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Michel Foucault

La pensée du dehors

fata morgana

\
La pensée du dehors
W-

Michel Foucault

La pensée du dehors
illustrationa de

Pierre Tal Coat

i.OOj

éditions fata morgana

'biblioteca de la DNIVERSITAT de BARCRONA


V
0700715522
1986 Buccession Foucault et fata
morgana

J
JE MENS, JE PARLE

La vérité grecque a tremblé, jadis, en


cette seule affirmation : « je mens ». « Je
parle » met à l'épreuve toute la fiction
moderne.
Ces deux affirmations, à vrai dire, n'ont
pas le même pouvoir. On sait bien que
l'argument d'Epiménide peut être maîtrisé
si on distingue, à l'intérieur d'un discours
artificieusement ramassé sur lui-même,
deux propositions, dont l'ime est objet de
l'autre. La configuration grammaticale du
paradoxe a beau esquiver (surtout s'il est
noué dans la forme simple du « je mens »)
cette essentielle dualité : elle ne peut^ la
supprimer. Toute proposition doit être d un
« type » supérieur à celle qui lui sert
d'objet. Qu'il y ait récurrence de la pro
position-objet à celle qui la désigne, que la
sincérité du Crétois, au moment ou il
parle, soit compromise par le contenu de
JE MENS, JE PARLE

La vérité grecque a tremblé, jadis, en


cette seule affirmation : « je mens ». « Je
parle » met à l'épreuve toute la fiction
moderne.
Ces deux affirmations, à vrai dire, n'ont
pas le même pouvoir. On sait bien que
l'argument d'Epiménide peut être maîtrisé
si on distingue, à l'intérieur d'un discours
artificieusement ramassé sur lui-même,
deux propositions, dont l'une est objet de
l'autre. La configuration grammaticale du
paradoxe a beau esquiver (surtout s'il est
noué dans la forme simple du « je mens »)
cette essentielle dualité : elle ne peut^ la
supprimer. Toute proposition doit être d un
« type » supérieur à celle qui lui sert
d'objet. Qu'il y ait récurrence de la pro
position-objet à celle qui la désigne, que la
sincérité du Crétois, au moment ou il
parle, soit compromise par le contenu de
illimité. « Je parle » en effet se réfère à
moin^ ï mensonge - tout cela est un discours qui, en lui offrant un objet,
que la cms/ J"®'''"® ""surmontable lui servirait de support. Or ce discours
k sut? P"'P"' ®™ple : fait défaut ; le « je parle » ne loge sa
Lnrjri- '• »"• <■•» »■- souveraineté que dans l'absence de tout
autre langage ; le discours dont je parle
« ie^D^rT®'"-"''^ prononce tout uniment ne préexiste pas à la nudité énoncée au
de ces nM i®*"® menacé d'aucun moment où je dis « je parle » ; et il
^
qui se cachent dans ce seul énoncé (. je
propositions disparaît dans l'instant même où je me
parle » et . je dis que je parle ») ne ie tais. Toute possibilité de langage est ^ ici
desséchée par la transitivité où il s ac
dC^ k°fort'°' nullement. Me voilà protégé complit. Le désert l'entoure. En quelle
mation s mdélogeable où l'afiSr- extrême finesse, en quelle pointe singu
eUe-même^ ne"déb ® fî"®'®"! exactement à lière et ténue se recueillerait un langage
foujnrant 'tout d^'dk3' qui voudrait se ressaisir dans la forme
dépouillée du « je parle » ? A moins jus
K il "p° "P*® fait^e"]! tement que le vide où se manifeste la
l'&once cnr''°®-''°°-®''i®' qui minceur sans contenu du « je parle » ne
réticence «"1 eaus obstacle ni soit une ouverture absolue par où le
parole d;nt a ^ langage peut se répandre à l'infini, tandis
sujet oui art* du côté que le sujet — le « je » qui parle se
donc ^aTaT'^f ®®«® Pa^ule- D est morcelle, se disperse et s'égaille jusquà
parle qm^d Tlî're'"' disparaître en cet espace nu. Si en effet
Mais 1*1 o ^ le langage n'a son lieu que dans la sou
ne srenîpiir"'
formeUe du .je 'T la1®®position
veraineté solitaire du « je parle », rien
ne peut le limiter en droit, m
problèniPe • 1 . ® soulève pas auquel il s'adresse, ni la vérité de ce qu
aon sens, mal^ " °°'®°' Particuliers, dit, ni les valeurs ou les systèmes repr
ouvre un doimSt
marne f
de" questions
®PP®'ontepeut-être
clarté, sentatifs qu'il utilise ; bref, il n est p us
discours et communication d'un sens, mais
10
11
et les sépare. La littérature, ce n'est pas
le langage se rapprochant de soi jusqu au
point de sa brûlante manifestation, c est
le langage se mettant au plus loin de
une formV '^ parfois sous lui-même ; et si, en cette mise « hors
effet) n f^^^^^aticale disposée à cet de soi », il dévoile son être propre, cette
llVs!' daus le vide de clarté soudaine révèle un écart plutôt qu un
repli, une dispersion plutôt qu un retour
"F ''"™»''-
rat ° ^ ^J^abitude de croire que la litté-
des signes sur eux-mêmes. Le « sujet »
de la littérature (ce qui parle en elle et
WemLTlnui p P"""redou- ce dont elle parle), ce ne serait pas tel
eUe-mêml en de se désigner lement le langage en sa positivi0, que
aurait k auto-référence. elle le vide où il trouve son espace quand il
rioriser à lt« de s'inté- s'énonce dans la nudité du « je parle ».
l'&oncé d'êlir"®"®
<îans le siffnp mi
Pl"« qaa
manifester
Cet espace neutre caractérise de nos
jours la fiction occidentale (c'est pourquoi
e«stence. elle n'est plus ni une mythologie ni ime
naître ce ^'J^' 'T qui a fait rhétorique). Or ce qui rend si nécessaire
« littérature » i/e^de T P" de penser cette fiction — alors qu'autrefois
riorisation oup «n ordre de l'inté- il s'agissait de penser la vérité , c est
a/agit bSp"p,r,ôîT'
« dehors » • ip i ^ ^ passage au
= que le « je parle » fonctionne comme au
rebours du « je pense ». Celui-ci conduisait
d'être du discom"- ïtsad.""
aynastie de k r^rv x
Tf
^^t-à-dire à k
en effet à la certitude indubitable du Je
et de son existence ; celui-là au contraire
parole littéraire T°° ~ ®* recule, disperse, efface cette existence et
d'eUe-même f^m , à partir n'en laisse apparaître que l'emplacement
vide. La pensée de la pensée, toute
tradition plus large encore que
Sophie nous a appris qu'elle nous conduisait
à l'intériorité la plus profonde. La paro e
12
13
iis Delniî """^
à ce dehors où 2par^^t lîP"'suJefqS
littérature,
l'expérience du dehors

