Revue francophone d'orthoptie 2012;5:143–147

Dossier / Formation

Troubles de l'écriture et
psychomotricité
Handwriting disorders and psychomotricity

Psychomotricienne, 16 rue Bezout, 77140 Nemours, France Catherine Lachaux-

Parker

RÉSUMÉ
Mots clés
Nous proposons ici d'aborder, en premier lieu, quelles sont les origines corporelles de l'écriture
chez l'enfant, puis nous envisagerons un modèle de compréhension des troubles de l'écriture Troubles de l'écriture
dans la perspective psychomotrice et notamment dans la passation de l'examen psychomoteur Développement
mais également au travers des grands axes de prise en charge en psychomotricité. psychomoteur
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Gestualité
Graphomotricité

Keywords
SUMMARY Handwriting disorders
This article looks at infant developement, focussing on the gestural implications when handwrit- Psychomotor
ing. The first part addresses the sources and then explores through psychomotor development, development
certain frameworks and the different forms of exercises and treatments that can be considered. Gesture
© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Handwriting treatments

Au travers de ces premières expériences, il

INTRODUCTION
Les troubles de l'écriture constituent un des
premiers motifs de consultation dans les cabi-
nets de psychomotricité. En effet, l'écriture
peut être considérée comme un certain abou-
tissement du développement psychomoteur
ou, en tout cas, il semble qu'un développe-
ment psychomoteur harmonieux constitue
une des conditions nécessaires à l'entrée
dans l'écriture.
LES ORIGINES CORPORELLES DE
L'ÉCRITURE CHEZ L'ENFANT
Les premières traces graphiques trouvent leur
origine dans la toute petite enfance lorsque la
main, le doigt rencontrent la purée sur la
tablette de la chaise haute.
Ce geste si complexe qu'est l'écriture est donc
à envisager, au départ, comme une explora-
tion purement sensori-motrice impliquant les
flux sensoriels tactile, visuel et kinesthésique.
Le petit enfant voit, touche et laisse sa trace.
met en jeu ses capacités tonico-posturales
impliquant le maintien de l'axe du corps et
des appuis corporels suffisants (dos, bassin,
membres inférieurs) pour pouvoir déployer les
mouvements de son bras, de sa main, de ses
doigts, sous le contrôle de la sphère visuelle.
Puis arrive l'heure de la rencontre avec l'outil
scripteur qui deviendra un tiers entre la main et
la surface d'inscription, ceci impliquant alors
une nouvelle action : celle de saisir, de pren-
dre, de tenir. Cette prise sera palmaire dans un
premier temps puis s'affinera vers une tenue
bi-digitale, entre le pouce et l'index. Le majeur
deviendra le porteur de l'outil, l'annulaire et
l'auriculaire jouant un rôle de soutien et
d'appui. Il semble également important de pré-
ciser que les mouvements du geste d'écriture
devront s'organiser dans des orientations spa-
tiales multiples au niveau des doigts mais
s'associant également à un mouvement de
translation du bras sur la table. On entrevoit
alors la complexification de cette tâche met-
tant en jeu de multiples dissociations et coor-
dinations de la main et des doigts mais aussi Adresse e-mail :
du bras, le niveau d'organisation du geste clachaux@hotmail.fr

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2013.02.002 143
 Dossier / Formation
graphique s'affinant et se spécifiant de plus en plus. Tâche qui,
partant d'une exploration sensorimotrice autocentrée, devien-
dra, par la suite, un geste porteur de sens et adressé à l`autre.
C'est le corps tout entier qui, dans le rapport du sujet à lui-
même mais aussi dans son rapport à autrui, est engagé dans
le geste graphique.
Chez le tout jeune enfant, cette expérience de plaisir purement
sensorimoteur lui permet de jouer avec la force du mouve-
ment, la pression, la vitesse, le rythme qu'il imprime à la trace.
Ces explorations pourront aller jusqu'à une certaine forme de
décharge corporelle suscitant le plaisir et la jubilation.
Dans ce même temps, l'enfant explore l'espace du tableau, de
la feuille mis à sa disposition dans un plan horizontal ou encore
vertical. Il contrôle alors de plus en plus ses mouvements dans
le but de rester à l'intérieur de cet « espace-feuille ».
