés en entreprise
+ 15 % signés en entreprise
+ 43 %
36 600 en 2015
une meilleure prise en compte de la réalité des petites entre- 5886 en 2015
prises par les organisations patronales, sont décrites comme
une régression par plusieurs syndicats qui considèrent que les

979
salariés sont mal armés en leur absence pour évaluer le bien
fondé et la qualité des accords qui leur sont proposés.
accords et avenants
signés au niveau des branches
1142 en 2015

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HUMANIS HUMANIS
L’ état du dialogue social en F rance L’ état F rance
du dialogue social en
2017 - 2018 2017 - 2018
Notions
& chiffres clés

Mouvements Dialogue social


et conflits sociaux et climat social
Source : rapport Dares 2016 – chiffres 2015. Source Sondage Odoxa 2017 pour Humanis

1,3M des entreprises


0,2% dans les entreprises
de 10 à 49 salariés 69% 61% 53%
ont connu une grève en 2015 des salariés des salariés des salariés
1,4 en 2014
30,6% dans les entreprises
employant au moins 500 salariés
se déclarent épanouis au travail
71% en 2016
74% en 2015
considèrent le dialogue social
comme bon pour leur entreprise
62% en 2016
estiment que le dialogue social
va en se dégradant dans leur
entreprise
64% en 2015 52% en 2016

69 journées individuelles
non travaillées (JINT)
- 15 % - 2 pts - 1 pt + 1 pt
pour fait de grève pour 1000 salariés en 2015
81 JNT en 2014

Dans les entreprises ayant connu

74%
au moins une grève, passage de Dans le commerce, passage de Dans la construction,

356 281* à
JINT pour 1000 salariés par an
147 98* à
JINT pour 1000 salariés par an
8
JINT pour 1000 salariés par an
53%
des salariés
53%
des salariés des salariés
322 en 2013 131 en 2013 estiment que le dialogue social font confiance aux institutions jugent que le dialogue social
9 en 2014
*évolution sur 1 an entre 2015 et 2014 permet de réduire les problèmes représentatives du personnel idéal doit être constructif
et d’améliorer la vie au travail 52% en 2016 73% en 2016

53% 17% 16%


57% en 2016 60% en 2015
58% en 2015

des entreprises des entreprises des entreprises


ayant connu au moins une grève ayant connu une grève ayant connu une grève
déclarent avoir connu des arrêts déclarent avoir connu des arrêts déclarent avoir connu des arrêts - 4 pts + 1 pt + 1 pt
collectifs de travail collectifs de travail collectifs de travail
portant sur les rémunérations portant sur l’emploi portant sur le temps de travail
55% en 2014 15% en 2014 9% en 2014

- 2 pts + 2 pts + 7 pts

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HUMANIS HUMANIS
L’ état du dialogue social en F rance L’ état F rance
du dialogue social en
2017 - 2018 2017 - 2018
L’état du dialogue social
en France

Introduction

w Bruno GABELLIERI w Thomas BREDA


Directeur des relations Spécialiste en économie du travail, notamment sur les questions de la négocia-
extérieures et des affaires tion d’entreprise, des discriminations, et des inégalités au travail. Il est chargé de
européennes du groupe recherche au CNRS et chercheur à l’Ecole d’Economie de Paris.
Humanis Ce rapport a été réalisé sous la direction de Thomas Breda. Il nous a apporté toute son
expertise sur la question du dialogue social et plus particulièrement des représentants
du personnel. Il a été assisté par Manon Flandrois, diplômée de Sciences-Po Paris. Nous
tenons à les remercier pour le temps qu’ils ont accordé à la rédaction de ce rapport.

Pour cette 3e édition du rapport sur d’entreprises ont développé un Mais le dialogue social européen est w Méthodologie Pour produire ce rapport, nous avons rassemblé des données internatio-
l’état du dialogue social en France, nous dialogue social informel de qualité très méconnu des salariés. nales de l’OCDE, des travaux de recherche empirique, des données statis-
pouvons constater avec la DARES un que l’on ne sait pas encore bien Seulement 8 % des salariés en Europe tiques nationales (notamment de la DARES), des entretiens qualitatifs avec
maintien d’un dialogue social de bonne identifier. estiment avoir une connaissance pré- des acteurs de terrain du dialogue social, un sondage exclusif produit par
qualité en 2016. cise du dialogue social européen. Odoxa pour Humanis. Pour incarner le dialogue social au niveau national,
Quant au dialogue social dans les nous avons également réalisé des interviews des principaux représentants
Parallèlement l’étude du dialogue branches, il reste globalement stable Le sondage Odoxa commandé par nationaux des partenaires sociaux.
social européen menée cette année en nombre d’accords conclus en France Humanis révèle une autre surprise :
révèle quelques convergences intéres- tandis qu’en Europe depuis plus de 15 le dialogue social européen très mal Les données utilisées dans la première partie sont issues du bilan effectué
santes avec le dialogue social français. ans, ce sont une cinquantaine de textes connu en France, l’est beaucoup par le Ministère du Travail (La négociation collective en 2016). Il s'agit de
qui sont adoptés chaque année par les mieux en Allemagne et d’une manière données provisoires susceptibles d'être révisées à la hausse lorsque les
En France, le dialogue social interpro- partenaires sociaux européens. plus surprenante encore en textes signés en fin d'année auront été enregistrés par le ministère du Travail.
fessionnel baisse en nombre d'accords Grande-Bretagne. Les graphiques présentent les fréquences des différents thèmes mais un
et passe de 52 à 29. Humanis a fait appel à Odoxa pour son- texte peut en aborder plusieurs. La somme des valeurs par thème est donc
der les français et les européens pour Le faible nombre d’accords européens supérieure au nombre total des textes.
En Europe, le dialogue social interpro- la première fois sur leur perception du interprofessionnels peut expliquer
fessionnel qui fût prometteur à ses dialogue social. en partie la méconnaissance du dia- Le sondage s’est déroulé du 23 au 30 août 2017 pour l’échantillon de 1049
débuts en 1980 est en panne complète. logue social européen mais la réalité salariés français interrogés par Internet et du 29 août au 14 septembre
Seuls 7 accords ont été conclus depuis Les salariés français tout d’abord consi- fait apparaître un nombre important 2017 pour les 801 salariés allemands, 802 salariés anglais, 801 salariés
l’origine et la relance souhaitée par la dèrent que la qualité du dialogue social de réussites au niveau des comités espagnols, 805 salariés italiens interrogés par Internet.
Commission européenne en 2016 n’a se dégrade. Et beaucoup estiment de groupe et au niveau du dialogue
été suivie d’aucun effet. que la France ne favorise pas le dia- social sectoriel. Par ailleurs, les entretiens semi-directifs sont fondés sur un questionnaire
logue social. standardisé et ont été réalisés avec des DRH, des directeurs des Relations
A contrario, le dialogue social dans les C’est là sans doute au plus près des sociales, des représentants syndicaux et des salariés de grandes entre-
entreprises se développe très régu- Au niveau européen, le sondage réalités, que se trouvent les raisons prises ayant un comité européen de dialogue social dans leurs instances de
lièrement en France et en Europe : montre qu’il existe une demande d’espérer une construction concrète dialogue social. Les questions ont porté à la fois sur leur perception du dia-
42 231 accords d'entreprise en France forte des salariés européens pour de l’Europe sociale. Le niveau sec- logue social dans leur entreprise et sur leur vision du lien avec le dialogue
en 2016, soit 15% de plus que l’année l’harmonisation des rémunérations. toriel apparaît bien comme le plus social européen.
précédente ! Les salariés européens estiment adapté pour développer un dialogue
également que le dialogue social social de qualité. Avec la frise « l’Année sociale », annexée au rapport, nous avons également
Et en Europe, ce sont plus de 1000 est utile pour améliorer les condi- ajouté une rétrospective des événements marquants de l’année en matière
comités de groupe européens qui fonc- tions de travail et lutter contre Dès lors, le dialogue social pourrait bien de dialogue social, de réformes, de mouvements sociaux ainsi que des faits
tionnent officiellement. Et nombre le dumping social. être la clef de l’Europe sociale du futur. politiques qui ont concerné les partenaires sociaux.

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du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
1
L’état
du dialogue
social
en France

/
Les ordonnances « Loi travail » vont-elles véritablement
révolutionner le dialogue social français ?
Quelles sont les grandes évolutions de la négociation collective en 2016 ?
Les thèmes de négociation en entreprise sont-ils en adéquation
avec les préoccupations des salariés ?

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L’ état du diaLogue sociaL en F rance L’ état F rance
du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
L’état du dialogue social La parole
en France aux partenaires sociaux

Entretien Question

De l’utilité 1 Êtes-vous satisfait de la prise en compte du dialogue social

du dialogue social
dans les priorités gouvernementales ?

w Maud STÉPHAN w Laurent BERGER w François HOMMERIL w Philippe LOUIS


Déléguée générale E&S - RDS Secrétaire général Président confédéral Président
CFDT CFE-CGC CFTC

T ransformée par la montée en puissance des réseaux


sociaux, du travail à distance, des horaires flexibles, l’ap-
parition de nouvelles formes d’emploi et l’autonomisation
Au plan national, les organisations syndicales d’employeurs
et de salariés peuvent se saisir de tous les sujets qu’elles
souhaitent traiter à ce niveau8, être sollicitées par le gouver-
Il ne suffit pas d’afficher le dialogue social
comme une priorité, il faut le mettre en
pratique. La dernière réforme du Code
Nous sommes satisfaits que le gouver-
nement nous dise qu’il a pour priorité de
prendre en compte le dialogue social et
Dans les priorités du gouvernement,
figurent plusieurs sujets : la réforme du
Code du travail, sur laquelle nous avons
de chacun dans son parcours professionnel et de formation, nement pour une négociation avant élaborationd’un projet de du travail a renvoyé de nouveaux sujets de nous reconnaître en tant qu’acteur. Il été consultés, mais aussi celles annon-
notre société a-t-elle encore besoin des organisations syn- loi ou une concertation sur un programme gouvernemental aux négociations d’entreprise. Mais faut néanmoins nuancer ces premières cées de l’apprentissage, de la formation
dicales d’employeurs et de salariés ? comme ce fut le cas pour les ordonnances de l’été 2017. cette évolution est incomplète et donc annonces. Je regrette que le gouverne- professionnelle continue, des retraites ou
Notre réponse est clairement oui si l’on retient que « le dia- Si la négociation se décline au niveau des branches, la récente déséquilibrée. ment n’aille pas au bout de sa démarche, de l’assurance chômage.
logue social est un moyen que se donnent les acteurs pour réforme du droit du travail déplace le curseur du dialogue il pourrait prendre plus de risques et
traiter des sujets sur lesquels ils ont un intérêt à agir ». social vers l’entreprise. Elle conforte la propension à traiter Dans les petites entreprises, l’employeur, réformer la société en délégant le Aujourd’hui, je ne peux me prononcer
Les 50 000 accords d’entreprise annuels conclus en France3 au plus près du terrain, dans le respect des dispositions légis- en l’absence d’organisation syndicale pour mandat aux partenaires sociaux. Il y a que sur la réforme du Code du travail où,
et la progression continue du nombre d’accords-cadres inter- latives et conventionnelles, des thèmes, tant sociaux qu’éco- rééquilibrer le lien de subordination, dis- beaucoup de champs qui pourraient être au début de la concertation, on aurait pu
nationaux4 illustrent la démarche constructive des employeurs nomiques9, concrets pour les salariés et leurs employeurs. pose désormais d’un pouvoir unilatéral. ouverts. penser que la branche perdrait son rôle
et des représentants du personnel. N’oublions pas qu’un million environ de nos concitoyens sont Dans les plus grandes, il était possible de régulateur et que les normes seraient
Pour autant, le sondage 2017 d’Odoxa pour Humanis révèle engagés dans des mandats de représentation de leurs col- laisser les acteurs organiser le dialogue Le gouvernement regarde le mar- négociées directement dans l’entreprise.
une vision pessimiste des Français du dialogue social et une lègues (salariés ou employeurs) ; le dialogue social est une social en fonction des particularités de ché du travail alors qu’il faut travailler Durant la concertation, nous avons pu
forte méconnaissance du dialogue social européen. Ces résul- réalité. Mais rappelons aussi qu’il n’est pas du seul ressort l’activité et des besoins des salariés. Le sur l’entreprise. L’entreprise devrait être exprimer nos attentes et les lignes rouges
tats plaident pour une acculturation au dialogue social et au des organisations syndicales et patronales. Les encadrants y choix de la fusion à marche forcée des un vrai sujet reconnu comme une entité à ne pas franchir. Au terme de la concerta-
rôle des partenaires sociaux aux niveaux pertinents pour participent par leurs relations de travail avec les salariés et les instances représentatives du personnel sociale et économique dans laquelle un tion, force est de constater que la branche
traiter des sujets. Petit tour d’horizon. agents. Surveillons aussi, au sein des entreprises, l’influence n’est pas allé dans ce sens. Si les concer- jeune pourrait avoir envie de s’engager conserve son rôle régulateur et continue
Au plan international, les organisations syndicales de salariés des nouvelles modalités de communication, digitalisées et tations cet été ont été réelles, elles ne se parce qu’elle est porteuse de valeurs. à pouvoir fixer les règles applicables dans
et d’employeurs participent depuis 1919 aux travaux de participatives, susceptibles de percuter le dialogue social. sont pas conclues par un renforcement du Il faut donner les moyens aux acteurs toutes les entreprises. La nouveauté est
l’OIT5, aux côtés des représentants des Etats et définissent dialogue social. sociaux de réintroduire des valeurs afin que l’entreprise, par accord d’entreprise
des règles de base de la régulation sociale. La promotion de permettre l’engagement. Chacun a majoritaire, peut adapter ces règles à ses
du dialogue social s’appuie sur des principes et conven- Dans les discussions qui viennent de s’ou- entre les mains une partie de la solution. propres contraintes.
tions internationales dont l’effectivité est renforcée par les vrir, nous revendiquons de réelles avan- Il s’agit de se faire confiance mutuelle-
accords mondiaux signés entre les groupes et des fédérations 3/ Source DARES, Enquête annuelle sur La négociation collective d’entreprise cées pour mieux sécuriser les parcours ment et de prendre des risques ensemble En revanche, si nous avions été dans le
syndicales internationales6. en 2015. des travailleurs, et une plus grande prise et de mettre à contribution toutes les cadre d’une réelle négociation, la CFTC
Au plan européen, le Traité de Lisbonne a conforté l’impli- 4/ Un total de 300 dont 40 % français. Source OIT. en compte des propositions des parte- parties prenantes. n’aurait certainement pas apposé sa
cation des partenaires sociaux qui disposent d’un pouvoir 5/ Organisation Internationale du Travail. naires sociaux. signature en bas d’un texte. En conclu-
6/ cf. Cyril Cosme, directeur du bureau français de l’OIT. Colloque « Entreprises
d'initiative dans les politiques sociales et élaborent ainsi des sion, je ne dirais pas que nous sommes
mondiales et dialogue social transnational, quels enjeux pour les accords-
textes, rôle pourtant communément réservé à la Commission satisfaits, mais que nous reconnaissons
cadres internationaux ? » (7 février 2018).
européenne. Le dialogue social européen « grandinconnu avoir pu peser sur la portée des textes.
7/ Étude Odexa 2017 pour Humanis.
des salariés européens7 » est pourtant à l’origine d’accord
8/ ex : retraites complémentaires assurance-chômage, formation profession-
autonomes transposés au niveau national : télétravail (2002), nelle, protection sociale…
stress lié au travail (2004), harcèlement et violence au 9/ cf « L’économie, parlons-en ! Cinquante initiatives de dialogue social sur les
travail (2007), marchés du travail inclusifs (2010), vieillissement questions économiques ». Jean-Paul Guillot, Dominique-Anne Michel. Editions
actif et approche intergénérationnelle (2017). de l’Atelier (2014).

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HUMANIS HUMANIS
L’ état du diaLogue sociaL en F rance L’ état F rance
du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
La parole
aux partenaires sociaux

Question

1 Êtes-vous satisfait de la prise en compte du dialogue social


dans les priorités gouvernementales ?

w Philippe MARTINEZ w Jean-Claude MAILLY w François ASSELIN w Pierre GATTAZ w Alain GRISET

© MEDEF – 2016
Secrétaire général Secrétaire général Président Président Président
CGT CGT-FO CPME MEDEF U2P

Dans la droite ligne de ses prédécesseurs, Nous sommes dans un contexte où un Nous sommes satisfaits de la méthode Oui. On voit que le dialogue social est au D’abord, nous saluons à l’U2P la méthode De ce point de vue, j’attire l’attention du
Emmanuel Macron et son gouvernement nouveau président de la République a été de « concertation sociale » utilisée pour cœur des priorités du Gouvernement. de concertation employée par l’exécutif chef de l’Etat et du gouvernement sur les
passent, à coup d’ordonnances, une élu et a annoncé pendant sa campagne la préparation des ordonnances relatives Ainsi, les ordonnances sur la loi Travail au cours des premiers mois. Le président risques d’une mise sous tutelle des parte-
énième réforme du droit du travail, par- électorale plusieurs chantiers sociaux, à au droit du travail. Cette concertation comportent de nombreuses mesures pour de la République a ainsi pris soin de consul- naires sociaux. Instrumentaliser les repré-
tant du principe que le travail est un coût savoir : le Code du travail, l’assurance entre le Gouvernement et les renforcer le dialogue social de terrain. ter à plusieurs reprises chacun des parte- sentants des employeurs et des salariés
alors qu’il est créateur de richesses. chômage, la formation professionnelle, Confédérations représentatives des naires sociaux, écartant la tentation d’une reviendrait à retirer à terme tout crédit à
Cette loi va s’ajouter aux précédentes, l’apprentissage et les retraites. employeurs et des salariés était Elles ont pour but de simplifier ce dia- concertation de simple forme. A l’occa- la démocratie sociale et ne rendrait pas
sans même les avoir évaluées, et pour indispensable. logue (le rendre moins formel, plus direct, sion de la préparation des ordonnances service au pays.
cause : elles sont inefficaces. Sur le Code du travail, il avait indiqué qu’il plus efficace). La création d’une instance travail, le gouvernement a méthodique-
recourrait aux ordonnances. Une fois Par ailleurs, le Gouvernement met beau- unique dans les entreprises au-dessus de ment rencontré à de nombreuses reprises
Flexibiliser le droit du travail n’a jamais élu, il met en application ses annonces. coup en avant le concept de « dialogue 50 salariés est ainsi une bonne démarche : les représentants des employeurs et des
permis de créer des emplois. Il accepte, après discussions, une concer- social » mais essentiellement au niveau en traitant tous les sujets pertinents salariés, et cela pour l’essentiel en bilaté-
C’est donc bien une réforme idéologique tation qui fut intense durant les mois de l’entreprise. Pour nous, la négocia- dans une seule instance, au lieu de trois, rales. Cela a permis une meilleure prise en
qui nous est imposée, sans débat, sans d’été. tion nationale interprofessionnelle et on arrive à avoir une meilleure vision et compte des priorités de l’U2P et je crois
négociation, sans même de réelles concer- de branche professionnelle reste néces- appréhension des enjeux. que l’on peut parler d’une co-construc-
tations. Quel exemple de dialogue social ! Si, au cours de cette concertation, saire. S’agissant de ce dernier niveau, nous tion s’agissant de ces ordonnances.
Il aboutit à une opposition quasi unanime nous avons pu peser, il n’en reste pas notons que cela a été acté dans l’une des De même, le fait d’ouvrir pour les entre-
des organisations syndicales de salariés, moins qu’au final nombre de points sont ordonnances publiées qui prévoit treize prises de moins de 50 salariés la possibi- Les choses se sont un peu compliquées
ainsi que de l’opinion publique. inacceptables. Nous verrons ce qu’il en domaines où la prééminence est donnée à lité de conclure des accords, quelle que depuis. Certes nous demeurons fidèles
sera sur les autres dossiers. Mais au-delà l’accord de branche professionnelle. Dans soit leur situation, va dans le sens de ce aux préceptes de la loi Larcher. Ce texte
S’ajoute à cette réforme passéiste, une de la méthode, c’est le fond, le contenu, les très petites et petites entreprises, le dialogue social concret de terrain. prévoit que tout projet gouvernemen-
politique d’exonérations des cotisations qui importe. « dialogue social » est pour nous « direct tal impliquant des réformes dans les
sociales pour les entreprises compensées et naturel ». Le référendum d’entreprise à domaines des relations du travail, de
en partie, dit-on à Bercy, par une augmen- Et on ne peut que constater une série de l’initiative de l’employeur peut aider à le l’emploi ou de la formation profession-
tation de la CSG. En plus de durement tou- mauvaises nouvelles (APL, CSG, remise formaliser quand il s’agit de dispositions nelle doit d’abord comporter une phase
cher les retraités, cette mesure est dan- en cause de missions de service public) collectives. de concertation avec les partenaires
gereuse pour la protection sociale. Elle est avec un budget 2018 plus que serré, ce sociaux, leur laissant la possibilité d’en-
destinée à faire reculer le salaire socia- qui accentue le constat d’injustice et ali- gager une négociation. C’est ce qui a été
lisé pour faire croire un temps à la reva- mente inquiétude et colère. fait à juste titre dans le cadre de la prépa-
lorisation du pouvoir d’achat ; or le salaire ration des réformes de la formation pro-
net, c’est ce qui permet de vivre chaque fessionnelle et de l’assurance chômage.
jour, le salaire brut c’est ce qui permet de Mais ce qui est nouveau, c’est que la feuille
vivre toute sa vie en finançant la sécu- de route transmise par le gouvernement
rité sociale (famille, retraite, chômage, est tellement précise que le champ de la
handicap). négociation est en réalité très restreint.

