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Social Compass

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L'"Evangelio": Pentecôtisme Indigène dans le Chaco Argentin


Pablo G. WRIGHT
Social Compass 2002; 49; 43
DOI: 10.1177/0037768602049001005

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social
compass
49(1), 2002, 43±66

Pablo G. WRIGHT
L'``Evangelio'': pentecoÃtisme indigeÁne dans le
Chaco argentin

Depuis la parution, au deÂbut des anneÂes 1960, du ``classique'' d'Elmer Miller sur
le pentecoÃtisme chez les indigeÁnes tobas, plusieurs auteurs se sont inteÂresseÂs
aux Eglises indigeÁnes du Chaco argentin. Cet inteÂreÃt a permis de mettre en
eÂvidence une seÂrie de pheÂnomeÁnes socio-religieux associeÂs aÁ l'anthropologie de
la reÂgion du Chaco, ce qui a contribue aÁ l'apparition de nouveaux theÁmes et
aÁ l'eÂlaboration de nouvelles approches conceptuelles. L'auteur preÂsente une
syntheÁse des principales approches theÂoriques deÂveloppeÂes dans le but d'analy-
ser ces mouvements, ainsi que les de®s conceptuels que ces approches repreÂsen-
tent pour certaines theÂories sociales eÂtablies. Il passe eÂgalement en revue les
questions cleÂs abordeÂes depuis 1954, comme les rapports entre chamanisme et
christianisme, les lectures indigeÁnes de la Bible, la temporalite et l'historiciteÂ,
et les liens entre mythe et histoire. En®n, il preÂsente un eÂventail de theÁmes
susceptibles d'eÃtre analyseÂs dans la perspective plus large d'eÂtudes religieuses
abordeÂes sous l'angle interculturel.

After Elmer Miller's classic work on Toba Pentecostalism appeared in the early
1960s, studies of the emergence of indigenous churches in the Gran Chaco
region of Argentina began to multiply. This interest led researchers to identify
a number of socio-religious phenomena in connection with anthropology in the
Chaco region, suggesting new themes and new conceptual approaches. The
author synthesizes some of the main theoretical trends developed for the purpose
of analyzing these phenomena and the conceptual challenges and problems to
which they have given rise. He also describes the main questions addressed
since 1954, including the relations between Christianity and shamanism, indi-
genous interpretations of the Bible, discourse, temporality and historicity, and
the connections between myth and history. Finally, the author outlines possible
directions for research within the wider perspective of religious studies in an
intercultural context.

En 1979, lors de ma premieÁre expeÂrience de terrain aupreÁs des Qom ou Toba1


de l'ancienne mission franciscaine de Tacaagle (Formosa), dans le nord-est
argentin, un des premiers eÂchanges que j'ai eu apreÁs les preÂsentations initiales
fut:Ð``Tu es croyant?''ÐJe reÂpondis: ``oui'' avec heÂsitationÐ``Ah, alors tu
es eÂvangeÂlique?''Ð``Non, je suis catholique''Ð``Ah, alors tu fumes et tu
bois.'' 2 Mes interlocuteurs parurent quelque peu inquiets devant l'eÂtonne-
ment que provoqua en moi cette reÂponse. Ils auraient de toute eÂvidence

0037±7686[200203]49:1;43±66;021843
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preÂfeÂre que je dise autre chose. Cependant, aÁ ce moment-laÁ, je ne pouvais


comprendre la densite seÂmantique de cet eÂchange. Il illustre brieÁvement, en
e€et, l'horizon historique et culturel des Toba contemporains, aupreÁs
desquels le pentecoÃtisme a eu une in¯uence deÂcisive dans l'apparition d'une
religiosite qui combine des eÂleÂments de celui-ci avec des formes de la tradition
chamanique indigeÁne. Cette forme de religiosite porte le nom geÂneÂrique de
``Evangelio'' et, dans certaines reÂgions, elle s'oppose aÁ la de®nition de
``catholique'' selon qu'il y ait eu ou non une preÂsence catholique missionnaire
dans la reÂgion.3 L'ideÂe geÂneÂrale de cet article est de preÂsenter les caracteÂris-
tiques du pheÂnomeÁne socio-culturel deÂnomme ``Evangelio'' au travers des
recherches reÂaliseÂes de 1954 aÁ nos jours. On y observera tant ses caracteÁres
geÂneÂraux que particuliers ainsi que la richesse qu'il repreÂsente en tant que
mouvement de reconstruction culturelle. Etre ``Evangelio'' renvoie autant
aÁ une quali®cation socio-religieuse qu'aÁ un eÂtat de l'eÃtre humain, et releÁve
donc tant du domaine de la sociologie que de l'ontologie. Cette double
dimension est peut-eÃtre la cle de son succeÁs passe et preÂsent. On y explorera
les tensions et les paysages conceptuels qui permettent de comprendre ces
dimensions. Celles-ci seront organiseÂes suivant des axes theÂoriques qui
seront preÂciseÂs plus loin.
Dans sa theÁse de doctorat ``Pentecostalism among the Argentine Toba''
(University of Pittsburgh, 1967), Elmer Miller ouvrit un espace conceptuel
pour l'analyse de pheÂnomeÁnes socio-religieux de la reÂgion du Grand Chaco
peu ou presque pas exploreÂs jusque laÁ. C'est aÁ partir de ses travaux sur les
Eglises indigeÁnes des Toba du Chaco argentin que l'ethnographie eÂlargit
son regard aÁ des manifestations de ce qui, jusqu'alors, eÂtait quali®e d'``accul-
turation'' ou de ``changement social'' avec leurs implications tant theÂoriques
que pratiques. En e€et, les recherches anthropologiques dans la reÂgion
avaient eÂtudie des groupes indigeÁnes discrets (Toba, PilagaÂs ou Mataco-
WichõÂ ) ou, si elles eÂtaient comparatives, restaient neÂanmoins sous l'emprise
de cateÂgories d'analyse classiques, telles celles du fameux guide Murdock
(eÂconomie, religion, mythologie, politique, organisation sociale, etc.).4 Par
rapport aÁ l'ensemble des theÁmes eÂtudieÂs, l'eÂmergence d'Eglises indigeÁnes
apparaissait comme un sujet liminaire et heÂteÂrodoxe, qui mettait en question
les certitudes et les criteÁres relatifs aux concepts de culture et de changement,
et aÁ ce que reÂserverait l'avenir aÁ ces acteurs sociaux convertis aÁ une forme
particulieÁrement populaire du christianisme protestant aÁ l'inteÂrieur d'un
pays aussi ociellement catholique que l'Argentine.
J'analyse, dans cet article, quelques-uns des chemins parcourus par les
chercheurs en mettant l'accent sur les núuds conceptuels qui surgirent lors
de ces eÂtudes, ainsi que les courants theÂoriques principaux dont elles sont
l'expression ainsi que leur prospective. Je me base aÁ cet e€et sur deux
ouvrages preÂceÂdents (Wright, 1992b, 1994) dans lesquels j'ai commence aÁ
structurer quelque peu la production scienti®que sur ces theÁmes. J'y ajoute
ici une mise aÁ jour bibliographique des nouvelles recherches anthropo-
logiques, ainsi que des theÂmatiques et des centres d'inteÂreÃt theÂoriques reÂcents.
Les axes theÂoriques tournent autour, d'une part, des poÃles de l'acteur et de
la structure et, d'autre part, des dimensions micros et/ou macros, en dis-
cutant les ideÂes de P. Bourdieu (1977) et de A. Giddens (1979). L'orientation
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et les caracteÂristiques principales de la vision de chacun des auteurs ou


groupes d'auteurs seront preÂsenteÂs en fonction de ces axes.

L'``Evangelio'': notes initiales

N'importe quel voyageur qui visite une implantation rurale ou urbaine


habiteÂe par des indigeÁnes du Chaco, dans les provinces du Chaco ou de
Formosa du nord-est argentin, trouvera au minimum une Eglise indigeÁne
structureÂe. Parmi celles-ci, l'Eglise EvangeÂlique Unie Toba (IEU) se distingue
des autres car elle est la seule aÁ eÃtre organiseÂe par les Toba eux-meÃmes.
D'autres, comme l'Eglise Quadrangulaire ou l'Eglise NazareÂenne, deÂpendent
de centres et d'une hieÂrarchie blanche,5 meÃme si l'on trouve eÂgalement des
membres indigeÁnes parmi leurs cadres intermeÂdiaires. D'origine toba,
l'IEU s'est eÂtendue aÁ d'autres groupes indigeÁnes du tronc linguistique
GuaycuruÂ: pilagaÂs dans la province de Formosa et mocovõÂ dans celle du
Chaco, ainsi qu'aux mataco-wichõÂ de la famille Mataco-MakaÂ. Il y a eÂgale-
ment des Eglises parmi les populations indigeÁnes du Paraguay. Certaines
®liales chez les migrants tobas de Buenos Aires et de Rosario comptent
aussi des membres blancs. C'est, par ailleurs, la seule organisation indigeÁne
interethnique de la reÂgion du Chaco.
L'appartenance aÁ ces Eglises, tout comme la religiosite qui y est pratiqueÂe
ou le fait d'eÃtre ``croyant'', recËoivent la meÃme deÂnomination: Evangelio.
C'est dire que ce terme posseÁde une polyseÂmie eÂminemment signi®cative
pour les gens eux-meÃmes, car il indique en meÃme temps trois choses
di€eÂrentes bien qu'eÂtroitement lieÂes. (1) C'est la deÂnomination geÂneÂrale de
la religiosite indigeÁne deÂriveÂe de la rencontre entre le pentecoÃtisme et le
chamanisme. (2) C'est le nom de l'aliation aÁ l'une ou l'autre Eglise particu-
lieÁre. (3) C'est la condition ontologique du ``croyant''. De sorte que les
simples phrases ``je suis Evangelio'', ou ``je suis dans l'Evangelio'' contien-
nent une complexite seÂmantique dicile aÁ percevoir pour quelqu'un qui
ignore l'histoire politique, eÂconomique ou religieuse des Toba et des indi-
geÁnes du Chaco en geÂneÂral. C'est dans ce contexte que prennent sens la
haÃte et la taxonomie utiliseÂe par mes interlocuteurs lorsqu'ils me questionnai-
ent sur mon appartenance religieuse, une curiosite doublement alimenteÂe par
mon pheÂnotype saxon et ma condition de visiteur blanc souhaitant cohabiter
pour un temps avec eux.

