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Plan
Introduction
1. Comprendre le document multimodal
1.1. La nature des documents multimodaux : du général au particulier
1.1.1. Le document multimodal : un fourretout
1.1.2. Des relations textes-images particulières
1.1.3. L’indispensable et incontournable intertextualité
1.2. Les processus de compréhension/production spécifiques aux documents multimodaux
1.3. Les compétences spécifiques à la lecture/production de documents multimodaux
2. Produire le document multimodal
2.1. Quelques précisions générales sur le dispositif mis en place
2.2. Le développement de certaines compétences reliées aux étapes de la production
2.3. Quelques manifestations de compétence multimodale
Conclusion
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Introduction
1On utilise depuis des décennies, et sans qu’ils en portent le nom, des documents
multimodaux en classe. Ainsi en est-il du parallèle entre un film et un roman, ou encore, de
la bande dessinée, qui constituent des formes classiques de multimodalité. Toutefois, les
documents multimodaux issus des nouvelles technologies numériques peinent à trouver
leur place en classe. Et pourtant, ce sont ceux que manipulent les élèves hors du cadre
scolaire et grâce auxquels ils font de multiples apprentissages informels. Plusieurs
chercheurs (Metros, 2008 ; Hobbs, 2007 ; Kellner et Share, 2007 ; Buckingham, 2003) ont
en effet démontré que l’élève du XXIe siècle, sollicité par les nouveaux médias hors de
l’école, devient de moins en moins performant dans les médias classiques et que cela est
particulièrement vrai des élèves plus faibles et moins motivés. Il faut trouver une voie pour
intégrer aux approches pédagogiques les divers documents de la littératie classique et ceux
de la littératie médiatique multimodale1 de type numérique. Notre propos va dans ce sens
en présentant à la fois nos fondements théoriques visant l’insertion de la LITMEDMOD à
l’école et, à titre illustratif, l’une de nos recherches exploratoires menées en classe.
2Nous verrons tout d’abord ce qu’est un document multimodal et nous nous pencherons
par la suite sur les processus de compréhension et de production qui le caractérisent.
1.1. La nature des documents multimodaux : du général au particulier
3Le document multimodal met en jeu divers modes iconiques et textuels, dont les rapports
prennent diverses figures. Il diffère du document « monomodal » – soit celui qui est
constitué uniquement de l’écrit ou de l’image ou du son – par le fait qu’il combine un ou
plusieurs modes d’expression. De plus, selon le support sur lequel il a été conçu, il peut
prendre une forme linéaire (ex : bande-dessinée sur papier) ou non linéaire (ex : texte sur
le web contenant de hyperliens). Cette caractéristique fondamentale explique le fait que le
document multimodal couvre un ensemble très large de modes d’expression combinés
pouvant s’exprimer à la fois sur papier, mais aussi sur différents appareils électroniques :
IPod, IPad, ordinateur. Nous verrons qu’à partir de cette catégorie générique se déploient
de nombreuses appellations et définitions qui sont déjà entrées dans l’usage des chercheurs
et des utilisateurs de ces documents.
4Précisons d’entrée de jeu que nous donnons dans notre article une grande extension au
terme « texte ». Celui-ci couvre tant les textes écrits sur support papier traditionnels que
les textes multimodaux. Le document ou « texte » médiatique multimodal appartient à un
environnement médiatique qui intègre divers modes d’expression, dont l’imprimé,
l’audiovisuel, la téléphonie et l’ordinateur. Le document de type numérique (digital
document) y est prédominant.
5Ce document numérique se consulte sur des supports variés tels l’ordinateur, l’Ipad, le
téléphone intelligent, la télévision, le lecteur MP3, etc. Il contient diverses composantes,
selon une géométrie variable : du texte (textes écrits ou interventions orales), des images
(comme des photos, des cartes, des images animées – pensons aux vidéos – ou fixes), des
liens hypertextes, des émissions sonores (comme des paroles, de la musique et des
sonorisations diverses). Toutes ces ressources permettent à l’élève de se lancer dans des
tâches multimodales et d’acquérir, ce faisant, des compétences multimodales.
8L’une des théories les plus répandues sur les relations textes/images dans les documents
multimodaux est celle de Kress et Van Leeuwen (1996), basée elle-même sur les travaux en
Systemic Functional Linguistics (SFL) de Halliday (1985). Elle a inspiré fortement les travaux
subséquents. Les auteurs distinguent trois types d’organisation métafonctionnelle des
ressources sémiotiques dans une perspective multimodale :
9Cette typologie permet de voir les synergies intersémiotiques qui sont à l’œuvre en
multimodalité et rend compte adéquatement de la nature déictique de la LITMEDMOD ainsi
que l’a souligné Leu (2000). Pour ce dernier, en effet, les changements technologiques
rapides redéfinissent sans arrêt la LITMEDMOD entrainant par là un besoin d’autant plus
grand d’outils analytiques.
