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RÉSUMÉ
ABSTRACT
The fifty years of the economic history of Cote d’Ivoire cover two great periods.
The period of 1960 to 1980 saw a spectacular growth. From 1981 to 2010, Ivorian
economy is experiencing a mixed balance sheet which fluctuates between
economic crisis, structural adjustment measures and return to positive rates since
2004. The founding choices generating this specific progress, also explain the
economic dependence with respect to multilateral and bilateral partners, mainly
France. The future of Côte d’Ivoire is the diversification of partners in the context
of globalization and an economic policy that promote national initiatives.
Keywords: Capitalism-socialism-privatization-cooperation agreement-aid-
debt-bilateral-multilateral-increase-rescheduling-dependence-independence.
20 N’GUESSAN MAHOMED BOUBACARD
INTRODUCTION
1 - Arsène Timothée Usher assouan, Sauvons la Côte d’Ivoire mon message à la Nation, Victoria, Edition
trafford, 2009, 156p ; p.25.
2 -Ibidem, p.22.
3 -Pierre kipre, Côte d’Ivoire la formation d’un peuple, Bayeux, sidex-ima, 2005, 291p ; p.10.
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4 -Raphaël Saller, Georges Monnet et Jean Millier sont tous de nationalité française. Ils sont respectivement Ministres
de l’Economie des Finances et du Plan ; de l’Agriculture ; des Travaux publics.
5 -Marchés tropicaux et Méditerranéens, n°767, du samedi 23 juillet 1960, p.1655.
22 N’GUESSAN MAHOMED BOUBACARD
6 -La loi n°59-134 du 3 septembre 1959, portant code des investissements privés offre plusieurs avantages.
Entre autres, nous citons les avantages douaniers sous forme d’exonération des droits d’entrée. Il y a aussi
une exonération quinquennale des impôts sur les bénéfices industriels et commerciaux, sur les patentes
accordées aux entreprises ayant obtenu l’agrément du Gouvernement. Certaines entreprises ayant une im-
portance toute particulière peuvent bénéficier d’un régime fiscal de longue durée., etc.
7 - Marchés tropicaux et Méditerranéens, n°792, du samedi 14 janvier 1961, p.83.
8 - Idem
9 - Idem
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23
Selon Mamadou Koulibaly13 qui a consacré des écrits sur cette question,
« la lecture des dits accords témoigne de la volonté de poursuite de l’idéologie
économique coloniale de l’étatisme français même après la proclamation
officielle des indépendances politiques… »14.
Nous estimons que ces dispositions donnent à la France la possibilité d’être
à tous les niveaux de la vie nationale avec la bienveillance d’Houphouët-Boigny
qui met tout en œuvre pour protéger les intérêts français. Qu’on en juge avec
cette politique menée en 1962.
Voulant réduire le train de vie de l’Etat, le Gouvernement décide de
repartir les sacrifices au niveau de tous les travailleurs du public et du privé.
Les fonctionnaires sont invités à abandonner une part de leur émolument au
bénéfice de l’Etat. Si les salariés gagnant moins de 30.000 francs par mois sont
épargnés, les cadres payent un lourd tribut. La loi votée le 15 janvier 1962 par
l’Assemblée nationale et appelée « contribution nationale » impose 5 à 10%
de surcharge fiscale pour les salariés et 1% à la charge des employeurs (en
majorité des expatriés) du secteur privé. Face aux critiques, l’ordonnance 62-
92 du 03 avril majore de 50% la part patronale, portée ainsi à 1,50%15.
