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Décembre 2015

Rapport à Madame La Garde des Sceaux


Ministre de la Justice

Pour une refonte


du droit des peines

Commission présidée par Bruno Cotte


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Président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
Ancien président de chambre de première instance à la Cour pénale internationale.
PRÉFACE
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« POUR UNE REFONTE
DU DROIT DES PEINES »
Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la Justice

« Pour que n’importe quelle peine ne soit pas Son travail, d’une grande technicité, révèle une expertise
un acte de violence exercé par un seul ou par plusieurs fine, une connaissance pointue des textes et de la
contre un citoyen, elle doit absolument être publique, jurisprudence française et européenne qu’elle propose
prompte, nécessaire, la moins sévère possible dans souvent de consacrer par une réforme législative, ainsi
les circonstances données, proportionnée au délit et que la prise en compte des travaux scientifiques.
déterminée par la loi », écrivait en 1765, le marquis
italien, Cesare Beccaria, dans son célèbre ouvrage Ses préconisations dénotent, et c’est un très grand
Traité des délits et des peines. Cette philosophie de mérite, un souci réel de clarification, d’harmonisation et
la peine eût un fort retentissement en France et inspira de simplification de cette matière, très complexe.
notre politique pénale.
La commission a veillé à s’inscrire dans la continuité
Mais si les lois jouent un rôle essentiel dans la des réformes engagées depuis 2012, et notamment
détermination de la peine, leur succession et leur de la loi du 15 août 2014, en prenant en compte
multiplication, - avec près d’une réforme par an en l’individualisation de la peine et la prévention de la
moyenne, depuis 1992 -, ont eu des effets négatifs. récidive, à travers des dispositions favorisant le suivi des
Lisibilité et cohérence ont été malmenées. personnes condamnées. Elle a également eu à cœur de
chercher à garantir, de manière encore plus effective,
Depuis plusieurs années, une rationalisation en matière les droits du justiciable.
de définition, d’exécution et d’application des peines
et mesures de sûreté est réclamée, à juste titre, par les La proposition de création d’un code pénitentiaire a
professionnels, la doctrine et les parlementaires. particulièrement retenu mon attention : ce code aurait
vocation à rassembler l’ensemble des dispositions
Quel est le bilan du droit des peines ? Quel est celui des relatives au service public pénitentiaire et à la prise en
mesures de sûreté, de l’exécution et de l’aménagement charge des personnes qui lui sont confiées par l’autorité
des peines ? judiciaire, à rendre plus accessibles et plus lisibles les
textes qui régissent les structures pénitentiaires, leurs
Quelles propositions de clarification et de simplification missions, leurs personnels, les droits et les obligations
du droit existant (code pénal, code de procédure pénale des personnes détenues.
et loi pénitentiaire) pourraient être faites, le cas échéant
par la création d’un code de l’exécution des peines ou C’est pourquoi, un amendement a été introduit au
d’un code des peines ? projet de loi de modernisation de la justice du XXIe
siècle permettant au Gouvernement d’adopter, par
Ce sont des questions essentielles, dont les réponses voie d’ordonnances, la partie législative du futur code
sont cruciales pour donner un sens à la peine. pénitentiaire.

Une vaste tâche fut donc confiée à la commission, Dans tous les cas, ces travaux tiendront lieu de
présidée par Bruno Cotte, dont je tiens à saluer rapport de référence. Leur diffusion et leur publication
particulièrement le travail. sont apparues comme une évidence et ils viendront
nourrir les réflexions à venir sur le droit des peines, leur
La qualité des analyses et des propositions, qui exécution et leur application.
émanent de ses travaux, est notable. Leur valeur est
d’autant plus remarquable, au regard de l’ampli
tude du champ du droit qui a été cultivé.
SOMMAIRE

Lettre de mission.................................................................................... p.7

Introduction....................................................................................... p. 11

1
chapitre
Une nouvelle codification..................................................................... p. 17

chapitre 2
La rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines.................. p.33

chapitre3
La consécration de l’individualisation
et de la juridictionnalisation au stade de l’application des peines................ p. 59

4
chapitre
Une clarification et une simplification de l’exécution des peines.................... p.77

Conclusion......................................................................................... p.91

Annexes............................................................................ document à part.

- 5-
LETTRE DE MISSION
---
lettre de mission

-8-
lettre de mission

- 9-
lettre de mission

- 10 -
INTRODUCTION
---
UN CONSTAT
introduction | un constat

La loi et, plus que toute autre, la loi pénale l’ensemble des personnels d’insertion et de probation
doit être claire, prévisible, lisible, accessible à tous. Le qui, dans le cadre de procédures de plus en plus
justiciable doit connaître ses droits, le juge doit être en complexes, se doivent de les aménager afin que la
mesure de mettre aisément en œuvre des textes qu’il peine ait un sens, que la fin de peine soit préparée et
maîtrise parfaitement et le citoyen doit comprendre les que la sortie soit, si nécessaire, accompagnée.
décisions qui sont prises en son nom. La situation des justiciables, en l’occurrence celle des
Le droit des peines satisfait-il actuellement à cette personnes condamnées, et de leurs conseils doit, elle
exigence de nature constitutionnelle ? D’évidence non. aussi, retenir l’attention car les textes régissant l’exécution
Au cours de ces dernières années et souvent à l’occasion de la peine et permettant de se préparer utilement à
de faits divers dramatiques, de nouvelles peines ont une sortie donnant à chacun les meilleures chances de
été créées, la définition de peines existantes a été réinsertion doivent être accessibles, compréhensibles
modifiée, tout comme les conditions dans lesquelles les et constituer le fil directeur d’un parcours d’exécution
peines doivent être mises à exécution ou peuvent être des peines utile et personnalisé. Elaborer des textes
aménagées. satisfaisant à cette exigence constitue l’une des
conditions d’un retour à la liberté sans risque ou avec
Les textes se sont multipliés voire superposés à un rythme le minimum de risques de récidive. C’est tout à la fois
très élevé au risque de devenir parfois redondants. Ils participer à la protection de la sécurité publique et se
sont actuellement disséminés dans le code pénal, le conformer aux objectifs que doit atteindre toute peine
code de procédure pénale dont le volume comme la privative de liberté, tels que les a énoncés le Conseil
complexité ne cessent de croître, la loi pénitentiaire constitutionnel1.
ainsi que dans des textes divers. Trouver, la disposition à Mettre fin à l’inflation des textes législatifs, retrouver
appliquer relève parfois d’un véritable jeu de pistes. La une plus grande cohérence d’ensemble, mettre à
trouver dans l’urgence constitue bien souvent un exploit. la disposition de tous les acteurs de la phase post-
La conformité de certaines dispositions aux prescriptions sentencielle des textes simples, clairs, précis, et
de la convention européenne de sauvegarde des d’application facile tout en veillant à ne pas désarmer
droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’Etat : tels sont les objectifs à atteindre, dans le souci,
à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg s’avère commun à tous les responsables, de prévenir la récidive
dans certains cas sujette à discussion. La complexité et telle est précisément la demande formulée par
d’autres textes rend par ailleurs souvent indispensable Madame la Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,
une interprétation jurisprudentielle que la Cour de dans sa lettre de mission du 31 mars 2014.
cassation, qui intervient au terme de l’exercice des
voies de recours, ne peut donner que dans des délais
se comptant en mois et parfois en années. Dans un
cas comme dans l’autre, la sécurité juridique se trouve
La lettre de mission
affectée ce qui fragilise les procédures et peut inciter à
Prenant acte de ce que cet impératif de rationalisation
différer l’application de certains textes.
du droit était appelé de leurs vœux par l’ensemble des
Un tel constat est préoccupant.
professionnels du droit et du monde pénitentiaire, les
parlementaires et la communauté universitaire, la lettre
Mais tout aussi inquiétantes – car elles découlent de
de mission invite donc tout d’abord la commission mise
ce constat - sont les conditions de plus en plus difficiles
en place le 31 mars 2014 à un travail de clarification et
dans lesquelles se trouvent contraints de travailler les
de simplification du droit existant passant éventuellement
juges des formations correctionnelles qui prononcent les
par une nouvelle codification.
peines, les magistrats des parquets et les fonctionnaires
C’est ensuite une mission d’évaluation et, le cas échéant,
de l’administration pénitentiaire qui doivent les mettre
de révision de ce même droit qu’elle lui demande
à exécution, les juges de l’application des peines et
d’accomplir en recherchant ce qui pourrait simplifier

1
Cf. : Cons. constit., 20 janv. 1994, déc. n°93-334 DC à propos de la Loi n°94-89 du 1er février 1994 instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal
et à certaines dispositions de procédure pénale, spéc. consid. n°12 : « Considérant que l’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été
conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion » :
JO 26 janv. 1994; D. 1995, somm. 340, obs. Renoux.

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introduction | un constat

l’architecture des peines et leur régime d’exécution, des échanges intervenus au cours des travaux de la
en s’efforçant de donner une meilleure lisibilité aux commission ont été encore renforcés par le concours
procédures d’aménagement de peines, en réexaminant qu’ont bien voulu lui apporter les représentants de bureaux
la cohérence et le bien fondé des mesures de sûreté et spécialisés de la direction des affaires criminelles et des
des peines, en faisant enfin le bilan de la procédure grâces, de la direction de l’administration pénitentiaire
de juridictionnalisation de l’application des peines et du service des affaires européennes et internationales
tout en s’attachant au fonctionnement des juridictions du ministère de la justice.
d’application des peines et à la procédure qu’elles
mettent en œuvre.
La méthode de travail
La composition de la commission Après avoir envisagé de procéder à un certain nombre
d’auditions, la commission y a en définitive renoncé.
La commission a bénéficié du concours de praticiens Elle a en effet constaté que les personnes qu’elle se
spécialisés dans le prononcé, l’exécution et l’application proposait d’entendre avaient, dans leur grande majorité,
des peines : un premier vice-président chargé du service toutes été récemment auditionnées soit lors des travaux
pénal d’un grand tribunal, un vice-président chargé de la Conférence de consensus sur la prévention de la
de l’application des peines, un magistrat du casier récidive dont le rapport a été remis au Premier Ministre le
judiciaire national, un magistrat chargé du service de 20 février 2013 soit au cours des travaux préparatoires
l’exécution des peines dans un parquet général, un de la loi n° 2014 - 896 du 15 août 2014 relative
magistrat du parquet spécialisé dans le droit pénal à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité
des mineurs, un avocat, la directrice d’un centre de des sanctions pénales.
détention, le directeur d’un service départemental de
prévention, d’insertion et de probation. Ces auditions portant sur des sujets proches de ceux
qu’elle avait à traiter et étant accessibles, elle a estimé
A ces différents acteurs « de terrain » se sont associés préférable de ne pas faire déplacer une nouvelle fois les
un membre du Conseil d’Etat ayant été conduit à représentants d’institutions et d’organisations qui avaient
rapporter devant la Haute Assemblée la plupart des été déjà fort sollicitées.
textes législatifs adoptés en cette matière au cours de
ces dernières années, un conseiller et un avocat général Elle a toutefois souhaité obtenir leur point de vue ou des
à la Cour de cassation, affectés l’un et l’autre à la compléments d’information portant sur ce qui relevait
Chambre criminelle, et un professeur des facultés de droit plus précisément de la lettre de mission et elle a, à cet
assurant un enseignement de droit des peines, autant de effet, privilégié le recours à la formule de contributions
personnalités étant, à des titres divers, particulièrement écrites.
au fait des questions traitées.
Un Rapporteur général, ayant antérieurement exercé Les personnes sollicitées se sont, pour la plupart,
notamment à la direction de l’administration pénitentiaire, prêtées à cet exercice et, répondant à un questionnaire
en juridiction comme juge de l’application des peines qui leur avait été transmis, ont adressé des analyses
mais aussi auprès du Contrôleur général des lieux de approfondies qui ont été examinées avec la plus grande
privation de liberté, a rejoint la commission quelques attention3. La qualité des réponses qui ont été reçues,
mois après le début de ses activités2. des observations formulées et des suggestions faites
Cette pluridisciplinarité de fonctions exercées tant doit être particulièrement soulignée. La commission s’est
en province qu’en région parisienne a favorisé, au aussi référée avec profit à différents travaux récemment
vu de l’expérience acquise par chacun, des débats réalisés, sur des sujets là encore très proches de
particulièrement ouverts, riches et surtout réalistes celui qui lui était confié4. Ainsi a-t-elle notamment pris
et concrets. L’intérêt et la qualité des discussions et connaissance des rapports parlementaires rédigés par

2
Cf. annexe n° 1 : composition de la commission.
3
Cf. annexe n° 3 : Contributions sollicitées et reçues et synthèse de ces contributions.
4
Cf. annexe n° 4 : Références bibliographiques.

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introduction | un constat

MM Etienne Blanc, Dominique Raimbourg et Sébastien émanant des trois groupes de travail. Après audition
Huygues, députés, ainsi que, pour ne citer que ceux- des rapporteurs et des débats sans concession sur les
ci, des rapports et avis émis par la Conférence de questions les plus délicates, la commission s’est montrée
consensus et la commission nationale consultative des unanime pour retenir les recommandations qu’elle
droits de l’homme ainsi que des rapports annuels et des entend faire aujourd’hui.
avis publics du Contrôleur général des lieux de privation
de liberté.
Elle a également tenu à recueillir le maximum
Les principes directeurs
d’informations sur la manière dont d’autres pays
Tout au long de ses travaux, la commission a tenu à
abordent et traitent les questions entrant dans son champ
s’assurer que l’ensemble des textes et des procédures
de compétence. A cette fin, le service des affaires
qu’elle a étudiés respectait bien les exigences de
européennes et internationales du ministère de la justice
constitutionnalité et se conformait aux prescriptions tant
lui a adressé plusieurs notes et études de droit comparé
de la Convention européenne des droits de l’homme
permettant d’évaluer et de confronter des expériences,
et des libertés fondamentales que de la jurisprudence
des procédures et des pratiques très diverses et, le cas
de la Cour. Elle a pu constater, sur ce dernier plan,
échéant, de s’en inspirer5.
que tel n’était apparemment pas le cas de certaines
La commission a souhaité disposer de données
dispositions récentes, en particulier s’agissant du respect
statistiques actualisées et fiables6 afin, là encore,
du principe du contradictoire ou des exigences posées
d’évaluer si certaines peines, en particulier parmi celles
par les articles 5 et 7 de la Convention.
qui ont été récemment introduites dans le code pénal,
étaient régulièrement prononcées ou au contraire,
Les recensements et les évaluations de textes auxquels
ne l’étaient que fort peu, dans ce dernier cas, d’en
elle a procédé, les réflexions qu’elle a conduites
comprendre les raisons, de déceler d’éventuelles
au vu, notamment, des contributions produites, les
difficultés d’application, de s’interroger sur la nécessité
échanges qui ont eu lieu et les propositions comme les
de les redéfinir voire sur l’utilité de leur maintien.
recommandations qui sont à présent formulées ont été
constamment guidés par :
Dans la mesure notamment où certaines contributions
portaient sur l’organisation et le fonctionnement de
• la volonté de s’assurer que les textes actuellement
l’administration pénitentiaire, la commission s’est
mis à la disposition de l’Institution judiciaire
demandé s’il lui appartenait d’en traiter. Après un
comme ceux qui résultent des travaux de la
échange sur ce point, il lui est apparu qu’en élargissant
commission s’inscrivent étroitement dans l’objectif
ainsi le champ de son étude, elle irait très au-delà du
d’individualisation de la peine, principe essentiel,
domaine qu’avait entendu lui fixer la lettre de mission.
défini en 1896 par le juriste Raymond Saleilles,
Elle a adopté la même attitude s’agissant de l’exécution
qui, aux termes des articles 707 du code de
des peines prononcées contre les mineurs et elle n’a
procédure pénale et 2 de la loi pénitentiaire du
donc pas abordé ce domaine.
24 novembre 2009, doit guider toute démarche
La commission s’est d’emblée divisée en groupes de
d’exécution comme d’application de peines;
travail appelés à explorer et à approfondir des thèmes
distincts. Ces groupes se sont réunis et ont également
• le souci, tout en veillant à ce que les décisions
beaucoup échangé par voie électronique.
de condamnation soient effectivement exécutées,
de recourir à l’ensemble des procédures qui, de
La commission s’est elle-même réunie à quatorze
manière diversifiée, permettent d’adapter l’exécution
reprises en séances plénières au ministère de la Justice7.
de la peine au comportement du condamné, et ce
Ces séances de travail étaient précédées par l’envoi
pour atteindre cet autre objectif prioritaire qu’est la
de documents de synthèse écrits et de propositions
prévention de la récidive;

5
Cf. annexe n° 13 : Extraits des études de droit comparé.
6
Cf. annexe n° 6 : Données statistiques.
7
Cf. annexe n° 2 : séances de travail de la commission.

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introduction | un constat

• à cette dernière fin, par la volonté de tout mettre Pour la commission, l’objectif de simplification et de
en œuvre pour que soient évitées ce que l’on clarification fixé par la lettre de mission passe donc par :
appelle communément les « sorties sèches », c’est
à dire les sorties de prison non préparées et non I. un travail de codification et de nouvelle répartition
accompagnées; entre codes existant de dispositions méritant d’être
présentées de manière plus cohérente et plus lisible
• la conviction qu’il s’impose de placer le juge au en évitant la dispersion et les répétitions;
cœur de l’ensemble de ce processus d’application
et d’aménagement de la peine; que c’est à lui, II. la suppression de dispositions poursuivant
avec l’aide de l’ensemble des services mis à de manière redondante les mêmes fins et la
sa disposition, qu’il appartient de préparer la redéfinition de certaines dispositions dans un but
libération; que, pour ce faire, il doit se conformer de rationalisation des textes applicables;
à des règles procédurales strictes mais aussi
simples et tenant compte du caractère éminemment III. l’affirmation et la traduction dans les textes de
évolutif des situations individuelles tout au long la nécessité de privilégier l’individualisation de la
d’un parcours d’exécution de peine; que ces peine et la prise en considération de la notion de
règles procédurales doivent respecter pleinement « parcours d’exécution de la peine » ce qui implique
le principe du contradictoire et garantir le double de donner son plein effet à la juridictionnalisation
degré de juridiction; de l’application des peine, de se recentrer sur le
rôle du juge de l’application des peines (« le JAP »),
• enfin par la recherche du meilleur équilibre d’unifier et de simplifier les différents dispositifs
possible entre des textes et des pratiques d’aménagement des peines;
professionnelles prenant en considération le principe
d’individualisation des peines, la légitime attention IV. la redéfinition de différentes pénalités,
que l’on doit accorder aux victimes d’infractions l’harmonisation et l’unification de procédures
pénales, l’absolue nécessité, pour l’Etat, d’être en poursuivant des objectifs de même nature, des
mesure d’assurer sa mission de protection contre transferts de compétence, la consécration de
toutes les formes d’atteintes contre les personnes solutions jurisprudentielles et l’adoption de règles
et les biens et de disposer à cette fin de textes claires pour répondre à certaines situations
adaptés. juridiques complexes, toutes mesures dictées par un
souci de simplification et de clarification du droit de
Au terme de ses travaux, la commission a considéré que l’application des peines.
ses réflexions et propositions pouvaient être regroupées
en quatre grands chapitres. Chacun de ces chapitres
part d’un constat de l’existant, expose et décline ce
que fut la démarche de la commission, énonce ses
propositions. Afin de ne pas alourdir le corps même du
rapport, ils renvoient par ailleurs largement à des annexes
auxquelles il convient de se reporter. La commission
s’est enfin abstenue, sauf quelques rares exceptions, de
rédiger elle-même les textes qui mériteraient, selon elle,
de remplacer ceux dont elle propose la suppression ou
qu’elle pense souhaitable de créer. Elle a estimé devoir
proposer un cadre qui, s’il recueille l’assentiment, sera
ensuite décliné en forme législative ou réglementaire.

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CHAPITRE 1
---
UNE NOUVELLE
CODIFICATION
8
P. Couvrat, La politique criminelle pénitentiaire à l’image de l’expérience française depuis 1945 : Rev. sc. crim. 1985, p. 231; M. Danti-Juan, Analyse critique du contenu de
la loi dite « pénitentiaire » (loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009) : Rev. pénit. 2010, p. 79; M. Giacopelli, La loi pénitentiaire : la grande désillusion... Rev. pénit. 2009,
p. 771. – M. Herzog-Evans, Deux ans de réformes législatives du droit pénitentiaire ou de l’urgence à codifier un droit « patchwork » : D. 2005, p. 679; É. Péchillon, Plaidoyer
pour une réforme concertée et dépassionnée du service public de l’exécution des peines, in V. Malabat, B. de Lamy, M. Giacopelli, La réforme du Code pénal et du Code de
procédure pénale. « Opinio doctorum » : Dalloz, 2009, p. 370; M. Tinel, Réflexions sur les apports d’une codification du droit de l’exécution des peines : Dr. pénal 2011, étude
n°23; M. Tinel, Le contentieux de l’exécution de la peine privative de liberté, thèse de doctorat, LGDJ, coll. Droit et sciences sociales – Université de Poitiers, 2012, préface L.
Leturny., spéc. p. 247 et s.
chapitre 1| une nouvelle codification

Comme l’y invitait la lettre de mission, la commission Cette solution, souvent préconisée en doctrine8,
s’est tout d’abord livrée à un recensement et à un apparaît de prime abord intellectuellement séduisante
examen attentif de l’ensemble des textes traitant du et, plus encore, comme étant un facteur de cohérence
droit des peines. Il lui est vite apparu qu’ils se trouvaient retrouvée. C’est la voie qu’ont suivi, en tout ou partie,
éparpillés entre le code pénal, le code de procédure certains pays tels que la Fédération de Russie, la Lituanie
pénale, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ou encore le Portugal ou la Pologne9.
et différents autres textes : des codes techniques tels Les personnes et organisations consultées se sont
le code de la santé publique, des lois spéciales, un toutefois divisées sur ce point et la création d’un tel code
grand nombre de textes réglementaires ou encore des semble à la réflexion présenter plus d’inconvénients que
circulaires d’application. Par voie de conséquence, les d’avantages.
références jurisprudentielles essentielles auxquelles il
s’impose de pouvoir facilement se reporter se trouvent Son périmètre est tout d’abord difficile à définir avec
elles aussi disséminées dans ces différents textes et donc précision. Une telle création risque en effet fort d’être
d’accès difficile. un facteur de complication en aggravant en réalité
l’éclatement formel de la règle de droit. Le juge devrait
Cet éparpillement, joint à l’accumulation des textes en effet se reporter au code pénal pour déterminer la
législatifs adoptés ces dernières années, nuit gravement peine encourue, au code de procédure pénale pour
à la cohérence qui devrait régner dans un secteur du connaître les conditions procédurales de son prononcé
droit pourtant bien délimité : la phase qui succède et au nouveau code de l’exécution et de l’application
au prononcé de la peine et qui comprend la mise à des peines pour déterminer de quelles modalités
exécution, l’application et l’aménagement de la peine. d’aménagement de la peine prononcée il dispose.
Cette dispersion ne permet pas non plus aux justiciables Au surplus, une scission en trois codes apparaît peu
et aux divers acteurs de la procédure appelés à judicieuse dès lors que le législateur a fait le choix, au
intervenir, souvent en urgence, au cours de cette phase cours de ces dernières années, de donner à la juridiction
d’appréhender aisément les textes à appliquer ce qui de jugement la possibilité, dès le stade du prononcé de
conduit parfois à ne pas les requérir et donc à ne pas la peine, de décider de l’aménager ab initio (article
les prononcer. 132-19 du code pénal).

Il est source d’incertitude et même d’insécurité pour les Ensuite, s’il est souhaitable de ne pas rompre l’unité
magistrats chargés de l’application des peines et les du droit de la peine, il ne faut pas non plus rompre
fonctionnaires de l’administration pénitentiaire avec celle du procès pénal qui, depuis la judiciarisation
lesquels ils collaborent en milieu fermé ou en milieu de l’application des peines, ne s’achève plus lors du
ouvert alors qu’une répartition claire et logique des prononcé du jugement sur l’action publique mais lorsque
textes auxquels se référer, outre les gains de temps la peine est exécutée ou éteinte.
qu’elle favoriserait, permettrait à chacun d’en faire
une application sereine et répondant pleinement aux Enfin, la délimitation du périmètre respectif du code
objectifs d’individualisation et de prévention de la de procédure pénale et du code de l’exécution et
récidive qui gouvernent ce stade procédural. de l’application des peines risque de soulever des
questions ne pouvant être résolues que par de nouveaux
Fallait-il, répondant également en cela à une suggestion compromis, et ce au prix de la cohérence de la matière
de la lettre de mission, envisager de regrouper toutes et sans doute de son accessibilité qui constituent pourtant
les dispositions concernées et de les ordonner dans un précisément deux objectifs à atteindre prioritairement.
nouveau code de l’exécution et de l’application des En effet, pour parvenir à une complète unification, il
peines autonome et totalement distinct des deux codes faudrait intégrer dans ce nouveau code les dispositions
précités ? relatives aux conditions et modalités du prononcé de la
peine, ce qui est loin d’aller de soi.