Avant 2 ans, les gribouillages sont de grande amplitude entraî-
nant tout le bras puis les dissociations digitales s'affinant,
l'enfant gagne en contrôle. Il trace puis interrompt ses long
« tracés-glissés », les reprend. Le rythme ralentit, le contrôle
oculo-manuel se précise, les tracés changent de direction
jusqu'à produire des formes qui vont bientôt se clore et s'indi-
vidualiser les unes des autres, se superposer, s'inclure les
unes à l'intérieur des autres. Deux petits ronds à l'intérieur d'un
grand cercle et voici qu'apparaissent les prémices d'un bon-
homme. Les traces deviennent dessins de plus en plus figu-
ratifs et qui s'adressent à l'autre, montrés, commentés,
offerts. . . Le geste graphique prend alors toute sa dimension
communicative, relationnelle et symbolique.
Mais, du dessin à l'écriture un vrai passage s'opère aussi sur le
plan psycho-affectif. Le langage qui était jusque là oral, en
présence de l'autre, lorsqu'il devient un langage écrit, a le plus
souvent lieu en l'absence de l'autre nécessitant un niveau
d'autonomisation et de séparation suffisant. C'est également
l'entrée dans le code symbolique de l'écriture qui, comme
l'entrée dans le code verbal impose un niveau de différenciation
également suffisant pour pouvoir le respecter et se l'approprier.
C'est fort de toutes ces expériences sensori-motrices, percep-
tivo-motrices et psycho-affectives, qu'au cours des différents
cycles de la maternelle et du primaire, l'enfant pourra entrer et
progresser sereinement dans son apprentissage de l'écriture.
J. DE AJURIAGUERA a décrit trois stades d'évolution de
l'écriture chez l'enfant :
! Le stade pré-caligraphique (5-7 ans) durant lequel les diffi-
cultés d'organisation du geste graphique restent prédomi-
nantes quant à la maîtrise de la forme et de la taille des
lettres mais également quant au fait de les lier les unes aux
autres, de respecter les inter espaces entre les mots et
d'organiser spatialement l'écriture dans le lignage.
! Le stade calligraphique (jusque 10-12 ans) marqué par
l'avènement d'une écriture très « scolaire ». La maturation
de l'organisation gestuelle permet la maîtrise de l'outil scrip-
teur avec une écriture qui se lie, s'harmonise respectant le
modèle appris par l'enseignant.
! Le stade post-calligraphique que connaîtra le collégien et
qui correspond à la personnification de l'écriture en lien avec
l'augmentation de la vitesse requis sur le plan scolaire ; un
nouvel équilibre doit alors être trouvé alliant rapidité et
nouvelle étape de structuration de la personnalité, phase
de distanciation adolescente par rapport aux modèles des
adultes précédemment imités. On observe alors une modi-
fication des lettres en vue de simplifier l'écriture parfois
également de la complexifier mais en tout cas de la
personnaliser.
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C. Lachaux-Parker
Certains enfants en resteront au stade pré-caligraphique, pris
dans cette difficulté à organiser, à maîtriser le geste graphique.
Le trouble dysgraphique est alors évoqué.
LES TROUBLES GRAPHIQUES DANS LA
PERSPECTIVE DU BILAN PSYCHOMOTEUR
Le bilan psychomoteur constitue le préambule de toute prise
en charge en psychomotricité. Il s'agit, dans le cas de la
dysgraphie, d'envisager, de resituer l'origine des troubles dans
tout le processus du développement psychomoteur.
Contrôle tonico-postural et moteur
L'enfant a-t-il intégré l'axe de son corps en terme de verticalité,
de maintien de la posture, est-il capable de rester immobile, de
se tenir sur un pied, lequel choisit-il ? Est-il capable de faire
varier ses appuis dans les prises d'équilibre : sur la pointe, sur
les talons, accroupi. . .Comment gère t-il ses possibilités
d'équilibre dans le mouvement, en dynamique, dans la mar-
che, la course, les sauts ? Est-il tendu ou au contraire trop
relâché ? Existe-t-il des mouvements parasites, des réactions
de rééquilibrage excessives ?
