Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Botteri Paula. La définition de l'ager occupatorius. In: Cahiers du Centre Gustave Glotz, 3, 1992. pp. 45-55;
doi : https://doi.org/10.3406/ccgg.1992.1347
https://www.persee.fr/doc/ccgg_1016-9008_1992_num_3_1_1347
Paula Botteri
récemment
h' agerCl.occupatorius
Nicolet3. revient à travers toute, ou presque toute, la
littérature moderne sur le sujet. Seuls quelques auteurs, étant plus avertis,
expriment leur perplexité sur le sens de cette catégorie de la terre en Italie.
Ainsi, par exemple, G. Tibiletti, dans l'une de ses études exemplaire sur Yager
publicus, avoue que "nous n'avons pas de terme abstrait pour indiquer la
catégorie de Yager occupatorius", qu'il essaie, lui, de décrire comme "un
ensemble d'éléments juridiques, économiques, sociaux et moraux"4 constituant
une unité caractérisée essentiellement par les catégories de la loi "uti fruì
habere possidere"5. Malgré ces précautions, G. Tibiletti, comme d'ailleurs M.
Kaser avant lui6, ne s'interrogent jamais sur la légitimité ou non de l'emploi de
4 G. Tibiletti, "Ager publicus e suolo provinciale", / diritti locali nelle province romane con
particolare riguardo alle condizioni giuridiche del suolo, Rome, 1974, pp. 89- 104. Voir p. 89.
5 S. Riccobono, Fontes iuris romani anteiustiniani, (FIRA), Florence, 1941, 1, pp. 102-121.
6 M. Kaser, "Die Typen der rômischen Bodenrechte in der sp&teren Republik", ZRG
(Zeitschrift der Savigny Stiftungfûr Rechtsgeschichte etc.), 62 (1942), pp. 1-81.
46 P. Bùtteri
Chacun connaît les problèmes que posent les textes démembrés des
agrimensores romains ; d'une part, une tradition manuscrite lacunaire et
corrompue, qui remonte au V-VIIème siècle9 ; d'autre part, un sujet très
technique, traité par des auctores presque inconnus (à l'exception de Frontin),
s'adressant aux techniciens qu'étaient les agrimensores eux-mêmes.
Entre la fin du 1er siècle et celle du Illème après J.-C, se situe la
composition de l'opuscule de Siculus Flaccus sur les différents types d'espace
rural et sur la typologie de làfinitio (l'activité propres aux fines, les limites).
7 G. Tibiletti, "II possesso deU'ager publiais e le norme de modo agrorum fino ai Gracchi",
Athenaeum, N.S., 26 (1948), pp. 173-236 et /. c. 27 (1949), pp. 3-42.
Parmi les gromatici c'est lui qui montre quelque intérêt pour l'histoire de
l'occupation agraire romaine. Il évoque, entre autres, l'activité de Ti.
Gracchus, qui proposa une loi pour limiter l'étendue de la possession de la
terre en Italie (legem tulit, nequis in Italia amplius quant ducenta jugera
possideret)10, parce que, selon Flaccus "il était contraire aux mores de
posséder maiorem modum quam qui ab ipso possidente colipossit" (La. 136, 7
sq.).
Ce n'est pas mon propos ici d'entrer dans les détails de la loi de modo
agrorum de Tiberius Gracchus. Mais une parenthèse s'impose, car l'expression
concernant le rapport entre la surface de la terre que l'on peut posséder, et la
possibilité de l'exploiter, révèle, semble-t-il, un concept normatif archaïque
bien enraciné dans les mœurs. Flaccus nous dit par la suite "singuli deinde
terram, nec tantum occupaverunt quod colere potuissent, sed quantum in spem
colendi reservavere" (La. 137,19). Les terres dont il est question "agri
occupatorii dicuntur" (ib. 21). Un peu plus loin le même texte, si corrompu et
incomplet qu'il soit, explique que "occupatorii. . . dicuntur agri quo s quidam
arcifinales vocant (hi autem arcifìnales dici debeni). Traduisons entièrement ce
passage : "Les particuliers occupèrent la terre non seulement celle qu'ils
pouvaient cultiver mais celle qu'ils se réservaient dans l'espoir de la cultiver.
