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NUMÉRO
Chers lecteurs,
PARTIE 1 – CHRONONUTRITION :
Pour notre numéro spécial de l’année, nous avons souhaité faire GÉNÉRALITÉS
un point sur la chrononutrition. C’est une thématique très en
vogue, avec un nombre de publications impressionnant ces deux P. 02 - Chrononutrition : de quoi parle-t-on ?
Des mécanismes moléculaires aux rythmes
dernières années. De plus en plus, une médecine adaptée à chacun alimentaires
est revendiquée par les sociétés savantes et, dans ce contexte, une
P. 04 - La désynchronisation des repas, une piste pour
alimentation personnalisée est plus que jamais préconisée. Mais à
l’origine des dérégulations métaboliques
quelle heure faut-il manger ? Quels glucides prendre le matin ou
le soir ? Comment prendre en compte l’horloge biologique propre à P. 05 - Une alimentation à mesurer à l’aune de
l’horloge biologique, et non de l’heure à la montre
chacun ? Pour qui un jeûne thérapeutique ou un jeûne intermittent
est-il souhaitable ? Comment aider les travailleurs de nuit ? Autant de P. 06 - Manger quand on veut ou quand on peut ?
Un nouveau facteur à considérer dans la
questions que se posent les nutritionnistes pour aider leurs patients,
chrononutrition
eux même informés de façon parfois cacophonique dans les médias
et les réseaux sociaux. P. 07 - Horaires en 3 x 8 : quels impacts sur
l’alimentation et le bien-être ?
Dans cette littérature scientifique très abondante, nous avons
P. 08 - Horaires décalés, alimentation chamboulée
sélectionné deux articles généraux très complets qui montrent
comment les rythmes alimentaires participent à synchroniser les PARTIE 2 – CHRONONUTRITION
rythmes circadiens, et réciproquement, mais aussi comment la ET GESTION DU POIDS
désynchronisation des uns retentit sur les autres, avec les désordres
P. 09 - La répartition des apports énergétiques
métaboliques qui en découlent. D’autres articles s’intéressent aux sur la journée influence-t-elle le risque d’obésité ?
modalités pratiques de la chrononutrition, allant des difficultés
P. 10 - Sauter le petit-déjeuner fait-il grossir ?
rencontrées pour suivre son propre rythme alimentaire – « Manger Pas si clair
quand on veut, ou quand on peut ? » – jusqu’aux bouleversements de
P. 11 - Ramadan : un effet transitoire sur le poids
l’alimentation des travailleurs postés ou de nuit. La place du petit
et la composition corporelle
déjeuner et la répartition des nutriments dans la journée sont aussi
analysées vis-à-vis du risque d’obésité, et le dogme du petit déjeuner PARTIE 3 – JEÛNE ET PERTE DE POIDS
« obligatoire » semble être revisité.
P. 12 - Jeûne intermittent : l’importance de respecter
Quant à l’intérêt du jeûne intermittent pour la gestion du poids et l’horloge biologique
la prévention des maladies métaboliques, les études ne font pas P. 13 - Jeûne intermittent et perte de poids :
consensus et les auteurs soulignent une grande diversité des pratiques une revue pour démêler le vrai du faux
qui se cachent derrière ce terme unique de jeûne intermittent.
P. 13 - Le microbiote, médiateur des effets du jeûne
Toutefois, le respect d’une période de jeûne nocturne suffisamment sur l’horloge biologique ?
longue et alignée sur l’horloge biologique semble particulièrement
P. 14 - Jeûne intermittent, Low-Carb… des régimes
important, bien que des données soient encore nécessaires pour difficiles à suivre à long terme
l’étayer et préciser la durée de ce jeûne nocturne. Se pose aussi la
question de la faisabilité à long terme car ce type d’alimentation est PARTIE 4 – CHRONONUTRITION
difficile à concilier avec la vie sociale. ET APPORTS EN GLUCIDES
La clé du succès de la chrononutrition pourrait être l’alignement P. 15 - Chrononutrition : quels liens avec les apports
du rythme alimentaire avec le rythme biologique propre à chacun – en glucides ?
et non « l’heure de la montre ». Ce que nous pourrions retenir, c’est P. 15 - Le métabolisme du glucose, mieux régulé
qu’il existe bien des différences interindividuelles importantes et que le matin que le soir
leur respect est probablement essentiel : ce qui convient à l’un peut P. 16 - Chrononutrition : un futur levier pour la prise
ne pas convenir à l’autre. en charge du diabète ?