Autant d'observations qui permettront de pressentir la qualité
de l'ajustement tonique et postural grandement en jeu dans
l'acquisition de l'écriture. L'étude du tonus devra être complé-
tée par des mobilisations passives : l'enfant est-il capable de
relâchement volontaire ? Peut-il gérer la tension, la force
imprimée au mouvement, sa respiration ?
Cette étude de la qualité du contrôle tonico-moteur en lien
avec la posture se déclinera à partir de la maîtrise du corps
dans sa globalité jusqu'à l'étude de la qualité de la motricité
fine.
Au-delà des seules performances tonico-motrices, le psycho-
motricien s'intéresse, au travers de l'établissement de la rela-
tion, à la qualité de ce que J. DE AJURIAGUERA nomme le
dialogue tonique : quel lien existe-t-il entre la qualité du
contrôle tonico-moteur précédemment évoquée et la régula-
tion des émotions chez l'enfant. Il nous dit : « Ce tonus, qui
prépare et guide le geste, exprime, en même temps, la satis-
faction et le malaise du sujet. . . ». Il se réfère, pour nous
expliquer cela, à ce qu'il nomme comme l'hypertonie d'appel
chez le nourrisson en situation de mal-être corporel en lien
avec des sensations de faim par exemple et l'hypotonie de
satisfaction lorsqu'il est repu, confortablement installé et porté
au creux des bras de sa mère. Ce contraste entre la tension
extrême et le relâchement, principaux moyens d'expression
chez le tout-petit, se déclinera tout au long de la vie et consti-
tuera le prototype de nos réactions tonico-émotionnelles
futures.
Organisation praxique
Il s'agira ici d'apprécier les possibilités de dissociation et de
coordination des différentes parties du corps, de planification
et de programmation du geste : les praxies, toujours en partant
de mouvements globaux pour aller vers le mouvement fin. La
coordination entre les espaces droit et gauche du corps est-
elle en place (coordination bi-manuelle), entre le haut et le bas
du corps ? L'enfant est-il dans la possibilité de dissocier et de
coordonner ses mouvements, de réaliser une action dans une
partie du corps tandis qu'il fait autre chose avec une autre
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partie du corps ? Peut-il, par exemple, opposer son pouce
successivement à chacun de ses autres doigts ? Comment
coordonne t-il son regard aux mouvements de son corps, de sa
main ? Autant de compétences qui, on l'aura bien compris
dans la première partie de cet exposé, seront également
cruciales au regard de la complexité de la tâche d'écriture.
Latéralité
La latéralité constitue un élément important dans la compré-
hension du profil psychomoteur de l'enfant. En fonction de la
façon dont a pu s'intégrer l'axe de corps, il va faire le choix
préférentiel d'une main par rapport à l'autre, choix décisif dans
la mise en place des activités graphiques. Le travail d'investi-
gation du psychomotricien sera ici de percevoir si ce choix est
corrélé à la latéralité neurologique, innée et donc prédétermi-
née. On comprendra aisément qu'une absence de corrélation
entre la latéralité usuelle et la latéralité innée (gaucher ou
droitier contrarié, latéralité miroir) pourra parasiter la mise
en place des praxies dans leur ensemble et a fortiori la mise
en place de l'acte graphique, activité éminemment latéralisée
puisque ayant lieu principalement dans une seule moitié du
corps même si elle intéresse le corps dans sa globalité en
terme de maintien postural, de prises d'appuis, d'ancrage. . .
Schéma corporel
A ce moment du bilan, il semble pertinent de s'intéresser
à l'intégration du schéma corporel qui découle de toutes les
conduites perceptivo-motrices précédemment décrites. Selon
J.C. CARRIC, le schéma corporel est la représentation que
chacun a de son corps de par l'expérience qu'il en a, à l'état
statique ou en mouvement, dans un certain équilibre temporo-
spatial et en lien avec son monde environnant. L'appréciation
de la qualité du schéma corporel se décline donc tout au long
du bilan psychomoteur et sera complétée par l'étude de la
somatognosie (connaissance des différentes parties du corps
sur soi et sur autrui, en désignation et en dénomination) ainsi
que par les épreuves d'imitation de gestes qui apprécient les
possibilités de reproductions de gestes orientés dans l'espace.