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HUMANIS HUMANIS
L’ état du diaLogue sociaL en F rance L’ état F rance
du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
Partie 1

L’état du
Taux d’adHésion syndicale eT de couverTure des accords

dialogue social
en France
Norvège 53,5% 67,7% 68,6%
74% 91% 89,5%

Royaume-Uni

Suède Finlande
Danemark 66,8%
85%
25,4%
31,2%

A u cœur de l’actualité durant l’été 2017 du fait des cinq ordon- 17,6% Pays-Bas
84,28%
nances réformant le Code du travail, le dialogue social avait
déjà connu en 2016 des évolutions marquantes avec la loi du 12,5% Pologne
28,9%
8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue Allemagne 17,7%
61,05%
social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi
Travail. En premier lieu, parce qu’elle réorganise les rapports
entre loi et accord collectif, notamment en donnant la primauté à
l’accord d’entreprise en matière de durée du travail et en géné-
ralisant progressivement l’accord majoritaire d’entreprise. Mais France 7,7%
. Pour que le dialogue social fonctionne il faut de aussi plus généralement parce que son ambition affichée de
98%

la confiance et pour qu’il y ait de la confiance mettre l’entreprise au cœur de la régulation des relations de tra-
vail et les contestations qu’elle a provoqué font de la loi Travail
il faut 3 facteurs réunis :
un élément clé pour comprendre l’état du dialogue social en
transparence, anticipation sur les décisions France en 2016.
et faire ce que l’on s’est engagé à faire.
Italie 36,9%
Le respect des engagements est essentiel. En parallèle, l’année 2016 a aussi été l’occasion de mesurer 85%
Si on a ces trois choses on a de l’audience des organisations syndicales et patronales dans 4,5%
Turquie 13,3%
le cadre des réformes de la représentativité en entreprise.
la confiance et si on a de la confiance Le taux de syndicalisation français est l’un des plus faibles de
on a un bon dialogue social. l’OCDE : 7,7% en 2013 (contre une moyenne de 17%). Même 17,5% Espagne
Il y a toujours des limites à l’exercice. s’il s’est stabilisé depuis le début des années 2000, ce taux a 73,16%

La vie d’une entreprise est très souvent rapide. diminué drastiquement depuis l’après-guerre, ce qui a contri- Grèce 21,3%
65%
Or, le dialogue social nécessite un certain temps. / bué au souhait de réformer les critères de la représentativité
syndicale et à instaurer une mesure de la représentativité pour
les organisations patronales. Pour autant, les syndicats sont
Jean-Christophe SCIBERRAS plutôt bien implantés dans les entreprises françaises10 et le taux HORS EUROPE
Directeur des Ressources Humaines de Solvay
de couverture des accords qu’ils signent est très élevé : 98% des
salariés étaient couverts par un accord de branche ou d’entre-
27,2% 10,8% 17,8% 13,6%
prise en 2013, notamment du fait du mécanisme d’extension Canada 28,79% USA 13,1% Japon 16% Mexique 10%
des accords dans les branches professionnelles. Ce mécanisme
limite d’ailleurs l’intérêt direct à adhérer à un syndicat pour être
couvert par les accords, et permet de comprendre, en partie,
le faible taux de syndicalisation en France. ¾ Taux de couverture des accords collectifs
¾ Taux d’adhésion syndicale
10/ DARES (2008). « Le paradoxe du syndicalisme français : un faible nombre Sources infographies d’après les données 2013 de l’OCDE
d’adhérents, mais des syndicats bien implantés ». Premières synthèses.

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HUMANIS HUMANIS
L’ état du diaLogue sociaL en F rance L’ état F rance
du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
L’état du dialogue social
en France

L’état du . On essaie de faire en sorte que le dialogue social au niveau local

dialogue social
et international soit le plus constructif possible. Nous avons beaucoup
de chance d’avoir une instance d’une grande maturité
qui a un sens de l’équité et de la solidarité. /
en France Patricia FOUACHE
Responsable des relations sociales internationales de Renault

.
S i le dialogue social français semble par le fait que l'enquête d’opinion sur laquelle Chez VVF nous avons  N CONTEXTE LÉGISLATIF ANIMÉ VISANT
U A | La loi Travail décentralise la négociation collective
rester de bonne qualité dans l’ensemble,
le ressenti des salariés connait une évolu-
s'appuient nos résultats a été réalisée à la fin
de l’été 2017, concomitamment à la présen-
toujours considéré que les
organisations syndicales étaient
1 UN RENFORCEMENT DE LA NÉGOCIATION
COLLECTIVE 1 Un droit du travail davantage conventionnel
tion inquiétante. Ainsi, 61% des salariés tation des ordonnances réformant le Code
jugent que le dialogue social est bon, voire du travail. L’hostilité de l’opinion publique des partenaires dans La loi Travail a voulu promouvoir un droit du travail davantage
très bon, sur leur lieu de travail. Cependant, envers la loi Travail de 2016 que prolongent la co-gestion de l’entreprise. conventionnel, c’est-à-dire reposant plus largement sur des
le sondage Odoxa11 montre aussi que la part les ordonnances, a pu mener les salariés Cela se concrétise par  ES ORGANISATIONS SYNDICALES
L conventions et accords collectifs plutôt que sur des lois et des
des salariés épanouis dans leur à avoir une perception moins positive du 3 éléments essentiels : ET PATRONALES REPRESENTATIVES règlements émanant de la puissance publique. La mise en place
travail a baissé de 5 points depuis 2015 dialogue social français. d’une commission sur la refondation de la partie législative du
(de 74% à 69%). Parallèlement, 53% des sala-
riés pensent que le dialogue social au sein de
leur entreprise leur permet de résoudre leurs
Au niveau interprofessionnel, 29 accords
ont été signés en 2016, un chiffre en nette
1/ La gestion de carrière des
délégués syndicaux est similaire
L a mesure d’audience des organisations syndicales et
patronales dans le secteur privé, réalisée en 2016,
devrait permettre de renforcer la légitimité de ces acteurs.
Code du travail ayant pour objectif l’amplification du poids de la
négociation collective en atteste. Recherchant une légitimité
accrue des accords, elle prévoit également la généralisation
problèmes et d’améliorer leur vie au travail baisse par rapport à 2015 (52 accords à tous les autres salariés, sans L’audience des organisations syndicales dans le secteur progressive de l’accord majoritaire.
alors qu’ils étaient 57% en 2016. Plus de la signés), revenant au niveau de 2014 distinction, c’est un élément privé a été mesurée pour la seconde fois au niveau inter- Bien qu’elle conforte le rôle des branches en redéfinissant leurs
moitié des salariés (53%) considèrent que la (28 accords signés). Avec 979 accords professionnel et au niveau des branches dans le cadre missions et leurs compositions, elle prévoit aussi une accéléra-
important que beaucoup
qualité du dialogue social va en se dégradant, et avenants signés en 2016, la négocia- de la réforme de la représentativité syndicale prévue par tion du mouvement de restructuration des branches, initiée par
proportion similaire aux années précé- tion de branche est en légère baisse par d’entreprises ne prennent la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à
la loi du 20 août 2008. Les résultats ont été présentés
dentes. L’image des représentants du rapport à 2015, mais à un niveau équiva- pas en compte. le 31 mars 2017, devant le Haut Conseil du dialogue social l’emploi et à la démocratie sociale. L’objectif affiché est de passer
personnel dans l’entreprise se maintient au lent à ceux de 2013 et 2014. Cette stabilité de plus de 700 branches à environ 200 branches d’ici 2019.
(HCDS). Sur plus de 5,2 millions de suffrages valablement
niveau de 2016, suggérant que la dégra- cache en revanche une forte hétérogénéité 2/ Il faut entendre que le CE exprimés par les salariés, cinq organisations syndicales ont
dation observée cette année-là perdure  : des thèmes des accords, avec une nette a parfois raison et que la obtenu une audience suffisante (supérieure ou égale à 8%)
en 2017, seuls 53% des salariés leurs font diminution des accords ne traitant pas des
confiance pour défendre leurs intérêts (52% salaires : les partenaires sociaux semblent
direction doit aussi pouvoir pour être reconnues représentatives au niveau national
être remise en question. et interprofessionnel pour la période 2017-202013 : La CFDT 11/ Sondage Odoxa pour Humanis réalisé auprès des salariés français
en 2016, 60% en 2015). avoir attendu que le cadre légal quant au rôle
(26,37%), la CGT (24,85%), la CGT-FO (15,59%), la CFE- du 23 au 30 août 2017.
des branches sur ces thèmes soit clarifié.
CGC (10,67%) et la CFTC (9,49%). L'audience de l’UNSA et 12/ Ceci pouvant s’expliquer par l’une des mesures de la loi du 6 août 2015
Les salariés sont finalement plus nom- 3/ Faire participer les délégués qui vise le développement de l’épargne salariale.
breux qu'en 2016 à considérer que le Au niveau de l’entreprise, l’activité conven- Solidaires (respectivement 5,35% et 3,46%) ne permet pas
syndicaux sur les décisions 13/ Depuis la loi du 20 août 2008, une organisation syndicale est considérée
dialogue social dans leur entreprise est avant tionnelle connaît une hausse significative. en revanche à ses organisations d'être reconnues représen-
qui vont avoir un impact sur tatives au niveau national et interprofessionnel.
représentative dans une entreprise lorsqu’elle a obtenu plus de 10% des
tout « conflictuel » (32%, + 10 points par rap- Ainsi, 42 200 accords entre employeurs et suffrages exprimés lors des élections professionnelles qui ont lieu par défaut
port à 2016), ce qui en fait le premier qua- représentants du personnel ont été signés l’entreprise et cela passe Le processus visant à la reconnaissance de la représentati- tous les quatre ans. La représentativité au niveau de la branche ou interprofes-
lificatif associé au dialogue social, et moins et enregistrés en 2016, contre 36 600 en forcément par la formation vité des organisations patronales passe notamment par une sionnel est obtenue par l’agrégation de ces votes sur l’ensemble des entreprises
concernées et d’un vote ad hoc pour les TPE. Le seuil de représentativité y est
nombreux à considérer ce dialogue « apaisé » 2015 (+15%). La plupart des thèmes de et la transmission d’information mesure de l’audience par la DGT initiée en 201414. Les résul-
abaissé à 8%.
(20%, -11 points par rapport à 2016). Ils sont négociation connaissent une augmentation pour qu’ils aient une vue globale tats au niveau national, interprofessionnel et des branches
14/ Depuis la loi du 5 mars 2014, une organisation patronale est considérée
par ailleurs très nombreux (65%) à juger en nombre d’accords, mais cette croissance ont été présentés le 26 avril 2017 devant le HCDS. Au niveau
que le pays ne favorise pas le dialogue est particulièrement portée par les accords et complète. / national et interprofessionnel, trois organisations ont une
représentative au niveau interprofessionnel ou d’une branche lorsqu’elle couvre,
du fait de l’adhésion des employeurs, au moins 8% des entreprises (ou des
social. Ceci, et la montée de la conflictualité liés à l’épargne salariale12.  Didier REMBERT audience d’au moins 8% : le Medef, la CPME et l’U2P. salariés des entreprises) adhérent à une ou des organisations professionnelles
ressentie par les salariés, peuvent s'expliquer DG VVF France d’employeurs et ayant fait acte de candidature au niveau concerné.

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HUMANIS HUMANIS
L’ état du dialogue social en F rance L’ état F rance
du dialogue social en
2017 - 2018 2017 - 2018
L’état du dialogue social
en France

2 Extension de la négociation dérogatoire


APPROPRIATION PAR LES PARTENAIRES BILAN DE LA LOI REBSAMEN
SOCIAUX DES NOUVELLES OPPORTUNITÉS La loi Travail a souhaité développer la négociation dérogatoire
DE NÉGOCIATION au profit des entreprises. Elle prévoit ainsi une nouvelle archi- Le bilan de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social
tecture des règles en matière de durée du travail : l’accord d’en- et à l’emploi réalisé par la DGT en 2017 semble plus nuancé.
Comme le notait le rapport Combrexelle en 2015, la plu- gg La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi treprise a la primauté et les aménagements négociés pourront La loi prévoit la possibilité, selon des modalités diverses, de
part des réformes n’ont pas mené à une révolution dans semble faire exception. Elle permet de déterminer le contenu porter sur de plus longues périodes. Elle donne aussi la possi- regrouper dans les entreprises d’au moins 300 salariés les ins-
les pratiques du dialogue social français. Depuis plu- des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) par un accord bilité aux entreprises de négocier les congés spécifiques (hors titutions représentatives du personnel par accord majoritaire.
sieurs années, les bilans annuels de la DARES témoignent collectif majoritaire, validé par la Direccte19 ou par un docu- congés payés). La DGT répertorie seulement 23 accords aboutissant à de tels
d’une relative stabilité aussi bien au niveau des accords ment unilatéral élaboré par l’employeur et homologué par la Elle ouvre la possibilité pour les entreprises d’ajuster leur orga- regroupements, définissant les IRP regroupées, le niveau de
de branche que d’entreprise : la négociation collective Direccte. Aujourd’hui, les PSE sont souvent négociés dans nisation afin de répondre à des objectifs de préservation ou de regroupement et les moyens de l’instance pour la plupart.
reste donc active ; mais cette stabilité montre aussi que les entreprises et leur contenu permet la préservation de développement de l’emploi, objectifs négociés avec les organi- La moitié d’entre eux privilégient le regroupement du comité
les nombreuses réformes n’ont pas déclenché de dyna- davantage d’emplois. Ainsi, en 2014, sur les 728 PSE mis en sations syndicales dans le cadre d’accords collectifs de travail d’entreprise et des délégués du personnel. Par ailleurs, certains
mique importante. œuvre, 39% étaient issus d’un accord majoritaire20. Après dits de “préservation ou de développement de l’emploi” (APDE). accords prévoient un nombre supérieur de représentants et
cette loi, le taux de recours est tombé à 8% contre 25% aupa- Il s’agit de faire primer un accord collectif sur le contrat individuel d’heures de délégations mensuelles aux seuils réglementaires.
A titre d’exemples : ravant. Il faut aussi noter que les PSE issus d’un accord majo- pour un motif d’intérêt général, constitué par l’emploi. Parallèlement, la loi réforme aussi les procédures d’informa-
ritaire génèrent moins de contentieux (taux de recours de tion-consultation du comité d’entreprise, en regroupant les
gg La loi du 4 mai 2004 relative à la formation profession- seulement 5%21 ). Afin de palier l’absence de délégué syndical, notamment dans dix-sept obligations annuelles en trois blocs de consultation
nelle tout au long de la vie et au dialogue social a ouvert la les TPE/PME, la loi Travail cherche à fluidifier les possibilités de et en adaptant les modalités de consultations récurrentes du
possibilité de déroger par un accord d’entreprise à l’accord de négociation avec les salariés mandatés ou les élus du person- CE. Les accords d’entreprise conclus sur le sujet définissent
branche, sauf si ce dernier l’interdit explicitement (« verrous nel. Ainsi, les possibilités de négociation ouvertes aux salariés du majoritairement le niveau des grandes consultations ; mais cer-
des branches »). Or, l’évaluation réalisée par la DARES en 2008 personnel mandatés sont élargies et peuvent maintenant porter tains ont aussi des dispositions novatrices, notamment en ce
montre que le nombre d’accords dérogatoires au sens de cette sur toutes les mesures possiblement négociées par un délégué qui concerne le calendrier ou l’organisation des commissions
loi est négligeable15 . Paradoxalement, cette mesure a poussé syndical dans le cadre d’un accord d’entreprise. Parallèlement, du comité d’entreprise.
les branches à réaffirmer leur contrôle sur certains sujets en les accords négociés par les élus du personnel non mandatés
verrouillant, comme le prévoyait la loi, la faculté de déroger des ne sont plus soumis à la validation de la commission paritaire
entreprises via des clauses d’interdiction. Depuis mai 2004, sur de validation de branche22. Dans la même logique, elle prévoit
les 50 branches les plus importantes en nombre de salariés, il 15/ Meriaux O., Kerbourc'h J-Y., Seiler C. DARES. Document d’études (2008).
aussi la possibilité d’édiction d’accords-types par les branches
n’y a que cinq branches qui n’ont pas créé de système de ver- Évaluation de la loi du 4 mai 2004 sur la négociation d’accords dérogatoires pour les entreprises de moins de 50 salariés. Seule la branche
rouillage dans les accords sur les heures supplémentaires16 . dans les entreprises. de l’industrie pharmaceutique a utilisé ce dispositif en 201623 .
16/ Cheuvreux M., Rambert L. Direction générale du Trésor (2017). Docu-
gg La loi du 20 août 2008 portant sur la rénovation de la démo- ments de travail de la DG Trésor : dialogue social sectoriel et décentralisation 3 Vers une amélioration des pratiques et l’adaptation
cratie sociale et la réforme du temps de travail a inversé la pri- des négociations : Etude comparée France / Allemagne. au numérique ?
mauté dans certains domaines du temps de travail au profit de 17/ DARES (2011), Bilan et rapports « la négociation collective en 2010 »

l’accord d’entreprise. Selon la DARES, les entreprises se seraient 18/ Audition ouverte à la presse de M. Yves Struillou, Directeur général La loi Travail s’intéresse aussi aux pratiques du dialogue social :
de la direction générale du travail (DGT) du ministère du travail, de l’emploi
faiblement appropriées ces possibilités dérogatoires malgré un ce faisant, elle crée des formations communes aux employeurs,
et du dialogue social.
nombre d’accords d’entreprise sur le temps de travail toujours aux salariés et à leurs représentants. Elle prévoit aussi une aug-
19/ Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consomma-
important. Ainsi, le nombre de textes abordant le thème du temps mentation de 20% du crédit d’heures des délégués syndicaux
tion, du travail et de l’emploi. 22/ La validité de ces accords est aujourd’hui soumise à la seule condition
de travail représentait 23% de l’ensemble des accords d’entre- 20/ DARES (2016). Les dispositifs publics d’accompagnement des restruc-
afin de leur permettre d’avoir plus de temps pour effectuer leurs
qu’ils soient signés par des élus représentant plus de 50% des suffrages
prise conclus par les délégués syndicaux en 2009, contre 27% turations en 2014 : une tendance à la baisse. missions. Enfin, elle a aussi vocation à adapter le modèle social lors des dernières élections professionnelles.
en 200817 . Pour Yves Struillou, directeur général de la DGT, les 21/ Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle français au numérique et à sécuriser les parcours des salariés. 23/ Accord du 17 novembre 2016 relatif au temps de travail
moyennes et grandes entreprises n’ont pas souhaité remettre et du dialogue social (2015). Bilan de la loi de sécurisation de l’emploi Elle introduit ainsi la négociation sur le droit à la déconnexion dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
en cause les accords de RTT, préférant la continuité18 . du 14 juin 2013. et organise la concertation sur le développement du télétravail 24/ Concertation sur le « développement du télétravail et du travail
et du travail à distance24. à distance » entre janvier et mai 2017.