eue avait,■•«"
te 'ï î4?:tefï
pressenti le danger oue ferait
counr à l'évidence du , je si ri'e^T
nence nue du langage. ' ' ^'P^"
La percée vers un langage d'où le sujet
est exclu, la mise au jour d'une incom
patibilité peut-être sans recours entre l'ap
parition du langage en son être et la
conscience de soi en son identité, c est
aujourd'hui une expérience qui s'annonce
en des points bien difierents de la culture :
dans le seul geste d'écrire comme dans
les tentatives pour formaliser le langage,
dans l'étude des mythes et dans la psy
chanalyse, dans la recherche aussi de ce
Logos qui forme comme le lieu de nais
sance de toute la raison occidentale» Voilà
nous nous trouvons devant une béance
qui longtemps nous est demeurée invisible .
1 être du langage n'apparaît pour lui-même ji
^e dans la disparition du sujet. Comment f
avoir accès à cet étrange rapport ? Peut-
etre par une forme de pensée dont la
culture occidentale a esquissé dans ses
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encore incertaine. n'y a-t-il rien de moins sûr : car si dans
sublLS de toute une telle expérience il s'agit bien de passer
« hors de soi », c'est pour se retrouver
g_ - ®f bmites, en énoncer la finalement, s'envelopper et se recueillir
n'en rpr dispersion et dans l'intériorité éblouissante d'une pensée
et oui en^^ - l'invincible absence, qui est de plein droit Etre et Parole,
de we se tient au seuil Discours donc, même si elle est, au-delà
saisir le de tout langage, silence, au-delà de tout
pour retrouv 7'°^ justification, mais être, néant.
le vidp • T• ®llc se déploie, D est moins aventureux de supposer que
la première déchirure par où la pensée
cmivent^r . ®® constitue et où s'es- du dehors s'est fait jour pour nous, c'est,
Attitudes • ''"r?- '' P""® '® ses d'une manière paradoxale, dans le mono
P^Zn^ rt^^^- - eette%ensée. logue ressassant de Sade. A l'époque de
Kant et de Hegel, au moment où jamais
phaosE ®^norité de notre réflexion
denoSaWP""PP®^ ^ P®=i«vité sans doute l'intériorisation de la loi de
l'histoire et du monde ne fut plus impé
appeler d'un ®°°®'''"e ce qu'on pourrait
n feudra k """
' '® P®°®é® «•" «Jehors .. rieusement requise par la conscience occi
dentale, Sade ne laisse parler, comme loi
de cette .pensée P°°"^ementales sans loi du monde, que la nudité du désir.
aussi s'efforri»!. j dehors ». Il faudra C'est à la même époque que dans la
uient de ch ^®i^ouver son chemine- poésie de Hôlderlin se manifestait Pahsence
et Zs quEi'®'' ®"® °®"S vient scintillante des dieux et s'énonçait comme
supZÏÏ Z'T"
pensée mystique oui "i
P®"'
®®"®
nne loi nouvelle l'obligation d'attendre,
sans doute à l'infini, l'aide énigmatique
Pseudo-Denvs fl P"^® t®*ies du qui vient du « défaut de Dieu ». Pourrait-on
tianisme : nêutit° dire sans abus qu'au même moment,
pendant un mill^ ^ maintenue, l'un par la mise à nu du désir dans e
formes d'^tT
une théologie négative. Encore murmure infini du discours, l'autre par
la découverte du détour des dieux dans
16
17
congé donné à ce qu'il nomme, mais plus
PDeiV, pour le siècle déposé
à venir,dans
maisnotre
en encore — depuis Igitur jusqu'à la théâ-
tralité autonome et aléatoire du Livre —-
le mouvement dans lequel disparaît celui
non n«« qui devait rester alors1 qui parle ; chez Artaud, lorsque tout lan
gage discursif est appelé à se dénouer dans
cultiirp ™ • n 1 épaisseur de notre la violence du corps et du cri, et que la
extérieure T "^°'®' étrangère, comme pensée quittant l'intériorité bavarde de la
le temn, v°°. pendant tout conscience, devient énergie matérielle, souf
1 P où s est formulée, de la facnn france de la chair, persécution et déchire
le tn7'1fT'''^"eenoe d'intériorirr ment du sujet lui-même ; chez Bataille,
lorsque la pensée au lieu d'être discours
surmonte^le ^'i^nations, de
taOsserun^ 1® moment f^acieux de l'fii. <le la contradiction ou de l'inconscient,
raliser n'om ""T °®1'^®> de natu- devient celui de la limite, de la subjectivité
rompue, de la transgression ; chez Klos-
aux cieux 'l^P®°aés sowski, avec l'expérience du double, de
l'extériorité des simulacres, de la multi
•lans la^seconde ^^Pf"??"®® "pd réapparaît plication théâtrale et démente du Moi.
De cette pensée, Blanchot n'est peut-être
queeœmnotreSe
culin.77
, 8^®'T ®'^1®bien®'
devenu, pas seulement l'\m des témoins. Tant i
réfléchir comme -l 7 .*°"i°"rs à s'y se retire dans la manifestation de son
son intériorité l'éf ^f®' '^® œuvre, tant il est, non pas caché par ses
dehors : chez Niei oment même du textes, mais absent de leur existence et
que toute métanh ^ ^ <Çand il découvre absent par la force merveilleuse de leur
Hée non sSïr j Srammaire (ce
®®' existence, il est plutôt pour nous cette
qu'on devinait en pensée même — la présence réelle, abso
mois à ceux depuis Schlegel), lument lointaine, scintillante, invisible, c
détiennent le d^t 77 discours, sort nécessaire, la loi inévitable, la viguem
Mallarmé Sd
quand ,e
leflangage
^ apparaît
P«®'® :comme
oh®^ calme, infinie, mesurée de cette pens e
même.

18
19

jÊÊÊi
SaK ^ont déposé dansPerdre,
bade et Holderlm notre congé donné à ce qu'il nomme, mais plus
encore — depuis Igitur jusqu'à la théâ-
pensée, pour le siècle à venir, mais en tralité autonome et aléatoire du Livre —-
du le mouvement dans lequel disparaît celui
non na« '^enence qui devait rester alors1 qui parle ; chez Artaud, lorsque tout lan
gage discursif est appelé à se dénouer dans
culture 1= l'épaisseur de notre la violence du corps et du cri, et que la
extérieure à °"^te, étrangère, comme pensée quittant l'intériorité bavarde de la
le temns antériorité, pendant tout conscience, devient énergie matérielle, souf
la pSlt- 1" feson france de la chair, persécution et déchire
le mon^ d'intérioriser ment du sujet lui-même ; chez Bataille,
sLZ^f aliénations, de lorsque la pensée au lieu d'être discours
taOssemZ f,. Macieux de l'fii- <le la contradiction ou de l'inconscient,
raliser la nature, de natu- devient celui de la limite, de la subjectivité
tetries t"""® ^
aux deux.

dépensés
rompue, de la transgression ; chez Klos-
sowski, avec l'expérience du double, de
l'extériorité des simulacres, de la multi
da^a îa^secTiÎde moitié du xixeréapparaît
an n«x siècle pt
plication théâtrale et démente du Moi.
De cette pensée, Blanchot n'est peut-être
pas seulement l'un des témoins. Tant il
réfléchir comme s'U Sna/T"' ^
son intériorité l'a.- ,, ®" 1® secret de
80 retire dans la manifestation de son
<®uvre, tant il est, non pas caché par ses
dehors : ch^ Nii i? ®"^'"®'°® du textes, mais absent de leur existence et
•Pre toute métanh ^ ^ inand il découvre absent par la force merveilleuse de leur
existence, il est plutôt pour nous cette
qu on devinait en Jl j ^'^'"«'«re (ce pensée même — la présence réelle, abso
"sais à ceux P"" Schlegel), lument lointaine, scintillante, invisible, e
détiennent le drdt '® discours, sort nécessaire, la loi inévitable, la viguem
calme, infinie, mesurée de cette pens e
'b**ë® apparaît comme même.

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19
réflexion, fiction

xtrême difficulté de donner à cette


pensée un langage qui lui soit fidèle. Tout
iscours purement réflexif risque en effet
e reconduire l'expérience du dehors à la
iniension de rintériorité ; invinciblement
f Réflexion tend à la rapatrier du côté
a conscience et à la développer dans
^ne escription du vécu où le « dehors »
^ i"^it esquissé comme expérience du corps,
espace, des limites du vouloir, de la
ineffaçable d'autrui. Le vocabu-
dari^ ® fiction est tout aussi périlleux :
dan^® 1^ seule transparence
images,
des quelquefois
figures les
de i^s plus hâtives, il risque
Qui significations toutes faites,
bss' espèces d'un dehors imaginé,
l'in?^ • . nouveau la vieille trame de
^ intériorité.
in nécessité de convertir le lan-^
reflexif. Il doit être tourné non pas f

