Étant donnés

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Étant donnés : 1° la chute d'eau 2° le gaz d'éclairage… est le nom d'une installation de Marcel Duchamp élaborée en
secret entre 1946 et 1966 à New York. Étant donnés :
1° la chute d'eau
Elle est considérée comme la dernière grande œuvre de l'inventeur du ready-made et ne fut révélée au public qu'après sa mort, 2° le gaz d'éclairage…
en 1969.
Artiste Marcel Duchamp

Description Date 1946-1966

Technique Mixte
Exposée de façon permanente au Philadelphia Museum of Art selon les vœux mêmes de Duchamp, la pièce, qualifiée par l'artiste Dimensions
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153 × 111 × 300 cm
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d'« approximation démontable » , se présente sous la forme d'un grand mur rectangulaire de couleur gris-rose pastel percé (H × L × l)
d'une vieille porte en bois à double-battant (originaire de Cadaqués) cernée par un montant en briques cuites maçonnées. Par
deux trous percés dans la porte, l'on peut observer la scène suivante : No d’inventaire 1969-41-1
Localisation Philadelphia Museum of Art
au premier plan, en contre-jour, un grand trou irrégulier apparaît dans un mur de briques ;
au deuxième plan, sur un lit de brindilles et de feuilles mortes, est couché un corps de femme, dont on ne voit pas la tête
mais seulement quelques touffes de cheveux blonds ; le corps est entièrement nu, en position de cuisses écartées (les
pieds sont cachés). La main gauche, au bout de l'avant-bras surélevé, tient un bec Auer allumé ;
à l'arrière plan, sur la droite, on distingue une représentation de paysage champêtre construite en diorama, montrant des
arbres (dont des cyprès), une rocaille, des effets de miroitements et de brumes, et une chute d'eau, le tout dominé par un
ciel bleu traversé de nuages.

L'ensemble constitue une forme de « chambre optique », qui rappelle notamment les attractions illusionnistes du début du Gravure d'Albrecht Dürer (1525) : Duchamp déclarait à
7 Pierre Cabanne : « C'est le regardeur qui fait le
xixe siècle . 5
tableau . »

Analyses
Dans la Boîte de 1914 éditée par Duchamp à cinq exemplaires en 1914 et contenant des reproductions photographiques de ses notes
manuscrites, l'une des notes précise : « Étant donnés : 1° la chute d'eau, 2° le gaz d'éclairage, nous déterminerons les conditions du Repos
instantané (ou apparence allégorique) d'une succession de faits divers semblant se nécessiter l'un l'autre par des lois, pour isoler le signe de la
concordance entre, d'une part, ce Repos, (capable de toutes les excentricités innombrables) et, d'autre part, un choix de possibilités légitimées
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par ces lois et aussi les occasionnant . ». Par ailleurs, l'une des dernières boîtes composée par Duchamp s'intitule : Eau & gaz à tous les étages
(1958).

Il met en jeu le voyeurisme inhérent au concept d'exposition mais ici, en impliquant de façon participative le spectateur qui doit faire l'effort de
scruter pour mieux voir par delà la porte en bois. Les deux orifices autorisant la vision de l'installation cachée sont appelés par Duchamp « les
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trous du voyeur » .
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Arturo Schwarz révéla en 1969 une suite de neuf gravures intitulée The Lovers : l'une d'entre elles s'intitule Le bec Auer, quelques-unes sont
exécutées d'après Gustave Courbet (La Femme au bas blancs), Ingres (Virgile lisant l'Énéide, Le Bain turc, Œdipe explique l'énigme du
sphinx), Auguste Rodin (Le Baiser), Cranach (Adam et Ève) que Duchamp avait déjà détourné en compagnie de Brogna Perlmutter-Clair pour
une photographie de Man Ray prise sur le plateau de Relâche ; une autre enfin intitulée Après l'amour, inspirée d'une publicité et de Jules
12 Diorama de l'Amour : dans ce
Laforgue. Le tout semble constituer un rébus si on le met en relation avec la scène représentée à l'intérieur de l'installation .
tableau de Jean Aubert (1886),
l'artiste représente, de manière
Réalisation certes un peu fantaisiste, l'attraction
à la mode sous le Consulat.
Le modèle vivant qui servit à la conception du corps de la femme sans visage grâce à un moulage fut non pas Alexina Duchamp dit « Teeny », la
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seconde épouse de Duchamp, mais Maria Martins, sculptrice brésilienne avec qui Duchamp eut une liaison entre 1946 et 1951 .
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Duchamp prépara et assembla cette installation dans son atelier situé à Greenwich Village ; il rédigea un cahier des charges très détaillé afin
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que l'on puisse la remonter, ce qui fut fait en 1969 à Philadelphie. Ce cahier comprend une suite de 70 polaroids en noir et blanc .

Salvador Dalí contribua à la constitution de cette œuvre lors des séjours de Duchamp à Cadaqués entre autres pour la porte et la restitution du
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motifs du paysage au 3e plan qui s'inspirerait d'un séjour en Suisse de Duchamp effectué durant l'été 1946 avec Mary Reynolds à Chexbres .
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Selon Jean-Michel Rabaté , cette représentation de femme renverrait entre autres à l'affaire du Dahlia noir.
« Eau et gaz à tous les étages »,
Depuis sa révélation, cette œuvre suscite, outre une somme de commentaires critiques, des formes de détournement ou d'interprétation par
une plaque bleue émaillée fixée au
d'autres créateurs :
mur d'un immeuble parisien,
Duchamp en détourna le principe
Rainer Ganahl, artiste autrichien, présente en 2012 au Kunstforum de Vienne une installation vidéo intitulée Étant donné - Use a Bicycle
18 pour une boîte-sculpture composée
(2011, court-métrage 16 mm, noir et blanc, 12 min) .
en 1958.
L'artiste Richard Baquié (1952-1996) propose à l'occasion de la biennale de Lyon de 1991, une réplique de "étant donnés : 1"la chute d'eau, 2" le
gaz d'éclairage. Dans cette œuvre, tout en maintenant possible la position du voyeur, l'ensemble du dispositif est révélé. Sans titre, 1"la chute
d'eau, 2" le gaz d'éclairage... 1991, Collection MAC Lyon.