Bonne lecture P. 17 - Glucides : de préférence le matin ou le soir ?
CULTURES SUCRE - 25, place de la Madeleine - 75008 Paris - Association loi 1901 - Siret 824 876 926 00019 – APE 9499Z
PARTIE 1 - CHRONONUTRITION : GÉNÉRALITÉS
Le rythme circadien peut être défini alimentaire (Figure 1). L’horloge Hormones et nutriments
comme un rythme biologique principale (en jaune) du noyau supra servent de signal aux horloges
endogène prenant la forme d’un chiasmatique (NSC) régule la ryth- périphériques
cycle d’environ 24 heures, régissant micité du comportement alimentaire, Les rythmes alimentaires sont par
certains processus physiologiques tandis que celles externes au NSC ailleurs renforcés par les réponses
cycliques comme le sommeil et (en gris) sont sensibles aux concen- métaboliques aux aliments détectés
l’alimentation. Il est impulsé par trations circulantes de nutriments et
par les horloges des tissus péri
différentes « horloges » internes d’hormones. Par exemple, les noyaux
phériques. Les hormones (insuline,
réparties dans l’organisme, dont la du tronc cérébral du tractus solitaire
glucagon, leptine, ghréline…) et les
principale est située dans le noyau intègrent les niveaux circulants en
nutriments (glucose, acides gras…)
suprachiasmatique de l’hypotha nutriments et en hormones ainsi que
circulants, ainsi que les signaux trans
lamus. Ces horloges sont synchroni- d’autres signaux du statut énergé-
mis par le tractus gastro-intestinal
sées par des stimuli externes dont tique de l’organisme. Les horloges
(glucagon, insuline, IGF-1) déclenchent
les plus connus sont l’alternance présentes dans le noyau accumbens
des réponses homéostatiques aiguës
jour/nuit et le rythme des prises (NAc), l’aire tegmentale ventrale (VTA)
de manière rythmique (selon le cycle
alimentaires. S’appuyant sur une ou le cortex préfrontal (PFC) sont quant
littérature de plus en plus riche, alimentation/jeûne) qui influencent
à elles impliquées dans les circuits
quatre experts expliquent comment à leur tour les rythmes endogènes
dopaminergiques de motivation-
les rythmes biologiques, les prises des processus métaboliques.
récompense qui influencent les
alimentaires et le métabolisme éner comportements alimentaires, par Ainsi, les horloges internes parti-
gétique interagissent. exemple en favorisant la sensibilité cipent à impulser son caractère
aux aliments appétents. rythmique à notre alimentation ;
Des interactions réciproques
entre le rythme circadien
et la prise alimentaire
La prise alimentaire n’est pas unique
ment régie par les besoins énergé-
tiques de l’organisme. Sa régulation,
en particulier chez l’Homme, fait
intervenir des régulations homéos-
tatiques à court et à long terme pour
anticiper les besoins, des facteurs de
motivation et de récompense liés à la
nourriture, ainsi que des décisions
cognitives supérieures. Plusieurs
horloges circadiennes présentes
dans notre organisme interviennent
dans ces différents systèmes de ré-
gulation de la prise alimentaire.
en retour, celle-ci participe à syn- aussi d’autres facteurs comme la chez l’Homme (Figure 2). Pour eux,
chroniser nos horloges internes et régularité des repas (voir article les travaux n’en sont toutefois qu’à
les rythmes endogènes qui en page 10), l’importance de la répar leurs débuts et de nombreux fac-
découlent, via les signaux métabo- tition des apports énergétiques, teurs méritent d’être ajoutés à
liques qu’elle engendre. voire des macronutriments, sur la l’équation, comme l’influence du
journée (voir article page 09), la chronotype des sujets ou encore
Les conséquences d’une prise durée de jeûne nocturne et son ali- celle du « jetlag social »1 sur le
alimentaire désynchronisée gnement avec le rythme circadien risque métabolique.