I
r - vers mais l'oubli ; pas de contradiction, mais
ne pourrait pl^s' êto déro3''_'^'ta-' la contestation qui efface ; pas de récon
ciliation, mais le ressassement ; pas d'es
prit a la conquête laborieuse de son imité,
ï"
de luï-mêinp il ' parvenu au bord mais l'érosion indéfinie du dehors ; pas
de vérité s'illuminant enfin, mais le ruis
positivité oui' Ip surgir la
'ans -de sellement et la détresse d'un langage qui
vide il doit ail vers ce u toujours déjà commencé. « Non pas une
d&ouer daus la ® f<=np'^t de se parole, à peine un murmure, à peine un
négation de ce qu'TS '''™niédiate nsson, moins que le silence, moins que
qui n'est Pas J uu silence abîme du vide ; la plénitude du vide,
pur Ih^orVoTr ^ quelque chose qu'on ne peut faire taire,
indéfiniment. C'est ^^^uulent occupant tout l'espace, l'ininterrompu, l'in
de Blanchot ne fait n langage cessant, un frisson et déjà un murmure,
«in la négation N efn-T dialectique Uon pas un murmure mais une parole,
faire entrer ce aïou ' ■^'^«'<l"'^'nnnt, c'est et non pas une parole quelconque, mais
mquiète de l'esprit n'^ l'intériorité istincte, juste, à ma portée »i.
nours comme le faif'm dis- ne conversion symétrique est demandée
faire passer sans ce! n'est le de la fiction. Celle-ci ne doit
le dessaisir à chaoue lui-même, P ns être le pouvoir qui inlassablement
de ce qu'il vient de j° °°° seulement Pro uit et fait briller les images, mais la
de l'énoncer • c'est leT' pouvoir qui au contraire les dénoue, les
loin derrière' ^ «at, gc de toutes leurs surcharges, les habite
nn eommencement _ Pom' une transparence intérieure qui peu à
"i^igine puisqu'il n'a e '"'i Pnre
-de pour pri„eip/ T- ^"""ôme et le eM dlumine
. ^ cgaille dansjusqu'à les faire
la légèreté éclater
de l'inima-
Inen recommenceme aussi
'angage passé qui ën 1® plur fictions chez Blanchot seront,
le^
p. ®P|ucement,images,
^A' la transformation,
l'intermédiaire neutre,
u erstice des images. Elles sont précises,

..-aI-clL.
corridors où, la nuit, retentissent, au-delà
c tout sommeil, la voix étouffée de ceux
^ui parlent, la toux des malades, le râle
le vidf ir?. '° mais dans es mourants, le souffle suspendu de celui
elles son?l ? l'-'^Pace où
Le fictif Jest Tam™^ T""' c7ambre cesse
plus pas
longuede que
cesserlarge,
de vivre
étroite;
dans les hn choses ni omme un tunnel, où la distance et l'ap-
vraisemblance")!? 0^''' ''^P^asible roc e, - 1 approche de Toubli, la distance
rencontres ? -"î": ®°'ve eux : c attente — se rapprochent l'un de
absolue?LlTr?iàt ^tre^ et indéfiniment s'éloignent.
La fiction consiste? 'sommes, insi la patience réflexive, toujours tour-
voir invisible ? ■ Trf''®
Invisiblel',?-uu- ^ ce hors d'elle-même, et la fiction qui
est combien
là sa mnf !, ""^'aibilité du visible De for^^^
^i^mes,^ sdans le vide oùpour
entrecroisent elle former
dénoue ses
un
amsi e^eni'' e^t^rlaT)-
négatif est à h Jfj
1"b '
qne le san^^^-^^ apparaît sans conclusion et
négation kt (nlors que la pre^ ®^us vérité ni théâtre, sans
du terps^TeU??"'?^'^ ^' Puble librT^.î masque, sans affirmation,
jouent, dans urf^ ^nle que et au- centre, affranchi de patrie
Blanchot,ls^k-^^''T de le d^u son propre espace comme
et les cSmbr?' r Com lequel, hors duquel il parle.
seuils attirants #x ^ " ^®nx sans lieu, Ses Parole du dehors, accueillant dans
cependant ouverts^^r? défendus et discni ° ^ dehors auquel il s'adresse, ce
^nr lesquels batLt 7' taire Pcuverture d'un commen-
des chambres pour d ouvrant cessé ce qui au dehors n'a
portables, les sém ''^ncontres insup. 1 ^ murmurer. Mais comme parole
toujours au dehors de ce
incpsio discours sera ime avancée
'"'"■ i-i .. »p.i» rt"i„r. ^^itient^fT
^ode etre singulier
jamais
lumière, abso-
reçu langage. Ce
du discours — retour
au creux equrvoque du dénouement et
commun^"'
commun aux-
,romans » ou doute
,récitsle »lieu
de
Blanchot et à sa.critique ». A partir du RE ATTIRÉ ET NÉGLIGENT
moment, en effet, où le discours ces e de

CLe ^ même du
il eï dehors,
récit m , 1^'™ : L attirance est pour Blanchot ce qu'est,
f»IF-T - doute, pour Sade le désir, pour
letesche la force, pour Artaud la maté-
S'
été HH •
ff•' existe déjà, a déià
té de la pensée, pour Bataille la
ransgression : l'expérience pure du dehors
^ ^ plus dénudée. Encore faut-il bien
iï Ast
lui, mais du s «si prononcé en ^niprendre ce qui est désigné par ce
mots du m ^ """•''de entre ses chot,'ne^ prend appui
tellesurque l'entend
aucun Blan-
charme, ne
défaire, dis^ourTrurt
tout laneaffe fi.f ,
n T" de
^ Ript aucune solitude, ne fonde aucune
où il apparaît f '"^i^ible ^^rumunication positive. Etre attiré, ce
t^est pas ^ être invité par l'attrait de l'ex-
ne cesse de s'attL l "" critique » et plutôt éprouver dans le vide
°e plus laisser parleT P"""" et f., la présence du dehors,
qoe le langage^nême^ T'" irrê présence, le fait qu'on est
de personne oui !• j q"' "'est ^ '^i^blement hors du dehors. Loin
de la réflexion •j fiction ni ^utr^^p l'intériorité à se rapprocher d'une
encore dit, m'aîT '''" 1®""®'® que manifeste impérieusement
lieu avec son m- " a ® ®'"' comme ce San ^ est là, ouvert, sans intimité,
deschosesenirlaUatÏnt.A &ia'^ se nvoir,
déploie
retenue (comment pour-
luiàquil'infini
n'a pashors
d'intériorité,
de toute
■r-' '' :

même'"n^ '' ' ouverture ^ fabuleuse pension qu'en négligeant d'en


trer ^ dans la maison d'en face), et pour
inexistants son passé, ses proches, toute
i iv^_P".chose
positive ' ""ïlUuminée de l'intérieur
Présence ®on autre vie qui est ainsi rejetée dans le
ehors (ni dans la pension d^Aminadab^
par la certitude de sa propre e.istenc: - ni dans la ville du Très-Haut^ ni dans le
retire au T"' T""'d'elle-même 1"'
plus lo^ ae
et se j, ®^natorium » du Dernier Homme, ni dans
appartement du Moment voulu, on ne
avMce ' n"®"® P"""- q^'on ®nit ce qui se passe à l'extérieur, ni on
de la possible ne sVt. ' 1 ,