13La sémiotique a ainsi contribué à définir la nature des relations entre les modes
d’expressions des textes multimodaux en précisant surtout les rapports entre texte et
image. Par contre, même si on connait les stratégies de lecture et d’écriture des élèves, on
en sait encore très peu sur la façon dont ils traitent les relations texte/image. Boubée (2007)
note que, lorsqu’ils ont un document multimodal à rédiger, les élèves vont souvent
directement aux sites d’images (ex. : google images), où ils trouvent textes et images, plutôt
que de rechercher des images par la consultation de sites à partir de mots clés. Selon
Bertrand et Carion (2007), l’image est le vecteur de leur raisonnement. Elle leur permet
aussi des comparaisons implicites et/ou explicites avec du déjà vu et des opérations de
référence à des contextes possibles grâce à sa polysémie.
14Qui dit LITMEDMOD dit recours structurel à l’intertextualité (ou plus précisément ici à
l’interdiscursivité ou intermédialité). Tout document (médiatique multimodal ou non)
résulte de la combinaison, voire de la transformation, de documents antérieurs
(multimodaux ou non). On est ainsi reporté au dialogisme bakhtinien (1978) ou interaction
entre un discours actuel et des discours antérieurs qui a inspiré à Kristéva (1969) sa théorie
intertextuelle.
15Les théories intertextuelles sont bien connues. Par contre, ce qui l’est moins, c’est la
façon dont les élèves lisant et produisant des textes (multimodaux ou non) font intervenir
leur compréhension intertextuelle. On présume que cette dernière est incomplète en raison
de leurs stratégies limitées de recherche, particulièrement sur le web. Elle l’est aussi par
leur manque de savoir référentiel, par leur capacité de traitement de l’information en
mémoire à long terme et de génération d’inférences moins exercée que chez l’adulte. Il faut
donc les aider à faire des liens entre les documents d’origines diverses, à en construire des
représentations parallèles. Ce qui est vrai d’une lecture/production intertextuelle classique
(traditionnelle) l’est encore plus lorsqu’entre en cause la multimodalité. La mémoire de
travail, par exemple, est davantage surchargée devant une production multimodale de
même que la capacité référentielle à traiter une pléthore d’images issues d’Internet, de
façon à en voir les liens éventuels. Et que dire des contextes culturels, qui explosent
littéralement sur la Grande Toile et devant lesquels les élèves on peine à se situer.
17Mayer (2001, 2005) a fait de nombreuses recherches sur le sujet en se basant sur la
théorie cognitive de l’apprentissage multimédia. Paas, Renkl et Sweller (2003) ont fait de
même, mais à partir de la théorie de la charge cognitive. Ces théories se basent sur trois
principes fondamentaux des sciences cognitives : la dualité des canaux de traitement de
l’information de l’être humain (soit l’auditif et le visuel), la capacité limitée de traitement
de l’information d’un canal à la fois et le traitement actif de l’information en vue de
l’apprentissage, qui requiert l’identification de l’information pertinente, sa structuration et
son intégration en mémoire à long terme. Ainsi, le défi des auteurs de messages multimédia
est de faciliter le traitement actif de cette information en choisissant les bons mots et les
bonnes images, en facilitant l’organisation textuelle d’une part et iconique d’autre part, et,
ultimement, en stimulant leur intégration.
18Donnons-en ici quelques voies possibles. Lorsqu’un message multimédia est mal fait,
c’est-à-dire lorsqu’il contient de l’information non pertinente, par exemple, le récepteur
doit être en mesure de le décoder. Selon les recherches de Mayer (2005), l’élève apprend
plus lorsque les images et le texte respectent le principe de cohérence, lorsqu’il y a insertion
de certains énoncés ou images facilitant l’organisation cognitive. Il faut aussi qu’il y ait
contigüité spatiale et temporelle entre texte et image. La redondance doit être utilisée
modérément : ainsi, il est inutile, voire improductif d’accompagner la narration en voix off
des énoncés d’une projection de ces mêmes énoncés sur écran, car on ne ferait alors
qu’alourdir le traitement cognitif. Lorsqu’un contenu est difficile à présenter, Mayer (2005)
suggère d’utiliser trois techniques : la segmentation du message, l’énumération préalable
des parties à traiter et enfin, le recours à l’explication orale plutôt qu’à l’explication écrite.