Le test du dessin du bonhomme, qui donne les premières
indications sur les compétences graphiques de l'enfant, ren-
seigne de façon importante sur le niveau d'intégration et de
représentation du schéma corporel. L. VAIVRE-DOURET
nous dit : « L'image humaine se construit d'une part sur des
perceptions internes du corps, proprioceptives et kinesthési-
ques et, d'autre part, sur des perceptions internes de ses
limites, vision du corps d'autrui et de son propre corps dans
le miroir. L'enfant, dessine non seulement ce qu'il voit mais
d'abord ce qu'il sait et surtout ce qu'il ressent. ».
L'organisation temporo-spatiale
L'apprentissage de l'écriture nécessite un niveau d'orientation
et structuration de l'espace suffisant mais également l'acquisi-
tion des notions de succession et d'ordination du temps.
Ces compétences se développent à partir du vécu et des
expériences faites par l'enfant et suivent différents stades qu'il
conviendra ici d'apprécier :
! stade le l'espace et du temps subis (0-3 mois) : l'enfant subit
les déplacements et les rythmes que son entourage lui
impose.
! stade de l'espace et du temps vécus (jusqu'à 3 ans) : lié aux
explorations sensorimotrices. L'enfant se déplace, manipule
Dossier / Formation
mais n'analyse pas encore les relations spatiales. Il s'adapte
intuitivement. Au niveau temporel, les alternances veille/
sommeil, présence/absence lui imprime un certain rythme.
L'enfant réagit également aux rythmes musicaux, se
balance, se dandine puis danse.
! stade de l'espace et du temps perçus/connus (3-7 ans) :
l'enfant expérimente et commence à analyser les relations
spatiales mais vit l'espace de façon égocentrée. Il acquière
à partir de son propre corps les rapports d'ordre topologique
(devant, derrière, dessus, dessous, loin, proche, droite,
gauche. . .) De même au niveau temporel, il acquière pro-
gressivement son propre rythme de mouvement, de dépla-
cement, de parole. . .et accède progressivement au notion
de passé (hier) de futur (demain). . .le temps s'ordonne
chronologiquement.
! stade de l'espace et du temps représentés (à partir de
7 ans) : l'enfant devient capable de se décentrer de sa
propre perception de l'espace. Il a la possibilité de situer
la gauche et la droite d'un objet extérieur à lui-même mais
également sur autrui situé en face à face (notion de réver-
sibilité). Il acquière les notions de conservations des dis-
tances, des quantités et des formes et établit des rapports
projectifs jusqu'à l'acquisition de la perspective. C'est l'avè-
nement de l'espace graphique qui sera étroitement lié au
possibilités de se représenter le temps (jours de la semaine,
mois, années, date de naissance, calendrier, emploi du
temps, frise chronologique. . .).
L'appréciation de là où en est l'enfant de son rapport à l'espace
et au temps regroupera différentes épreuves de repérage
allant de l'évaluation de la connaissance des différents repères
topologiques et temporelles jusqu'aux épreuves d'organisation
grapho-perceptive (Santucci, Bender, figure de Rey. . .)
Le graphisme et l'écriture
Comme précédemment évoqué, l'écriture pourrait être consi-
dérée comme la fonction psychomotrice « ultime » dépen-
dante de toutes les autres fonctions psychomotrices
étudiées tout au long de cet examen psychomoteur : la maî-
trise des conduites motrices, de la posture, des relations
temporo-spatiales, mais aussi la connaissance de son propre
corps en lien avec la sphère tonico-émotionnelle.
Dans cette dernière partie d'examen, on s'intéressera en pre-
mier lieu à la position d'écriture en terme de posture et d'appuis
corporels au niveau des membres inférieurs, du bassin ainsi
qu'au niveau du maintien de l'axe du corps jusqu'au port de la
tête sans oublier la qualité des appuis au niveau du membre
supérieur non scripteur.
Puis, de façon plus fine, comment l'enfant tient t-il l'outil ?
Comment positionne t-il sa feuille ? (L'inclinaison idéale se
situant dans l'axe de l'avant bras.).