de I' 1°""'^®- Merveilleuse simplicité d 11 ors jamais


préoccupé
figuré,: on
maisest indiqué
hors desans
ce
sse par la blancheur de son absence,
les pas de cT^- ^ indéfiniment sous to^
«reLe tit au pâleur d'unle souvenir
plus par abstrait
miroitement de ou
la
né^^^^ë^nce
^ travers
n'est à une
vrai vitre). Unel'autre
dire que telle
tnu^ d un ^ zèle — de celte application
les ^ Injustifiée, obstinée, malgré toutes
à se laisser attirer par
p^. on plus exactement (puisque
positivité) à être
TL.™ "" ''«•'■- ■» sauQ ,y^^® mouvement sans but et
SSe' oTr'^f que^ H ^
l'attirance elle-même. Klos-
raison mille fois de souligner
êUe'attiréThom""''!^"" P""" ®*ann personnage du Très-Haut
neîiiet:®: T'if"
nul ce qu'il est en t j r''"'
"
P°«
n'est
textç
^ (Souci), d'un nom qui
deux ou trois fois dans le
^uunu^, neTanÏhifï 'p^rd^ ^ei-ily® pag ujiest-il
oublitoujours
— pluséveillé,
futile ne
en
il '
^ fabuleuse pension qu'en négligeant d'en
MrTele dêl"'
car dehors neP,'® ='<='^^3,■
hvre jamais son essence trer ^ dans la maison d'en face), et pour
lïiexistants son passé, ses proches, toute
positive _ chose illuminée''-«Présence
de l'intérieur Son autre vie qui est ainsi rejetée dans le
Fr la certitude de sa propre exisCri ®bors (ni dans la pension d'Amînadab,
mms seulement comme l'absence qui se dans la ville du Très-Haut^ ni dans le
j, ®^^atorium » du Dernier Homme, ni dans
creuse
euse d"
dansP,'"' d'elle-même
le signe qu'elle fait pour\tqu'on
se appartement du Moment voulu, on ne
®ait ce qui se passe à l'extérieur, ni on
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indre. Merveilleuse simplicité d^, ® préoccupe : on est hors de ce
^ ors jamais figuré, mais indiqué sans
de louvenure. l'attirance n'a rien à'2^ par la blancheur de son absence,
les pas d'p^ 1"- indéfiniment sous lo^
féreLe anUe'rlc -î'' au pâleur d'unle souvenir
plus par abstraitde oula
miroitement
^ travers une vitre). Une telle
fac^ce d yjj n'est à vrai ceiie
dire que l'autre
application
injustifiée, obstinée, malgré toutes
p^^.^^^^^rses, à se laisser attirer par
Lîd"- '""
l-». s.™JT ~'™ p^. on plus exactement (puisque
positivité) à être
à "■ 8an« mouvement sans but et
nSgeuce' rTr^e^^^l'a^ft® TT ^
l'attirance elle-même. Klos-
raison mille fois de souligner
êue'':«Léiï„r"'p^"- p"" S-S ®'apn
n'est
personnage du Très-Haut
® (Souci), d'un nom qui
texte deux ou trois fois dans le
1". est-il toujours éveillé, ne
tnet-il pas un oubli — plus futile en
■C^TllfaBI! ii^q

umière ? Lucie n'est peut-être pas celle


les affeXf at' '' '' ^u il avait cherchée ; peut-être aurait-il
parentés ? Cette mTT®' 1®= u interroger celui qui lui avait été imposé
sans repos Phnm ^ avancer oottirne compagnon ; peut-être, au lieu de
j"«me!i 1, T ."""■ "'"«■•«■ pu oir monter aux étages supérieurs pour
Retrouver la femme improbable qui lui
'.«.ipa u.îrS -,"'
comme cela ect
^ »• ^^yait souri, aurait-il dû suivre la voie
reprises dans Cph ^ plusieurs ^^ple, la pente la plus douce, et s'aban-
pas et dans ^'accompa- p uoe^r aux puissances végétales d'en-bas.
Propre du zèle tiV » u voulu? Le cut-etre n'est-il pas celui qu'on a appelé,
de son propre sn • ^ ^'«"^«mbrer ut-être^ un autre était-il attendu,
multiplier Fes dém'' V"" de la d'incertitude qui fait du zèle et de
«on entSmlt .Mf' ^'^^«"^dir rév deux figures indéfiniment
Pattirance alore ' d aller au devant de ^ p?'®mles a sans doute son principe dans
IfflpérieusUent, d^fonT?"'"
"Ï" à ce qui est reti^^ 9 n
règne dans la maison »®.
du zèle d'être négligent df' plu^ visible,plus
qu^ cquivoque mais plusfondamentale
dissimulée,
®st dissimulé Lti 5u!
passé va revenir
1"® ®®
'"'®' q"® le
tQ^j outes^ les autres. En cette négligence,
1"'il est attendu' ^ -n •concerne, fion déchiffré
pjv ' application comme
secrète, signe inten-
espionnage ou
domestiques paresseux
»®ngar ici à 1'. iZZT T P®"t-®'re faut-il k ^ ^ des puissances cachées', peut-être
^® foi que les autres tn " P'"® hasard distribue-t-elle des sorts
propre croyance en ^ ®° inquiétant sa
à toucher ? Et'.r ^ ^ir et ^tai ^ longtemps dans des livres,
®"rps de chair est cet," ® '°"®''® ®nr un la ^ ^'cst pas le zèle qui enveloppe
comme son indispensable
il demai^dait nn®
suscitée ? Et l^n
" ' '®^®l>nit.
Présence res dfzy,, ombre, c'est la négligence qui
indifférente à ce qui peut. la
â i--ïï;r,r'j-
eu 1 ombre "-z
que k par *^apport a elledissimuler que tout
prend valeur geste
de signe.
30
31
otntrre1:.euf" ou EST LA LOI,
que fait la loi ?

X:;î î^'
eUe serait U^J îi °® personne, car
PourrSlff-®-^ «» et -
Commen? celW® P"'® ?""e°ee ouverte. ^ tre négligent, être attiré, c'est une
tieUement négligente ®u®®°' ja^?\ manifester et de dissimuler
®tre ce au'é^l^ ' laissant les choses
passer et^ rfeni '°T'- temps se T-' ^ manifester
issinaule, de l'attirerlepar
retrait où elle
conséquent
avancer vers eUe' 'e® hommes p®,^ jour qui la cache,
dehors infini n ■ ~i P^'^^^'eUe est le
tombe hors d'eC^''"- ° la 1^. cœur, la loi ne serait plus
'a pure disn» •'P*"®*pt ®^o dénoue dans oie 1 intériorité douce de la cons-
revanche elle était présente
l'iBtSrité P°° figt^ea de déoK'fl^ texte, s'il était possible de la
on est néS^. ™«snre même où le entre les lignes d'un livre, si
hien que k zèle! ?t POMquoi U fallait pouvait en être consulté, elle
"Wence, On ^ solidité des choses extérieures :
«geusementà ZeTT -*er
néSt à"''"' '°"®'cette
®®"- où la suivre ou lui désobéir :
lumière dans ifTa r avancer vers la On alors son pouvoir, quelle force
jusqu'au moment B)n prestige la rendrait vénérable ?
lumière n'est oueoùnifi-
il ir^é ''utulre,
que la ^issi présence de la loi, c'est sa
équivalent à la nuit ^ P"' dehors ^os La loi, souverainement, hante
une bougie qu'on am^ disperse comme log institutions, les conduites et
Iti Idt Ittirl ;" négbgent qu'on fasse, aussi grands
^^jà oployé sa
désordre et l'incurie,
puissance elle a
: « La maison
32

33
'' r;

I 'i

st toujours à chaque instant, dans l'état elle est toujours plus retirée ? Com-
qui lui convient Les libertés qu'on ^ent voir son invisibilité, sinon retournée
prend ne sont pas capables de l'inter- ans Tenvers du châtiment, qui n'est
après tout que la loi franchie, irritée, hors
detacbe, quon en regarde de l'extérieur c soi ? Mais si le châtiment pouvait
application; au moment où on croit provoqué par le seul arbitraire de
Po!r les 1 Jeux qui violent la loi, celle-ci serait à
l'annîLf'' ï' "f"l^r, on s contribue à
el^^l '■ Ils pourraient
^ la faire apparaître à leur lagrétoucher
; ils
dant re»°" ™/écret public »». Et cepen- j^^aient maîtres de son ombre et de sa
lumine manifestation n'il- ^tïiière. C'est pourquoi la transgression
iHoi^Tf-! <=® q"® veut entreprendre de franchir l'in-
rrJni- P que le principe ou la pres-
dXrTn"-T® ®°veloppe, et qui par
®^' là1® psoi ' essayant d'attirer la loi jusqu'à
l^ait, elle se laisse toujours attirer
les fait é V. retrait essentiel de la loi ; elle
es la n . ^ intériorité ; elle inv^^'î^v dans l'ouverture d'une
c me re, "de qui les fol/^^ ^ jamais elle ne triomphe ;
-n^iaruTr?''
nlversel et
'""""'"nie de l'u- raîtr^^i^^' entreprend de faire appa-
dè maki 1 T"'T"'" un espace l*ébl^