Les interactions complexes entre le (voir article page 12) ou encore 1. Différence de durée et d’horaires de sommeil
rythme circadien, les prises alimen- l’heure réelle des prises alimen- entre la semaine et le week-end, qui crée un
décalage entre l’heure biologique de l’individu et
taires, et les processus métabo- taires par rapport à l’heure biolo- l’heure sociale officielle.
liques pourraient expliquer en partie gique interne (voir article page 05).
les effets défavorables de certains Ces effets pourraient en partie
comportements alimentaires. Ainsi, résulter des variations diurnes qui
les études chez la souris montrent caractérisent le contrôle glycémique, À RETENIR
qu’une alimentation désynchronisée avec notamment une tolérance au n e rythme circadien et la prise alimen-
L
expérimentalement (alimentation glucose plus importante en pre- taire interagissent pour ajuster le com-
fournie durant la phase de repos) mière partie de journée (voir article portement alimentaire ;
ou riche en graisses, tout comme page 16). n ne désynchronisation des prises
U
l’obésité, altèrent la santé métabo- Les auteurs proposent ainsi une re- alimentaires par rapport à l’horloge
lique en perturbant les rythmes cir- présentation, au cours de la journée, biologique pourrait altérer la santé
cadiens. Les données chez l’Homme des rythmes alimentaires qui ont métabolique.
vont dans ce sens mais impliquent été associés à la santé métabolique
Large Breakfast
vs. Large Dinner
Figure 2 : Différents rythmes alimentaires associés à la santé métabolique chez l’Homme
Les modèles alimentaires A, caractérisé par un petit déjeuner riche en énergie et un diner à faible valeur énergétique,
et F, alimentation méditerranéenne avec un pic d’apport énergétique qui se situe au milieu de la journée (déjeuner),
semblent avoir une réponse métabolique plus favorable que leurs inverses, respectivement B et E.
Source :
Chrono-nutrition: From molecular and neu-
ronal mechanisms to human epidemiology and
timed feeding patterns.
Flanagan A, Bechtold DA, Pot GK, Johnston JD.
J Neurochem. 2021;157:53-72.
Une désynchronisation des Différents messagers impliqués des circuits cérébraux de la récom-
repas favorise le gain de poids Les hormones régulatrices pense. Autres molécules à considérer,
Les études chez le rongeur l’ont de l’énergie celles aux propriétés anti-inflamma-
Les données actuelles indiquent toires : la perturbation des horaires
bien montré : lorsqu’on perturbe
que la perturbation des horaires des repas pourrait agir indirectement
leur horaire des repas (en leur four-
des repas pourrait modifier la sécré- sur le métabolisme énergétique en
nissant leur alimentation durant
tion de plusieurs hormones endocri- modifiant l’inflammation, qui modu-
la phase de repos plutôt que la
niennes impliquées dans le métabo- lerait à son tour la sensibilité à
période active), les rongeurs diverses hormones comme l’insuline
lisme énergétique (ghréline, insuline,
prennent du poids pour un même et la leptine.
leptine, cortisol, glucagon, GLP-1),
apport calorique. Chez l’Homme,
en altérant la rythmicité et l’ampli-
le fait de sauter le petit-déjeuner Bien d’autres éléments
tude de leur sécrétion (voir Figure).
(voir article page 10), de manger tard à prendre en compte
le soir (voir article page 09) ou de En théorie, selon les auteurs, cela Pour conclure leur travail de revue,
travailler en horaires décalés (voir pourrait contribuer à une désyn- les auteurs vont plus loin que la
article page 08) semble également chronisation entre ces hormones seule caractérisation des méca-
associé à un indice de masse corpo- et leurs récepteurs, entraînant une nismes à même d’expliquer l’effet
relle plus élevé et à un risque élevé réduction de la signalisation et une des rythmes alimentaires sur le
de troubles métaboliques dans les apparente résistance aux hormones. métabolisme énergétique. Ils esti-
Cependant, à l’heure actuelle, il ment que la conception actuelle
études d’observation. Toutefois, les
existe peu de preuves dans les des études faisant varier les rythmes
mécanismes impliqués restent encore
études humaines que ces altéra- alimentaires (saut de petit-déjeuner,
à identifier.
tions de la signalisation jeûne intermittent, Ramadan…) pour
endocrinienne soient en explorer les effets sur les rythmes
directement liées à une circadiens et la santé métabolique
modification des apports nécessite d’être ajustée. Plusieurs
ou de la dépense éner- facteurs devraient notamment être
gétique. intégrés comme le rôle individuel des
macronutriments selon leur horaire
Les neurotransmetteurs de consommation ou encore la pré-
et les molécules disposition génétique des individus à
anti-inflammatoires développer des réponses négatives aux
Pour les auteurs, d’autres perturbateurs circadiens. De même,
molécules pourraient la répartition des apports en glu-
être impliquées comme cides et en lipides au cours d’une
les neurotransmetteurs journée pourrait influencer les si-
du circuit de la récom- gnaux endocriniens. La qualité et la
pense (dopamine, séro- quantité de sommeil doivent aussi
tonine). Un apport calo- être prises en compte dans le cas de
rique prédominant le consommations en horaires décalés.