Ce dernier point peut surprendre, mais il faut penser que l’énoncé oral se traite plus
rapidement en mémoire à court terme que l’énoncé écrit.
19Kress et Van Leeuwen (2002) rappellent que les textes multimodaux ne sont pas
nouveaux : les histoires illustrées existent depuis des siècles. Or nous savons maintenant
que l’utilisation de graphiques, diagrammes, cartes, modèles, dessins et photographies
augmente la valeur informative des textes écrits. Le lecteur procède à des allers retours
entre le texte et ces illustrations, les perceptions visuelles directes complétant ou
remplaçant les images mentales habituellement produites lors de la lecture. De plus, la
lecture n’est plus linéaire : l’errance du mode perceptif entre les formes d’expression fait
de la lecture multimodale une lecture discontinue. Mais dans un sens temporel, elle pourra
être continue : « le lecteur qui interprète des unités de sens visuelles ou verbales ne les
réduit pas à l’une des deux modalités ». Toutefois, les auteurs ajoutent qu’à mesure que
l’utilisation des illustrations augmente, la logique visuelle finira par prévaloir et dominer.
Miall et Dobson (2001) rapportent les résultats de recherches empiriques qui démontrent
que la lecture des liens et des images dans les hypertextes nuit aux fonctions cognitives
propres à la lecture linéaire. Selon Jullier (2002), la recherche de causalité chez le spectateur
filmique – le film étant un document multimodal – est un automatisme indispensable à
l’esprit : elle rend les informations utiles plus facilement mémorisables et le savoir plus
aisément transmissible. Il justifie ainsi notre gout instinctif pour le récit linéaire, causal,
producteur de sens. Or la lecture multimodale se présente de plus en plus de manière non-
linéaire et exige des lecteurs qu’ils aient des compétences pour ces nouveaux genres de
récits.
20Lacelle dans sa recherche doctorale (2009) visant à définir les mécanismes propres à la
lecture filmique explique que la grande différence du document filmique (multimodal), par
rapport au roman, par exemple, est que ces deux documents n’opèrent pas à partir des
mêmes codes d’expression narratifs et imposent des modalités de lecture différentes. Par
exemple, lorsque le spectateur extrait du film des unités d’information qu’il juge
importantes et fait les liens entre les disjonctions de la narration, il le fait à travers les
procédés propres au cinéma ; il doit combler les trous du montage, reconstituer l’ordre des
images mobiles, associer les sons à des espaces narratifs manquants. La concrétisation
imageante et sonore se fait à partir d’images et de sons ; le spectateur doit s’imaginer ce
qu’il ne voit ou n’entend pas à partir d’un répertoire de références visuelles et sonores. De
plus, le mécanisme de perception de la spectature ne peut être de même nature que celui
de la lecture, car le spectateur doit reconnaitre des images mobiles et des sons afin
d’éprouver l’illusion de mouvement et de réalité la sonore de l’histoire.
23La compétence multimodale est la somme de toutes ces compétences, modulée selon la
situation de lecture/production. Elle permet d’analyser la situation de complémentarité ou
de redondance, de jonction ou de disjonction, dans laquelle se trouvent ces différents codes
et composantes dans un même message, de voir leurs modalités d’utilisation, en somme.
24Nous proposons dans cette deuxième partie de présenter comment l’une de nos
recherches exploratoires visant à mieux comprendre les processus de production de
documents multimodaux nous a permis de mieux cibler des compétences dont il faut tenir
compte en classe de français pour développer la LITMEDMOD. Il s’agissait essentiellement
d’explorer l’œuvre Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, roman anthropologique à
saveur humoristique, afin d’aider des élèves de 15 ans à perfectionner l’utilisation des
ressources documentaires textuelles et iconiques d’Internet et, ultimement, à produire une
exposition virtuelle en équipe, sous forme de diaporama. Nous reviendrons, au fil de nos
explications, sur les notions théoriques exploitées lors de ce parcours didactique.
25Le dispositif didactique mis en place mêlait des pratiques de littératie classique (dont le
recours au débat) et de littératie multimodale (dont la préparation d’une exposition
virtuelle). Nous voulions utiliser ces deux types de pratiques afin qu’elles se complètent
l’une l’autre. En effet, si le débat permet aux élèves de développer leurs capacités
argumentatives et leurs sociabilités de lecteurs/producteurs de sens, le recours aux TIC
entraine des apprentissages plus individualisés et différenciés. Dans le débat, on recourt à
l’oral polygéré et dialogique (Bakhtine, 1981 ; Lebrun, 2008) pour affiner ses
représentations d’un sujet et les défendre à l’intérieur d’une communauté discursive. La
mise au point de l’exposition virtuelle requiert pour sa part des recherches documentaires
sur le web, souvent individuelles, qui doivent être soigneusement balisées (Kuiper Volman
et Terwel, 2005) face à la pléthore d’informations, et, en aval, un travail de
conceptualisation mêlant les données iconiques et textuelles. Dans le cadre restreint de cet
article, nous ne présenterons que le travail sur l’exposition virtuelle.