24 25
HUMANIS HUMANIS
L’ état du dialogue social en F rance L’ état F rance
du dialogue social en
2017 - 2018 2017 - 2018
L’état du dialogue social
en France

B | Les ordonnances de septembre 2017 : une rupture ayant obtenu au moins 50 % des suffrages exprimés aux élec- l es principaux THÈmes des accords de brancHe
pour l’encadrement du dialogue social français tions professionnelles dans l'entreprise, soit par un referendum
d'entreprise à la majorité sauf si des syndicats représentant plus
en 2016
2 LA NÉGOCIATION INTERPROFESSIONNELLE
EN 2016
Avec 300 heures de concertation entre le gouvernement et les de 70 % des suffrages exprimés s'y opposent. Quatre disposi-
382
partenaires sociaux, l’été 2017 a été marqué par la réforme du Code tifs conventionnels sont fusionnés : les accords de réduction du Salaires En 2016, un accord interprofessionnel a été signé au niveau natio-
401
du travail par ordonnances. Ces dernières, adoptées en Conseil des temps de travail, les accords de maintien de l'emploi, les accords en nal, contre cinq en 2015 (deux en 2014). L’accord national inter-
ministres le 22 septembre 2017, sont au nombre de cinq : faveur de la préservation ou du développement de l'emploi et les professionnel (ANI) du 25 mars 2016, signé par la CPME, l’U2P,
Conditions 276
accords de mobilité professionnelle ou géographique interne. Cette le MEDEF et la CGT, la CFDT, la CGT-FO, la CFTC et la CFE-CGC, porte
de conclusion des accords 229
g Ordonnance relative au renforcement de la négociation collective fusion vise à simplifier les conditions de recours à ces accords et sur la mise en conformité du fonds de gestion des congés indivi-
g Ordonnance relative à la nouvelle organisation du dialogue à harmoniser les conditions de licenciement pour refus d’accord duels de formation (FONGECIF) avec les dispositions de la loi du
social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice majoritaire. Formation professionnelle/ 239 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, l’emploi et la
et la valorisation des responsabilités syndicales. apprentissage 177 démocratie sociale. Il vient réduireLES
LES le nombre
PRINCIPAUX
LES PRINCIPAUX
LES PRINCIPAUX
PRINCIPAUX
THÈMES
THÈMES deACCORDS
DES
THÈMES DES
THÈMES DES
DES FONGECIF
ACCORDS
ACCORDS
ACCORDS
DE
DE BRANCHE pour
BRANCHE
DE BRANCHE
DE BRANCHE
EN 2016
EN 2016
2016
g Ordonnance relative au compte professionnel de prévention. Enfin, l’accord collectif bénéficiera d’une présomption de confor- coller au redécoupage régional etENpréciser leurs missions.
g Ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des mité à la loi : la partie contestant l’accord devra apporter la Au total, 29 textes ont été conclus au niveau interprofession-
Retraite complémentaire 251
relations de travail. preuve de ses accusations. Cette légalité présumée est supposée nel en 2016. En nette baisse par rapport à 2015 (52 textes), le
155
g Ordonnance portant diverses mesures relatives au cadre de concourir à la sécurisation juridique des accords. et prévoyance nombre de textes en 2016 revient au niveau de 2014 (28 textes).
la négociation collective.
2 Les ordonnances changent les conditions du licenciement Système et relèvement 146
Ces ordonnances ont modifié en profondeur le fonctionnement du de primes 143
dialogue social en France. Elles ont réduit le nombre d'IRP et modifié
les conditions de validité des accords d'entreprise (voir détails p. 8).
Par ailleurs, elles ouvrent de nouveaux champs de négociation
Les ordonnances apportent plusieurs nouveautés en matière de
licenciement. Elles modifient ainsi le périmètre permettant de juger
de la situation financière d’une entreprise dans le cas de licen-
Conditions d’application 186
142
3 LA NÉGOCIATION DE BRANCHE
EN 2016
des accords
dans les entreprises et changent les conditions du licenciement. ciements économiques. Dorénavant, seule sera prise en compte En 2016, 979 accords et avenants ont été signés au niveau des
sa situation en France, et non plus celle de l’ensemble des pays Égalité professionnelle branches. Le nombre de texte est en légère baisse par rapport à
176
1 Les ordonnances clarifient le rôle de régulation des dans lesquels elle est présente. Elles instaurent aussi une rupture entre les femmes 2015 (1 142), se rapprochant du niveau de 2014 (1 034 accords).
135
branches et ouvrent de nouveaux champs de négociation conventionnelle collective, nécessitant une homologation de l’ad- Les thèmes des salaires et du temps de travail sont abordés à un
et les hommes
à l'entreprise ministration, afin de définir un cadre commun de départ volontaire. niveau équivalent à 2015, mais les autres thèmes sont en nette
223 diminution, exception faite des classifications.
En ce qui concerne la hiérarchie des normes, les ordonnances ont Elles soumettent les indemnités prud'homales à un plafond Contrat de travail 99
pour objectif de préciser l’articulation entre accord de branche et et des planchers en cas de licenciement abusif. Un salarié
accord d’entreprise. La branche conserve un rôle de régulateur : elle estimant avoir été licencié sans cause réelle, ni sérieuse, obtien- 151
. La fusion des instances souhaitée
garde ainsi les prérogatives de négociation sur certains sujets et dra au maximum l’équivalent de vingt mois de salaires après 30 Maladie
71 par Emmanuel Macron est une bonne chose.
la capacité d’en verrouiller d’autres. Elle se voit attribuer de nou- ans d’ancienneté. Les salariés des TPE seront sujets à un plancher La représentation unique du personnel
velles compétences notamment en termes de qualité et gestion particulier avec un montant d’indemnités minimales réduit : un va permettre de faire remonter le niveau
41
de l’emploi. Pour pouvoir être étendue, la convention de branche demi-mois de salaire pour un an d’ancienneté contre un mois pour
devra comporter des dispositions spécifiques aux entreprises de les salariés d’entreprises plus grandes. Parallèlement, le délai de
Classifications 65 des CE pour aller vers une sorte de CA bis
moins de cinquante salariés. Parallèlement, le chantier de la res- recours aux prud'hommes passe de 24 à 12 mois. Ces mesures pour traiter des problèmes de sécurité
tructuration des branches est réaffirmé et accéléré. devraient venir sécuriser la situation des employeurs, mais les 63 et d’hygiène mais aussi des décisions
Temps de travail 65
syndicats soulignent aussi les effets « pervers » d’une telle qui impactent directement l’entreprise.
Les ordonnances ouvrent de nouveaux champs de négociation « barémisation » : les employés avec peu d’ancienneté et un
Limiter et concentrer le temps d’intervention
à l’entreprise, accélèrent la généralisation de l’accord majoritaire
(obligatoire à compter du 1er mai 2018), et entérinent le principe
bas salaire pourraient voir les coûts de la procédure prud'homale
supérieurs aux indemnités ; enfin, en prenant en compte la seule
• 2015 (actualisé) • 2016 (provisoire) améliorera la qualité du dialogue. /
du référendum à l'initiative de l'employeur : pour être valides, les ancienneté, elle ne permet pas de considérer la situation familiale Source : ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation Didier REMBERT
professionnelle et du Dialogue social - DGT (BDCC).
accords d’entreprises devront être soit signés par des syndicats ou l’âge du salarié. DG VVF France

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HUMANIS HUMANIS
L’ état du diaLogue sociaL en F rance L’ état F rance
du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
L’état du dialogue social
en France

A | Des accords qui portent principalement sur les B | De nombreux thèmes peu abordés et en nette l es principaux THÈmes de négociaTion en 2016 parmi les accords signés
salaires mais aussi fréquemment sur les conditions diminution en enTreprise par des délégués syndicaux ou salariés mandaTés
de négociation
En 2016, 177 accords de branches ont été conclus dans le domaine
Les salaires restent de très loin le principal thème de négo- de la formation professionnelle et de l’apprentissage (239 en 2015,
ciation dans les branches. Après deux années dynamiques en -26%). L’essentiel de ces accords s’est inscrit dans le cadre de l’ANI du
Salaires et primes 12367 +4%
2011 et 2012 en raison d’une double revalorisation du SMIC 14 décembre 2013 et la loi du 5 mars 2014, mais quelques accords
ayant induit des rehaussements des minimas de branches, la ont également pris en compte les nouvelles dispositions intro-
négociation salariale de branche a néanmoins ralenti entre 2013 duites par la loi Travail. Parmi ces textes, 63 accords sont relatifs
Temps de travail 8454 + 14%
et 2015 à cause de l’inflation faible. En 2016, le nombre de textes aux commissions paritaires nationales de l’emploi et de la forma-
liés aux salaires, avec 401 occurrences (382 en 2015, +5%), tion professionnelle (CPNEFP) ; 57 accords ont porté sur les prio-
a connu à nouveau une légère hausse, notamment dans les rités, les objectifs et les moyens de la formation professionnelle ;
Emploi 3355 0%
branches couvrant plus de 5 000 salariés (+15%). Près de trois 41 sur les certificats de qualification professionnelle et 39 ont
branches sur quatre ont conclu au moins un accord ou émis concerné l’apprentissage en particulier.
une recommandation patronale sur le sujet (74% contre 67% -3%
Egalité professionnelle 3657
en 2015). La thématique de la protection sociale complémentaire connait
une très forte baisse avec 155 occurrences en 2016 (251 en
De même, alors que le nombre d’accords sur le temps de travail 2015, -38%). Cette baisse s’explique par l’entrée en vigueur de la Prévoyance collective,
avait connu une baisse en 2015 (63 accords), leur niveau en 2016 généralisation de la couverture complémentaire collective obli- complémentaire santé, 2664 +4%
se maintient avec 65 accords. gatoire prévue par la loi du 14 juin 2013. En 2015, ce thème avait retraite supplémentaire
connu une forte augmentation en raison d’une nécessaire mise
Droit syndical, institutions
En dehors de ces thématiques, seules les classifications en conformité.
représentatives du personnel, 3197 +14%
professionnelles sont davantage abordées que l'année expression des salariés
précédente avec 65 accords sur le sujet (41 en 2015, + 59%). De même, le thème du contrat de travail a connu une baisse cette
Plus d’un quart de ces textes s’engagent à une réforme impor- année avec 99 accords conclus (223 en 2015, -56%), ce qui peut Conditions de travail 975 +17%
tante, voire complète, de la grille de classification et sont donc s’expliquer en partie par la baisse des accords liés à la protection
susceptibles d’induire des changements importants pour la ges- sociale complémentaire et à la formation professionnelle (dans ces
tion des carrières. Les autres accords sont liés à des ajustements textes, le principe de la portabilité des droits pour les salariés est Formation professionnelle 475 +6%
beaucoup plus limités, comme ceux rendus nécessaires par la indexé également dans le thème contrat de travail).
mise en place de nouveaux dispositifs de formation profession-
nelle dans les branches. L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a aussi vu Classification 464 +12%
le nombre d’accords liés diminuer légèrement avec 135 textes en
On découvre finalement que près d’un quart des accords portent 2016 (176 en 2015, -23%). Parmi ces textes, six accords traitent
Participation, intéressement, 8414 +43 %
directement sur les conditions de négociation et de conclusion spécifiquement le sujet (5 en 2015) et 129 l’abordent. épargne salariale
d’accords de branche25. Ces accords traitent par exemple de l’orga-
nisation et du financement du dialogue social de branche, au
fonctionnement des commissions paritaires de branche, au calen- C | Des taux de signature similaires à 2015 Source : ministère du Travail, de l’Emploi,
drier des négociations. En 2016, le nombre d'accords sur ce thème Nombre d’accords de la Formation professionnelle
est de 229 (276 en 2015, - 17%) : la moitié d’entre eux portent sur le Si toutes les organisations patronales et syndicales ont conclu % Évolution du nombre d’accords par rapport à 2015 et du Dialogue social - DGT (BDCC).
fonctionnement de commissions paritaires de branche et plus en 2016 un nombre d’accords inférieur à celui de 2015, les taux
d’un sur dix sur les clauses de rendez-vous. La loi Travail prévoit la de signature restent eux stables. La CFDT a le plus haut taux de
mise en place éventuelle, par accord de branche, d’une commission signature et a signé 89% des accords validés. La CFTC, la CFE
permanente paritaire de négociation et d’interprétation (CPPNI). CGC et la CGT-FO ont signé respectivement 77%, 72% et 69%
Seulement trois accords sur le sujet ont été signés en 2016, peut- des textes, contre 33% pour la CGT.
être parce que la signature de la loi Travail en août leur a laissé trop
peu de temps pour utiliser davantage cette nouvelle disposition. 25/ Thème analysé pour la première fois par le bilan de la DARES en 2017.

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du diaLogue sociaL en
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L’état du dialogue social
en France

4 LA NÉGOCIATION D’ENTREPRISE
EN 2016
Avec 8 454 accords (7424 en 2015, + 14%) sur le temps de
travail, ce thème représente 24% des thématiques abordées.
Ils portent le plus souvent sur l’aménagement du temps de tra-
C | Des propensions à signer proches de celles de
2015
comparaison enTre les Taux de signaTure
d’accords de brancHe eT la propension
À signer des accords d ’enTreprise en 2016

vail (6300 textes). Comme c’est le cas depuis 2014, en raison Le taux de signature des accords d’entreprise de la CFDT s’élève
En 2016, 42 231 textes ont été signés entre employeurs et de l’élargissement des possibilités d’ouverture des commerces à 58% et à 46% pour la CGT. Les autres organisations syndi-
représentants du personnel, un nombre en augmentation par le dimanche dans certaines zones, le nombre d’accords sur le cales représentatives au niveau national interprofessionnel 89
CFDT
rapport à 2015, où 36 600 accords avaient été signés (+ 15%). travail du dimanche est en augmentation (400 accords, contre signent entre un cinquième et un tiers des accords (FO, CFE- 94
Cette hausse sensible est largement due aux textes relatifs à 300 en 2015). Les textes répertoriés par les « autres disposi- CGC, CFTC). L’UNSA et Solidaires, non représentatives au niveau
l’épargne salariale même si tous les thèmes de la négociation tions » de la durée et l’aménagement du temps de travail sont national interprofessionnel, signent respectivement 9% et 4%
72
CFE-CGC
93
sont en progression, à l’exception de l’égalité professionnelle ceux qui connaissent la plus forte augmentation, recoupant des des accords d’entreprises. Néanmoins, cet indicateur reflète
entre les femmes et les hommes qui se réduit. Les accords se sujets comme les astreintes ou le télétravail (2 800 accords, largement le fait que certains syndicats sont mieux implantés 77
référant à la qualité de vie au travail, qui recoupe plusieurs contre 2 000 en 2015). dans les entreprises et donc plus à même de signer des accords. CFTC
91
thèmes classiques de la négociation mais n’en représente pas Lorsqu’on regarde la propension à signer en cas de présence,
un en soi, restent peu nombreux en 2016 alors même que la Même si les accords portant sur la représentation du person- la CFDT reste le syndicat qui signe le plus d’accords lorsqu’il 33
CGT
thématique a été portée par la loi du 17 août 2015. nel, les instances de représentation et le droit syndical repré- participe aux négociations (94% des accords en 2016 et 2015). 84
sentent, avec 3 197 occurrences, une part similaire à 2015 (9%), La CFE-CGC, la CFTC et FO ont aussi une propension élevée
69
La part des secteurs reste similaire. Le secteur des services leur nombre est en augmentation (2 806, + 14%). Ces accords à signer : respectivement 93% (92% en 2015), 91% (89% en FO
89
est le plus générateur d’accords signés par les délégués syn- portent très majoritairement sur les mandats des représentants 2015) et 89% (90% en 2015). L’UNSA a une propension à signer
dicaux (38%), devant l’industrie (34%). En 2016, 732 textes du personnel ou sur les élections professionnelles et le vote. équivalente (88%) et la CGT une propension un peu plus faible,
proviennent du secteur agricole. avec 84% au même niveau que l’année dernière. Solidaires a la
Avec un nombre relativement stable (12 367 contre 11 853 en propension la plus basse (69%). ¢ Taux de signature des accords de branche
2015, + 4%), les accords sur les salaires et les primes concernent par organisation (%)
A | La répartition par thème reste semblable à celle 35% des textes signés par les délégués syndicaux (38% en 2015). S’il aboutit à moins d’accords au niveau interprofessionnel ¢ Propension à signer les accords d’entreprise
de 2015 Ils sont majoritairement issus des négociations annuelles obliga- et de branche en 2016, le dialogue social est en revanche en par organisation (%)
toires, mais portent aussi sur les primes ou autres dispositions légère croissance au niveau des entreprises.
Source : ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation
Les 3 355 accords sur l’emploi (3 348 en 2015) se partagent intégrées à la rémunération. En 2016, les primes sont d’ailleurs professionnelle et du Dialogue social - DGT (BDCC) - DARES
comme suit : 33% portent sur les travailleurs handicapés, 31% plus souvent abordées (45% des textes portant sur la rémuné- L’appropriation par les partenaires sociaux des nouvelles oppor- (Accords d’entreprise).
sur la gestion de l’emploi et 31% sur le maintien en emploi des ration contre 39% en 2015). Les salaires sont le thème le plus tunités de négociation ouvertes par les évolutions législatives Taux de signature des accords de branche par organisation (%)
salariés âgés. Les accords de maintien dans l’emploi sont encore mentionné parmi les thématiques citées par les salariés (71%, depuis le début des années 2000 parait mitigée. On peut pres-
Propension à signer les accords d'entreprise par organisation (%
anecdotiques. + 4 points par rapport à 2016) comme devant être davantage sentir dans ce contexte que la loi Travail et les ordonnances ne
abordées par la négociation collective selon le sondage Odoxa changent pas fondamentalement le dynamisme du dialogue
Le nombre d’accords sur la protection sociale complémentaire réalisé pour Humanis. social en France. A moins que ces réformes plus récentes, par
et la prévoyance collective reste équivalent avec 2 664 occur- l’ampleur de la polémique qu’elles ont suscitée et la publicité
rences (2 554 en 2015, + 4%). La formation professionnelle, les qu’elles ont par conséquent reçue, aient généré une prise de
conditions de travail et les classifications sont rarement abor- B | Les accords concernant l’épargne salariale sont en conscience plus importante chez les acteurs du dialogue social
dées avec respectivement 475 (447 en 2015, + 6%), 975 (833 forte augmentation des nouvelles possibilités qui leur sont offertes.
en 2015, + 17%) et 464 références (416 en 2015, + 12%). Selon
le sondage Odoxa pour Humanis, les conditions de travail sont le Portée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité
second thème le plus mentionné parmi les thématiques citées et l’égalité des chances économiques, l’épargne salariale est
par les salariés (53%, + 4 points par rapport à 2016) comme le thème de négociation qui a le plus augmenté en nombre
devant être davantage abordées par la négociation collective. d’accords (+ 43%) et en proportion avec 8 414 occurrences
en 2016 (5 886 en 2015) parmi les textes signés par des délé-
gués syndicaux ou salariés mandatés.