Espaces conceptuels

L'analyse des Eglises tobas a pris des chemins divers selon les eÂpoques et sui-
vant les di€eÂrentes appartenances des auteurs aÁ certains courants theÂoriques.
On peut relever quatre grands champs d'inteÂreÃt qui, meÃme s'ils ne s'excluent
pas l'un l'autre, sont signi®catifs d'une tendance analytique particulieÁre.
Ils semblent cependant se situer dans un continuum s'eÂtendant entre les
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poÃles acteur-micro et structure-macro, sans seÂparations nettes entre eux. Ces


champs se situent dans des perspectives di€eÂrentes, aÁ savoir: (1) histoire±
structure±symbole, (2) eÂconomie politique, (3) ontologie et (4) pratique et
performance. Le premier groupe, histoire±structure±symbole, se situe dans
une position intermeÂdiaire entre micro et macro. Le deuxieÁme occupe une
place leÂgeÁrement plus proche du structurel et du macro. Le troisieÁme s'est
oriente vers le micro et la valorisation de l'acteur. Le quatrieÁme, en®n, preÂ-
sente une syntheÁse reÂcente dans laquelle les axes acteur-structure et micro±
macro seraient placeÂs dans une dialectique deÂpassant ces oppositions.

Histoire±structure±symbole

On met principalement l'accent, dans ce groupe, sur les relations entre les
facteurs culturels preÂexistants et les circonstances externes structurelles qui
deÂbouchent sur l'eÂmergence de mouvements socio-religieux. Ses repreÂsen-
tants les plus importants sont des auteurs comme Reyburn (1954), Miller
(principalement 1967 et 1979) et Cordeu et Si€redi (1971), Cordeu (1984)
et Cordeu et de los RõÂ os (1982). On peut les seÂparer en trois sous-groupes:
le premier serait repreÂsente par Reyburn, le deuxieÁme par Miller et le dernier
par les autres auteurs citeÂs. Tous essaient d'expliquer, d'une part, les causes
de l'acceptation d'eÂleÂments en provenance du pentecoÃtisme et, d'autre part,
la raison du moment historique particulier au cours duquel cela s'est produit
(au deÂbut de 1940). La di€eÂrence qui existe entre eux se situe au niveau de la
porteÂe et de la de®nition des pheÂnomeÁnes eÂtudieÂs ainsi que de l'emphase
theÂorique deÂveloppeÂe.
Reyburn (1954) d'abord, concevant, comme l'anthropologie culturelle
nord-ameÂricaine, le systeÁme culturel comme un tout, insiste sur les ideÂes
de l'``ajustement'' de la culture toba aux conditions de vie se deÂteÂriorant
graduellement et de l'``acculturation'' qu'il observe entre les anneÂes 1920 et
1930, ainsi que sur le progreÁs des valeurs et de l'eÂconomie de la socieÂteÂ
creÂole au sein de la socieÂte indigeÁne. C'est dans ce contexte que le pentecoÃ-
tisme, adopte aÁ leur manieÁre par les Toba, leur permet de reÂorienter leur
propre processus de reproduction socio-culturelle face aÁ la culture creÂole et
au catholicisme ociel. Ce sont l'organisation sociale et la religion qui se
rede®nissent en fonction de ces eÂleÂments, et fournissent des outils aux indi-
geÁnes pour reÂsister aÁ l'eÂnorme processus de changement en cours aÁ cette
eÂpoque. Reyburn arme que ``la tendance dominante de la culture toba
est le reÂajustement'' (1954: 71). Il de®nit cette ``nouvelle'' religiosite comme
un ``christianisme toba'', en montrant que les traits de la culture tradition-
nelle y acquieÁrent des signi®cations partiellement nouvelles dans un ``rituel''
in¯uence par le pentecoÃtisme. Plusieurs de ses observations, regroupeÂes
dans un travail destine aÁ des missionnaires qui travaillaient dans la reÂgion,
o€raient des amorces theÂmatiques qui seront reprises et propageÂes par les
auteurs qui suivirent.
Les autres groupes de chercheurs rendent compte, avec un bagage con-
ceptuel et analytique plus explicite et plus solide, du deÂveloppement des
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Eglises indigeÁnes aÁ partir d'une longue seÂrie de mouvements autochtones de


protestation culturelle qui se produisirent deÁs le deÂbut du 20eÁme sieÁcle et au
sein desquels elles devaient trouver leur sens. Les di€eÂrences entre ces deux
analyses se situent au niveau de l'importance donneÂe aÁ ces processus aÁ
partir de perspectives theÂoriques sensiblement di€eÂrentes.
Les travaux de Miller, tout en proposant le ``pentecoÃtisme toba'' comme
objet de recherche, teÂmoignent d'un changement d'orientation au ®l du
temps. D'une optique initialement historico-sociologique (1967), puis
structurelle-symbolique (1975 et 1979) et, dans un deÂveloppement ulteÂrieur,
il associe des facteurs issus de l'histoire et de la praxis (1982). Miller a exploreÂ
de facËon deÂtailleÂe les di€eÂrents contextes historiques de la reÂgion du Chaco,
depuis la conqueÃte et la colonisation jusqu'aÁ la creÂation de l'Etat argentin
ainsi que la progression ulteÂrieure de ses frontieÁres inteÂrieures. C'est cette der-
nieÁre eÂtape qui fut aÁ l'origine de l'eÂmergence des Eglises tobas. Le premier
modeÁle qu'il utilisa, celui de tension-revitalisation (1967), utilise des concepts
cleÂs tels que l'inteÂgration sociale, la tension, certains composants de l'action
sociale et ses deÂterminants. Ceux-ci constituent un paysage conceptuel dans
lequel les hypotheÁses les plus geÂneÂrales du modeÁle structurel-fonctionnaliste
tendent aÁ expliquer les conduites collectives, en termes de deÂterminants
homogeÁnes, sans s'inteÂresser aux comportements particuliers. De meÃme,
l'inteÂgration de la socieÂte implique une conception d'un systeÁme ferme sur
lui-meÃme, dans lequel les changements sociaux sont geÂneÂreÂs de l'exteÂrieur,
sans laisser de place aÁ des processus intrinseÁques. Le concept de tension,
qui est utile pour expliquer un eÂtat particulier du systeÁme social, n'apporte
aucune explication quant aÁ l'intentionnalite du syteÁme qui vise aÁ ``reÂduire
la tension'' aÁ des niveaux jugeÂs par lui acceptables.
Bien que Miller situe la force explicative du pheÂnomeÁne religieux toba dans
le systeÁme des croyances et se base, d'une part, sur le modeÁle smelseÂrien et,
d'autre part, sur des modeÁles anthropologiques, en particulier Guiart
(1962) et Wallace (1956), il essaie de rendre compatibles deux approches
qui pourraient paraõà tre opposeÂes aÁ premieÁre vue. L'une, en e€et, souligne
des facteurs externes macro (eÂconomie et politique) tandis que l'autre privi-
leÂgie les facteurs internes meso et micro (culture, systeÁme mythico-religieux).
En ce sens, il a recours par exemple au concept de Smelser (1962) de ``con-
ductivite structurelle'' pour expliquer la ressemblance formelle qui existe
entre des eÂleÂments culturels du chamanisme toba et du pentecoÃtismeÐpar
exemple, la valeur du feu et de l'eau, de l'Esprit Saint, du fait de ``parler en
langues'', etc.Ðqui contribuent de manieÁre deÂcisive aÁ l'adoption de ces
eÂleÂments exogeÁnes aÁ une peÂriode de l'histoire toba en profonde crise socio-
culturelle et eÂconomique. Je consideÁre que, dans son ouvrage publie en
1967, il ne parvient pas aÁ une syntheÁse mais propose plutoÃt une liste de fac-
teurs-cleÂs et tente de donner une valeur de preÂdiction au modeÁle. Il laisse de
coÃte ce dernier aspect dans son travail de 1979, en y deÂveloppant une optique
d'adaptation culturelle mais avec des eÂleÂments repris au concept de tension.
En termes theÂoriques, ces deux modeÁles se compleÁtent et semblent s'appuyer
sur une analogie organique commune, l'homeÂostasie du systeÁme prise comme
ideÂal. Le modeÁle adaptatif est le produit d'un mouvement du systeÁme culturel
tendant aÁ reÂduire les tensions de l'eÂquation socieÂte±environnement.
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A la di€eÂrence de ses analyses preÂceÂdentes, le modeÁle structurel-