Selon l'artiste Serkan Ozkaya, qui a réalisé une copie de l'œuvre, l'installation serait conçue comme une camera obscura qui, lorsque plongée
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dans l'obscurité, projette le portrait de Rrose Sélavy .

Références
1. Hauteur de la porte seule. 8. « Marcel Duchamp, artiste androgyne — Conclusion » (https://boo
2. Largeur de la porte seule. ks.openedition.org/pupo/8438?lang=fr), par Yiannis Toumazis, Duchamp exécuta une gravure
3. Longueur totale de l'installation soit 115 + 185 cm. Presses universitaires de Paris Nanterre, 2013, pp. 373-398 — sur 8
d'après La Femme aux bas blancs ,
OpenEdition. une huile de Gustave Courbet
4. Selon la graphie de Marcel Duchamp, cf. Manual of Instructions,
infra. 9. Partouche (1992), paragr. année 1944. (1864, Fondation Barnes).
5. Marcel Duchamp, entretiens avec Pierre Cabanne, Paris, Somogy, 10. Manual of Instructions…, p. 18.
1995, préf. (ISBN 978-2850562341). 11. Arturo Schwarz, Marcel Duchamp - The Lovers - Nine original
6. Manual of Instructions, infra, p. 3. etchings for The Large Glass and Related Works, Vol. II, Milan,
The Milan Civic Library / Galleria Schwarz, 8-30 avril 1969.
7. Selon les termes de Florence de Mérédieu, dans Journal
ethnographique (http://florencedemeredieu.blogspot.fr/2009/10/mar 12. Lire les analyses de Jacques Caumont & Jennifer Gough-Cooper
cel-duchamp-les-polaroids-detant.html), 1er octobre 2009. in Marcel Duchamp. A Life in Pictures, Atlas Press, 1999.
13. (en) Holland Cotter, The New York Times, 27.08.2009 (https://www.nytimes.com/200
9/08/28/arts/design/28duchamp.html?_r=1&pagewanted=1)
14. (en) Commentaires de Michael Taylor (http://www.theartblog.org/2009/09/michael-tay
lor-tells-all-a-talk-on-etant-donnes/), conservateur au PMA. En ligne le 20 juin 2012.
15. Manual of Instructions for Étant donnés…, Philadelphia Museum of Art, 1987 - fac-
similé du carnet préparatoire de M.D. de marque Doret relié noir
(ISBN 3-888-14260-1)
16. Stefan Banz (http://www.art-of-the-day.info/a06344-marcel-duchamp-1-la-chute-d-ea
u-by-stefan-banz.html) : Marcel Duchamp: 1° La chute d'eau, Cully, Moderne Kunst
Nürnberg, 2012 (ISBN 978-3-86984-328-5).
17. in Étant donnés : 1° l’art, 2° le crime – La modernité comme scène du crime, Les
presses du réel, 2010.
18. Extraits en ligne sur (en) Étant donné - Use a Bicycle (http://www.ganahl.info/etantdo
nnes.html), in ganahl.info.
19. (en) « Duchamp’s Last Riddle » (https://www.theparisreview.org/blog/2017/10/18/duc
hamps-last-riddle/), sur The Paris Review, 18 octobre 2017 (consulté le
13 août 2018)
20. (en) « Has Duchamp’s Final Work Harbored a Secret for Five Decades? This Artist
Says Yes » (https://news.artnet.com/art-world/duchamp-etant-donnes-secret-serkan-
ozkaya-1103216), sur Art World, 3 octobre 2017 (consulté le 13 août 2018)

Sources bibliographiques
Marc Décimo, Étant donné Marcel Duchamp. Palimpseste d'une œuvre. Dijon, Les Presses du réel, 2022 (ISBN 978-2-37896-217-3).
Marc Partouche (1992), Marcel Duchamp, sa vie même, Al dante, 2005 (ISBN 9782847610949) ; cf. chronologie 1944-1969
Anne Larue, Le Surréalisme de Duchamp à Deleuze, Libre choix, Talus d'approche, 2003, p. 58-61 (ISBN 9782872460960)
Toby Olson (2003), La Boîte blonde, Passage du Nord-Ouest, 2008 (ISBN 9782914834292)
Jean-François Vilar (1982), C'est toujours les autres qui meurent, Babel noir, 2008 (ISBN 9782742776030)

Liens externes

Ressource relative aux beaux-arts : (en) Philadelphia Museum of Art (https://www.philamuseum.org/collections/permanent/65633.html)

Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste : Britannica (https://www.britannica.com/topic/Etant-donnes-1-la-chute-deau-2-le-gaz-declairage)

Vue intérieure d'Étant donnés (http://www.toutfait.com/issues/issue_2/Notes/pop_2.html)

(en) Étude des fondements de cette œuvre par Lewis Kachur : Given, finally (http://www.artnet.com/magazineus/features/kachur/marcel-duchamp8-26-09.asp), en ligne au
14 février 2013

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