Ces champs sont donc appelés occupatorii. (Ce nom dérive de arcendo
vicinos). On a créé cette appellation à partir de l'exclusion des voisins" (La.
137, 19 = Th. 101,11). Comme le disait Varron, cette locution dérive "ab
arcendis hostibus", d'après une citation de Frontin (La. 6, 1), le seul auteur
parmi les Gromatici dont la biographie soit relativement connue. Sénateur et
consul à plusieurs reprises, il mourut en 103 ou 104, après avoir composé le
De aquae ductibus Urbis Romae et les Strategemata.
Comme on le verra, l'équivalence agri arcifinales/ occupatorii est une
constante chez les Agrimensores ; cependant, seule cette première définition
semble relever de leur langage technique. Occupatorii nous ramène
évidemment à X occupano, conséquence de la guerre11. Ici, on peut situer en
gros le phénomène historique de X occupation comme l'un des modes
d'acquisition de la terre publique, entre la période de la première colonisation
romaine (fin du IVème siècle), et la loi agraire de 111 av. J.-C. Dans cette
dernière loi, on rencontre l'expression "agrum occupatum", dans un article
interdisant l'occupation de Xager publicus (1. 26/27). Mais, contrairement aux
apparences, ce n'est pas là l'ultime témoignage que nous possédons sur
Xoccupatio ; en effet, dans le Liber coloniarum on rencontre une expression
assez curieuse, ex occupatione - à la suite d'une occupation - qui apparaît
toujours dans des textes concernant des assignations aux vétérans faites par
11 M. Kaser, s. v., occupano, RE, Stuttgart, 1940, Suppl. VII, col. 682-691 ; Thesaurus
linguae latinae (TLT), Leipzig, 1973, vol. IX, 3, s. v., occupatio, col. 381 sq. ; E. Heck,
Occupano, ZRG, 1967, pp. 355-357. ; B. Albanese, Le situazioni possessorie nel diritto
privato romano, Païenne, 1985, pp. 77-78, note 256.
48 P. Botteri
Sulla dans des oppida. Le Liber coloniarum (ou regionum), source essentielle
de l'histoire agraire de la conquête territoriale de Rome, se présente comme
un inventaire de territoria de l'Italie centro-méridionale. Le livre fait partie,
comme on le sait, du CAR, et comme celui-ci présente les mêmes difficultés
philologiques et historiques12. Il s'agirait ici des cas d'attributions viritanes13,
comme à Bovillae (La. 231,11), dont le territoire fut distribué par tirage au
sort ex occupatione (la notice n'indique pas une déduction coloniale), ou à
Castrimoenium "oppidum fortifié en vertu d'une loi de Sulla. Il n'y a pas de
passage dû à la communauté. Son territoire était détenu à la suite d'une
occupation : par la suite Nero Caesar l'a assigné à des tribuns et à des soldats"
(La. 233, 3)14. A Gabii, en revanche, le terroir ex occupatione fut inscrit au
cadastre {censitus est, La. 234,15), tandis que à Setia, en Campanie, le
territoire ex occupatione est sans arpentage officiel {soluto La. 237.109). La
formule ex occupatione relève ici du vocabulaire technique des agrimensores
et définit le mode d'attribution des agri arcifìnales. Mais c'est à partir de ce
témoignage que nous pouvons, peut-être, en dire plus sur l'origine historique
de X occupano.
En effet, l'installation des vétérans, décidée par Sylla ex occupatione,
semble indiquer, entre autres, une coutume assez archaïque. Dès le début de
l'expansion de Rome - et par conséquent de sa colonisation - les légionnaires à
la suite d'un consul ou d'un pro-consul, ceux-ci toujours pourvus d'imperium,
auraient eu après la victoire, selon quelques annalistes, le droit de s'installer
sur les terres de la conquête. Cette terre, au moins une partie d'entre elles,
faisant partie du butin pouvait être partagée sur place et occupée en vertu de
Yauctoritas de Vimperator. C'était une prérogative du général vainqueur,
prérogative dépourvue de tout caractère exceptionnel, si l'on accorde foi, par
exemple, au récit de Denys d'Halicarnasse (XVII-XVIII 5, 1-2)15.