symbolique (Miller, 1975, 1981) s'inteÂresse particulieÁrement aux aspects
ideÂels et seÂmiotiques du pentecoÃtisme toba dont il essaie de deÂvoiler certains
núuds syntactiques. A cet e€et, il cadre les pheÂnomeÁnes dans une seÂquence
temporelle dans laquelle les faits historiques sont des eÂleÂments-cleÂs. Ces
faits deÂterminent la texture contingente de leur historiciteÂ, en deÂpassant en
quelque sorte le synchronisme qui caracteÂrise les analyses symbolistes.
Entre le modeÁle de tension-adaptation et le structurel-symboliste, on
observe un changement important dans les reÂfeÂrents que sont les concepts
d'ordre et d'harmonie. Dans le second, ces termes sont placeÂs dans un
scheÂma linguistico-relationnel ouÁ sont privileÂgieÂes la position et la syntaxe.
Ordre et harmonie sont relieÂs ici aÁ la conservation d'une architecture symbo-
lique du cosmos, d'un ordre syntactique et non fonctionnel.
En reÂsumeÂ, pour Miller, l'eÂmergence des mouvements socio-religieux tobas
est due aÁ la rencontre de facteurs externes (deÂcoulant de la conqueÃte, de
l'eÂvangeÂlisation et de la colonisation de la reÂgion, de l'oppression et des pri-
vations) et internes (systeÁmes de croyances et vision du monde), consideÂrant
en dernieÁre instance ceux-ci comme eÂtant fondamentaux.
Le point de vue de Cordeu et Si€redi (1971), de Cordeu (1984) et de
Cordeu et de los RõÂ os (1982) est en accord avec les fondements theÂoriques
d'auteurs tels que Balandier (1955), Lanternari (1965), Bastide (1973) et
Pereira de Queiroz (1969). Bien qu'en geÂneÂral ils se posent les meÃmes ques-
tions que Miller, ils partent, contrairement aÁ ce dernier, d'une notion de
totaliteÂ, de la tradition marxiste, de la ``situation coloniale'', qui agit en
tant que facteur structurel. Ce n'est qu'aÁ l'aide de celle-ci, disent-ils, que
l'on peut analyser la seÂquence des pheÂnomeÁnes socio-religieux du Chaco.
Et c'est dans ce contexte de totalite qu'interagissent dialectiquement des
facteurs preÂexistants des cultures indigeÁnes et des eÂleÂments de la socieÂteÂ
englobante colonisatrice. En particulier, le travail de Cordeu et Si€redi
(1971) preÂsente l'apparition de l'Eglise EvangeÂlique Unie toba au deÂbut
des anneÂes 1960 comme l'eÂtape la plus reÂcente d'une seÂrie de mouvements
milleÂnaristes et messianiques anteÂrieurs dans la reÂgion. Les donneÂes les
plus inteÂressantes ®gurent dans un article de L. BartolomeÂ, eÂcrit en 1969 et
publie en 1972. Il s'agit d'eÂpisodes qui ont eu lieu en 1905 chez les MocovõÂ
(mouvement des ``Tata Dioses''), chez les Toba et les MocovõÂ en 1924
(NapalpõÂ ) et chez les Toba en 1933 (El Zapallar et Pampa del Indio). Ces
di€eÂrents eÂveÂnements correspondent, selon les auteurs, aÁ des moments
di€eÂrents des relations interethniques plongeÂes dans le processus total de la
``situation coloniale''. Du point de vue historique, cette diachronie de mou-
vements est signi®cative et repreÂsente un dilemme qui doit eÃtre eÂlucide par les
analystes sociaux. On pourrait noter ici l'in¯uence de l'approche dialectico-
historique de Lanternari (1965), ajouteÂe aÁ l'analyse du colonialisme de
Balandier (1955) et de Bastide (1973) aÁ partir de leur expeÂrience en Afrique
et au BreÂsil. Plus tard, Cordeu (1984) analyse la preÂsence de l'Eglise
``Cuadrangular'' chez les populations toba et pilagaÂ, et consideÁre qu'elle cor-
respond aÁ un autre moment plus reÂcent encore des relations interethniques,
ouÁ l'on remarque une orientation plus nette vers une seÂcularisation et une
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modernisation des valeurs culturelles indigeÁnes en opposition aÁ la tendance


revivaliste et extatique qu'il observe dans l'IEU.
A partir de ce point de vue, les objectifs des auteurs sont la reconstruction
de certaines lignes du processus historique de ``transformation des socieÂteÂs
indigeÁnes depuis leur entreÂe au cours . . . d'une `situation coloniale' et le
roÃle que les circonstances speÂci®quement indigeÁnes ont joue dans celle-ci''
(Cordeu et Si€redi, 1971: 3±4). En ce sens, on observe une tendance explicite
aÁ valoriser la dynamique cosmovisionnaire et socio-culturelle indigeÁne ainsi
que les conditions culturelles preÂalables aÁ l'acceptation d'eÂleÂments pente-
coÃtistes chreÂtiens. En conseÂquence, des termes tels que horizon mythique,
dynamique cosmovisionnaire, conditions culturelles preÂalables, ou ceux
d'oppression ethnique, de crise culturelle, de concordances seÂmantiques
marquent les preÂfeÂrences conceptuelles de ces auteurs.
Les di€eÂrences entre les perspectives des deux derniers groupes d'auteurs se
situent concreÁtement dans un usage di€eÂrent du concept de totaliteÂ. Miller
s'appuie sur la sociologie structurelle-fonctionnaliste et, plus tard, sur l'eÂco-
logie culturelle et la seÂmiotique. Cordeu, Si€redi et de los Rõ os partent de
l'analyse marxiste et de la sociologie de la colonisation africaine. Par ailleurs,
Miller eÂtablit une connexion avec la seÂrie des mouvements socio-religieux du
Chaco, tandis que pour le dernier groupe, ils constituent eÂgalement une
donneÂe signi®cative, mais aÁ partir de leur perspective totalisatrice.

Economie politique

Les travaux qui font partie de ce courant ont une tendance assez marqueÂe
aÁ valoriser des facteurs structurels de l'eÂconomie politique reÂgionale pour
expliquer l'apparition des mouvements du Chaco, ou meÃme certaines
formes actuelles de chamanisme. Ce qui suppose une diminution du potentiel
explicatif des facteurs culturels indigeÁnes ou de l'horizon mythique, meÃme si
ceux-ci sont neÂanmoins consideÂreÂs comme importants. Par exemple, ces
travaux sont focaliseÂs sur certains facteurs-cleÂs comme l'expansion du capital
dans le Chaco et ses reÂpercussions sur le mode et les rapports de production,
l'histoire sociale et eÂconomique, l'occupation des territoires aborigeÁnes par
l'Etat (aÁ l'aide de reÂductions seÂculieÁres et/ou de missions religieuses), les
rapports entre les migrations de travailleurs, l'eÂvangeÂlisation et la proleÂ-
tarisation.
Ce groupe peut eÃtre scinde selon deux orientations di€eÂrentes, l'une plus
analytique et plus sociologique, l'autre plus ethnographique et plus dialec-
tique. Le premier sous-groupe inclut les travaux de L. Bartolome (1972),
de Fuscaldo (1982, 1985), de Mendoza et Wright (1989) et de SantamarõÂ a
(1990), le second, ceux de Mendoza et Gordillo (1989) et de Gordillo
(2000). L'eÂleÂment qui leur est commun aÁ tous, c'est l'accent porte aux aspects
macro et structurels qui, en dernieÁre instance, deÂterminent les reÂponses socio-
religieuses particulieÁres des socieÂteÂs indigeÁnes. La perspective cateÂgorielle de
l'observateur est eÂpisteÂmologiquement deÂcisive et un inteÂreÃt moindre est
accorde aux aspects ethnographiques ou aux cateÂgories autochtones que
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peuvent faire apparaõà tre les di€eÂrents pheÂnomeÁnes socio-religieux lorsqu'on


les analyse en profondeur. Par ailleurs, ils mettent l'accent sur l'importance
des analyses comparatives et des eÂveÂnements pouvant eÃtre repris dans une
seÂquence historique. Certains auteurs sont in¯uenceÂs par les úuvres deÂjaÁ
citeÂes de Lanternari et de Balandier. La terminologie utiliseÂe, particulieÁre aÁ
l'anthropologie marxiste et aux eÂtudes de la paysannerie, utilise des concepts
tels que le mode de production, les rapports de production, l'articulation,
l'alieÂnation, la proleÂtarisation, la ruralisation, la reÂsistance, le con¯it et
l'oppression.
Les eÂtudes de L. Bartolome (1972) portent, comme indique plus haut,
sur la seÂrie de mouvements de protestation ayant eu lieu entre 1905 et 1933.
Cet auteur consideÁre qu'il s'agit d'une seÂrie de manifestations milleÂnaristes
qui pourraient probablement eÃtre consideÂreÂes comme des anteÂceÂdents aux
Eglises indigeÁnes actuelles (1972: 107). Son modeÁle d'analyse se base prin-
cipalement sur Worsley (1968) et sur Lanternari, deÂjaÁ citeÂ. Marquant sa
preÂfeÂrence pour les facteurs structuraux et un certain scheÂmatisme concep-
tuel, Bartolome arme que ``le reÂfeÂrent le plus immeÂdiat des expeÂriences reli-
gieuses veÂcues par les participants aÁ ces mouvements est social et politique
avant d'eÃtre purement mystique'' (1972: 117, citant Worsley, 1968: xxxiv).
Se faisant l'eÂcho d'un commentaire de Pereira de Queiroz sur Lanternari,
il arme que les mouvements messianiques sont toujours guideÂs par des
objectifs socio-eÂconomiques et politiques, c'est-aÁ-dire, par des objectifs
profanes. Bartolome reconnaõà t cependant que certains traits de la culture
indigeÁne facilitent l'arriveÂe du pentecoÃtisme en faisant remarquer que les
missionnaires pentecoÃtistes ont eu du succeÁs aupreÁs des Toba ``aÁ cause du
fondamentalisme fortement messianique qu'ils preÃchaient et qui se trouva
conforte par les impulsions milleÂnaristes de la population aborigeÁne''
(1972: 116). Le tableau que preÂsente Bartolome sur les Mocovõ vers 1905
est inteÂressant si l'on veut se faire une ideÂe du contexte eÂconomico-politique
de la reÂgion, contexte que l'on peut eÂtendre aÁ l'ensemble des aborigeÁnes du
Chaco:

. une deÂpendance presque absolue, pour leur subsistance, d'activiteÂs


eÂconomiques non indigeÁnes;
. l'immersion au sein d'une population majoritaire dont l'origine ethnique
eÂtait europeÂenne;
. leur exploitation comme moissonneurs et paysans agricoles faiblement
reÂmuneÂreÂs, maltraiteÂs par les contremaõÃ tres et escroqueÂs par des recru-
teurs de main d'úuvre (1972: 109).

