Politique étrangère

Henry Bourgoin. L'Afrique malade du management

Joëlle Adda

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Adda Joëlle. Henry Bourgoin. L'Afrique malade du management. In: Politique étrangère, n°3 - 1984 - 49ᵉannée. pp. 718-719;

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718 I POLITIQUE ÉTRANGÈRE
afrique
L'Afrique malade du management
Henry Bourgoin
Jean Picollec, Paris, 1984,
222 pages
L'auteur, administrateur civil,
directeur général de l'Office national de
la formation professionnelle de Côte-
d'Ivoire, se donne pour but de
proposer des solutions vers un
management proprement africain. Il
constate l'inadéquation de recettes de
gestion — qu'il ne peut considérer
comme universelles et neutres —
en Afrique et s'interroge sur les
dimensions culturelles du
management à travers l'étude de quatre
variables où il compare l'attitude
d'un pays africain-test, la Côte-
d'Ivoire, aux résultats de quarante
Etats sur cinq continents.
Ces quatre variables sont : la
distance hiérarchique, le contrôle de
l'incertitude (il s'agit là des artifices
avancés par une société pour
combattre l'incertitude : techniques,
lois, religion), l'esprit
communautaire et la masculinité (notion de
différenciation des rôles masculins
et féminins). Il revendique que soient
prises en compte les caractéristiques
africaines dans l'organisation des
entreprises. Ainsi, concernant la
distance hiérarchique, la tradition
culturelle africaine consisterait à
« cultiver l'inégalité de position » :
la faiblesse du contrôle de
l'incertitude dans les sociétés africaines
devrait être mise en rapport avec
le goût du risque et de l'initiative,
mais entraînerait des difficultés à
planifier ; la tradition
communautaire, très forte en Côte-d' Ivoire, a pu
se traduire par l'importance des liens
familiaux dans le recrutement d'une
entreprise et le risque de népotisme,
handicaps certains pour le
fonctionnement de l'économie ; la faible
masculinité de la société ivoirienne
apparaît dans la revendication du
temps libre plutôt que de l'argent
(un chapitre est intitulé : « Le travail
du Blanc ne finit jamais »), mais
aussi dans la capacité à résoudre
les conflits du travail par le dialogue,
par l'aspiration au consensus forgé
par le besoin d'harmonie des
Africains et le désir que nul ne perde
la face. Complétant son enquête
avec l'étude de deux autres facteurs
— la perception des critères de
réussite de carrière dans les
entreprises de Côte-d'Ivoire et l'image
des chefs — , il constate que l'image
la plus positive caractérise le chef
de village et le chef d'ethnie (à
l'opposé du chef ivoirien d'entreprise
ou du ministre connotes très
négativement).
Compte tenu de ces spécificités
africaines l'auteur démontre que les
théories américaines du management
(enrichissement des tâches pour
encourager la motivation, direction
participative par objectifs), adaptées
à la culture anglo-saxonne, ne sont
pas applicables à la culture africaine.
Au contraire, les théories
Scandinaves de management, où
l'humanisation prend la forme d'un
accroissement des relations sociales
interindividuelles, correspondent mieux
aux aspects « communautaires » et
« féminins » des sociétés africaines.
Néanmoins les suggestions concrètes
avancées par l'auteur pour faire
ressentir aux Africains l'entreprise
comme une communauté dont ils se
sentent partie prenante, afin d'éviter
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les conflits entre la mentalité tion a favorisé le gonflement de

traditionnelle et les impératifs de la vie
l'administration et sa concentration
économique (ponctualité, dans la capitale au profit d'une
licenciements...), sont limitées. On en classe dirigeante restreinte, peu
retiendra que le chef d'entreprise respectueuse des particularités culturelles,
doit en Afrique se comporter en chef comme, plus largement, de ses
de famille autoritaire et protecteur administrés. C'est ainsi que, plus de
« comme un chef traditionnel, mais vingt ans après leur indépendance,
avec intelligence et perspicacité ». les Etats d'Afrique souffrent
Cette recherche vers la voie d'un toujours des mêmes maux : mortalité
management proprement africain a élevée, pauvreté persistante,
cependant son intérêt. Mais une apparition d'une misère citadine et,
limite importante de cette étude réside phénomène souvent oublié mais
dans la réduction de la complexité primordial, deforestation et
africaine
Côte-d' Ivoire
au cas
(seulparticulier de laà détérioration de l'environnement écologique.
pays africain
avoir été testé, à l'exception du cas Thierry Michalon attribue cet échec
beaucoup plus spécifique encore de à l'inadaptation de l'organisation
l'Afrique du Sud). politique et administrative. Le
Joëlle ADDA pouvoir, centralisé, lourd à gérer,
coupé des réalités du terrain, nie
dans les faits les particularités
locales et dessert les intérêts nationaux.
Quel Etat pour l'Afrique ? Il n'adapte pas suffisamment son
Thierry Michalon programme de développement aux
besoins véritables du pays. Ses
L'Harmattan, Paris, 1984, dirigeants sont trop occupés à
189 pages distribuer des privilèges afin de
conserver leur pouvoir.
L'accession à l'indépendance des
Etats africains n'a généralement Si l'on peut s'accorder à
pas été marquée par une remise en reconnaître le caractère souvent artificiel de
cause des « structures, des l'organisation de l'Etat africain qui,
habitudes et des valeurs étroitement sans souci d'adaptation, a repris des
dérivées de celles en vigueur en structures certes bien rodées en
métropole » et que l'administration Europe, et plus particulièrement en
coloniale s'était efforcée de mettre en France (Michalon s'en tient
place depuis plusieurs dizaines essentiellement à l'Ouest de tradition
d'années. Les institutions, calquées sur française), peut-on pour autant
celles de l'Etat centralisé, devaient suivre l'auteur et faire porter à ce type
permettre de réaliser l'unité d'organisation la responsabilité de
tous les malheurs de l'Afrique ? Il
nationale.
est surprenant de lire que « les
Thierry Michalon rappelle que le jeunes Etats africains ont puisé dans
laminage des cultures le droit français ses conceptions les
traditionnelles, la fusion des ethnies rivales, plus jacobines, les plus élitistes et
l'intégration des identités locales au inégalitaires, les plus
sein d'un Etat-nation ne sont pas antidémocratiques donc » (p. 69) alors que de
parvenus, du moins jusqu'à présent, nombreux pays ont précisément
à forger une nation. La opté pour le droit français parce