Figure : Influences circadiennes dans la régulation du bilan énergétique.
matin aurait ainsi un Autant d’éléments qui rendent en-
Un désalignement chronique peut entraîner un déséquilibre
impact positif sur l’équi- core difficile toute conclusion quant
énergétique par dérèglement du métabolisme énergétique périphérique
et de la signalisation vers le cerveau en lien avec l’apport énergétique libre énergétique en à la capacité de la désynchronisation
et les dépenses énergétiques. modulant la consom- des rythmes alimentaires à causer
mation et la satiété via une prise de poids ou des désordres
un renforcement positif métaboliques.
•••
À RETENIR
n ne perturbation de l’heure des repas peut modifier l’excrétion de nombreuses
U
hormones et molécules impliquées dans le métabolisme ; Source :
Mealtime: A circadian disruptor and determi-
n ependant, il est encore difficile de conclure avec certitude qu’elle peut
C nant of energy balance?
modifier l’équilibre énergétique, causer une prise de poids ou des désordres Ruddick-Collins LC, Morgan PJ, Johnstone AM.
métaboliques. Journal of Neuroendocrinology.
2020;32:e12886.
Or, de nombreuses publications par exemple, ≈ 7 h correspond au non-maigres consommait 8 % de
font référence à l’apport calorique réveil biologique, peu importe l’heure plus de ses calories quotidiennes
en fonction de l’heure locale, et non à la montre (il peut être 5 h du matin pendant la soirée biologique (≈ 19 h)
en fonction de l’horloge biologique à la montre d’un lève-tôt ou midi à la par rapport au groupe maigre : ainsi,
endogène de chaque individu. D’où montre d’un lève-tard). les individus non-maigres ont ten-
cette étude transversale examinant dance à consommer un pourcentage
L’enregistrement des prises ali-
la distribution de l’apport calorique plus important de leurs calories
mentaires a par ailleurs montré
et des macronutriments quotidiens quotidiennes à une phase circa-
que la consommation calorique la
au regard de l’horloge circadienne dienne plus tardive que les individus
plus basse était enregistrée durant
personnelle de 106 jeunes de 18 à maigres. Par ailleurs, les participants
la nuit biologique (≈ 3 h du matin en
22 ans. non-maigres consommaient 13 %
heure biologique) et la plus élevée
de glucides de plus lorsque leur
Un rythme biologique pendant la soirée biologique (≈ 19 h
horloge biologique sonnait ≈ 15 h.
très personnel en heure biologique). L’apport calo- Nombre de ces différences ne se
rique des sujets est donc en accord retrouvent pas lorsque l’on fait l’erreur
Pour connaître l’heure du début de
avec leur horloge interne. Les calo- d’étudier ces consommations en
nuit biologique de chacun d’entre
ries issues des glucides (pic à ≈ 7 h, heure de la montre ou par rapport
eux, les participants ont été placés
creux à ≈ 19 h) et des protéines (pic aux cycles de sommeil.
dans une pièce à lumière tamisée.
à ≈ 19 h, creux à ≈ 3 h) suivent égale-
La mélatonine (hormone du som-
meil qui marque le début de cette
ment un rythme circadien. L’apport Adapter les recommandations
calorique lié aux graisses s’avère Ces données reflètent l’importance
nuit biologique) a été mesurée
plus linéaire. de prendre en compte le rythme
heure par heure, via la salive. Selon
les individus, elle est apparue entre circadien de chaque individu, et
Effet de la masse grasse non l’heure de la montre, lors de la
17 h 52 et 3 h 38 (heure locale) !