Cette situation eÂtait identique dans tout le Chaco argentin. LaÁ ouÁ la conjonc-
ture devenait insoutenable, des manifestations milleÂnaristes se produisaient
en signe de reÂsistance non seulement symbolique mais eÂgalement armeÂe.
Les contributions de Fuscaldo (1982, 1985), s'inscrivant dans la ligne de
BartolomeÂ, approfondissent davantage les aspects eÂconomico-politiques du
milleÂnarisme GuaycuruÂ, en le comparant aux anciennes strateÂgies des raz-
zias, et en les consideÂrant l'un et l'autre comme des formes d'articulation
sociale avec l'Etat Nation argentin naissant et l'occupation eÂconomico-
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Wright: L'``Evangelio'': pentecoÃtisme indigeÁne dans le Chaco 51

militaire du ``deÂsert'' du Chaco. La casuistique apporteÂe par Bartolome et


Fuscaldo fonctionne en compleÂment des analyses situeÂes ailleurs dans le
continuum micro±macro/acteur±structure, plus centreÂes sur des aspects
meso ou micro-culturels.
Dans le travail de Mendoza et Wright (1989) qui compare certains aspects
eÂconomiques, sociaux et culturels chez les Toba de l'est et de l'ouest de
Formosa, il est suggeÂreÂ, dans une approche in¯uenceÂe par le mateÂrialisme
culturel de M. Harris, que l'eÂmergence des Eglises indigeÁnes, telles que
l'IEU toba, pourrait eÃtre ``l'expression sociale d'un changement dans le
mode de production'' quand les activiteÂs agricoles et salarieÂes remplaceÁrent
presque compleÁtement celles de la chasse, de la peÃche et de la cueillette. La
IEU et les autres Eglises indigeÁnes y sont preÂsenteÂes comme des organisations
ideÂologiques et hieÂrarchiques coheÂrentes, faisant montre d'une espeÁce d'``a-
nite eÂlective'' avec les rapports de production capitalistes.
Selon une perspective qui tient compte du rapport entre conscience ethni-
que et conscience de classe en lien avec le pentecoÃtisme des indigeÁnes et des
meÂtis du Chaco, Santamarõ a arme de manieÁre un peu unilateÂrale que ``en
reÂarmant l'identite ethnique, [le pentecoÃtisme] laisse compleÁtement de
coÃte toute autoconception de la paysannerie indigeÁne en tant que classe
sociale au sein d'une socieÂte eÂlitiste et multiethnique'' (1990: 10). Cet
auteur trace les traits principaux du pentecoÃtisme tel qu'il est parvenu aÁ la
population aborigeÁne et meÂtisse du Chaco, sans tenir compte des eÂleÂments
adopteÂs par les reÂcepteurs, ou de la facËon dont ceux-ci redonnent sens aux
signes, aux symboles et aux pratiques religieuses. C'est pour cette raison
que cette approche, peut-eÃtre la plus axeÂe sur les cateÂgories analytiques de
l'observateur, s'inteÂresse aÁ l'absence de participation politique des ®deÁles
pentecoÃtistes, tant aÁ la campagne qu'en ville. Ce qui signi®erait que la
pratique et le dogme religieux pentecoÃtistes bloquent une participation au
monde, laÁ ouÁ cependant la seule manieÁre de changer ce monde est l'activiteÂ
politique et la conscience de classe.6
De leur coÃteÂ, Mendoza et Gordillo (1989) eÂtudient, dans une optique plus
ethnographique, le cadre eÂconomique et politique du Chaco occidental, en
particulier les relations de travail dans les sucreries de Salta et de Jujuy,
leur incidence sur les populations mataco-wichõÂ et toba, ainsi que l'arriveÂe
et l'installation, au milieu de cette population indigeÁne, de missions angli-
canes au deÂbut du 20eÁme sieÁcle. Le cadre global de ce processus est constitueÂ,
comme chez Fuscaldo, par les progreÁs du capital dans la reÂgion et la sou-
mission correÂlative des activiteÂs de production et de reproduction. Dans ce
contexte, les missions anglicanes et l'anglicanisme mataco-wichõÂ preÂsentent
un cadre ideÂologique coheÂrent avec des rapports de production de plus en
plus peÂneÂtreÂs par le capitalisme.
Plus reÂcemment, dans une eÂtude des pratiques chamaniques des Toba de
l'ouest de la province de Formosa, Gordillo (2000) en sonde les dimensions
symboliques aussi bien que politiques et historiques, en les de®nissant prin-
cipalement comme praxis de reÂsistance et de critique culturelle. Partant
d'une perspective gramscienne et s'inspirant de la critique anthropologico-
historique de M. Taussig, N. Thomas et John et Jean Comaro€ notamment,
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52 Social Compass 49(1)

il propose un scheÂma original d'analyse culturelle sous forme d'une ethno-


graphie de la dialectique culturelle des symboles et des pratiques.

Ontologie

Dans le continuum analytique, cette optique se situe plus preÁs de l'analyse


micro et de la spheÁre des acteurs sociaux. Un des objectifs d'une grande
partie des travaux tente d'expliciter la constitution ontologique du monde
indigeÁne, en partant theÂoriquement des cateÂgories des acteurs. Les autres fac-
teurs, souligneÂs par les deux points de vue qui ont eÂte analyseÂs plus haut, sont
preÂsenteÂs sans beaucoup d'enthousiasme comme eÂtant des eÂleÂments inheÂrents
au contexte geÂneÂral du Chaco. Chez ces auteurs, on retrouve, dans les
grandes lignes, une certaine parente avec les propositions hermeÂneutiques
de Dilthey ainsi qu'avec la pheÂnomeÂnologie de Husserl et de Heidegger.
Deux groupes de chercheurs se distinguent par leur position respective
dans le continuum conceptuel: le premier s'inteÂresse davantage aÁ l'intra-
culturel, le second inteÁgre des processus historiques dans le contexte d'inter-
preÂtation.
Le premier groupe se compose d'auteurs s'appuyant sur une proposition
meÂthodologique de Husserl, reÂinterpreÂteÂe par M. BoÂrmida (1976). Il tente
d'identi®er des structures eÂideÂtiques de sens (geÂneÂrales, c'est-aÁ-dire univer-
selles, et particulieÁres, ces dernieÁres eÂtant culturellement speÂci®ques) alimen-
teÂes par l'horizon mythopoeÂtique de la socieÂte indigeÁne. Il s'agit des travaux
de Califano (1986, 1988), Califano et Dasso (1990), Dasso (1985, 1988, 1989,
1994) et Messineo (1988). On y trouve une volonte de deÂcouvrir l'inter-
preÂtation que les indigeÁnes font de la preÂdication protestante qu'ils ont
recËue. Il s'agit dans ce cas des Mataco-WichõÂ des rives du rõÂ o Pilcomayo
(ouest de la province de Formosa) et des rives sud du rõÂ o Bermejo (ouest
de la province du Chaco). Les premiers furent eÂvangeÂliseÂs par les anglicans
aÁ partir de 1914; les seconds par des missionnaires franciscains deÁs 1890.
Le releve du corpus mythico-religieux indigeÁne ``traditionnel'' et de celui
d'origine chreÂtienne est preÂsente comme une preÂmisse meÂthodologique.
Ceci pourrait rendre une meilleure visibilite aux lignes de force de la lecture
mataco-wichõÂ de la Bible, traduite dans leur dialecte par les anglicans. C'est la
connaissance de la vision du monde mataco-wichõ qui donna la cle du proces-
sus interpreÂtatif original reÂalise par les indigeÁnes croyants. Il est inteÂressant
de comprendre le discours religieux ``syncreÂtique'' des aborigeÁnes anglicans,
ainsi que celui des membres d'un culte reÂcent, appele ``La Alabanza'', surgi
dans la communaute de Carboncito (est de la province de Salta) dans
lequel on retrouve des in¯uences pentecoÃtistes eÂvidentes (Messineo, 1988).
C'est pour ameÂliorer leur perception de ces pheÂnomeÁnes que Califano
(1988) et Califano et Dasso (1990) en particulier reÂalisent des eÂtudes com-
paratives de la religiosite indigeÁne dans les reÂgions deÂjaÁ mentionneÂes du
Pilcomayo et du Bermejo. Le culte de ``La Alabanza'' est un exemple
actuel de pentecoÃtisation de la religiosite mataco-wichõ sous l'in¯uence de
l'anglicanisme et preÂsente beaucoup de points communs avec le culte de
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Wright: L'``Evangelio'': pentecoÃtisme indigeÁne dans le Chaco 53

l'IEU. D'autant plus que cette Eglise, ainsi qu'on l'observera plus loin, s'est
eÂgalement reÂpandue parmi les Mataco-WichõÂ .
Selon ces auteurs, et pour en revenir aux structures de sens, la preÂdication
anglicane introduisit un troisieÁme terme dans l'ancienne donneÂe cosmo-
logique wichõ humain (wichõ )Ðnon humain (ahat), repreÂsente par Dieu.
L'analyse de l'interpreÂtation indigeÁne des textes bibliques releÁve des di€eÂ-
rences dans le discours religieux qui, partant d'un texte statique, est con-
fronte aÁ la multiplicite dynamique de la tradition orale chamanique. L'on
trouve quelques leÂgeÁres di€eÂrences d'une reÂgion aÁ l'autre, tant dans la
reÂgion du Pilcomayo que dans celle du Bermejo, et une explication possible
doit eÃtre chercheÂe dans l'histoire particulieÁre de chaque reÂgion. MalgreÂ
cette allusion aÁ l'histoire, l'explication se trouve plus geÂneÂralement dans la
spheÁre culturelle locale, en en soulignant la vision cosmologique. En
reÂsumeÂ, ces auteurs deÂveloppent des analyses inteÂressantes sur l'ontologie
de la parole et du reÃve dans le contexte du chamanisme, de l'anglicanisme
et de ``la Alabanza'' wichõ , ce qui permettrait d'e€ectuer des comparaisons
avec la vision du monde d'acteurs non indigeÁnes.
Les auteurs du second sous-groupe, bien qu'incluant des travaux portant
sur la cosmologie et l'ontologie, ont cependant recours aÁ l'histoire ethnique
a®n d'eÂlucider l'origine des cateÂgories cosmologiques et des pheÂnomeÁnes
socio-religieux. Leur position sur le continuum analytique est plus proche
de la structure que celle du groupe preÂceÂdent. La dialectique des relations
interethniques sur l'origine de ces mouvements est eÂgalement mise en
valeur dans certains ouvrages. On peut mentionner les travaux sur les
Mataco-Wichõ de Braunstein (1990), d'Idoyaga Molina sur les Pilaga (1987,
1992, 1993, 1994, 1996), de Vuoto (1986), de Vuoto et Wright (1991) sur les
Toba et les Pilaga et de Wright (1984, 1987, 1988, 1992a, 1997) ainsi que de
Ruiz Moras (1999) sur les Toba.
Braunstein fait reÂfeÂrence au rituel wichõÂ de la ``messe'' qui s'est deÂveloppeÂ
sur la rive nord du Bermejo et qui preÂsente une forte in¯uence du rituel
catholique. Il eÂtablit des concordances seÂmantiques entre le rite aborigeÁne
et le rite catholique et tente, en meÃme temps, de deÂcouvrir la profondeur
historique du rituel ainsi que son origine. A cette ®n, il a eÂgalement recours
aÁ des comparaisons avec d'autres zones wichõÂ comme celle du Pilcomayo et
du sud du Bermejo. Le groupe qui le pratique se fait appeler ``catholique''
et s'oppose paradoxalement, d'une part, aux ``gens du cureÂ'' et, d'autre
part, aux ``eÂvangeÂlistes'' (1990: 151). Pour cet auteur ``la messe mataco . . .
doit eÃtre la reÂsultante d'un changement religieux important s'eÂtant probable-
ment passe sur les rives du Bermejo il y a environ cent ans'' (1990: 151). Au
cours de ces ``messes'', on mange du ``cebil'' (Anadenanthera Macrocarpa)
qui facilite la seÂparation de l'aÃme du corps et on reÂalise des voyages symbo-
liques dans les di€eÂrentes reÂgions du monde a®n de mettre de l'ordre dans le
cosmos et de sauver les aÃmes perdues. Certains eÂleÂments de ce rituel, comme
le ``culte des morts'' et l'``universalite de l'action bienfaisante'', sont identi®eÂs
par Braunstein comme eÂtant des eÂleÂments typiques du christianisme catholi-
que qui n'ont eÂte adopteÂs que par les Mataco de cette zone du rõ o Bermejo.
Ceci pose des questions theÂoriques et pratiques inteÂressantes sur les e€ets du
contact interculturel dans les systeÁmes de repreÂsentation de n'importe quel
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54 Social Compass 49(1)