Ces différentes observations seront à mettre en lien avec tout
ce qui aura pu être observé au niveau tonique lors des épreu-
ves corporelles : l'acte graphique est-il associé à un état de
tension excessive ou, au contraire, la mauvaise tenue du
crayon est-elle liée à un fond hypotonique se répercutant au
niveau distal ?
On s'interrogera également sur les éventuelles sensations
d'inconfort voire de douleur ressenties par l'enfant lors des
activités graphiques.
Au niveau des productions graphiques, on étudiera des pré-
requis graphiques : lignes droites, ondulées, brisées, guirlan-
des de ponts, bouclage, à l'envers, à l'endroit, de façon
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 Dossier / Formation
alternées. . .qui doivent normalement être en place en fin de
grande section de maternelle.
Et concernant l'écriture, l'Echelle Enfantine de Dysgraphie de
J. DE AJURIAGUERA permet l'établissement d'un âge gra-
phomoteur. Elle se divise en deux parties :
! L'échelle EF qui évalue les formes et agencements enfan-
tins nécessaires à la reproduction de la calligraphie.
! L'échelle EM qui étudie les malformations de l'écriture liées
à des difficultés motrices.
Dynamique relationnelle et comportement
Au-delà du simple inventaire de compétences, l'examen psy-
chomoteur se propose de faire le lien entre les différentes
acquisitions de l'enfant au sein du processus développemen-
tal et ce qu'il pourra exprimer de la façon dont il vit ses
difficultés. Certains enfants sont en mesure de les évoquer
verbalement et peuvent éventuellement formuler une
demande d'aide. Pour d'autres, cette expression se fera
sur un versant corporel et comportemental au travers de
l'agitation par exemple ou, au contraire, de l'inhibition. Il est
intéressant de noter qu'un certain nombre d'enfants présen-
tant des difficultés graphiques semblent exprimer une cer-
taine agressivité sous-jacente dans la dynamique
relationnelle qu'ils mettent en place avec l'autre. Cela peut
se manifester par des comportements d'évitement voire
d'opposition face aux demandes de l'adulte mais également
au travers de manifestations tonico-émotionnelles (tensions
corporelles, blocages respiratoires, rires incontrôlés. . .). Cer-
tains enfants parviennent à s'exprimer au travers du jeu ima-
ginaire ce qui permet de médiatiser cette agressivité et de
pouvoir jouer avec. Le psychomotricien s'intéressera donc, au
travers de l'examen, aux liens qu'entretient l'enfant avec son
imaginaire et aux moyens qu'il peut avoir d'exprimer sa vie
interne et ses émotions.
PRISE EN CHARGE PSYCHOMOTRICE DES
TROUBLES DE L'ÉCRITURE
Dans l'article premier du décret de compétences des psycho-
motriciens on trouve :
« rééducations des troubles psychomoteurs ou des dés-
ordres psychomoteurs suivants : (. . .)
troubles de la grophomotricité à l'exclusion des troubles du
langage écrit ».
C'est là toute la spécificité de l'intervention psychomotrice
auprès des enfants présentant des troubles graphiques. Il
s'agira d'effectuer avec eux un travail sur les bases corporelles
de l'acte graphique en y intégrant toute la dimension émotion-
nelle et relationnelle liée à leurs difficultés.
Les conclusions de l'examen psychomoteur précédemment
décrit vont déterminer le projet thérapeutique à mettre en
œuvre auprès de l'enfant.
Le travail en psychomotricité repartira donc de la mise en
jeu du corps dans sa globalité et, concernant les troubles
graphiques, l'idée sera de pouvoir aborder ce qui a pu
achopper au niveau corporel au cours de son développe-
ment pour progressivement orienter le travail vers l'activité
graphique.
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C. Lachaux-Parker
Le travail corporel
On proposera dans un premier et en fonction des observations
faites dans les items de l'examen psychomoteur, différentes
approches et techniques visant à solliciter l'enfant dans l'enga-
gement et la prise de conscience de son corps.