Les horloges biologiques ne coïnci- Ont ensuite été examinées les diffé- conception de stratégies thérapeu-
dent donc pas nécessairement avec rences dans le schéma temporel de tiques : une recommandation de type
l’heure « à la montre » et peuvent la consommation calorique entre les « éviter de manger après 20 h » ne
être décalées jusqu’à 10 h entre jeunes adultes dits maigres (graisse tient pas compte de l’horloge biolo-
2 individus. Dans un souci de simpli- corporelle < 31 % pour les femmes gique propre à chacun et n’a donc
fication, les chercheurs ont exprimé et < 21 % pour les hommes, mesurée pas de sens pour une partie de la
les heures biologiques en faisant par impédancemétrie) et ceux dits population.
référence à un rythme « classique » : non maigres. Le groupe de sujets •••
À RETENIR MÉTHODOLOGIE
n hez des jeunes adultes, les prises alimentaires s’alignent sur l’hor-
C ULTRA-CONNECTÉE
loge biologique (et non sur le temps universel), qui peut être décalée L’étude a duré 30 jours durant
jusqu’à 10 h d’un individu à l’autre. lesquels les jeunes ont porté un
n es consommations glucidiques de l’après-midi et caloriques du soir,
L moniteur d’activité au poignet.
en horloge biologique, sont supérieures chez les jeunes non-maigres Une application pour smartphone
(comparativement aux maigres). leur a permis de photographier
toutes leurs prises alimentaires
sur 7 jours. Leur composition
corporelle (afin de distinguer un
groupe maigre d’un groupe non-
Source : maigre) et leur rythme circadien
Caloric and Macronutrient Intake Differ
with Circadian Phase and between Lean and (apparition de la mélatonine dans
Overweight Young Adults. la lumière tamisée ou DLMO) a été
McHill AW, Czeisler CA, Phillips AJK, Keating L, évaluée durant une hospitalisation
Barger LK, Garaulet M, Scheer FAJL, Klerman EB.
Nutrients. 2019 Mar 11;11(3):587.
de 16 heures.
Pour le savoir, des chercheurs ont pour le premier que le dernier repas
lancé une série de tests auprès de de la journée. Ces décalages peuvent
Source :
An examination of eating misalignment:
192 étudiants américains (18-31 ans). atteindre plusieurs heures chez The discrepancy between preferred and
Les résultats révèlent d’abord des certains individus. Toutefois, ils ne actual timing of food intake.
Veronda AC, Irish LA.
préférences très variables concer- sont pas plus marqués les jours de Chronobiol Int. 2021 Apr;38(4):557-564.
nant les horaires souhaités pour les cours que les jours de repos, suggé-
repas : par exemple, les préférences rant que d’autres contraintes que
des participants s’étalent entre 5 h les horaires universitaires en sont à
du matin et 17 h pour la 1ère prise l’origine (vie sociale, activités extra-
alimentaire de la journée ! En outre, scolaires...). Ayant confirmé l’exis-
des décalages entre les comporte- tence de profils et de décalages ho-
ments réels et les préférences raires en matière de chrononutrition
(définis par des consommations (à l’instar des chronotypes pour le
ayant lieu plus de 30 minutes avant sommeil), les chercheurs envisagent
ou après l’horaire souhaité) sont maintenant des travaux interrogeant
fréquemment observés (chez plus les effets de ces caractéristiques
de 50 % des individus), aussi bien sur la santé.
D’où cette revue narrative explorant dormir directement sont souvent La nécessité de programmes
l’impact de la perturbation circadienne rapportés. La leptine et la ghréline nutritionnels
des infirmiers, hôtesses de l’air, (dont les sécrétions sont modifiées
Enfin, selon les auteurs, la préva-
travailleurs à la chaîne, employés par les perturbations du sommeil),
lence du surpoids et de l’obésité
de structures ouvertes H24…, sur leur et l’insuline (dont la sécrétion dépend
chez les travailleurs en équipes
alimentation et leur bien-être psycho de l’horaire des repas) seraient im-
alternantes souligne la nécessité de
social. 110 publications en langue pliquées dans certains de ces com-
programmes nutritionnels spécifi-
anglaise ont été recensées sur portements mais ne seraient pas les
quement conçus pour réduire les
Google Scholar, PubMed et Scopus, seules : pression sociale des collè-
risques associés aux horaires déca-
via une recherche par mots clés gues durant les pauses ; moindre
lés : aliments riches en protéines la
(« rythme circadien », « horloge bio- accessibilité à des repas sains (can-
nuit, moindre consommation d’ali-
logique », « travail décalé »…). tine fermée) ; contraintes domes-
ments riches en glucides, horaires
tiques de retour au domicile ; etc.
réguliers des repas, équilibre ali-
Désynchronisation Pourtant, l’apport énergétique de mentaire.