9
Cf. Annexe n°14 : Extraits d’études de droit comparé.

- 19-
chapitre 1| une nouvelle codification

Mais, dans le même temps, les arguments qui conduisent • dans un article préliminaire les « principes
à écarter la création d’un code de l’exécution et de directeurs » qui, aux termes des articles 707
l’application des peines autonome militent en faveur du code de procédure pénale et 3 de la loi
d’un réaménagement et même d’une restructuration pénitentiaire, dominent le droit des peines : mise à
profonde des codes existant. exécution effective des condamnations mais aussi
Pour la commission, celle-ci passe par la création d’un poursuite du triple objectif d’insertion, de réinsertion
code pénitentiaire et par d’importants mouvements de et de prévention de la récidive et recherche, chaque
transferts du code pénal vers le code de procédure fois que cela s’avère possible, d’une meilleure
pénale et de ce dernier code vers le nouveau code individualisation des peines pour favoriser un retour
pénitentiaire. progressif du condamné à la liberté;

Cette restructuration permettrait aux professionnels du • dans un Livre I., ce qui a trait à « la prise en
droit et aux justiciables de disposer de trois codes ayant charge des personnes détenues » qu’il s’agisse des
chacun sa logique et sa cohérence et regroupant, dispositions générales (Titre I.) relatives à l’écrou, à
en fonction des objectifs respectifs qu’ils poursuivent, l’encellulement individuel, la protection de la mère
l’ensemble des règles et principes qui gouvernent le et de l’enfant, les droits des personnes détenues
droit des peines selon qu’il est question de la définition mineures, l’accessibilité des établissements
des peines, de leur prononcé et des modalités de leur pénitentiaires aux personnes handicapées, des
exécution, enfin de l’organisation et du fonctionnement modalités de la détention (Titre II.) ce qui recouvre
des établissements pénitentiaires et des services qui en notamment les ordres donnés par les autorités
dépendent. judiciaires, la gestion des biens et l’entretien
des personnes détenues, la santé des personnes
détenues, leurs relations avec l’extérieur, les actions
de préparation à la réinsertion des personnes

I/
détenues, enfin la présentation des différentes
catégories de personnes détenues ou encore
ce qui a trait à l’ordre et à la discipline dans les

La création d’un code établissements pénitentiaires (Titre III.);

pénitentiaire. • dans un Livre II. Intitulé « Du service public


pénitentiaire », ce qui concerne l’organisation du
service public pénitentiaire (Titre I.), le fonctionnement
de ce service (Titre II.) en distinguant les services
Il est donc proposé la création d’un « code pénitentiaire » pénitentiaires d’insertion et de probation et les
qui figure dans une annexe10 où se trouvent reproduits établissements pénitentiaires proprement dits, enfin
son plan sommaire et ce que pourrait être son plan l’ensemble des systèmes actuels d’information (Titre
détaillé. III.);

Pour aller à l’essentiel, il est prévu qu’il rassemble • dans un Livre III., ce qui est relatif aux
l’ensemble des dispositions relatives au service public différents « contrôles exercés sur les établissements
pénitentiaire et à la prise en charge des personnes qui pénitentiaires »;
lui sont confiées par l’autorité judiciaire en présentant,
de manière ordonnée : • et, dans un Livre IV.,
les « dispositions relatives à l’Outre-Mer ».

10
Cf. annexe n°7 : Plan sommaire et plan détaillé du code pénitentiaire.

- 20 -
chapitre 1| une nouvelle codification

Ces dispositions figurent aujourd’hui pour la plupart n’est pas toujours le cas aujourd’hui en raison de leur
dans le code de procédure pénale (parties législative éparpillement dans des textes fort divers. Il constitue
et réglementaire) où leur présence ne s’impose pas. donc également, dans une large mesure, un code
Ce code n’a pas en effet pour objet, comme il le fait propre au condamné, en sa qualité « d’usager », même
pourtant actuellement, de traiter de l’organisation et du si le terme peut surprendre, d’un service public et non
fonctionnement des établissements pénitentiaires. Il lui pas le code d’un justiciable.
appartient avant tout de fixer les règles de procédure Ce nouveau code permettrait enfin d’ajuster le périmètre
encadrant la recherche, la poursuite et le jugement des exact du code de procédure pénale et, à cet égard, il
auteurs d’infractions pénales ainsi que les modalités n’est pas inutile de rappeler que le respect des textes
selon lesquelles l’autorité judiciaire peut adapter, réglementant l’organisation et le fonctionnement des
aménager ou modifier la peine à laquelle ils ont été établissements pénitentiaires relève du juge administratif
condamnés. dont le contrôle s’est avéré, ces dernières années,
D’autres sont intégrées dans différents codes ou dans particulièrement attentif.
des lois et décrets particuliers telles que, notamment, les
dispositions du code de la santé publique relatives à Sans doute pourrait-il être objecté qu’en extrayant du
l’hospitalisation des personnes détenues et aux soins en code de procédure pénale les dispositions relatives
milieu pénitentiaire, la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 au service public pénitentiaire on prend le risque de
relative au service public pénitentiaire, la loi n°94-43 distendre le lien qui doit exister entre l’autorité judiciaire
du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la et l’administration pénitentiaire. Ce risque paraît
protection sociale sur l’organisation des soins en milieu cependant devoir être relativisé car cette relation étroite
pénitentiaire, la loi n°2009-1436 du 24 novembre demeurerait affirmée, dans le code pénitentiaire, par
2009 pénitentiaire ou encore le décret n°87-604 du les dispositions relatives aux services pénitentiaires
31 juillet 1987 relatif à l’habilitation des personnes d’insertion et de probation appelés à mettre en œuvre les
auxquelles peuvent être confiées certaines fonctions dans mesures d’aménagement que décide l’autorité judiciaire
les établissements pénitentiaires, le décret n°2010-1711 ou encore par celles qui sont relatives au contrôle
du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du que cette dernière doit exercer sur les établissements
service public pénitentiaire, l’ordonnance et les décrets pénitentiaires.
relatifs au statut des personnels pénitentiaires11.
Outre l’objectif de cohérence auquel elle s’efforce
d’apporter une réponse, la création d’un code
pénitentiaire permet de souligner l’importance et la
spécificité des missions du service public pénitentiaire.
Sa valeur symbolique serait donc forte.

En rassemblant et en ordonnant les dispositions,


aujourd’hui éparses, qui y sont relatives, elle permet
aussi d’appréhender dans sa globalité – et c’est
précisément la raison d’être d’une codification – mais
également de rendre plus accessibles et plus lisibles
les textes qui régissent les structures pénitentiaires, leurs
missions, leurs personnels, les droits et obligations des
personnes détenues.
La création d’un tel code a aussi le mérite - et ce n’est
pas le moindre – de consacrer les droits des personnes
détenues dans un document à valeur législative, ce qui

11
Cf. not. Ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958 relative au statut spécial des personnels des services extérieurs de l’administration pénitentiaire ; Décret n° 66-874
du 21 novembre 1966 portant règlement d’administration publique relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire;
Décret n° 93-1114 du 21 septembre 1993 relatif au statut particulier du personnel d’insertion et de probation de l’administration pénitentiaire; Décret n° 2006-441 du
14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l’administration pénitentiaire; Décret n° 2010-1638 du 23 décembre 2010 relatif aux
emplois de directeur fonctionnel des services pénitentiaires d’insertion et de probation ; Décret n° 2010-1640 du 23 décembre 2010 portant statut particulier du corps
des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation

- 21-
chapitre 1| une nouvelle codification

II/
que les dispositions relatives à la nature, au contenu et
au quantum des peines encourues. En d’autres termes,
c’est dans le code pénal que se trouverait la définition

Les transferts du code des peines pouvant être prévues par le législateur en
répression d’une infraction. Et les modalités de leur

pénal vers le code de


prononcé, de leur application, de leur effacement ou
de leur extinction (ce que l’on pourrait appeler « la
dynamique de la peine ») figureraient dans le code de

procédure pénale. procédure pénale.

Le partage réalisé en 1994, qui affecte l’unité de


ce domaine du droit, apparaît en réalité comme un
compromis manquant quelque peu de cohérence. Il
Avant la réforme du code pénal entrée en vigueur a notamment l’inconvénient d’inutilement compliquer
au mois de mars 1994, les dispositions relatives aux l’écriture, la lecture et la compréhension des dispositions
modalités du prononcé de la peine encourue figuraient, concernées en imposant des renvois et des doublons
pour l’essentiel, dans le code de procédure pénale. Il dès lors que la juridictionnalisation de l’application des
en était ainsi, notamment, pour la dispense de peine et peines, en gagée en 2000, a profondément modifié
l’ajournement du prononcé de la peine ainsi que pour l’état du droit.
le sursis simple ou avec mise à l’épreuve. De même,
figuraient alors dans le code de procédure pénale À titre d’exemple, pour avoir aujourd’hui une vue
les dispositions relatives à l’extinction des peines et d’ensemble des mesures d’aménagement que sont
à l’effacement des condamnations, du moins celles le fractionnement, la semi-liberté et le placement à
régissant la réhabilitation et la prescription de la peine l’extérieur ou sous surveillance électronique, il faut
puisque celles qui étaient relatives à la grâce et à se reporter à la fois aux dispositions du code pénal
l’amnistie n’étaient alors pas codifiées. – applicables lorsque ces mesures sont décidées par
la juridiction de jugement12 – et à celles du code de
Lors de la réforme du code pénal, le parti a été pris procédure pénale13 – applicables lorsqu’elles le sont
d’insérer - et donc de transférer - dans ce code les par la juridiction de l’application des peines. Il s’agit
dispositions relatives au prononcé des peines (articles pourtant des mêmes aménagements, lesquels sont en
132-17 à 132-22), aux modes de personnalisation outre susceptibles de réaménagements.
des peines (articles 132-24 à 132-70) ainsi que les De même, c’est dans le code pénal que l’on trouve
dispositions relatives à l’extinction des peines et à les dispositions relatives au prononcé du sursis avec
l’effacement des condamnations (articles 133-1 à 133- mise à l’épreuve et à sa révocation par la juridiction de
17). Dans le code de procédure pénale n’avaient alors jugement14; et c’est dans le code de procédure pénale
été conservées que les dispositions relatives à l’exécution que figurent celles qui sont relatives à l’exécution de
et à l’application des peines ce qui recouvrait ce que cette mesure ainsi qu’à sa modification et sa révocation
l’on appelle communément le « post-sentenciel ». par la juridiction de l’application des peines15.
Une réunification est donc indispensable et c’est en
La commission considère qu’il y a lieu aujourd’hui de direction du code de procédure pénale qu’elle semble
revenir sur ces choix et elle propose de transférer du s’imposer.
code pénal vers le code de procédure pénale la totalité
des dispositions relatives aux modalités du prononcé En premier lieu, l’aménagement des peines relève en effet
des peines et à leur extinction ou effacement. Une fois avant tout d’un processus judiciaire, d’une dynamique.
ce transfert opéré, ne demeureraient dans le code pénal Règles de fond et règles de forme se mêlent, il est vrai,

12
Articles 132-25 à 132-28 du code pénal.
13
Articles 723 à 723-13-1 du code de procédure pénale.
14
Articles 132-29 à 132-57 du code pénal.
15
Articles. 734 à 747-2 du code de procédure pénale.

- 22 -
chapitre 1| une nouvelle codification

III/
très étroitement dans le droit de l’application des peines.
Mais ce dernier procède du principe d’individualisation
et de personnalisation de la peine qui donne au juge,
qu’il soit de jugement ou d’application des peines, un
rôle central. La restructuration des
Par ailleurs, les dispositions relatives au prononcé du
jugement se trouvant nécessairement dans le code de
dispositions du code
procédure pénale où elles sont aisément accessibles, il
paraît souhaitable que l’on puisse y trouver également pénal et du code de
facilement les modalités selon lesquelles le jugement
prononcé pourra être ultérieurement modifié ou procédure pénale
relatives aux peines
aménagé, étant rappelé qu’il existe une continuité
entre les phases sentencielles et post-sentencielles, voire
une imbrication qu’illustre l’article 474 du code de
procédure pénale16.
À défaut de pouvoir proposer une refonte d’ensemble –
Enfin, à quelque stade que se situe l’intervention pourtant tellement souhaitable – d’un code de procédure
judiciaire, elle demeure soumise à un certain nombre de pénale soumis, depuis une trentaine d’années, à
règles et de principes tendant à encadrer les pouvoirs d’incessantes modifications qui le rendent de moins en
du juge, à assurer son impartialité et à garantir l’équité moins lisible17, la commission recommande donc, a
du procès. Dès lors, rien ne justifie de cultiver à cet minima, une restructuration des dispositions relatives au
égard une spécificité de l’application des peines. prononcé, à l’exécution et à l’application des peines.
Elle passe, cela vient d’être dit, par des transferts
Sans doute l’argumentation qui précède vaut-elle s’opérant en direction du nouveau code pénitentiaire
essentiellement pour les dispositions relatives à et, en sens inverse, par l’insertion de dispositions venant
l’aménagement des peines. Mais le transfert dans le du code pénal.
code de procédure pénale des dispositions relatives
à l’extinction des peines et à l’effacement des La commission propose dès lors de distinguer entre :
condamnations paraît tout aussi justifié. Tout d’abord • les dispositions relatives aux peines encourues
parce qu’elles apparaissent intimement liées à des qui seraient seules maintenues dans le titre III du
dispositions figurant déjà dans ce code telles que celles livre I du Code pénal;
qui ont trait au relèvement judiciaire (articles 702-1 et • celles relatives au prononcé de la peine qui
703 du code de procédure pénale), à la réhabilitation seraient incluses dans un titre V ajouté au livre II du
judiciaire (article 782 et squ…du même code) et, code de procédure pénale;
surtout, au casier judiciaire dont la place ne peut être • celles relatives à l’exécution et à l’application des
que dans le code de procédure pénale. Ensuite, parce peines qui figureraient, à la suite des précédentes,
qu’elles sont le prolongement nécessaire de celles qui dans un livre III nouveau du même code.
sont relatives à l’exécution et à l’application des peines Le plan proposé pour chacune de ces trois parties figure
puisqu’elles marquent le terme du processus judiciaire. en annexe18.

16
Article 474 du code de procédure pénale. « En cas de condamnation d’une personne non incarcérée à une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à deux ans ou
pour laquelle la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à deux ans, il est remis au condamné qui est présent à l’issue de l’audience un avis de convocation
à comparaître, dans un délai qui ne saurait excéder trente jours, devant le juge de l’application des peines en vue de déterminer les modalités d’exécution de la peine. Le
condamné est également avisé qu’il est convoqué aux mêmes fins devant le service pénitentiaire d’insertion et de probation dans un délai qui ne saurait être supérieur à
quarante-cinq jours. Les durées de deux ans prévues par le présent alinéa sont réduites à un an si le condamné est en état de récidive légale. Le présent alinéa est applicable
au condamné exécutant une peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique. L’avis de convocation devant
le juge de l’application des peines précise que, sauf exercice par le condamné des voies de recours, la peine prononcée contre lui sera mise à exécution en établissement
pénitentiaire s’il ne se présente pas, sans excuse légitime, devant ce magistrat. Les dispositions du premier alinéa sont également applicables lorsque la personne est condamnée
à une contrainte pénale, à une peine d’emprisonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve, à une peine d’emprisonnement avec sursis assortie de l’obligation d’accomplir
un travail d’intérêt général ou bien à une peine de travail d’intérêt général. Toutefois, dans ces hypothèses, le condamné n’est convoqué que devant le service pénitentiaire
d’insertion et de probation qui se trouve ainsi saisi de la mesure ».
17
Cf. annexe n° 5 : Tableau récapitulatif des lois relatives à l’exécution et à l’application des peines (1992 – 2015).
18
Cf. annexe n° 8 : Restructuration des dispositions du code pénal et du code de procédure pénale relatives aux peines.

- 23-
chapitre 1| une nouvelle codification

La commission n’a pas eu l’ambition, en élaborant cette par les dispositions définissant le but et les fonctions
proposition, de redresser toutes les imperfections des de la peine. S’y trouvent ensuite proclamés le
textes actuels ou d’en combler toutes les lacunes. Elle principe d’exclusion des peines automatiques et, en
a seulement souhaité donner une vue plus précise du termes généraux, le principe d’individualisation de
nouvel ordonnancement envisagé et mettre en évidence la peine tant lors de son prononcé que lors de son
la clarification pouvant en être attendue. exécution, ce principe étant développé dans les parties
correspondantes du code de procédure pénale.
De manière générale, elle s’est efforcée, chaque fois
que cela était possible, de rationaliser et de simplifier Dans le chapitre II consacré à la “Nature des peines” se
la présentation des textes en évitant les redondances trouvent rassemblées les dispositions relatives à l’échelle
accompagnées parfois de variations injustifiées. A cette des peines et aux classifications fondamentales. Elles
fin, elle a dégagé des principes directeurs et, chaque sont organisées, comme aujourd’hui, autour de la
fois que cela était possible, identifié des dispositions distinction entre les peines encourues par les personnes
communes. Elle a par ailleurs veillé, dans un souci de physiques et celles encourues par les personnes morales.
clarté, à ce que les intitulés fassent nettement apparaître S’agissant des personnes physiques, les dispositions
le contenu des différentes parties et à ce que l’articulation nouvelles distinguent entre les peines principales et
de celles-ci entre elles rende immédiatement lisible le complémentaires.
processus d’exécution et d’application des peines. Les peines principales - celles qui confèrent sa qualification,
criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle à
l’infraction - sont énumérées de manière limitative pour
A. Restructuration des dispositions chacune des trois catégories d’infractions, toute autre
peine étant complémentaire. Est ainsi dissipé un certain
relatives aux peines encourues flou entretenu par les textes actuels sur cette distinction
essentielle. En outre, s’agissant des peines principales,
(titre III du livre I du code pénal) la commission s’est attachée à établir, notamment pour
les délits, une échelle cohérente se substituant à la
La commission propose d’alléger considérablement le nomenclature hétérogène constituée au fil des réformes.
titre III du livre I du code pénal consacré aux peines. Sont par ailleurs mises en évidence les dispositions
Seules continuent à y figurer, comme cela a été prévoyant la possibilité de prononcer certaines peines
indiqué, les dispositions relatives à la définition de la alors même qu’elles ne seraient pas spécialement
peine encourue qui constituent en définitive la grille de prévues par la loi qui réprime l’infraction. Les
lecture des textes de droit pénal spécial19. Refondu, le dispositions correspondantes à ces « peines encourues
titre III s’articule autour de quatre chapitres consacrés de droit » sont peu apparentes et d’une lecture malaisée
respectivement : dans le code actuel. Il s’agit, d’une part, de celles
1. aux Principes directeurs; prévoyant que certaines peines complémentaires sont
2. à la Nature des peines; systématiquement encourues - en l’état, la confiscation
3. au Contenu des peines; et le suivi socio-judiciaire qui deviendrait le suivi socio-
4. aux Causes d’aggravation, de diminution ou judiciaire probatoire20 - et, d’autre part, de celles
d’exemption de peine. instituant des peines dites de substitution ou alternatives
pouvant toujours être prononcées en remplacement de
Le plan et la répartition des dispositions entre les l’emprisonnement ou de l’amende.
différentes divisions ont été conçus de manière à faire Enfin, dans un souci de clarté, la commission a fait le
apparaître plus nettement les notions et les distinctions choix de maintenir dans le code pénal, en les rendant
qui paraissent fondamentales. également plus apparentes, les dispositions - se rattachant
Le chapitre Ier relatif aux Principes directeurs s’ouvre à la fois à la question de la peine encourue et à celle

19
Sont “versées” dans le code de procédure pénale les dispositions générales relatives à l’individualisation de la peine, aux peines pouvant être, selon le cas, prononcées ou
exécutées, en cas de concours ou de réitération d’infractions, à la période de sûreté, à la semi-liberté et au placement extérieur qui se rattachent selon le cas, au prononcé
et à l’application des peines au fractionnement des peines, au sursis, à la dispense de peine et à l’ajournement dans ses différentes variante, à l’extinction des peines et à
l’effacement des condamnations : prescription, grâce, amnistie, réhabilitation.
20
Cf. infra p. 76.

- 24 -
chapitre 1| une nouvelle codification

du prononcé de la peine - qui permettent à la juridiction • les peines privatives ou restrictives de droit
de déterminer la peine d’emprisonnement ou d’amende (interdiction des droits civiques, civils et de famille,
susceptible d’être mise à exécution en cas de non- interdiction d’exercer une activité professionnelle ou
respect de la peine qu’elle prononce en remplacement sociale, exclusion des marchés publics, suspension
de l’une ou de l’autre. Comme aujourd’hui, il s’agit du permis de conduire, interdiction de détenir un
de prévoir la sanction du non-respect d’une peine de animal);
substitution ou d’une peine complémentaire prononcée • enfin, les peines de publicité.
à titre principal. Sont ensuite envisagées certaines peines spécialement
S’agissant des personnes morales, la distinction entre applicables aux personnes morales : dissolution,
peines principales et complémentaires n’a pas cours, placement sous surveillance judiciaire24 et interdiction
la qualification de l’infraction étant celle déterminée par de négocier des titres.
la peine encourue par les personnes physiques. Aussi
le plan proposé est-il plus simple et très proche du plan Enfin, dans le chapitre IV sont présentées de façon
actuel. Il distingue entre les peines toujours encourues ordonnée, d’une part, les causes légales d’aggravation
(amende et confiscation) et les autres peines. de la peine encourue et, d’autre part, les causes légales
de diminution ou d’exemption. La diminution judiciaire
Dans le chapitre III consacré au Contenu des peines de la peine est bien entendu traitée dans le code de
sont définies, chaque fois que cela s’avère nécessaire, procédure pénale.
les peines pouvant être encourues à titre principal ou Au sein des causes d’aggravation, il est distingué entre
complémentaire. La commission s’est livrée ici à un les circonstances aggravantes générales que constituent
effort de remise en ordre de dispositions peu lisibles la récidive ou l’utilisation d’un moyen de cryptologie
en regroupant les peines selon leur objet. Sont ainsi et les circonstances aggravantes spéciales qui ne sont
successivement présentées : encourues que si la loi réprimant l’infraction les prévoit
• les peines privatives de liberté que sont, d’une expressément.
part, la réclusion criminelle, la détention criminelle Les causes d’exemption ou de diminution de peines sont
et l’emprisonnement et, d’autre part, le placement celles dont bénéficient les “repentis” et les personnes
sous surveillance électronique, qui, dans la dont le discernement est altéré.
nouvelle échelle des peines proposée au chapitre
I, est consacré comme peine principale en matière
correctionnelle21; B. Restructuration des dispositions
• les peines de probation (contrainte pénale,
suivi socio-judiciaire tel qu’entend le modifier la relatives au prononcé de la peine
commission22);
• les peines portant restriction à la liberté d’aller et (titre V du livre II du Code de procédure
venir (interdiction du territoire français, interdiction
de séjour, interdiction de paraître en certains lieux pénale)
et de fréquenter certaines personnes);
• les peines patrimoniales (amende, jours-amende,
interdiction d’émettre des chèques et d’utiliser Les dispositions relatives au prononcé de la peine figurent
des cartes de paiement, confiscation, fermeture actuellement pour l’essentiel dans le chapitre II du titre III
d’établissement); du livre I du code pénal. La Commission propose de les
• les peines portant obligation de faire (travail introduire dans le livre II du code de procédure pénale
d’intérêt général, stages divers dont le régime est intitulé «Des juridictions de jugement », qui s’intitulerait
unifié23); désormais « Du jugement ».

21
Voir infra page 69.
22
Voir infra page 76.
23
Voir infra pages 59 et 60.
24
Il s’agit de la surveillance, par un mandataire de justice, de l’activité de la personne morale à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise
(articles 131-39-3 et 131-46 du code pénal)

- 25-
chapitre 1| une nouvelle codification

Elles ont été placées sous un titre V, ajouté à ce livre. Ce et à l’Ajournement du prononcé de la peine reprend les
titre comporte les six chapitres suivants : dispositions correspondantes du code pénal dans une
1. Principes directeurs; présentation plus claire.
2. Du choix de la peine; Dans le quatrième chapitre consacré aux Modalités
3. De la dispense de peine et de l’ajournement du d’individualisation de la peine, la commission propose
prononcé de la peine tout d’abord de rappeler la possibilité pour la juridiction
4. Des modalités d’individualisation de la peine; de diminuer le quantum de la peine, cette prérogative
5. Du prononcé des peines en cas de concours élémentaire n’étant actuellement prévue par aucune
d’infraction; disposition de portée générale.
6. Des décisions relatives aux effets de la Sont ensuite évoquées la possibilité de décider un
condamnation et à sa mise à exécution. sursis ou un aménagement de l’exécution de la peine
(fractionnement, semi-liberté ou placement à l’extérieur)
La Commission s’est attachée à ce que les juridictions, et, à l’inverse, celle de décider une période de sûreté
les justiciables et leurs avocats puissent, en consultant faisant obstacle à ces aménagements.
les dispositions correspondantes, connaître l’ensemble
des règles encadrant le prononcé de la peine. La présentation de ce chapitre se trouve simplifiée par
le double choix de la commission de supprimer le sursis
Le premier chapitre consacré aux Principes directeurs avec mise à l’épreuve, auquel il convient d’assimiler
permet de compléter et d’assurer la visibilité d’un certain le sursis assorti d’un travail d’intérêt général, auxquels
nombre de dispositions fondamentales actuellement se substituent la contrainte pénale25 et le suivi socio-
dispersées et souvent fondues dans la masse : principes judiciaire26, tels qu’elle envisage de les modifier, et
de légalité des peines en rappel de l’article 111-3 du d’ériger le placement sous surveillance électronique
code pénal, de nécessité et de proportionnalité des en peine27, faisant de lui non plus une simple modalité
peines, d’individualisation des peines au stade du d’exécution de la peine d’emprisonnement mais une
prononcé, de subsidiarité de la peine d’emprisonnement peine principale pouvant être prononcée, en application
ou encore prérogatives et devoirs généraux de la des dispositions relatives aux peines de substitution
juridiction s’agissant des investigations en vue du figurant dans le code pénal, en remplacement de
prononcé de la peine et de l’information du condamné. l’emprisonnement encouru.