. 1°1 pour pouvoir la vénérer et
lumineux visage ; elle
tiplié. ' de zèle Ll- en aiblesse, P^^®
— en*îuecette
de lalégèreté
renforcer
de
"itn^llIuTiTa
^ent, comment r> kfit
■ ^P^ouver vrai-
pabi son invincible, son impal-
^ers^ ®^ostance. La loi, c'est cette ombre
à - renr vTsibTTe"
ses pouvoirs à n 'l clairement ch^Q ^^uelle nécessairement s'avance
voquait Ton ^ 7' la Pro- ^*omb^ ê®ste dans la mesure où elle est
mrajhemenu 7 De du geste qui s'avance,
lument loujourL nlnr^l " loi d'autre de l'invisibilité de la
^ rs plus loin vers le dehors dipty^ue. Dans le premier
Le Très-Haut forment
de ces romans,
I ■ I

34
35
.s.

aWré' ^ pénétré (1^ loi de la maison ou la volonté des


être corn "on sans ootes) ; on ignore même s'ils ne sont pas
interdit
fflterdus) r
semble soumise''' à une loi qu'on os pensionnaires devenus serviteurs ; ils
sont à la fois le zèle et rinsouciance,
le^r ^ P™--''é et'son ivrognerie et l'attention, le sommeil et
portes illicites
ill ". et ouvertes, par la par
rappelées erande
des inlassable activité, la figure jumelle de la
méchanceté et de la sollicitude : ce en
orîai'ssL w"® indéchiffrables ^noi se dissimulent la dissimulation et ce
étai w "T- P" ^"Pl'nnb d'un Ini la manifeste.
l^ans Le Très-Haut, c'est la loi elle-même
^^tjuelque sorte l'étage supérieur d',^mi-
®o, dans sa monotone ressemblance,
nns son exacte identité avec les autres)
^1 se manifeste en son essentielle dissi-
sœK~V'"
enfin k rési^^r ^ ^^'^"^rement,
ation. Sorge (le « souci » de la loi :
et éprouve à l'égard de la loi
ell^^ ^ l'égard de ceux auxquels
lui^!^pplique même et surtout s'ils veulent
na" ^ PP^^)' Henri Sorge est fonction-
loi enfin cnnt qui serait dan^i" l'emploie
s es bureaux à l'Hôtel
de l'état civil ;deil Ville,
n'est
profond que tnnc i ^ ore^^- infime sans doute dans cet
étrange qui fait des existences
« domestÇes rj? -très. Quant'aux
sition aux « -nf^L- ^PPO*
uelles une institution ; il est la forme
de la loi, puisqu'il transforme
maison! « de la archive. Or voilà qu'il
doivent renrés^îit' ^t serviteurs
don^'^Ti^^ tâche (mais est-ce un aban-
ne ^'y
sait,soume«rsiw'
pas '^^PP^'^ner
®dencieusement _ nul auto '■ .^ congé, qu'il prolonge, sans
'-orne eux, ce qu'ils servent ^tté certes, mais qui
® 1 administration avecluila ménage
compli-
36
37
le ange pension où Thomas a pénétré loi de la maison ou la volonté des
(attire appela, élu peut-être, mais non sans hôtes) ; on ignore même s'ils ne sont pas
interditsi 'M® soumise
franchir àtant des pensionnaires devenus serviteurs ; ils
Merdits),_ semble une de
loi seuils
qu'on Sont à la fois le zèle et l'insouciance,
absence sont sans cesse rappelées par des ivrognerie et l'attention, le sommeil et
portes Illicites et ouvertes, par la^srande inlassable activité, la figure jumelle de la
méchanceté et de la sollicitude : ce en
^uoi se dissimulent la dissimulation et ce
orLilsL'^'''"l!T indéchiffrables
ie un- P" d'un ^ui la manifeste.
Dans Le Très-Haut^ c'est la loi elle-même
l^n quelque sorte l'étage supérieur d'^dmi-
^:iZ.pLTt,>'JZz û6, dans sa monotone ressemblance,
son exacte identité avec les autres)
£;i i: manifeste en son essentielle dissi-
n ation. Sorge {le « souci » de la loi :
enHr la r' P^ff^drement, et éprouve à l'égard de la loi
ell^ > ^ de la loi à l'égard de ceux auxquels
lu'^^ ^échapper),
applique même
Henriet Sorge
surtoutests'ilsfonction-
veulent
la loi enfin c ! qui serait J^ns les: onbureaux
l'emploie à l'Hôtel de Ville,
de l'état civil ; il n'est
■i'.. irm
profond mte
i
r-
^ un oubh plus ore^^* infime sans doute dans cet
«domestiques ^eux®®' ind^^^f'^^ étrange qui fait des existences
sition aux . npn=- ■ 'i"' P®'' °PPO- Pj. ^^\d^®lles une institution ; il est la forme
de la loi, puisqu'il transforme
maison » et » «ont « de la gjj^^^mssance en archive. Or voilà qu'il
doivent représenter serviteurs tâche (mais est-ce un aban-
« ®'y souCtmf Ù' P""-^ Poppliquer
Bait, par
P mêm '''^""^"^«""ont'-'nul
oe qu'ils servent
^ut *• •^ congé, qu'il prolonge, sans
certes, mais avec la compli-
0 1 administration qui lui ménage
ir

ÏffiÏlT'.? oisiveté) ; il h sa propre disparition (ce qui est en


sens le contraire de Texistence trans-
les existen'^^ "" '~ P°"'' ^essive telle que Bouxx ou Dorte en
la mort et que onnent l'exemple); il n'est donc plus rien
celuT clâr-T'' ™ 1"' Pl"^ autre que la loi elle-même.
celu' de l'état-civil, mais ^^ais la loi ne peut répondre à cette
l'épidémiV contagieux, anonyme de provocation que par son propre retrait :
avTc dTeès^r " ">«1 °uu qu'elle se replie dans un silence plus
confus où on ™ charnier profond encore, mais parce qu'elle
qui est mpH ' malade et ^meure dans son immobilité identique.
Vi Z Th. victime, ce ^ peut bien se précipiter dans le vide
uu forteresse°°du mars uuvert ; des complots peuvent bien se
rmer, des rumeurs de sabotage se
l'humidité'qui
luteusT'Te''''''''' pandre, les incendies, les meurtres
peuvent bien prendre la place de l'ordre
abcès, des voS ®"'"tcments, des plus cérémonieux ; l'ordre de la loi
ae dis rem"r = ^ jamais été aussi souverain puisqu'il
fondent dans il? ' '^'Pa en sueur
hurlent à travers le??^' le^ "Maintenant cela même qui veut
Et pourtant lor^ f"' étouffent. ib ,^^®verser. Celui qui, contre elle, veut
PE'SSuri
d'autrui, Sorge d?vaÙr'' de
ne ordonner 1 existence
Se
^^conde ordreinstituer
police, nouveau,
un organiser
autre Etat,une
ne
foi ; il la forcTau? ? P"^ f^ors la jamais que l'accueil silencieux
eu cette place yid? m^ ™anifester complaisant de la loi.
donner; dans le S"P" d'aban- ggt ^ vrai dire ne change pas ; elle
il efface son existe Pan lequel '"tnb'eau et chacune de sespour toutes
formes au
ne sera
soustrait à l'univ °? /'ngulière et la plu
«alte ceUe-ci ?':f
' loi, il "e fi "Métamorphose de cette mort qui
perfection, il „i.i. d on enmontre la la tragédie grecque, masque
oblige ., mais la liant — avectransposé de
une mère
'ïîenaÇante et pitoyable comme Clytem-
38

39

i.
Tson
etinsidieu^' tout-puissant
-i. » t£raï;.°;~ n; EURYDICE ET LES SIRÈNES

te »rir,"->
il est a,i«i î A quartier pestiféré,
parmi les h "
nam L; à r P^^^-
niesse de la vacante la pro-
déchire le cri ]e un silence que
lui, que fait la lo^ - où est la Dès qu'on le regarde, le visage de la
1 TlOUgV/ VI
loi se détourne et rentre dans l'ombre ;
tesîT''-te'irorâ De
qu on veut entendre ses paroles, on
I I
surprend qu'un chant qui n'est rien
® plus que la mortelle promesse d'un
^l^ant futur.
'ous Lsto„V"î
«^hose imomnabie
sont la forme insaisissable
g iDterdite de la voix attirante. Elles ne
présence infnrJ j absente, tout entières que chant. Simple sillage
muette de cette nr' " l'horreur genté dans la mer, creux de la vague,
•=«te mort de nfe """'u P^ut-être ouverte parmi les rochers, plage de
la mort (1 .'t.'"' ^^Dc eur, que sont-elles, en leur être
« visqueuse mî u™® Masque de ®iuon le pur appel, le vide heureux
1® IZ
llbève geste Z
0^ 1?„®'®™ellement palpite)
1- taev; à la *^0 l'attention, de rinvitation
Plaa rien à dire que^lf.'T ' Leur musique est le contraire
®"ant je parfe Ze la loi ^D 1 eurs paroles
: nulle présence ne
immortelles scintille
; seule la
hent indéfiniment n» i 1"'
mation de ce lanô= j ®®"'® P^ela- ^élod*^^^ chant futur parcourt leur
rnutisme. ® ®® 1® dehors de n'e q^cl elles séduisent, ce
pas tellement ce qu'elles font entendre,
40
41