Houphouët-Boigny fait une autre lecture de sa politique d’ensemble. A l’occasion
de sa visite officielle en France en 1961, Houphouët-Boigny prononce une allocu-
tion et répond aux questions des journalistes. Extrait « ...si je n’étais pas passé par
l’école de Paris, au Gouvernement, je me serais laissé entrainer par une africanisa-
tion rapide, au rabais ; j’aurais installé la Côte d’Ivoire dans la médiocrité comme le
sont hélas certains pays qui ont accédé avant nous à l’indépendance mais qui pa-
taugent aujourd’hui, sinon dans la médiocrité…dans l’insécurité politique totale…
Mais j’ai confiance dans les vertus de mon pays, nous savons patienter ; le but est
lointain, ménageons notre monture et nous arriverons à bon port… »16.
Une chose est certaine, le capital étranger, notamment français tire un énorme
profit de la situation favorable. En 1965, l’ensemble des secteurs secondaires et
tertiaires se trouvent sous contrôle du capital étranger. Quelques chiffres. L’analyse
de la liste des électeurs aux chambres de commerce et d’industrie en 1964-1965
montre l’étendue de la présence étrangère française dans l’économie.
Pour les élections consulaires, les entreprises sont divisées en trois catégories.
La première comprend les représentants des sociétés ayant un chiffre d’affaires
supérieur à 500 millions de francs CFA, la seconde, celles réalisant un chiffre
17 -Amin samir, Le développement du capitalisme en Côte d’Ivoire, Paris, les Editions de minuit production,
1967, 327p ; p.281.
18 -Ibidem, p.287.
26 N’GUESSAN MAHOMED BOUBACARD
19 Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, Côte d’Ivoire en chiffres, éditions 1980-1981, Abidjan,
Société Africaine d’Edition, 1980, 324p ; p.119 et pp.125-126.
20 -Ibidem
21 -Usher assouan, op.cit., p.25.
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donne 45,57% à la partie ivoirienne dont 32,38% pour l’Etat et 13,19% pour les
privés ivoiriens. Sur les 54,43% revenant aux parties étrangères, la France se
trouve à la première place avec 31,94% suivie de la Suisse 5,49%. Les autres
rangs sont occupés respectivement par les USA, 2,8% ; le Liban, 2,77% ; le
Benelux, 2,46% ; la Grande Bretagne, 1,66% ; l’Allemagne de l’ouest, 1,57% ;
le Japon, 1,66%, etc. le premier pays africain qui occupe la neuvième place est
la Haute-Volta avec 0,62%22.
A partir de 1981, l’élan de ces années glorieuses connaît un essoufflement
plongeant le pays dans une longue et grave crise.
2. LA CRISE ÉCONOMIQUE, L’AJUSTEMENT STRUCTUREL ET
LA NÉO-DÉPENDANCE 1980-2010
La crise économique qui débute à la fin de 1980 est le résultat de plusieurs
facteurs. Un communiqué du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) datant du
03 mai 2010 incrimine l’environnement international et les catastrophes naturels
dans la survenue de la crise économique. Il cite la hausse des prix du pétrole, la
baisse des prix des matières premières agricoles, la sécheresse, etc.23
Cette analyse n’est pas erronée mais insuffisante à nos yeux. Les facteurs
externes ne sauraient expliquer à eux seuls les difficultés économiques de la
Côte d’Ivoire. En effet, à l’indépendance, selon l’option voulue par Houphouët-
Boigny, l’Etat de Côte d’Ivoire se veut entrepreneur et crée des sociétés d’Etat
connues sous l’acronyme « sode ». Au total il crée 33 sociétés d’Etat, 200
sociétés d’économie mixte, 33 établissements publics.24 Certaines d’entre
elles, de par leurs implantations doivent lutter contre les disparités régionales.
Toutes, tout en luttant contre le chômage doivent réaliser des bénéfices.
Malheureusement la mauvaise gestion conduit l’Etat à les subventionner pour
les maintenir, accroissant ainsi la pression sur les finances publiques déjà
ébranlées par la conjoncture internationale défavorable.