Dans le deuxième chapitre relatif au Choix de la peine, Le cinquième chapitre comprend les dispositions
est tout d’abord affirmé la très grande latitude laissée aux relatives au Prononcé de la peine en cas de concours
juridictions, celle-ci connaissant toutefois, notamment en d’infractions. Est tout d’abord envisagé, après que la
matière criminelle, quelques restrictions récapitulées à définition du concours d’infractions a été donnée, le cas
cet endroit. L’exigence de motivation spéciale des peines se présentant le plus fréquemment devant la juridiction
d’emprisonnement, dont la méconnaissance demeure de jugement lors du prononcé de la peine : celui où la
la cause de trop nombreuses cassations, fait ensuite poursuite dont elle est saisie porte sur plusieurs infractions,
l’objet d’une section spécifique. Sous la section suivante nécessairement en concours. La règle est alors celle du
sont réunies des dispositions, relativement nombreuses non-cumul des peines sous certaines exceptions. Il se
et aujourd’hui éparses, prévoyant l’accomplissement peut toutefois également que la personne poursuivie
de certaines formalités lors du prononcé des peines, ait commis une infraction en concours ayant fait l’objet
soit que le législateur impose de recueillir l’accord du d’une poursuite distincte. Est indiquée la faculté offerte
prévenu soit qu’il impose de l’informer ou de l’avertir alors à la juridiction d’ordonner la confusion de la
des conséquences de la condamnation prononcée peine qu’elle prononce avec celle qui a été prononcée
contre lui. à l’issue de l’autre poursuite. Pour autant, n’est pas traité
Le troisième chapitre consacré à la Dispense de peine l’ensemble de la question de l’exécution des peines

25
Voir infra page 73.
26
Voir infra page 76.
27
Voir infra page 69.

- 26 -
chapitre 1| une nouvelle codification

prononcées pour des infractions en concours ayant fait Une refonte d’ampleur s’imposait donc.
l’objet de poursuites séparées, cette question intéressant Le choix a été fait – et c’est ce que propose la commission
l’exécution des peines et se rattachant donc au livre III – d’introduire les dispositions correspondantes dans
du code de procédure pénale. le livre III du code de procédure pénale, les actuels
Dans un sixième chapitre, qui constitue en quelque livres III à VI devenant respectivement les livres IV à
sorte une transition avec les dispositions de ce livre, VII28. Deux raisons justifient cette inversion de l’ordre de
sont rassemblées les Dispositions relatives aux décisions présentation.
que la juridiction de jugement est susceptible de D’abord, elle permet de mettre en évidence la continuité
prendre en même temps qu’elle prononce la peine et du processus pénal : le livre III relatif à l’exécution et à
qui affectent les effets de la condamnation et sa mise l’application des peines venant dans le prolongement
à exécution. Il s’agit en premier lieu, du relèvement immédiat des dispositions relatives au prononcé de la
des interdictions déchéances ou incapacités et de la peine qui ferment le livre II, selon le nouveau plan.
dispense d’inscription au casier judiciaire, en deuxième Ensuite, cette inversion est une manière de tirer les
lieu du prononcé de la solidarité pour le paiement des conséquences de la juridictionnalisation de l’application
amendes et de la décision sur l’exécution provisoire et des peines. Le choix de placer les dispositions
enfin de la décision sur les mesures de sûreté contre les correspondantes à la suite de celles relatives au
personnes ou les biens. jugement et avant celles relatives aux voies de recours
extraordinaires - qui figurent dans l’actuel livre III appelé
à devenir le livre IV - marque qu’elles ne se situent pas
à la périphérie de la procédure pénale mais qu’elle en
C. Restructuration des dispositions sont partie intégrante.

relatives à l’exécution et à l’application Selon la proposition, le livre V, devenu VI, après


transfert d’une partie de ses dispositions dans le code
des peines (livre III du Code de pénitentiaire et d’une autre dans le nouveau livre III du
code de procédure pénale, ne contiendrait plus que
procédure pénale) les dispositions relatives au casier judiciaire et celles,
étroitement liées à celles-ci, relatives à la réhabilitation,
sa dénomination, étant en conséquence modifiée pour
Après avoir mis en ordre, respectivement dans le titre III en refléter le contenu.
du livre I du code pénal et dans un titre V du livre II du Sous le bénéfice de ces indications générales, la nouvelle
code de procédure pénale, les dispositions relatives, structuration proposée appelle quelques précisions.
d’une part, aux peines encourues et, d’autre part, au
prononcé de la peine, il restait à la commission à Le livre III nouveau, intitulé « De l’exécution et de
restructurer les dispositions relatives à l’exécution et à l’application des peines » s’ouvre sur un chapitre
l’application des peines. préliminaire consacré aux Principes directeurs :
individualisation des peines au stade de l’exécution,
Actuellement, ces dispositions, dont la compréhension effectivité et célérité de la mise à exécution des peines,
est particulièrement malaisée, figurent presque toutes personnalité des peines, garantie des droits et de la
dans le livre V du code de procédure pénale intitulé sécurité des victimes et, s’agissant plus spécialement
« Des procédures d’exécution » composé de treize des peines privatives de liberté, adaptation des régimes
titres traitant de sujets disparates et d’importance très d’exécution et progressivité du retour à la liberté.
inégale. Le désordre qui règne dans ce livre tient pour Pour la suite de ce livre, la commission a conçu un
l’essentiel à ce que les réformes s’y sont accumulées en plan qui ne s’articule pas principalement autour de la
strates successives au cours de ces dernières années. distinction entre exécution et application des peines. Elle

28
Livres actuels : livre I : de la conduite de la politique pénale, de l’exercice de l’action publique et de l’instruction; livre II : des juridictions de jugement ; livre III : des voies
de recours extraordinaires; livre IV : de quelques procédures particulières; livre V : des procédures d’exécution; livre VI : dispositions relatives à l’outre-mer.

- 27-
chapitre 1| une nouvelle codification

a, dans un souci de clarté, souhaité mettre au contraire infra29, par un juge délégué à l’exécution ou, pour
en évidence la continuité du processus post-sentenciel certains, par le tribunal correctionnel statuant en matière
en faisant le lien entre l’une et l’autre. En revanche, d’exécution, selon une procédure unifiée. Ainsi, sans
il lui est apparu indispensable de distinguer selon la prétendre à l’exhaustivité, les demandes de relèvement,
nature des peines en faisant un sort à part aux peines de confusion, d’imputation, de dispense d’inscription au
d’emprisonnement et de réclusion criminelle (auxquelles casier devraient ressortir à ces juridictions.
il convient bien entendu d’assimiler la peine de détention De même, s’agissant des juridictions de l’application des
criminelle) en raison tant des enjeux attachés à leur mise peines, la commission a fixé des règles procédurales
en œuvre que de la complexité des règles qui régissent appelées à s’appliquer dans tous les cas de saisine dès
leur exécution et leur application. Les dispositions du lors qu’il n’y est pas expressément dérogé. Ce cadre
livre III s’organisent ainsi autour de cinq titres consacrés n’a rien de rigide. Est en effet ouverte la possibilité de
respectivement : suivre devant le juge de l’application des peines, dans
1. aux Dispositions générales; les cas prévus par la loi, une procédure dite « simplifiée »
2. à l’Exécution et à l’application des peines permettant au juge de statuer par ordonnance sans débat
d’emprisonnement et de réclusion criminelle; contradictoire préalable. Cette procédure simplifiée
3. à l’Exécution et à l’application des peines autres connaît des modalités particulières de mise en œuvre,
que l’emprisonnement et la réclusion criminelle; prévues par le titre II pour l’aménagement des peines
4. à l’Exécution et à l’aménagement des décisions d’emprisonnement et de réclusion criminelle, l’avis de
portant sursis ou ajournement; la commission de l’application des peines étant alors
5. aux Aspects internationaux de l’exécution et de requis.
l’aménagement des peines.
Le cadre institutionnel étant ainsi dressé, le sous-titre II
Dans le titre I relatif aux Dispositions générales est du titre I fixe les Règles générales de fond relatives à
dressé, en deux sous-titres, un cadre général cohérent la mise à exécution des peines, dispersion et lacunes
qui fait défaut aujourd’hui. étant, là encore, la marque des textes actuels. Sont
Le sous-titre I, consacré aux juridictions et aux autorités traités successivement, en quatre chapitres :
compétentes en matière d’exécution et d’application des 1. les Conditions de mise à exécution des peines;
peines, et donc aux acteurs, est divisé en trois chapitres 2. le Relèvement des peines et des interdictions,
relatifs respectivement : déchéances ou incapacités, y compris lorsqu’il
1. aux Autorités et services chargés de la mise à résulte d’une dispense d’inscription au casier
exécution des peines : ministère public, autorités judiciaire;
administratives, dont les services de la direction du 3. la Question de l’exécution de plusieurs peines
Trésor ou l’Agence de gestion et de recouvrement résultant de condamnations séparées;
des avoirs saisis et confisqués (« l’AGRASC »), 4. celle de la Reconnaissance de l’identité des
bureau de l’exécution des peines et enfin services individus condamnés (voir, aujourd’hui, les articles
de police et unités de gendarmerie; 748 et 778 du code de procédure pénale).
2. au Jugement des incidents d’exécution;
3. aux Juridictions compétentes en matière d’appli- L’intitulé des chapitres 2 et 4 se suffisent à eux-mêmes.
cation des peines. Le chapitre 1 relatif aux Conditions de mise à exécution
Il est ainsi mis fin à l’éclatement des règles procédurales est appelé à rassembler, d’une part, la définition
qui prévaut aujourd’hui. des condamnations pouvant être mises à exécution
Les incidents d’exécution, qui sont traités dans le (exigence de principe d’une condamnation définitive,
code actuel selon des modalités variables et relèvent notion de caractère définitif, conditions de l’exécution
de plusieurs juridictions, seront examinés, selon la provisoire...) et, d’autre part, la détermination des
proposition de la commission qui développe ce point obstacles à la mise à exécution (décès de la personne

29
Voir infra pages 130 et squ…

- 28 -
chapitre 1| une nouvelle codification

physique ou dissolution de la personne morale, effet une décision judiciaire.


prescription, amnistie et grâce), cette seconde question Le chapitre 2 consacré aux Mesures d’aménagement
étant traitée aujourd’hui, en quasi-totalité, dans le code rassemble les dispositions relatives aux réductions de
pénal. peines, à la suspension et au fractionnement de la
Les dispositions du chapitre 3 relatives à l’Exécution peine, à la semi-liberté et au placement à l’extérieur,
des peines résultant de condamnations séparées au placement sous surveillance électronique30, à la
figurent également aujourd’hui dans le code pénal. libération conditionnelle ainsi qu’au placement sous
Il s’agit de déterminer de quelle manière s’exécutent surveillance judiciaire tel qu’il a été rénové par la
des condamnations multiples prononcées pour des commission31. Pour une part, ces dispositions se situent
infractions en concours ou réitérées étant rappelé qu’il est dans le prolongement de celles du livre II relatives à la
proposé d’insérer dans le livre II du code de procédure possibilité pour la juridiction de jugement de prononcer
pénale (voir le chapitre 5 du titre V) les dispositions du elle-même certaines de ces mesures d’aménagement.
code pénal relatives au prononcé des peines pour des Faisant application de la méthode suivie tout au long
infractions en concours en cas de poursuite unique. de l’élaboration du plan, la commission a fait précéder
Ce démembrement des dispositions du code pénal les dispositions relatives à chacune de ces mesures de
est cohérent, seule la première situation soulevant des Dispositions communes.
questions d’exécution, résolues, en cas d’infractions en
concours, par la règle de la réduction au maximum légal Y sont précisés tout d’abord certains éléments relatifs
et la possibilité, au stade de l’exécution comme à celui à la procédure applicable tels, notamment, les cas de
du prononcé, d’ordonner la confusion, dont les autorités mise en œuvre de la procédure simplifiée définie au
chargées de l’exécution doivent tirer les conséquences. titre I avec l’obligation de solliciter alors l’avis de la
commission de l’application des peines.
Dans le titre II relatif à l’Exécution et à l’application des Y figurent également les dispositions relatives à la
peines d’emprisonnement et de réclusion criminelle sont « libération sous contrainte ». Sous cette dénomination,
énoncées en trois chapitres les règles régissant : les dispositions actuelles traitent de l’obligation faite
1. l’Exécution de ces peines; aux juridictions de l’application des peines de statuer,
2. leur Aménagement; à un certain stade de l’exécution de la peine, sur
3. leur Conversion. l’octroi d’une mesure de faveur. Il s’agit donc bien de
dispositions de nature procédurale et non, contrairement
Sous le chapitre 1 consacré à l’Exécution des peines à ce que pourrait laisser supposer leur dénomination
d’emprisonnement ou de réclusion criminelle est tout – abandonnée par la commission en raison de son
d’abord exposé le processus de leur mise à exécution ambiguïté - de dispositions instituant une mesure
avec, notamment, l’obligation préalable de saisir d’aménagement spécifique.
dans certains cas le juge de l’application des peines, Au-delà de ces dispositions de procédure, figurent
obligation actuellement prévue par les articles 474 et également au nombre des dispositions communes,
723-15 et squ... du code de procédure pénale sous la les règles relatives aux modalités générales d’octroi
dénomination, appliquée par la commission à d’autres des mesures d‘aménagement, au contrôle, à la
dispositions, de « procédure simplifiée». modification et au retrait de ces mesures, à l’arrestation
Sont ensuite précisés les modes de computation de la et à l’incarcération provisoire du bénéficiaire qui ne
peine à exécuter et ses conditions d’exécution. Sur ce respecterait pas ses obligations et enfin, à l’obstacle à
dernier point, il est renvoyé au code pénitentiaire sauf leur mise en œuvre que constitue la période de sûreté
pour ce qui concerne les autorisations de sortie sous dont le relèvement demeure bien entendu possible.
escorte et les permissions de sortir. Ces deux mesures Dans le chapitre 3 sont réunies les Dispositions relatives à
qui, sans s’analyser en des aménagements de la peine, la conversion des peines d’emprisonnement en contrainte
emportent un retour ponctuel à la liberté, supposent en pénale, en travail d’intérêt général, en jours-amende, en

30
Dans la mesure où la commission propose d’ériger le PSE en peine autonome,il pourrait être également envisagé de mettre en œuvre le PSE dans le cadre
de la procédure de conversion.
31
Voir infra pages 92 et squ… et la proposition de création d’une mesure de « libération contrôlée ».

- 29-
chapitre 1| une nouvelle codification

suivi socio judiciaire probatoire tel qu’il a été rénové Deux chapitres leurs sont consacrés portant
par la commission32 et en placement sous surveillance respectivement sur :
électronique, lequel se présente, dans la proposition de 1. les Condamnations assorties du sursis;
la commission, comme une peine à part entière ainsi 2. les Décisions portant ajournement.
que cela a déjà été indiqué. Figurent également dans
ce même chapitre les dispositions nouvelles proposées Puis vient le titre V, consacré aux aspects internationaux
par la commission relatives à la conversion des peines de l’exécution et de l’aménagement des peines, sans
de réclusion criminelle à perpétuité33. doute appelé à se développer. Il réunit pour l’essentiel
des dispositions constituant la transposition de décisions-
Le titre III consacré à l’Exécution et à l’application cadres et comporte en l’état quatre chapitres relatifs :
des peines autres que l’emprisonnement et la 1. à l’Effet des condamnations pénales prononcées
réclusion criminelle est divisé en cinq chapitres relatifs par les juridictions pénales d’un Etat membre de
respectivement : l’Union européenne;
1. aux Dispositions générales; 2. aux Transfèrements internationaux et à la
2. à l’Exécution de la peine de placement sous coopération internationale pour l’exécution des
surveillance électronique; décisions de condamnation à une peine ou une
3. à l’Exécution des peines de probation (contrainte mesure de sûreté privative de liberté;
pénale, suivi socio-judiciaire tel qu’entend le 3. à la Coopération internationale pour l’exécution
modifier la commission); des condamnations ou décisions de probation;
4. à l’Exécution des peines patrimoniales (amende 4. à la Coopération internationale pour l’exécution
et confiscation); des décisions de confiscation.
5. à l’Exécution des peines comportant obligation
de faire ou interdiction d’exercice (travail d’intérêt Enfin, comme cela a été indiqué plus haut, l’actuel
général, interdiction de séjour, interdiction du livre V du code pénal, vidé d’une grande partie de
territoire français, interdiction d’exercer certains sa substance, devient un livre VI intitulé « Du casier
droits ou certaines fonctions ou activité...). judiciaire et de la réhabilitation » qui comporte deux
Pour l’essentiel, il s’agit de mettre en ordre des titres consacrés à chacun de ces sujets.
dispositions actuellement dispersées au sein du code de Aux dispositions relatives à la réhabilitation judiciaire,
procédure pénale voire entre ce code et le code pénal. qui figurent aujourd’hui dans le code de procédure
Le titre IV traite de l’exécution et l’aménagement pénale, sont réunies celles relatives à la réhabilitation de
des condamnations avec sursis ou des décisions droit, actuellement insérées dans le code pénal. Cette
d’ajournement du prononcé de la peine, ces deux réunification s’imposait dans la restructuration souhaitée
questions n’entrant pas dans les prévisions des titres II par la commission. Elle permet d’avoir une vision
et III applicables à l’exécution et l’aménagement des globale de la question, des dispositions communes à
peines prononcées. l’une et à l’autre pouvant être élaborées.

32
Voir infra page 76 et la proposition de création d’un « suivi socio judiciaire probatoire ».
33
Voir infra pages 116 et 117

- 30 -
CHAPITRE 2
---
LA RATIONALISATION
ET LA RÉNOVATION
DE LA NOMENCLATURE
DES PEINES
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

Le domaine couvert par le droit des peines s’est • la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la
considérablement modifié depuis un siècle et le rôle prévention de la délinquance et le décret n°2007-
joué par le législateur en cette matière n’a cessé de 1388 du 26 septembre 2007;
croître. Depuis quelques années, les réformes législatives • la loi n°2007-1198 du 10 août 2007 renforçant
se sont en effet enchainées à un rythme excessif qui la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs
contraste singulièrement avec la stabilité que connaissait et le décret n°2007-1627 du 16 novembre 2007
antérieurement ce secteur du droit34. relatif aux aménagements de peine et à la lutte
contre la récidive;
Avant 1958, deux grandes lois ont été adoptées créant • la loi n°2008-174 du 25 février 2008 relative à la
respectivement la libération conditionnelle le 14 août rétention de sûreté et la déclaration d’irresponsabilité
1885 et le sursis simple le 26 mars 1891. pénale pour cause de trouble mental et les décrets
À partir de 1958, date à laquelle le code de procédure n°2008-1129 du 4 novembre 2008 relatif à la
pénale a succédé au code d’instruction criminelle et surveillance de sûreté et la rétention de sûreté et
la fonction de juge de l’application des peines a été n°2008-1130 du même jour relatif au placement
créée, le nombre de textes adoptés par le Parlement a sous surveillance électronique mobile dans le cadre
été relativement peu élevé. Ainsi est-il possible, sans être d’une surveillance de sûreté;
bien sûr exhaustif, de citer la loi n°70-643 du 11 juillet • la loi n°2010-242 du 10 mars 2010 tendant à
1970 tendant à renforcer la garantie des droits des amoindrir le risque de récidive criminelle et portant
citoyens, la loi n°75-701 du 6 août 1975 modifiant et diverses dispositions de procédure pénale;
complétant certaines dispositions du code de procédure • la loi n°2014-896 du 15 août 2014 relative
pénale, la loi n°81-908 du 9 octobre 1981 portant à l’individualisation des peines et renforçant
abolition de la peine de mort, les lois n°92-684 du l’efficacité des sanctions pénales (création de la
22 juillet 1992 et n°92-1336 du 16 décembre 1992 contrainte pénale et de la libération sous contrainte
relatives à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal et suppression des peines planchers et de la
ou encore la loi n°94-89 du 1er février 1994 instituant révocation automatique des sursis).
une peine incompressible.
Et c’est dans le même esprit, que seront adoptées
Mais, à compter de la loi n°97-1159 du 19 décembre d’importantes lois de procédure parmi lesquelles :
1997 créant le placement sous surveillance électronique
et de la loi n°98-468 du 17 juin 1998 relative aux • la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 relative à la
infractions sexuelles et à la protection des mineurs présomption d’innocence et aux droits des victimes;
instituant le suivi socio-judiciaire, le rythme des réformes • la loi n°2004-209 du 9 mars 2004 portant
s’est considérablement accéléré, toutes s’efforçant de adaptation de la justice aux évolutions de la
répondre à un double objectif : lutter contre la récidive criminalité;
et, pour reprendre la terminologie utilisée dans nombre • la loi n°2008-644 du 1er juillet 2008 créant
des textes adoptés, se prémunir de la dangerosité de nouveaux droits pour les victimes et améliorant
persistante de certains individus. l’exécution des peines;
• la loi n°2010-242 du 10 mars 2010 précitée.
C’est pour répondre à ces deux objectifs qu’interviendront
notamment et successivement : En présence d’un nombre aussi élevé de textes, il
s’impose de s’arrêter un instant et de prendre le temps
• la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 de rechercher, objectivement et sereinement, si les
relative au traitement de la récidive des infractions buts que poursuivent ces différentes lois ont bien été
pénales et le décret n°2006-385 du 30 mars atteints, de s’assurer qu’elles répondent parfaitement
2006; aux exigences constitutionnelles et conventionnelles,

34
Cf. annexe n° 5 Tableau récapitulatif des lois d’exécution et d’application des peines (1992 – 2015).

- 35-
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

I/
de vérifier si certaines de ces dispositions ne sont pas
susceptibles de faire double emploi, de se demander
enfin si ces mesures sont fréquemment prononcées, ce
qui démontre alors leur utilité, ou si, au contraire, elles
ne le sont que rarement ou si elles ne le sont que de La restauration de
la cohérence de la
manière très sélective.

C’est à cette analyse que la Lettre de mission a invité la


commission et c’est à ce travail que celle-ci s’est livrée
en veillant à se tenir à distance des débats, parfois vifs, nomenclature des
souvent orientés, que suscitent certains de ces textes.
Elle a donc cherché, en supprimant les dispositions
s’avérant redondantes et en redéfinissant certaines
peines
dispositions existantes, à donner plus de cohérence à
la nomenclature des peines et à promouvoir des peines
permettant de cantonner le recours à l’emprisonnement.
Il lui est également apparu qu’il était possible, tout en A. Clarification de la distinction entre
recommandant la création de nouvelles mesures - de
proposer la suppression de certaines autres mesures qui
peines principales et complémentaires
heurtent les principes du droit de la peine.
Afin de toujours mieux répondre au souci
À cette fin, elle s’est plus particulièrement attachée à
d’individualisation de la peine, le législateur n’a
l’étude de peines ou mesures telles que la sanction-
eu de cesse, au cours des dernières décennies, de
réparation, les stages et les interdictions mais aussi
diversifier l’éventail des peines spécialement en matière
le placement sous surveillance électronique, le suivi
correctionnelle.
socio-judiciaire, la rétention de sûreté et la surveillance
Il demeure, comme cela a été relevé supra lors de la
de sûreté35. Ce faisant, la commission a toujours été
présentation de la nouvelle codification, que l’actuel
guidée par le souci de préserver l’équilibre complexe
code pénal entretient un certain flou autour des
qu’implique, d’une part, la prévention de la récidive
notions, pourtant élémentaires, de peines principales
et donc la légitime et nécessaire protection à laquelle
et complémentaires. Cela est particulièrement vrai
chacun a droit, d’autre part, la recherche constante
s’agissant des peines correctionnelles. Selon l’article
d’une meilleure individualisation de la peine fondée
131-3 du code pénal sont qualifiées comme telles les
sur le souci de préparer et d’accompagner utilement la
peines suivantes :
sortie de prison.
• l’emprisonnement;
• la contrainte pénale;
• l’amende;
• le jour-amende;
• le stage de citoyenneté;
• le travail d’intérêt général;
• les peines privatives ou restrictives de droits
prévues par l’article 131-6 du code pénal;
• les peines complémentaires prévues à l’article
131-10 du code pénal;
• la sanction réparation.

35
Cf. annexe n° 9 : Tableau comparatif des mesures de suivi post-carcéral présentant ces trois mesures ainsi que la surveillance judiciaire, sous forme de colonnes et précisant les
autorités compétentes pour les prononcer, leurs conditions de mise en œuvre, la procédure à appliquer, la durée de ces mesures, leur contenu, l’autorité chargée du « suivi » de
ces mesures et la sanction encourue en cas d’inexécution de ces mesures.

- 36 -
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

Il s’agit là d’une énumération hétéroclite et qui manque En matière correctionnelle, la commission propose
de cohérence. Les peines prévues par l’article 131-6 d’adopter l’échelle des peines principales suivantes :
du code pénal et les peines complémentaires ne sont 1. L’emprisonnement;
pas des peines différentes par leur contenu. Elles ne se 2. Le placement sous surveillance électronique
distinguent que par les conditions dans lesquelles elles (« le PSE » );
peuvent être encourues et prononcées. Il est par ailleurs 3. La contrainte pénale;
difficile de comprendre pourquoi certaines peines, 4. L’amende d’un montant supérieur ou égal à
telle la sanction réparation, sont citées alors que la [3 500 euros];
plupart des autres peines, très nombreuses, susceptibles 5. La peine de jours-amende;
d’être encourues ne le sont pas. Par ailleurs, on ne 6. Le travail d’intérêt général.
voit pas pourquoi les peines complémentaires seraient Il en résulte que tout délit doit être puni d’au moins l’une
correctionnelles par nature alors qu’elles peuvent de ces peines et que toute infraction punie de l’une de
également être encourues en matière criminelle en vertu ces peines est nécessairement un délit, toute autre peine
des articles 131-2 et 131-10 du code pénal. Enfin, la étant complémentaire. Même si en pratique le PSE et la
notion de peine complémentaire induit celle de peine contrainte pénale seront sans doute rarement prévus à
principale qui n’est pas même évoquée. titre de peine principale, il a paru important, pour des
Il est donc apparu nécessaire à la commission de raisons qui seront exposées plus avant36, de les compter
remettre de l’ordre dans cette présentation en identifiant au nombre des peines principales.
clairement les peines principales, définies comme étant
celles qui, encourues par les personnes physiques, En matière contraventionnelle, les dispositions actuelles
déterminent la qualification de l’infraction en crime, sont d’ores et déjà suffisamment claires dans la mesure
délit ou contravention. Elle propose ainsi d’énumérer de où le législateur, tenu de fixer un cadre au pouvoir
manière limitative pour chaque catégorie d’infractions - réglementaire, a indiqué à la fois la peine pouvant être
crimes, délits et contraventions - les peines principales encourue à titre principal - l’amende dont le montant
pouvant être encourues, toute autre peine étant, pour varie selon la classe de la contravention – et, de
la catégorie d’infraction considérée, nécessairement manière limitative, les peines pouvant être encourues à
complémentaire. titre complémentaire.