de l’horloge interne ces travailleurs est comparable à
Les auteurs commencent par revenir celui des travailleurs à horaires
classiques : plus que l’apport éner-
sur le fondement biologique des À RETENIR
méfaits du travail décalé. Le noyau gétique, la prise de repas « au mau-
suprachiasmatique (NSC) de l’hypo- vais moment » du cycle de 24 h n e travail en équipe alternante (3 x 8) ne
L
serait ainsi un facteur clé du risque respecte pas le rythme biologique cir-
thalamus, siège de l’horloge interne
accru de perturbations métabo- cadien des infirmiers, travailleurs à la
centrale, synchronise les rythmes
chaîne, employés de structures ouvertes
de notre organisme sur 24 heures : liques. Les repas pris trop tard le soir
H24… qui y sont soumis.
stimulation du sommeil et des fonc- et le sommeil pendant la journée
perturberaient le système de régu- eur comportement alimentaire se
L
tions anaboliques pendant la nuit,
n
Horaires décalés,
alimentation chamboulée
.........
Une revue systématique s’est penchée sur les résultats de 33 études d’observation (30 transver-
sales, 2 longitudinales et 1 cas-témoin) relatives aux associations entre le travail décalé (de nuit ou
par rotation) et les habitudes alimentaires.
À LIRE ÉGALEMENT
The circadian regulation of food intake. Impact of Meal Timing and Chronotype
How to time the time - A preface Challet E. Nat Rev Endocrinol. on Food Reward and Appetite Control
to the special issue Circadian Rhythms 2019;15:393-405. in Young Adults.
in the Brain. Stehle JH, et al. Beaulieu K, et al.
Journal of Neurochemistry. Intermittent fasting: from calories Nutrients. 2020;12.
2021;157:6-10. to time restriction.
Duregon E, et al. Geroscience.
2021;43:1083-92.
absolue (- 0,98 kg) à l’issue du maines après la fin du Ramadan, elles
(Medline, Premedline, Embase, Sco- Ramadan chez les personnes en sont déjà atténuées voire ne sont plus
pus, Cinahl et Global Health), des surpoids ou obèses, mais pas chez significatives.
publications qui mesuraient le poids celles de poids normal. Il en va de
et la composition corporelle avant et même, mais dans une moindre
après le Ramadan, sans intervention mesure (perte 30 % inférieure à celle
visant à moduler l’activité physique de la masse grasse, avec - 0,66 kg)
ou le régime alimentaire des sujets. Source :
pour la masse maigre, qui décroît Effect of Ramadan Fasting on Weight and Body
durant le jeûne notamment chez Composition in Healthy Non-Athlete Adults:
Une perte de poids variable A Systematic Review and Meta-Analysis.
les hommes.
selon l’IMC de départ Fernando HA, Zibellini J, Harris RA, Seimon RV,
Sainsbury A.
Les données issues des 70 publi Le naturel revient au galop ! Nutrients. 2019 Feb 24;11(2):478.
cations sélectionnées (2 947 partici- Quid des semaines suivant la fin du Conflits d’intérêts : L’une des auteurs (Amanda
pants, études menées entre 1982 et Ramadan ? 2 à 5 semaines après la Sainsbury) est en partie rémunérée par diffé-
2018) confirment une perte de poids rentes entités médicales, et également auteur
fin du Ramadan, le poids et la com- de 2 ouvrages.
durant le Ramadan (- 1,34 kg en position corporelle convergent vers
moyenne), qui s’avère plus pronon- les mesures d’avant le Ramadan.
cée chez les personnes initialement Ainsi, ce mois de jeûne entraîne certes
en surpoids ou obèses. L’indice une réduction du poids et de la À LIRE ÉGALEMENT
de masse corporelle (IMC) pourrait masse grasse, notamment chez les
A systematic review, meta-analysis,
donc influencer la réponse au personnes en surpoids ou obèses, and meta-regression of the impact of
jeûne. À noter, il n’y a pas de diffé- mais elle n’est que transitoire. diurnal intermittent fasting during
rence entre hommes et femmes. Ramadan on glucometabolic markers
in healthy subjects.
Faris MA-I, et al. Diabetes Res Clin Pract.
2020;165:108226.
Jeûne intermittent :
l’importance de respecter l’horloge biologique
.........
Selon les études de chrononutrition les plus récentes, au-delà des moments auxquels nous consom-
mons nos aliments, la durée des périodes entre les prises alimentaires pourraient aussi impacter
la santé métabolique. Ainsi, le concept de jeûne intermittent est apparu dans le cadre de la lutte
contre l’obésité et de ses complications métaboliques. Dans une revue récente, des chercheurs de
l’université de Strasbourg font le point sur ce type de régime en examinant ses liens avec l’horloge
biologique.