La proposition de parcours moteurs, par exemple, permet
à l'enfant de commencer à expérimenter ses différentes coor-
dinations, son équilibre ainsi que les réajustements toniques
qui y sont liés. C'est donc l'occasion d'un travail sur la solidité
des appuis, la sûreté des déplacements, la fluidité des mou-
vements et ce sont alors les sphères labyrynthique, kinésthé-
sique et proprioceptive qui sont mises en jeu et qui sont si
importantes dans la prise de conscience du corps et l'élabora-
tion du schéma corporel.
Ces activités sont également l'occasion d'une première appro-
che sur les relations spatiales : la structuration, l'orientation
dans l'espace (directions, distance, vitesse. . .) qui pourront
être sollicitées en proposant progressivement à l'enfant d'ima-
giner et de construire ses propres parcours en choisissant son
matériel (poutre, banc, cerceaux, trampoline, tunnel, planche
à bascule, coussins de différentes densités. . ..).
Ce travail qui met en jeu le corps dans sa globalité, pourra être
approfondi par des exercices de régulation tonique dynami-
ques tels que des jeux de poussées en face à face, mains
contre mains, debout, accroupi ou encore dos contre dos,
pieds contre pieds. L'enfant explorera ici ses capacités de
résistance par rapport à la poussée et c'est souvent l'occasion
d'exprimer et de jouer avec ses capacités agressives dans une
motricité faisant appel à la notion de force. A l'inverse, les
notions de calme, de lenteur du geste, pourront être abordées
dans des jeux de guidage en face à face, l'un dirigeant les
mouvements de l'autre ; ou encore en déplacement dans
l'espace, l'un orientant les déplacements de l'autre. Ces jeux
d'échange pourront être l'occasion de travailler les yeux fer-
més mettant ainsi en jeu les notions de sécurité interne et de
confiance en l'autre mais aussi et toujours le développement
des perceptions corporelles.
Toujours pour développer ces questions d'attention à soi et
à autrui, la médiation de la relaxation est également un support
très riche permettant d'approfondir la régulation du tonus, les
possibilités de relâchement et de détente ainsi que le contrôle
de la respiration.
Le travail d'organisation gestuel et praxique
Les jeux sportifs avec balles et ballons (jeux de visées, cham-
boule-tout, échanges en face à face en faisant varier la force,
les distances, en statique et en dynamique, la jonglerie. . .)
peuvent constituer une amorce intéressante au travail incluant
l'utilisation d'objets. On abordera ici les notions de prise et de
tenue de l'objet, de force, de tonus et de contrôle visuel
nécessaires à la bonne utilisation de cet objet. La question
de l'espace sera également ici concomitante à la mise en jeu
du geste.
Les jeux avec cordes et rubans de Gymnastique Rythmique et
Sportive sont aussi fréquemment utilisés dans ce cadre car il
permettent d'aborder les premières formes spatiales liées au
graphisme (ronds, boucles, serpentins. . .) et ceci à partir d'un
support ludique sollicitant le maintien postural et le mouvement
dans la détente mais aussi en permettant à l'enfant de délier
les différents articulations de son bras. Cela peut également
être l'occasion d'un travail avec un support musical favorisant
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l'activité rythmique de l'enfant et notamment l'adaptation à dif-
férents tempos.
La motricité fine sera sollicitée dans les jeux de construction,
l'utilisation de la pâte à modeler, les jeux de transvasement qui
pourront se faire dans des bacs remplis de sable, de semoule,
haricots et autres graines faisant varier les sensations et per-
ceptions et dans lesquels on s'amusera à rechercher, les yeux
fermés, de petits objets cachés, travaillant ainsi les capacités
gnosiques de l'enfant.
Le travail graphique
Une première façon d'aborder la trace graphique pourra être
de proposer à l'enfant un large choix de craies, pastels, feutres
et crayons de différentes tailles et d'expérimenter leur effet sur
une grande feuille. Le format A3, voire plus grand, permet de
déployer de grands « tracés-glissés », toujours dans l'idée de
libérer le geste graphique de toute tension. Ce travail pourra se
faire en s'installant au sol dans un premier temps, sollicitant
ainsi des appuis corporels différents de la position d'écriture
habituelle. Tout autre support permettant de laisser une trace,
le crayon et la feuille de papier n'étant pas exhaustifs, pourront
être imaginer (éponge humide ou même doigt mouillé sur un
tableau noir, trace au doigt dans le sable fin ou encore dans la
mousse à raser. . .).