B. Création d’une échelle C. Rénovation des dispositions


des peines principales relatives aux peines alternatives
En matière criminelle, la seule peine pouvant être En matière correctionnelle, l’emprisonnement demeure,
regardée comme une peine principale est la réclusion avec l’amende, la première des peines principales. Il
ou la détention criminelle. La commission propose de l’est à la fois par sa gravité et par sa fréquence puisque,
consacrer cette solution, l’échelle des peines de réclusion comme l’amende, il est encouru pour la quasi-totalité
ou de détention criminelle demeurant par ailleurs celle des délits prévus par le code pénal. Cependant, dans
prévue par l’article 131-1 du code pénal. Il en résulte le même temps, le législateur s’attache à en cantonner
qu’une infraction punie de cette peine est un crime et le prononcé. La commission a souhaité rendre plus
que toute autre peine encourue pour cette infraction, apparentes les dispositions prises à cet effet.
y compris l’amende, devra être regardée comme une Ainsi, dans le plan proposé pour le titre V du livre II du
peine complémentaire. code de procédure pénale consacré au prononcé de
la peine, la subsidiarité de la peine d’emprisonnement

36
Voir infra page 69.

- 37-
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

figure au nombre des principes directeurs tandis général et le jour-amende, comme c’est actuellement
que l’exigence de motivation spéciale du prononcé le cas, mais également la peine de placement sous
de l’emprisonnement ferme fait l’objet d’une partie surveillance électronique, cette modification appelant
spécifique. Au-delà de cet aménagement du plan, des commentaires qui seront développés plus loin39. Les
la commission estime nécessaire et donc propose de possibilités de prononcer la contrainte pénale pourrait
rendre à la fois plus visibles et plus lisibles les dispositions en outre être étendue en supprimant la limite actuelle
relatives aux peines alternatives à l’emprisonnement tenant au quantum de la peine d’emprisonnement
dont la présentation est devenue d’une inutile encouru40.
complexité (articles 131-4-1 à 131-9 du code pénal).
À cette occasion devraient également être rénovées les Demeurerait bien entendu la possibilité pour la juridiction
dispositions relatives aux peines alternatives à l’amende de fixer d’emblée l’emprisonnement ou l’amende
(article 131-7 du code pénal). Les dispositions susceptible d’être mis à exécution en cas de non-
correspondantes pourraient être aisément présentées de respect des obligations attachées à la peine alternative
manière plus ramassée. Il y aurait lieu de les ramener (article 131-9 du code pénal). Il convient toutefois de
à deux articles consacrés, l’un, aux peines alternatives préciser que cette fixation est imposée par la loi pour
communes à l’emprisonnement et à l’amende et, l’autre, la contrainte pénale (article 131-4-1 du code pénal) et
aux seules peines alternatives à l’emprisonnement. qu’elle est inutile pour le placement sous surveillance
électronique puisqu’en cas de méconnaissance des
Actuellement les très nombreuses peines privatives ou obligations attachées à cette mesure, la loi permet la
restrictives de droit figurant à l’article 131-6 du code pénal mise à exécution de l’emprisonnement pour la durée
sont susceptibles d’être prononcées en remplacement restante de la mesure.
de l’emprisonnement ou, lorsqu’elle est seule encourue,
de l’amende. Sont en revanche exclusivement des
peines alternatives à l’emprisonnement : la contrainte D. Fusion souhaitable
pénale (article 131-4-1 du code pénal), la peine de
jours-amende (article 131-5 du code pénal), le stage de certaines peines
de citoyenneté (article 131-5-1 du code pénal) et le
travail d’intérêt général (article 131-8 du code pénal)37.
Pourraient donc être rassemblées dans un même article Si le très large éventail de peines qui existe actuellement
les peines alternatives à l’emprisonnement et à l’amende. offre aux juges d’incontestables possibilités de choix,
Y seraient incluses non seulement les peines privatives force est pourtant de constater que certaines d’entre
ou restrictives de droit de l’article 131-6 du code pénal elles s’avèrent souvent complexes à mettre en œuvre.
mais également l’obligation d’effectuer un stage qui n’est Il en est qui ne sont d’ailleurs que peu prononcées
actuellement qu’une alternative à l’emprisonnement. En parce qu’elles sont en pratique d’application difficile ou
outre, alors que le texte actuel n’envisage que le stage encore parce qu’il apparaît qu’elles sont redondantes
de citoyenneté, il y aurait lieu d’assimiler à celui-ci les avec d’autres dispositions.
autres types de stages envisagés par le législateur, Dans un souci de simplification et après avoir identifié
comme cela est préconisé par ailleurs38. les difficultés que posent certaines de ces mesures,
Constitueraient exclusivement des peines alternatives notamment lors de leur inscription au casier judiciaire, la
à l’emprisonnement toute peine principale dès lors commission a estimé devoir s’arrêter plus particulièrement
qu’elle n’est pas encourue en répression du délit. et formuler des propositions sur deux d’entre elles : les
En pratique, compte tenu de la nouvelle échelle des stages et les interdictions.
peines proposée, cette disposition simple permettrait
de prononcer en lieu et place de l’emprisonnement,
non seulement la contrainte pénale, le travail d’intérêt

37
La sanction-réparation est également prononcée en remplacement de l’emprisonnement mais sa suppression est proposée par la commission. Voir infra page 80.
38
Voir infra page 60.
39
Voir infra page 69.
40
Voir infra page73.

- 38 -
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

1. Les peines de stage Le régime des stages.


Pour mettre fin à la situation actuelle qui fait qu’un
Le premier stage introduit dans notre droit par l’effet stage de responsabilisation pour la prévention et la
de la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 est le stage lutte contre les violences au sein du couple et sexistes
de citoyenneté prévu en matière correctionnelle et est prévu par des textes d’incriminations (article 222-
contraventionnelle (articles 131-3, 132-5-1 et 131-16 44 du code pénal) alors qu’il n’a aucune assise légale
du code pénal). D’autres stages l’ont rejoint depuis : un dans la partie générale du code consacré aux peines,
stage de sensibilisation à la sécurité routière, un stage l’actuel article 131-35-1 se bornant à faire état de
de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation
stupéfiants, un stage de responsabilité parentale et, à la sécurité routière, un stage de sensibilisation aux
plus récemment, par l’effet de la loi du 4 août 2014 dangers de l’usage de produits stupéfiants ou un stage
pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, un de responsabilité parentale, la commission propose
stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte la rédaction d’un texte plus général visant une peine
contre les violences au sein du couple et sexistes. de stage de sensibilisation d’une durée maximale de
Cette diversité, qui, selon toute vraisemblance, se cinq jours, devant être accompli dans les six mois qui
poursuivra, pose problème. En effet, si le stage de suivent la décision définitive de condamnation42. Cette
citoyenneté répond à un régime juridique assez clair peine pourrait prendre la forme notamment d’une
et précis, les autres stages, finalement assez proches, sensibilisation aux obligations parentales, aux dangers
font l’objet de dispositions éparses et manquent de de l’usage des produits stupéfiants ou aux obligations
cohérence. au sein du couple. Cette formulation plus générale
Aussi, la commission s’est-elle attachée à clarifier les laisserait ainsi la possibilité au législateur de créer à
textes sur ce point au regard tant de la nature que du l’avenir de nouveaux stages sans risque d’omission d’un
régime de ces divers stages. cadre juridique précis.
En outre, et en fonction de l’infraction considérée, (que
La nature des stages. ce soit au regard de ses éléments constitutifs ou de
Ces stages constituent actuellement soit une peine ses circonstances aggravantes), il reviendrait au juge
principale que le juge peut prononcer à la place de de définir plus précisément l’objet de ce stage ce qui
l’emprisonnement alors même que le texte ne vise pas éviterait, comme c’est actuellement le cas, de prévoir
expressément cette peine pour l’infraction qu’il définit certains stages et pas d’autres pour certaines infractions.
(article 131-5-1 du code pénal), soit des peines Ainsi, actuellement, le vol peut-il donner lieu à titre
complémentaires si le texte le prévoit, et ceci tant en de peine complémentaire à un stage de citoyenneté
matière correctionnelle (article 131-10 du code pénal (article 311-14- 6 du code pénal), l’extorsion et les
qui ne vise pas expressément les stages mais vise les destructions peuvent-elles donner lieu en outre à un
obligations de faire) que contraventionnelle (articles stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de
131-16 et 131-35-1 du même code). stupéfiants (article 312-13 et 322-15 du même code)
Dans un souci de simplification, la commission propose alors que le délit de mise en danger d’autrui prévoit lui
de faire de tous les stages une peine complémentaire les trois stages de l’article 132-35-1 mais pas le stage
pouvant être prononcée lorsque la loi le prévoit au titre de de citoyenneté.
l’infraction considérée. Le stage de citoyenneté pourrait
également être prononcé en matière correctionnelle Enfin, ce texte général devrait rappeler que ce stage
au lieu et place de l’emprisonnement et cela encore de sensibilisation, dont les conditions de mise en œuvre
que cette peine ne soit pas expressément encourue en seraient précisées par décret en Conseil d’Etat, verrait
application de la loi qui réprime le délit41. son objet fixé par le tribunal en fonction des faits commis

41
Cf. l’annexe n° 8 : restructuration des dispositions du code pénal et du code de procédure pénale relatives aux peines.
42
Cet article pourrait être ainsi rédigé : « Lorsqu’elle est encourue à titre de peine complémentaire, l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation tel un stage de
sensibilisation à la sécurité routière, un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de stupéfiants, un stage de responsabilité parentale ou un stage de responsabilisation pour
la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple ou sexistes, est exécutée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive.
La juridiction détermine la durée du stage de sensibilisation en tenant compte, pour le condamné majeur de ses obligations familiales, sociales ou professionnelles, pour le
condamné mineur de ses obligations scolaires et de sa situation familiale. Elle précise si le stage est exécuté aux frais du condamné. Le stage de sensibilisation à la sécurité
routière est toujours exécuté aux frais du condamné ».

- 39-
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

mais aussi en tenant compte pour la détermination de commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois
sa durée et de son coût, des obligations familiales, pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou
sociales, professionnelles ou scolaires qui pèsent sur de responsabilités syndicales. Elle n’est pas non plus
le condamné. Cette mention serait ainsi conforme au applicable en matière de délit de presse (articles 131-6-
principe d’individualisation de la peine. 11 et 131-27 al 1 du code pénal) et l’interdiction, pour
une durée de cinq ans au plus, d’exercer une profession
commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de
2. Les peines d’interdiction gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement
ou indirectement, pour son propre compte ou pour
La commission a pu constater, dès le début de ses le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou
travaux et au vu d’éléments d’information, en particulier industrielle ou une société commerciale (article 131-6-
d’ordre statistique, communiqués par les services du 15 et 131-27 al 2 du code pénal).
ministère de la justice, qu’au fil des réformes le nombre La disparité des formulations s’amplifie encore lorsque
des interdictions susceptibles d’être prononcées à titre l’on examine les peines prévues dans d’autres textes
de peines complémentaires ou de peines principales que le code pénal.
avait considérablement augmenté. Elle a également Ainsi en matière commerciale, et pour ne prendre que cet
constaté que, si certaines d’entre elles sont fréquemment exemple, il est prévu, à titre de peines complémentaires
prononcées, d’autres ne le sont que fort peu, certaines l’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article
ne l’étant jamais. Elle a enfin relevé que le contenu de 131-27 du code pénal, soit d’exercer une fonction
certaines de ces interdictions était parfois très proche publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou
quoiqu’étant formulé de façon différente. sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice
Ainsi, il existe plusieurs peines pour interdire à un de laquelle l’infraction a été commise soit d’exercer
condamné d’entrer en relation avec certaines personnes une profession commerciale ou industrielle, de
telle l’interdiction, pour une durée de trois ans au diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un
plus, de fréquenter certains condamnés spécialement titre quelconque, directement ou indirectement, pour
désignés par la juridiction, notamment les auteurs ou leur propre compte ou pour le compte d’autrui, une
complices de l’infraction (article 131-6-13° du code entreprise commerciale ou industrielle ou une société
pénal) et l’interdiction, pour une durée de trois ans commerciale. Ces interdictions d’exercice peuvent être
au plus, d’entrer en relation avec certaines personnes prononcées cumulativement (article L. 249-1 du code
spécialement désignées par la juridiction, notamment la de commerce).
victime de l’infraction (même article : 14°). Mais il est aussi prévu une interdiction de diriger, gérer,
Il existe de même plusieurs formulations pour interdire la administrer ou contrôler, directement ou indirectement,
fréquentation de lieux telle l’interdiction, pour une durée toute entreprise commerciale ou artisanale, toute
de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre
catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans activité indépendante et toute personne morale (article
lesquels l’infraction a été commise (article 131-6-12 du L. 653-2 du code précité) et, de façon plus générale,
code pénal) et l’interdiction de séjour (article 131-31 une interdiction d’exercer une activité commerciale ou
du même code). professionnelle, de gérer, d’administrer ou de diriger une
Le permis de chasse quant à lui peut, par exemple, personne morale résultant d’une décision juridictionnelle
soit être retiré (article 131-6-8 du code pénal) soit faire passée en force de chose jugée ou d’une décision
l’objet d’une privation du droit de le conserver (article L administrative définitive (article R. 123-124 du code de
428-14 du code de l’environnement). commerce).
Ce foisonnement ne peut qu’être source de difficultés
Enfin, il existe aussi des formulations distinctes pour pour les juridictions appelées à prononcer de telles
interdire des activités telle l’interdiction pour une durée peines. Elle est également source de difficulté lors de
de cinq ans au plus d’exercer une activité professionnelle la transcription de l’interdiction prononcée au casier
ou sociale dès lors que les facilités que procure cette judiciaire.
activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou À cet égard, l’interdiction d’exercer une profession

- 40 -
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de • la confiscation d’un ou de plusieurs véhicules


gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement appartenant au condamné (article 131-6-4 du
ou indirectement, pour son propre compte ou pour code pénal);
le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou • la confiscation d’une ou de plusieurs armes dont
industrielle ou une société commerciale dont le champ le condamné est propriétaire ou dont il a la libre
d’application reste restreint est régulièrement portée disposition (articles 131-6-7, 131-14-3 et 131-16-
sur les extraits de condamnation destinés au casier 3 du code pénal);
judiciaire en raison d’une confusion avec l’interdiction • la confiscation de la chose qui a servi ou était
plus générale d’exercer une activité professionnelle destinée à commettre l’infraction ou de la chose
prévue à l’article 132-27 al 1 du code pénal. qui en est le produit. Toutefois, cette confiscation
C’est pourquoi, dans un souci de rationalisation, la ne peut pas être prononcée en matière de délit
commission propose- t-elle de : de presse (article 131-6-10 et 131-14-6 du code
1. réduire le nombre des interdictions en regroupant pénal);
celles qui sont proches. Ce pourrait être le cas, à titre • la confiscation d’un objet (article 131-10 du
d’exemple : code pénal);
• de l’interdiction d’exercer une fonction publique, • la confiscation d’un animal (article 131-10 du
une activité professionnelle ou sociale ou une code pénal);
profession commerciale ou industrielle (article 131- • la confiscation de l’animal ayant été utilisé
27 du code pénal), ce qui permettrait de placer en pour commettre l’infraction ou à l’encontre duquel
dénominateur commun la condition tenant à ce que l’infraction a été commise (article131-16-10 du
les facilités que procure cette activité ou profession code pénal).
aient été sciemment utilisées pour préparer ou Il pourrait être procédé de la même manière pour
commettre l’infraction. les retraits de titres ou de permis, le juge précisant
• en raison de leur inspiration commune, des au cas par cas si le retrait doit porter sur le permis
interdictions : de conduire, de chasser etc… et il serait ainsi mis
• de paraître dans certains lieux ou catégories de fin à la disparité actuelle des textes qui mentionnent
lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels notamment :
l’infraction a été commise (article 131-31 du code • le retrait du permis de chasser, avec interdiction
pénal); de solliciter la délivrance d’un nouveau permis
• de fréquenter certains condamnés spécialement pendant trois ans au plus (article 131-14-4, 131-
désignés par la juridiction, notamment les auteurs 16-4 du code pénal);
ou complices de l’infraction (article. 131-6-13 du • le retrait pour une durée d’un an au plus des
code pénal°); titres de conduite en mer des navires de plaisance
• d’entrer en relation avec certaines personnes à moteur et, à l’encontre de toute personne
spécialement désignées par la juridiction, embarquée sur un navire étranger, l’interdiction pour
notamment la victime de l’infraction (article 131-6- un an au plus de pratiquer la navigation dans les
14 du code pénal). eaux territoriales ou les eaux intérieures maritimes
françaises (article 131-16-11 du code pénal);
2. s’assurer de l’harmonisation des appellations données • la suspension, pour une durée de cinq ans au plus,
à ces interdictions au sein des différents codes; du permis de conduire, cette suspension pouvant
être limitée, selon des modalités déterminées par
3. s’attacher essentiellement au contenu de l’obligation décret en Conseil d’Etat, à la conduite en dehors
ou de l’interdiction en laissant toutefois au juge le soin de l’activité professionnelle; cette limitation n’est
d’en préciser l’objet en fonction de l’infraction commise. toutefois pas possible en cas de délit pour lequel la
Ainsi, une formulation telle que « la confiscation de suspension du permis de conduire, encourue à titre
la chose qui est le moyen, le produit ou le résultat de peine complémentaire, ne peut pas être limitée
de l’infraction » devrait permettre d’englober des à la conduite en dehors de l’activité professionnelle
dispositions actuelles aussi variées que : (article 131-6- du code pénal).

- 41-
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

Le recensement de l’ensemble des interdictions existantes, aujourd’hui aux articles 132-26-1 à 132-26-3 du code
l’analyse de chacune d’entre elle, la comptabilisation du pénal, 723-7 à 723-13-1, R. 57-10 à 57-22 et D.118
nombre de fois où elles sont prononcées et l’évaluation à D. 125-1 du code de procédure pénale.
de l’utilité qu’elles présentent pour les juridictions mérite
donc de faire l’objet d’un travail approfondi que la Définition et modalités.
commission – qui vient seulement de l’esquisser - n’a Parfois qualifié de “prison à domicile”, le PSE peut être
toutefois pas estimé devoir réaliser dans le temps dont défini comme l’interdiction faite au condamné de quitter
elle disposait. le lieu désigné par la décision qui ordonne la mesure
Entreprendre un tel travail lui paraît cependant s’imposer - son domicile ou tout autre lieu, privé ou “public” -
à court terme afin d’apporter une indispensable hors certaines périodes préalablement déterminées, sa
clarification, de mettre à la disposition des formations présence sur les lieux étant contrôlée à distance par
correctionnelles un éventail plus réduit de mesures les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire au
répondant à un réel besoin et, par là même, de simplifier moyen d’un procédé électronique.
leur tâche.
Le dispositif de contrôle est constitué par un bracelet porté
par le condamné - en pratique à la cheville ou au poignet
- comportant un émetteur qui transmet des signaux radio

II/
à un récepteur placé au lieu d’assignation et qui renvoie
à intervalles réguliers à un centre de surveillance des
messages indiquant le bon fonctionnement du dispositif

La promotion des ainsi que l’absence ou la présence du condamné. Une


alarme se déclenche si le message n’est pas capté ou

peines permettant encore si le condamné enlève son bracelet.


La décision qui prescrit le placement sous surveillance

de cantonner
électronique peut en outre soumettre le condamné aux
nombreuses obligations et interdictions actuellement
prévues pour le sursis avec mise à l’épreuve

l’emprisonnement (articles132-43 à 132-46 du code pénal) - lesquelles


peuvent assortir également la contrainte pénale qui,
dans la proposition de la commission est appelée à
se substituer au SME43. Elle peut en outre lui imposer
l’obligation spécifique de répondre aux convocations
A. Promotion du placement sous de toute autorité publique spécialement désignée.

surveillance électronique Conditions de fond.


Le PSE peut tout d’abord être décidé au profit des
1. État du droit personnes condamnées à une ou plusieurs peines
privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas
deux ans ou au profit de celles dont la durée de la
Textes. peine ou des peines restant à subir n’excède pas deux
Selon les termes mêmes de son intitulé, la loi n° 97- ans. Cette durée est réduite à un an pour les personnes
1159 du 19 décembre 1997 a consacré le placement en situation de récidive légale.
sous surveillance électronique (« le PSE » ) comme La mesure peut en outre être décidée en préalable à
modalité d’exécution des peines privatives de liberté. l’octroi d’une libération conditionnelle. Celle-ci est alors
Depuis lors, les dispositions qui régissent la mesure ont subordonnée à l’exécution, à titre probatoire, d’une
été modifiées à de nombreuses reprises. Elles figurent

- 42 -
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

mesure de PSE pendant une durée d’un an. Il peut s’agir échéant désigné d’office. Si le condamné est un mineur
de la dernière année du temps d’épreuve ou, depuis la non émancipé, la mesure suppose en outre l’accord des
loi du 15 août 2014, de l’année précédant la date à titulaires de l’autorité parentale. Elle suppose également
laquelle peut être accordée une libération conditionnelle celui du “maître des lieux” si elle doit s’exécuter dans un
parentale. lieu privé dont le condamné n’est pas le “maître”.
Elle peut également être prononcée à titre probatoire
pour une durée d’un an minimum et de trois ans Modification et retrait.
maximum pour les personnes relevant des dispositions En cours d’exécution la mesure de PSE peut faire l’objet
de l’article 730-2 du code de procédure pénale. d’adaptations lesquelles peuvent porter sur les périodes
de présence, les lieux d’exécution ou encore les
Selon l’article 132-26-1 du code pénal, pour bénéficier obligations ou interdictions accompagnant la mesure.
d’un PSE, le condamné doit justifier:
1. Soit de l’exercice d’une activité professionnelle, Elle peut être retirée en cas d’inobservation de ses
même temporaire, du suivi d’un stage ou de son conditions d’exécution soit que le condamné n’ait
assiduité à un enseignement, à une formation pas respecté les périodes de présence imposées ou
professionnelle ou à la recherche d’un emploi; qu’il ait tenté d’entraver la surveillance, soit encore
2. Soit de sa participation essentielle à la vie de qu’il n’ait pas respecté les interdictions ou obligations
sa famille; accompagnant la mesure. Elle peut l’être également en
3. Soit de la nécessité de suivre un traitement cas d’inconduite notoire, de nouvelle condamnation ou
médical; de refus par le condamné d’une modification nécessaire
4. Soit de l’existence d’efforts sérieux de des conditions d’exécution de la mesure. Enfin, le PSE
réadaptation sociale résultant de son implication supposant l’assentiment du condamné, il doit y être mis
durable dans tout autre projet caractérisé d’insertion un terme lorsque celui-ci le demande.
ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de Dans tous les cas, le retrait de la mesure emporte pour le
récidive. condamné l’obligation de subir, selon les prescriptions
de la décision de retrait, tout ou partie de la peine qui
Modalités procédurales. lui restait à accomplir au jour du retrait.
La décision de PSE est prise par le juge de l’application
des peines à l’issue d’un débat contradictoire tenu en Succès du PSE.
chambre du conseil sous réserve de la compétence Le PSE a été reçu par les praticiens avec une grande
du tribunal de l’application des peines lorsqu’elle est faveur. Les chiffres sont éloquents44. Alors que durant
décidée en préalable à une libération conditionnelle l’année 2004, 2919 mesures de PSE ont été décidées,
dont l’octroi relève de la compétence de celui-ci. ce nombre s’est établi à 23 147 durant l’année
Toutefois depuis la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, 2013. Au 1er janvier 2005, le nombre des mesures
le PSE peut être décidé ab initio, par la juridiction de en cours était de 709. Il a été porté à 9591 au 1er
jugement, au même titre que le placement à l’extérieur janvier 2014. Le recours au PSE a donc connu une
ou la semi-liberté. La possibilité est prévue par l’article augmentation considérable sur une période d’un peu
132-6-1 du code pénal. Le juge de l’application des moins de dix ans. Encore convient-il de préciser que les
peines détermine alors les modalités d’exécution de la chiffres retenus pour 2013 et 2014 ne prennent pas
mesure. en compte la surveillance électronique de fin de peine
Dans la mesure où il impose le port d’un bracelet et (« la SEFIP » ) supprimée par la loi du 15 août 2014.
place un lieu privé sous le contrôle de l’administration, La durée moyenne du placement sous surveillance a lui
le PSE ne peut être décidé qu’avec l’accord du aussi augmenté durant la période considérée : de 2,3
condamné. L’accord est recueilli, si l’intéressé en a mois en 2004, elle est passée à 4,8 mois en 2013.
exprimé le souhait, en présence de son avocat, le cas Elle a donc doublé.

