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Idées, concepts et politiques ■

Services de conseil
agricole répondant
aux besoins du marché
Une proposition de cadre commun
Common framework
on market-oriented
agricultural advisory
services,
Neuchâtel Group
Le contexte des marchés agricoles évolue avec une rapidité sans précédent et de
2008
multiples manières, aussi bien au niveau mondial que localement. Ces dynamiques
touchent les populations rurales même dans les régions les plus reculées. Accroître
son implication dans les marchés est devenue une réalité pour la majorité des pay-
sans. Cette évolution met les populations rurales face à des défis considérables, mais
offre aussi de grandes possibilités. Le cadre commun élaboré par l’Initiative de
Neuchâtel examine comment les services de conseil peuvent aider à saisir ces nou-
velles chances, tout en mettant en évidence les nouveaux défis organisationnels et
financiers que posent ces évolutions à la fois aux gouvernements nationaux et aux
agences de coopération internationales.

’un des principaux obstacles au dé-


L veloppement agricole aujourd’hui
est que les petits producteurs et trans-
DES SERVICES DE CONSEIL
AGRICOLE RÉPONDANT
formateurs rencontrent d’énormes diffi- AUX BESOINS DU MARCHÉ,
cultés pour répondre aux critères de qua- QU’EST-CE QUE C’EST ?
lité, de quantité et de rapidité qui carac-
térisent la demande du marché. Ces dif-
ficultés sont pour beaucoup liées à un
manque de savoir-faire. Les services de
Ils ne concernent pas
conseil agricole peuvent donc jouer un que les agriculteurs
rôle important en contribuant à lever ces
difficultés. Les services de conseil agricole répondant
aux besoins du marché, et favorables aux
En outre, ces contraintes ne sont pas seu-
pauvres, sont des services de connaissan-
lement celles des petits paysans, mais
ces qui aident les agriculteurs, petits ou
souvent celles de l’ensemble des acteurs
moyens, et les autres acteurs des filières
impliqués dans les filières de produits
agricoles à accroître leur accès aux mar-
agricoles. Le défi des services de conseil
chés et à garantir les revenus de la com-
agricole est donc de contribuer à l’amé-
mercialisation. Il s’agit donc de regarder
lioration et à la dynamisation de l’envi-
au-delà des problèmes des producteurs ru-
ronnement des affaires en matière de pro-
raux (pauvres) pour se pencher sur les dif-
duction et de commercialisation agricole,
ficultés rencontrées par tout un ensemble
en renforçant les services nécessaires à
d’acteurs de la filière, afin d’améliorer le
tous les acteurs le long de la filière.
fonctionnement de l’ensemble de la chaîne.

Ils s’inscrivent eux-mêmes


dans une chaîne de services

Afin de développer une offre de servi-


ces efficace, de qualité et régulièrement

Source : http://www.bdsknowledge.org/dyn/bds/docs/detail/642/6

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Services de conseil agricole répondant aux besoins du marché : une proposition de cadre commun 2