Or, les allégations relayées à son ne pointer du doigt aucun aliment, de ceux consécutifs à la perte de
sujet ne sont pas toutes soutenues le jeûne intermittent peut s’avérer poids, par exemple sur la sensibilité
par des preuves scientifiques solides. difficile à suivre à moyen et long à l’insuline.
D’où cette initiative de deux cher- terme, comme en témoignent les taux
cheurs de faire le point sur les d’abandon plus élevés et le rappro-
connaissances actuelles afin de chement progressif vers un régime À RETENIR
démêler l’avéré du non fondé. Ils standard observés dans certaines
n e jeûne intermittent, qui peut prendre
L
publient ainsi une revue critique de études. Les mécanismes évoqués plusieurs formes, fait partie des mé-
la littérature sur laquelle les profes- pour défendre sa supériorité sont eux thodes de plus en plus utilisées par les
sionnels de santé pourront s’appuyer aussi battus en brèche, qu’il s’agisse personnes souhaitant perdre du poids.
pour guider leurs patients, et qui de l’hypothèse de la réduction de la n algré les allégations parfois relayées à
M
pointe aussi les questions scienti- sécrétion d’insuline ou de celle de son sujet, la revue conclut qu’il n’est pas
fiques encore non résolues et méri- l’augmentation des corps cétoniques plus efficace que les régimes basés sur
tant de futurs travaux. (faible chez l’Homme, et peu suscep la restriction calorique.
tible de produire des effets clinique-
Pas de supériorité par rapport ment significatifs). Bien qu’il ne s’avère
à la restriction calorique pas plus efficace que la restriction
La conclusion principale des auteurs calorique, le jeûne intermittent ne Source :
semble toutefois pas présenter de Intermittent fasting for obesity and
est la suivante : non, le jeûne inter-
related disorders: unveiling myths, facts,
mittent ne conduit pas à une perte risque majeur pour ses pratiquants. and presumptions.
de poids supérieure à celle obtenue Enfin, parmi les questions non tran- Halpern B, Mendes TB.
Arch Endocrinol Metab.
avec une restriction calorique quo- chées, reste à savoir si le jeûne inter 2021 Jan 14:2359-3997000000322.
tidienne. S’il a l’avantage d’éviter mittent produit des effets métabo-
tout comptage des calories et de liques favorables per se, indépendants
En effet, bien que les données tions quotidiennes observées dans charides…) et des métabolites
disponibles portent majoritairement la composition bactérienne du mi- microbiens (acides gras à chaîne
sur des modèles animaux, elles crobiote intestinal. Les oscillations en courte, acides biliaires, dérivés du
suggèrent que le jeûne intermittent découlant au niveau des composés tryptophane) constitueraient des
permettrait d’amplifier les fluctua- bactériens eux-mêmes (lipopolysac- signaux et participeraient à leur • • •
À LIRE ÉGALEMENT
Brain-Gut-Microbiome Interactions
and Intermittent Fasting in Obesity.
Frank J, et al. Nutrients. 2021;13.
À LIRE ÉGALEMENT
A randomized controlled trial to
Effects of Time-Restricted Eating on isolate the effects of fasting and energy
Weight Loss and Other Metabolic restriction on weight loss and metabolic
Parameters in Women and Men With health in lean adults.
Overweight and Obesity: The TREAT Templeman I, et al.
Randomized Clinical Trial. Science Translational Medicine. 2021.
Lowe DA, et al. JAMA Intern Med.
2020;180:1491-9.
Chrononutrition :
quels liens avec les apports en glucides ?
.........
La consommation de glucides pourrait-elle être révélatrice d’un type de pattern alimentaire ?
Oui, laisse à penser l’exploitation de données représentatives des consommations de la population
britannique.
À partir d’une méthode tenant moyenne soit 1 907 kcal). Les consom grande proportion de cas de diabète
compte de la variabilité individuelle mateurs modérés présentent les de type 2 chez les plus faibles consom
des consommations d’un jour à l’autre, apports énergétiques les plus faibles mateurs de glucides, ils notent que
des chercheurs ont ainsi catégorisé (7 342 kJ soit 1 754 kcal) et tendent cette relation pourrait résulter d’un
les 6 155 adultes de l’échantillon en à consommer leurs repas plus tard changement des habitudes alimen-
trois catégories, selon leur niveau de dans la journée. Quant aux plus forts taires à l’annonce de la maladie.
