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Communication

Information médias théories pratiques


Vol. 27/2 | 2010
Vol. 27/2

Les mises en scène du discours médiatique


Introduction

Guylaine Martel

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/communication/3062
DOI : 10.4000/communication.3062
ISBN : 978-2-921383-28-8
ISSN : 1920-7344

Éditeur
Université Laval

Édition imprimée
Date de publication : 31 mars 2010
Pagination : 11-17
ISBN : 978-2-89518-343-3
ISSN : 1189-3788

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Référence électronique
Guylaine Martel, « Les mises en scène du discours médiatique », Communication [En ligne], Vol. 27/2 |
2010, mis en ligne le 14 août 2012, consulté le 02 avril 2023. URL : http://journals.openedition.org/
communication/3062 ; DOI : https://doi.org/10.4000/communication.3062

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Les mises en scène du discours médiatique 1

Les mises en scène du discours


médiatique
Introduction

Guylaine Martel

1 Depuis leur apparition dans l’espace médiatique, les médias oraux ont contribué de
façon toute particulière à l’émergence de genres communicationnels nouveaux.
Distincts des médias écrits, tant par la complexité de leur environnement technique
que par leur hétérogénéité discursive, les téléjournaux, les débats politiques, les talk-
shows, les émissions de services et de variétés ont permis le développement d’espaces
de communication privilégiés autour desquels se sont fidélisés les auditoires les plus
variés. Pourtant, malgré leur évidente popularité, la description scientifique de ces
genres communicationnels est relativement récente et le partage des connaissances
concernant cet objet, en constante évolution, ne se fait pas toujours dans la cohérence.
Les emprunts théoriques et méthodologiques pour l’aborder sont multiples, rarement
explicités, et se limitent le plus souvent à des analyses ponctuelles qui ne saisissent pas
toujours adéquatement le contexte de leur production.
2 Dans une perspective résolument interdisciplinaire, le colloque Les mises en scène du
discours médiatique, présenté à l’Université Laval (Québec), en juin 2007, tenait
précisément à favoriser la mise en commun de l’expertise de chercheurs associés à
deux vastes champs disciplinaires, les sciences du langage et les sciences de la
communication. Insistant sur la nécessité d’expliciter la nature des liens entre ces deux
domaines, le colloque visait deux objectifs principaux : ouvrir à plusieurs disciplines un
vaste ensemble de données authentiques dont l’organisation est contrainte par des
règles de communication propres au domaine médiatique et témoigner de la pertinence
de diverses approches discursives et paradiscursives pour l’étude de phénomènes liés à
la communication médiatique. Ainsi, plusieurs types d’expertises linguistiques (analyse
du discours et de la conversation, interactionnisme, pragmatique, sociolinguistique,
phonétique, prosodie) ont été appliquées à des problématiques typiquement
communicationnelles comme la standardisation des genres, les stratégies de
ratification des auditoires et les mécanismes discursifs assurant la performance

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communicationnelle. Le thème du colloque portait de façon toute spécifique sur les


formats particuliers dans lesquels sont diffusés les contenus des productions
médiatiques.
3 S’inspirant du colloque Le français parlé dans les médias, organisé en 2005 à l’Université
de Stockholm, le colloque de Québec a donné lieu à une rencontre de trois jours au
cours desquels 8 conférences plénières et 42 communications ont été présentées par
une cinquantaine de professeurs et d’étudiants-chercheurs en provenance d’une
douzaine de pays. Outre les actes du colloque, disponibles pour téléchargement à partir
du site www.com.ulaval.ca/lab-o, les textes colligés dans ce numéro spécial de la revue
Communication témoignent de la diversité de cadres théoriques, des approches
méthodologiques et des ensembles de données authentiques qui ont été exploités afin
de mieux saisir les phénomènes de communication médiatique actuels.
4 Par la discussion de quelques aspects théoriques et méthodologiques Marcel Burger
(« Le cadrage de la communication dans les médias : apports d’une analyse
linguistique »), de l'Université de Lausanne, vise à mettre en relation les sciences du
langage et des discours et les sciences de la communication et des médias. Depuis
quelque temps, les premières ont effectué un « virage actionnel » qui souligne
l’importance des notions d’action et d’activité communicatives pour l’analyse et la
compréhension des phénomènes langagiers. Dans le même temps, les secondes ont
opéré un « virage linguistique » du fait d’admettre, progressivement, l’importance du
langage et des discours dans l’analyse et la compréhension des phénomènes de
communication. Une épistémologie « constructiviste » (Mucchieli et Noy, 2005) ou
« interactionniste » (Filliettaz, 2002) permet de penser les enjeux de ces deux
« virages », depuis l’un et l’autre des horizons : sciences de la communication et des
médias, respectivement, sciences du langage et des discours. Situés dans un tel cadre
global, nous analysons dans le détail — linguistique et communicationnel — deux
séquences de débat télévisé relevant de deux genres de débats médiatiques que nous
définissons préalablement : le débat « citoyen » fondé sur l’expression d’un discours
allocentré et argumentatif de la part d’experts dans un domaine social ; et le débat
« témoignage » fondé sur l’expression d’un discours égocentré et à dominante
autobiographique produit par des participants non experts, invités sur le plateau de
télévision en vertu de leur expérience de vie singulière.
5 Pour répondre à la question « Une éthique du discours médiatique est-elle possible ? »,
Patrick Charaudeau de l'Université Paris XIII examine quelles sont les conditions de
réalisation de ce discours, quelle place il occupe dans les pratiques sociales, quelles sont
ses contraintes, quelles sont ses possibles stratégies de mise en scène. Seront donc
envisagés ici, et successivement, les domaines d’activité qui structurent la société, le
dispositif et les contraintes propres au discours médiatique d’information, enfin, les
dérives auxquelles celui-ci se livre, engageant ainsi sa responsabilité. C’est alors que
pourra être posée la question de l’éthique au regard de ce que sont les caractéristiques
de ce type de discours.
6 Après une discussion sur la notion de « genre » en analyse du discours (Maingueneau,
2007), Mats Forsgren et Françoise Sullet-Nylander (« Genre médiatique, activités
linguistiques et degré d’interactivité : le cas du talk-show »), de l'Université de
Stockholm, mettent le talk-show en rapport avec d’autres genres appartenant à « la
grande famille des interactions médiatiques » (Kerbrat-Orecchioni, 2005). Même si, à
priori, le talk-show constitue le genre médiatique le plus interactif — de par le nombre