12 L. Toneatto, "L'editio princeps del Liber regionum I ", DArch, 1 (1983), pp. 87-95 ;
Ancora sull'editto princeps del Liber regionum I : un aggiornamento degli Annali Aldini,
DArch, 3 (1985), 2, pp. 124-129.
En outre, comme l'a récemment remarqué F. Cassola, dans une étude sur
"Aspetti sociali e politici della colonizzazione1 '16 , il existe quelques
témoignages de l'existence d'un principe archaïque, selon lequel les
participants à la conquête étaient privilégiés vis-à-vis à l'assignation des terres.
F. Cassola évoque deux passages de Tite-Live : l'un, qui se réfère au consul
Caeso Fabius Vibulanus, au moment où, après sa victoire sur les Etrusques en
479, il proposa : "captivum agrum plebi quant maxime aequaliter dorent :
verum esse habere eos quorum sanguine ac sudore partus sit" (2, 48, 2) ;
l'autre, où le tribun de la plèbe M. Sestius, tendant à envoyer à Boles une
colonie, annonçait : "dignum enim esse qui armis cepissent, eorum urbem
agrumque Bolanum esse" (4, 49, 11).
D'abord imposée pour des raisons défensives, cette première forme
d'occupation militaire pouvait ainsi durer longtemps... D'où, peut-être,
l'emploi du mot occupatio, dérivé d'un verbe, tel que occupar e , dont l'action
est durative.
Je rappelle, au passage, que dans le CAR on ne parle jamais d'un ius
occupandi ; cependant, il ne faut pas oublier qu'un véritable ius de ce genre
apparaît, par exemple, dans le règlement minier de Vipasca. Cette inscription
de l'époque d'Hadrien est très intéressante pour le régime juridique
d'exploitation des mines impériales, défini par Yusurpatio et Voccupatio. Le
contenu d'un passage de cette loi17 permet de définir le régime général de
l'exploitation par occupatio du sol, dont le fisc est propriétaire et l'exploitant
s'appelle occupator1*.
Voyons maintenant de près les occurrences de l'adjectif occupatorius chez
les agrimensores.
La. 2,18 = Th. 53, 1 : "L'ager arcifinius tire son nom de "repousser les
ennemis", comme le montre plus bas la suite du texte. On l'appelle aussi ager
occupatorius, parce que jadis il a été occupé par le peuple victorieux, et que les
ennemis terrifiés l'ont quitté ; car tout un chacun n'occupait pas seulement ce
qu'il était en mesure de cultiver aussitôt (donc au moment de X occupatio),
mais il traçait le contour (ambiebat) pour délimiter la superficie qu'il pensait
pouvoir cultiver un jour"**.
16 F. Cassola, "Aspetti sociali e politici della colonizzazione11, DArch, 6, (1988) 2, pp. 5-17.
17 FIR A I, p. 500, par. 3 et 4. Parmi les rares usages du mot, voir le texte du Codex
Theodosianus, 9, 42, 19 : Possessions, quae ex bonis Gildonis, aut Satellitum eius in ius
nostrae Serenitatis, retentae sunt ab occupatoribus, nostro patrimonio adgregentur ; ita ut ab his
ex eo tempore, quo indebite retentarunt, praestatìonum simplum inferatur. Qui si conventi intra
Kalendas Octobres possessiones putaverint retinendas, sciant se ad dupli restitutionem
cohortandos, duplos fructus esse reddendos. (405 après J.-C).
18 Voir l'étude passionnante de Cl. Domergue, La mine antique d'Aljustrel (Portugal) et les
tables de bronze de Vipasca, Paris, 1983.
19 Th. 53, 2 = Lap, 2,18 : "arcifinius ager ab arcendis hostibus" nuncupatur, sicut paulo
inferius subsequens lectio manifestât, hic et occupatorius ager dicitur eo quod in tempore
occupatus est a victore populo, territis exinde fugatisque hostibus ; quia non solum tantum
50 P. Botteri
occupabat unus quisque, quantum colere praesenti tempore poterai, sed quantum in spe colendi
habuerat ambiebat.
20 Arcifinius ou arcifinalis, se rattacherait à arceo, dont le sens attesté dans les sources est celui
de "maintenir", "maintenir au loin". Arcifinius, composé avec -finius, de finis (borne, limite
d'un champ etc.), a été apparemment formé ainsi que, par exemple, confinius, -a, -um (du
neutre confine). Notons encore que finalis, dérivé tardif et assez rare, est en revanche employé
fréquemment par les Gromatici. Cf. Lachmann, t. II, p. 495.