MJk
1 écoute, mais demeurer au pied du mât,
tram
train de
h' dire. Leur fascination ne naît pas chevilles et poings liés, vaincre tout désir
de leur chart actuel, mais de ce qu'il P^r une ruse qui se fait violence à elle-
s engage a etre. Or ce que les sirènes ^cme, souffrir toute souffrance en demeu-
promettent à Ulysse de clanter, c'est le '"ant au seuil de l'abîme attirant, et se
p^é de ses propres exploits, transformés retrouver finalement au-delà du chant,
*^cmme si on avait traversé vivant, la
Lm savons J^'^rt, mais pour la restituer dans un
dans rr* "î"® ^ieux langage second.
aS in infligés En face, la figure d'Eurydice. Appa-
c^me en Off<=^' ^^mment, elle est toute contraire, puis-
«rance du cham'm "ï"" ^''"" jin elle doit être rappelée de l'ombre par
d'autre an t.^ f promet rien ^ naélodie d'un chant capable de séduire
tl endormir la mort, puisque le héros
ce uS r,T; d'autre Ve ^ pas su résister au pouvoir d'enchan-
Man^ l^'-même. Promesse à la fois ^^ent qu'elle détient et dont elle sera
ItT Z: • Elle ment puisque c-même la plus triste victime. Et cepen-
pointeront I laisseront séduire et 9nt, elle est proche parente des Sirènes :
nrreti, les plages, ^onime celles-ci ne chantent que le futur
dit ira 1"' Mais elle chant, Eurydice ne donne à voir
que Te cC"
' ''' ^ la mort la promesse d'un visage. Orphée a
à l'infoi Pa et raconter ^len ^ pu apaiser l'aboiement des chiens
- Si,ri™ ''"ii t a ''"
;»• m
p»»»' se(Jujj.ç jgg puissances néfastes : il
l'ait dû, sur la route du retour, être
à l'entendrp \.r. u renoncer ssi enchaîné qu'Ulysse ou non moins
verser comme " le '^a- ^ Sensible que ses matelots ; en fait, il
continueiTTLe"
chanter • m, ^,1
et"d commencer à ^ en une seule personne, le héros et
récit qui ° naisse le 10^ • il adélié
été desaisisesdupropres
désir
^ "^o^rra pas, il faut être à ^erdit et il s'est
laissant s'évanouir dans l'ombre
42

43
le visage invisible, comme Ulysse a laissé
perdre dans les vagues le chant qu'il dérobe et le rend invisible : il a pu le
n a pas entendu. C'est alors que, pour Contempler en face, il a vu de ses yeux
un comme pour l'autre, la voix est 0 regard ouvert de la mort, « le plus
^rrible qu'un être vivant puisse recevoir ».
lee r^nV
récit possible de la u'est avec le salut,
merveilleuse aven- ^ c est ce regard ou plutôt le regard du
^^rrateur sur ce regard qui délivre un
c^est'l^T- P^«« absolue, extraordinaire pouvoir d'attirance ; c'est
il se „P pas de fin. Mais qui, au milieu de la nuit, fait surgir
seconde femme dans une stupéfaction
captive et lui imposera finalement
pl^^^^q^e de plâtre où on peut contem-
l'ét^ l^ce à face ce qui est vivant pour
1^ ernité ». Le regard d'Orphée a reçu
P^l®®^tice qui chantait dans la
instant U ™<»us qu'un
même ^^meni du sirènes. De même, le narrateur
laTuU bir rentrait dans dan voulu vient chercher Judith
sans lieu. a la clarté sans nom et cq ^ ^ interdit où elle est enfermée ;
attente, il la trouve sans
démem'^Xns®^'®' «'euchevêtrent profon- ^ ^ te, comme une trop proche Eurydice
^ des réct ou t'' Blanchof. Il y dans un retour im-
mort, au reear^d'^^T' L'arrêt fim ^ Mais derrière elle,
le sl-1 ^ regard l'arra vT garde et à laquelle il vient
chercher la nr^cp l. mort, va so^ naoins la déesse inflexible
ramener, imaee tente de la Ueut pnre voix « indifférente
jour, mais nVn lumière du s T' tine région vocale où
ie poènieTu.r'''''
Orphée cependant n^^°^ fPP^faître.
P^rfe r complètement de toutes
d^eUe superflues qu'elle semble privée
d'Eurydice dans le qui ■ jt^sle, mais d'une manière
mouvement qui le Wée^?^ toutes lesjustice quand elle est
fatalités négatives
44

45
r

Sn'np™-" "î"'-"à entendre,


donne SI peu en blanc » et pas
n'est-elle qui
esf da 1'"'f' réduction LE COMPAGNON

Mitél' "J" l'™'"»-


leslc» --1-

Eïès les premiers signes de l'attirance,


moment où à peine se dessine le retrait
visage désiré, où à peine se distingue
^ans le chevauchement du murmure la
lermeté de la voix solitaire, il y a comme
lïiouvement doux et violent qui fait
|titrusion dans l'intériorité, la met hors
*^6 soi en la retournant et fait surgir à
côté d'elle — ou plutôt en deçà — l'arrière
^gure d'un compagnon toujours dérobé,
^ais qui s'impose toujours avec une évi-
dence jamais inquiétée ; un double à
distance, une ressemblance qui fait front,
moment où l'intériorité est attirée hors
ds soi, un dehors creuse le lieu même où
^ intériorité a l'habitude de trouver son
J^^pli et la possibilité de son repli : une
ferme surgit — moins qu'une forme, une
®erte d'anonymat informe et têtu — qui
dépossède le sujet de son identité simple.
46
47

levide et le partage en deux figures proche, obstinée, redondante, comme une


jumelles mais non superposables, le dépos ligure en trop ; et dissimulée aussi puis
sédé de son droit immédiat à dire /e
et eleve contre son discours une parole qu'elle repousse plutôt qu'elle n'attire,
qui est indissociablement écho et déné puisqu'il faut la mettre à distance, puis-
qu on est sans cesse menacé d'être absorbé
gation. Tendre Pcreille vers la voix argen- par elle et compromis avec elle dans une
ee es sirenes se retourner vers le visage
interdit qui déjà s'est dérobé, ce u'e^t Confusion démesurée. De là que le compa
pas seulemeiit franchir la loi pour affronter gnon vaut à la fois comme une exigence
a mort ce n est pas seulement abandonner ^ laquelle on est toujours inégal et une
pesanteur dont on voudrait s'affranchir ;
c'esTsem- de l'apparence. lui, on est lié invinciblement selon une
à IW n désert amiliarité difficile à supporter et pourtant
saisie
mesure est aussi mince qu'unedistance
li^el 1 faudrait s'en approcher encore, trouver
^^cc lui un lien qui ne soit pas celte
unTlol assignable, ^ sence de lien par laquelle on est attaché
lux selon la forme sans visage de l'absence.
« sans ^e «'p-ssion Réversibilité indéfinie de cette figure.
Est-ce là d même, _ 1 d abord, le compagnon est-il un guide
li i une ré 1 et dans ce ^avoué, une loi manifeste mais invisible
PaTtirli '
e t P"°-P« de ^ciïxme loi ou ne forme-t-il qu'une masse
être l"é ht P--'' pesante, une inertie qui entrave, un som-
|Ueil qui menace d'envelopper toute vigi-
inaccessible, n'était^e"na^^t ""
ment cette nr^ ^ simple- ance ? A peine est-il entré dans la maison
l'ombre de t t "ï"' P®®®"' dans "^u 1 ont attiré un geste à demi esquissé,
u7z,f.ri~ "««M. p»""1 sourire équivoque, Thomas reçoit un
identique à celui tmit peut-être cuble étrange (est-ce lui qui, selon la
compaenon <îp -t du double, ®^guificalion du titre, est « donné par le
comble de k f l'attirance au cigneur » ?) ; son visage apparemment
4 eue se donne comme pure présence
P-isqukUe se cssé n'est que le dessin d'une figure
Clouée sur sa figure elle-même et malgré
48
' ■!
49