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L’état du dialogue social
en France

LA CONFLICTUALITÉ EN 2015 La proportion d’entreprises ayant déclaré au moins …


. L’utilité, l’efficacité du dialogue social,
une grève est en revanche stable et se maintient à un l’activité et l’égalité des chances économiques et à
malheureusement, se vérifie quand il y a un souci.
L’analyse de la conflictualité repose traditionnellement niveau assez faible : 1,3% des entreprises de 10 sala- ses dispositions sur le travail du dimanche. Si l’on prend l’exemple de Renault, si nous n’avions
sur l’observation du nombre de jours de grève ou journées riés et plus du secteur marchand non agricole déclarent pas eu les premiers accords sur la flexibilité du
individuelles non travaillées (JINT). Les chiffres recueillis ainsi avoir connu un ou plusieurs arrêts collectifs de tra- La conflictualité collective en entreprise et les reven- temps de travail en 1990, nous n’aurions pas pu
par la DARES sur l’année 2015 mettent en évi- vail en 2015 (contre 1,4% en 2014 et 1,2% en 2013). dications varient d’un secteur à l’autre. La propor-
faire face l’année suivante aux 59 jours où nous
dence une légère baisse par rapport aux années Cette proportion varie fortement selon la taille de l’en- tion des entreprises ayant connu au moins une grève
précédentes avec 69 jours non travaillés pour treprise : elle est à 0,2% dans les entreprises de 10 à 49 dans le secteur de l’industrie est stable en 2015 n’avions pas de travail pour les ouvriers. Quand
1000 salariés (contre 79 en 2013 et 81 en 2014). salariés, mais à 30,6% dans les entreprises employant (3,3%) mais toujours plus élevée que dans les autres une organisation syndicale ne se trompe pas de
… plus de 500 salariés. secteurs avec un nombre de JINT en augmentation sujet et est sur le terrain en arrivant avec une
(117 jours pour 1000 salariés, contre 111 jours en démarche constructive, elle a fait la moitié du
n ombre de Journées individuelles Plus de la moitié des entreprises (58%) ont déclaré qu’une 2014). Plus de la moitié des entreprises de l’indus-
non Travaillées (JinT) de 1996 À 2015 ou plusieurs de ces grèves étaient menées dans le cadre trie concernées par des grèves déclarent la rémuné-
chemin. On cherche une solution dans l’intérêt de
des mobilisations sectorielles ou interprofessionnelles. ration comme motif de mobilisation (57%, contre 74% l’entreprise et de ses salariés, les organisations
2015 En 2015, trois grandes journées d’action interprofes- en 2014). Les entreprises des services ayant connu syndicales sont là pour contribuer à la perception
2014 sionnelle nationale ont eu lieu : au moins une grève en 2015 sont en diminution par du dialogue social auprès des salariés. Les accords
rapport à 2014 (1,2% contre 1,7%). Le nombre de
2013 de compétitivité ont permis le maintien du tissu
g 9 avril 2015 : une journée de mobilisation anti-austé- JINT y est de 25 jours pour 1 000 salariés, trois jours
2012 rité à l’appel de la CGT, FSU, FO et Solidaires. de plus qu’en 2014. Dans les services, les rémunéra- industriel et c’est à souligner. Nous avons traversé
2011 g 25 juin 2015 : une journée de mobilisation pour tions sont aussi le principal thème de mobilisation la crise vis-à-vis des salariés, même si de leur côté
2010
défendre les salaires dans le public et le privé organi- (44% des entreprises concernées). nous savons qu’à ce moment ils ont consenti à
2009
sée par la CGT et des mobilisations sectorielles (SNCF,
taxis, travailleurs sociaux).
beaucoup d’efforts.  / Patricia FOUACHE
2008 g 8 octobre 2015 : une journée de mobilisation de la Responsable des relations sociales internationales de Renault
2007 fonction publique, particulièrement de l’Education
nationale, pour défendre les salaires et la protection
2006
sociale, appelée par la CGT, la FSU et Solidaires.
600
2005 n ombre de Journées individuelles
Les grèves restent majoritairement motivées par des non Travaillées (JinT)
2004
par secTeur d ’acTiviTé 500
revendications salariales (pour 53% des entreprises qui
2003 en 2015
déclarent avoir connu au moins une grève, propension
2002 stable par rapport à 2014). Les revendications liées aux 400
2001 conditions de travail et à l’emploi, qui concernent respec- ¢ Industrie
tivement 18% et 17% des entreprises déclarant avoir ¢ Construction
2000 300
eu une ou plusieurs grèves, restent elles aussi relative- ¢ Commerce
1999 ment stables. En revanche, les conflits liés au temps de ¢ Services
1998 travail sont beaucoup plus souvent cités comme motif 200
de mobilisation par les salariés en 2015 (16% des entre-
1997
prises concernées contre 9% en 2014), ce qui est à relier
1996 100
à la mobilisation contre la loi pour la croissance,
Source : DARES, enquête ACEMO

Source : DARES, enquête ACEMO 0
« Dialogue social en entreprise »
« Dialogue social en entreprise » 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

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L’état du dialogue social L’état du dialogue social
en France en France

Entretien Entretien

w Sylvain LOBRY w Véronique BIARNAIX-ROCHE


Social Dialogue Director de Danone Représentante CFE-CGC au CESE
Secrétaire du Comité européen de Rio Tinto.
L’évolution des relations sociales au sein de Danone a été branches connexes) utilise régulièrement les conventions
marquée par des hommes tels qu’Antoine Riboud et Jean de Danone pour en faire des standards de l’industrie au
Léon Donnadieu, qui étaient convaincus que « l’homme ne niveau mondial. Danone participe de manière active, par
veut pas travailler seulement pour subsister, mais pour être ses modèles, au développement du dialogue social à l’in-
et se développer en participant ». En effet, Antoine Riboud, ternational. Le fait qu’Antoine Riboud ait exigé la présence
le fondateur et Jean Léon Donnadieu, le premier Directeur des organisations syndicales, que celles-ci aient été les . La responsabilité sociale
des Ressources Humaines, du groupe, ont durant près de bienvenues, qu’elles aient été considérées comme légi-
vingt ans, forgé une politique des ressources humaines times sur les sujets de management pour faire avancer n’appartient pas qu’à une élite sociale,
qui a construit l’identité même de l’entreprise. Sylvain les choses est intimement lié à sa vision de l’entreprise
Lobry, actuel Directeur des Relations sociales, plante le et à la place que l’humain doit y avoir. Néanmoins, il est elle appartient à tous. /
décor dès le début de notre entretien : « La culture du dia- utile de rappeler que cet engagement social n’est pas du
logue social est intrinsèque à l’histoire même chez Danone. tout philanthropique mais bien la volonté d’un dévelop-
Nous sommes un groupe fondé sur la transformation, on pement économique et social basé sur la recherche de
vient du verre plat, des bouteilles, puis on s’est dirigés la performance à tout prix avec la volonté d’être 100%
vers le contenant en passant à l’agroalimentaire dans économique et 100% social. Sylvain Lobry rajoute qu’il
des domaines très variés. Nous nous sommes recentrés n’est fait aucune concession sur les ambitions écono-
il y a quelques années sur les domaines de la santé mais miques du groupe. Pouvez-vous revenir sur votre engagement syndical ? Pensez-vous que les dernières ordonnances sur la
nous avons été en perpétuelle évolution. Aujourd’hui le Actuellement, le groupe a 10 conventions signées depuis Loi Travail vont apporter une amélioration pour le
groupe se tourne vers le végétal, le bio. Le dialogue social les années 1980 pour animer le dialogue social avec pour J’ai fait ma carrière professionnelle au sein du groupe dialogue social dans les entreprises ?
est donc primordial quand on a besoin de se réorganiser fil rouge le partage de l’information. Ces conventions Pechiney, Alcan puis de Rio Tinto en tant que cheffe de pro-
pour mettre en œuvre ces transformations ». traitent de l’information économique, de l’égalité profes- jet. J’ai débuté mon engagement syndical à la fédération Les ordonnances vont changer pas mal de choses du point
En effet, au fil des lectures d’ouvrages, d’articles, on s’aper- sionnelle entre les femmes et les hommes, de l’exercice CFC-CGC Chimie, en 2001 à la suite d’une rencontre avec de vue structurel et organisationnel. Mais ça existait déjà
çoit que le groupe Danone n’est pas une entreprise comme du droit syndical, des principes sociaux fondamentaux ou François Hommeril. J’ai exercé différents mandats syndi- dans le Code du travail. Il y avait des pénalités prévues en
les autres en matière de dialogue social et c’est aussi ce qui bien encore de la formation qualifiante. Très souvent ces caux sur le terrain, et notamment la fonction de Déléguée matière d’égalité Homme/Femme. Ça n’a jamais fait recu-
fait sa marque, son identité, et peut-on dire son succès ? mêmes accords ont été à l’avant-garde des droits sociaux. nationale à la Confédération au secteur du dialogue social ler un patron. J’ai été discriminée par rapport à certains
Le groupe a toujours eu des Pdg emblématiques et le duo Ainsi, le groupe signe une convention sur l’égalité profes- et de la formation initiale de 2008 à 2011. Je suis deve- hommes de mon groupe, jamais le travail syndical ou les
Antoine Riboud et Jean Léon Donnadieu a permis d’ancrer sionnelle entre les femmes et les hommes dans les années nue secrétaire du Comité européen de Rio Tinto en 2010 compétences syndicales ont été reconnus sur le papier. Les
des bases solides pour de nombreuses décennies. Comme 1990 alors qu’aucune législation ne l’y contraint. Les tra- et représentante de la CFE-CGC au CESE en 2015. Lorsque ordonnances ont apporté la caisse à outils mais ça ne résout
aime à le rappeler le fondateur du groupe Antoine Riboud, vaux du comité européen de dialogue social garantissent l’on est une femme c’est toujours difficile encore plus dans pas tout. Il faut une amélioration du statut du salarié syn-
Jean Léon Donnadieu, son DRH a su « convaincre les par- la qualité du dialogue social et le formalisent. Là aussi, on le monde industriel où c’est un monde d’homme. J’ai connu dicaliste et pour cela il faut généraliser la cotisation syn-
tenaires sociaux que l’amélioration des conditions de vie observe que l’accord cadre sur la santé-sécurité-stress au des débuts très difficiles, il faut être persévérant. Je me suis dicale. On peut se poser la question aujourd’hui d’une par-
et de travail doit être le fruit de concertation. Convaincre travail est un élément précurseur puisqu’il s’est traduit en battue, persévérée dans mon apprentissage et mes connais- tie des salariés, qui travaillent pour l’intérêt général sans
les dirigeants et la hiérarchie que contribuer à l’épanouis- 2017 par la signature d’un accord détaillé sur la Qualité sances. L’organisation syndicale m’a permis de progresser et en avoir de retour. Il faut donner du sens au paritarisme et
sement de l’homme dans son travail est une responsabi- de Vie au Travail en France. d’apprendre régulièrement. J’ai une carrière syndicale assez pourquoi pas, envisager de généraliser la cotisation syndi-
lité prioritaire, qui commande l’efficacité de l’entreprise Danone innove dans ses relations sociales et se renou- extraordinaire, fédérale, confédérale et aujourd’hui conseil- cale comme c’est le cas pour le patronat. La responsabilité
et réclame une capacité d’innovation comparable à celle velle en permanence. Les prises de position de son actuel lère au CESE. J’ai été pas mal discriminée. L’image du syndi- sociale que l’on exige de l’entreprise serait partagée par
exigée par le développement des marchés ». Pdg, Emmanuel Faber, poursuit l’héritage reçu d’une poli- caliste français est parfois difficile en entreprise. Les col- tous les salariés. Il y a une certaine inculture sur le pari-
Ainsi, dès les années 50, Jean Léon Donnadieu donne tique d’entreprise visionnaire pour ses salariés mais aussi lègues sont jaloux en pensant que vous avez du pouvoir et tarisme et le syndicalisme en France. Si la formation ini-
une vision moderne de la place de l’humain dans l’entre- pour la société dans son ensemble. Ses réflexions sur l’in- que vous êtes payés à ne rien faire. Ma carrière je l’ai mise tiale apprenait les éléments basiques du droit du travail, du
prise qui sera le démarrage du projet Danone et inspirera vestissement social, sur la responsabilité sociale de l’en- de côté de fait n’ayant plus de mission en entreprise depuis commerce, de la fiscalité on aurait déjà une meilleure base.
quelques décennies plus tard les Lois Auroux de 1982. treprise, ou bien encore le travail entrepris pour une révo- 2007, ma santé en a pris un coup, et la vie de famille éga- La responsabilité sociale n’appartient pas qu’à une élite
Parallèlement à cela, Antoine Riboud identifie très tôt lution alimentaire, concourent à l’image d’une entreprise lement. Après il y a des salariés qui reconnaissent ce que sociale, elle appartient à tous les citoyens et il est nécessaire
l’importance des organisations syndicales et leur rôle de unique en son genre, toujours en avance sur son époque. vous faites. Au CESE, le mardi et le mercredi nous sommes que chacun s’en empare pour mieux appréhender le monde
garde-fou. Il impose alors la présence de ces partenaires Danone a régulièrement posé les questions de société en réunion de travail ou en audition. Je reçois les documents du travail et la vie citoyenne.
dans tous les nouveaux pays où s’implante Danone. L’UITA qui traversaient son époque en se situant à l’avant-garde le vendredi. J’y passe le samedi et dimanche pour préparer
(Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de même du politique. les interventions et les réunions de la semaine suivante.
l'agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des

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2
Quel avenir
pour le
dialogue social
européen ?

/
Est-ce que le Sommet de Göteborg va relancer le dialogue social européen ?
Si les Etats membres peinent à s’entendre sur un salaire minimum européen,
les salariés européens sont majoritairement pour une harmonisation
des salaires dans leur entreprise.
Et si le dialogue social européen sectoriel était la clé vers un dialogue
social commun ?

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La parole
aux partenaires sociaux

Question

2 Dans quelle mesure l’Union européenne modifie-t-elle


les thématiques et conditions du dialogue social ?

w L. BERGER w F. HOMMERIL w P. LOUIS w P. MARTINEZ w J-C. MAILLY w F. ASSELIN w P. GATTAZ w A. GRISET

© MEDEF – 2016
Secrétaire Président Président Secrétaire Secrétaire Président Président Président
général confédéral CFTC général général CPME MEDEF U2P
CFDT CFE-CGC CGT CGT-FO

Le rôle des partenaires sociaux La CFE-CGC est pro-euro- Selon le Traité de Fonction- La politique gouvernementale On touche là aux modalités de Globalement, à ce stade, l’in- L’Union européenne nous Le dialogue social communau-
est reconnu dans les traités péenne et très impliquée sur la nement de l’UE, la Commission affaiblit notre modèle social, la construction européenne flation des normes et règles conduit à réinterroger nos pra- taire est un élément inhérent
européens, ils sont consultés question de l’Europe. Le pre- européenne a pour tâche de exception française que beau- marquées depuis une vingtaine européennes ne modifie pas tiques car elle nous confronte à la construction européenne.
dans tout projet de législation mier sujet qui nous intéresse promouvoir le dialogue social coup de peuples européens d’années par une logique éco- fondamentalement les théma- à d’autres systèmes de repré- Nous devons veiller à ce que
sociale européenne. La prio- c’est le comité européen d’en- et de l’engager avec les parte- regardent avec envie. C’est une nomique et sociale libérale et tiques et conditions du dia- sentation et de négociation. la multiplicité des sources de
rité donnée à la négociation treprise. C’est un acquis qu’il naires sociaux avant toutes politique austéritaire conforme dérégulatrice. Si la Commission logue social en France mais elle Le cadre normatif européen décisions ne conduise pas à
a permis des avancées sur le faut faire prospérer. De leurs prises de décisions relatives à à celle menée dans l’Union Juncker est moins brutale et influe, parfois très négative- invite à inventer de nouvelles réduire le champ du dialogue
dialogue social lui-même avec côtés, les confédérations euro- l’emploi et aux affaires sociales. européenne. cynique que la Commission ment, sur le fonctionnement formes de dialogue social, à social. Au contraire les parte-
le caractère obligatoire donné péennes doivent encore faire Les modalités n’étant pas pré- Barroso, il n’en reste pas moins de beaucoup d’entreprises travers notamment le Comité naires sociaux ont à explorer
à l’information et la consulta- preuve de leur utilité. Les orga- cisées, la Commission est libre Elle allie reculs sociaux pour le qu’on est toujours loin d’at- françaises et donc de notre de Groupe ou le Comité d’Entre- de nouveaux domaines des
tion des travailleurs, la généra- nisations sectorielles appor- d’en décider la forme : saisine plus grand nombre, dividendes teindre un équilibre entre le économie. prise Européen (non impactés relations du travail. Nous sou-
lisation de la mise en place des tent de réelles avancées con- d’un comité consultatif, consul- en hausse pour les grands social et l’économique, le social par les ordonnances Macron) : haitons en particulier contri-
comités d’entreprises dans les crètes et ont un agenda social tations publiques, nationales… groupes et affaiblissement de devant par ailleurs pour moi Au surplus, la traduction la diversité des pratiques, buer à l’objectif d’harmonisa-
pays où ils n’existaient pas et qu’elles mettent en pratique. Il en résulte un dialogue social la capacité d’agir pour les repré- l’emporter sur l’outil « zélée » des textes européens des réalités syndicales et des tion sociale au sein de l’Europe.
la création des comités d’en- Je ne pense pas qu’il y ait en partie initié et rythmé par sentants des salariés. En outre, économique. dans le droit français par l’Ad- approches permettent d’abor- Les entreprises comme les
treprises européens. Plus lar- une valeur ajoutée à harmo- l’UE. En France, les organisa- elle permet la négociation sans ministration aggrave dans de der les sujets entrepreneuriaux salariés ont en effet tout inté-
gement, cela a aussi beau- niser les modèles sociaux. tions syndicales sont consul- syndicats, ce qui constitue une Au plan syndical, les syndi- nombreux cas la complexité de façon beaucoup plus prag- rêt à limiter les sources de
coup apporté aux travailleurs Le modèle social est consubs- tées ponctuellement par le première en Europe. cats européens dans le cadre du « maquis réglementaire » matique et stratégique que concurrence déloyale d’un pays
partout en Europe en matière tantiel à l’histoire d’un pays. Comité du dialogue social pour Ainsi les ordonnances Macron de la CES (Confédération auquel font face les TPE/PME. dans des instances avec des membre à l’autre. Une déclinai-
d’égalité entre les hommes les questions européennes sur favorisent, par exemple, une Européenne des Syndicats) représentants d’un seul pays. son européenne du dialogue
et les femmes, dans la lutte des thématiques précises : négociation de gré à gré avec ont moult revendications et Les conditions d’application social est indispensable même
contre les discriminations ou en socle européen des droits un salarié isolé et non pro- propositions pour réorienter la de la réglementation euro- si elle ne doit pas empiéter sur
matière de santé et de sécurité sociaux, directive sur le travail tégé pendant que des milliers construction européenne, de péenne, avec les déroga- les prérogatives nationales.
au travail. Ces avancées sont détaché…, mais aussi de façon de licenciements frappent les plus en plus critiquée, voire reje- tions et les délais de mise en
surtout perceptibles dans les régulière à l’occasion du délégués syndicaux dès qu’ils tée, par les populations. œuvre parfois considérables
pays où la législation n’était semestre européen (la sont nommés. dont disposent certains pays
pas très protectrice dans ces Commission adresse chaque Mise en place d’un véritable de l’Union, finissent par créer
domaines, ce qui n’est pas le année à ses membres des pilier social, d’un protocole de des distorsions de concur-
cas en France. recommandations). droit social, révision de la direc- rence fortes, accentuées par
tive détachement, respect les niveaux de développement
Le dialogue social européen a Si la CFTC reconnaît la dyna- rigoureux des libertés fonda- très différents. L’exemple de la
encore plusieurs défis à rele- mique insufflée au dialogue mentales, mise en place d’un directive « travailleurs déta-
ver tant que les inégalités per- social par l’UE, elle regrette que trésor européen, relance de la chés » est un bon exemple de
sistent dans plusieurs Etats celui-ci relève de la seule initia- négociation collective y com- cette « dérive ».
membres et entre eux. La pro- tive de la Commission. Des pro- pris au plan européen, font par-
clamation d’un Socle euro- cédés plus flexibles permet- tie de ces revendications. Il est donc fondamental, avant
péen des droits sociaux, le traient aux partenaires sociaux tout nouveau « bond en avant »,
17 novembre 2017, a ouvert de demander l’ouverture de Il faut notamment stopper le de faire un bilan détaillé de la
de nouveaux chantiers pour discussions sur des sujets mouvement de dérégulation de « convergence » entre les 27
des emplois durables et une essentiels, mais non proposés la négociation collective. (-UK) pays en matière de droits
croissance inclusive. Le dia- par les instances européennes. sociaux, lié en parallèle à l’appli-
logue social, particulièrement cation effective dans tous les
au niveau national, est le meil- pays de l’Union européenne
leur outil pour atteindre ces des normes européennes déjà
objectifs. en vigueur.