21 Voir, par ex. A. van Gennep, Les rites de passage, Paris, 1909.
22 De leg. agr. 2, 69.
elle se produit dans les agri occupatomi, ce que la force du courant a arraché
(ou "quelle que soit la quantité de ce que le courant arrache"), personne ne
mène une action en justice pour le récupérer (repetitio = vindicatio). Cette
chose impose la nécessité de renforcer la rive à condition cependant que cela
ne provoque pas de dommage pour autrui"24.
Nous avons déjà cité quelques passages de Siculus Flaccus. On peut
reconsidérer, en son entier, le texte qui résume au mieux soit la définition des
champs occupatorii, soit les mœurs qui réglaient, en quelque sorte, le modus
de la possessio.
La. 138, 3 = Th. 102, 1 : "Sont appelées occupatorii des terres que
d'autres appellent arcifinales (mais on doit dire arcifinales). Le peuple
vainqueur leur a donné ce nom par l'occupation. Les peuples, vainqueurs après
la guerre, incorporaient aux domaines publics toutes les terres dont ils avaient
évincés les vaincus, et ils désignèrent par territorium, le territoire à l'intérieur
duquel s'exerçait la juridiction. Ensuite, ce que chacun occupait pour le
cultiver, on l'appellait arcifìnalis, parce qu'on écarte le voisin. Aucune table de
bronze (aes), aucun cadastre {forma) ne fournit aux possesseurs un titre de
reconnaissance publique, puisqu'on ne recevait pas sa part après une opération
d'arpentage ; mais on cultivait la terre, ou on l'occupait dans l'espoir de la
cultiver"2*.
Ce passage évoque de près le célèbre chapitre où Appien, dans le premier
livre consacré à la guerre civile à Rome, retrace l'histoire de Yager publicus
en Italie, jusqu'aux Gracques. Si l'on compare les textes, les analogies sont
assez frappantes26 ; cependant, il ne faut pas prétendre trouver des
équivalences précises. Ainsi, on ne comprend pas comment, en partant de ce
passage, les commentateurs modernes d'Appien ont fondé une théorie sur
Yager occupatorius27 . Rien ne nous prouve qu'Appien visait Yager
24 Th. 64, 3, sq. : De alluvione observatio est, si haec in occupatoriis agitar agris. quidquid
vis aquae abstulerit, repetitionem nomo habet, quae res necessitatem ripae muniendae iniungit,
ita tamen ut sine alterius damno quicquamfiat.
25 Th. 102, 1 sq. : Occupatorii autem dicuntur agri, quos quidam arcifinales vocant, [hi autem
arcifinales dici debent.j quibus agris victor populus occupando nomen dédit, bellis enim gestis
victores populi terras omnes, ex quibus victos eiecerunt, publicavere, atque universaliter
territorium dixerunt, intra quos fines iuris dicendi ius esset. deinde ut quisque virtute colendi
quid occupavit, arcendo [vero] vicinum arcifinale [m] dixit.
Horum ergo agrorum nullum <est> aes, nulla forma, quae publicae fidei possessoribus
testimonium reddat, quoniam non ex mensuris actis unus quisque modum accepit, sed quod out
excoluit out in spem colendi occupavit.
26 App., B. C, 1, 7, 27 : της δέ γης της δορικτή*του σφίσιν εκάστοτε γιγνομένης την μέν
έξειργασμένην αύτίκα τοις οίκιζομένοις έπιδιήρουν ή έπίπρασκον ή έζεμίσθουν, την δ'άργον
έκ του πολέμου τότε ούσαν, η" δη καΐ μάλιστα έπληθυεν, ούκ άγοντες πω σχολήν διαλαχεΐν
έπεκήρυττον έν τοσωδε τοις έθήλουσιν εκπονεί ν έπι τέλει των ετησίων καρπών ....
27 E. Gabba, par exemple, dans le commentaire au livre 1er du Bellum civile d'Appien,
interprète comme ager occupatorius le mot grec άργόν (/. c. p. 13).