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de participants et la nature des prises de parole —, nous posons en première hypothèse


qu’aussi bien le type que le degré d’interactivité sont susceptibles de varier en fonction
du script choisi par l’animateur. L’analyse linguistico-discursive porte sur deux
émissions françaises bien connues : Vie privée, vie publique et On ne peut pas plaire à tout le
monde. Cette analyse permet de formuler des conclusions préliminaires quant aux
caractéristiques linguistiques et discursives du talk-show, tout en mettant en avant des
différences sensibles dans les deux échantillons analysés, plus particulièrement du
point de vue du rôle de l’animateur, de son mode de questionnement, mais aussi de la
variation registrale et du degré d’interactivité.
7 En quoi et comment la notion de dialogisme de Bakhtine et certaines de ses facettes
peuvent-elles permettre d’envisager les stratégies mises en place lors d’une interview
politique télévisée ? À travers une interview de Lionel Jospin, alors premier ministre de
la France, par David Pujadas, présentateur du journal télévisé de 20 h de France 2,
Virginie Delmas (« Approche dialogique d’une interview politique télévisée ») de
l'Université Paris V aborde les phénomènes d’interdiscours, de discours rapporté, ainsi
que ceux résultant du dialogue effectif (reprises, reformulations, attributions, etc.)
pour voir comment ils sont mobilisés par chacun des locuteurs et l’incidence qu’ils ont
sur le déroulement de l’interview.
8 Le texte d'Ioanna Vovou (« La politique comme un jeu télévisé : les talk-shows
français »), de l'Université Paris XIII, pose la question de la relation entre l’univers
politique et le registre ludique dans des mises en scène télévisuelles. Prenant comme
exemple les émissions de talk-show français du type On a tout essayé, Tout le monde en
parle, On ne peut pas plaire à tout le monde ou La méthode Cauet, nous étudions le cadre
d’interaction télévisuelle proposé pour le discours politique et ses acteurs, notamment
son affiliation à l’univers du jeu, et plus précisément au genre « jeu télévisé ». Si
l’espace politique se transforme en espace de jeu, il s’agit d’interroger à nouveau le
rapport de la télévision à la politique, influencé par le contexte d’une société au sein de
laquelle l’information politique ne serait pas reçue littéralement, mais en se référant à
un univers symbolique en lien avec la notion de « gain ». Les métamorphoses de
l’espace politique qui emprunte à la dramaturgie du jeu strictement réglementé, tel
qu’il se manifeste dans des mises en scène qui ressemblent à celles des jeux télévisés,
sont analysées afin de comprendre le prisme particulier à partir duquel la télévision
participe à la construction de la vision politique des téléspectateurs.
9 Le 13 décembre 2006, la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) annonçait, dans un
vrai journal télévisé spécial, la fausse nouvelle que la Flandre venait de déclarer son
indépendance. On connaît toutes les divisions politiques, économiques et linguistiques
qui existent entre la Flandre et la Wallonie, et le désir de la Flandre de faire sécession.
L’intention performative de cette manipulation médiatique était de sensibiliser
l’opinion francophone aux risques d’une scission flamande. Le JT fut donc une vraie
émission sur la situation politique de la Belgique, destinée à provoquer une prise de
conscience. Mais cette manipulation a également un intérêt en raison de sa stratégie
générique et argumentative tout à fait exceptionnelle. En effet, elle repose sur une
transformation générique du JT en information fictionnelle : un genre pour le moins
paradoxal. L’ensemble de ce dispositif assez complexe se caractérise donc par : le
contexte extramédiatique, vraisemblance discursive et situation politique ; l’instance
médiatique et le producteur du discours ; le scénario médiatique, qui passe du
mensonge (fausse information présentée comme vraie) à la fiction avouée ; le dispositif