26Lorsque la lecture du roman a été assez avancée, nous avons divisé les élèves en équipes
de quatre et leur avons demandé de se choisir un thème particulier, pouvant susciter de
leur part un point de vue original sur le roman, afin de préparer une exposition virtuelle.
Voici quelques-uns de thèmes choisis : le statut des femmes de la préhistoire, l’évolution
des outils, l’organisation sociale, la découverte du feu, les origines de l’homme, etc. La
consigne était, à partir de là, de produire entre 40 et 50 diapositives, dans une perspective
descriptive ou argumentative. Ces diapositives devaient intégrer des images (fixes ou
animées), du texte (produit par l’équipe et/ou récupéré sur Internet) et quelques extraits
du roman. Il était nécessaire d’indiquer toutes les ressources Internet utilisées. Comme on
le voit, la définition même du document à produire orientait les élèves vers la
multimodalité.
27Ce projet d’exposition virtuelle a nécessité quatre périodes de 75 minutes en classe, dont
trois au laboratoire d’informatique. La première période, vécue en classe, a permis
d’expliquer les consignes, de former les équipes, de discuter des thématiques et d’en faire
choisir une par équipe, de partager les tâches et enfin, de rédiger un plan préliminaire. Les
élèves ont eu de la difficulté à définir un point de vue original à partir d’une thématique, à
structurer leur diaporama selon les diverses composantes du sujet et à en écarter les moins
pertinentes.
28Dès le début des exercices en classe autour du roman, les élèves avaient reçu une
initiation à la recherche documentaire systématique sur Internet dans le but de préparer
une exposition virtuelle à partir du roman. On leur avait donné des directives strictes de
documentation et de production et on leur avait fait faire des exercices documentaires
ponctuels sur le web. Lorsque le travail sur l’exposition virtuelle a commencé, nous les
avons observés attentivement. Leurs comportements et stratégies sur Internet
ressemblaient à ce que Kuiper et al. (2005) ont trouvé. Ainsi, les élèves préféraient le
furetage, ou promenade libre sur le web, plutôt que la recherche par mots clés. Ils avaient
de la difficulté à formuler une question de recherche et à choisir des mots clés appropriés.
C’est ainsi qu’ils rétrécissaient leur champ virtuel d’exploration aux sites les plus connus. Ils
avaient de la difficulté à gérer un nombre consistant de « textes », une tendance à miser
surtout sur les informations factuelles dans leur collecte de données (ou de signets
web/sources web), à lire et traiter en surface l’information trouvée et enfin à en évaluer la
pertinence et la fiabilité.
29Les élèves ont perdu beaucoup de temps à explorer des sites web pour savoir s’ils
trouvaient assez de documentation sur leur sujet avant de le choisir définitivement. Ils ont
parfois mal évalué ce qu’ils ne savaient pas et ce qu’ils savaient sur le sujet : ainsi, ils avaient
certaines connaissances sur l’époque préhistorique, acquises surtout via les films et les
émissions de télévision, mais les utilisaient peu pour structurer leur recherche
documentaire. Il a donc fallu que l’enseignante et la chercheure vérifient les procédures de
recherche, dont le choix de mots-liens, les modalités (trop rapides) d’exploitation de sites,
qu’elles incitent à la lecture réelle des sites, et non au furetage.
30Au cours de l’étape documentaire, les élèves ont développé ou affermi des compétences
diverses en littératie médiatique, susceptibles de les aider dans l’élaboration de leurs
compétences multimodales à une étape ultérieure. Ainsi, ils ont affiné leurs compétences
cognitives en sélectionnant des informations pertinentes et certaines compétences
sémiotiques relatives au choix de leur thème. Ils ont commencé à se sentir concernés par
les aspects pragmatiques de l’œuvre.
31Lorsqu’est venu le temps de mettre en forme leur diaporama, les élèves ont eu à choisir
un point de vue original d’exposition de leur thème, un ordonnancement particulier de leurs
images. Ils ont dû rédiger des textes ad hoc pour accompagner ces images et bien les mettre
en valeur. Peu à peu, leur compétence multimodale s’est construite.