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Partie 2

Quel avenir pour


le dialogue social LE SOCLE EUROPÉEN DES DROITS SOCIAUX
Un cadre légal contraignant

européen ?
De façon plus générale, il faut garder en tête que les politiques

L e socle européen des droits sociaux a été adopté le


17 novembre 2017 au sommet social de Göteborg
par les présidents du Parlement européen, du Conseil
sociales ou fiscales ne sont pas inscrites dans les traités de l’UE
comme relevant de sa compétence exclusive. Cela rend difficile
l’adoption de directives ou de règlements en matière sociale
de l’Union européenne et de la Commission européenne. ayant un caractère coercitif sur les États membres. L’article 153
Il liste vingt principes destinés à servir de cadre de réfé- du Traité de Fonctionnement de l’Union européenne (voir enca-
rence pour les politiques sociales aux niveaux natio- dré) est très clair quant aux compétences de l’UE en matière
nal et européen.
N ombre d’observateurs pro-européens sont convaincus
qu’il est difficile de maintenir un espace économique
européen sans développer en parallèle davantage une
plutôt que par les voies exécutives et législatives. Le fait
que cette approche soit si peu évoquée parait presque para-
doxal dans un contexte où l’Allemagne, première puissance
Le socle s’organise en trois chapitres : «égalité des
sociale. Il stipule notamment que l’UE « complète l’action des
États membres », qu’un vote à l’unanimité reste nécessaire pour
légiférer dans la plupart des domaines sociaux (comme la protec-
chances et accès au marché du travail», «conditions de
Europe sociale. Sans harmonisation au moins partielle des européenne, régule principalement les relations de travail tion contre le licenciement par exemple), et que certains thèmes,
travail équitables» et «protection sociale et insertion
droits des travailleurs européens, une mise en concurrence par le dialogue social au niveau des branches, tandis que la tels que les rémunérations, le droit d’association, ou le droit de
sociale». Parmi les 20 principes listés figurent notam-
accrue des pays de l’Union européenne (UE) via le marché France, deuxième puissance, ainsi que l’Espagne et l’Italie, grève restent entièrement en dehors des prérogatives de l’UE.
ment l’égalité entre les femmes et les hommes, l’en-
unique donne l’avantage aux pays capables de produire à viennent d’engager des réformes de grande ampleur visant couragement du dialogue social national, l’existence
coût moindre, et donc disposant d’un droit du travail moins à encourager un dialogue social « de proximité » dans les d’un salaire minimum dans chaque État adapté aux Il faut bien comprendre que dans une union à 27 pays, le vote à
contraignant. Cette concurrence entre États au sein même branches et les entreprises. Pour développer les droits conditions économiques nationales, la lutte contre les la majorité est une condition extrêmement restrictive qui rend
de l’UE crée des tensions politiques et peut mener à un sociaux en Europe, serait-il pertinent de développer une travailleurs pauvres, le droit à une protection sociale les chances d’adoption de directives pratiquement nulles. Le seul
nivellement par le bas des droits sociaux et des conditions approche similaire, plutôt que de légiférer par le haut ? adéquate, et le droit à un logement pour les sans-abris. domaine social pour lequel l’UE peut légiférer à la majorité quali-
de travail, ces derniers s’alignant petit à petit sur ceux des fiée27 de ses membres est « l’amélioration, notamment du milieu
pays les moins protecteurs. Il s’agit du fameux « dumping Le socle n’a aucune force légale et n’est pas contrai- de travail, pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs ».
social », qui génère des problèmes de compétitivité pour les
pays disposant de droits sociaux importants et ne peuvent
ainsi ajuster indéfiniment leur coût de production à la baisse.
1 LES POLITIQUES SOCIALES EUROPÉENNES
gnant du point de vue juridique. Il s’agit donc avant
tout d’une déclaration d’intention qui a cependant le
mérite de rendre les questions sociales visibles et de
C’est dans ce cadre très restreint que le président Macron a pu
obtenir un accord sur les travailleurs détachés.

Ce problème de « dumping social » est un enjeu de premier les inscrire au cœur des débats européens. Fondamentalement, c’est l’application du principe de subsi-
plan pour la France et son « modèle social ». Un renouveau depuis trois ans diarité qui rend difficile de légiférer en matière sociale, comme
l’indique clairement l’article 5 du Traité de l’UE :
Dans ce contexte, on peut remarquer que l’harmonisation Après des années de quasi-absence, l’importance des ques- Que penser de ces avancées sociales ? « En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne
sociale au sein de l’UE est presque toujours envisagée d’un tions sociales a été récemment réaffirmée par les institutions relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seu-
point de vue politique. Il s’agit d’obtenir la mise en place de l’Union européenne. Jean-Claude Juncker a ainsi réuni en D’abord, sur le plan politique, les évolutions récentes ne sont sans lement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisa-
de droits sociaux européens élargis par le truchement des mars 2015, et pour la première fois depuis 10 ans, un Sommet doute pas totalement déconnectées du Brexit. La sortie engagée gée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les
institutions européennes (notamment la Commission, du dialogue social. En juin 2016, le Vice-président Dombrovskis par le Royaume-Uni de l’Union européenne (qui devrait être effec- États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et
le Parlement et le Conseil). Cette voie se heurte à des diffi- et la commissaire Thyssen ont signé une déclaration commune tive le 29 mars 2019 à 23h) enlève un frein au développement local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des
cultés majeures tant les pays membres de l’UE ont des inté- relative à un « nouveau départ pour le dialogue social », avec des questions sociales en Europe. Les britanniques ont eu histo- effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union ».
rêts divergents sur ces questions (voir infra.). Les efforts pour objectif affiché d’associer plus étroitement les partenaires riquement une position presque symétrique de celle des français : En pratique, le principe de subsidiarité, combiné au fait que le
récemment déployés pour obtenir quelques timides avan- sociaux au semestre européen et à l’élaboration des politiques. ils ont toujours perçu les régulations européennes comme un social ne relève pas de la compétence exclusive de l’UE, rend diffi-
cées sur les travailleurs détachés en témoignent. L’année 2017 a été encore plus riche. En avril, la Commission a frein au développement de leur modèle libéral. Le discours de cile l’établissement de règles sociales communes au sein de l’UE.
présenté une proposition relative à la mise en place d’un socle Theresa May à Davos en 2017 en témoigne clairement. Elle y
La gouvernance et l’organisation politique de l’UE telles européen des droits sociaux. En septembre, dans son discours prône le retour d’une Grande-Bretagne « globale » qui jouera
qu’elles ont été construites par les traités sont souvent poin- sur l’état de l’Union, Jean-Claude Juncker a réaffirmé clairement à l’avenir « un nouveau rôle pour défendre le marché libre ».
tées comme peu adaptées à la construction d’une Europe l’importance des droits sociaux : « Si nous voulons mettre fin Ensuite, même si les questions sociales occupent de nouveau
sociale (ou fiscale). Les propositions de réforme des institu- à la fragmentation et au dumping social en Europe, les États l’espace politique, il faut nuancer l’effectivité des évolutions 26/ Voir par exemple : Hennette, S., Piketty, T., Sacriste, G., & Vauchez, A.
tions européennes visant à favoriser le social ne manquent membres devront se mettre d’accord sur le socle européen des récentes. Les dispositions du socle européen des droits sociaux (2017). Pour un traité de démocratisation de l’Europe. Le Seuil.
d’ailleurs pas26. Mais, face à ces difficultés, une autre voie droits sociaux aussi rapidement que possible. ». Ce socle des ne sont par exemple pas contraignantes. Elles constituent un 27/ Obtenue par accord d’au moins 55 % des États membres représentant
est également possible : construire une Europe sociale par droits sociaux (voir encadré) a finalement été adopté par les États ensemble d’engagements dont le respect dépend largement de au moins 65 % de la population de l’UE pour une proposition émanant
la concertation des partenaires sociaux et le dialogue social, membres au sommet social de Göteborg en novembre dernier. la bonne volonté des États membres. de la Commission (72% des états membres sinon).

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2017 - 2018 2017 - 2018
Quel avenir pour le dialogue Quel avenir pour le dialogue
social européen ? social européen ?

Entretien

w Thiébaut WEBER
Secrétaire confédéral de la CES

. L’amélioration de l’accès à la formation


professionnelle pour tous est un enjeu
L’ARTICLE 153 DU TRAITÉ DE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE (TRAITÉ DE LISBONNE) pour le dialogue social européen
des prochaines années. /
1. En vue de réaliser les objectifs visés à l’article 151, 2. À cette fin, le Parlement européen et le Conseil :
l’Union soutient et complète l’action des États membres
dans les domaines suivants : g peuvent arrêter, dans les domaines visés au para-
graphe 1, points a) à i), par voie de directives, des pres-
a l’amélioration, notamment du milieu de travail, pour proté- criptions minimales applicables progressivement,
ger la santé et la sécurité des travailleurs ; compte tenu des conditions et des réglementations
b les conditions de travail ; techniques existant dans chacun des États membres. Quel impact du dialogue social européen sur le dialogue
Ces directives évitent d’imposer des contraintes social français ?
c la Sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs ;
administratives, financières et juridiques telles
d la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat qu’elles contrarieraient la création et le déve- Le 17 novembre dernier, le sommet de Göteborg a été un La France faisant partie des pays les plus avancés sur les
de travail ; loppement de petites et moyennes entreprises. symbole pour une Europe sociale. Cela faisait 17 ans que l’en- questions sociales, ce n’est sans doute pas sur notre pays
e l’information et la consultation des travailleurs ; Le Parlement européen et le Conseil statuent conformé- semble des chefs d’Etats européens ne s’étaient pas réunis que le socle va avoir le plus d’impact. Mais dès lors qu’on
f la représentation et la défense collective des intérêts des ment à la procédure législative ordinaire après consultation pour parler des droits sociaux, depuis la Charte des droits agit pour réduire les écarts abyssaux qui existent en
travailleurs et des employeurs, y compris la cogestion, sous du Comité économique et social et du Comité des régions. fondamentaux. Elle n’en n’est pas devenue plus sociale à la matière de droits et de salaires en Europe, on protège
réserve du paragraphe 5 ; Dans les domaines visés au paragraphe 1, points c), d), f) suite de ce sommet et tout dépendra des politiques et des aussi les droits sociaux des salariés français. Réduire
et g), le Conseil statue conformément à une procédure légis- mises en œuvre réelles qui s’en suivront. l’écart salarial avec les salariés des pays de l’Est, c’est non
g les conditions d’emploi des ressortissants des pays tiers se
lative spéciale, à l’unanimité, après consultation du Parlement La Confédération européenne des syndicats (CES) demande seulement améliorer leurs conditions de travail mais c’est
trouvant en séjour régulier sur le territoire de l’Union ;
européen et desdits Comités. la mise en œuvre d’une feuille de route pour mettre en pra- aussi améliorer les conditions de travail des salariés fran-
h l’intégration des personnes exclues du marché du travail, (.…) tique les principes compris dans le socle et remettre les çais en réduisant la compétition salariale avec les pays de
sans préjudice de l’article 166 ; droits sociaux au cœur des débats sur l’Europe. Parmi les l’Est sur laquelle jouent certains employeurs et entreprises
i l’égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne leurs 4. Les dispositions arrêtées en vertu du présent article : premières pierres à poser sur ce socle, 3 initiatives majeures multinationales.
chances sur le marché du travail et le traitement dans le sont actuellement en discussion à Bruxelles et devront être L’Europe a été précurseur, dans les années 2000, pour éta-
travail ; g ne portent pas atteinte à la faculté reconnue aux États mises en place avant les élections européennes de 2019.  blir de nouveaux droits et lutter contre les discriminations.
j la lutte contre l’exclusion sociale ; membres de définir les principes fondamentaux de leur Il s’agit d’abord d’une initiative pour améliorer les droits Elle doit maintenant relancer la convergence sociale. Les
système de Sécurité sociale et ne doivent pas en affecter des travailleurs précaires et “atypiques”. Cette directive évolutions numériques et technologiques en cours nous
k la modernisation des systèmes de protection sociale, sans sensiblement l’équilibre financier ; devrait couvrir tous les travailleurs y compris les indépen- obligent à anticiper au mieux les impacts sur l’humain et
préjudice du point c). g ne peuvent empêcher un État membre de maintenir ou dants et ceux qui travaillent pour une plateforme de l’éco- doivent contribuer aussi à relancer les discussions entre
d’établir des mesures de protection plus strictes compa- nomie collaborative. Les deux autres initiatives en discus- partenaires sociaux européens. Un enjeu pour le dialogue
tibles avec les traités. sion visent pour l’une à garantir une couverture universelle social européen des prochaines années serait notam-
en matière de protection sociale et l’autre à mettre en place ment de garantir un droit européen à la formation afin
5. Les dispositions du présent article ne s’appliquent ni une Autorité européenne du travail, que nous voyons de consolider l’atout pour l’Europe qu’est le niveau de
aux rémunérations, ni au droit d’association, ni au droit de comme une opportunité pour lutter contre les pratiques qualification de sa main d’œuvre et améliorer l’accès à
grève, ni au droit de lock-out. organisées de dumping social. la formation professionnelle pour tous.

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Quel avenir pour le dialogue
social européen ?

Des intérêts divergents entre les pays membres

Introduite en 1986, la possibilité de légiférer à la majorité qualifiée


les accords. Pour ces pays, passer par le biais législatif ne va pas
de soi. Les syndicats des pays du Nord y sont d’ailleurs plutôt
opposés. En effet, du fait des fortes disparités économiques et
2  E DIALOGUE SOCIAL
L
DANS LES ENTREPRISES
travail et de rémunération au sein de l’entreprise. Concernant
les rémunérations par exemple, 80% des salariés français,
britanniques, italiens, espagnols ou allemands souhaitent une
concernant « l’amélioration, en particulier, du milieu de travail pour sociales entre les membres de l’UE, il est clair que le droit social telle harmonisation. Même les salariés allemands, qui sont en
protéger la santé et la sécurité des travailleurs » ouvrit concrète- européen ne pourra d’abord se développer que sur la base de dis- En 1980, la première tentative pour établir des droits transnatio- moyenne mieux rémunérés, et les britanniques, qui sont peut-
ment la voie à de possibles avancées législatives en matière sociale positions minimales bien en-deçà des droits sociaux négociés naux d’information et de consultation des travailleurs dans les être moins portés vers l’Europe, sont respectivement 74% et
(sur des domaines néanmoins très restreints). Mais les possibili- dans ces pays. Les syndicats des pays du Nord craignent alors que entreprises multinationales se solde par un échec et les comi- 73% à souhaiter l’harmonisation des salaires dans leur entreprise.
tés ouvertes se heurtent à un obstacle fondamental : en matière le droit social européen n’affaiblisse leur capacité à négocier en tés d’entreprise européens sont pratiquement inexistants. Une
sociale, les pays membres de l’UE disposent de niveaux de protec- introduisant un point de référence très bas, et dont les employeurs directive est finalement adoptée en 199429. Les comités d’en- Cette demande de dialogue social à l’échelle européenne dans
tion et de systèmes de régulation très différents, et leurs intérêts pourraient se servir dans les négociations. treprises européens (CEE) se mettent en place rapidement. La leur entreprise contraste avec la grande méconnaissance
ne sont pas toujours concordants. Les obstacles à l’obtention d’un banque de données du European Trade Union Institute (le centre qu’ont les salariés de ce dialogue social. Ainsi, à la question :
consensus large entre les pays de l’UE sont de trois types : éco- Les obstacles politiques sont davantage liés à la culture politique de recherches de la Confédération européenne des syndicats) « savez-vous ce qu’est le dialogue social européen »,
nomiques, institutionnels et politiques. plus ou moins libérale des pays plutôt qu’aux institutions du dia- en recense 1113 en 2017. Leur composition dépend des règles 58 % des français répondent « Non, pas du tout ».
Les obstacles économiques concernent principalement les pays logue social. Les pays pour lesquels les régulations sont, de façon nationales, le nombre de sièges étant fixé par accord. A côté des
d’Europe de l’Est. Du fait de leurs droits sociaux plus limités (et générale, vues comme des entraves à la liberté d’entreprendre syndicats, peuvent siéger des élus et des salariés sans étiquette, En parallèle des CEE, il existe également depuis 2004 le statut
donc de leur coût du travail inférieur), ces pays bénéficient d’un sont naturellement peu enclins à avoir les mains liées par l’élabo- notamment pour les petits pays. de la société européenne qui offre aux entreprises une structure
avantage compétitif au sein de l’UE. L’existence du marché unique ration de normes sociales européennes. Avec le départ annoncé juridique adaptée au marché intérieur, en évitant les contraintes
et les facilités offertes aux entreprises des autres pays pour faire du Royaume-Uni de l’UE, ce troisième type d’obstacle se trouve En l’absence de statistiques sur le nombre d’entreprises de l’UE juridiques et pratiques qui résultent de la multiplicité des ordres
appel aux travailleurs des pays de l’Est ou aller s’implanter directe- largement réduit. opérant dans plusieurs pays différents, il est difficile de savoir juridiques nationaux. On compte en 2017 environ 2900 sociétés
ment dans ces pays contribuent au rattrapage économique de ces Mais les autres difficultés demeurent cependant comme l’illustrent précisément dans quelle mesure les entreprises à dimension euro- ayant ce statut en Europe, même si, selon le European Trade Union
pays. On peut penser qu’une fois le retard économique de ces pays les débats sur le salaire minimum européen. Cela invite à se pen- péenne respectent effectivement leurs obligations légales en la Institute, un certain nombre d’entre-elles sont des coquilles vides.
comblé, ils seront davantage disposés à mettre en place des droits cher sur le dialogue social entre partenaires sociaux, au niveau matière. Et l’existence légale d’un CEE ne signifie pas non plus
sociaux au niveau de l’Europe. Mais ce raisonnement se heurte à
deux écueils. D’abord, au rythme actuel de convergence, un tel rat-
interprofessionnel, mais aussi dans les branches et les entreprises. que celui-ci est réellement actif. Au final les statistiques agré-
gées ne permettent pas de rendre clairement compte du dyna-
. Au niveau européen nous avons un selected
trapage n’aura pas lieu avant plusieurs décennies. Ensuite, l’idée misme du dialogue social transnational en Europe. Les entretiens comittee (comité restreint) qui est une émanation
que la convergence économique puisse engendrer la convergence menés par Humanis auprès de DRH de grands groupes euro- du comité européen, ils sont 4 sur 21 membres.
sociale est un vœu pieux : les pays profitant d’un avantage com- péens montrent que les pratiques en la matière peuvent différer Le Directeur des Ressources Humaines rencontre
pétitif leur permettant d’améliorer leur balance commerciale et la fortement. Certaines entreprises sont très dynamiques alors que ses membres une fois par mois sauf en août pour
santé de leur économie n’ont pas d’intérêt stratégique évident à d’autres se contentent, au mieux, de satisfaire à leurs obligations.
une réunion d’une demi-journée. Cette fréquence
mettre fin à une telle situation, et cela quel que soit leur niveau
de richesse. L’Allemagne en est un bon exemple. La réduction du Ces entretiens révèlent également que le dialogue social informel est importante et il faut y passer du temps.
coût du travail, la limitation de la protection sociale (notamment joue souvent un rôle essentiel, soit en complément du dialogue Nous sommes également attentif à la partie de
l’assurance chômage), et l’affaiblissement de la négociation col- social formel, soit en l’absence de celui-ci. Jean-Christophe Sciberras dialogue social informel. Les réunions se passent
lective qui y ont été opéré depuis les années 1990 ont certaine-
ment contribué à son succès économique28. Si l’introduction d’un . Les inégalités entre nos pays européens ne
explique par exemple que le dialogue social européen au sein du
groupe Solvay inclut systématiquement des échanges informels.
à Bruxelles ou dans une usine du groupe. /