43
Voir infra page 73 et p.90
44
Cf. annexe N° 6 Données statistiques.

- 43-
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

Le succès du PSE s’explique par le fait qu’il permet, dans la commission qu’en cours d’exécution d’une peine
un contexte de surpopulation carcérale, de soumettre d’emprisonnement ou de réclusion criminelle, le
une personne à la fois à une mesure privative de liberté PSE soit décidé, dans les mêmes cas et conditions
qui n’a pas l’effet désocialisant de l’incarcération et à qu’aujourd’hui, non plus à titre d’aménagement mais au
des mesures de suivi qui sont propres au milieu ouvert. titre de la conversion de la peine en cours d’exécution
Il a semblé à la commission qu’il était souhaitable en une autre peine privative de liberté. Cette conversion
de promouvoir cette mesure en l’érigeant en peine serait elle-même décidée à titre à la fois temporaire et
autonome. probatoire dans le cas particulier où le PSE est prévu
comme préalable à une libération conditionnelle.
2. Evolution proposée
Dans tous les cas, la commission propose de supprimer
la distinction faite actuellement selon que le condamné
Transformation en peine.
est ou non récidiviste. La restriction apportée à la liberté
La commission propose que le PSE, qui n’est actuellement
d’appréciation de la juridiction dans le premier cas
qu’un aménagement des peines privatives de liberté,
introduit un élément de complication qui ne se justifie
devienne une peine autonome, comme c’est notamment
pas46.
le cas en Italie.
Le PSE serait ainsi inclus dans l’échelle des peines
Arguments.
principales correctionnelles immédiatement après
Plusieurs considérations ont incité la commission à
l’emprisonnement, dans les conditions indiquées
s’engager dans la voie proposée.
plus haut45. Il serait par ailleurs, avec l’ensemble des
Les premières sont relatives à la nature même du PSE.
autres peines principales, une peine alternative à
Celui-ci n’apparaît pas seulement comme une modalité
l’emprisonnement et pourrait donc être prononcé en
d’exécution de l’emprisonnement ou de la réclusion
remplacement de celui-ci dans la limite d’une durée
criminelle. Il peut être regardé comme une mesure
maximale de deux ans. En cas de retrait de la mesure, le
privative de liberté autonome, distincte de l’une et de
condamné devrait exécuter une peine d’emprisonnement
l’autre dans la mesure où, précisément, il exclut tout
pour la durée du PSE restant à subir.
enfermement dans un établissement pénitentiaire sans
Ce changement de statut du PSE n’entraînerait aucun
s’analyser exclusivement pour autant - contrairement au
bouleversement des dispositions, rappelées plus haut,
placement à l’extérieur ou à la semi-liberté - comme un
qui régissent la mesure. Surtout, il ne remettrait pas
retour partiel à la liberté.
en cause la possibilité actuelle de le prononcer en
Les secondes considérations tiennent à l’objectif de
remplacement d’une peine privative de liberté au cours
cantonnement de la peine d’emprisonnement. La
de l’exécution de celle-ci. Il est apparu en effet à la
consécration - ou la promotion - du PSE comme peine
commission qu’aucun principe supérieur ne s’opposait
est apparue à la commission comme l’un des moyens
à ce qu’une même mesure puisse être prévue à la
permettant d’atteindre cet objectif ou de l’approcher.
fois comme peine et comme mesure d’aménagement
D’abord, reconnaître au PSE le caractère d’une peine
d’une peine. Au demeurant, actuellement, nombre des
autonome permet d’introduire dans l’échelle des peines
obligations ou interdictions assortissant la libération
principales correctionnelles un seuil supplémentaire qui
conditionnelle constituent également des peines pouvant
évite la rupture actuelle entre l’emprisonnement et les
être prononcées comme telles par la juridiction de
autres peines. Le PSE apparaît ainsi comme une solution
jugement. Il en est ainsi, par exemple, des obligations
intermédiaire entre l’incarcération et la contrainte pénale,
correspondant à celles dont est assorti le suivi socio-
laquelle s’exécute en milieu ouvert. La commission a
judiciaire.
conscience qu’en pratique le législateur ne prévoira
Cela étant, dès lors que la solution ne semble pas
sans doute que très exceptionnellement le PSE à titre
techniquement difficile à mettre en œuvre, il pourrait
de peine principale. Il est vraisemblable qu’il en sera
paraître plus conforme à l’évolution proposée par

45
Voir supra page 55.
46
Voir infra page 100

- 44 -
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

pour cette peine comme il en est aujourd’hui pour le


travail d’intérêt général qui n’est prévu qu’en répression B. Promotion de la contrainte pénale
d’un petit nombre de délits. Il est apparu néanmoins
important, sur le plan des principes, que le législateur se 1. Économie du dispositif
donne à lui-même cette alternative à l’emprisonnement.
La contrainte pénale a été créée par la loi n°2014-
Surtout la transformation du PSE en peine permet 896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des
d’en faire, pour le juge, une alternative sérieuse à peines et renforçant l’efficacité de la sanction pénale.
l’emprisonnement. Comme cela a été indiqué, il est Peine de probation, au sens que donne à ces termes le
proposé qu’en matière correctionnelle toute peine Conseil de l’Europe, s’exécutant en milieu ouvert, elle
principale qui n’est pas prévue en répression de vise les personnes se trouvant le plus en difficulté.
l’infraction puisse néanmoins être prononcée en
remplacement de l’emprisonnement encouru. Erigé en Elle prévoit un suivi et un contrôle renforcé et, dès le
peine principale, le PSE sera donc une peine alternative prononcé de leur peine, elle soumet les condamnés
à l’emprisonnement. Son prononcé ab initio comme telle qui y sont astreints à un ensemble d’obligations et
plutôt que comme mesure d’aménagement apparaît plus d’interdictions ainsi qu’à un accompagnement soutenu
conforme à l’objectif de cantonnement de l’incarcération. pendant une durée pouvant aller jusqu’à cinq années.
Lorsque la juridiction envisage un PSE, il est en effet plus
cohérent et plus opportun, pour atteindre cet objectif, Elle peut être prononcée à l’égard des personnes ayant
de lui permettre de prononcer immédiatement cette commis des délits passibles d’une peine inférieure ou
mesure en lieu et place de l’emprisonnement qui ne sera égale à cinq ans d’emprisonnement.
subi pour la durée du PSE qu’en cas de non-respect
des obligations attachées à celui-ci. Actuellement, la En cas de non-respect des obligations mises à sa
juridiction qui souhaite imposer un PSE doit d’abord charge, le condamné peut se voir imposer d’exécuter
infliger au prévenu une peine d’emprisonnement, qui la peine d’emprisonnement fixée par le tribunal lors du
reste ainsi la peine de référence, pour l’aménager prononcé de la contrainte.
aussitôt. Outre que le mécanisme est plus complexe,
il impose aux juridictions de jugement de prendre une Lors des débats parlementaires sur le projet de texte
décision relative aux modalités d’exécution de la peine relatif à la contrainte pénale, a été évoquée la
souvent perçue comme ressortissant plus naturellement suppression du sursis avec mise à l’épreuve (« le SME »
au juge de l’application des peines. ) – auquel il convient d’assimiler le sursis avec travail
En inversant ainsi la logique qui prévaut aujourd’hui, la d’intérêt général - comme le proposait la Conférence de
commission entend favoriser le recours au PSE qui, par consensus sur la prévention de la récidive dès lors que
sa nature même, est, avec la contrainte pénale, une le SME, modalité d’exécution de la peine, paraissait
véritable alternative à l’emprisonnement ferme, les autres poursuivre les mêmes objectifs que ceux de cette
peines alternatives se substituant davantage en pratique, nouvelle peine et que ses modalités de mise en œuvre
en raison de leur gravité relative, à l’emprisonnement étaient également proches.
avec sursis. L’évolution proposée évoque en définitive,
mutatis mutandis, celle connue par l’assignation à Ce projet de suppression ne s’est toutefois pas concrétisé
résidence avec surveillance électronique (« l’ARSE » ) : car il aurait privé les juges de la possibilité de prononcer
d’abord envisagée comme modalité de la détention des peines mixtes (pour partie d’emprisonnement ferme
provisoire avant d’être conçue, sans grand succès, et pour partie de suivi en milieu ouvert) qui répondent
comme une modalité du contrôle judiciaire, elle est à des situations bien particulières et auxquelles ils ont
devenue, avec la loi n° 2009-1436 du 24 novembre fréquemment recours.
2009, une mesure de sûreté autonome, distincte à la
fois de la détention provisoire et du contrôle judiciaire.

- 45-
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

2. L’évolution proposée 1. Description du suivi


socio-judiciaire
La commission entend aujourd’hui proposer de faire
évoluer le suivi socio-judiciaire selon des modalités qui Nature juridique.
permettent d’envisager une suppression du SME sans Le suivi socio-judiciaire est une peine prononcée
que les juges soient pour autant privés de la souplesse par la juridiction de jugement soit à titre de peine
qu’ils recherchent lorsqu’ils ont à prononcer une peine. complémentaire soit, en matière correctionnelle, à titre
Elle considère que cette suppression apportera une de peine principale comme le prévoit l’article 131-36-7
indispensable clarification et présentera aussi l’avantage du code pénal. En matière criminelle, il appartient à la
de donner à la contrainte pénale toute sa portée. cour d’assises de délibérer de manière spécifique sur le
Parallèlement et dans le même esprit, la commission prononcé de cette peine (article 222-48-1 du code de
propose de supprimer la disposition selon laquelle la procédure pénale).
contrainte pénale ne peut être prononcée que pour les
«peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou Champ d’application.
égale à cinq ans ». Elle relève que l’article 131-1 4 du Ne pouvant être prononcée que dans les cas prévus par
code pénal, tel qu’il résulte de la loi du 15 aout 2014, la loi - ce qui recouvrait initialement les crimes les plus
prévoit déjà la suppression de cette limitation à compter graves et spécialement les infractions sexuelles - la peine
du 1er janvier 2017. Cette limitation, outre qu’elle ne de suivi socio-judiciaire a vu s’élargir notablement son
se justifie pas, est la condition de la suppression du champ d’application avec les lois déjà citées des 12
sursis avec mise à l’épreuve. Sa levée mériterait donc décembre 2005, 5 mars 2007 et 9 juillet 2010. Elle
d’intervenir plus rapidement. peut donc être désormais prononcée pour un nombre
très élevé d’infractions. Ce point mérite d’être noté.

C. Promotion du suivi socio-judiciaire Économie du suivi socio-judiciaire.

Le suivi socio-judiciaire a été créé par la loi du 17 Le suivi de la mesure est effectué par le juge de
juin 1998 relative à la prévention et à la répression l’application des peines qui peut, pendant toute
des infractions sexuelles et à la protection des mineurs sa durée, modifier les mesures de surveillance et les
victimes. Défini aux articles 131-6 à 131-36-8 du obligations ou décider de mettre fin, par anticipation,
code pénal, il consiste à soumettre le condamné, au- à un suivi socio-judiciaire comportant une injonction de
delà de l’exécution de sa peine d’emprisonnement soins ou encore relever le condamné d’une partie de
ou de réclusion, à des dispositifs de contrôle et à des ses obligations (article 763-6 du code de procédure
obligations particulières en particulier une injonction pénale).
de soins. Avant de déterminer s’il peut être redéfini et La durée du suivi socio-judiciaire est de dix ans pour les
étendu afin de pallier la suppression de la rétention délits et de 20 ans pour les crimes. Pour les faits commis
et de la surveillance de sûreté qu’entend proposer la après le 10 mars 2004, cette durée peut être portée
commission47, il convient d’en connaître, au moins à 20 ans par décision spécialement motivée pour les
dans les grandes lignes, la nature juridique, le champ délits et à 30 ans s’il s’agit d’un crime puni de 30 ans
d’application et l’économie. de réclusion criminelle. Elle est illimitée lorsqu’il s’agit
d’un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité
(article 131-36-1 alinéa 2 du code pénal).
La durée de l’emprisonnement est de trois ans pour les
délits et de 7 ans pour les crimes en cas de révocation
du suivi socio-judiciaire pour inobservation des mesures

47
Voir infra pages 80 et 87.

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ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

de surveillance et obligations assortissant cette peine. la contrainte pénale, il n’a, en revanche, jamais été
Le juge de l’application des peines peut, d’office ou sur question de supprimer la peine de suivi socio-judiciaire
réquisitions du parquet, ordonner la mise à exécution dont l’accroissement constant du champ d’application
partielle ou totale de l’emprisonnement prononcé par la démontre qu’il s’agit d’une pénalité répondant à
juridiction de jugement (article 131-36-1 alinéa 3 du des situations que ne prennent pas suffisamment ou
code pénal). directement en compte les autres peines49.
En effet, contrairement à la libération conditionnelle
Les obligations assortissant le prononcé d’un suivi ou aux réductions de peines conditionnelles - qui sont
socio-judiciaire peuvent être : des aménagements de peine intervenant en cours
• les obligations particulières du sursis avec mise à de détention - le suivi socio-judiciaire est prononcé
l’épreuve (article 132-45 du code pénal); par la juridiction de jugement qui, au stade de la
• l’injonction de soins (article 131-36 4 du code condamnation et au vu des éléments d’information dont
pénal); elle dispose, considère que le condamné devra faire
• le placement sous surveillance électronique l’objet de mesures de contrôle et de suivi au terme de
mobile lorsque la peine prononcée est au moins sa peine, et ce même s’il ne bénéficie pas de mesures
égale à 7 ou à 5 ans si les faits sont relatifs à des d’aménagement. Ce dispositif répond en réalité au fait
violences intra familiales soit encore lorsqu’ils ont que les peines criminelles ne sont jamais mixtes.
été commis une nouvelle fois en état de récidive Dans la mesure où les objectifs et les modalités de mise
légale (articles 131-36-9 et 131-36-12-1 du code en œuvre du SME et du suivi socio-judiciaire sont très
pénal); similaires, la commission propose de les fusionner en
• l’assignation à domicile pour les personnes une seule peine : le suivi socio-judiciaire probatoire ou
condamnées à une peine de réclusion criminelle de probation (« le SSJP » ).
d’une durée égale ou supérieure à 15 ans pour Une telle fusion implique toutefois que soient clairement
l’un des crimes mentionnés à l’article 706-53-13 définis la nature juridique, le champ, la portée,
du code de procédure pénale (article 763-3 alinéa l’économie générale et les modalités de mise en œuvre
5 dudit code). de cette nouvelle peine.

Enfin, depuis la 1er mars 2008, la personne condamnée Nature juridique.


à une peine de suivi socio-judiciaire est, sauf décision Le SSJP serait une peine complémentaire de portée
contraire de la juridiction, soumise à une injonction de générale susceptible d’être prononcée pour tous crimes
soins dès lors qu’une expertise conclut à la possibilité et délits. Elle consisterait à soumettre le condamné,
d’un traitement (article 131-36-4 du code pénal). une fois sa peine principale purgée, à des mesures de
Au surplus, en cas d’infractions mentionnées à l’article contrôle et à des obligations particulières pendant toute
706-47 du code de procédure pénale48, la personne la durée de ce suivi.
poursuivie doit être soumise avant tout jugement au fond
à une expertise médicale et l’expert est interrogé sur Durée.
l’opportunité du prononcé d’une injonction de soins La durée du SSJP serait d’un maximum de trois ans pour
intervenant dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire. les délits et de 10 ans maximum pour les délits commis
en récidive ainsi que pour ceux qui sont mentionnés à
l’article 706-47 du code de procédure pénale. La durée
2. Évolution proposée du SSJP serait de 20 ans maximum pour les crimes et
elle serait perpétuelle lorsqu’a été prononcée une peine
Si, comme cela vient d’être rappelé, la suppression de
de réclusion criminelle à perpétuité.
la peine de sursis avec mise à l’épreuve a été évoquée
La juridiction de jugement fixerait la durée exacte de la
au cours des débats parlementaires sur la création de
période de suivi dans le jugement de condamnation.

48
Il s’agit des infractions meurtre ou d’assassinat d’un mineur précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie ou les infractions d’agressions ou d’atteintes
sexuelles ou de proxénétisme à l’égard d’un mineur ou de recours à la prostitution d’un mineur prévues par les articles 22-23 à 222-31, 225-7 (1°), 225-7-1, 225-12-1, 225-
12-2 et 227-22 à 227-27 du code pénal. Il s’agit également des crimes de meurtre ou assassinat commis avec tortures ou actes de barbarie, des crimes de tortures ou d’actes
de barbarie et des meurtres ou assassinats commis en état de récidive légale.
49
Comme le montre le nombre de peines de suivi socio judiciaire prononcées dont l’étiage se situe annuellement aux environs de 1400

- 47-
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

III/
Contenu des mesures.
Le condamné pourrait être soumis à des mesures de
contrôle telles que celles prévues par l’article 132-44
du code pénal pour le SME; aux mesures particulières
énumérées à l’article 132-45 du code précité; à des La suppression de
mesures heurtant les
mesures d’aide au sens de l’article 132-46 du même
code; à une injonction de soins, après expertise, pour
les infractions énoncées à l’article 706-47 du code
de procédure pénale; en fonction de la durée de la
peine prononcée, à un placement sous surveillance principes du droit de la
électronique mobile; enfin, sous certaines conditions, à
une assignation à domicile. peine
S’agissant plus particulièrement du placement sous
surveillance électronique mobile créé par la loi précitée
du 12 décembre 2005 et qui constitue une modalité A. Suppression de la sanction-réparation
d’aménagement de la peine, la commission relève
qu’il n’est que rarement prononcé et que sa mise en
œuvre soulève en pratique d’importantes difficultés Cette sanction, introduite par la loi du 5 mars 2007,
d’ordre technique qui ne semblent pas avoir encore impose au condamné de procéder, dans le délai et selon
été maitrisées. Elle propose donc la suppression de ce les modalités fixées par la juridiction, à l’indemnisation
dispositif ou, à tout le moins, une évaluation précise de du préjudice de la victime. Une fois réunis les accords
son utilité et de sa faisabilité, étude à laquelle elle n’a de la victime et du prévenu, cette réparation pourra être
pu se livrer dans le délai qui lui était imparti. exécutée en nature; elle pourra prendre la forme d’une
remise en état d’un bien endommagé à l’occasion de la
Suivi du SSJP. commission de l’infraction, celle-ci étant réalisée par le
Le suivi de la mesure du SSJP serait assuré par le juge condamné lui-même ou par un professionnel qu’il choisit
de l’application des peines. Pendant toute la durée du et dont il rémunère l’intervention.
suivi, ce juge aurait la faculté, d’office ou sur demande,
de modifier les mesures de surveillance ainsi que les D’un champ d’application relativement vaste, elle
obligations en fonction de l’évolution du condamné. Il fait partie des peines principales prévues en matière
pourrait également, selon les mêmes modalités, décider correctionnelle et contraventionnelle tant pour les
de mettre fin au suivi de manière anticipée. personnes physiques (articles. 131-3-9 et 131-12 du
code pénal), que pour les personnes morales (articles
Sanction. 131-37, dernier alinéa. et 131-40 du même code).
A l’instar de ce qui a été prévu pour la contrainte pénale, Pourtant, nonobstant ce vaste champ d’application et
c’est le président du tribunal de grande instance ou un son objectif somme toute louable - obliger l’auteur à
juge qu’il délègue50 - et sur lequel le présent Rapport remettre, dans la mesure du possible, la situation dans
s’explique plus longuement51 - qui serait compétent pour son état d’origine – cette sanction interroge à plus d’un
sanctionner l’inexécution des mesures auxquelles est titre52.
soumis le condamné. La durée de l’emprisonnement
susceptible d’être mis à exécution en cas de non-respect En premier lieu, son utilité est douteuse car elle fait
des obligations assortissant un SSJP serait fixée par la doublon avec d’autres dispositions permettant une prise
juridiction de jugement lors de la condamnation. Il en considération de la situation de la victime :
serait de 3 ans pour les délits sans que cette durée • avant la mise en mouvement de l’action publique,
puisse excéder le maximum de la peine encourue pour dans le cadre des mesures alternatives aux poursuites
l’infraction initiale et de 7 ans pour les crimes. et de la composition pénale, le procureur de la

50
Il convient en effet de distinguer l’autorité qui prononce la mesure et celle qui en assure ultérieurement le contrôle.
51
Voir infra p 128.

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ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

République peut en effet subordonner la mesure à qu’en toute hypothèse, elle ne l’est jamais à titre de
la réparation du dommage par l’auteur des faits peine complémentaire à la peine d’emprisonnement
(article 41-1 et 41-2 du code de procédure pénale). mais toujours comme peine principale, au lieu et place
• au titre de la condamnation, le prononcé donc de l’emprisonnement ou de l’amende.
de la dispense ou de l’ajournement de peine
est également soumis à réparation effective du Aussi, et compte tenu de l’éventail de peines déjà très
préjudice ou en voie d’être obtenue. varié offert aux juges tant en matière correctionnelle
• s’agissant de la fixation ou de l’orientation des que contraventionnelle, la commission propose la
modalités d’exécution de la peine par la juridiction suppression pure et simple de cette sanction. Elle souligne
de jugement ou le juge de l’application des peines, en outre qu’une mesure de ce type trouverait davantage
de nombreuses mesures comme la contrainte sa place parmi les mesures de justice restauratrice dont
pénale, la libération conditionnelle, la semi-liberté le principe a été entériné par la loi du 15 août 2014, y
peuvent être accompagnées de l’obligation de compris lors de l’exécution de la peine (article 10-1 du
réparer le préjudice. code de procédure pénale).
• enfin, préalablement à toute décision entraînant la
cessation temporaire ou définitive de l’incarcération
d’une personne condamnée à une peine privative B. Suppression de la rétention de sûreté
de liberté avant la date d’échéance de sa peine,
le Juge de l’application des peines prend en
considération les intérêts de la victime ou de la
1. Présentation de la mesure
partie civile au regard des conséquences que cette
Cette mesure résulte de la loi du 25 février 2008
décision peut avoir pour elle (article 720 du code
relative à la rétention de sûreté et à la déclaration
de procédure pénale). Ainsi le juge de l’application
d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
des peines pourra-t-il assortir la mesure de libération
Pour aller à l’essentiel, il convient de retenir qu’elle prévoit
anticipée du condamné d’une interdiction d’entrer
la possibilité, sous certaines conditions, de maintenir, au
en contact avec la victime ou de l’obligation
terme de l’exécution de leur peine, dans des centres
d’indemniser la partie civile.
fermés et pour une durée indéfiniment renouvelable,
des personnes présentant « une particulière dangerosité
En second lieu, elle crée une confusion entre les fonctions
caractérisée par une probabilité très élevée de récidive
de la sanction et de l’action civile (la réparation). En
parce qu’elles souffrent d’un trouble grave de la
outre, les textes n’organisent pas de façon suffisamment
personnalité54 ».
précise son régime de telle sorte que l’on a bien du mal
à comprendre comment se combinent cette sanction et
Trois conditions doivent être réunies pour que puisse être
d’éventuels dommages et intérêts en contradiction avec
envisagé le prononcé d’une telle mesure. Il faut :
le droit à réparation intégrale de la victime qui risque de
• avoir été condamné par une cour d’assises pour
ce fait d’être largement satisfait voire « dépassé ».
des faits d’une particulière gravité limitativement
énumérés;
Toutes ces raisons expliquent sans doute le faible nombre
• avoir été condamné à une peine de réclusion
de sanction-réparation prononcées chaque année: une
criminelle d’une durée égale ou supérieure à 15
centaine de mesures, selon les chiffres transmis par le
années;
casier judiciaire national, la plupart l’étant d’ailleurs non
• enfin, que la cour d’assises ait « expressément
pas à titre de peine mais comme obligations prescrites
prévu dans sa décision de condamnation que la
dans le cadre de la composition pénale53. Ces chiffres
personne pourra faire l’objet à la fin de sa peine
montrent en outre, que même après des années
d’un réexamen de sa situation en vue d’une
d’existence, cette sanction n’est guère prononcée et
éventuelle rétention de sûreté ».

52
A ce sujet, v. S. Fournier, La peine de sanction-réparation : un hybride disgracieux (ou les dangers du mélange des genres) : Mélanges Robert, Lexisnexis, p. 285 ; M.
Giacopelli, Libres propos sur la sanction-réparation : D. 2007, p. 1551.
53
Cf. annexe N° 6 Données statistiques.
54
Article 706-53-13 du code de procédure pénale.

- 49-
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

À l’issue de ce réexamen et de l’intervention d’une s’est prononcé par Décision n°2008-562 du 21 février
commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, la 2008. Tout en rappelant que la rétention de sûreté n’est
juridiction régionale de rétention de sûreté, créée par la pas une peine ni une sanction ayant le caractère de
loi du 25 février 2008, peut prononcer une mesure de punition, il a estimé « qu’eu égard à sa nature privative
rétention de sûreté si sont réunies les autres conditions de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère
suivantes : renouvelable sans limite et au fait qu’elle est prononcée
• il doit être établi que la personne concernée après une condamnation par une juridiction, [elle] ne
présente une « particulière dangerosité » et une saurait être appliquée à des personnes condamnées
« probabilité très élevée de récidive » parce qu’elle avant la publication de la loi ou faisant l’objet d’une
« souffre d’un trouble grave de la personnalité »; condamnation postérieure à cette date pour des faits
• il ne doit pas exister d’autre dispositif de commis antérieurement56 ».
prévention de la récidive suffisant;
• la personne condamnée doit avoir été mise en Sans prendre explicitement parti sur la nature juridique
mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa de la rétention de sûreté, le Conseil constitutionnel, en
peine, d’une prise en charge médicale, sociale rappelant le principe de non-rétroactivité, exclut qu’elle
et psychologique adaptée au trouble de la puisse être qualifiée de mesure de sûreté. Sans le dire
personnalité dont elle souffre. expressément, il retient en réalité une conception qui se
dégage de l’alternative « peine – mesure de sûreté » et
2. Nature juridique de la mesure se rapproche davantage de la privation de liberté telle
que l’entend la Convention européenne de sauvegarde
S’agit-il d’une « peine » qui, si l’on se réfère à la formule des droits de l’homme et des libertés fondamentales
adoptée par le Conseil constitutionnel dans sa Décision dans son article 5-157.
n°93-334 du 20 janvier 1994, est « conçue non
seulement pour protéger la société et assurer la punition Pour autant, La Cour européenne des droits de l’homme
du condamné mais aussi pour favoriser l’amendement a rappelé à de nombreuses reprises que cet article 5-1
de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion55 » ? et les six cas qu’il énumère devaient être strictement
interprétés58. Elle a souligné que même les exigences de
Ou s’agit-il d’une mesure de sûreté tendant à faire la lutte contre la délinquance organisée ne suffisent pas
cesser une situation dangereuse indépendamment de à justifier une interprétation extensive et que les besoins
toute idée de faute, d’une simple mesure de protection du maintien de l’ordre, de la paix, de la tranquillité et
sociale destinée à prévenir la récidive ou à neutraliser de la sûreté, finalités classiques du pouvoir de police,
un état dangereux et dépourvue de tout objectif rétributif ne peuvent en tant que tels, servir de fondement à une
ou expiatoire ? privation de liberté, celle-ci ne pouvant avoir lieu que
Saisi d’un recours contre la loi du 25 février 2008 dans les cas prévus par l’article 5-1.
relative à la rétention de sûreté, le Conseil constitutionnel

55
Cons. constit., 20 janv. 1994, déc. n°93-334 DC à propos de la Loi n°94-89 du 1er février 1994 instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à
certaines dispositions de procédure pénale, consid. n°12.
56
Cons. constit. 21 févr. 2008, déc. n°2008-562, consid. n°10. En décidant ainsi, le Conseil constitutionnel a prohibé tout placement en rétention de sûreté sur le fondement
de l’article 706-53-13 du code de procédure pénale avant le terme de l’exécution de peines égales ou supérieures à quinze années de réclusion criminelle prononcées à
compter de l’entrée en vigueur de la loi. La rétention de sûreté n’est donc actuellement applicable que dans les circonstances spécifiquement prévues par l’article 706-53-19 du
code précité. Voir infra.
57
Convention européenne des droits de l’homme. Article 5-1 : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans les cas suivants et
selon les voies légales :
a) s’il n’est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent.
b) s’il a fait l’objet d’une arrestation ou d’une détention régulière pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir
l’exécution d’une obligation prescrite par la loi.
c) S’il n’a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou
qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci.
d) S’il s’agit de détention régulière d’un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l’autorité compétente.
e) S’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond.
f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure
d’expulsion ou d’extradition est en cours ».