actualisée, les prestataires de services de villageois, institutions publiques de ser- sont pas sûrs que travailler avec eux en-
conseil agricole doivent eux-mêmes avoir vices de conseil. trent dans leur mandat. Les décideurs na-
accès à des services de savoir-faire. Ces tionaux et les agences de développement
« services d’appui » vont de la forma- tendent à ne pas faire confiance aux ac-
Ils s’inscrivent dans un système
tion technique et économique à l’expé- teurs privés. Ceux-ci doivent pourtant être
rimentation de nouvelles technologies
d’innovation tourné vers le marché considérés comme des acteurs essentiels
et de processus, en passant par l’aide à qui fournissent un accès aux marchés aux
l’étude de marché. Le développement de la recherche et de producteurs pauvres et des emplois aux
l’innovation est essentiel pour les servi- sans terre. Cette nouvelle perspective peut
Ensemble, ces deux niveaux de services
ces de conseil agricoles répondant à la aussi nécessiter de travailler avec de gros-
constituent une chaîne que l’on peut
demande du marché. Dans une perspec- ses entreprises agro-industrielles au-delà
qualifier de « filière de services ». Il est
tive commerciale, les sources d’innova- des frontières nationales.
important que l’ensemble de la chaîne
tion autres que celles relevant d’institu-
soit fonctionnel. Dans leurs interven-
tions de recherche publiques vont gagner
tions, les bailleurs ont trop souvent ten- Renforcer les capacités
autant, sinon plus, d’importance que la
dance à répondre au besoin de services locales pour promouvoir
recherche « formelle ». L’innovation tech-
d’appui par le biais de structures tem-
nique le long de la filière est toujours né- les liens d’affaires
poraires et de personnel employé par les
cessaire, mais une perspective élargie est
projets.
requise. Celle-ci comprend les innova- Dans de nombreuses interventions, ce
tions sociales et institutionnelles qui sont sont des « projets » qui sont chargés de
Ils sont fortement diversifiés nécessaires pour rassembler les acteurs, faciliter les liens entre les différents ac-
mettre des produits sur le marché, assu- teurs de la filière. L’hypothèse qui prévaut
Les services de conseil agricole répon- rer la compétitivité et la rentabilité et éta- est que cette fonction n’est nécessaire que
dant aux besoins du marché compren- blir des liens entre les producteurs, les pour faciliter le changement, et que, une
nent des services de conseil agricole tra- transformateurs, les négociants et les pres- fois celui-ci réalisé, par exemple lors-
ditionnels ainsi qu’un ensemble de tataires de services. qu’une filière a atteint le degré d’efficacité
services moins classiques et des servi- voulu, la fonction n’a plus lieu d’être. En
ces d’appui aux entreprises (BDS) : réalité, la demande du marché est en
➤ savoir-faire technique relatif à la pro- constante évolution, ce qui implique que
duction ; les fonctions de facilitateur et de courtier
PROMOUVOIR DES SERVICES doivent être présentes en permanence.
➤ savoir-faire lié à l’économie, à la ges- DE CONSEIL AGRICOLE
tion d’entreprise et au marché ; Les interventions des opérateurs et
EFFICACES RÉPONDANT
bailleurs doivent donc inclure la créa-
➤ savoir-faire visant à permettre aux ac- AU BESOIN DU MARCHÉ tion ou le renforcement des capacités
teurs de répondre aux critères de qua-
locales de facilitation ou d’intermédia-
lité de la filière ;
tion, que ce soit au sein des associations,
➤ renforcement des capacités pour le Passer de l’« aide aux petits des services de conseil du secteur pu-
développement de groupements d’ac- blic ou même des ONG locales.
paysans » à la « création
teurs ;
d’opportunités de revenus
➤ facilitation et accompagnement des en zone rurale » Réduire les risques liés
changements dans la gestion de la
filière ;
à l’« orientation marché »
Pour que leur impact soit significatif et
➤ facilitation des liens entre les diffé-
durable, les services de conseil agricole L’aversion au risque, commune, est un
rents acteurs des filières.
doivent se concentrer sur la création d’op- effet logique de la confrontation des ac-
portunités de revenus par le biais du dé- teurs pauvres avec des marchés incertains.
Ils relèvent de plusieurs veloppement d’un marché dynamique. Les marchés sont toujours risqués, mais
types de prestataires Cela signifie aller au-delà des services ci- pour les petits producteurs et négociants
blés sur les paysans pour travailler avec opérant dans des filières nouvelles ou
Publics ou privés, petits ou grands, tradi- les acteurs de la filière qui offrent le changeantes, cela peut avoir des consé-
tionnels ou innovants, les prestataires de meilleur potentiel pour débloquer des quences désastreuses. Les risques liés au
services de conseil agricole répondant points d’achoppement ou accroître les marché découragent l’investissement, la
aux besoins du marché sont divers : or- bénéfices pour l’ensemble des acteurs. spécialisation, la commercialisation et
ganisations de producteurs (ou d’autres L’expérience a montré que ce change- même l’innovation. D’un autre côté, les
acteurs de la filière), entreprises de trans- ment de perspective peut être difficile à systèmes de subsistance traditionnels de-
formation et de revente, entreprises de réaliser. Les services de conseil tradi- viennent aussi de plus en plus précaires.
services privées indépendantes, fournis- tionnels ont souvent peu de contact avec Atténuer le risque est peut-être le plus
seurs de biens de production, conseillers les acteurs autres que les paysans et ne grand défi des services de conseil agri-

