Vous êtes sur la page 1sur 5

Fiche de lecture,

Hans Jonas, Le principe responsabilité.

L’auteur et son œuvre.

Hans Jonas est un philosophe allemand et juif du XXe siècle, et en tant qu’élève d’Heidegger, sa
philosophie est traversée par la question de la mort, par les massacres de la Seconde Guerre mondiale,
par la « finitude humaine ».
Heidegger, philosophe Allemand a sans doute beaucoup inspiré sa thèse, car ce dernier s’était déjà
penché sur la technique moderne qui selon lui « provoque la nature » et ressemble à une « réquisition
militaire ». La pensée de Jonas sur la technique moderne est très similaire à celle de son maitre à
penser.
Jonas s’est d’abord fait connaître en Allemagne pour sa thèse doctorale sur la gnose (concept
philosophico-religieux selon lequel le salut de l'âme passe par une connaissance directe de la divinité,
et donc par une connaissance de soi) en 1928.
Mais son ouvrage décisif reste Le principe responsabilité, publié en Allemagne en 1979 ou il a été
relativement bien perçu, recevant même le Prix de la paix des libraires allemands. Il a été traduit en
français en 1991, et en revanche, en France l’œuvre n’a pas été un franc succès, et n’aura pas eu un
écho très important.
Son ouvrage parait en 1979 donc, peu après la seconde guerre mondiale, dans une époque marquée par
le communisme, cet ouvrage est une attaque non dissimulée à la pensée Marxiste, à l’ouvrage utopique
d’Ernest Bloch Principe espérance dont il prend le contrepied et une critique de la pensée Kantienne.
Les événements d’Hiroshima et de Nagasaki, notamment, ont profondément influencé sa pensée, mais
le nucléaire n’est pas la seule source d’inquiétude de l’auteur. En effet, le 20 ème siècle a pu être qualifié
de siècle du progrès que ce soit en biologie (avec les premières manipulations génétiques) ou en
médecine par exemple (avec la commercialisation des antibiotiques en 1945), entrainant une
augmentation de l’espérance de vie et une hausse démographique.
Jonas n’est pas à contrecourant, sa pensée s’inscrit dans un mouvement de crainte quant à l’avenir de
l’humanité assez généralisée, et ce dans toutes les disciplines. C’est à cette même époque qu’est
formulée la loi de Murphy, selon laquelle tout ce qui peut mal tourner va mal tourner. On retrouve
cette même idée en science, comme avec Rostand selon lequel « « ce que tu redoutes n’arrivera pas,
il arrivera pire ». Une mouvance donc assez pessimiste dans laquelle s’inscrit Jonas.
Dans le Principe responsabilité, Jonas observe que pour la première fois l’homme a les moyens de
s’autodétruire, il tente alors de formuler l’éthique à partir de l’idée de responsabilité, pour
responsabiliser les hommes face à leurs actions et leurs pouvoirs nouveaux.
« Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d’une
telle vie ».

Résumé de l’ouvrage.

Chapitre 1 : la transformation de l’essence de l’agir humain.

Jonas concède que l’homme n’a jamais été sans technique, mais démontre en quoi la technique
moderne diffère des techniques passées. Dans l’Antiquité les interventions de l’homme dans la nature
étaient trop superficielles pour avoir des répercussions importantes. Les actions de l’homme sur la
nature jusqu’à aujourd’hui ne relevaient pas de l’éthique car la question d’un endommagement
définitif ne se posait pas.
Mais la technique moderne à introduit des actions dont la grandeur est nouvelle et les conséquences
inédites. Donc le cadre de l’éthique antérieure ne convient plus, il faut donc repenser l’éthique
moderne, et l’associer à une responsabilité nouvelle.
Face à ces bouleversements, Jonas propose ainsi un impératif qui devrait guider l’agir humain : « agis
de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d’une telle
vie ».
Mais il pose alors une question : les hommes d’aujourd’hui sont-ils prêts à renoncer à une vie qu’il
qualifie de « bref feu d’artifice » pour préserver les générations futures?
Il estime que l’homme a le droit de sacrifier sa propre vie, mais pas celle de l’humanité.
Jonas propose trois modèles, il fait d’abord appel à la loi foi, qui pourrait pousser les hommes à se
raisonner, ensuite il fait appel à l’homme politique, qui doit œuvrer par sa législation au bien futur, et
en dernier lieu, il fait appel à l’utopie moderne.
Jonas donne ensuite des exemples de ce qui laisse penser que l’homme est devenu un « objet de la
technique » : la médecine (résistance face à la mort, électrochocs), la manipulation génétique…
L’homme est incapable d’en connaitre les conséquences, il devra alors les utiliser avec sagesse, et une
éthique fondée sur une responsabilité à long terme, car on ne connait pas les conséquences futures de
telles méthodes. Le souci selon Jonas, c’est que personne dans la société ne représente les intérêts
futurs. Jonas estime que l’éthique est alors primordiale, que la religion ne suffit pas à réguler les
actions des hommes.