salaire minimum en Allemagne en 2015 témoigne d’une volonté doivent être ni un handicap ni un prétexte pour Les réunions formelles nécessitant des déplacements sur plusieurs Jean-Christophe SCIBERRAS
de remettre en place des protections pour les salariés, force est de ne rien faire, mais au contraire un stimulant pour jours à Bruxelles ou sur un site du groupe, elles sont souvent pré- Directeur des Ressources Humaines de Solvay
constater que les Allemands ne sont pas particulièrement moteur cédées d’un diner sans ordre du jour qui facile l’échange d’infor-
réduire ces inégalités, au travers de la négociation
en matière d’élaboration de normes sociales européennes. Et on mations et la remontée de problèmes éventuels sur le terrain. Les
peut les comprendre : il n’y a qu’un intérêt assez limité à court terme. aux niveaux national, sectoriel, européen. Le statistiques disponibles sur les comités d’entreprise ou de groupe 28/ Les analyses sur la cause exacte du succès allemand ne sont pas totalement
Viennent ensuite les obstacles institutionnels, qui sont liés aux dialogue social, en synergie avec le législateur, européens ne permettent pas non plus d’appréhender ce dialogue concordantes mais inclut systématiquement les facteurs cités ici. Voir par
exemple : Dustmann, C., Fitzenberger, B., Schönberg, U., & Spitz-Oener, A. (2014).
très fortes différences entre pays européens des modes de régu- doit permettre d’harmoniser dans le progrès nos social informel. En particulier, il est clair que certaines PME euro-
From sick man of Europe to economic superstar: Germany’s resurgent economy.
lation des questions sociales. Certains pays (typiquement les situations sociales afin que nos différences ne péennes pratiquent un dialogue social informel, qui peut parfois The Journal of Economic Perspectives, 28(1), 167-188.
pays du nord de l’Europe) élaborent leurs normes sociales via être assez développé, même en l’absence de comités dédiés. Le
le dialogue social entre les partenaires sociaux et les accords
deviennent pas des divergences, causes d’un sondage Odoxa réalisé par Humanis montre par ailleurs qu’il existe
29/ Directive 94/45/CE du Conseil du 22 septembre 1994 concernant l’institu-

collectifs. Dans ces pays, le droit du travail n’existe pas, ou il est possible dumping social. / une demande très forte des salariés des multinationales pour
tion d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises
et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer
tout au plus la retranscription légale des dispositions inclus dans  Jacques DELORS une harmonisation à l’échelle européenne de leurs conditions de et de consulter les travailleurs.

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du dialogue social en
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Quel avenir pour le dialogue
social européen ?

Entretien

w Guillaume BALAS
Député européen. Rapporteur de la proposition
. Aujourd’hui,
de résolution du Parlement européen
sur le dumping social dans l’Union européenne.
aucune entreprise au monde
ne peut se passer du marché
intérieur européen. /

Pouvez-vous nous donner un dans une moindre mesure, les comités qui suivent à la lettre l’évolution de modèle, ils combattent le salaire mini- Est-ce que l’Europe sociale a encore
aperçu du dialogue social euro- d’entreprises européens qui n'en sont la législation européenne. Les autres mum.Il faudrait un espace de dialogue un sens ?
péen tel que vous le vivez en tant qu’à la Préhistoire. Or, en tant que légis- viennent se battre. C’est un cas général social avec des avis permanents, un peu
que député européen ? lateur, en tant que député européen de la France par rapport à l’Union euro- efficient et qui puisse montrer que la Aujourd’hui, aucune entreprise au monde
cela nous manque cruellement. péenne qui n’a pas de position sur un CES et Business Europe, par exemple, ne peut se passer du marché intérieur
Nous avons une Commission euro- Aujourd’hui, on ne peut pas avancer certain nombre de sujets. ont pu négocier sur tel ou tel sujet dans européen. Malheureusement nous
péenne qui dans tous les textes d’in- qu’il y a réellement une volonté de La représentation permanente fran- un temps donné. Cela permettrait pour n’avons pas de majorité pour créer une
tention, les grandes planifications structuration politique du dialogue çaise est un peu plus mobilisée depuis nous, parlementaires, d’avoir des options Europe sociale. Nous devons réfléchir
annuelles, distille le terme dialogue social, ça ne veut pas dire qu’il n’existe la nouvelle mandature. différentes que de travailler uniquement à comment créer des mobilisations
social partout où elle le peut. C’est aussi pas par les acteurs eux-mêmes mais sur la législation. citoyennes transversales. Il y a une
un poncif dans les débats des députés c’est quand même très léger. Et c’est Y a-t-il un véritable espace pour Il faudrait une offensive de la CES, vraie logique citoyenne à créer et une
européens sur le fait qu’il faut du dia- ça qui nous manque. que vive le dialogue social euro- des institutions paritaires nationales, conscientisation de ce que doit être
logue social et qui s’interrogent sur ce péen ? d’organisations de l’économie sociale l’Europe. Nous avons un sujet sur lequel
que pensent les partenaires sociaux. Pensez-vous que cela puisse chan- pour un espace social européen et alors les citoyens ont compris que tout se
Or, lorsque l’on regarde la réalité des ger dans les années à venir ? La question des espaces de dialogue le patronat serait à peu près obligé jouait au niveau européen, c’est l’envi-
textes européens on s’aperçoit que social est essentielle. d’accepter mais ça serait encore mieux si ronnement. Il est donc essentiel de ne
les partenaires sociaux ne sont abso- Le pilier des droits sociaux aurait Il n’y a rien aujourd’hui qui impose la il y avait une impulsion politique. pas passer à côté et d’avoir une société
lument pas consultés comme il le fau- pu être une occasion d’une réelle concertation avant la prise de déci- civile organisée. Pour cela plusieurs
drait. Pour exemple, il n’y a eu aucune avancée en matière de droit social. sion sur les affaires sociales. C’est lié Pourrait-on envisager d’avoir un facteurs entrent en ligne de compte.
concertation des partenaires sociaux En réalité il n’y a pas eu de volonté aussi à l’aspect juridique de la question droit social européen au niveau En effet qui sera capable de porter poli-
sur le pilier des droits sociaux, qui politique de structuration, de l’ordre sociale en Europe. Certains pensent des branches ? En effet on peut voir tiquement la question sociale tout en
était une des promesses du président du projet de construction d’un espace que c’est le rôle des Etats-nations, qu’en France on décentralise, qu’en favorisant une mobilisation citoyenne
de la Commission européenne, Jean- de concertation sociale. C’est une véri- d’autres pensent qu’il faut se battre Espagne aussi et en Allemagne dans mais également institutionnelle en uti-
Claude Juncker. table occasion manquée du politique. pour dire que ce n’est pas tout à fait une moindre mesure. lisant l’outil numérique à bon escient ?
Je m’aperçois que c’est plus sou- Pendant longtemps, J’ai eu plus de vrai. En effet, si l’on prend les articles
vent les députés, membres de la contacts avec l’UIMM, le MEDEF, la 151-153 du traité de fonctionnement Oui, même si aujourd’hui il y a encore
Commission Affaires sociales et Emploi, CAPEB, la Fédération du bâtiment que de l’UE, il y a bien un champ où l’on peut une tension entre ceux qui veulent un
qui sont plus informés que les par- les syndicats français, sauf les perma- agir. Or, aujourd’hui, les Etats-Nations dialogue social dans l’entreprise et
tenaires sociaux sur ce que va faire nents français de la CES. Je note une n’ont aucune envie de fédéraliser la ceux qui souhaitent garder le pouvoir
la Commission européenne. A part évolution récente et positive à ce sujet. question du dialogue social et de la au niveau des branches. C’est déjà le
des secteurs où il y a eu des avan- politique sociale. Les Etats membres et cas dans certains secteurs tels que le
cées depuis de nombreuses années Les grandes confédérations françaises, y compris le nôtre ne souhaitent pas une transport, le bâtiment… Il pourrait y avoir
comme le secteur de la construction, y compris celles qui se considèrent pro- harmonisation. Encore moins les pays des éléments incitatifs. Ça existe mais
nous n’avons pas encore construit les européennes, ne sollicitent pas assez du Nord qui considèrent aujourd’hui c’est extrêmement rare.
outils d’un véritable dialogue social les parlementaires. Je suis frappé de que toute avancée vers l’harmonisation
européen. On peut évoquer, mais la dissymétrie dans les autres pays sociale est un danger pour leur propre

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Quel avenir pour le dialogue
social européen ?

n ombre de comiTés d’enTreprise


eT de comiTés de groupe européens D eux remarques, l’une positive, l’autre plus nuancée, méritent
d’être faites concernant le dialogue social d’entreprise euro-
péen. D’abord, l’Europe n’est pas forcément le niveau d’harmonisa-
Ce mécanisme d’extension s’appliquerait jusqu’à la tenue de
nouvelles élections professionnelles qui incluraient automati-
quement tous les pays dans lesquels l’entreprise est présente, y
Du point de vue de l’équité entre travailleurs, l’harmonisation des
conditions de travail des salariés d’une même entreprise à l’échelle
européenne semble aller de soi, et ce sont ces questions d’équité
tion le plus pertinent pour les multinationales opérant également compris ceux où elle vient de s’implanter. qui légitiment les propositions faites ci-dessus. Mais il faut mal-
0 200 400 600 800 1000 1200 dans des pays extérieurs à l’UE. Il paraît en effet un peu suspect de Au-delà de son objectif poursuivi d’harmonisation des droits heureusement rappeler les implications économiques potentiel-
2017 négocier des droits transnationaux qui couvriraient, du fait d’obli- sociaux pour des travailleurs exerçant des activités similaires, un lement très négatives de telles propositions. A limiter le dumping
2016 gations légales, certains pays mais pas d’autres. Les entreprises tel «mécanisme» de négociation aurait pour vertu de familiariser social via les délocalisations au sein de l’UE, le risque est en effet de
ayant initié un dialogue social au niveau européen l’ont ainsi fré- davantage au dialogue social les pays de l’UE dans lesquels il est voir les entreprises délocaliser (davantage) en dehors de l’Europe.
2015
quemment étendu au niveau mondial. En ce sens, la directive euro- peu développé. La faible culture, ou le faible développement du dia- Le prix à payer pour plus d’équité au sein de l’UE peut ainsi être élevé.
2014
péenne de 1994 sur les CEE a eu des répercussions au-delà de logue social dans certains pays de l’UE (par exemple dans certains Mais à raisonner de cette manière, on peut rejeter toute forme
2013
l’Europe et a pu servir de catalyseur pour initier un véritable dia- pays de l’ex Union Soviétique, où il a été historiquement fortement d’harmonisation sociale qui ne serait pas directement faite à
2012 logue social au niveau mondial pour certains grands groupes. muselé) est un problème de taille pour le développement de ce dia- l’échelle mondiale. Or, l’harmonisation à l’échelle mondiale n’a
2011 Ensuite, le dialogue social au niveau des entreprises ne peut logue à l’échelle européenne. Il est difficile, sans faire d’ingérence, aucune chance d’advenir si de gros blocs de pays ne commencent
2010 malheureusement résoudre que partiellement les problèmes d’aider ces pays à développer des institutions de dialogue social pas par montrer l’exemple. L’Europe, par son histoire et son niveau
2009 de dumping social au sein de l’UE, simplement parce que celui-ci de qualité. En revanche, en favorisant le dialogue social européen de développement, semble bien placée pour jouer la carte du pro-
2008 découle largement de la concurrence entre des entreprises pour les entreprises transnationales, la législation européenne grès social, même si cela doit se faire au prix de quelques points de
2007 distinctes (et souvent à dimension nationale uniquement) opé- peut montrer clairement ce que peuvent être ces institutions de croissance à court-terme. Et si l’on met en place des droits sociaux
2006 rant sous des juridictions de l’UE plus ou moins contraignantes qualité, et servir d’exemple pour les politiques nationales visant à conséquents à l’échelle européenne, on peut même imaginer intro-
2005 du point de vue des droits sociaux. Si ses attributions étaient faire émerger des partenaires sociaux indépendants, forts, démo- duire une forme de protectionnisme économique à l’échelle euro-
2004 étendues, le CEE pourrait néanmoins permettre d’éviter en cratiques et représentatifs. péenne en refusant de commercer (ou en réintroduisant des bar-
partie le dumping social qui s’opère via les délocalisations. rières douanières importantes) avec les pays ayant des droits
2003
Pour cela, il faudrait par exemple que les partenaires sociaux Pour légitimer des mesures visant à encourager la mise en place sociaux (ou une fiscalité) trop limités. Ce type de protectionnisme,
2002
au sein de chaque entreprise soient très bien coordonnés d’accords d’entreprise transnationaux, on peut remarquer que leur qui n’est pas construit autour de logiques identitaires et de repli
2001
d’un pays à l’autre, ce qui semble difficile. absence revient à autoriser de fait les discriminations au travail sur soi, aurait du sens du point de vue socio-économique. Il s’agi-
2000 Une option alternative et plus prometteuse serait de rendre la liées à la nationalité ou au pays dans lequel on travaille. En effet, rait simplement de définir les règles permettant de rendre viable
1999 négociation collective au niveau européen obligatoire et pré- si ce sont seulement les droits du travail nationaux qui régissent le modèle socioéconomique que les européens se seraient choisis.
1998 pondérante pour les entreprises opérant dans plusieurs pays. les conditions de travail de salariés exerçant des métiers simi-
1997 Á cela s'ajouterait la mise en place de procédures d’extension laires au sein d’une même entreprise, il n’y a aucune raison que soit
1996 automatique, à l’ensemble des pays de l’UE, d’accords à portée appliqué pour ces salariés le principe « à travail égal, salaire égal ». . Quand on est dans un certain nombre de
1995 nationale ou ne concernant que quelques pays. De nombreux Par la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, pays, comprendre qu’il n’y a pas qu’une vérité,
1994 détails doivent être précisés pour qu’une telle option puisse l’UE a pourtant définit un cadre général assez strict en faveur de
fonctionner. Il faut par exemple clairement définir les critères de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Les discri-
accepter la différence, c’est déjà un très grand
1993
représentativité des syndicats négociant au niveau européen. minations fondées sur la race ou l’origine ethnique, la religion ou progrès. C’est une grande force, ça contraint
1992
1991 On peut par exemple imaginer asseoir cette représentativité les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle sont l’acceptation de l’autre, l’écoute.
sur des élections professionnelles transnationales qui donne- interdites au sein des entreprises de l’UE. Ces mêmes entreprises Depuis 4 ans nous avons créé les ateliers
1990
raient aux représentants des salariés une vraie légitimité pour ont en revanche le droit de traiter de façon différente des salariés
1989 d’échanges inter pays qui permettent d’avoir des
négocier et signer des accords au niveau européen. Des accords résidant dans différents pays membres. Du point de vue de la lutte
1988 nationaux pourraient ensuite bien sûr venir compléter et renfor- contre les discriminations, un domaine dans lequel l’UE a été parti- échanges d’expériences, de pratiques syndicales,
1987 cer ces accords d’entreprise européens, et éventuellement déro- culièrement moteur, cela ne va pas de soi. Ajouter la nationalité à les bonnes pratiques. /
1986 ger à la baisse sur certaines dispositions, mais uniquement dans la liste des caractéristiques sur lesquelles ne peut se fonder la dis- Patricia FOUACHE
1985 des domaines clairement spécifiés, selon le même modèle que crimination, et autoriser les salariés à porter devant une juridiction Responsable des relations sociales internationales de Renault
celui qui vient d’entrer en vigueur en France. Enfin, lorsqu’une européenne (donc supranationale) dédiée les cas de discrimination
¢ Dissous ¢ Actifs ¢ Nouveaux entreprise européenne s’implanterait dans un nouveau pays, concernant plusieurs pays de l’UE suffirait en pratique à interdire
30/ Il faudrait soit délocaliser d’un seul coup l’intégralité d’un métier donné,
Source : Statistique du European Trade Union Institutes elle serait automatiquement couverte par les accords européens les différences de conditions de travail entre pays de l’UE au sein soit délocaliser progressivement puis limiter les droits des travailleurs
(European Work Councils database). en vigueur dans l’entreprise, ou par les accords nationaux exis- d’une même entreprise, et limiterait largement les opportunités du nouveau pays une fois qu’il n’y a plus personne effectuant le même métier
tants si l’entreprise n’a pas encore de dimension européenne. de délocalisation30. dans le pays d’origine.

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social européen ?