- 50 -
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

3. Appréciation de la mesure En ce qui concerne l’article 5-1-a) relatif à la détention


après condamnation, la Cour a précisé, en matière
Lors de sa présentation et, plus encore, de son adoption, d’exécution des peines, ce qu’il fallait entendre par les
la loi créant la rétention de sûreté a fait l’objet de vifs mots « après une condamnation ».
débats. Pour un certain nombre de commentateurs, elle À cet égard, elle a souligné que le mot « après »
rompait en effet avec la tradition juridique française n’implique pas un simple ordre chronologique de
fondée sur la responsabilité pénale que l’on encourt succession entre la « condamnation « et la « détention »
pour un acte que l’on a commis et recourait à un modèle mais suppose un lien de causalité entre la décision
de contrôle social substituant aux peines prononcées de réincarcération et le jugement initial62. Ce lien se
pour une faute commise des mesures de protection et distend avec l’écoulement du temps et peut « se rompre
de défense contre une personne considérée comme à la longue si lesdites décisions en arrivaient à se fonder
objectivement dangereuse59. sur des motifs étrangers aux objectifs du législateur et du
juge ou sur une appréciation déraisonnable au regard
Indépendamment même de ces critiques, dont on ne de ces objectifs63. »
saurait sous-estimer la pertinence et l’importance, il faut
avoir conscience que la rétention de sûreté soulève de Ainsi la Cour a-t-elle considéré qu’il y avait eu violation
nombreux autres problèmes. de l’article 5-1–a) dans le cas d’une détention infligée à
l’origine pour meurtre et reprise ensuite après révocation
La conventionnalité. d’une mesure de libération conditionnelle au seul motif
La privation de liberté d’une personne considérée de prévenir des infractions à caractère non violent64.
comme dangereuse alors qu’elle a purgé sa peine
entre-t-elle dans l’un des six cas prévus par l’article 5-1 Et, s’agissant de la rétention de sûreté allemande, la
précité ? Cour a, le 17 décembre 2009, décidé que cette
En l’occurrence seuls semblent concernés, au sein de mesure devait être analysée comme une peine et ne
cet article, les alinéas a) relatif à la détention régulière pouvait donc être rétroactive65. Elle a aussi relevé que la
par un tribunal compétent et f) prévoyant la détention de décision de maintenir la personne concernée en rétention
personnes présentant des risques pour elles-mêmes et à la suite d’une modification législative ne satisfaisait
pour autrui et, notamment, les aliénés. pas au critère requis pour une « condamnation » car elle
S’agissant toutefois de l’alinéa f), la Cour a précisé à n’était pas liée à un constat de culpabilité effectué à la
plusieurs reprises les conditions à satisfaire pour que suite d’une infraction.
puisse intervenir une privation de liberté fondée sur
des troubles mentaux. Ainsi l’état d’aliénation doit-il Il est donc sérieusement permis de se demander si une
avoir été établi de façon probante par une expertise décision de rétention de sûreté fondée sur la dangerosité
médicale objective, présenter un caractère ou une persistante d’une personne et sur le risque élevé de la
ampleur légitimant l’internement, ce dernier ne pouvant voir à nouveau commettre la même infraction que celle
se prolonger valablement sans la persistance de pareils qui est à l’origine de sa condamnation initiale présente
troubles60. Et elle a depuis lors jugé que la rétention de un lien suffisant avec cette première condamnation.
sûreté existant en Allemagne ne pouvait être fondée sur
l’article 5-1-e)61.

58
CEDH, 18 janv. 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, § 194. V. aussi, évoquant des hypothèses « limitativement énumérées » : CEDH, 6 nov. 1980, Guzzardi c/ Italie, § 96. V.
encore, rappelant le principe d’une interprétation restrictive de l’article : CEDH, 29 févr. 1988, Bouamar c/ Belgique, § 43 ; CEDH, 22 févr. 1989, Ciulla c/ Italie, § 41 ;
CEDH, 22 mars 1995, Quinn c/ France, § 42.
59
Cf. notamment Robert Badinter « Le Monde » des 27 novembre 2007 et 24 février 2008. Voir également Commission nationale consultative des droits de l’homme. Note du
4 janvier 2008 sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté à M. le Premier ministre, Mme la Garde des Sceaux, Mme la ministre de la santé et MM. Les présidents des
assemblées.
60
Cf. CEDH, 24 sept. 1992, Herczegfalvy contre Autriche, § 63.
61
Cf. CEDH Haidn contre Allemagne. 13 janvier 2011, req. n° 6587/04.
62
CEDH, 24 juin 1982, Van Droogenbroeck contre Belgique, § 35. V. aussi CEDH, 18 déc. 1986, Bozano contre France, § 53 précisant que la préposition « après » sert à
désigner une « détention » qui se produit « par suite », et non pas simplement « à la suite « de la décision du juge pénal.
63
Cf. CEDH. Van Droogenbroeck contre Belgique. 24 juin 1982, op. cit.

- 51-
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

L’imprécision des conditions de sa mise en œuvre. pénale, « la personne condamnée a effectivement été
La formulation de l’article 706-53-13 du code de mis en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de
procédure pénale fait appel à des notions de « particulière sa peine, d’une prise en charge médicale, sociale et
dangerosité », de « probabilité très élevée de récidive » psychologique adaptée au trouble de la personnalité
ou encore de « trouble grave de la personnalité » que dont elle souffre », le Conseil a également rendu encore
beaucoup estiment trop imprécises et qui laissent en plus complexe la mise en œuvre effective d’une mesure
tous cas une place excessive à une appréciation très de rétention à l’expiration de la peine68.
subjective.
L’existence de mesures répondant aux mêmes fins.
Plus préoccupante encore est la position adoptée sur ce Le dispositif instauré par la loi du 25 février 2008 s’inscrit
point par l’ensemble des experts psychiatres consultés en réalité dans la ligne d’autres mesures déjà toutes
par la commission qui tous soulignent les difficultés destinées à lutter contre le risque de récidive. Il importe
qu’ils éprouvent et même l’incapacité dans laquelle ils donc de savoir si ces mesures sont aptes, telles qu’elles
se trouvent de définir la notion de « dangerosité » et, ont été conçues et telles qu’elles sont actuellement mises
par là même, de satisfaire correctement aux demandes en œuvre, à répondre à l’objectif de prévention de la
d’expertises dont ils sont saisis66. récidive qui est poursuivi ou s’il serait envisageable de
Indépendamment de cette question de fond qui doit les redéfinir et d’élargir leur champ de compétence afin
retenir l’attention, la plupart des personnes consultées de les rendre plus opérationnelles encore.
ont aussi tenu à souligner le nombre élevé des expertises
qu’il convient d’ordonner lors du prononcé de la rétention La commission a relevé que :
de sûreté et de la surveillance de sûreté dont il sera • le suivi-socio-judicaire, peine complémentaire,
question infra. Les experts psychiatres, quant à eux, ont créé par la loi précitée du 17 juin 1998 permet,
fait part avec insistance des difficultés qu’ils rencontraient en matière criminelle et dans sa conception
actuellement pour faire face, dans les délais impartis, actuelle, de soumettre le condamné, au-delà de
aux expertises qui leur sont confiées. Plusieurs se sont l’exécution de sa peine de réclusion, à des mesures
même interrogés sur la qualité d’expertises effectuées de contrôle et à des obligations particulières
dans de telles conditions. telles qu’une injonction de soins. Or il s’avère
qu’initialement prévu pour les crimes les plus graves
L’application de la rétention de sûreté. et tout particulièrement pour les infractions de nature
En rappelant que la rétention de sûreté ne saurait être sexuelle, le suivi socio-judiciaire a vu son champ
rétroactive, le Conseil constitutionnel a en réalité reporté d’application considérablement s’élargir. C’est
à quinze ans, sinon son prononcé pour des faits commis précisément dans ce même esprit, que la commission
postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, du moins propose d’étendre le champ d’application du suivi
son application effective une fois la peine purgée67. Il socio-judiciaire en le transformant en une peine
s’avère donc impossible d’évaluer actuellement l’impact complémentaire de portée générale susceptible
exact de cette mesure, qui, en l’état des éléments d’être prononcée pour tous crimes et délits;
d’information dont dispose la commission, semble
n’avoir été que rarement prononcée. • le fichier judiciaire national automatisé des
auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, mesure
En assortissant sa Décision d’une réserve d’interprétation de sûreté, institué par la loi précitée du 9 mars
imposant à la juridiction régionale de la rétention de 2004 oblige les personnes qui font l’objet d’une
sûreté l’obligation de vérifier que, conformément à inscription à justifier régulièrement de leur résidence
l’article 706-53-14 alinéa 6 du code de procédure après condamnation;

64
Cf. CEDH, 28 mai 2002, Stafford contre Royaume-Uni.
65
Cf. CEDH, 17 décembre 2009, M. contre Allemagne : D. 2010, p. 737, note J. Pradel ; AJ pénal 2010, 129, note J. Leblois-Happe ; Dr. pénal 2010, étude 9, note
Grégoire et Boulan. V. aussi, ultérieurement CEDH, 14 avril 2011, Jendrowiak contre Allemagne ; CEDH, 24 nov. 2011, Schönbred contre Allemagne ; CEDH, 24 nov. 2011,
O. H. contre Allemagne.
66
Cf. annexe n° 13 : Les expertises psychiatriques. Synthèse des observations des réponses adressées à la commission et étude de droit comparé..
67
Cons. constit., 21 févr. 2008, déc. n°2008-562 DC.
68
Op. cit., consid. n°21.

- 52 -
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

• la surveillance judiciaire, mesure de sûreté, et le placement sous surveillance électronique mobile.


résultant de la loi précitée du 12 décembre 2005 Prononcée par la juridiction régionale de la rétention de
permet au juge de l’application des peines de sûreté, elle peut être indéfiniment prolongée. La violation
contrôler une personne après l’exécution de sa de ces obligations peut enfin entraîner un placement en
peine pendant une durée égale aux réductions rétention de sûreté.
de peine accordées pendant sa détention en lui
imposant, le cas échéant, une injonction de soins et A cet égard, il convient de noter que, lorsque la rétention
un placement sous surveillance mobile. Là encore, de sûreté intervient en raison de la violation d’une
c’est une profonde évolution de cette mesure que mesure de surveillance de sûreté prolongeant elle-même
propose la commission. une mesure de surveillance judiciaire ou de suivi socio-
judiciaire, la conventionnalité d’une telle rétention est
sujette à caution dès lors qu’aucune condamnation n’est
C. Suppression de la à l’origine de ce placement en rétention de sûreté, la
surveillance de sûreté étant prononcée par la juridiction
surveillance de sûreté régionale de rétention de sûreté.

Enfin, la nature juridique de la surveillance de sûreté


Elle aussi créée par la loi du 25 février 2008, la n’est, elle aussi, pas définie, le Conseil constitutionnel,
surveillance de sûreté, dont les modalités de mise en dans sa Décision précitée du 21 février 2008 ayant
œuvre sont décrites à l’article 706-53-19 du code de énoncé que « la rétention de sûreté n’est ni une peine ni
procédure pénale, est une mesure de surveillance en une sanction ayant le caractère d’une punition; que la
milieu ouvert susceptible de s’appliquer à une personne surveillance de sûreté ne l’est pas davantage69 ».
présentant une dangerosité persistante avec un risque
élevé de commettre à nouveau l’une des infractions
mentionnées à l’article 706-53-13 du code précité. Elle Il apparaît donc que la surveillance de sûreté soulève
vient s’ajouter aux dispositifs existant ce qui rend assez autant de questions que la rétention de sûreté elle-
malaisée la coordination qui s’impose entre elles. même. Par ailleurs, à la date du 13 novembre 2014,
28 mesures de surveillance de sûreté étaient en cours,
Elle peut être prononcée à la suite : ce qui demeure très limité.
Le constat ainsi effectué et qui met en évidence une réelle
• d’une mesure de rétention de sûreté (article 706- fragilité de la rétention et de la surveillance de sûreté en
53-19 du code de procédure pénale) sauf si un terme de conventionnalité, l’application des plus limitées
suivi socio-judiciaire a été ordonné auquel cas c’est qui est actuellement faite de ces mesures, la grande
cette mesure qui s’applique à la suite de la rétention imprécision de la notion de dangerosité qui est pourtant
(article 706-53-20 du code précité); l’une des conditions de leur prononcé, l’existence de
• d’une mesure de surveillance judiciaire (article mesures proches aptes, une fois redéfinies, à satisfaire
723-37 du code précité); à la même nécessaire exigence de prévention de
• d’une mesure de suivi socio-judiciaire (article la récidive conduit donc la commission à faire une
763-8 du code précité); proposition de suppression de ces deux mesures.

et elle est soumise, pour l’essentiel, aux mêmes conditions En formulant une telle recommandation et en faisant,
d’application que la rétention de sûreté (voir supra). dans le même temps, une proposition de redéfinition
Il s’agit d’une mesure qui comporte des obligations et d’extension du champ d’application du suivi socio-
identiques à celles de la surveillance judiciaire et du judiciaire ainsi que la fusion de cette dernière peine
suivi socio-judiciaire, notamment l’injonction de soins avec le sursis avec mise à l’épreuve pour en faire une

69
Op. cit., consid. n°9.

- 53-
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

IV/
peine « de droit commun », la commission entend certes
s’inscrire dans la démarche de simplification et de
clarification qui lui est demandée. Mais, plus encore,
elle considère - et c’est pour elle essentiel – que, sans
désarmer les pouvoirs publics, cette nouvelle peine Les créations
et suppression
permet d’éviter une sortie de prison dépourvue de
toute mesure d’accompagnement et, par là même, de
prévenir la récidive.

En proposant la suppression de la rétention de sûreté et de corrélatives en matière


la surveillance de sûreté, la commission rejoint d’ailleurs
la position qu’a récemment prise la Contrôleure générale d’application des
peines
des lieux de privation de liberté dans l’avis public qu’elle
a rendu le 5 novembre 201570. Cet avis, qui s’inscrit
dans la ligne de l’avis rendu par son prédécesseur le 6
février 201471, s’interroge lui aussi sur la nature juridique
exacte de cette mesure et sur « cette conception nouvelle
du droit de la peine qui supprime le lien objectif entre
culpabilité et responsabilité, entre infraction et sanction, A. Suppression du SME et du sursis
au profit de la notion de dangerosité ». Plus encore, il
souligne, au vu des constatations récemment effectuées assorti d’un travail d’intérêt général
au centre médico-judiciaire de sûreté de Fresnes, que
les modalités de prise en charge des cinq personnes qui Comme cela a été exposé supra72, la redéfinition
y ont été jusqu’ici placées pour n’avoir pas respecté les du suivi socio-judiciaire et l’extension de son champ
obligations imposées dans le cadre d’une surveillance d’application, tout comme la levée de la limitation
de sûreté, sont sujettes à critiques et ne répondent pas de la contrainte pénale aux peines d’emprisonnement
aux objectifs assignés par la loi. égales ou inférieures à cinq ans et sa généralisation,
ne rendent plus indispensable le maintien du sursis avec
mise à l’épreuve («le SME») et du sursis assorti d’un
travail d’intérêt général (« TIG » ).
Il s’impose en effet d’éviter tout ce qui pourrait constituer
des redondances et de concrétiser les intentions de
suppression qui s’étaient manifestées lors des débats
parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi
du 15 aout 2014. La Commission propose donc la
suppression du SME et du sursis TIG.

B. Création de la libération contrôlée


La commission s’est livrée à une analyse approfondie
de la surveillance judicaire telle qu’elle a été créée par
la loi du 12 décembre 2005 ainsi que des conditions
de sa mise en œuvre. Au terme de l’examen auquel
elle a procédé, elle fait la proposition de redéfinir cette

70
Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Avis public du 5 octobre2015 (JORF du 5 novembre 2015)
71
Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Avis public du 6 février 2014 (JORF du 25 février 2014).
72
Voir supra pages 40 et 73.

- 54 -
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

mesure et de lui substituer une mesure intitulée « libération en récidive, et lorsque l’expertise qui a été ordonnée
contrôlée » dont l’économie s’inscrit directement dans a conclu à la dangerosité du condamné et à un risque
l’objectif de prévention de la récidive qu’elle entend élevé de récidive. Elle est prononcée sur réquisitions
poursuivre. du procureur de la République et intervient après qu’ait
été facultativement recueilli l’avis de la commission
1. Description de l’actuelle pluridisciplinaire des mesures de sûreté et après une
admission, également facultative, au centre national
surveillance judiciaire d’évaluation. C’est le tribunal de l’application des peines
qui détermine sa durée : elle ne peut excéder celle des
Créée par la loi du 12 décembre 2005 déjà citée
réductions de peines dont le condamné a bénéficié.
relative au traitement de la récidive des infractions
La situation de la personne concernée au regard de
pénales, la surveillance judiciaire permet au juge de
l’éventuelle application de la surveillance judiciaire
l’application des peines de contrôler une personne
est obligatoirement examinée avant sa libération. La
une fois sa peine purgée pendant une durée égale
procédure est contradictoire et doit se dérouler en
aux réductions de peine dont elle a bénéficié en lui
présence d’un avocat.
imposant éventuellement une injonction de soins et une
mesure de surveillance mobile.
b) Les obligations assortissant une surveillance judiciaire
Il peut s’agir de celles actuellement prévues pour le
Nature juridique.
sursis avec mise à l’épreuve.
Il s’agit non pas d’une peine mais d’une mesure de
Il est également possible de prononcer un placement
sûreté qui se trouve codifiée aux articles 723-29 et
sous surveillance électronique mobile, une assignation
squ… du code de procédure pénale. Appelée à se
à domicile si l’on est en présence d’une peine de
prononcer sur ce point en procédant à l’examen de
réclusion criminelle d’une durée égale à 15 ans en cas
la mesure de placement sous surveillance électronique
de crimes mentionnés à l’article 706-53-13 du code de
mobile, le Conseil constitutionnel, le 8 décembre
procédure pénale, c’est-à-dire ceux qui ouvrent droit à
2005, a précisé : « Considérant, en premier lieu, que
l’éventuelle prononcé d’une rétention de sûreté. Enfin,
la surveillance judiciaire est limitée à la durée des
sauf décision contraire du juge de l’application des
réductions de peine dont bénéficie le condamné; qu’elle
peines, est prononcée une injonction de soins après
constitue ainsi une modalité d’exécution de la peine qui
qu’il a été procédé à une expertise médicale.
a été prononcée par la juridiction… qu’elle repose non
sur la culpabilité du condamné mais sur sa dangerosité;
c) Le suivi
qu’elle a pour seul but de prévenir la récidive; qu’ainsi
Le suivi de cette mesure est assuré par le juge de
la surveillance judiciaire ne constitue ni une peine ni une
l’application des peines. Il dispose de la possibilité de
sanction73… ».
modifier les obligations au cours de son exécution et
d’en ordonner la mainlevée.
Économie de la
surveillance judiciaire d) Sanction
En cas de violation des obligations mises à la charge
a) Les conditions de mise en œuvre du condamné, la réincarcération du condamné peut
La surveillance judiciaire peut être prononcée par le juge être décidée pour la durée des réductions de peines
de l’application des peines en cas de condamnation à accordées et non déjà révoquées. Par ailleurs, l’article
une peine de sept ans d’emprisonnement en répression 723-37 du code de procédure pénale prévoit la
d’une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire possibilité, dans certaines conditions, de prolonger
est encouru; en cas de condamnation à une peine de les obligations imposées au condamné mais dans le
cinq ans ou plus en répression d’infractions commises cadre cette fois de la mesure de surveillance de sûreté
évoquée supra.

73
Cons. constit, 8 déc. 2005, déc. n°2005-527 rendue à propos de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

- 55-
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

2. Évolution proposée vers la Le dispositif.


Pour la commission, les personnes condamnées à
« libération contrôlée » une peine égale ou supérieure à 10 ans de réclusion
criminelle ne sortiraient plus de prison sans contrôle. A
La commission s’est interrogée sur le point de savoir
moins d’avoir été condamnées à un suivi socio-judicaire
s’il convenait de conserver cette mesure dès lors que
(ou au nouveau suivi socio-judiciaire probatoire si cette
le nombre des personnes placées sous surveillance
proposition devait être retenue) ou d’avoir bénéficié
judiciaire est faible - 84 mesures auraient été
d’une mesure de libération conditionnelle, elles
prononcées en 2014 - et où la nouvelle peine de suivi
seraient soumises, à leur libération, à des obligations
socio-judiciaire probatoire proposée supra74 apporte
de surveillance et de contrôle pendant la durée des
des réponses à nombre des situations concernées par
réductions de peines et des réductions de peines
une éventuelle surveillance judiciaire.
supplémentaires dont elle ont bénéficié au cours de
Ce n’est toutefois pas le parti qu’elle a entendu prendre.
leur incarcération. Il en résulte que toutes les réductions
Il lui est en effet apparu que l’objectif de prévention de
de peines, quel que soit leur motif, deviendraient ainsi
la récidive que se fixe la surveillance judiciaire, plus
conditionnelles.
que celui de lutte contre la dangerosité, notion qui,
cela a déjà été relevé, est singulièrement difficile à
Lors de l’examen des dernières réductions de peines, la
définir, méritait impérativement d’être conservé sauf, là
juridiction de l’application des peines déciderait s’il y a
encore, à redéfinir le champ d’application, le contenu
lieu ou non à contrôle. Si elle considérait qu’une récidive
et la portée de cette mesure. Eviter les « sorties sèches »,
n’est pas exclue, elle pourrait prononcer la nouvelle
en particulier pour les longues peines, et tenter de
mesure de libération contrôlée. En revanche, si de tels
réduire le risque de récidive grâce à un contrôle et à
risques n’étaient pas avérés, elle pourrait s’abstenir
un accompagnement lors de la sortie de prison doit
de prononcer cette mesure. Dans le même esprit,
demeurer l’absolue priorité.
lorsque cette mesure aurait été prononcée, le contrôle
pourrait être levé. Dans tous les cas, la procédure serait
Le principe.
contradictoire.
La commission estime qu’il faut poser en principe que les
Ces dernières dispositions paraissent en effet
peines criminelles s’exécutent en totalité sous le contrôle
indispensables pour permettre une prise en charge
du juge de l’application des peines soit en milieu fermé
effective des personnes présentant un risque avéré de
soit, à un certain stade de l’exécution de la peine, en
récidive. Imposer une telle surveillance pour toutes les
milieu ouvert.
condamnations – y compris en matière correctionnelle
Est ainsi reconnue l’importance des condamnations
– risquerait fort de vider cette nouvelle mesure de toute
prononcées par les cours d’assises et le jury populaire
portée car les services de l’administration pénitentiaire
dès lors que le quantum de la peine qu’elles prononcent
seraient rapidement dans l’impossibilité de faire face au
fera l’objet d’un contrôle dans son intégralité. Ne prévoir
nombre des personnes à contrôler.
cette mesure que pour les condamnations prononcées
par les cours d’assises ne veut pas dire pour autant que
Les obligations assortissant la libération contrôlée.
l’exécution des peines correctionnelles est dépourvue
En cas de prononcé, les obligations qui seraient
de tout contrôle. Comme cela a déjà été souligné, le
imposées seraient celles de l’actuel sursis avec mise
nouveau suivi socio-judiciaire probatoire ainsi que la
à l’épreuve qu’il s’agisse des mesures de contrôle
libération sous contrainte instaurée par la loi n°2014-
de l’article 132-44 du code pénal ou des mesures
896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des
particulières de l’article 132-45 ainsi que des mesures
peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, qui
d’aide à caractère social au sens de l’article 132-46
s’appliquent à toutes les infractions, répondent en effet
du même code.
davantage aux situations que rencontrent les tribunaux
et pour lesquelles un suivi individualisé s’impose.