groupe humain, notamment chez les WichõÂ pour lesquels, dans la majoriteÂ
des reÂgions ouÁ ils habitent, les morts sont des eÃtres de la cateÂgorie non
humaine et il n'existe pas d'actions pouvant eÃtre quali®eÂes d'universellement
beÂnignes.
Vuoto (1986) publie pour la premieÁre fois une eÂtude importante sur le
mouvement milleÂnariste messianique de Dios Luciano, un propheÁte pilagaÂ
qui fonda un culte dans les anneÂes 1940 dans la zone centrale de la province
de Formosa, qui se propagea dans tout l'est de cette province ainsi que dans
le nord-est du Chaco.7 Ce mouvement fut lance peu avant l'expansion des
Eglises anglicanes indigeÁnes qui, vers la ®n des anneÂes 1950, se preÂsenteÁrent
sous le nom d'Eglise EvangeÂlique Unie. Le travail de Vuoto (1986) reprend
les discussions de Miller, de Cordeu et Si€redi et de Bartolome sur l'ensemble
des mouvements milleÂnaristes messianiques Guaycuru en y ajoutant des
analyses deÂtailleÂes des cultes de Pedro MartõÂ nez et de Luciano. Vuoto con-
sideÁre qu'il s'agit de mouvements de ``transition'' car on n'y trouve pas les
expressions contre les blancs qu'ils avaient en 1905, 1924 et 1933 (BartolomeÂ,
1972). Quand elle parle de ``transition'', Vuoto fait reÂfeÂrence aÁ une eÂtape
intermeÂdiaire entre le chamanisme traditionnel et le culte eÂvangeÂlique qui
va, par la suite, eÃtre repris par l'Eglise Unie. L'adeÂquation entre l'expeÂrience
religieuse toba et l'Eglise pentecoÃtiste fut possible, d'apreÁs Vuoto, ``par des
pas intermeÂdiaires qui servirent de lien entre ces deux mondes'' (1986: 42).
Bien qu'elle donne de l'importance aÁ la cosmovision vernaculaire, Vuoto
situe eÂgalement ces mouvements dans un cadre historico-analytique qui
donne du sens aÁ l'ensemble des mouvements milleÂnaristes GuaycuruÂ.
Vuoto et Wright (1991) compleÁtent les informations preÂceÂdentes sur
Luciano par du mateÂriel documentaire, des journaux et des revues de
l'eÂpisode de la guerre ainsi que par des informations de premieÁre main.
Leur point de vue n'est pas aussi ethnographique que chez Vuoto (1986).
On y analyse les versions donneÂes par les indigeÁnes, par les gendarmes et
dans des sources documentaires comme des ``histoires pour'' (LeÂvi-Strauss,
1962) ou des histoires locales pas toujours comparables entre elles. Ils ont
utilise une meÂthodologie du type ``chroniques'' ce qui rend aÁ chaque version
de l'histoire toute sa valeur heuristique et hermeÂneutique.
Idoyaga Molina tente de deÂcouvrir le treÂfonds chamanique preÂsent dans
le discours des membres de l'Eglise EvangeÂlique Unie pilaga (1987, 1993).
Elle s'est consacreÂe plus reÂcemment aÁ creuser certains aspects du mouvement
milleÂnariste messianique du ``Dieu Luciano'', dont elle observe, contraire-
ment aÁ l'opinion de Vuoto (1986), qu'il est antiblanc et empreint de reÂsis-
tance. Plusieurs articles de Idoyaga traitent du mouvement de Luciano et,
en geÂneÂral, de la place qu'occupent les espoirs milleÂnaristes des PilagaÂ, leur
reÂinterpreÂtation de cette confrontation et leur vision de l'avenir. A ce sujet,
il est inteÂressant de souligner que les Pilaga pensaient que l'anneÂe 2000 verrait
se reÂeÂditer les catastrophes mythiques d'une transformation du monde et des
eÃtres qui s'eÂtaient deÂjaÁ produites dans un passe lointain et qui devaient punir
les hommes blancs en les changeant en animaux et en reÂcompensant les
croyants de Luciano qui entreraient dans une peÂriode paradisiaque.
L'attitude antiblanche s'exprime aujourd'hui dans l'horizon symbolique,
alors qu'auparavant elle l'eÂtait par les armes (Idoyaga Molina, 1993, 1996).
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Wright: L'``Evangelio'': pentecoÃtisme indigeÁne dans le Chaco 55

Cette attitude originale des Pilaga se deÂmarque de l'eÂthos neÂgociateur et


transactionnel des Toba, beaucoup plus nombreux et fondateurs de l'Eglise
EvangeÂlique Unie. Cette auteure s'inteÂresse ®nalement au versant historique
de ces eÂveÂnements (l'histoire objective) bien qu'elle se sente plus attireÂe par la
mythi®cation et l'``inteÂgration historique'' (Guss, 1981).
Le changement d'aliation commun aux Eglises indigeÁnes est traite par
Ruiz Moras (1999), qui transpose au plan de la religiosite le modeÁle du noma-
disme socio-eÂconomique traditionnel des Toba. Dans ce contexte, il propose
un ``nomadisme religieux'' base sur l'analogie entre la ¯uidite et la dynami-
que d'adaptation au milieu anciennement deÂveloppeÂes par les TobaÐ
qui aujourd'hui semblent substantiellement modi®eÂes tout en maintenant
certains eÂleÂments cleÂsÐet l'appartenance dynamique aÁ des organisations
religieuses indigeÁnes et aÁ la pratique du chamanisme. Il pose l'hypotheÁse de
l'existence de reÂseaux propres aÁ chaque systeÁme de croyances et lieu. Ceci
semble prouve par les changements freÂquents d'adheÂsion religieuse qu'il fau-
drait mettre en relation avec la situation veÂcue d'abondance ou d'indigence
mateÂrielle. Il soutient ®nalement que les codes de religiosite toba impliquent
des changements seÂmantiques permanents, avec un passage dynamique par
``les chemins pluriels de l'adheÂsion'', et ouÁ les di€eÂrentes theÂophanies (prove-
nant autant de la mythologie indigeÁne que du christianisme eÂvangeÂlique)
seraient de continuelles ``meÂtaphores de la meÃme chose''.
Les travaux de Wright (1984, 1988, 1992a) sont des eÂtudes ethno-
graphiques des Eglises tobas, en particulier de l'Eglise Unie et de l'Eglise
``Cuadrangular''. Leurs cadres theÂoriques sont ceux du symbolisme de
Turner (1967) et de Geertz (1973) ainsi que les sources classiques de Miller
et de Cordeu et Si€redi deÂjaÁ mentionneÂes. Wright cherche aÁ savoir comment
la culture indigeÁne a reÂinterpreÂte certains eÂleÂments du christianisme pentecoÃ-
tiste avec lequel elle est entreÂe en contact. Il essaie eÂgalement d'explorer les
formes d'organisation socio-politique de ces institutions et leurs structures
de pouvoir ainsi que leurs connexions avec la politique non indigeÁne. S'y des-
sine, aÁ partir de 1989, une approche de la logique symbolique des discours
eÂvangeÂlique et chamanique qui coexistent sans diculte aux yeux des indi-
geÁnes membres de l'une ou l'autre de ces Eglises.
Plus reÂcemment (1997), Wright introduit pour la premieÁre fois le terme
``Evangelio'' comme cateÂgorie d'une appartenance indigeÁne polyseÂmique, aÁ
la fois sociologique et ontologique, comme cela a deÂjaÁ eÂte dit. Il propose
aussi une vision postcoloniale de l'ontologie toba, qui sous-entend une
critique historique de la constitution de la culture toba de l'est de Formosa,
ainsi que de la de®nition meÃme de cateÂgories telles que l'ethniciteÂ, la religio-
site et l'histoire. On y trouve, par exemple, en ce sens, une interpreÂtation du
passe aborigeÁne qui, d'un coÃteÂ, est neÂgatif (rempli de pauvreteÂ, d'ignorance,
de deÂnuement et de paganisme) et, d'un autre, est positif (produits ali-
mentaires de la foreÃt, vie sans frontieÁres et liberteÂ). C'est-aÁ-dire que l'appar-
tenance aÁ l'``Evangelio'' a pour conseÂquence une rede®nition de la
temporalite propre d'un processus de colonisation de l'imaginaire qui se
veÂri®e en geÂneÂral dans beaucoup de points de contact entre des formes de
christianisme et des religions indigeÁnes du Nouveau Monde. Wright donne
le nom de ``censure cosmologique'' aÁ ce processus de recon®guration critique
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56 Social Compass 49(1)

du temps et du passe qui preÂsentent des connotations coloniales eÂvidentes.