3  E DIALOGUE SOCIAL DANS LES BRANCHES


L
ET AU NIVEAU INTERPROFESSIONNEL
gements qu’il introduit pour accélérer la convergence vers le mar-
ché unique est le passage du vote à l’unanimité au vote à la majo-
rité qualifiée dans un grand nombre de domaines. Certains ont pu
LES PARTENAIRES SOCIAUX REPRÉSENTATIFS
À L’ÉCHELLE EUROPÉENNE
à la politique sociale et reprécise clairement le rôle des parte-
naires sociaux, l’obligation de les consulter dans le domaine social,
et les conditions de validation juridique éventuelle des accords
regretter que les questions sociales aient été largement exclues qu’ils concluent. En pratique, une double consultation des parte-
Brève histoire des développements institutionnels en de cette procédure de vote à la majorité qualifiée. L’article 118A de Seuls trois partenaires sociaux sont reconnus pour participer naires sociaux est requise, en amont et en aval de tout processus
faveur du dialogue social européen l’acte autorise cependant pour la première fois de manière explicite au dialogue social européen par la Commission européenne. législatif sur les questions sociales. De plus, les partenaires sociaux
la possibilité de réglementer les conditions d’hygiène et de sécurité ont au cours de ces phases de consultation la possibilité de s’en-
Présent dès le Traité de Rome en 1957, le dialogue social entre sur les lieux de travail en passant justement par un vote à la majo- La Confédération Européenne des Syndicats (CES) gager à tout moment dans un processus de négociation entre
organisations représentatives des salariés et des employeurs est rité qualifié32. Cet article constitue certainement un premier pas eux, ce qui suspend alors temporairement l’initiative législative.
resté très limité jusqu’au milieu des années 1980. Il se limitait le plus réglementaire d’envergure vers l’émergence d’une Europe sociale. Représentant les intérêts des salariés, elle regroupe 89 orga- Ils disposent alors d’un délai de neuf mois pour parvenir à un accord.
souvent aux secteurs directement concernés par la Communauté nisations nationales issues de 39 pays européens ainsi que S’ils n’y parviennent pas, la Commission peut décider de tout de
Européenne du Charbon et de l’Acier. En matière de dialogue social, l’article 118B de l’acte stipule que 10 fédérations professionnelles européennes, représentant même poursuivre le travail législatif engagé. Les partenaires
«la Commission s’efforce de développer le dialogue entre parte- plus de 45 millions de membres. La CES se donne comme sociaux doivent également être consultés aux phases ultérieures
Le dialogue social entre partenaires sociaux ne nait réellement que naires sociaux au niveau européen pouvant déboucher, si ces der- objectif majeur de « promouvoir le modèle social européen et de mise en œuvre du droit européen, et en cas de litige devant la
sous l’impulsion de Jacques Delors, lorsqu’il est nommé à la prési- niers l’estiment souhaitable, sur des relations conventionnelles», d’œuvrer au développement d’une Europe unifiée de paix et Cour de justice de l’UE concernant les accords qu’ils ont produits.
dence de la Commission européenne. Jacques Delors réunit plu- donnant ainsi une contrepartie légale aux discussions initiées à de stabilité au sein de laquelle les travailleurs et leur famille Face à ces nouvelles dispositions, les partenaires sociaux euro-
sieurs fois en 1985 au Château de Val Duchesse, à proximité de Val Duchesse. peuvent pleinement profiter des droits humains et civils et péens créent dès 1992 le Comité de dialogue social qui leur per-
Bruxelles, les trois partenaires sociaux européens (voir encadré) : En 1991, les trois partenaires sociaux européens parviennent de hauts niveaux de vie. ». Les syndicats représentatifs au met de coordonner leurs actions et leurs relations avec les autres
la Confédération Européenne des Syndicats (CES) et les deux ensuite à un accord portant sur l’obligation de les consulter sur niveau national peuvent être directement membres de la instances européennes.
organisations patronales représentatives dans le secteur privé les questions sociales, sur leur autonomie ainsi que sur l’impor- CES, tandis que les syndicats sectoriels doivent en principe
(Business Europe) et pour les services publics (le CEEP : Centre tance de la négociation collective. Ce sont donc les partenaires se regrouper au niveau intersectoriel. En France, la CFDT, Mise en œuvre des accords
européen des employeurs et entreprises fournissant des services sociaux eux-mêmes qui définissent leurs rôles. Cet accord n’est la CGT, la CGT-FO, la CFTC et l’UNSA sont membres de la
publics). Deux groupes de travail sur « la stratégie de coopération pas retranscrit directement dans le traité de Maastricht en 1993 CES. Deux syndicat de cadres, Eurocadres et la Confédération Les accords conclus par les partenaires sociaux européens n’ont
pour la croissance et l’emploi » et « les nouvelles technologies et parce que le Royaume-Uni ne souhaitait pas y être assujetti. Une européenne des cadres, sont rattachés à la CES, et égale- pas d’effet erga omnes, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas directe-
le dialogue social » émergent de ces rencontres et initient concrè- solution alternative a cependant été trouvée : l’accord a été trans- ment reconnus au niveau européen. ment contraignant d’un point de vue légal. Ils doivent être mis en
tement des discussions entre partenaires sociaux européens sur posé en un « Protocole sur la politique sociale », qui a été annexé au œuvre, selon l’article 155 du traité de fonctionnement de l’UE, soit
des thèmes concrets31 (plutôt que sur les questions de méthodes traité, et que tous les membres de l’UE, à l’exception du Royaume- Business Europe par une décision du Conseil sur proposition de la Commission, soit
de dialogue à l’échelle européenne). Les deux groupes de travail Uni, se sont engagés à respecter. selon les procédures et pratiques propres aux partenaires sociaux
déboucheront sur la production d’ « avis commun », sans force En plus de l’obligation de consulter les partenaires sociaux dans Représentant les intérêts des employeurs du secteur privé, et aux Etats membres par des décisions nationales.
légale, mais qui démontrent la capacité des partenaires sociaux le domaine social, le Protocole sur la politique sociale inclut une Business Europe regroupe 40 organisations nationales d’en- Ces seconds accords sont qualifiés « d’autonomes ».
à s’entendre pour produire des normes sociales pour peu qu’on seconde avancée très importante : un accord conclu par les par- treprises de 34 pays d’Europe. Le MEDEF en est membre et La décision du Conseil, qui intervient à la demande conjointe des
les y incite. Ils permettront également aux partenaires sociaux tenaires sociaux aux niveaux sectoriel ou interprofessionnel peut un de ces anciens présidents, Ernst-Antoine Seillière, l’a pré- parties signataires, relève d’un acte normatif de droit dérivé qui a
des différents pays représentés au niveau européen de dévelop- obtenir une validation juridique erga omnes par le Conseil sur pro- sidé de 2005 à 2009. Elle se donne pour objectif de promou- pris, jusqu’à aujourd’hui, la forme d’une directive.
per une culture et un savoir commun, qui englobent les difficul- position de la Commission. Autrement dit, les accords signés par voir une perspective de croissance, et « des politiques intelli-
tés et modes de fonctionnement propres à chaque pays membre. les partenaires sociaux européens peuvent être étendus à l’en- gentes qui favorisent la compétitivité mondiale de l’industrie Les fruits du dialogue social interprofessionnel
semble des salariés et entreprises au sein de l’UE, qu’ils ou elles européenne en particulier ».
Ce sont certainement ces discussions initiées dans la seconde soient représentés ou non par les syndicats de la CES ou les orga- Les négociations menées au niveau interprofessionnel concernent
moitié des années 1980 qui ont permis de clarifier et d’inclure nisations d’employeurs de Business Europe et du CEEP. Rien n’em- Le Centre européen des employeurs et entreprises l’ensemble de l’économie et des travailleurs et se déroulent essen-
petit à petit dans les traités les droits des partenaires sociaux au pêchait qu’une telle procédure soit mise en place auparavant, mais tiellement au sein du Comité du dialogue social qui se réunit trois
sein de l’UE et le cadre légal dans lequel s’inscrit leur action. Dès l’inscrire dans les textes légaux précise clairement ce que peut être Fournissant des services publics (CEEP) regroupe 3 orga- à quatre fois par an. Ces négociations ont abouti à la signature de
1986, la ratification le 17 février de l’Acte unique européen par la portée potentielle du dialogue social, et la volonté de donner nisations européennes qui en sont membres directs et nombreux textes (77 en tout) mais seuls sept d’entre eux ont été
neuf Etats membres constitue une première étape d’envergure. aux partenaires sociaux les moyens d’établir les normes sociales. 21 sections nationales. étendus et sont aujourd’hui légalement contraignants.
L’Acte unique européen a permis de mener à terme les objectifs Les trois premiers accords ont porté sur le congé parental (1995),
déjà fixés dans le Traité de Rome en 1956, à savoir la réalisation du Les dispositions du Protocole sur la politique sociale sont à peu de le travail à temps partiel (1997) et le travail à durée déterminée
marché intérieur, «espace sans frontières intérieures dans lequel choses près celles qui sont encore en vigueur aujourd’hui. Ces dispo- (1999). Ils ont été mis en œuvre par des directives suite à une
la libre circulation des marchandises, des personnes, des services sitions ont, en effet, été intégrées dans le traité instituant les com- 31/ Pour plus de détails, voir par exemple Jean Lapeyre, « Dialogue social
décision du Conseil.
et des capitaux est assurée». munautés européennes (TCE) lors de l’entrée en vigueur du Traité européen : 30 ans d’expérience et de progrès, pour quel avenir ? », Les accords plus récents ont porté sur le télétravail (2002),
Ce faisant, l’Acte a ouvert la voie vers l’Union européenne défi- d’Amsterdam le 1er mai 1999. Ces avancées n’ont ensuite pas été Notre Europe, Institut Jacques Delors, Policy paper n° 124, janvier 2015. le stress (2004), le harcèlement et la violence au travail (2007),
nie par le traité de Maastricht. Bien sûr, l’Acte unique européen ne remises en cause dans le Traité de Lisbonne, qui consacre le titre X 32/ Voir la réponse du ministère des Affaires Etrangères à la question écrite et les marchés de travail inclusifs (2010). Ils ont été mis en œuvre
porte pas principalement sur les politiques sociales. L’un des chan- du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) n° 03725 du Sénateur Louis Longequeue (JO Sénat du 15/06/1989). de façon autonome par les États membres, ce qui a pu se traduire
...

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Quel avenir pour le dialogue
social européen ?

dans les faits par une grande diversité de dispositifs : loi, règle- prise se fait au sein d’un même secteur, et en établissant des Textes issus du dialogue social sectoriel européen Conclusion et perspectives
ment, négociation collective nationale, négociation collective droits sociaux communs au secteur, on peut gommer presque sur la période 1978-2013, par type de texte
sectorielle, recommandations et instructions fournies pour les intégralement les problèmes de dumping social. Après dix ans de silence sur les questions sociales, l’Union
négociations sectorielles ou d’entreprise, position jointe prise par Ce gommage pourrait également se faire au niveau interpro- européenne semble vouloir donner un nouvel élan aux
Accords 15
les partenaires sociaux, etc. Ces différences de mise en œuvre des fessionnel, mais une telle tentative se heurte à deux écueils, discussions sur ce thème. On peut légitimement pointer du
accords autonomes d’un pays à l’autre suscitent des inquiétudes celui de la faisabilité politique au sein d’une union à 27 pays doigt le caractère non contraignant du socle européen des
quant à leur portée et leur caractère réellement contraignant33 . aux objectifs et modes de fonctionnement très différents, et droits sociaux qui vient d’être signé par les pays membres en
celui du risque d’établir des normes trop contraignantes pour Règlements intérieurs 51 novembre 2017 et supposer qu’il restera sans effets comme
Les fruits du dialogue social sectoriel certains secteurs, et qui menaceraient leur compétitivité et nombre de textes du même type établis par le passé. Le socle
leur développement économique. européen des droits sociaux est d’ailleurs à l’image du dia-
Le dialogue social sectoriel peut sans doute être considéré Rappelons que le dialogue social est une façon spécifique de Recommandations 59 logue social européen dans son ensemble qui reste largement
comme plus dynamique que le dialogue social interprofes- légiférer dans le domaine de la politique sociale en s’appuyant dominé par de longues consultations et négociations débouchant
sionnel. Seulement deux textes ont été mis en œuvre par une sur l’expérience de terrain et la légitimité comme corps représen- à tous les niveaux sur des textes sans réelle portée juridique.
directive, dans les secteurs de la pêche (en 2012, pour mise tatifs des syndicats et des organisations patronales. L’idée qui 81 Une lecture plus positive est cependant envisageable.
Outils
en œuvre d’une convention de l’OIT) et des salons de coiffure sous-tend ce mode de production des normes sociales est que De nombreux travaux économiques montrent que dans
(en 2012 également concernant la santé et la sécurité ces acteurs sont les mieux à même d’identifier les solutions les certains cas des politiques publiques incitatives peuvent
au travail). En revanche, 734 textes ont été signés en tout plus adaptées pour faire face aux défis économiques et sociaux. avoir plus d’effet que des politiques publiques direct-
Déclarations 117
sur la période 1978-2013, et la production de texte est assez ement coercitives.
stable depuis 10 ans, autour d’une quarantaine de textes
par an, et cela malgré la crise de 2008 qui, selon certains obser- Evolution du nombre de textes issus La Commission européenne a par exemple développé un
du dialogue social sectoriel européen Positions communes 411
vateurs, aurait miné le dialogue social de façon générale34. tableau de bord (social scoreboard) pour le socle commun des
Cette activité relativement importante mérite cependant d’être droits sociaux35. Son objectif est clairement de montrer l’état
2013 46
nuancée. Tout comme au niveau interprofessionnel, ces textes des différents pays et de pointer du doigt les mauvais élèves.
2012 47 Source : Christophe Degryse, Dialogue social sectoriel
n’ont pas tous la même portée. L’European Trade Union Institute européen : une ombre au tableau ? ETUI, 2015, Ce type de mécanisme peut être efficace. Rappelons par exemple
2011 34
distingue six catégories de textes : les positions communes, les établi à partir de la base de données ETUI du Dialogue que les réformes du marché du travail engagées en France
déclarations, les outils, les recommandations, les accords, et 2010 39 social sectoriel européen. (loi et ordonnances Travail en 2016 et 2017) semble avoir été
les règlements intérieurs. Or la majorité des textes (56 %) sont 2009 32 largement impulsées par l’UE, qui dans le cadre du semestre
des positions communes, c’est à dire des textes adressés conjoin- 2008 34 Or, on peut également penser que cette forme d’expertise du européen, a fortement conseillé à la France de mettre en œuvre
tement par les partenaires sociaux à l’UE ou aux États membres 2007 55 terrain que possèdent les partenaires sociaux est davantage ces « réformes structurelles du marché du travail ». Le respect
en vue d’influencer une orientation politique ou un projet 2006 41 pertinente au niveau sectoriel qu’à un niveau interprofession- des préconisations de l’UE en matière économique et sociale
d’acte législatif. Ces textes reflètent avant tout une acti- 2005 28 nel où des questions plus politiques ont souvent tendances peut être un moyen pour les pays membres d’accroitre leur
vité de lobbying des partenaires sociaux auprès de l’UE plutôt 2004 42 à émerger. Autrement dit, d’un point de vue économique, pouvoir de négociation au sein de l’UE et de mettre en avant
qu’une réelle co-construction des normes sociales. Cette « co- les partenaires sociaux sont les mieux placés pour trouver leur propre agenda politique à l’échelle européenne. Même si
2003 33
construction » est reflétée par les cinq autres types de textes, des accords « gagnant-gagnant », et ce type d’accords semble les politiques sociales restent assez peu contraintes à l’échelle
2002 20
qui n’ont cependant en général pas de caractère contraignant, plus facile à mettre en place face à des problématiques européenne, le regain d’attention pour ces questions, et les
à l’exception des accords qui ne sont qu’au nombre de treize.
2001 28
sectorielles spécifiques d’organisation du travail. outils de suivi efficaces qui ont été développés pour comparer
2000 43
Un constat assez clair peut donc être fait : le dialogue social Une fois ce constat fait du potentiel du niveau sectoriel pour les pays en matière sociale, incitent à un certain optimisme.
sectoriel produit de nombreux textes, mais un nombre très 1999 26 établir des accords à la fois protecteur d’un point de vue social
faible d’entre eux sont légalement contraignants. 1998 23 et moteurs de croissance d’un point de vue économique,
1997 32 il faut trouver les moyens de le développer. Cela passe
Dialogue social sectoriel et dumping social 1996 33 d’abord par l’élaboration de critères clairs pour la représen-
1995 15 tativité des partenaires sociaux à ce niveau, idéalement à
Le niveau sectoriel semble le plus adapté pour limiter le dum- 1994 10 partir d’élections professionnelles au niveau européen.
ping social. Ce constat simple est pourtant rarement fait. 1993 20 Ensuite, une fois cette base de négociation clairement
33/ Voir à titre d’exemple le Rapport sur la mise en œuvre de « l’accord-cadre
Rappelons-en les deux principales raisons. établie, on peut accroitre les marges de manœuvre des
1992 13 sur le télétravail » des partenaires sociaux, SEC(2008)2178, Document de
D’abord le niveau sectoriel est supérieur au niveau des entre- partenaires sociaux au niveau européen et accélérer
1991 10 travail de la Commission.
prises parce que, nous l’avons dit, ce dernier ne peut supprimer fortement le processus de conversion des accords en 34/ Pour une analyse fine des effets de la crise sur le dialogue social européen
1990 6
les effets d’une concurrence sur les droits sociaux entre pays textes légaux directement contraignants. Cela devrait sectoriel, voir Christophe Degryse, Dialogue social sectoriel européen :
de l’UE qui se fait largement par la mise en compétition d’entre- Source : Base de données ETUI du Dialogue social augmenter l’enjeu des négociations sectorielles et donc une ombre au tableau ? ETUI, 2015.
sectoriel européen.
prises différentes. En revanche, cette concurrence entre entre- inciter les partenaires sociaux à s’y investir davantage. 35/ Voir https://composite-indicators.jrc.ec.europa.eu/social-scoreboard/

52 53
HUMANIS HUMANIS
L’ état du dialogue social en F rance L’ état F rance
du dialogue social en
2017 - 2018 2017 - 2018
La parole
aux partenaires sociaux

Entretiens

3 Quelle(s) évolution(s) selon vous pour le modèle social français ?


w L. BERGER w F. HOMMERIL w P. LOUIS w P. MARTINEZ w J-C. MAILLY w F. ASSELIN w P. GATTAZ w A. GRISET

© MEDEF – 2016
.
Secrétaire Président Président Secrétaire Secrétaire Président Président Président
général confédéral CFTC général général CPME MEDEF U2P
CFDT CFE-CGC CGT CGT-FO

