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Claude Tassin
Institut Catholique
Paris
Resumen
Las versiones antiguas de la Biblia no solo reflejan diversos estados del texto fijado
por los manuscritos. Muestran además la labor de unos intérpretes deseosos de ofrecer
a sus comunidades el sentido ”correcto” que éstas esjreran. Tales intérpretes dominan
unas técnicas precisas de actualización. Los autores del NT no son ajenos a este
fenómeno cuando citan el AT.
Summary
Ancient versions of the Bible do not show only different conditions of the text as
these apilar in the manuscripts, but also reveal interpreters’ work to offer the "proper"
sense exacted by their communities. These interpreters are familiar with accurate
techniques of actualization. NT authors are not alien to this phenomenon when they
quote the OT.
1 C’est le titre de son article dans Bib 52 (1971) 505-525. Je puiserai là la plupart
de mes exemples, comme aussi en R. Le Déaut, ”Targumic Literature and New
Testament Interpretation”: BTB 4 (1974) 243-289” ؛La Septante, un Targum?”, dans
R. Kuntzmann ل ﻟﻢ. Schlosser (éd.), Études sur le Jàïstnê hellénistique (LeDiv 119؛
Paris 1984) 147-195. !’ajouterai quelques exemples issus de mes lectures.. Voir aussi
Ch. Perrot, ”La lecture de la Bibl¿ dais la diaspora hellénistique”, dans Etudes sur le
Jàïstnê hellénistique, 1^-132 ؛E. Tov, ”The Septuagint”, dans Μ. I. Mulder (éd ),
Mikra (Assen-Maastricht-Philadelphia 1988) 161-188.
2 !e reprends ici une communication du 12/12/97 que m’a amicalement demandée
l’équijæ éditoriale ׳de la traduction française de la Septante (M. Harl, G. Dorival , O.
Munnich). Pour !’heure, sous le titre La Bible d*Àlexaàe, ont paru, entre 1986 et
1997, amplement annotés, le Pentateuque, los. et 1 Règnes (= 1 S). Voir, sous le nom
de ces trois auteurs, La Bible grecque des Septante. Du jàïsme hellénistique au
christianistne ancien (Paris 1988).
3 On rattache le mot targutn à la racine tirgâm (traduire, expliquer?), utilisée en
Esd 4,7 ()מתרגם. L’origine serait akkadienne ou plutôt hittite. Dans les targums (en Gn
DES VERSIONS BIBLIQUES ANCIENNES À LEURS ARTISANS 317
1. Le targum,, I littérature
Le targum, phénomène oral, devint littérature؛. Sans doute a-ton* 4
42,23 ؛Ex 4,16), metorgeman ou meturgetnan signifie interprète (en LXX Gn 42,23:
έρμηνευτης).
4 Cf.' ٧. 8: "Et Esdras lut..., traduisant (٥ )?( )מםרet donnant le sens: ainsi l’on
comprenait la lecture.”
دCf. P. S. Alexander, "Jewish Aramaic Translations of Hebrew Scriptures", dans
318 ESTUDIOS BÍBLICOS - c. Tassin
riche en traditions ؛mais aussi le plus dangereux, parce, qu’il faut tout un
travail de recoupement pour y déceler les traditions exégétiques vraiment
anciennes.
ً Targum Néofiti semble le témoin le plus ancien du TP. Le manus-
ﻣﺎ
crit est daté de 15049. *Les
* gloses marginales et interlinéaires laissent en-
tendre que les copistes ont travaillé au moins à partir de trois recensions.
L’ensemble peut dater du 2' siècle, sauf retouches rabbiniques et influence
linguistique certaine de O. Quand les rabbins palestiniens citent le targum,
ils le font à partir d'une recension très proche de N.
D’aucuns s'efforcent à bon droit d’établir une genèse des recensions
targumiques de la Torahﻫﺎ. Cependant, en raison du phénomène oral du
targum, n’imaginons pas un texte originaire fixe, mais Seulement un lot
de traditions interprétatives anciennes. En outre, les diverses recensions
ont pu se croiser entre, elles et subir un réalignement linguistique sur O.
De toute façon, on ne saurait juger de !’antiquité d’une tradition particu-
libre de lecture que par des recoupements critiques avec d’autres sources
juives.
libres parce que !’usage liturgique de ces textes est moins assuré. Souvent,
ils passent du targum au commentaire et .attestent donc moins les techni-
ques interprétatives, relativement sobres, qui nous occupent 12.