Un autre point qui renforce cette position est le processus d'incorporation
de la leÂgitimite de l'eÂcrit, que les Toba appellent ``les papiers'', qui caracteÂrise
la culture blanche. Sur ce point, les Eglises tobas ont eÂte contraintes, deÁs
l'origine, de posseÂder un ®chier du culte qui leur donnait l'autorisation o-
cielle de fonctionner. Cette soumission de l'oral aÁ l'eÂcrit est un autre eÂleÂment
de la colonisation blanche, car elle stigmatise la culture indigeÁne comme man-
quant d'ordre et de meÂmoire eÂcrite. Dans ce contexte, la Bible, traduite en
toba, en pilaga et en mocovõ , joue un roÃle capital qui fait largement oublier
son origine occidentale.

Pratique et performance

Des productions plus reÂcentes se sont centreÂes principalement sur la perfor-


mance rituelle des cultes des Eglises indigeÁnes. Elles font preuve d'une
certaine convergence conceptuelle et meÂthodologique en s'inspirant toutes
des deÂveloppements du pragmatisme linguistique, de la sociolinguistique
et de la poeÂtique du langage, de la philosophie marxiste du langage de
Voloshinov/Bakhtin, de l'anthropologie du rituel de Turner, ainsi que de dif-
feÂrentes conceptions de la performance. On y retrouve aussi une in¯uence
importante de l'úuvre de Merleau-Ponty et de P. Bourdieu au sujet du roÃle
de la corporeÂite et des pratiques.
Ces eÂtudes semblent reÂsumer et deÂpasser les distinctions micro±macro et
acteur±structure en introduisant les notions de pratique et de performance,
moment dynamique d'une historicite patente, ouÁ les structures s'actualisent
dans l'acteur et celui-ci, aÁ son tour, les reproduit autant qu'il les modi®e
dans l'acte meÃme de sa performance. Ces dualiteÂs theÂoriques en devien-
draient deÁs lors futiles et deÂpasseÂes. Les sciences sociales ne cherchent-elles
pas d'ailleurs aÁ sortir de ce lourd heÂritage du dualisme individu-socieÂteÂ?
La nouveaute reÂsiderait peut-eÃtre dans une conception plus ouverte de la
``culture'', plus preÂsente sans doute dans des theÂories issues de la philosophie
et des sciences sociales, et pas uniquement de l'anthropologie.
On fait reÂfeÂrence ici aux travaux de M. GarcõÂ a (1998, 1999a, 1999b) sur des
groupes pilaga et mataco-wichõ , ceux de Citro (2000a, 2000b et sous presse)
et de Ruiz Moras (1999±2000) sur les Toba.
Au deÂpart d'un inteÂreÃt pour la musique indigeÁne, GarcõÂ a (1998, 1999a,
1999b) commence aÁ prendre en compte les contextes dans lesquels elle s'est
deÂveloppeÂe, en particulier dans les rituels anglicans des WichõÂ et au sein de
l'Eglise EvangeÂlique Unie pilagaÂ. Il s'inteÂresse aÁ l'eÂtude de la dimension
performative du rituel et aÁ la facËon dont se structurent les cadres contextuels.
Il preÂcise eÂgalement les ruptures et les continuiteÂs dans ces rituels entre les
pratiques chamaniques et certains eÂleÂments du christianisme. De plus, il
donne aux dimensions politiques et sociologiques, qui sont parfois di€eÂrentes
pour les chamans et pour les ``croyants'', une place fondamentale dans son
analyse. Il suggeÁre que la IEU pilaga est un ``espace socio-culturel de coheÂ-
sion'' qui non seulement reÂeÂlabore d'anciens contextes de production de la
communitas (dans le sens que V. Turner donne aÁ ce terme), comme l'eÂtaient
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Wright: L'``Evangelio'': pentecoÃtisme indigeÁne dans le Chaco 57

les danses claniques et les feÃtes de la maturation de la caroube, mais qui se


construit aussi dans un espace de lutte et de neÂgociation culturelles, un lieu
de jeu et d'expeÂrimentation. Le premier aspect renvoie aÁ l'espeÁce de deÂmocra-
tisation du pouvoir que suppose la reÂception du pouvoir de la divinite de la
part des ``croyants'' face aÁ l'individualisme chamanique. Le dernier fait allu-
sion aux eÂtats d'alteÂration de la conscience qui sous le nom de ``joie'' carac-
teÂrisent ces cultes. Pour GarcõÂ a, la conversion aÁ l'eÂvangeÂlisme ne constitue
pas un processus de perte de l'identite ethnique mais un ``reÂameÂnagement
interne qui parie sur une praxis participative'' (1998: 211). C'est, en
reÂsumeÂ, un lieu ouÁ il est possible de repreÂsenter des aspects de la vie collective
par le biais de rituels qui mettent en jeu des symboles polyseÂmiques qui
theÂaÃtralisent l'histoire culturelle du groupe.
D'orientation proche de celle de GarcõÂ a, bien que plus existentielle, Ruiz
Moras (1999±2000) s'inteÂresse eÂgalement aÁ la dimension transformatrice de
la communitas, dont la dialectique structureÐantistructure, selon Turner,
ne se reÂalise pas seulement au cours des rites initiatiquesÐaussi bien du
chamanisme toba que des Eglises indigeÁnesÐmais aussi lors des rites de
theÂrapie et pendant les cultes. En ce sens, l'action dramatique est le veÂhicule-
cle de la leÂgitimation intersubjective de leurs pratiques et de leur vision du
monde. C'est ainsi que les con®gurations de l'identite toba sont sujettes aÁ
des processus constants de stabilite et d'instabilite structurelles ontologiques
qui se reÂsolvent par des crises successives d'appartenance.
TreÁs in¯uenceÂe par la pheÂnomeÂnologie de Merleau-Ponty et par les ideÂes
de Foucault et de Bourdieu, Citro (2000a, 2000b et sous presse) aborde la
dimension corporelle des pratiques rituelles tobas. Elle se concentre sur les
rituels de la IEU et analyse ``l'eÂtat du corps'' comme lieu d'inscription du
pouvoirÐaussi bien non humain qu'humainÐc'est-aÁ-dire l'inscription de
l'histoire dans la mateÂrialite corporelle ou habitus. Elle identi®e, dans ce con-
texte, di€eÂrents modes de ritualite (festive, eÂrotique, ludique) qui n'avaient
pas eÂte releveÂs systeÂmatiquement auparavant. Dans une certaine mesure,
elle rejoint les positions de GarcõÂ a, car elle consideÁre eÂgalement les cultes
comme des espaces de socialisation des gens, et en particulier de la jeunesse.
Plus encore, elle propose une vision du pheÂnomeÁne religieux qui tient compte
non seulement des dimensions du mysterium tremendum et du fascinans de
R. Otto mais aussi de ses aspects orgiaques. Par rapport aÁ ceci, la notion
toba de ``joie'' ou ntonaGak pourrait eÃtre rapprocheÂe de cette dernieÁre
dimension. Dans ses recherches sur les di€eÂrents ``corps'' des Toba, elle
deÂcouvre, comme l'avait avance Wright (1997), des images du passe bien dif-
feÂrentes de celles de l'actuel ``Evangelio'': des corps qui eÂtaient ignorants et
paõÈ ens alors qu'aujourd'hui ils sont scolariseÂs mais, par ailleurs, des corps
sains et bien nourris dans le passe contrairement aux corps a€ameÂs et
sous-alimenteÂs d'aujourd'hui. Ces oppositions, mises en lumieÁre par l'ethno-
graphie, la conduisent aÁ admettre une vision plus macro des pratiques et des
performances rituelles et quotidiennes, c'est-aÁ-dire une eÂconomie politique de
la culture. Pour Citro, en termes d'identiteÂ, et aÁ la di€eÂrence de Ruiz Moras,
bien que s'inscrivant peut-eÃtre dans une dimension plus politique qui rappelle
les premieÁres ideÂes de Reyburn, reÂeÂnonceÂes par Miller, la conversion aÁ
``l'Evangelio'' apparaõÃ t comme une option strateÂgique qui permet aux
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58 Social Compass 49(1)

Toba de s'identi®er aÁ certains traits du monde blanc, malgre le fait que les
discours coloniaux stigmatisent leur condition anteÂrieure. Cette participation
symbolique au monde non indigeÁne leur facilite une neutralisation partielle
de la stigmatisation qu'ils subissent en tant que ``indigeÁne'' qui est remplaceÂe
par la cateÂgorie interethnique de ``freÁre''. Finalement, Citro souligne aussi,
comme Wright (1997), ce qu'elle appelle ``les rites de formalisation adminis-
trative'' que manifestent les Eglises avec leur logique bureaucratique (lettres
de creÂances, actes, livres et autres ``papiers''), comme eÂtant un exemple
suppleÂmentaire de l'heÂgeÂmonie imposeÂe par l'ordre blanc aux aborigeÁnes
du Chaco, et en particulier aÁ leurs institutions religieuses.