32Il est difficile de faire un choix dans les productions des élèves et de les commenter, dans
le cadre étroit de cet article. Regardons tout d’abord la multimodalité classique, avec le
recours à l’intertextualité. Ainsi, une équipe a pensé à se référer aux œuvres de deux
chanteurs populaires, soit le Darwin avait raison, de Féloche, et le Adam and Eve, de Bob
Marley, pour illustrer les ressemblances entre l’homme des cavernes et l’homme moderne.
Plusieurs élèves ont par ailleurs évoqué le film La guerre du feu, de Annaud (1981) et
d’autres films liés à la problématique du feu. Autre exemple d’intertextualité en lien avec le
numérique, cette fois : l’équipe ayant travaillé sur les origines de l’homme nous sert, en
plus d’une webographie consistante, le texte suivant, nous prouvant que les élèves ont
véritablement cherché à appliquer leur documentation au roman lu :
« Il est probable que la tribu dépeinte dans le roman appartienne à l’espèce Homo ergaster
plutôt qu’à l’espèce Homo erectus. En effet, le genre Homo ergaster désigne les fossiles
d’Homo erectus découverts en Afrique. Les scientifiques étaient d’avis que les fossiles
d’Homo erectus africains comportaient des spécificités justifiant leur attribution à une
nouvelle espèce. »
33Passons aux exemples permettant d’illustrer comment les élèves gèrent deux des trois
types d’organisation métafonctionnelle dont nous avons parlé ci-dessus concernant les
relations textes/images. En termes de construction du sens idéationnel, les relations entre
le texte et l’image sont le plus souvent dans un rapport de « descriptions
complémentaires » qui ne manque pas de redondance, ainsi qu’en fait foi l’exemple 1 (tous
les exemples sont en annexe). Plus rarement, les élèves choisissent d’illustrer les propos
« écrits » d’une image qui prolonge la réflexion au-delà du texte (rapport de concurrence).
C’est autre autres le cas de l’exemple 2, où l’image ne vient pas servilement illustrer l’une
des lignes du texte, mais contribue à prolonger la réflexion sur le sujet en cause, soit
l’évolution, en montrant que « l’évolution psychologique » dont il est question est aussi,
d’une certaine façon, une ouverture à l’art.
2 Il s’agit d’une série télévisée d’animation américaine créée par Hanna et diffusée
dans les années (...)
35Nous avons vu que les caractéristiques des documents multimédia ont une influence sur
les savoirs, les habiletés et les attitudes des utilisateurs-élèves, ce qui recoupe des notions
parallèles telles que les savoirs légitimés ou validés, les savoirs construits par échange
social, l’accessibilité des savoirs, la compréhension de la structure en hypertexte, la prise
en compte de la prédominance de l’approche thématique sur le web et enfin l’importance
de l’aspect visuel (mise en page, recours à l’illustration). Au final, autour d’une même
œuvre, des pratiques de littératie complémentaires, fondées sur des documents classiques
et numériques, qui permettent à l’élève, comme le souhaite Hobbs (2004), de vivre la
multimodalité comme l’une des composantes majeures de ses apprentissages.
Conclusion
36Comment l’école peut-elle utiliser les nouveaux documents issus des médias numériques
pour développer le savoir des élèves et, en bout de ligne, assurer de meilleurs
apprentissages en littératie ? L’analyse des résultats de notre expérimentation permet de
voir qu’une réelle implantation d’une écriture multimodale sur support électronique dans
les disciplines scolaires nécessite une meilleure intégration de la littératie multimodale à la
littératie traditionnelle. Il faut partir des processus de compréhension/production
classiques pour aider les élèves à construire/enrichir leurs processus de
compréhension/production multimodale. La tâche est difficile, on l’a vu. Les élèves sont
fascinés par l’image du web au détriment du texte présenté et ils peinent à juger de la
validité d’une information qui apparait à l’écran ; cependant, l’expérimentation leur a
permis d’accéder à une certaine compréhension des relations textes/images sur le web. Et
surtout, les différentes activités les motivent à apprendre.
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Bibliographie
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Annexe
Quelques exemples de relations texte-images dans des travaux d’élèves
2 Il s’agit d’une série télévisée d’animation américaine créée par Hanna et diffusée dans les
années soixante. Elle a été largement répandue par la suite en traduction à travers le
monde. Elle raconte de façon fantaisiste la vie de l’homme préhistorique.
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http://journals.openedition.org/reperes/docannexe/image/141/img-
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Référence électronique
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Auteurs
Monique Lebrun
Nathalie Lacelle
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Droits d’auteur
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
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