La création des “sode’’ a nécessité des emprunts sur les marchés financiers
internationaux. Le retour sur investissement n’ayant pas été réalisé, l’Etat s’est
trouvé endetté. A propos de la dette, dans une étude conduite par Fraternité-
Matin à l’occasion du cinquantenaire de la République de Côte d’Ivoire et
dénommée les pages du cinquantenaire, nous lisons sous la plume de Gooré
Bi Hue que « la dette contractée par l’Etat central ne représente qu’en réalité
35% de la dette totale du pays. Les 65% résultent des passifs des sode »25.
Le professeur Kipré explique une des difficultés économiques de la Côte
d’Ivoire par sa trop grande dépendance des matières premières. Il écrit « Au
plan agricole, la Côte d’Ivoire reste prisonnière du comportement des matières
meurt et Bédié arrive au pouvoir mais, il lui est reproché de ne pas avoir empêché
que les Américains (qui ont fini par gagner la guerre du cacao à la fin des
années 80), évincent, selon les officiels de Paris, les entreprises françaises…
Puis arrive Gbagbo qui annonce dans son programme de gouvernement vouloir
en finir avec les vestiges du protectionnisme colonial…35.
A toute fin utile, nous soulignons que le contrat de dix ans de l’entreprise
Bouygues arrivé à expiration a été reconduit par le régime du Front Populaire
Ivoirien (FPI) au pouvoir sans appel d’offres.
Laurent Dona Fologo actuel Président du Conseil Economique et Social s’in-
surge contre les mesures d’ajustement structurel des institutions de Bretton
Woods avec leur politique de privatisation. Il fait cette déclaration au colloque
de San-Pédro organisé à l’occasion de la commémoration du cinquantenaire
de l’indépendance de la Côte d’Ivoire et portant sur l’économie : « Sans être
économiste nos Etats dépouillés, il n’y avait plus d’interlocuteur face aux multi-
nationales dont le budget vaut celui de certains Etats africains »36
La Côte d’Ivoire, pour résoudre récemment la question du délestage dans la
fourniture d’électricité décide de relancer le projet de construction du barrage
de Soubré au Centre-ouest. Le partenaire sollicité est la Chine qui ne pose
aucune condition. Or, la Côte d’Ivoire n’est plus autorisée à contracter de
nouveaux prêts lourds sans l’aval des institutions de Bretton-Woods.37 A bien
d’égard, la trop grande présence des institutions de Bretton Woods dans la vie
économique nationale accroit la dépendance.
Un fait jamais démenti rapporté par le journal gouvernemental Fraternité-
Matin situe la dépendance de la Côte d’Ivoire vis-à-vis de la France qui est son
“notaire’’ auprès des clubs de Paris et de Londres.38 Pour expliquer l’absence du
port d’Abidjan au 3ème forum organisé par le cabinet PKD conseil39 à Shanghai
en Chine, le journal sous la plume de F.M Bally donne cette information. « A la
deuxième édition du forum (18 au 22 mai 2009), les dirigeants du Port avaient
pris l’engagement de revenir pour finaliser en août dernier, le lancement d’une
ligne maritime directe entre le port de Shanghai, premier au monde et celui
d’Abidjan. En outre, les chinois, en plus de vouloir participer à la rénovation
du terminal de pêche, devaient investir dans d’autres développements du port
pour lui permettre de doubler son trafic…tous ces projets sont tombés à l’eau
car ils pourraient faire ombrage au groupe Bolloré, l’ogre français…politique-
ment, Vincent Bolloré, le patron du groupe, est un ami de Nicolas Sarkozy »40.
Nous n’avons pas la prétention d’être un pionnier dans les propositions pour
sortir de la dépendance. Le Front Populaire Ivoirien, dès son arrivée au pouvoir
en octobre 2000 lance le slogan de la refondation de la Nation ivoirienne qui
prend en compte tous les secteurs de la vie nationale (politique, économique,
sociale). L’aspect économique fera ici l’objet d’une analyse suivie de réflexion
que nous voudrons engager autour de quelques pistes de solutions.
1. LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DE LA REFONDATION
A la faveur du colloque international et pluridisciplinaire sur le cinquantenaire
de la Côte d’Ivoire, organisé à Yamoussoukro durant la première semaine d’août
2010, une communication est faite par le Directeur Général de l’Economie,
membre important du Front Populaire Ivoirien au pouvoir. Elle porte sur le
modèle économique de la refondation baptisé la politique de l’orphelin43.
Selon lui, l’analyse des cinquante ans d’Histoire de la Côte d’Ivoire doit être
scindée en trois parties. La première qui part de 1960 à 1980 est marquée par
une relative prospérité avec un modèle économique calqué sur le modèle colonial
caractérisé par l’agriculture d’exportation. La deuxième période, de 1980 à 2000
est marquée par la poursuite du modèle colonial avec une forte dépendance ex-
térieure. Il conclut que ce système s’est effondré en 200044. Le nouveau modèle,
41 -Fraternité-Matin, n°13731, du lundi 16 août 2010, p.15.
42 - Idem
43 -L’orphelin, c’est celui qui a perdu son père et sa mère ou l’un des deux. A travers cette image le Gouvernement
demande aux Ivoiriens de compter sur eux-mêmes.
44 - Extrait de la communication du Directeur général de l’Economie. In Notre Voie, n°3649, du jeudi 5 août 2010, p.3.
32 N’GUESSAN MAHOMED BOUBACARD
Depuis son accession à l’indépendance, la Côte d’Ivoire est l’un des pays les
plus prospères de la sous-région ouest africaine grâce aux choix fondateurs de
ses dirigeants : libéralisme économique, développement et diversification des
cultures d’exportation (café, cacao, palmier à huile, hévéa), coopération étroite
avec l’occident notamment la France. La création d’industries de transformation
tant par l’Etat que par le secteur privé grâce au code d’investissement attractif
de 1959 favorise l’émergence d’un secteur productif.
Le développement de l’économie s’est déroulé selon un axe de dépendance
notamment vis à vis de la France qui très vite s’est trouvée à toutes les étapes
de la vie nationale grâce aux accords de coopération de 1961. En 1980, le
modèle économique ivoirien connaît un essoufflement qui appelle des mesures
d’ajustement structurel dictées par les institutions de bretton Woods. Aussi,
l’Etat se désengage totalement ou partiellement des activités industrielles et
commerciales. La cession des capitaux des entreprises stratégiques se fait
au profit de l’extérieur. Les secteurs de l’eau, de l’électricité et du téléphone
passent sous contrôle français. Or, selon les calculs de Raymond Baker,
directeur du “Think Tank’’ américain Global Financial Integrity (GFI) 393.600
à 524.800 milliards de francs CFA s’évaporent clandestinement des pays en
développement dont 65% ont pour origine les entreprises internationales69.
La dépendance est accentuée par le contrôle tatillon des institutions de
Bretton Woods condition pour atteindre le point d’achèvement qui ouvrira au
pays le statut de pays pauvre très endetté (PPTE)70 . Grâce aux premières
mesures liées à l’atteinte du point de décision la dette est de 4000 milliards selon
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1- SOURCES ÉCRITES
Extraits d’allocutions, de communications, d’étude, de compte rendu de
séminaire et communiqué.
Extrait des allocutions de son excellence M. Félix Houphouët-Boigny, Président de la République
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ternité-Matin, n°13649 du samedi 8 et dimanche 9 mars 2010, p.4.
Extrait de la communication du directeur Général de l’Economie. In Notre Voie, n°3649, du jeudi
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Périodiques d’époque et journaux actuels
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Marchés tropicaux et Méditerranéens, n°792, du samedi 14 janvier 1961, p.83.
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Fraternité-Matin, 13731, du lundi 16 août 2010, p.15.
2- OUVRAGES GÉNÉRAUX
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FOFANA, L., Côte d’Ivoire la longue marche du RDR (Rassemblement des Républicains),
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