SyntheÁse ®nale

Cette syntheÁse fait apparaõÃ tre un nombre impressionnant d'eÂtudes sur les
Eglises indigeÁnes du Chaco, speÂcialement celles d'origine toba. On peut
observer que, depuis le premier ouvrage consacre speÂci®quement aÁ ce
theÁme (Reyburn, 1954), s'est eÂlaboreÂe une veÂritable stratigraphie discursive,
avec plusieurs niveaux et de nombreuses caracteÂristiques particulieÁres. On
peut dire que, d'une certaine facËon, les quatre groupes citeÂs constituent un
veÂritable ensemble de production acadeÂmique. Les chercheurs d'aujourd'hui
reprennent les lignes theÂoriques principales d'analyse du pheÂnomeÁne qui a
inspire tous les travaux: l'eÂmergence, au deÂbut des anneÂes 1940, des Eglises
indigeÁnes tobas dans les provinces du Chaco et de Formosa, sans l'inter-
vention expresse d'une mission pentecoÃtiste.
Une seÂrie de termes sont arriveÂs jusqu'aÁ nous pour deÂsigner ce pheÂnomeÁne
socio-culturel. Il a recËu successivement les noms de ``christianisme toba'', de
``pentecoÃtisme toba'', d'``Eglises syncreÂtiques'', de ``pentecoÃtisme indigeÁne''
et d'``Evangelio''. Ce fut Reyburn qui eÂcrivit les premieÁres lignes sur le
sujet. Et c'est Miller qui le ®t connaõÃ tre aux anthropologues. Depuis sa
theÁse de doctorat de 1967, de nombreuses pages furent consacreÂes aÁ l'analyse
du pentecoÃtisme toba, mais ce n'est qu'au milieu des anneÂes 1980 que, dans
les deux provinces, l'on entreprit des eÂtudes ethnographiques qui permirent
de deÂcouvrir certains aspects particuliers et des faits historiques ineÂdits.
On pourrait dire avec Geertz (1988) que Miller, Cordeu et Si€redi sont les
veÂritables ``fondateurs du discours'' sur ce theÁme. Ils ont eu, d'une part, le
meÂrite de poser un regard analytique sur des pheÂnomeÁnes eÂcarteÂs par les
analystes sociaux ou jusqu'alors invisibles pour eux. De plus, ils acquieÁrent
aÁ l'universite une telle notorieÂte en tant qu'ethnographes, que leurs travaux
apparaissent, aux jeunes geÂneÂrations, comme des armations non dis-
cutables. De sorte que leurs úuvres sont traiteÂes comme un tout par leurs
disciples, une eÂvidence dicile aÁ mettre en question ou aÁ critiquer. C'est aÁ
partir des travaux du courant auquel j'ai donne le nom de HistoireÐ
structureÐsymbole que l'Eglise EvangeÂlique Unie toba prend son sens dans
l'histoire des contestations des Toba et des MocovõÂ deÁs le deÂbut du 20eÁme
sieÁcle. C'est en rapport avec ceci qu'apparaissent ce que j'appelle ``des lieux
communs conceptuels'', ces termes et ces ideÂes qui acquieÁrent une autoriteÂ
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Wright: L'``Evangelio'': pentecoÃtisme indigeÁne dans le Chaco 59

conceptuelle propre et qui sont utiliseÂs presque sans critique preÂalable dans
les travaux suivants. Le premier et le plus important d'entre eux est peut-
eÃtre preÂciseÂment celui de ``pentecoÃtisme toba''. Viennent ensuite, parmi d'au-
tres, les ``mouvements milleÂnaristes messianiques'', les ``cultes syncreÂtiques
du salut'', la ``religion de l'extase'', la ``tradition'', ``l'acculturation'', la
``transe''.8 Il est presque impossible aÁ quiconque s'inteÂresse aÁ ce sujet d'eÂviter
ces termes en parlant de la IEU. Ceci est conceptuellement acceptable mais
cantonne indubitablement le regard analytique dans certaines zones de la
theÂorie sociale. Par ailleurs, le courant que j'appelle d'eÂconomie politique
met, en principe, en cause certains de ces concepts et de ces modeÁles inter-
preÂtatifs, en introduisant des eÂleÂments qui vont au-delaÁ du culturalisme et
du symbolisme du premier groupe. Ils essaient, en reprenant certains de ces
lieux communs, de deÂcouvrir, au-delaÁ de la religiosite et de la tradition cul-
turelle, les facteurs structurels qui expliquent ces pheÂnomeÁnes. C'est Gordillo
(2000) qui en e€ectue la meilleure syntheÁse et la plus actuelle, en y ajoutant
une casuistique ethnographique deÂtailleÂe qui manquait auparavant. Il y
introduit des facteurs collectifs absents auparavant, aÁ savoir les conseÂquences
de l'irruption du capitalisme dans la reÂgion du Chaco et les reÂactions socio-
culturelles des indigeÁnes.
Le point de vue ontologique reprend, d'une part, une tradition anthropo-
logique argentine enracineÂe dans la pheÂnomeÂnologie de Husserl, avec son
corteÁge de concepts percËus comme eÂvidents. Je pense aÁ des termes tels que
``horizon de sens'', ``structures de sens'', ``contenus de conscience'', notam-
ment. Les travaux du premier sous-groupeÐet certains du second, comme
ceux de Idoyaga Molina par exempleÐne reprennent pas la tradition
deÂveloppeÂe par les auteurs de la premieÁre approche, mais analysent plutoÃt
les religiositeÂs wichõ et pilaga aÁ partir de ce cadre conceptuel. On pourrait
dire, en ce sens, qu'ils repreÂsentent, avec leur peÁre fondateur (M. BoÂrmida),
une branche du discours scienti®que presque indeÂpendante, et qu'ils n'inscri-
vent leurs analyses dans aucune seÂquence historique de mouvements socio-
religieux. Par contre, ils deÂcrivent et analysent les cadres cosmovisionnels
dans lesquels les acteurs indigeÁnes interpreÁtent le message chreÂtien. Leur
regard est ethnographiquement centre et oriente vers des communauteÂs ou
des groupes de communauteÂs discreÁtes.
D'autre part, le second sous-groupe, qui suit chronologiquement le pre-
mier, se distingue de celui-ci parce qu'il s'apparente aÁ la tradition des travaux
de Reyburn, Miller, Cordeu et Si€redi, en meÃme temps qu'il introduit
analytiquement l'histoire comme un facteur-cle de compreÂhension des
pheÂnomeÁnes socio-culturels. Il n'eÂchappe cependant pas aux lieux communs
conceptuels deÂjaÁ signaleÂs, tout en tentant un contrepoint entre les recherches
ethnographiques ponctuelles et l'analyse diachronique et reÂgionale de l'infor-
mation. Ils tentent de deÂcouvrir les processus de resigni®cation religieuse et
cosmologique aÁ partir de la culture indigeÁne, en observant sa variable
externe, c'est-aÁ-dire, le pentecoÃtisme comme facteur deÂpendant de la
seÂmiotique indigeÁne. La perception du pheÂnomeÁne religieux n'est alors plus
tellement celle d'un ``pentecoÃtisme indigeÁne'' que celle d'un eÂventuel neÂo-
chamanisme. Et ceci meÃme au cas ouÁ cela ne coõÈ nciderait pas avec la vision
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60 Social Compass 49(1)

des analystes plus orienteÂs vers l'eÂconomie politique ou, plus directement,
avec celle des missionnaires qui sont sur place. On deÂtecte laÁ l'in¯uence de
l'anthropologie culturelle de tradition boasienne bien que reÂnoveÂe par les
apports de Turner et de Geertz. En quelque sorte, on cherchait malgreÂ
tout aÁ ``proteÂger'' un noyau symbolique et mateÂriel de ``la'' culture indigeÁne
menaceÂe par l'in¯uence colonisatrice du christianisme.
Les travaux du quatrieÁme groupe ne s'inscrivent pas seulement dans une
continuite theÂmatique mais ils apportent un changement theÂorique impor-
tant par l'introduction d'un regard alimente par des deÂveloppements theÂori-
ques et philosophiques eÂtrangers aÁ l'anthropologie. Est sensible, en ce sens,
un moindre attachement au concept de ``culture'' boasien ainsi qu'aÁ une
notion dure de ``structure''. C'est pourquoi l'importance donneÂe aÁ la pratique
et aÁ la performance sort des dualismes individu/socieÂte ou tradition/
acculturation, par exemple. Cela permet d'aborder autrement les pheÂno-
meÁnes religieux, et notamment, d'eÂlargir le choix de theÁmes dont, ainsi que
l'eÂcrit G. Devereux (1977), ``on ne parlait pas'' auparavant, parfois parce
qu'ils eÂtaient des sources d'angoisse diciles aÁ geÂrer par les chercheurs. Je
pense particulieÁrement aÁ l'aspect ambigu de ce qui concerne le numineux
dans les rituels et aÁ une approche plus deÂtendue et informeÂe interculturelle-
ment des coÃteÂs eÂrotiques et orgiaques de l'expeÂrience religieuse. D'une
certaine facËon, Reyburn en avait deÂjaÁ fait mention au moment ouÁ il armait
que les missionnaires pentecoÃtistes et mennonites reÂprouvaient la morale des
``croyants'' tobas, lesquels violaient sans diculte les normes eÂthiques du
christianisme! Mais il s'agissait peut-eÃtre du probleÁme inverse: n'eÂtaient-ce
pas les missionnaires qui ne comprenaient pas le comportement moral et
l'eÂthique des indigeÁnes car ils n'y trouvaient pas d'eÂquivalent dans la tradi-
tion judeÂo-chreÂtienne ni dans leur vision du monde? Sur ce point, ainsi que
le remarque Citro (2000a), la philosophie nietzscheÂenne a releve certains
points faibles et contradictions de cette tradition qui continuent aÁ occulter
notre regard. De plus, comme le fait remarquer H.-G. Gadamer (1988), il
faut remettre en question cette facËon d'interpreÂter les choses qui fusionne
en quelque sorte nos ``horizons'' avec ceux de nos interlocuteurs. Il sera
neÂcessaire pour cela de nous a€ronter non seulement au pouvoir ontologique
et creÂateur du langage, mais aussi aÁ la lourdeur insurmontable, bien que
objectivable, de nos propres preÂjugeÂs. Le point de vue de la pratique
reÂveÁle, par ailleurs, d'autres facettes qui avaient eÂte traiteÂes jusqu'alors de
manieÁre treÁs geÂneÂrale, sans ethnographies particulieÁres, comme le con¯it,
les tensions et les contradictions engendreÂes par les progreÁs de la culture capi-
taliste, de l'Etat-Nation et du christianisme aupreÁs des groupes aborigeÁnes.
L'intention ici n'est pas de montrer comment ces acteurs collectifs ont fait
muter des õÃ lots locaux de culture primitive, mais plutoÃt de mettre en eÂvidence
que le processus de constitution de l'ethnique et de l'identite religieuse eÂvan-
geÂlique s'est deÂroule dans le cadre plus large d'une eÂconomie politique de la
culture, comme ce le fut eÂgalement chez les Blancs. C'est ainsi que les con-
cepts d'habitus, de performance ainsi qu'une vision pragmatique et dynami-
que du langage et de l'identite permettent de comprendre le hasard apparent
des appartenances des indigeÁnes du Chaco aÁ di€eÂrentes organisations socio-
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Wright: L'``Evangelio'': pentecoÃtisme indigeÁne dans le Chaco 61