La première consiste à réinter- Il y a une seule perspective Bien malin qui peut prétendre La CGT défend un autre projet Je n’aime pas la formule de La nature et le degré des évo- Le modèle social français doit Notre modèle social a certes
roger le modèle et la finalité de d’évolution possible : il faut savoir comment évoluera le de société, avec pour objectif « modèle » considérant que lutions du « modèle social fran- évoluer. Il doit s’adapter aux été créé après-guerre mais il
l’entreprise. Si le capital est mettre l’entreprise au cœur des système social français. Tout le progrès social. Il se nourrit nous n’avons pas de leçon à çais » pourraient être très nouvelles réalités économiques, n’a cessé d’évoluer depuis, que
nécessaire et la recherche de politiques européennes. Le ce que je peux vous dire c’est du renforcement de notre donner ou recevoir. variables selon l’évolution de sociales et sociétales de notre ce soit en matière de retraites,
profit incontournable, la créa- modèle social ne sera renou- ce que la CFTC souhaite qu’il modèle social et est de nature Les bases de notre fonction- certains facteurs majeurs pays, et aux mutations qui sont d’assurance maladie, d’assu-
tion de valeur est l’œuvre d’un velé qu’autour d’un projet com- devienne. Je pense tout d’abord à sortir de cette spirale d’ag- nement sont liées aux valeurs comme la croissance. en cours qu’elles soient techno- rance chômage, ou qu’il s’agisse
collectif de travail qui s’inscrit mun qui est le capital humain. qu’il serait vain d’essayer d’em- gravation du chômage, de la républicaines de liberté, d’éga- logiques, environnementales, des organismes de protection
dans un environnement et un La gouvernance de l’entreprise, pêcher les bouleversements précarité et de la pauvreté. lité, de fraternité et de laïcité. Si la France connaît pendant du marché du travail. sociale, à l’image du régime
territoire. Il faut rééquilibrer les c’est le capital humain. Les en cours, en lien avec la numé- Cela passe notamment par : plusieurs années consécu- g Il n’y a pas de protection social des indépendants RSI
pouvoirs dans les entreprises entreprises familiales ont risation de notre société. Je suis Elle propose un code du tra- g Une articulation loi/négo- tives une croissance signi- sociale solide sans croissance qui laisse place à compter de
en redonnant toute sa place au mieux résisté à la crise. Elles persuadé, ensuite, que l’emploi vail simplifié et plus protecteur, ciation nationale/négociation ficative – de l’ordre de 2 % économique. Nous devons tout 2018, à un régime spécifique
travail. Et il faudrait permettre sont des modèles plus stables salarié, qui bénéficie de nom- digne de ce 21e siècle. d’entreprise avec une place - engendrant une création mettre en œuvre pour améliorer adossé au régime général.
aux entreprises d’inscrire dans qui savent s’adapter. Nous breuses protections contre les importante à la branche, niveau forte d’emplois durables et la compétitivité de notre pays. Il nous faut pérenniser ce
leurs statuts d’autres objec- avons des modèles écono- accidents de la vie, ne disparai- Elle propose un nouveau sta- de régulation économique et une baisse significative du chô- g Le financement de la protec- modèle évolutif. Cela exigera
tifs que le profit : objets miques, tel que l’agriculture tra pas, mais qu’il est appelé à tut du travail salarié avec des sociale, et dans le public au mage, les comptes, notamment tion sociale ne doit plus repo- de tendre à l’équilibre entre le
humains, sociaux, environne- durable que le pouvoir politique devenir un mode d’organisa- droits attachés à la personne, statut général. des dispositifs de protection ser comme c’est encore le cas niveau des prélèvements et le
mentaux, scientifiques… doit protéger et permettre la tion du travail parmi d’autres. transférables d’une entreprise g L’existence des procédures sociale – assurance maladie, aujourd’hui sur les seuls reve- niveau des prestations, mais
multiplication des exemples. J’estime, enfin, qu’avec l’écono- à une autre et ainsi garantis- d’extension. retraites de base et complé- nus du travail. Il faut rechercher aussi de modifier le finance-
L’autre évolution essentielle mie collaborative, de nouvelles sant le maintien du contrat de g Un niveau élevé et de type mentaires, assurance chômage davantage de complémentarité ment de la protection sociale
c’est d’avancer vers un sys- formes de travail apparaissent, travail, de la reconnaissance de universel de la protection –, devraient se rétablir et on ne entre les financements publics qui repose trop largement
tème de droits attachés à la totalement ou partiellement la qualification et de la rému- sociale collective. voit pas pourquoi des change- et privés. aujourd’hui sur la main d’œuvre
personne, que chacun pourrait dénuées de protections. Il nération y afférant. g Un service public républicain ments structurels devraient g Le niveau de notre protec- et qui alourdit d’autant le coût
utiliser tout au long de son par- convient donc de les sécuriser, à même de pouvoir répondre de systématiquement intervenir. tion sociale n’est pas soute- du travail.
cours de vie, selon ses besoins elles aussi. C’est dans cet esprit Il s’agit d’instaurer une sécu- manière égalitaire en droit aux nable. Il faut cesser de reporter
et ses projets. Ces droits indivi- que la CFTC revendique la rité sociale professionnelle besoins des citoyens. Par contre, si le taux de crois- le financement de nos dépenses
duels doivent être mobilisables construction d’un nouveau qui, alliée à la reconquête de sance stagnait, par exemple courantes sur les générations
dans un cadre solidaire, avec la contrat social qui pourrait la Sécurité sociale, doit per- Sous l’effet des politiques autour de 1 %, avec la baisse futures. De nouvelles réformes
garantie d’être accompagné déboucher sur la création d’un mettre de sécuriser les per- économiques libérales, ce de recettes s’ensuivant, seront nécessaires.
dans leur utilisation. régime social universel d’acti- sonnes tout au long de leur vie. « modèle », fait régulièrement des mesures significatives g Il faut rendre notre système
vité (RSUA) qui couvrira toutes l’objet de critiques et remises devraient être prises. Dans ce de protection sociale plus effi-
Bien sûr, ces transformations les formes de travail, afin de ne en cause. cas, il faudrait à tout le moins cient et prioriser les interven-
ne peuvent être décidées laisser personne sur le bord de Faire société suppose l’exis- éviter l’accroissement des pré- tions, abandonner des actions
par quelques-uns ou impo- la route et parce que tout tra- tence de règles, par exemple lèvements sur les entreprises peu efficaces, investir là où des
sées d’en haut. Pour être effi- vail doit créer du droit social. en matière de solidarité. Sinon et les ménages des classes résultats ont été obtenus, mobi-
caces, elles doivent être co- on bascule de la solidarité vers moyennes qui subissent en liser les gains de productivité là
construites, à tous les niveaux la charité et l’émotion, on aban- France, depuis des années, où ils existent.
de la société. donne le modèle républicain et des prélèvements largement g Enfin, la protection sociale
on fait un retour vers le passé. supérieurs à la moyenne « monobloc » telle que nous
D’où l’importance et l’urgence européenne. la connaissons ne correspond
de revoir les modalités de la plus totalement aux attentes
construction européenne, à des entreprises et de la société
revisiter les politiques éco- d’aujourd’hui. La flexisécurité
nomiques (faire référence doit nous inciter à réfléchir à des
à Keynes plutôt qu’à Milton protections plus individualisées,
Friedman) et à lutter contre les plus adaptées au besoin de cha-
inégalités. cun, plus modulables aussi au
cours de la vie...

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HUMANIS HUMANIS
L’ état du diaLogue sociaL en F rance L’ état F rance
du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
Annexes

Annexe 1

Pour aller plus loin Pour aller plus loin


sur le dialogue social sur l'Europe

Bilan et rapports La négociation collective d’entreprise en 2015 : Stabilité Yves Barou et le cercle des DRH européens. Droit des travailleurs. Législation de l’UE
La négociation collective en 2016. de la part des entreprises qui négocient Le modèle social européen, eur-lex.europa.eu/summary/chapter/employment_
Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation Dares Résultats (octobre 2017). Editions des Ilots de résistances (2013). and_social_policy.html?root_default=SUM_1_
professionnelle et du Dialogue social. lien : http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2017- www.ilotsderesistance.fr CODED%3D17,SUM_2_CODED%3D1707&locale=fr
Direction de l’animation de la recherche, des études 066.pdf
et des statistiques (octobre 2017). Commission européenne Richard Balme et Didier Chabanet
www.travail-emploi.gouv.fr Rapport de l’OCDE Direction générale de l’emploi, des affaires sociales Dialogue social européen et transformations des négociations
Perspectives de l'emploi de l'OCDE, 2017, et de l’inclusion. collectives. Mobilisation et clivages socio-politiques en Europe.
Rapport au Premier ministre Chapitre 4 "La négociation collective dans un monde du travail Guide de l’Europe sociale. L’Harmatan (2001).
La négociation collective, le travail et l’emploi, en mutation". Dialogue social. Volume 2 (Janvier 2012).
Jean-Denis Combrexelle, France Stratégie (septembre 2015). http://www.keepeek.com/Digital-Asset-Management/oecd/ Christophe Degryse (ETUI) en collaboration avec Pierre Tilly.
www.strategie.gouv.fr employment/perspectives-de-l-emploi-de-l-ocde-2017_ Jean Lapeyre. ETUI 1973-2013 : 40 ans d’histoire de la Confédération européenne
empl_outlook-2017-fr#.WoV443wiGUk#page7 Le dialogue social européen. des syndicats.
Audition de Jean-Denis Combrexelle au Sénat www.ocde.org Histoire d’une innovation sociale. (1985-2003). Bruxelles (2013)
(sur le rapport). (2017).
La négociation collective, le travail et l’emploi. Base de données de l’OCDE sur la thématique « emploi » Janine Goetschy (Article de)
www.videos.senat.fr www.ocde.org OSE paper series Le Dialogue Social Européen de Val Duchesse : Un premier bilan.
Dialogue social européen : Paris.
Présentation du groupe Humanis Rapport de Humanis et APICIL une relance « de la dernière chance » ?
Expert du dialogue social. L’état du dialogue social en France. Dialogue social (Décembre 2016).
www.humanis.com et développement économique (2016).
www.presse.humanis.com Azdine Henni
Andolfatto D. & Labbé D. Le dialogue social européen. Enjeux, structures, résultats.
Sociologie des syndicats. Rapport de Humanis 2017 Editions CRISP (2001).
La Découverte (2012). L’état du dialogue social en France. Dialogue social
www.editionsladecouverte.fr et transformation numérique. Base de données des textes relatifs
www.presse.humanis.com au dialogue social :
Rapport de l’organisation internationale du travail ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=521&langId=fr
Perspectives pour l’emploi et le social dans le monde : Étude de l’Apec
tendances 2015 (janvier 2015). Cadres et entreprises : regards croisés sur la transformation Annette Jobert (dirigé par)
www.ilo.org du rôle des cadres (2016). Les nouveaux cadres du dialogue social : Europe et territoires.
www.apec.fr Bruxelles : PIE-Peter Lang, (Travail et société ; 61)(2008).
Les représentants du personnel : Quelles ressources
pour quelles actions ? Rapport du CESE, Aurelli P. et Gautier J. Richard Yung
Dares Analyse (Novembre 2014). Consolider le dialogue social (2006). (au nom de la commission des affaires européennes)
lien : http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2014- www.ladocumentationfrancaise.fr/rapportspublics L'Europe sociale : état des lieux et perspectives :
084-2.pdf rapport d'information sur l'Europe sociale.
Étude ANDRH Paris : Sénat, 2009 - (Les rapports du Sénat ; 413).
Les Représentants du Personnel L’énergie pour entreprise et carrières. www.senat.fr/notice-rapport/2008/r08-413-notice.html
Thomas Breda Baromètre défis RH, 2015 (juin 2015).
Presses de Sciences Po (Mars 2016). www.andrh.fr

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HUMANIS HUMANIS
L’ état du diaLogue sociaL en F rance L’ état F rance
du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
Annexes

Annexe 2

Sondage Odoxa pour Humanis


Le sondage s’est déroulé du 23 au 30 août 2017 pour l’échantillon de 1049 salariés français interrogés
par Internet et du 29 août au 14 septembre 2017 pour les 801 salariés allemands, 802 salariés anglais,
801 salariés espagnols, 805 salariés italiens interrogés par Internet.

Baromètre du dialogue social

y L'épanouissement des salariés français et européens au travail y L’évolution du dialogue social dans son entreprise
Dans votre travail, vous sentez-vous...? Diriez-vous que le dialogue social au sein de votre entreprise va plutôt en s’améliorant
ou plutôt en se dégradant ?
l pas épanouis
l épanouis 80
74 % l en se dégradant
71 % 69 %
80 l en s'améliorant
53 % 52 % 53 %
46 % 47 % 46 %

31 %
26 % 29 %

- 3 pts* - 2 pts* + 1 pt* - 1 pt*


0 0

2015 2016 2017 2015 2016 2017 2015-2016 2016-2017 2015 2016 2017 2015 2016 2017 2015-2016 2016-2017

y La qualité du dialogue social au sein de son entreprise y L’impact du dialogue social sur la vie au travail
Au sein de votre entreprise, qualifieriez-vous le dialogue social de très bon, plutôt bon, De manière générale, le dialogue social au sein de votre entreprise vous permet-il de parvenir
plutôt mauvais ou de très mauvais ? à résoudre vos problèmes et d’améliorer votre vie au travail ? .?

l mauvais l non
l bon l oui
63 % 62 % 61 %
58 % 57 %
53 %
47 %
42 % 43 %
37 % 38 % 39 %

- 1 pt* - 1 pt* - 1 pt* - 4 pts*

2015 2016 2017 2015 2016 2017 2015-2016 2016-2017 2015 2016 2017 2015 2016 2017 2015-2016 2016-2017

12% des interrogés n’ont pas de dialogue social dans leur entreprise

*évolutions sur 1 an *évolutions sur 1 an

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du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
Annexes

Annexe 2

y Le dialogue social idéal y Les thèmes que la négociation collective doit aborder
Si vous deviez définir le dialogue social idéal, diriez-vous qu’il doit avant tout être… Parmi les grandes thématiques suivantes, quelles sont les trois que vous souhaiteriez voir
davantage abordées par la négociation collective dans votre entreprise ?
l apaisé
l constructif
Salaire Conditions Rémunération Santé
de travail annexe retraite
74 % (primes,
71 % 69 % 71 % épargnes
67 %
salariales)
53 %
49 %
47 % 46 %

31 % 33 % 35 %
26 % 29 %

- 3 pts* - 2 pts*

2015 2016 2017 2015 2016 2017 2015-2016 2016-2017 2016 2017 2016 2017 2016 2017 2016 2017

+4 pts* +4 pts* - 1 pt* +2 pts*

y Confiance dans les représentants du personnel


Faites-vous confiance, plutôt confiance, plutôt pas confiance ou pas du tout confiance
aux représentants du personnel pour défendre vos intérêts ...?

l pas confiance Temps Formation Autres


l confiance de travail thématiques

29 % 29 %
25 % 27 %
60 %
52 % 53 %
48 % 47 % 5% 4%
40 %
2016 2017 2016 2017 2016 2017

- 8 pts* + 1 pt*
0* +2 pts* - 1 pt*
2015 2016 2017 2015 2016 2017 2015-2016 2016-2017

*évolutions sur 1 an *évolutions sur 1 an

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du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
Annexes

Annexe 2

Benchmark salariés européens

y Sentiment que son pays favorise le dialogue social y Image du dialogue social européen
Estimez-vous que votre pays favorise le dialogue social ? Pour chacun des qualificatifs suivants, dites-moi s’il s’applique plutôt bien
ou plutôt mal au dialogue social européen ?
l oui
l non l Utile pour améliorer les conditions de travail des salariés
l Efficace pour harmoniser les normes sociales et lutter contre le dumping social au sein de l'Europe
72 %
l Dynamique
65 % 65 %
l Proche des préoccupations des salariés
59 %
55 % 56 % l Dont on entend suffisamment parler

45 % 44 %
41 %
35 % 34 %
28 %

66 %
63 %
52 %
50 %
38 %
69 %
63 %
47 %
52 %
29 %
74 %
78 %
62 %
61 %
35 %
86 %
72 %
71 %
83 %
64 %
48 %
51 %
35 %
31 %
23 %
62 %
58 %
50 %
37 %
36 %
y Dialogue social : privilégier le niveau national ou européen
Le dialogue social européen englobe les discussions, les consultations, les négociations et les actions
Utile pour améliorer les conditions de travail des salariés
communes entreprises par les organisations représentant les partenaires sociaux (les employeurs et les Efficace pour harmoniser les normes sociales et lutter contre le dumping social au sein de l’Europe
salariés) et dans certains cas les autorités publiques au niveau européen. Selon vous, faut-il plutôt... Dynamique
Proche des préoccupations des salariés
l développer le plus possible le dialogue social européen Dont on entend suffisamment parler
l privilégier le dialogue social au niveau national

65 % 58 % 59 %
55 %
52 % 51 %
48 % 49 %
45 %
42 % 40 %
35 %

EUR ESP ITA UK FRA ALL

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du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
Annexes

Annexe 2

y Impact perçu du dialogue social européen sur les conditions de travail


D’après vous, le dialogue social européen a-t-il un impact important, pas important
sur les conditions de travail appliquées dans votre entreprise ?

l important
l pas important

61 % 62 %
57 % 59 %
53 % 52 %
47 % 48 %
43 %
39 % 38 % 40 %

y Des harmonisations largement souhaitées


Et souhaiteriez-vous que votre entreprise harmonise les conditions
des différents salariés européens en matière de...?

l Rémunérations l Congés payés


l Conditions de sécurité l Horaires de travail
80 %
74 %
76 %
76 %

93 %
84 %
83 %
92 %

87 %
72 %
88 %
76 %

73 %
72 %
75 %
73 %

77 %
76 %
69 %
70 %

74 %
68 %
70 %
73 %

Rémunérations
Conditions de sécurité
Congés payés
Horaires de travail

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du diaLogue sociaL en
2017 - 2018 2017 - 2018
HUMANIS
Retraite complémentaire - Santé Prévoyance - Activités sociales - Épargne Rapport réalisé sous la direction de

Thomas BREDA,
Spécialiste en économie du travail, notamment sur les questions de la négociation
HUMANIS, acteur de référence dans le monde de la protec- HUMANIS met également à disposition de ses clients branches d’entreprise, des discriminations, et des inégalités au travail.
tion sociale, occupe aujourd’hui une place de premier plan sur professionnelles, entreprises et particuliers ses savoir-faire Il est chargé de recherche au CNRS et chercheur à l’Ecole d’Economie de Paris.
les métiers de la retraite complémentaire, de la prévoyance, spécifiques en protection sociale en Outre-mer et à l’inter- Assisté de Manon FLANDROIS, Diplômée de Sciences-Po Paris.
de la santé et de l’épargne. national (expatriés, impatriés, entreprises sans établissement
en France et personnels des ambassades) et services sous
Bruno GABELLIERI,
Paritaire et mutualiste, le groupe HUMANIS est profondément marque blanche à des partenaires.
Directeur des relations extérieures et des affaires européennes du groupe Humanis
ancré dans les valeurs de l’économie sociale et entend toujours
Et
mieux protéger ses clients, particuliers comme entreprises de Enfin, le groupe HUMANIS concrétise son engagement auprès
Agnès COLONVAL,
toutes tailles. des personnes au travers d’une politique d’activités sociales
Adjointe au Directeur des relations extérieures du groupe Humanis
dynamique axée sur des enjeux de société (handicap, perte
HUMANIS s’engage à leur apporter durablement des solu- d’autonomie, rupture sociale).
tions et des services de qualité, en privilégiant la proximité, Avec la contribution d'Isabelle GENEST du groupe Humanis
le conseil et l’écoute. humanis.com et d'Elodie MASSÉ de FTI Consulting

CONTACTS PRESSE HUMANIS


Séverine SOLLIER
severine.sollier@humanis.com

La Direction des relations extérieures


et des affaires européennes du groupe Humanis.

La Direction de la communication
et du développement durable du groupe Humanis.

Conception et réalisation : Galaxy

Crédits photographiques : Photothèques Humanis, CFDT,


CFE-CGC, CFTC, CGT,CGT-FO, CPME, MEDEF, U2P,
Mathieu Delmestre, Assemblée nationale.

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HUMANIS
L’ état du dialogue social en F rance
2017 - 2018
humanis.com

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