74
Voir supra page 76.

- 56 -
ch.2 | la rationalisation et la rénovation de la nomenclature des peines

En cas de crimes entrant dans les prévisions de l’article Le dispositif ainsi proposé peut apparaître sévère dès
706-53-13 du code de procédure pénale et permettant lors que toutes les peines criminelles de plus de dix ans
actuellement l’éventuel prononcé d’une rétention de s’exécuteraient en totalité en milieu fermé ou en milieu
sûreté, pourraient être décidés un placement sous ouvert avec contrôle. Il a toutefois le mérite d’être plus
surveillance électronique mobile, une assignation à clair pour les jurés comme pour les condamnés. La règle
domicile et une injonction de soins. qui s’appliquera sera en effet connue dès le prononcé
de la condamnation et la tentation - comme cela se
La sanction. produirait parfois - de prononcer une peine incluant par
En cas d’inobservation des mesures mises à la charge anticipation d’éventuelles réductions de peines devrait
du condamné, il serait réincarcéré pour la durée de disparaître puisque la période de temps correspondant
peine restant à purger. aux réductions de peines accordées serait effectivement
exécutée mais en milieu ouvert.
La nature juridique. Les modalités d’octroi des réductions de peine
Eu égard à la Décision précitée du Conseil constitutionnel devraient être simplifiées car elles deviendront toutes
du 8 décembre 2005, la constitutionnalité de ce conditionnelles.
nouveau dispositif procédural ne paraît pas contestable
car on se trouve toujours dans le cadre de l’exécution Enfin, la nouvelle libération contrôlée devrait inciter tous
de la peine et il ne s’agit pas d’une nouvelle peine. les détenus à s’engager dans un projet de libération
Seules devront être prévues, si, une nouvelle fois, cette constructif et à ne pas s’en écarter comme certains le
proposition devait prospérer, des dispositions transitoires font parfois car ils feront en tout état de cause l’objet
en ce qui concerne les surveillances judiciaires en cours d’un contrôle à leur sortie de prison.
d’exécution.
Sa conventionnalité peut, en revanche et dans un Ce faisant, et comme avec le nouveau suivi socio-
premier temps, susciter des interrogations au regard judiciaire probatoire, devrait pouvoir être atteint,
notamment des dispositions de l’article 5-1 de la tout particulièrement en matière criminelle, le double
convention évoquée supra. objectif, prioritaire, d’éviter les sorties de prison
dépourvues d’encadrement et d’accompagnement et
S’agissant de l’article 5-1-a) (détention après de promouvoir toute mesure susceptible de réduire les
condamnation), et à la lumière de l’arrêt de la Cour de risques de récidive.
Strasbourg Van Droogenbroeck contre Belgique du 24
juin 1982 déjà cité, on peut en effet se demander si
une décision de réincarcération après révocation d’une
réduction de peine précédemment accordée présente
un lien suffisant avec la condamnation initiale.
A quoi il semble possible de répondre que le principe,
nettement affirmé, selon lequel les peines criminelles
égales et supérieures à dix ans s’exécutent soit en
milieu fermé soit en milieu ouvert traduit bien le fait que
c’est bien la même condamnation qui s’exécute, les
conditions de mise à exécution en milieu ouvert étant au
surplus connues dès que la cour d’assises prononce la
peine et en cas d’inexécution des obligations le tribunal
de l’application des peines pouvant ne révoquer que
partiellement

- 57-
CHAPITRE 3
---
LA CONSÉCRATION DE
L’INDIVIDUALISATION
ET DE LA
JURIDICTIONNALISATION
AU STADE DE
L’APPLICATION
DES PEINES
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

La fonction de juge de l’application des peines a été assurer un meilleur équilibre entre le souci de préparer
créée il y a plus de 50 ans. un détenu à la vie libre et la nécessité de ne pas faire
courir de risques à nos concitoyens.
Le juge de l’application des peines exerce en milieu
ouvert et suit à ce titre les condamnés qui subissent leur A cet égard, elle a examiné avec une particulière attention
peine au sein de la collectivité sans, le plus souvent, les conditions dans lesquelles peuvent être actuellement
avoir été écroués. accordées des permissions de sortir. Soucieuse de lui
Il exerce également en milieu fermé et, à ce second permettre de jouer pleinement son rôle de préparation
titre, se trouve au cœur des dispositifs d’application et à la sortie de prison, elle s’est également penchée sur
d’aménagement des peines. C’est en effet sur lui, avec la procédure de libération conditionnelle. Elle a enfin
l’aide des personnels de l’administration pénitentiaire pensé qu’il était souhaitable de prévoir, dans certaines
et de la protection judiciaire de la jeunesse, des situations et en les entourant de strictes garanties, des
personnels éducatifs mais aussi des représentants des procédures de conversion de peine. La commission a
collectivités locales et du secteur associatif et avec des aussi souhaité vérifier si la juridictionnalisation de la
moyens souvent limités, que repose la lourde tâche de phase d’application et d’aménagement de la peine,
rendre la prison utile et de préparer, tout au long de en particulier la répartition des compétences entre juge
l’exécution de leur peine, de manière individualisée et de l’application des peines et tribunal de l’application
en fonction de leur évolution, la sortie de détenus que des peines et la procédure suivie devant la chambre
personne ne souhaite voir récidiver d’application des peines, était adaptée et satisfaisait
Son champ d’intervention a beaucoup évolué, ses en tous points aux exigences procédurales relatives,
attributions se sont multipliées, le nombre des détenus notamment, à l’effectivité d’un appel interjeté, la
s’est considérablement accru75 et la juridictionnalisation possibilité de comparaître offerte au demandeur détenu
de l’application des peines consacrée par la loi et la non-aggravation de la décision sur son seul appel.
n°2000-516 du 15 juin 2000 a encore augmenté ses
responsabilités. I. Préalables
Le juge de l’application des peines est parfois l’objet Préalablement à la formulation de ses propositions en
de vives critiques qui oublient sans doute, à la suite matière d’application et d’aménagement des peines,
d’événements dramatiques mais, numériquement et la commission souhaite toutefois se prononcer sur deux
heureusement, très rares, qu’il ne fait qu’appliquer, avec questions de principe revêtant pour elle une particulière
le maximum de mesure et en s’entourant d’avis autorisés, importance.
les textes que le législateur et le pouvoir réglementaire
ont mis à sa disposition. La prise en compte de la récidive.
Comme l’y invitait la lettre de mission, la commission Il lui apparaît tout d’abord que, s’il est logique qu’une
s’est donc penchée sur les conditions dans lesquelles le personne déclarée coupable de faits commis en
juge de l’application des peines exerce la mission qui récidive encoure des sanctions aggravées par rapport à
lui est confiée. une personne dépourvue de tout antécédent judiciaire,
Elle a, pour ce faire, examiné nombre des dispositions il ne se justifie pas de pénaliser à nouveau un récidiviste
législatives et réglementaires qu’il doit mettre en œuvre au stade de l’exécution et de l’éventuel aménagement
au stade de l’application et de l’aménagement des de sa peine, les décisions susceptibles d’intervenir
peines afin de s’assurer de leur cohérence et de voir sur ces deux plans ne devant être dictées que par les
s’il n’était pas possible de simplifier voire d’harmoniser efforts fournis par l’intéressé, ses gages de réinsertion,
leurs conditions d’application. les risques de le voir commettre ou non une nouvelle
Elle s’est aussi demandée si certaines des mesures infraction. La commission propose dès lors de ne plus
mises à la disposition de ce magistrat étaient toujours prendre en compte la récidive au stade post sentenciel.
adaptées et ne méritaient pas d’être repensées pour

75
Voir supra page 76.

- 60 -
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

Le concept de dangerosité. estime qu’il s’impose, d’une part, de clarifier les


Par ailleurs, comme cela a déjà mentionné76, la compétences respectives du juge de l’application
commission entend prendre ses distances avec le des peines et du tribunal de l’application des peines
concept de « dangerosité » qui ne ressortit d’aucune et, d’autre part, de redéfinir certains aspects de la
notion juridique et qui, pour le plus grand nombre des procédure suivie devant les chambres de l’application
personnes consultées et, en particulier, pour les experts des peines et de renforcer les pouvoirs propres dévolus
psychiatres, ne peut être définie avec précision. à leurs présidents.
Les incertitudes qui entourent une notion qui, en
application de certains textes, est pourtant susceptible
d’affecter notablement les possibilités d’aménagement
de peines ne peuvent se prolonger et doivent donc être A. La clarification des règles de
levées.
La commission propose donc de substituer désormais compétence entre juge et tribunal
l’exigence de prévention de la récidive à la notion de
dangerosité. La mission confiée aux experts psychiatres de l’application des peines
susceptibles d’être commis au cours de l’exécution
de la peine mériterait dès lors d’être redéfinie afin
de leur permettre de donner aux autorités appelées à Dans le droit positif actuel, se superposent deux
intervenir au stade de l’aménagement de la peine toutes critères de répartition de compétence entre le juge de
informations utiles sur des notions telles que la vulnérabilité l’application des peines et le tribunal de l’application
psychique, affective, sociale de la personne concernée, des peines selon la nature de la mesure sollicitée (article
une vulnérabilité laissant craindre une récidive et rendant 712-4 à 712-7 du code de procédure pénale) et, pour
donc nécessaire un accompagnement socio-éducatif77. certaines mesures d’aménagement de peine telle que
la libération conditionnelle, selon la durée de la peine
prononcée ou restant à subir.

II/
En effet, aux termes des dispositions de l’article 730
du code de procédure pénale, en matière de libération
conditionnelle, « lorsque la peine privative de liberté

Les juridictions prononcée est d’une durée inférieure ou égale à dix ans
ou que, quelle que soit la peine initialement prononcée,

compétentes
la durée de détention restant à subir est inférieure
ou égale à trois ans, la libération conditionnelle est
accordée par le juge de l’application des peines selon
La juridictionnalisation progressive de l’application des les modalités prévues par l’article 712-6 ».
peines, opérée par la loi du 15 juin 2000 et poursuivie « Dans les autres cas, la libération conditionnelle est
par celle du 9 mars 2004, a profondément modifié accordée par le tribunal de l’application des peines
les conditions d’exercice et, plus encore, la fonction selon les modalités prévues par l’article 712-7 ».
même du juge de l’application des peines comme celle Cette même répartition de compétence régit l’octroi
des magistrats appelés à se prononcer en appel sur les d’une suspension de peine pour raison médicale prévue
décisions qu’il rend. par l’article 720-1-1 du code de procédure pénale.
Rejoignant en cela le constat effectué par nombre des La commission considère que ce double critère est
contributions qui lui ont été adressées78, la commission très complexe et elle propose que le quantum de la

76
Voir supra page 85.
77
L’expertise post-sentencielle ne devrait pas se contenter de dresser le portrait d’un moment de la vie du condamné mais s’attacher aussi à son parcours pénitentiaire afin,
notamment, de mettre en évidence les perspectives d’évolution, d’évaluer le risque de récidive par l’étude des facteurs d’aggravation ou des facteurs limitatifs ou protecteurs de ce
risque. Une proposition de mission d’expertise post sentencielle figure en annexe n° 10 : Les expertises psychiatriques.
78
C’est notamment le point de vue exprimé par l’Union syndicale des magistrats et l’Association nationale des juges de l’application des peines. Voir aussi Cass. crim. 15 avril
2015, pourvoi n°14-82.622 : Dr. pénal juin 2015, comm. n°91 obs. E. Bonis-Garçon.

- 61-
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

peine prononcée – révélateur de la gravité des faits garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation
et de la vulnérabilité de la personne - constitue le des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution »;
critère à prendre en considération pour déterminer la que le principe d’indépendance est indissociable de
compétence du juge ou du tribunal. l’exercice de fonctions juridictionnelles; il précise que,
Lorsque la peine prononcée est égale ou supérieure si les dispositions de l’article 66 de la Constitution
à 10 ans, le tribunal de l’application des peines se n’interdisent pas que des juges non professionnels
trouverait compétent, le juge de l’application des peines siègent au sein d’une juridiction pénale de droit
retenant sa propre compétence pour toutes les peines commun, c’est à la condition que soient : « apportées
inférieures; Lorsque la peine restant à subir est inférieure en pareils cas des garanties appropriées permettant de
à trois ans, c’est le juge de l’application des peines qui satisfaire au principe d’indépendance, indissociable
serait compétent, le tribunal de l’application des peines de l’exercice de fonctions judiciaires, ainsi qu’aux
étant compétent pour les reliquats de peine se situant exigences de capacité qui découlent de l’article 6 de
entre trois et 10 ans. la Déclaration de 1789 ».
Enfin, comme le prévoit l’article 712-6 alinéa 3 du
code de procédure pénale, le juge de l’application des Quant à la Cour européenne des droits de l’homme,
peines « peut […] chaque fois qu’il l’estime nécessaire, elle indique de façon constante que : » le contrôle
décider […] de renvoyer le jugement de l’affaire devant judiciaire des atteintes portées par l’exécutif au droit
le tribunal de l’application des peines ». à la liberté d’un individu constitue un élément essentiel
de la garantie de l’article 5-3. Pour qu’un « magistrat »
puisse passer pour exercer des « fonctions judiciaires »,
au sens de cette disposition, il doit remplir certaines
B. La composition et la procédure conditions représentant, pour la personne détenue, des
garanties contre l’arbitraire ou la privation injustifiée de
suivie devant la chambre de liberté. Ainsi, le « magistrat » doit être indépendant de
l’exécutif et des parties80. »
l’application des peines Tout en comprenant les raisons qui ont pu conduire à
faire siéger au sein de la chambre de l’application
1. La composition des peines un responsable d’association de réinsertion
des condamnés et un responsable d’association
d’aide aux victimes, la commission considère que leur
La présence de deux membres extérieurs.
présence ne répond ni aux exigences d’indépendance
Aux termes de l’article 713-13 du code de procédure
et d’impartialité tirées de l’article 66 de la Constitution
pénale, certains jugements du tribunal de l’application
ni à celles, de même nature, qui découlent de l’article
des peines (tels que ceux rendus en matière de relèvement
5-3 de la Convention européenne de sauvegarde des
de période de sûreté, de libération conditionnelle ou
droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle
de suspension de peines) sont soumis à la chambre de
estime donc devoir proposer un retour à la composition
l’application des peines de la cour d’appel composée,
traditionnelle de la chambre de l’application des peines :
en ces occasions, du président, de deux conseillers
un président et deux conseillers assesseurs.
assesseurs, d’un responsable d’une association de
réinsertion des condamnés et d’un responsable d’une
La désignation du président de la chambre de
association d’aide aux victimes. Or la présence de ces
l’application des peines.
personnalités laisse planer un doute sur la constitutionalité
Afin de souligner les pouvoirs qui lui sont reconnus, d’en
comme sur la conventionnalité de ce dispositif.
montrer toute l’importance et de lui assurer une pérennité
En effet le Conseil constitutionnel rappelle de façon
suffisante dans cette fonction, la commission propose
constante : «qu’aux termes de l’article 16 de la
que le président de la chambre de l’application des
Déclaration de 178979 : « Toute société dans laquelle la

79
Cf : à cet égard : 4 août 2011 - décision n° 2011-635 DC - loi n°2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le
jugement des mineurs- ct 10.)
80
Cf : Assenov et autres contre Bulgarie - 28 octobre 1998 - ct 146.

- 62 -
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

peines soit désormais nommé par décret, comme c’est par ordonnance motivée. La chambre disposerait enfin,
actuellement le cas pour le président de la chambre de en tout état de cause, de la possibilité de procéder,
l’instruction. en audience, à l’audition de l’intéressé par un système
de visioconférence. Cette procédure remplacerait le
2. La procédure suivie devant la dispositif actuellement en usage qui ne prévoit le recours
à une telle modalité qu’avant l’audience, l’audition
chambre de l’application étant effectuée par l’un seulement des magistrats de la
des peines chambre.

La comparution devant la La non-application de la règle dite de « l’unique objet ».


chambre de l’application des peines. La situation des condamnés est, cela vient d’être
Cette comparution n’est étonnamment prévue par aucun souligné, souvent susceptible d’évoluer rapidement.
texte, que le condamné soit appelant ou qu’il ne le Dans un souci d’efficacité et de célérité, il apparaît
soit pas. A moins que la chambre de l’application des nécessaire, comme c’est déjà le plus fréquemment
peines estime utile d’ordonner son audition, l’intéressé le cas, que la chambre de l’application des peines,
est seulement avisé de la date d’audience. Il peut lorsqu’elle est saisie d’un appel, puisse examiner sous
toutefois formuler des observations écrites et/ou se faire ses différents aspects l’ensemble de la situation de la
représenter par un avocat. L’audition par la chambre personne concernée et, le cas échéant, statuer sur une
n’est obligatoire que si la personne n’a pas comparu demande d’aménagement distincte de celle qui avait
en première instance et si le débat porte sur un retrait été initialement sollicitée. C’est la proposition que
de mesure81. formule la commission.
Or les personnes condamnées se trouvent souvent dans
des situations précaires qui sont susceptibles d’évoluer La procédure d’appel devant la
rapidement. Leur absence lors de la phase d’appel ne chambre de l’application des peines.
permet donc pas aux juges de prendre suffisamment en La commission considère que, sur ce point également,
compte la réalité de leur situation au moment où il est la situation peut et doit être améliorée.
statué.
Au surplus, l’absence de tout échange verbal, direct et Elle a en effet pu constater qu’en matière de mise à
personnel, ne permet pas non plus à la chambre de se exécution des sanctions pénales, les pratiques des
faire une idée précise de la personne concernée ainsi différents procureurs de la République sont très diverses
que du contexte dans lequel elle évolue et s’inscrivent sur l’ensemble du territoire. Sans doute chaque procureur
ses éventuels manquements, de la viabilité de son projet. est-il responsable de la politique pénale mise en œuvre
La commission n’a pas estimé pouvoir retenir le principe au sein de son ressort et la politique d’exécution des
d’une comparution systématique de l’intéressé devant peines en fait d’évidence partie.
la chambre de l’application des peines. En revanche, Encore faut-il que cela ne conduise pas à créer des
elle propose d’instituer un droit à la comparution situations par trop inégalitaires et veiller à ce que, au
lorsque le condamné en fait la demande dans sa minimum au sein d’un même ressort de cour d’appel, ne
déclaration d’appel ou lorsque, non appelant, il en soient pas mises en œuvre des solutions disparates et
fait la demande après réception de l’avis d’appel. Afin donc peu compréhensibles.
toutefois d’éviter la comparution réitérée d’une personne Ainsi, lorsque l’appel porte sur un rejet d’aménagement
dont la présence ne s’avérerait d’aucune utilité pour les de peine ab initio, rien ne fait actuellement obstacle à
débats, il est proposé, à l’instar du pouvoir reconnu au une mise à exécution de la peine et à une incarcération,
président de la chambre de l’instruction, de donner au et ce sans égard à l’existence d’un appel qui, compte
président de la chambre de l’application des peines tenu des délais d’audiencement, prive de tout effet cette
la possibilité de refuser une demande de comparution voie de recours. De même, lorsque l’appel porte sur

81
Article 712-13 du code de procédure pénale.

- 63-
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

III/
une décision de révocation de mesure de probation ou
de retrait d’aménagement de peine, la possibilité de
mise à exécution rapide de la décision prive là encore
l’appel de toute effectivité.
Dans de telles hypothèses, la commission n’a pour Les permissions
de sortir
autant pas estimé pouvoir retenir la solution consistant
à différer la mise à exécution de la peine concernée
jusqu’à la décision de la cour d’appel ni d’instaurer une
procédure de référé suspension devant le président de L’appellation “permission de sortir”, que définit l’article
la chambre de l’application des peines. En revanche, 723-3 du code de procédure pénale, recouvre84, en
elle entend proposer qu’en pareil cas la chambre soit pratique, trois réalités différentes :
tenue de statuer dans un délai de deux mois, tout • la permission de sortir peut constituer un premier
délai de plus longue durée faisant courir le risque de pas à l’extérieur de la détention en vue, le plus
voir disparaître les fondements même de la demande souvent, de maintenir, de renforcer ou de renouer
formulée par le condamné notamment en termes de les liens familiaux dont dispose encore le détenu
logement et/ou de d’emploi. ce qui est loin d’être toujours la règle. Il s’agit là
La commission a par ailleurs traité ci-dessous la procédure de l’une des premières étapes du parcours de
propre à l’hypothèse spécifique des permissions de sortir réinsertion dans lequel il s’engage. Du succès ou
et formulé diverses propositions auxquelles il convient de l’échec des premières permissions de sortir
de se référer82. dépendra dans une large mesure le déroulement
ultérieur de ce parcours, étant rappelé que tout doit
L’effet de l’appel. être mis en œuvre pour éviter une “sortie sèche”,
Enfin, l’exercice d’une voie de recours, et de l’appel en c’est-à-dire dépourvue de suivi; (« les permissions de
particulier, constituant un droit, la loi devrait désormais la 1re catégorie » );
prévoir que, selon les règles du droit commun, aucune • une permission est parfois accordée pour
aggravation de la situation de la personne appelante effectuer des démarches de diverses natures :
n’est possible devant la chambre de l’application des administratives, sanitaires, universitaires, culturelles,
peines, sauf bien évidemment en cas d’appel formé par telles que, par exemple, un renouvellement de carte
le ministère public. nationale d’identité, une convocation devant une
La commission propose donc d’intégrer dans le code de juridiction, passer un examen dont les épreuves ne
procédure pénale, un article similaire à l’actuel article peuvent se dérouler en détention, se rendre dans
515 alinéa 2 mais qui serait applicable à la phase un centre de soins spécialisés, participer à une
de l’exécution des peines. Ainsi, serait officialisée la manifestation sportive dans laquelle l’établissement
jurisprudence de la Cour de cassation venue consacrer est engagé ou encore pour répondre à un rendez-
la prohibition de la réformation in pejus en tant que vous fixé par les services de Pôle Emploi ou pour
principe général du droit83. passer un entretien d’embauche; (« les permissions
Ce nouveau texte pourrait disposer que « sur le seul de la 2e catégorie » );
appel du condamné, le président de la chambre de • enfin, un détenu peut, dans certaines
l’application des peines statuant sur appel d’une circonstances, bénéficier d’une permission de sortir
ordonnance du JAP ou la chambre de l’application “exceptionnelle” : ce sera éventuellement le cas
des peines statuant sur appel d’un jugement ne peut lors d’un événement familial important tel que la
aggraver le sort de l’appelant ». naissance d’un enfant ou le décès d’une personne
proche; (« les permissions de la 3e catégorie » ).
82
Voir infra pages 111 et 112.
83
Cf : en ce sens, le dernier état de la jurisprudence de la Cour de cassation : Cass. crim., 12 février 2014 : pourvoi n° 13-81683 : Dr. pénal mai 2014, comm. 83, obs. E.
Bonis-Garçon.
84
Article 723 -3 du code de procédure pénale. « La permission de sortir autorise un condamné à s’absenter d’un établissement pénitentiaire pendant une période de temps
déterminée qui s’impute sur la durée de la peine en cours d’exécution. Elle a pour objet de préparer la réinsertion professionnelle ou sociale du condamné, de maintenir ses liens
familiaux ou de lui permettre d’accomplir une obligation exigeant sa présence ».

- 64 -
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

Les articles 131-30 et 132-23 du code pénal définissent il convient, si les circonstances l’imposent et s’agissant
le régime actuel des permissions de sortir. Le fait de de condamnés ne pouvant pas encore prétendre à une
ne pas réintégrer l’établissement pénitentiaire à l’issue permission de sortir, de prévoir qu’elles s’effectueront
d’une permission de sortir, caractérise le délit d’évasion, sous escorte, selon le dispositif expressément prévu par
prévu et réprimé par l’article 434-29 du même code. le code de procédure pénale et fréquemment mis en
De nombreuses dispositions figurent également dans le œuvre.
code de procédure pénale.
Le nombre des permissions de sortir accordées chaque Plus généralement et s’agissant en particulier des
année entre 2008 et 2013 a oscillé entre 50 et 60 000 permissions de la 1re catégorie, la commission entend
avec un taux de non réintégration dans l’établissement formuler les propositions suivantes :
pénitentiaire au terme de la permission, qui, pour
infiniment regrettable qu’il soit, se situe entre 0, 37 % et l’octroi de la première permission
0, 61 % seulement85. L’octroi de la première permission de sortir devrait
De dramatiques faits divers ont récemment suscité revêtir une forme plus solennelle afin de faire clairement
une légitime émotion; ils conduisent naturellement comprendre au détenu qu’il ne s’agit pas là d’une
à s’interroger sur les mesures pouvant être prises décision automatique mais de l’entrée dans un processus
pour réduire ce risque sans que soit remis en cause qui lui impose des obligations.
le principe même d’une mesure dont personne ne Il est dès lors proposé que, quelque que soit le type
peut raisonnablement contester l’utilité, qui s’inscrit d’établissement au sein duquel est exécuté la peine,
pleinement dans un parcours pénitentiaire destiné à le juge de l’application des peines fasse comparaître
préparer la sortie de prison et qui a depuis longtemps le condamné, éventuellement assisté de son avocat,
fait ses preuves. devant la commission d’application des peines.
À cette occasion, le détenu se verrait expliquer ce
La commission, en ce qui la concerne, estime qu’il est qu’est le régime exact des permissions de sortir ainsi
nécessaire : our les permissions de la 1re catégorie, de que ses droits et ses obligations. Son entrée dans un
revoir l’ensemble d’un système procédural devenu trop cycle de permissions serait validée et la fréquence des
complexe et de redéfinir, en le simplifiant, certaines de permissions susceptibles de lui être accordées serait
leurs modalités d’octroi; Pour les permissions des 2e et définie. Enfin seraient également définis les objectifs
3e catégories, de rechercher là encore des modalités qu’il lui faut atteindre si sa demande de permission
de mise en œuvre plus souples, n’impliquant pas ne paraît pas devoir être accordée à ce stade de son
obligatoirement de quitter l’établissement pénitentiaire parcours pénitentiaire.
ou présentant de meilleures garanties. S’agissant des Si cette comparution apparaît indispensable en
permissions de la 2e catégorie, il s’impose de favoriser, préalable à l’octroi de la première permission de sortir,
chaque fois que cela s’avère possible, la réalisation rien n’interdit bien entendu de la renouveler au cours
« à distance » des démarches et formalités exigées d’un du processus de permission s’il s’avère nécessaire de
détenu. Si un traitement médical spécialisé suppose procéder à des rappels ou de faire des réajustements
indubitablement une sortie de l’établissement, il n’en dans le cycle mis en place.
va pas obligatoirement de même d’un renouvellement
de carte nationale d’identité ou d’un entretien avec le Les conditions de délai
conseiller de Pôle Emploi qui devrait pouvoir s’effectuer Elles méritent d’être simplifiées et harmonisées. La
par téléphone ou visioconférence. commission considère qu’aucun délai ne doit être
exigé lorsque l’on est en présence d’une condamnation
En ce qui concerne les permissions de la 3e catégorie, égale ou inférieure à deux ans d’emprisonnement ou
dont le principe même ne saurait être mis en cause car en cas de cumul de peine égal ou inférieur à deux ans
il contribue fortement au maintien des liens familiaux, d’emprisonnement.