religieusesÐappele par Ruiz Mora leur ``nomadisme religieux''Ðla conti-


nuite des pratiques chamaniques, la reconstruction identitaire des indigeÁnes
migrants dans des villes eÂloigneÂes du Chaco (Rosario et Buenos Aires, par
exemple), de meÃme que la dimension politique du fait d'eÃtre ``Evangelio'',
du point de vue indigeÁne mais aussi de celui des Blancs et de leurs alliations
partisanes.
En reÂsumeÂ, eÃtre ``Evangelio'' aujourd'hui pour les Toba, les PilagaÂ, les
MocovõÂ et les Mataco-WichõÂ 9 implique non seulement une appartenance aÁ
une ideÂologie religieuse speÂci®que, mais eÂgalement une seÂrie de dimensions
que chacune des approches que nous avons analyseÂes ici a tente de peÂneÂtrer.
C'est preÂciseÂment cette opacite apparente du sens global de l'``Evangelio'' qui
nous eÂchappe aÁ cause de nos limites conceptuelles et meÂthodologiques.
Cependant, des pistes sont ouvertes sur des theÁmes qui paraissent inteÂres-
sants et stimulants. Par exemple, l'eÂtude ethnographique, dans di€eÂrentes
reÂgions du Chaco et de Formosa, des processus qui ont deÂbouche sur
l'apparition des Eglises indigeÁnes. C'est-aÁ-dire, la mise en cause de certaines
ideÂes des ``fondateurs du discours'' qui, parce qu'elles eÂtaient trop geÂneÂrales,
n'ont pas tenu compte des speÂci®citeÂs historiques et geÂographiques des
di€eÂrents groupes ethniques ou de leurs sous-groupes. Cela implique en
meÃme temps une critique des cateÂgories ethniques geÂneÂrales, c'est-aÁ-dire
l'exploration de la validite relative des concepts pluriels de ``les Toba'' ou
`` les Mataco-WichõÂ '' pris comme un tout, ce qui suppose une homogeÂneÂiteÂ
socio-culturelle qui, de fait, n'a jamais existeÂ.10 De plus, un nouveau
regard sur les rapports entre Eglise et socieÂte est neÂcessaire. Il y aura lieu
de preÂciser l'in¯uence des modes d'organisation sociale, des reÂseaux de
parente et d'alliance, ainsi que des reÂseaux de clienteÂlisme politique qui deÂter-
minent la trame sociologique des Eglises. On doit simultaneÂment clari®er les
hermeÂneutiques que deÂveloppent les acteurs de ces pratiques et du symbo-
lisme religieux, sans nous laisser emporter par une subtile naturalisation
des eÂleÂments du christianisme que tout analyste risque bien d'emmener
avec lui. Des eÂtudes ethnographique suppleÂmentaires des performances
rituelles et quotidiennes s'aveÁrent neÂcessaires, pour en preÂciser les contextes,
les proprieÂteÂs et les genres linguistiques et corporels. Elles nous fourniront
des pistes pour comprendre l'interpreÂtation que font les acteurs de leur situa-
tion dans l'espace social local et reÂgional ainsi que leurs strateÂgies dans, ou
malgreÂ, celui-ci.
En®n, toute recherche en sciences sociales doit viser la deÂnaturalisation des
cateÂgories de la connaissance et des pratiques sociales. Je consideÁre que pour
ce qui est de l'``Evangelio'' dans le Chaco argentin, les conditions d'une
tradition disciplinaire et d'une maturation conceptuelle existent deÂjaÁ su-
samment pour pouvoir, deÁs aÁ preÂsent, mettre en valeur la richesse de leurs
chemins multiples et des symboles qui, pas aÁ pas, donnent de manieÁre
eÂtonnante la preuve de leur creÂativiteÂ.

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62 Social Compass 49(1)

NOTES

Nous avons recËu, pour la reÂalisation de ce travail, le soutien du Consejo Nacional de


Investigaciones CientõÂ ®cas y TeÂcnicas (CONICET) ainsi que celui du projet
UBACyT TF032 de l'Universite de Buenos Aires. Je remercie Elmer Miller, JoseÂ
Braunstein, Miguel GarcõÂ a, MarõÂ a Carman et Silvia Citro pour leur soutien et
pour leurs preÂcieux apports lors de la reÂdaction de ce travail.
1.
Les Toba sont un groupe du tronc linguistique Guaycuru qui vivent dans le
Chaco argentin (provinces de Chaco, Formosa et Salta). Il existe des enclaves aÁ El
Cerrito (Paraguay). Au deÂbut des anneÂes 1960, beaucoup de Toba ont eÂmigre vers
des centres urbains tels que Resistencia, Ciudad de Formosa, Rosario et Buenos
Aires. Traditionnellement chasseurs-cueilleurs, ils s'organisaient en bandes
nomades exogames. A l'heure actuelle, ils sont eÂtablis dans des communauteÂs agri-
coles seÂdentaires; ils travaillent comme saisonniers lors de la reÂcolte du coton et, le
reste de l'anneÂe, ils trouvent du travail dans les fermes voisines. Les Toba immigreÂs
ont en geÂneÂral des occupations temporaires, bien que certains d'entre eux aient
trouve du travail dans des fabriques ou dans l'administration publique. La vente
d'articles d'artisanat sur la voie publique ou lors de foires artisanale repreÂsente
pour eux une source de revenus importants.
2.
Chupar. Terme populaire en espagnol signi®ant ``boire'' et faisant allusion aÁ
l'imaginaire des ``croyants'' tobas au sujet de la vie en dehors de l'Eglise, soi-disant
pleine de liberte de conduite, en particulier quant aux activiteÂs qui sont l'objet de
frictions avec la socieÂte non indigeÁne. A ce sujet, Reyburn (1954) a fait des com-
mentaires de valeur sur le roÃle de l'eÂvangeÂlisme toba dans la reÂduction des aspects
con¯ictuels.
3.
Il est eÂvident que, aÁ partir de maintenant, il est absolument neÂcessaire de con-
textualiser l'utilisation de termes tels que ``eÂvangeÂlique'', ``catholique'', ``religion'',
``croyant'', ``monde'', ``peÂcheÂ'', ``vices'', ainsi que des termes qui proviennent du
christianisme mais qui, pour les aborigeÁnes, reveÃtent souvent des signi®cations
di€eÂrentes.
4.
Le titre complet est Outline of Cultural Materials, eÂdite par George Murdock,
Clellan S. Ford, Alfred E. Hudson, Raymond Kennedy, Leo W. Simmons y John
W. M. Whitting dans les Human Relations Area Files (3eÁme eÂdition, 1950).
5.
Nous utiliserons doreÂnavant, selon l'usage indigeÁne, les termes ``blanc'' ou
``blanche'' pour faire allusion aÁ la population non indigeÁne, et qui fonctionne telle
une cateÂgorie particulieÁre aÁ leurs yeux. Le pluriel du terme toba pour ``blanc'' est
doqshi (masc. sing.: doqshil'ek; feÂm. sing.: doqshilashi ).
6.
Ici l'auteur propose une vision deÂcideÂment unilateÂrale de la ``politique'' qui
pourrait eÃtre mise en cause aÁ partir d'un point de vue anthropologique.
7.
Loewen et al. (1965: 273) font une breÁve reÂfeÂrence aÁ un homme qui avait
installe dans la province de Formosa un type d'Eglises connues sous le nom de
``Coronas''.
8.
Un point qui meÂriterait des explorations futures est celui de l'appartenance aÁ
des traditions acadeÂmiques di€eÂrentes et aÁ la nationalite des chercheurs. Ce sont des
facteurs souvent deÂcisifs quant aux caracteÂristiques de la production acadeÂmique de
chaque chercheur. Par exemple, le condition de citoyennete des anthropologues qui
travaillent dans leur propre pays, en particulier aÁ l'interpreÂtation des processus
historiques, peut eÃtre sensiblement di€eÂrente de celle des speÂcialistes venant d'un
autre pays et/ou qui se sont socialiseÂs selon d'autres traditions. Il serait, en ce
sens, treÁs inteÂressant de comparer les trajectoires de Miller, d'une part, et de
Cordeu et Si€redi, de l'autre.
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Wright: L'``Evangelio'': pentecoÃtisme indigeÁne dans le Chaco 63

9.
De meÃme, par exemple, que pour les Blancs qui se sont convertis aÁ la IEU, un
fait qui meÂriterait aÁ lui seul un travail aÁ part.
10:
Les ideÂes de Bon®l Batalla (1972) au sujet de l'usage des ``marques du pluriel''
dans les processus de conqueÃte et de colonisation du Nouveau Monde. D'une
certaine facËon, l'utilisation de cateÂgories geÂneÂrales telles que ``les Toba'' est utile
mais, en meÃme temps, elle est socio-culturellement faible et historiquement
incorrecte.

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Pablo G. WRIGHT, docteur en anthropologie de la Temple University,


est chercheur indeÂpendant au Consejo Nacional de Investigaciones
CientõÂ ®cas y TeÂcnicas (CONICET) et professeur adjoint au deÂpartement
d'anthropologie de la faculte de philosophie et lettres de l'Universite de
Buenos Aires. Actuellement, il est boursier senior au Center for the
Study of World Religions de la Harvard University (2001±2002). Ses
recherches sont axeÂes, notamment, sur les religions des groupes indigeÁnes
ameÂrindiens, le chamanisme, la mythologie et l'histoire, la critique post-
coloniale et les theÂories hermeÂneutiques et les relations entre l'anthropo-
logie et la litteÂrature. Il a publie plus de 40 articles dans des revues et
livres en Argentine et ailleurs. Il acheÁve actuellement un livre qui
s'intitulera ``Being-in-the-dream'': Experience, History, and Ethnography
of the Toba Takshek, Argentina. ADRESSE: Carlos Casares 1357, 1644-
Victoria (Bs.As.), Argentina. [email: pwright@hds.harvard.edu]

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