Chapitre 2 : questions de fondements et de méthodes.

Jonas pose ici deux questions : « quels sont les fondements d’une éthique comme celle qu’exige le
nouvel agir ? » et « quelles sont les chances que la discipline qui les impose l’emporte dans les affaires
pratiques de l’homme » ? Donc qu’est-ce qui justifie aujourd’hui l’éthique moderne et quelles sont ses
chances de succès.
On ne peut pas prédire les conséquences des actions des hommes et dans le doute la peur doit guider
les actions de l’homme. Il estime alors qu’il faut toujours privilégier les « mauvais pronostics sur les
bons » c’est-à-dire prédire le malheur dans le doute, plutôt que le bonheur. Il estime que la technologie
est assez indomptable, et qu’elle échappera forcément un jour au contrôle de l’homme.
Ainsi, Jonas formule un impératif : quand les conséquences de l’agir de l’homme risquent d’être
grave, il vaut mieux prédire une issue malheureuse qu’une issue heureuse car il est impossible d’en
connaitre les conséquences à long terme. Il faut alors justifier cet impératif, lui donner un fondement
pour qu’il soit respecté.
Pour fonder cet impératif, Jonas précise que l’homme n’a pas le droit de parier, de mettre en jeu les
intérêts des autres, il ne peut pas parier sur ce qui ne lui appartient pas, donc il n’a pas le droit de
parier que les choses se passeront bien sans certitude.
Ensuite, pour fonder cet impératif, il ajoute que l’humanité n’a pas le droit au suicide.
Le souci reste que dans l’éthique d’avenir il n’y a pas de réciprocité, ce qui rend compliqué
l’obligation de la respecter. L’avenir n’a jamais rien fait pour l’homme d’aujourd’hui. Cependant,
Jonas échappe à cette impasse en précisant qu’il existe déjà d’autres cas d’obligations non réciproques
(à l’égard des enfants). Mais les générations futures n’existent pas encore et il est impossible de fonder
un droit à naitre pour ceux qui n’existent pas encore.
Il pose un principe : « les hommes existeront à l’avenir, leur existence leur donne le droit d’accuser
leurs ancêtres en tant qu’auteurs de leurs malheurs si par leur agir insouciant et qui aurait pu être évité
ils ont détérioré leur monde ou la constitution humaine ». Donc il existe un droit futur des générations
futures qui entraine une obligation actuelle pour les hommes aujourd’hui.
Ainsi Jonas se pose la question suivante : l’homme doit-il être ? Il estime qu’il faut privilégier l’être
sur le rien et l’individu. L’homme doit se cramponner à la vie. Il se fonde sur la foi pour justifier cela
mais souhaite détacher la réponse à la question du devoir-être de la religion.
Il se fonde alors sur la notion de valeur : la valeur fonde ainsi l’être. Mais encore faut-il que la valeur
soit garantie.
La question se transforme alors en celle du statut de la « valeur », il se demande alors s’il y a une
valeur qui existe. Il constate qu’actuellement, les théories des valeurs sont embrouillées et précaires
donc il faut clarifier le statut de la valeur car elle seule peut répondre à la question de savoir pourquoi
il faut absolument que l’humanité demeure.

Chapitre 3 : les fins et leur proposition dans l’être.