52 P. Bùtteri
28 par exemple, dans Denys d'Halicarnasse (8, 73, 2) à propos du programme agraire
d'Appius Claudius et les decemvirs, où la terre publique est désigné par des mots banals, tels
que, par exemplejà κοινά, δημόσια etc.
29 Th. 115,17 sq. : Omnia autem finitionum genera, quae in occupatoriis agris videntur
inveniri posse, in quaestoriis et divisis et assignatis agris frequanter inveniuntur, quoniam
emendo vendendoque aut cambiando mut <u> andoque similia finitionum genera inveniri
possunt.
30 L. Toneatto, "Una tradizione manualistica difficile : l'agrimensore Igino e gli scritti collegati
al suo nome. Attribuzioni e datazioni", cf. n. 7.
La définition de l'ager occupatorius 53
31 Subseciva ou subsiciva, notion technique utilisée pour désigner les terres comprises entre le
territoire cadastré et la ligne de frontière situées à l'intérieur d'une centurie et par une ligne
représentée sur la forma. Parmi la vaste bibliographie en la matière, voir par ex., F. T.
Hinrichs, o. c, p. 131 sq.
32 Th. 78, 7 sq. : Occupatorii vero ideo hoc [estj vocabulo utuntur, quod, vicini urbium populi
seu possessores, cum adhuc nihil limitibus terminaretur, praesumptione certaminis cum de locis
adversum se répugnantes agerent, quo usque pulsi vel cedere <n>t vel restitisse<nt>, victoriae
terminus fieret, victos out praesidium collis out rivi interstitium aut fossae munimem resistere
pateretur et hoc genere naturae aut cursus docti securae perpetuitatem possessionis efficerent.
54 P. Bùtteri
33 Dans la loi de Vipasca, occupator (l'une des rares occurrences de ce mot, cf. n. 17), est
d'après la conclusion de Cl. Domergue "le colon qui exploite une concession selon la procédure
de Yoccupatio", mais si à Vipasca tous les occupatores sont des coloni, l'inverse n'est pas
obligatoirement vrai (ibid., pp. 128-31). Cf., S. Lazzarini, Colonus, occupator, socius. Note
di diritto minerario romano, Corno, 1989.
35 II s'agit d'un substantif en - -tor (dérivé d'un thème verbal) du type recuperator,
"récupérateur", "celui qui reprend", "juge" ; "usurpateur". L'adjectif en -ius, ressemble à
d'autres adjectifs de ce type sur des noms en -tor, désignant des métiers ou fonctions diverses :
mercator- ius, messor- ius, olitor- ius, saltator- ius, sutor- ius etc. Cf. O. Gradenwitz, Laterculi
vocum latinorum, Leipzig, 1904 ; M. Leumann, Lateinische haut- und Formenlehre, Munich,
1963, I, p. 213. Je veux ici remercier la courtoisie de Mme M. Fruyt pour ses utiles
renseignements sur ces suffixes.
Cependant, nous ne pouvons pas exclure que les Romains aient connu
assez tôt toute une série de normes juridiques, peut-être d'origine étrangère,
concernant les différentes modalités de la possession de la terre soit à titre
public soit à titre privé. Ainsi, n'oublions pas les Grecs, qui habitaient l'Italie
méridionale. On pourrait, avec les réserves d'usage, évoquer une situation que
l'on rencontre dans la table d'Héraclée, au IVème siècle av. J.-C. Π s'agit d'une
occupation illégale par des particuliers d'Héraclée des terres consacrées aux
dieux37. La cité désigne alors des magistrats pour récupérer ces territoires. Ce
qui nous intéresse ici, c'est la procédure très élaborée de récupération des
terres divines, après une opération de cadastre et de véritables contrats ayant
pour résultat une forme d'emphytéose38. On peut constater qu'à notre
connaissance, il n'existe rien de tel à Rome, à la même époque. Mais, ces
règles juridiques déjà très perfectionnées et l'établissement du bail
emphytéotique dans un pays dont Rome deviendra la conquérant, n'ont-elles
pas influencé le système agraire romain ?
37 F. Sartori, Eraclea di Lucania. Profilo storico, (Mitteil. d. Deutschen Arch. Inst. Rôm.
Abt.\ Heidelberg, 1967. A. Uguzzoni - F. Ghinatti, Le tavole greche di Eraclea, Rome, 1968.