« L’actualité des services aux entreprises » n° 15 ● janvier 2008 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE) et de la DDC (Suisse)
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cole. Ils peuvent fournir aux pauvres les cialisation accrue sur la sécurité ali- L’investissement public dans les servi-
connaissances et les informations dont ils mentaire des ménages. Les services doi- ces de conseil agricole est essentiel pour
ont besoin pour réduire le risque dû à leur vent surveiller attentivement les effets de aider les acteurs faibles à améliorer leur
exposition accrue aux facteurs de mar- la commercialisation sur les populations position dans la filière. Cet investisse-
ché et prendre des décisions informées. pauvres et, le cas échéant, élaborer des ment doit encourager la pluralité des
interventions correctives qui aident ceux prestataires de services sur le marché et
qui sont perdants dans le processus de doit se concentrer là où l’investissement
Promouvoir la confiance
commercialisation. Enfin les services de privé est découragé par le niveau de
et la transparence conseil doivent être proactifs dans risque. S’il doit absolument éviter de fa-
l’identification des opportunités com- voriser des acteurs plutôt que d’autres
Le manque de confiance est l’un des pro- merciales pouvant bénéficier aux pau- avec des fonds publics, cet investisse-
blèmes les plus fréquemment cités dans vres, même dans les zones difficiles. ment peut être un moyen efficace d’é-
les filières et l’une des principales rai- largir l’offre de services.
sons pour lesquelles les producteurs et les
La participation financière des utilisa-
autres acteurs hésitent à prendre le risque
teurs est un bon moyen d’assurer la
de stratégies plus « orientées marché ».
LES POLITIQUES ET PRIORITÉS responsabilisation et la qualité des servi-
Dans certains contextes, ces obstacles
DE FINANCEMENT ces et doit être prise en considération, que
augmentent lorsque les canaux tradi-
les services (s’ils sont financés par des
tionnels et les normes qui ont tradition-
fonds publics) soient publics ou privés.
nellement gouverné les relations de mar-
ché tendent à disparaitre du fait de La question de savoir si les investisse-
Les services de conseil agricole tels qu’ils
l’arrivée de nouveaux acteurs du mar- ments publics dans les services de conseil
sont décrits plus haut ne peuvent être ef-
ché et de nouvelles obligations. agricole doivent se concentrer sur les
ficaces que s’ils sont accompagnés par
prestataires publics ou privés doit être
Les connaissances sur ces nouvelles struc- des politiques plus larges destinées à
tranchée dans le cadre d’une discussion
tures sont limitées et les mécanismes de soutenir l’implication des pauvres dans
nationale et à la lumière des capacités
régulation sont faibles. Les services de les marchés. Ces politiques doivent no-
relatives des prestataires existants. Les
conseil peuvent ouvrir des canaux de com- tamment prévoir des processus itératifs
processus de réforme de l’administra-
munication et améliorer la connaissance qui amènent les différentes parties pre-
tion publique et de décentralisation peu-
mutuelle des acheteurs et des vendeurs et nantes à réfléchir ensemble sur la façon
vent être de bons points d’entrée pour
de leurs obligations contractuelles. de s’adapter à l’évolution du marché.
redéfinir les rôles et responsabilités des
Le renforcement des organisations de agences du secteur public et de leurs
Contribuer à l’impact positif de la producteurs et d’entreprises agro-indus- homologues privés. ■
trielles favorise les processus de consul-
commercialisation sur les femmes
tation sous de nouvelles formes plus pro-
ches des réalités du marché, et la décen-
Il existe beaucoup de cas dans lesquels tralisation permet aux intervenants de
les femmes gagnent à l’implication ac- construire les services de conseil au ni-
crue dans la commercialisation, mais il veau local. Pour en savoir plus
y a aussi des cas où leur accès aux re-
L’élaboration de politiques et stratégies
venus ou aux emplois s’en trouvent di- Qu’est-ce que l’Initiative de Neuchâtel ?
relatives aux services de conseil agricole
minué. Par exemple, lorsque les femmes L’Initiative de Neuchâtel est un groupe infor-
répondant à la demande du marché n’est
passent de cultures traditionnellement mel de représentants d’agences de dévelop-
pas seulement l’affaire des gouverne-
réservées aux femmes à des cultures re- pement bilatérales et multilatérales impli-
ments. Concevoir des politiques pu- quées dans le développement agricole.
levant plutôt des hommes, cela peut s’ac-
bliques efficaces demande de la transpa- Elle est née, en 1995, d’une consultation in-
compagner d’un déplacement des reve-
rence et une consultation large. Le sec- formelle des bailleurs de fonds sur le thème
nus et du pouvoir de décision des de la vulgarisation agricole, organisée par des
teur privé peut aussi être encouragé à
femmes vers les hommes. Les services représentants de la Banque mondiale, de la
établir ses propres mécanismes d’auto-
de conseil doivent prendre en compte Coopération française et de la Direction suisse
régulation comme la certification, les du Développement et de la Coopération, à
les implications de ce type et contribuer
normes etc. Neuchâtel en Suisse.
aux impacts positifs sur les femmes.
Le succès des services et les bénéfices Son objet est de contribuer à l’élaboration de
conceptions communes en matière de vul-
potentiels pour les pauvres dépendent garisation agricole et rurale, et pour cela :
Réduire les conflits d’objectifs de facteurs contextuels plus larges (avan- ➤ échanger expériences et opinions ;
entre orientation commerciale et tages comparatifs, menaces sur les mar- ➤ mener des réflexions conjointes ;
sécurité alimentaire chés nationaux, tendances économiques, ➤ développer une approche commune sur
etc.). Dans de nombreux pays, la capa- des questions d’actualité liées à la vulga-
Les interventions doivent être conçues cité d’analyse efficace de ces facteurs risation rurale.
de manière à réduire au maximum les fait défaut et doit faire l’objet d’un inves- Site Web : http://www.neuchatelinitiative.net/
risques d’effets négatifs d’une commer- tissement public. francais/index.htm

« L’actualité des services aux entreprises » n° 15 ● janvier 2008 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE) et de la DDC (Suisse)

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