Il faut d’abord clarifier le rapport des valeurs et des fins qu’on confond souvent.
Une fin est ce en vue de quoi une chose existe elle répond à la question « en vue de quoi ? ». Or une
fin n’implique pas un jugement de valeur.
Il observe les fonctions artificielles : marteau ou cour de justice, pour qui le siège de la fin, c’est
l’homme.
Il en vient ensuite aux fonctions naturelles, comme la marche. Dans les fonctions artificielles, il y a
une subdivision : les fonctions naturelles volontaires ou involontaires. La marche par exemple est une
fonction naturelle volontaire, l’intention humaine a donc une place dans cette fonction. Jonas étudie
ensuite les organes de l’homme, comme l’organe digestif : ici ce sont des fonctions naturelles
involontaires.
Il conclue que les moyens et les fins dans l’agir humain sont des chaines subjectives, on fait les choses
dans un but subjectif, et on peut justifier pourquoi on agit ainsi.
La subjectivité touche le statut de toute fin. Jonas se demande alors s’il peut y avoir une fin dépourvue
de toute subjectivité, si parler d’une fin non mentale a du sens, afin de savoir si la nature elle-même à
une fin.
Il estime qu’avec la production de la vie, la nature manifeste au moins une fin déterminée. Il ne veut
pas dire par là que la vie est la fin principale de la nature, mais c’est une fin parmi d’autre tout du
moins. Ici donc le « vouloir » de la nature n’est pas associé à un savoir.
Ainsi donc, la nature à bien au moins une fin, cela est une bonne chose pour l’éthique qui a besoin
valeurs, pour créer des devoirs.

Chapitre 4 : le bien, le devoir et l’être, théorie de la responsabilité.

En entretenant des fins ou en ayant des buts, la nature pose des valeurs, elle choisit la vie et refuse le
« non-être », le rien. La nature dit donc oui à la vie, et ce oui donné par la nature gagne une force
obligatoire pour l’homme. L’homme doit assumer le oui dans son vouloir et imposer à son pouvoir
potentiellement destructeur un non au « non-être ».
Comme toute théorie éthique, la théorie de la responsabilité doit envisager un fondement rationnel :
quelque chose qui légitime le « on doit » et un fondement psychologique, ce qui fait que l’individu
laisse déterminer son agir par lui.
Donc l’éthique à une face objective et subjective. Les deux sont complémentaires et nécessaires.
La responsabilité est d’abord une imputation causale des actes commis. L’acteur doit répondre de son
acte, des conséquences de ses actes même si cet acte n’était pas une faute et même si les conséquences
n’étaient pas voulues.
Il se demande alors ce que peut signifier le fait d’agir de façon irresponsable, il précise qu’on agit de
façon irresponsable quand on exerce un pouvoir sans observer ses obligations.
Il analyse deux types de responsabilités opposées pour tenter d’avoir une approche complète de la
responsabilité : celle des parents et des hommes d’état.
Ces deux responsabilités se recoupent dans leur objet, par exemple l’éducation est un objet des deux
types de responsabilité, l’état comme les parents participent à la formation des enfants et des citoyens.

Chapitre 5 : la responsabilité aujourd’hui : l’avenir menacé et l’idée de progrès.

Chaque espèce vit d’autre espèce, c’est manger ou être mangé, mais tout cela est normalement
ordonné de sorte qu’un équilibre perdure, or cet équilibre a été rompu par l’homme, qui est une forme
de vie capable de mettre en danger toutes les autres. Il affirme que l’homme tend vers une catastrophe
universelle s’il laisse les choses poursuivre leur cours. Cette menace est due à la domination de
l’homme sur la nature par la technique scientifique, encouragée par le fait que la population augmente
ce qui conduit à un « pillage » des ressources.
Quel remède alors face au danger ? Il se penche sur la question du marxisme et du capitalisme. C’est
ici que Jonas adresse une critique non voilée au Principe espérance de Bloch.
Il estime que le gaspillage est une plaie, est qu’un modèle économique non motivé par le gain serait
une façon de préserver la nature.
Il précise également qu’un gouvernement au pouvoir total aurait plus de chances de réussir à mettre en
œuvre sa théorie de la responsabilité, qui impose des sacrifices.
Pour l’instant donc, le marxisme serait plus à même de préserver le futur mais cela n’est que
théorique, car en pratique il observe que l’utopie marxiste n’est justement qu’une utopie, et qu’en
pratique ses chances de succès sont faibles. Le marxisme est un interlocuteur essentiel du point de vue
éthique pour Jonas, mais à condition qu’il se détache de ce qui est pourtant son « souffle vital », à
savoir l’utopie
Il se penche alors sur l’homme à venir, et ne consacre que très peu de temps à la théorie de Nietzsche
et du « surhomme » qui ne recevrait selon lui aucun écho politique.
Il se demande si une société sans classe pourrait faire émerger une société plus à même de préserver
l’avenir de l’humanité.
Il se demande s’il faut renoncer à l’utopie au profit de la vérité, et comment doit être envisagé le
progrès éthique face au progrès intellectuel (progrès dans la civilisation, dans la science).