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énonciatif qui s’appuie sur la fonction du direct comme signe du vrai, et la confusion
entre des énonciations authentiques et des énonciations fictionnelles ; la relation avec
le destinataire, structurée essentiellement sur des effets de surprise et de pathos. À
travers l’analyse des caractéristiques du JT spécial de cette fausse nouvelle, Jean-Paul
Dufiet (« Manipulation et information fictionnelle »), de l'Université de Trento,
décrypte le rapport entre mise en scène linguistique et sémiotique d’une part, et
manipulation médiatique d’autre part.
10 La structure prosodique du français véhicule des informations non seulement
syntaxiques et sémantiques, mais également stylistiques et discursives. Les marques
prosodiques tels le débit, le rythme et l’accentuation varient selon la situation de
communication, de la plus formelle à la moins formelle, par exemple. Le bulletin de
nouvelles, même s’il s’agit d’un discours contraint, fait toutefois place à un style moins
formel notamment lors des dialogues entre le chef d’antenne et les journalistes.
L’objectif de cette étude menée par Caroline Émond et Lucie Ménard (« Les marques
prosodiques des styles de parole dans les téléjournaux québécois »), de l'Université du
Québec à Montréal, est de décrire les caractéristiques prosodiques qui constituent les
marques des situations de discours monologale (chef d’antenne seul) et dialogale (chef
d’antenne en interaction). Six bulletins de nouvelles, dont trois chefs d’antenne,
diffusés par la chaîne francophone québécoise de la Société Radio-Canada (SRC) ont été
enregistrés, numérisés, puis analysés à l’aide d’un logiciel de traitement de la parole.
Les contextes de lecture et d’interaction ont été retenus. Les résultats démontrent que
les chefs d’antenne modulent davantage leur voix en lecture et ont un débit plus
accéléré en interaction, ce qui est conforme à une première étude sur le même sujet
(Ménard, Martel et Émond, 2004). Ces résultats démontrent la robustesse des indices
prosodiques reliés à la variation communicationnelle.
11 La transition réussie (sans blanc radiophonique) entre différents moments
radiophoniques est généralement transparente pour les auditeurs à distance. Afin de
comprendre précisément de quelle manière la transition est accomplie de l’intérieur, il
est essentiel d’analyser la communication qui survient « en interne », parfois de
manière parallèle à la parole publique. À travers des données d’ethnographie vidéo en
situation de travail, l’analyse se centre sur le processus de production dans les
« coulisses » (Goffman, 1973) de la radio. Les interactants travaillent de manière
collaborative avec l’aide de la vitre épaisse qui « favorise l’isolation acoustique d’une
région à défaut de son isolation optique » (Goffman, 1973). Karine Lan Hing Ting et
Dimitri Voilmy (« L’évitement du blanc radiophonique comme accomplissement
multimodal ») examinent comment les pauses musicales sont décidées in situ et en
collaboration entre animateur et technicien, qui mobilisent diverses ressources —
interactionnelles, gestuelles et matérielles. À travers l’examen détaillé de l’interaction
constante entre animateur et technicien, l’activité conjointe de transition entre deux
moments radiophoniques en conditions de production et de réalisation d’émissions en
direct se révèle être un accomplissement multimodal complexe.
12 L’originalité et la qualité des résultats qui ont été présentés au colloque Les mises en
scène du discours médiatique confirment l’intérêt d’un regard interdisciplinaire pour
rendre compte de la complexité et de l’hétérogénéité des genres médiatiques. Le succès
de cet événement révèle également l’importance d’assurer la cohérence scientifique de
nos analyses en organisant des rencontres visant à la fois la mise en commun des
résultats et des principes et mécanismes qui sous-tendent la recherche. Dans cette

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perspective, des démarches sont déjà entreprises en vue de poursuivre la réflexion au


cours de prochaines présentations. Les membres des comités d’organisation des
colloques de Stockholm et de Québec remercient chaleureusement les participants de
ces deux premières rencontres et comptent sur leur présence future pour assurer, de
façon aussi agréable qu’enrichissante, l’état d’avancement de nos connaissances.
13 Les membres des comités d’organisation des colloques de Stockholm et de Québec —
Denise Deshaies (Québec), Guylaine Martel (Québec), Lucie Ménard (Montréal), Olivier
Turbide (Québec), Kristin Reinke (Berlin), Marlec Burger (Lausanne), Mathias Broth
(Stockholm) et Françoise Sullet-Nylander (Stockholm) — remercient chaleureusement
pour leur soutien financier le Conseil des recherches en sciences humaines du Canada,
le Vice-recteur du développement international de l’Université Laval, la Faculté des
lettres de l’Université Laval et ses départements d’Information et de communication et
de Langues et linguistiques, le Centre d’études des médias, le Centre interdisciplinaire
de recherches sur les activités langagières et le Lab-O.

AUTEUR
GUYLAINE MARTEL
Guylaine Martel est professeure au département d’information et de communication à
l’Université Laval (Québec). Courriel : guylaine.martel@com.ulaval.ca

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