■•«.I
levide et le partage en deux figures proche, obstinée, redondante, comme une
jumelles mais non superposables, le dépos figure en trop ; et dissimulée aussi puis
sédé de son droit immédiat à dire Je
qu'elle repousse plutôt qu'elle n'attire,
et eleve contre son discours une parole puisqu'il faut la mettre à distance, puis-
qui est indissociablement écho et déné-
gation. Tendre Poreille vers la voix argen- qu on est sans cesse menacé d'être absorbé
par elle et compromis avec elle dans une
imerdu
mt qu, déjà retourner
s'est dérobé, ce visage
vers le n'e^st confusion démesurée. De là que le compa-
pas seulement franchir la loi pour affronter ^on vaut à la fois comme une exigence
laquelle on est toujours inégal et une
le m seulement abandonner pesanteur dont on voudrait s'affranchir ;
c'esT sfr- de l'apparence, lui, on est lié invinciblement selon une
à IW K désert amiliarité difficile à supporter et pourtant
sais me
^s mesure est aussi mince qu'unedistance
lianet 1 faudrait s'en approcher encore, trouver
avec lui un lien qui ne soit pas cette
unTloi ™ sujet assignable, a sence de lien par laquelle on est attaché
sans nêrs P®Sonnei aclon la forme sans visage de l'absence.
« saLTe S'' Réversibilité indéfinie de cette figure.
ât ce là^ r' T''I" 1® '"ême- . ^ d abord, le compagnon est-il un guide
M i que rt°', et dans ce ^uvoué, une loi manifeste mais invisible
PatVanL 't m
être mené' h
P"°"P® de
^u on pensait
Comme loi ou ne forme-t-il qu'une masse
pesante, une inertie qui entrave, un som-
hiaccessible, n'était^e"Da^^\ J^cil qui menace d'envelopper toute vigi-
ment cette nré ^ simple- ance ? A peine est-il entré dans la maison
l'ombre de tn 1 ont attiré un geste à demi esquissé,
t- «» ,rd,7 p—«• p ^ sourire équivoque, Thomas reçoit un
identique à celi ti?™"? P®"'"®'^® ouble étrange (est-ce lui qui, selon la
compagnon a ^ proche, du double. ®^gïiification du titre, est « donné par le
comble de la dis^^^' i l'attirance au cigneur » ?) ; gon visage apparemment
puisqu'elle
^ se donn^^ ^*^^" pure
donne comme • dissimulée
présence j n'est que le dessin d'une figure
^touée sur sa figure elle-même et malgré
48
49
de grossières erreurs il conserve comme
* le reflet d une beauté ancienne ». dans une nuit qui communique avec le
Connaît-il, mieux que tous, les secrets de jour éclatant, le sillage de sa visible
la maison, comme il TafErmera avanta absence.
geusement à la fin du roman, et sa niaiserie Le compagnon est aussi, d'une façon
yparente n'est-elle que l'attente muette indissociable, au plus près et au plus
e la question ? Est-il guide ou prisonnier ? loin ; dans Le Très-Haut^ il est représenté
Appartient-il aux puissances inaccessibles par Dorte, l'homme de « là-bas » ; étran
qui dominent la maison, n'est-il qu'un ger à la loi, extérieur à l'ordre de la cité,
domestique ? Il s'appelle Dont, Invisible il est la maladie à l'état sauvage, la mort
et silencieux chaque fois que Thomas parle elle-même disséminée à travers la vie ;
a des tiers, il disparaît bientôt tout à fait ; par opposition au Très-Haut, il est le
mais soudain, lorsque finalement Thomas Très-Bas ; et pourtant il est dans la plus
est en apparence entré dans la maison, obsédante des proximités ; il est familier
orsqu il croit avoir retrouvé le visage et sans retenue, prodigue de confidences,
la VOIX qu'il cherchait, lorsqu'il est traité présent d'une présence multipliée et iné
comme un domestique, Dom réapparaît, puisable ; il est l'éternel voisin ; sa toux
détenant, prétendant détenir la loi et la Iranchit les portes et les murs, son agonie
parole : Thomas a eu tort d'être de si peu retentit à travers toute la maison et, dans
de foi, de ne pas l'interroger lui qui était ce monde où suinte l'humidité, où l'eau
là pour répondre, de gaspiller son zèle nionte de partout, voilà que la chair même
à vouloir accéder aux étages supérieurs, de Dorte, sa fièvre et sa sueur traversent
Jors qu il suffisait'de se laisser descendre. la cloison et forment tache, de l'autre
W à mesure que s'étrangle la voix de côté, dans la chambre de Sorge. Lors(^ il
Thomas, Dom parle, revendiquant le droit nieurt enfin, hurlant par une dernière
de parler et de parler pour lui. Tout le transgression qu'il n'est pas mort, son cri
^gage bascule et lorsque Dom emploie passe dans la main qui l'étouffé et vibrera
.première personne, c'est le laneaee indéfiniment dans les doigts de Sorge ;
meme de Thomas qui se met à parte la chair de celui-ci, ses os, son corps
sans te, au-dessus de ce vide que laisse, seront, pour longtemps, cette mort avec
le cri qui la conteste et l'affirme.
50
51
?rv

C est sans doute dans ce mouvement par


lequel pivote le langage que se manifeste attache l'un à l'autre et pourtant ils sont
au plus juste l'essence du compagnon puissamment liés par une interrogation
obstme. Il n'est pas en effet un interlo constante (décrivez ce que vous voyez ;
cuteur privilégié, quelqu'autre sujet par écrivez-vous maintenant ?) et par le discours
ant, mais la limite sans nom contre ininterrompu qui manifeste l'impossibilité
laquelle vient buter le langage. Encore répondre. Comme si, en ce retrait, en
ce creux qui n'est peut-être rien de plus
ette limite n a-t-eUe rien de positif ; elle
est plutôt le fond démesuré vers lequel que l'érosion invincible de la personne qui
le langage ne cesse de se perdre mais parle, l'espace d'un langage neutre se
libérait ; entre le narrateur et ce compa
f'érhn
1 écho d im autreidentique
discours àdisant
soi,lacomme
même gnon indissociable qui ne l'accompagne
chose, d un même discours disant autre pas, le long de cette ligne étroite qui les
chose. « Celui qui ne m'accompagnait pas » sépare comme elle sépare le Je parlant
n a pas de nom (et il veut être main^tenu <lu II qu'il est en son être parlé, tout le
dans cet anonymat essentiel); c'est un récit se précipite, déployant un lieu sans
d sans visage et sans regard, il ne peut lieu qui est le dehors de toute parole et
de toute écriture, et qui les fait apparaître,
mêî
met aà'"]'1 ordre
7 de sa propre nuit • il s'an
qu'ï les dépossède, leur impose sa loi, mani
proche ainsi au plus p^s de ce Je qui feste dans son déroulement infini leur
parle à la première personne et dont il miroitement d'un instant, leur étincelante
disparition.
vide illimité ; et pourtant il n'a pas de
sép°ar7'C'est démesurée
sépare. C est pourquoi celui qui ditl'en
Je
tlolZ 71 p-
raccompagne pas ou nouer^ec M ™
lien assez positif pour pouvoir le mani
féster en le dénouant. Aucun pacte ne les
52
53
8