Chapitre 6 : la critique de l’utopie et l’éthique de la responsabilité.

Jonas part du constat qu’une révolution mondiale est en marche, et que les hommes deviennent les
« damnés de la terre », la lutte des classes a changé de nature du fait de la répartition planétaire de la
souffrance, la lutte des classes devient une lutte des nations. Ainsi de nouvelles politiques se mettent
en œuvre dans l’intérêt propre des nations, l’utopie recule face à l’appel de la violence.
Il adresse une critique plus ciblée à l’utopie Marxiste, la requête de l’utopie est l’abondance matérielle
pour satisfaire les besoins de tous, or cela n’est pas possible car la nature à ses limites (problème de la
nourriture, des matières premières, de l’énergie).
Il se demande alors si l’utopie est souhaitable : il critique la théorie de Bloch sur les loisirs et son
ontologie de ne-pas-encore-être.
Il oppose la peur qu’il prône à l’espérance de Bloch, pour Jonas la peur fait essentiellement partie de la
responsabilité.

Critique de l’ouvrage.

1) Les avancées légales dans le sillage de Jonas

L’œuvre de Jonas a eu un écho considérable en droit, son heuristique de la peur (lorsqu’on ignore les
conséquences de ses actions, mieux vaut s’abstenir) a donné naissance au principe juridique de
précaution.
Le principe de précaution est l’obligation pour le décideur de prendre en compte le risque même si sa
réalisation est douteuse dans les différentes actions dont il est responsable. C’est un un PGD du droit
de l’UE depuis un arrêt du Tribunal de première instance de l’Union Européenne du 28 janvier 2003
Laboratoire Servier.
Cependant ce principe de précaution n’est pas toujours pris en compte, par exemple dans le cadre de la
directive sur les produits défectueux de 1985, on prévoit que le fait d’avoir des connaissances
scientifiques insuffisantes quant au produit permet d’exonérer le producteur de sa responsabilité.
Autre aspect de la théorie de Jonas qui a trouvé un écho en droit : la prise en compte des générations
futures, notamment par le biais de la consécration du préjudice écologique par exemple.
Quand on intervient sur l’environnement il y a un risque de dommage, la jurisprudence depuis l’affaire
jugée par la chambre criminelle en 2012 de l’Erika, pétrolier échoué avait admis la réparation du
préjudice écologique pur, qui touche tout le monde.
Ce raisonnement a ensuite été reproduit dans la loi n°2016-1087 de 2016 sur l’environnement qui
consacre dans le Code civil la notion de préjudice écologique, article 1246.
D’après l’article 1247, ce préjudice est une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des
écosystèmes ou au bénéfice collectif tiré par l’homme de l’environnement.
Dans le même code, on a un dispositif pour prévenir le dommage environnemental ou en réduire les
conséquences.
Ainsi donc, la loi prend de plus en plus en considération l’écologie, et la responsabilité qui en découle,
cependant, cela ne vaut qu’en France et dans l’Union Européenne, dans le reste du monde, du chemin
reste à faire, notamment aux Etats-Unis par exemple, avec les cultures d’OGM dont on n’a aucune
connaissance précise quant à leurs conséquences sur le long terme, ou leur utilisation des hormones
dans l’industrie agro-alimentaires.
2) Jonas, un anti-humaniste ?