Puis viendra le moment d'aborder la position d'écriture. Passer
par un travail debout au tableau permettra de solliciter l'axe de
corps ainsi que la dissociation entre les mouvements du bras
et de la main et la stabilité du reste du corps. En position
assise, on fera prendre conscience à l'enfant de l'importance
de ses appuis aux niveau des pieds avec si besoin un support
type marchepied pour une stabilité optimum. Les appuis au
niveau du bassin et donc le redressement global pourront être
sollicités en asseyant l'enfant sur des coussins de différentes
densités ou gonflables ou encore sur un gros ballon physio-
logique de gymnastique.
A la table, le travail des « tracés-glissés » sera poursuivi avec
toujours une attention à porter à la souplesse des mouvements
et ceci avec différents outils scripteurs.
Les différentes formes graphiques qui composent l'écriture
seront ensuite abordées : cercles, escargots, signe infini, bou-
cles à l'endroit, à l'envers, guirlandes, arcades, oves, traits
horizontaux, verticaux, obliques, angles. . .
Selon le degré de difficulté que l'enfant pourra rencontrer pour
réaliser ses formes, on fera à nouveau varier les supports afin
qu'il puisse développer ses compétences en s'appuyant sur
toutes les perceptions travaillées en amont sur le plan
corporel.
Le travail relationnel
Avant de conclure cet exposé, il semble important de rappeler
que la psychomotricité s'intéresse avant tout à l'expressivité du
corps et que les troubles graphiques sont souvent liés de près
ou de loin à une certaine souffrance psychique. Ainsi l'espace
et le temps de la séance de psychomotricité tenteront
Dossier / Formation
d'accompagner l'enfant dans l'expression et l'élaboration de
ses difficultés toujours au travers de l'approche corporelle.
Mobiliser l'enfant dans son corps, dans son tonus, et ceci
au travers du jeu et de la relation à autrui, c'est aussi lui
permettre de faire du lien avec ce qu'il ressent en terme de
tension interne et d'émotions. C'est lui permettre une certaine
expressivité motrice au travers de laquelle il pourra développer
ses fonctions instrumentales en lien avec ses capacités sym-
boliques et relationnelles et l'écriture est, dans ce contexte,
à entendre comme une activité motrice et cognitive, en un mot
une activité instrumentale mais également éminemment
relationnelle.
CONCLUSION
Le travail en psychomotricité auprès des enfants présentant
des troubles graphiques est une approche globale qui s'intér-
esse non seulement à l'organisation du geste complexe d'écri-
ture mais également à tous ses soubassements corporels et
non seulement moteurs. Dans le terme corporel il est à enten-
dre l'activité sensorimotrice et tonique de l'enfant mais égale-
ment toute la dimension émotionnelle et psychique qui fait que
notre corps n'est pas seulement un instrument d'action sur
l'environnement mais qu'il participe à toute notre organisation
relationnelle. L'écriture est une praxie mais elle est aussi
langage adressé à autrui.
Le travail du psychomotricien sera d'aider l'enfant à éprouver
du plaisir dans la trace graphique en l'aidant à renouer avec
l'exploration sensorimotrice, l'expression de soi et la relation
avec autrui.
Déclaration d'intérêts
L'auteur déclare ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet
article.
POUR EN SAVOIR PLUS
Joly Fabien, Labes Geneviève. Julian De Ajuriaguera ou la naissance
de la Psychomotricité, Vol. 1, 2 et 3, Bibliothèque de Psychomo-
tricité. Edition du Papyrus, 2010.
Carric Jean-Claude. Lexique du Psychomotricien. Edition Vernazo-
bres-Greco, 1998.
Vaivre-Douret Laurence. Apport à l'examen Psychomoteur. Edition
Vernazobres-Greco, 1998.
Toulon-Page Chantal. La rééducation de l'écriture de l'enfant. Masson,
2009.
Du Pasquier Marie-Alice. Ecriture et graphisme, http:/graphothérapie.
org.
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