consommation de glucides : faible consommateurs de glucides, leurs
(204 g/j, 41 % de l’apport énergétique), apports énergétiques (intermédiaires
par rapport à ceux des autres
modérée (218 g/j, 47 % de l’AE),
groupes, 7 678 kJ soit 1 834 kcal) Source :
élevée (233 g/j, 48 % de l’AE).
ont majoritairement lieu aux horaires Day-Time Patterns of Carbohydrate Intake in
Adults by Non-Parametric Multi-Level Latent
L’étude montre que les plus faibles des repas traditionnels et sont plus Class Analysis-Results from the UK National
consommateurs de glucides sont importants le matin par rapport Diet and Nutrition Survey (2008/09-2015/16).
ceux qui présentent l’apport éner- Wang C, Almoosawi S, Palla L.
aux deux autres groupes. Bien que Nutrients. 2019 Oct 15;11(10):2476.
gétique le plus élevé (7 986 kJ en les chercheurs observent une plus
Le métabolisme du glucose,
mieux régulé le matin que le soir
.........
Partant du constat que le métabolisme du glucose est régulé en partie par le rythme circadien et que
sa perturbation sur le long terme crée un risque cardiométabolique, des chercheurs ont exploré
l’effet de l’heure du repas sur la tolérance au glucose et la sensibilité à l’insuline. Parallèlement, ils
ont cherché à savoir si réduire l’index glycémique du repas pouvait atténuer les excursions glycé-
miques post-prandiales.
Suivre le métabolisme némie étaient mesurées régulière- cose du soir qu’après celui du matin.
du glucose en continu ment après les prises orales (glucose De plus, après 2 heures de suivi, la
ou repas), jusqu’à 3 heures après glycémie post-prandiale lors du test
Deux essais ont été réalisés chez
les mêmes 10 participants. Dans le pour la glycémie et jusqu’à 2 heures du soir reste élevée et ne revient pas
premier essai, un test de tolérance après pour l’insulinémie. à son niveau initial, contrairement à
au glucose, les participants devaient celle du test du matin.
Une réponse glycémique
boire une solution de glucose à 8 h
plus élevée le soir Pas d’amélioration avec
et 20 h ; dans le second, ils consom-
maient un repas à faible index glycé- Le premier essai indique que la gly- une faible indice glycémique
mique à 8 h, 20 h et minuit. Dans les cémie post-prandiale est plus élevée L’essai avec le repas à faible indice
deux essais, la glycémie et l’insuli- après le test de tolérance au glu- glycémique montre que les glycé- • • •
On y apprend ainsi que des repas gagner à être consommés après les
consommés plus tôt dans la jour- légumes et la viande pour minimiser
Source :
Chrononutrition in the management
née réduisent la glycémie post- la réponse glycémique. De tels ajus- of diabetes.
prandiale. Limiter la part des glu- tements pourraient ainsi être consi- Henry CJ, Kaur B, Quek, RYC.
Nutr. Diabetes 10, 6 (2020).
cides au profit des protéines et des dérés dans les stratégies – géné
lipides le soir se révèle également ralement focalisées sur la seule
favorable pour la réponse glycé- composition nutritionnelle des repas
mique. En effet, la réponse glycé- – visant à améliorer le contrôle
mique post-prandiale est plus im- glycémique, en particulier chez
portante le soir, même en cas de les patients atteints de diabète de
consommation d’aliments à faible type 2.
index glycémique. Par ailleurs, les
aliments glucidiques à index glycé-
mique élevé tels que le riz semblent
Glucides :
de préférence le matin ou le soir ?
.........
Et si, pour préserver le contrôle glycémique, il existait des plages horaires plus adaptées pour
consommer les macronutriments tels que les glucides et les lipides ?
À LIRE ÉGALEMENT
Time-Restricted Eating as a Nutrition
Effects of time-restricted feeding Strategy for Individuals with Type 2
on body weight and metabolism. Diabetes: A Feasibility Study.
A systematic review and meta-analysis. Parr EB, et al. Nutrients.
Pellegrini M, et al. Rev Endocr Metab Disord. 2020;12:E3228.
2020;21:17-33.
Effects of time-restricted feeding
Chrono-nutrition for the prevention and in weight loss, metabolic syndrome and
treatment of obesity and type 2 diabetes: cardiovascular risk in obese women.
from mice to men. Schroder JD, et al. J Transl Med.
Hawley JA, et al. Diabetologia. 2021;19:3.
2020;63:2253-9.
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