Certains estiment que la technophobie de Jonas devient anti-humaniste quand il affirme que le
développement technique et scientifique conduit à une «prolifération» de l'humanité en raison de son
«succès biologique». L'expression «prolifération de l'humanité» est connotée dangereusement.
Il est vrai qu’une grande critique que Jonas adresse au succès de la médecine moderne, c’est
l’allongement de l’espérance de vie, et le fait que la société devient de plus en plus âgée.
En outre, après la seconde guerre mondiale, le phénomène du Baby-boom a touché de nombreux pays
d’Europe, et cette croissance démographique inquiète Jonas qui estime que la terre risque ne pas avoir
assez de ressources pour subvenir aux besoins de toute l’humanité.
Cependant, à aucun moment Jonas ne préconise de solution radicale afin d’éradiquer cette part
d’humanité « en trop », rappelons que Jonas est de confession Juive, qu’il a dû fuir son pays d’origine
pendant la seconde guerre mondiale, ainsi son discours est dépourvu de toute considération tenant à la
destruction d’une part de l’humanité qui pourrait sembler de trop.

3) Jonas et la critique du Marxisme.

D’autres ont estimé que l’œuvre de Jonas surtout dans ses deux derniers chapitres ne sert qu’à critiquer
l’idéologie marxiste et perd un peu le fil de son idée, d’autant que la critique a pu estimer que Jonas
n’a pas vraiment une connaissance complète de l’idéologie marxiste mais se contente de la critiquer au
travers de ce qu’en a dit Bloch.
D’autres ont pu critiquer le fait que l’œuvre de Jonas n’est en fait qu’une polémique contre Le principe
espérance de Ernst Bloch et contre Marx, mais surtout contre Kant et la morale déontologique.
Il est vrai que ces derniers chapitres sont selon moi les plus durs, surtout si l’on n’a pas lu Bloch.
De même, ces deux derniers chapitres font perdre à l’œuvre leur intemporalité.
En effet, dans les premiers chapitres, l’idéologie de Jonas est très moderne, plusieurs fois le lecteur
peut se dire que ce que Jonas est en train de dire est encore vrai aujourd’hui, ce qui rend l’ouvrage très
intéressant et sans âge. Cependant quand Jonas parle du marxisme, l’ouvrage perd de sa modernité, en
effet, si le marxisme était encore assez en vogue à l’époque où Jonas a rédigé son ouvrage, ce n’est
plus tellement le cas aujourd’hui en France, et donc, la lecture des deux derniers chapitres est moins
stimulante car les idées développées par Jonas ne sont plus tellement d’actualité.
Toute la partie de Jonas sur le politique est un peu critiquable, comme son idée de « bonne tyrannie »
seule à même selon lui de permettre de préserver l’humanité. Jonas n’hésite pas à envisager
ouvertement l’hypothèse que la mise en pratique de l’éthique environnementale pourrait requérir
l’instauration d’un régime autoritaire, ce qui n’est pas apprécié par tous les lecteurs et a pu susciter de
vives controverses.

4) Jonas, anti progressiste ?

Certains ont pu critiquer son heuristique de la peur comme étant une théorie complétement contre
progressiste, immobiliste. Mais au contraire qu’il faut absolument tout faire pour mesurer et connaître
les risques avant d’agir. La peur est un moteur, elle sert à la découverte : parce que l’humanité peut se
détruire, il faut agir. Jonas écrit d’ailleurs que « le savoir devient une obligation prioritaire ». Il ne faut
donc pas le lire comme un principe négatif qui dirait « si tu ne sais pas, n’agis pas », mais au contraire
comme « si tu ne sais pas si la technologie que tu poses comporte un risque destructeur pour
l’humanité, fais tout pour savoir et préserver la vie ». En fait, chez Jonas, la question de l’action
humaine est liée avec celle de la connaissance : il y a un impératif moral de connaître face à certaines
actions possibles.
Ainsi Jonas n’est pas fondamentalement contre le progrès, il est plutôt pour le savoir, pour la
réflexion, il est pour la connaissance, et prône simplement le progrès réfléchit, sage et mesuré.
L’œuvre de Jonas est très dense et assez complexe, même si sa thèse de départ semble évidente, elle
est déclinée en plusieurs thèmes, et l’auteur renvoi souvent à d’autres théories ce qui rend la lecture
complexe. Mais l’ouvrage reste très complet, très intéressant et c’est une lecture qui permet au lecteur
de réfléchir, de soulever des problématiques auxquelles il n’aurait pas pensé de lui-même, bien que sa
critique de l’utopie et du marxisme reste complexe et saisir.

Vous aimerez peut-être aussi