NI l'un ni l'autre

Malgré plusieurs consonnances, on est


ici fort loin de l'expérience où certains
ont coutume de se perdre pour se
retrouver. Dans le mouvement qui lui est
propre, la mystique cherche à rejoindre
—■ dût-elle passer par la nuit — la positivité
d une existence en ouvrant vers elle une
communication difficile. Et quand bien
même cette existence se conteste elle-
même, se creuse dans le travail de sa
propre négativité pour se retirer indéfi
niment dans un jour sans lumière, dans
rnie nuit sans ombre, dans une pureté
sans nom, dans ime visibilité libre de
toute figure, elle n'en est pas moins un
nbri où l'expérience peut trouver son
repos. Abri que ménage aussi bien la loi
dune Parole que l'étendue ouverte du
silence ; car selon la forme de l'expérience,
le silence est le souffle inaudible, premier,

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demesure d où peut venir tout discours intérieur, mais ici, le dehors est vide, le
mamieste, ou encore la parole est le règne secret est sans profondeur, ce qui est
qui a pouvoir de se retenir dans le suspens
a un silence. ^
répété est le vide de la répétition, cela ne
Mais ce n'est point de cela qu'il s'agit parle pas et cependant cela a toujours
dans 1 expérience du dehors. Le mouvement été dit »®. C'est bien à cet anonymat du
de 1 attirance, le retrait du compagnon langage libéré et ouvert sur sa propre
mettent à nu ce qui est avant toute parole, absence de limite que conduisent les
au-dessous de tout mutisme : le ruissel- expériences dont Blanchot fait la narration ;
lement continu du langage. Langage qui elles trouvent en cet espace murmurant
est parle par personne ; tout sujet n'y nioins leur terme que le lieu sans géo
dessine qu'un pli grammatical. Langage graphie de leur recommencement pos
qui ne se résoud dans aucun silence ; sible : ainsi la question enfin sereine,
toute mterruption ne forme qu'une tache lumineuse et directe que Thomas pose à
blanche sur cette nappe sans couture II la fin à^Aminadab au moment où toute
ouvre ^^espace neutre où nulle existence parole lui semble retirée ; le pur écla
ne peut s enraciner ; on savait bien depuis tement de la promesse vide — « main
Mallarnae que le mot est l'inexistence tenant je parle » — dans Le Très-Haut ;
manifeste de ce qu'il désigne; on sait ou encore, aux dernières pages de Celui
maintenant que l'être du langage est le Çnt ne m'accompagnait pas, l'apparition
visible effacement de celui qlf pal un sourire qui est sans visage mais que
- dire que j'entends ces paroles, ce ne porte enfin un nom silencieux ; ou le
serait pas m'expliquer l'étLgeté dange! premier contact avec les mots de l'ultérieur
reuse de mes relations avec eUes... Elfes ^commencement à la fin du Dernier
ne parlent pas, elles ne sont pas inté' Homme.
Le langage se découvre alors libéré de"|
'l'I
mitél^t^t contraire
mité, étant tout au dehors et cesans inti
qu'eUes tous les vieux mythes où s'est formée ï
désignent m'engage dans ce dehors de notre conscience des mots, du discours,
0 la littérature. Longtemps on a cru que
plus intérieur que la parole du for 0 langage maîtrisait le temps, qu'il valait
aussi bien comme lien futur dans la
56
57
parole donnée que comme mémoire et
récit ; on a cm qu'il était prophétie et s'enchanter de sa patience, ni s'appuyer
histoire ; on a cru aussi qu'en cette souve- une fois pour toutes sur le courage qui ne
rameté il avait pouvoir de faire apparaître lui a jamais fait défaut. Ce qui la recueille,
le corps visible et éternel de la vérité ; ce n'est pas la mémoire, c'est l'oubli.
on a cm que son essence était dans la Cet oubli, cependant, il ne faut le confondre
l^orme des mots ou dans le souffle qui les ni avec l'éparpillement de la distraction,
fait vibrer. Mais il n'est que rumeur ni avec le sommeil où s'endormirait la
mtorme et ruisseUement, sa force est dans vigilance ; il est fait d'une veille si éveillée,
la dissimulation ; c'est pourquoi U ne si lucide, si matinale qu'il est plutôt
feit quune seule et même chose avec congé à la nuit et pure ouverture sur un
1 érosion du temps; il est oubli sans jour qui n'est pas encore venu. En ce sens
profondeur et vide transparent de l'attente. l'oubli est extrême attention — attention
En chacun de ses mots, le langage se si extrême qu'elle efface chaque visage
mge bien vers des contenus qui lui sont singulier qui peut s'offrir à elle ; dès
préalables ; mais en son être même et qu'elle est déterminée, une forme est à
po^u qu il se retienne au plus près de la fois trop ancienne et trop nouvelle, trop
etre, il ne se déploie que dans la étrange et trop familière pour n'être pas
aussitôt récusée par la pureté de l'attente
dS^ée
irigee vers rien ; car l'objet qui viendrait et vouée par là à l'immédiat de l'oubli.
la TOmbler ne pourrait que l'effacer. Et C'est dans l'oubli que l'attente se main
^rtant elle n'est pas,\ur place, im^ tient comme une attente : attention aiguë
mobilité resignee ; eUe a l'endurance d'un à ce qui serait radicalement nouveau, sans
mouvement qui n'aurait pas de terme et lien de ressemblance et de continuité avec
quoi que ce soit (nouveauté de l'attente elle-
d'un ren™""^'" récompense
epos , elle ne s'enveloppe dans au- même tendue hors de soi et libre de tout
passe) et attention à ce qui serait le plus
moindres
profondément ancien (puisque du fond
dS
dehors. V r,' ne peut s'attendre
L attente irrémédiable
elle- d elle-même l'attente n'a pas cessé d'at
meme au terme de son propre passé, tendre).
En son être attendant et oublieux, en ce
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59
n

pouvoir de dissimulation qui efface toute


signification déterminée et l'existence même neutre — jour et nuit à la fois —, l'effort
de celui qui parle, en cette neutralité grise tardif de l'origine, l'érosion matinale de la
qui forme la cache essentielle de tout mort. L'oubli meurtrier d'Orphée, l'attente
etre et qui libère ainsi l'espace de l'image, d'Ulysse enchaîné, c'est l'être même du
le langage n'est ni la vérité ni le temps, langage.
m 1 éternité m l'homme, mais la forme Quand le langage se définissait comme
toujours défaite du dehors ; il fait commu- lieu de la vérité et lien du temps, il était
niquer, ou plutôt laisse voir dans l'éclair pour lui absolument périlleux qu'Epimé-
de leur oscillation indéfinie, l'origine et la nide le Crétois ait affirmé que tous les
mort,-leur contact d'un instant maintenu Crétois étaient menteurs : le lien de ce
dans un espace démesuré. Le pur dehors discours à lui-même le dénouait de toute
de 1 origme, si c'est bien lui que le lan- vérité possible. Mais si le langage se
pge est attentif à accueillir, le se fae dévoile comme transparence réciproque de
jamais dans une positivité immobile et l'origine et de la mort, il n'est pas une
existence qui, dans la seule affirmation
du Je parle, ne reçoive la promesse mena
lumière par l'oubli essentie[::^::" ^ çante de sa propre disparition, de sa
ue pose jamais la limite à partir de laqfellè future apparition.

mort ouvre indéfiniment sur la répétition


du commencement. Et ce qu'est L lan
gage (non pas ce qu'il veut dire, non pas
la forme par laquelle il le dit), ce qu'il
es en son etre, c'est cette voix si fine
au cϕ
au et alentour de toute chose
cœur et faiblesse
de
tout visage, qui baigne d'une même ciarté
I I
60
61
NOTES

1. Celui qui ne m*accompagnait pas, p. 125.


2. Uattente Vouhli, p. 162.
3. Aminadab, p. 235.
4. Aminadabf p. 122.
5. Le Très Haut, p. 81.
6. Cf. Vespace littéraire, pp. 174-184 ;
Le livre à venir, pp. 9-17.
7. Le moment voulu, pp. 68-69.
8. Celui qui ne m*accompagnait pas,
pp. 136-137.
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A
TABLE

1. Je mens, je parle 9
2. L'expérience du dehors 15
3. Réflexion, fiction 21
4. Etre attiré et négligent 27

5. Où est la loi, que fait la loi ? 33


6. Eurydice et les Sirènes 41
7. Le compagnon 47
8. Ni l'un ni l'autre 55
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