Le foisonnement des ræensions targumiques reflète !’importance de la
Torah et des -prophètes dans la liturgie synagogale. On constate aussi un
mouvement pendulaire, selon les époques, entre les besoins d’une traduc-
tion rigoureuse ou, au contraire, d’une paraphrase enrichissante 12. De
ce point de vue, !’histoire du targum ressemble jusqu’à un. certain point
à celle des versions grecques. La Septante a subi des révisions incessantes
et a pu être précédée de versions liturgiques grecques antérieures !.. Elle
n’est qu’un moment dans l’histoire du passage de la Bible au monde
hellénique. Répétons toutefois .la différence fondamentale: les recensions
targumiques restent flottantes en raison du recours toujours possible au
texte hébreu qu’elles ne songent pas à remplacer. La Septante, elle, se
considère comme la fille ou la soeur, autonome, de la Bible hébraïque‘5.
12 Parmi les targums des écrits, G. Dorival me suggère de feire un sort particulier
au Targum des Psaumes, n est vrai que certaines traditions de ce targum s’avèrent
anciennes, puisque le Ps 68, 19 est cite en Ep 4,8, non selon la Bible hébraïque, mais
selon le targum. Le targum applique ce verset psalmique à Moïse et l’auteur de Ep 4,8
prolonge le targum, par une application christologique. Sur cet exemple, voir J. Potin,
La Fete juive de la Pentecôte (l^Div 65 ؛Paris) I, 193-197.
13 L’amplification interprétative n’est pas forcément postérieure à un original plus
sobre. La sobriété peut censurer des développements antérieurs.
14 Selon la théorie de P. Kahle, le Cairo Geniza (Oxford 2.(959ا
واLa Lettre d’Àristée à Philocrate (milieu du 2٥ s. avant notre ère) insiste sur la
paternité des anciens venus de Jérusalem à Alexandrie pour traduire la Torah en grec:
la Septante est donc une "fille” de la Torah. Selon Philon d’Alexandrie (Ier s. de notre
ère). Vita Mosis Π, 408־: "Toutes les fois que des Chaldéens sachant le grec ou des
Grecs sachant le chaldéen se trouvent devant les deux versions simultanément, la
chaldéenne et sa traduction, ils les regardent avec admiration et resect comme ־deux
soeurs, ou mieux, comme une seule et même oeuvre..."
DS VERSONS BIBLIQUES ANCIENNES À LEURS ARTISANS 321-
I’ Cf. Apocalypse d'Abraham !1 (1-2° s. de notre ère?): ״Un jour que je rabotais
les dieux de mon J^re Térah et de mon frère Nahor, je me demandais lequel d’entre
eux était vraiment un dieu fort..." Comparer leZivr، ׳des Antiquités bibliques du Pseudo
Philon, ch. 6 (1” s.).
اVoir-R. Le Déaut, Targum à Pentateuque. 1. Genèse, 365, note 9.
19 Dans La Bible d’Alexandrie. Le Levitique (Paris 1988), P. Harlé et D. Pralon
traduisent ]’expression par "en toute liberté".
2° Dans le contexte immédiat, 2 Co 3,12, voir le mot παρρησία.
DES VERSIONS BIBLIQUES ANCIENNES À LEURS ARTISANS 323
Bien sûr, rien de tel dans la Septante. Mais la tendance à amplifier les
merveilles de l’Exode est ancienne, puisque Sg 16, 21ss dit déjà, sur un
ton plus cultivé, que la manne "s’accommodait au goût de celui qui la
prenait et se changeait en ce que chacun voulait...2أا
En Gn 39,1, Putiphar est présenté comme "eunuque de Pharaon", un
titre en usage dans les cours orientales. La Septante s’en tient là. En
revanche, le PsJ prend le mot au sens physiologique et se permet un
commentaire gaillard: Potiphéra a voulu abuser de Joseph. Aussitôt, Dieu
le punit: "Ses testicules se desséchèrent, et il devint eunuque." Le tàrgum
s’adresse à la mentalité populaire des synagogues judéennes ou galiléennes
0Ö l’homéliaste commentera cette glose, dans un sens moralisant évident.
Cette truculence n’est pas de mise dans la Septante qui, texte écrit livré
à des yeux grecs, entend présenter à la grande Alexandrie une image
digne et sérieuse de la communauté juive.
اتCf. R. ﻣﺎ
ً Déaut, "Première Pâque en terre promise (Jos 5)": Assemblées à
Seigneur 17 (1969) 52-57; "Une aggadah targumique et les murmures de Jn 6": Bib 51
(1970) 80-83. PsJ Ex 16,4 fait écho فla tradition de la manne créée et cachée dés la
création: "Je vais vous faire descendre du pain du ciel qui a été mis en réserve pour
vous dés !’origine". Comparer Ap 2,17.
DES ٧ERSIONS BIBLIQUES ANCIENNES À LEURS ARTISANS 325
25 Voir le apparats critiques du grec pour ce nom. En hébreu, notre texte massorC-
tique a "vdle de la destruction ( ;״)הרסQumrân (rouleau a) a "ville du .«)¿*״)חרם( اً;׳:
est-ce Héliopolis? Ou le temple juif égyptien de Léontopolis que condamneraient ici les
Massorète?
1 Hén 24, 4-5, trad. P. Grelot.
DES versions bibliques anciennes à leurs artisans 327
ﻫﺎLe verset de la LXX présente des écarts intéressants: Αημμα λόγου κυρίου έν
γη Σεδραχ καί Δαμασκού θυσία αύτου διότι κύριος έφορς، ανθρώπους καί πάσας
φυλάς τού ”Ισραήλ· Je Iis un parallélisme chiastique: "l’oracle de la parole du Seigneur
est sur la terre de sedrach, et son sacrifice (son culte) à Damas". Le traducteur à lu
( מנחהoffiande) au lieu de ( מנוחהrepos), d’où (hÉ. La terre de Hadrak (une capitale
provinciale du nord de la Syrie) devient la terre de sedrach (par homophonie) sans
doute à partir du héros de Dn 2,49. En ce cas, !’expression veut évoquer la Babylonie.
31 Cf.,ilectre,
Sophocle, par ؟emple,
175. Ζεύς Ος έφορς( πάντα, (Zeus qui a l’œil sur toute chose),
2 وII y a là un 'al tiqrey (״ne lis pas”) -procédé de !’herméneutique juive- qui,
niant ici la négation, prend le contre-pied de !’original.
33 Cf. LXX Za 2,15: καί καταφεύξονται έθνη πολλά έπί τΟν κύριον έν τη ήμέρα
έκείνη. L’expression annonce la formule rabbinique caractérisant la démarche du
prosélyte: ”Se réfogier sous les ailes de la Shékina.” La version censurée duTargum
des Prophètes o^re plutôt un recentrage en Is 54,15” ؛Voici que les exilés de ton
peuple seront vraiment réunis vers toi, à la fin. Les rois des jupies qui se sont réunis
DES VERSIONS BIBLIQUES ANCIENNES À LEURS ARTISANS 329
b) Des formules.
Certaines sentences ou stéréotypes des évangiles ne peuvent provenir
que du targum, dans la mesure où ces formules n’apparaissentplus dans
la littérature rabbinique ultérieure.
À N Gn 49, 25 (Rachel parlant de Joseph): "Bénis les seins que tu as
sucés et les entrailles où tu as reposé", on comparera Le 11,27: "Heureux
le ventre qui t’a porté et les seins que tu as sucés." A N Gn 38,25 (à pro-
pos de Juda et de Tamar): "De la mesure dont l’homme mesurera, on me-
surera pour lui, soit une bonne mesure, soit une mauvaise mesure", corn-
parer Mt 7,2: "Du jugement dont vous jugez, vous serez jugés et de la
mesure dont vous mesurez, on mesurera pour vous." Dans le targum,
"goûter la coupe de la mort", exprime la condition mortelle de l’homme,
comme en N Gn 40,23: "les fils d’hommes qui meurent et goûtent la cou-
pe de la mort". Comparer Mc 10,38 et 14,36. Le targum a donc assorti
le texte biblique de sentences bien frappées, passées en proverbes dont le
Nouveau Testament atteste !’antiquité. Répétons-té, la reprise néotesta-
mentaire de ces stéréotypes n’est pas une dépendance des targums écrits,
mais le signe d’une approche de !’Ecriture qui a déjà forgé des expres-
sions actualisant le sens.
c) Des traditions.
Le targum tend à typer les personnages^. En PsJ Gn 4,1, Caïn est
14,5; 20,24-28.
4' Sur les dévelop^ments de ce midrash, voir E. E. Urbach, Les Sages d’Israël
(Paris 1996) 178.
42 Voir Le Jàïsme de ('£«،7 au temps de Jésus (Cahiers évangile 55: Paris 1986)
encadr، p. 68.
45 Cf., par exemple, Pirke Abot, 5,9(6).
DES VERSIONS BIBLIQUES ANCIENNE À LEURS ARTISANS .333
44 Cf. L. v،nar٥, "Citations do 1ΆΤ dans le NT": sbn II, çol. 23-51.
45 Voir mon article, "Matthieu ‘targumiste’? L’exemple de Mt 12,18 (= Is 42,1)":
48 (1^)199-214.
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