85
Cf. annexe N° 6 Données statistiques

- 65-
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

Lorsque la peine d’emprisonnement prononcée est des permissions de sortir. A cet égard, elle propose
supérieure à deux années d’emprisonnement, une de retenir les mêmes conditions que celles énoncées
permission de sortir pourrait être envisagée à compter supra86.
du 1/3 d’exécution de la peine.
Le renforcement des garanties
La durée de la permission. préalables à l’octroi d’une permission de sortir.
C’est au juge de l’application des peines d’apprécier, Les avis émis par les personnels pénitentiaires, qu’il
au cas par cas et en fonction de la personnalité du s’agisse des surveillants, qui sont au contact quotidien
détenu et des éléments d’information dont il dispose, avec le détenu, ou des conseillers d’insertion et de
quelle doit être la durée de la permission. Pour la probation, s’avèrent particulièrement utiles, au sein des
commission, elle devrait être fixée entre un et cinq jours commissions d’application des peines, pour évaluer
selon qu’il s’agit de répondre à une convocation devant les gages de réinsertion et les risques de récidive.
une juridiction, d’effectuer un stage ou de maintenir les Les médecins psychiatres apportent également sur
liens familiaux. Serait expressément prévue la possibilité ce point une précieuse contribution. Les possibilités
d’octroyer une fois par an une permission de dix jours. d’appréciation susceptibles d’être transmises aux juges
de l’application des peines doivent pourtant être encore
L’harmonisation des conditions d’octroi. renforcées si l’on veut qu’ils soient en mesure de prendre
Il convient de mettre fin au système actuel qui prévoit, leurs décisions en toute connaissance de cause.
pour des motifs identiques, des règles d’octroi différentes Pour ce faire, il convient, en premier lieu, de donner plus
selon que le bénéficiaire d’une permission de sortir se de moyens en personnel et par voie de conséquence en
trouve en maison d’arrêt ou en centre de détention. temps de travail aux services pénitentiaires d’insertion
Il y a également lieu d’unifier les conditions d’octroi et de probation (« les SPIP » ) dont le rôle est majeur en
selon l’objectif poursuivi par la permission envisagée: ce domaine. Afin de mieux marquer encore la place
maintien des liens familiaux ou engagement d’un essentielle qu’ils doivent occuper dans les processus
processus de réinsertion. d’application des peines, il est suggéré de créer un
conseil d’évaluation annuel des SPIP, à l’instar de ce
Les permissions de sortir collectives. qui existe depuis la loi pénitentiaire de 2009 pour les
Les éléments d’information qu’a pu recueillir la établissements pénitentiaires.
commission lui ont par ailleurs montré l’intérêt que Mais, en second lieu, il serait aussi souhaitable que le
pouvaient présenter les permissions de sortir collectives juge de l’application des peines puisse, chaque fois
avec accompagnement de personnels pénitentiaires. qu’il en ressent le besoin et afin de prendre la décision
Une telle formule s’inscrit de manière fort utile dans un la plus éclairée possible, disposer d’informations
parcours d’exécution de peine car la réinsertion passe complémentaires (notamment sur le cadre dans lequel
d’évidence par un travail d’autonomisation rendu bien il est prévu que se déroulera la permission) recueillies
difficile au sein d’établissements pénitentiaires surpeuplés dans les plus brefs délais par les services d’enquête
et dont l’accès à des activités est trop souvent engorgé. de police et de gendarmerie. Sans doute objectera-t-on
Des permissions collectives sont actuellement accordées que les moyens humains manquent et pourrait-on être
à l’occasion de manifestations sportives ou de tenté de soutenir qu’il s’agit là de tâches indues. Tel
manifestations culturelles et leur développement devrait n’est d’évidence pas le cas et il est grand temps que
permettre au personnel pénitentiaire et au bénéficiaire chaque service de l’Etat comprenne que la prévention
lui-même de mieux mesurer s’il est apte à s’insérer ou de la récidive - cet objectif qui leur est commun – passe
à se réinsérer et s’il se sent capable de se plier aux très largement par ce sas, sérieusement préparé et
règles de vie en vigueur dans un groupe situé en milieu intelligemment contrôlé, qu’est la permission de sortir.
extérieur. La commission estime qu’une clarification
s’impose en ce qui concerne le seuil d’octroi et la durée

86
Voir supra page 109 et la présente page 110.

- 66 -
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

IV/
Garantir l’effectivité de l’appel
devant la chambre de l’application des peines.
Sans doute cette exigence dépasse-t-elle le strict cadre
de la procédure propre aux permissions de sortir et
elle fait d’ailleurs l’objet de développements plus longs Unification, simplification
et clarification des
ci-dessous87. Elle revêt cependant en l’espèce une
particulière importance dès lors que le temps est souvent
compté, par exemple lorsqu’il s’agit de permissions
sollicitées à bref délai pour se rendre à un événement
familial dont la date est déjà fixée. conditions d’octroi de
Dans ce dernier cas, il est proposé de saisir le président
de la chambre d’application des peines par voie de
référé en s’inspirant de la procédure actuellement
certains aménagements
en vigueur devant le président de la chambre de
l’instruction. De même, lorsqu’il s’avère que la date de peine
prévue pour une permission est dépassée lorsqu’est
examiné l’appel interjeté contre une décision de rejet
de cette mesure et que le détenu n’a pas proposé une
nouvelle date, il serait opportun que le président de la L’article 707 du code de procédure pénale et l’article
chambre de l’application des peines, au lieu de déclarer 2 de la loi pénitentiaire du 27 novembre 2009 font de
l’appel sans objet comme cela se serait parfois produit, l’individualisation l’un des principes essentiels du droit
se prononce dès cet instant sur le principe même de des peines. C’est au juge de l’application des peines
l’octroi ou du refus de la permission de sortie, à charge qu’il appartient d’aménager ces dernières et de tout
pour le juge de l’application des peines d’en fixer les mettre en œuvre pour que leur exécution ne relève pas
modalités dans un délai de cinq jours. de simples automatismes mais soit au contraire adaptée
Au vu de l’ensemble de ces considérations, la commission au profil de chaque détenu et à l’évolution qu’il peut
considère que, plus qu’un simple aménagement de connaître tout au long de sa détention.
peine, la permission de sortir, qui revêt une importance
majeure dans un parcours d’exécution de peine, doit Or le droit de l’application des peines, cela a déjà
désormais être qualifiée de modalité d’exécution de la été souligné, souffre depuis de nombreuses années d’un
peine. excès de réformes qui lui ont fait perdre sa cohérence et
l’ont rendu particulièrement difficile à mettre en œuvre.

Sur le plan procédural, un travail de simplification et


d’harmonisation s’impose donc afin que chacun des
acteurs et chacune des parties prenantes de la phase
post sentencielle puissent disposer de textes lisibles,
de nature à favoriser la définition et le déroulement
de parcours pénitentiaires individualisés et propres à
donner un sens à l’exécution d’une peine qui, à côté
de sa portée légitimement sanctionnatrice, doit se fixer
pour premier objectif d’éviter tout risque de récidive.

La commission propose donc de soumettre les procédures


d’aménagement de peines relevant de la semi-liberté, du
placement à l’extérieur, du placement sous surveillance

87
Voir supra pages 105 et 106.

- 67-
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

électronique, de la libération conditionnelle et, dans Ainsi, l’article 729 du code de procédure pénale
une certaine mesure, le fractionnement et la suspension relatif à la libération conditionnelle dispose que « les
de peine, à des règles communes qu’il s’agisse du condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines
seuil permettant de bénéficier de ces mesures, de leurs privatives de liberté peuvent bénéficier d’une libération
conditions d’octroi, des obligations imposées, des conditionnelle s’ils manifestent des efforts sérieux de
motifs pouvant conduire à leur retrait. Dans le même réadaptation sociale et lorsqu’ils justifient :
esprit, il lui apparaît très souhaitable de parvenir à une 1.Soit de l’exercice d’une activité professionnelle,
plus grande simplification des dispositifs électroniques d’un stage ou d’un emploi temporaire ou de leur
mis en œuvre lors de l’exécution des peines. assiduité à un enseignement ou à une formation
professionnelle;
2. Soit de leur participation essentielle à la vie de
leur famille;
A. La semi-liberté, le placement 3. Soit de la nécessité de suivre un traitement
médical;
à l’extérieur, le placement sous 4. Soit de leurs efforts en vue d’indemniser leurs
victimes;
surveillance électronique, le 5. Soit de leur implication dans tout autre projet
sérieux d’insertion ou de réinsertion ».
fractionnement et la suspension de
En ce qui concerne le placement sous surveillance
peine, la libération conditionnelle. électronique, l’article 132-26-1 du code pénal, auquel
renvoie l’article 723-7 du code de procédure pénale,
dispose quant à lui que cette mesure peut être envisagée
La libération conditionnelle est la mesure d’aménagement « à l’égard du condamné qui justifie :
de peine la plus ancienne. Mais, au fil du temps, ont été 1. Soit de l’exercice d’une activité professionnelle,
créées de nouveaux mécanismes d’aménagement qui, même temporaire, du suivi d’un stage ou de son
au gré des réformes, sont venus s’ajouter à un ensemble assiduité à un enseignement, à une formation
déjà très disparate : la semi-liberté, le placement à professionnelle ou à la recherche d’un emploi;
l’extérieur, le fractionnement de la peine, la suspension 2. Soit de sa participation essentielle à la vie de
de peine et, plus récemment, le placement sous sa famille;
surveillance électronique. Le législateur a précisé les 3. Soit de la nécessité de suivre un traitement médical;
conditions d’octroi de chacune de ces procédures ainsi 4. Soit de l’existence d’efforts sérieux de réadap-
que leurs effets ce qui a conduit à une multiplication tation sociale résultant de son implication durable
de régimes juridiques88. Or, à bien des égards, les dans tout autre projet caractérisé d’insertion ou
conditions de mise en œuvre propres à chacune de ces de réinsertion de nature à prévenir les risques de
mesures s’avèrent très proches même si elles sont parfois récidive ».
formulées en des termes légèrement différents.

88
Cf. annexe N° 10 Tableau des conditions d’octroi des aménagements de peine-arrêté à la date du 23 mai 2014 (avant adoption de la loi du 15 aout 2014)
89
Cf. : CPP, art. 723-10 pour le PSE et l’indication selon laquelle : « Le juge de l’application des peines peut également soumettre la personne placée sous surveillance
électronique aux mesures prévues par les articles 132-43 à 132-46 du code pénal. Il peut en particulier soumettre le condamné à l’une ou plusieurs des mesures de contrôle
ou obligation mentionnées aux articles 132-44 et 132-45 du code pénal. ». V. CPP, art. 723-4 pour le placement à l’extérieur et la semi-liberté : « Le juge de l’application des
peines peut subordonner l’octroi au condamné du placement à l’extérieur, de la semi-liberté ou de la permission de sortir au respect d’une ou plusieurs obligations ou interdictions
prévues par les articles 132-44 et 132-45 du code pénal. Le condamné peut également bénéficier des mesures d’aide prévues à l’article 132-46 du même code. ». V. CPP, art.
731 pour la libération conditionnelle : « Le bénéfice de la libération conditionnelle peut être assorti de conditions particulières ainsi que de mesures d’assistance et de contrôle
destinées à faciliter et à vérifier le reclassement du libéré. Celui-ci peut en particulier être soumis à une ou plusieurs des mesures de contrôle ou obligations mentionnées aux
articles 132-44 et 132-45 du code pénal. Ces mesures sont mises en œuvre par le juge de l’application des peines assisté du service pénitentiaire d’insertion et de probation,
et, le cas échéant, avec le concours des organismes habilités à cet effet.
Un décret détermine les modalités d’application des mesures visées au présent article et les conditions d’habilitation des organismes mentionnés à l’alinéa précédent. Il fixe
également les conditions du financement indispensable à l’application de ces mesures et au fonctionnement des comités ».

- 68 -
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

De même, les obligations auxquelles peuvent se trouver En ce qui concerne plus particulièrement les procédures
soumis les condamnés89, comme les causes de retrait de fractionnement et de suspension de peines, la
du bénéfice de l’aménagement apparaissent assez commission considère que, si chacune de ces deux
similaires. Seules changent en réalité, de façon assez mesures et les conditions de leur mise en œuvre méritent
significative, les conditions temporelles de recevabilité d’être définies par un texte distinct, les obligations qui
selon la demande d’aménagement de peine sollicitée. les assortissent pourraient être identiques à celles qui
En présence d’une telle complexité, la commission a sont prévues pour tout aménagement de peine.
souhaité simplifier ce dispositif en unifiant autant que
faire se peut ces différentes règles.

Ces mesures pourraient dès lors utilement être soumises à : B. Les conversions de peine
Un seuil d’octroi unique. Individualiser l’exécution d’une peine implique que l’on
Il pourrait être fixé à deux années avant l’expiration puisse adapter ses modalités d’exécution en fonction
de la peine, à l’exception toutefois de la libération de certaines circonstances venant affecter les conditions
conditionnelle pour laquelle il convient d’être parvenu d’existence de la personne condamnée. Elle implique
à mi peine. aussi, une nouvelle fois, que tout soit mis en œuvre pour
préparer la sortie de prison a fortiori lorsqu’il s’agit de
Des conditions d’octroi identiques. longues peines.
Il conviendrait de justifier de l’exercice d’une activité
professionnelle même temporaire, du suivi d’un stage 1. La conversion de peines
ou de l’assiduité à un enseignement, à une formation
professionnelle ou à la recherche d’un emploi; de
d’emprisonnement de mois de six
la participation essentielle à la vie de famille; de la mois en contrainte pénale ou en
nécessité de suivre un traitement médical; de l’existence suivi socio-judiciaire probatoire
d’efforts sérieux de réadaptation sociale résultant d’une
implication durable dans tout autre projet caractérisé Le juge de l’application des peines peut actuellement
d’insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les convertir une peine d’emprisonnement de six mois au
risques de récidive. plus en une peine avec sursis comportant l’obligation
d’effectuer un travail d’intérêt général ou en une peine
Des obligations similaires. de jours-amende.
Les bénéficiaires seraient soumis de plein droit aux Il est apparu à la commission – et c’est ce qu’elle propose
mesures de contrôle de l’article 132-44 du code pénal - que ce dispositif pourrait être utilement complété.
et, facultativement, à l’une ou plusieurs des obligations Les juges de l’application des peines sont en effet
des articles 132-45 et 132-46 dudit code. régulièrement confrontés à des situations de grande
détresse liées à la maladie physique ou mentale et
Des motifs de retrait communs. les solutions actuelles d’aménagement de peine ne
Il pourrait s’agir des motifs suivants : le condamné ne s’avèrent pas adaptées : le placement sous surveillance
satisfait pas aux obligations qui lui sont imposées; il électronique ne peut être envisagé en raison de la
refuse une modification nécessaire des conditions nécessité de suivre des traitements médicaux, la semi-
d’exécution de la mesure; il fait preuve d’une mauvaise liberté est difficile à mettre en place et suppose que
conduite caractérisée soit par un non-respect du la personne soit apte à vivre en milieu carcéral, le
règlement intérieur de l’établissement pénitentiaire condamné ne peut en réalité effectuer un travail d’intérêt
ou de la structure qui l’accueille soit par la réitération général et ne dispose pas de revenus pour que lui soient
d’un comportement délinquant intervenu pour des faits fixés des jours-amende.
commis au cours de la mesure ou encore il en fait lui- L’effectivité de la peine et son adaptation à la situation
même la demande. particulière de la personne condamnée pourraient dès

- 69-
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

lors être mieux assurées si l’article 132-57 du code les cas le prononcé de mesures de contrôle et une
pénal prévoyait que le juge de l’application des peines assistance lors de leur sortie de prison au terme d’une
est autorisé à convertir une peine d’emprisonnement très longue incarcération.
de 6 mois ou d’une durée inférieure en une contrainte
pénale ou en un suivi socio-judiciaire probatoire.
C. Une nécessaire clarification de
2. Le cas particulier des peines de la situation des condamnés en
réclusion criminelle à perpétuité
aménagement de peine
450 personnes environ exécutent actuellement en
France des peines de réclusion criminelle à perpétuité.
Actuellement, seules une grâce présidentielle ou une Le placement sous surveillance électronique (« le PSE »)
mesure de libération conditionnelle permettent un retour la semi-liberté ou le placement à extérieur constituent
de ces condamnés à la vie libre, parfois sans aucune autant de mesures d’aménagement de la peine au cours
mesure d’accompagnement. Il convient donc de prendre desquelles les personnes se trouvent sous écrou.
leur situation davantage en considération afin de leur Actuellement, les mesures de milieu ouvert tels que le
permettre et de les inciter à s’inscrire beaucoup plus tôt sursis avec mise à l’épreuve, le sursis avec obligation
dans un parcours d’exécution de peine et à s’engager d’accomplir un travail d’intérêt général, le suivi socio-
dans des dispositifs de réinsertion. Une telle évolution judiciaire sont suspendues pendant toute la durée de
est aujourd’hui rendue possible par la judiciarisation l’exécution des mesures d’aménagement (PSE, semi-
des peines et par les garanties qui lui sont attachées. liberté, placement à l’extérieur) tout comme elles le sont
lorsque la personne est en détention : il en résulte une
La commission estime donc qu’il pourrait être proposé, prolongation du délai d’épreuve. Toutefois, en dépit
au terme d’un délai d’épreuve de 10 à 15 ans, de de la suspension de ces mesures et obligations, il est
donner au tribunal de l’application des peines la généralement admis que les heures de travail d’intérêt
possibilité de convertir les peines de réclusion criminelle général peuvent être réalisées en même temps que se
à perpétuité en peine de 30 ans de réclusion criminelle. déroule un placement sous surveillance électronique.
A cet égard, elle note que la possibilité de convertir une La commission estime nécessaire de clarifier les régimes
peine en une autre a déjà été prévue par le législateur, d’exécution des aménagements de peine et de préciser
notamment dans les articles 723-15, 733-1, 747-1- les mesures de milieu ouvert pouvant être mises à la
1 et 747-290 du code de procédure pénale. Le point charge des condamnés dont la peine est aménagée.
de départ de cette peine de trente ans serait le jour Tous les écrous se décomptent sur la peine
de la conversion ce qui constitue une garantie contre d’emprisonnement ferme. La commission propose
toute sortie trop rapide et donc incomprise. Cette cependant de considérer qu’à la différence de la
décision serait susceptible d’appel devant la chambre détention (ou de la détention provisoire), le PSE, la semi-
d’application des peines. liberté, le placement à l’extérieur, peuvent s’exécuter
dans la communauté. Elle suggère donc d’opérer dans
Une telle conversion permettrait aux personnes la loi une distinction entre les personnes écrouées et
initialement condamnées à perpétuité de s’inscrire, elles hébergées dans un établissement pénitentiaire et celles
aussi et beaucoup plus tôt, dans un projet d’exécution qui, tout en étant écrouées, ne séjournent pas dans
de peine et d’entrer ainsi dans un dispositif de réductions un tel établissement, ces derniers écrous pouvant être
de peines conditionnelles, ce qui garantirait dans tous qualifiés «d’écrous dans la communauté91 ».

90
Article 723-15. Conversion prévue dans son principe mais opérée conformément à l’article 132-57 du code pénal à savoir : conversion de la peine d’emprisonnement en
travail d’intérêt général ;
Article 733-1. Conversion du travail d’intérêt général en peine de jours-amende ;
Article 747-1-1. Conversion du suris travail d’intérêt général en peine de jours-amende ;
Article 747-2. Qui se borne à renvoyer à l’article 132-57 sans prévoir un nouveau cas de conversion.
91
La statistique pénitentiaire distingue depuis plusieurs années les personnes écrouées hébergées et les personnes écrouées non hébergées. Voir Pierre-Victor Tournier. Dictionnaire
de démographie pénale. Des outils pour arpenter le champ pénal. Université Paris I. Panthéon Sorbonne. Centre d’Histoire sociale du XX è siècle. Données actualisées au 1 er
mai 2007. 133 pages.

- 70 -
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

V/
Lorsque la personne condamnée se trouve écrouée et
hébergée en établissement pénitentiaire, elle ne peut
pas être redevable au titre de mesures relevant du
milieu ouvert. En revanche, lorsqu’elle demeure dans
la communauté, en étant écrouée mais non hébergée, Le cas particulier
des règles relatives
elle est susceptible d’exécuter des mesures de milieu
ouvert et l’autorité judiciaire peut alors lui demander des
comptes en ce qui concerne tant la réalisation d’heures
de travail d’intérêt général que le respect d’obligations
particulières telles que la mise en œuvre de soins à la libération
médicaux ou l’indemnisation de la victime dans le cadre
d’une contrainte pénale ou d’un suivi socio judiciaire de
probation.
conditionnelle
Cette clarification permettrait en outre à l’assignation à
résidence avec surveillance électronique (« l’ARSE »)92 de
suivre le même régime que le PSE, la semi-liberté ou le A. La mesure probatoire
placement à l’extérieur notamment lorsqu’une personne
prévenue exécute par ailleurs une peine en milieu ouvert
comportant certaines obligations. L’octroi d’une mesure de libération conditionnelle peut
être accompagné d’une mesure probatoire telle qu’un
Afin de faciliter la tâche des différents acteurs, il placement sous surveillance électronique, une mesure
conviendrait en outre – et c’est une proposition de de semi-liberté ou, parfois, un placement à l’extérieur.
la commission - que le logiciel de l’administration Il s’agit là d’une sorte d’étape préalable à la libération
pénitentiaire GENESIS93 intègre l’ARSE tout comme conditionnelle.
il intègre une détention provisoire et qu’il se trouve Dans certains cas, cette mesure probatoire est
interconnecté avec les autres dispositifs informatiques obligatoire : ainsi, pour les condamnés dont la situation
tels Cassiopée94 et APPI95. pénale exige l’avis de la commission pluridisciplinaire
des mesures de sûreté (sauf si un placement sous
surveillance électronique mobile a été prononcé),
une mesure de semi-liberté ou un placement sous
surveillance électronique est obligatoirement prononcé,
à titre probatoire, pour une durée d’une année minimum
et de trois années maximum.
En outre, un an avant de parvenir à la mi- peine,
une année donc avant qu’une mesure de libération
conditionnelle soit envisageable, la personne détenue
est recevable à demander à bénéficier d’une libération
conditionnelle avec mesure probatoire.

92
L’assignation à résidence avec surveillance électronique (« l’ARSE ») est un dispositif de surveillance électronique susceptible d’être posé au cours d’une information judiciaire ou
dans l’attente du procès dans le cadre d’une procédure de convocation par procès-verbal ou de comparution immédiate. Elle est décidée par le juge d’instruction ou par le juge
des libertés et de la détention avec l’accord de l’intéressé. .Elle ne suspend pas les délais d’exécution d’autres mesures de milieu ouvert. Toutefois, l’ARSE se décompte comme
s’il s’agissait d’une détention provisoire et sa durée devra être déduite si la personne est condamnée à une peine d’emprisonnement ferme. Les modifications proposées par la
commission permettraient à l’ARSE de suivre le même régime que les PSE ou les mesures de semi-liberté et de placement à l’extérieur..
93
GENESIS ou Gestion Nationale des personnes Ecrouées pour le Suivi Individualisé et la Sécurité, logiciel de gestion des écrous d’informations sur le parcours en détention.
94
Cassiopée ou Chaine Applicative Supportant le Système d’Information Oriente Procédure pénale et Enfants : fichier contenant des informations relatives aux plaintes
enregistrées par les magistrats dans le cadre de procédures judiciaires et leur traitement par l’autorité judiciaire.
95
APPI ou Application des Peines, Probation et Insertion : application qui permet de gérer les informations relatives aux mesures judiciaires d’application des peines prononcées
par les magistrats en charge de l’application des peines et suivies par les personnels pénitentiaires d’insertion et de probation. Elle permet également de formaliser les échanges
entre les services pénitentiaires compétents pour ces matières et l’autorité judiciaire mandante.

- 71-
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

La succession des réformes intervenues au cours de seuil minimum et qu’elle peut être prononcée pour une
ces dernières années a rendu singulièrement complexe durée maximale de deux années (en reprenant ici le
la tâche des professionnels de justice et il s’avère seuil unique retenu pour l’accès aux aménagement de
désormais nécessaire de clarifier ce que l’on entend peine sous écrou). Mais la commission estime qu’elle
par mesure probatoire et d’en simplifier le régime. doit demeurer obligatoire si a été prononcée une peine
de réclusion criminelle à perpétuité.
Il existe actuellement deux façons d’appréhender cette
question :
Pour les uns, lorsqu’une mesure probatoire est décidée,
deux régimes et donc deux décisions d’aménagement B. Les rôles respectifs de la commission
de peine vont se succéder : d’abord la mesure probatoire
(qui peut dès lors faire l’objet de réductions de peine pluridisciplinaire des mesures de sûreté
supplémentaires) puis la libération conditionnelle.
En pratique, cela revient à rendre une décision de et des centres nationaux d’évaluation
mesure probatoire puis à ajourner pour l’examen d’une
éventuelle libération conditionnelle. En cas d’incident, Les différentes contributions qu’a reçues la commission
seule sera révoquée la mesure probatoire puisque la s’accordent pour dire que le dispositif de l’article 730-2
libération conditionnelle n’a pas encore été mise en du code de procédure pénale est difficile à mettre en
place; œuvre et inadapté aux situations traitées.
Pour d’autres - qui rappellent que les conditions de Cet article prévoit en effet que, lorsqu’une personne a
recevabilité et de fond sont celles de la libération été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité
conditionnelle ce qui fait de celle-ci la « mesure-mère » ou lorsqu’elle a été condamnée soit à une peine
- en cas d’incident, c’est la libération conditionnelle elle- d’emprisonnement ou de réclusion criminelle égale
même qui se trouvera remise en question, quand bien ou supérieure à quinze ans pour une infraction pour
même la personne concernée serait encore sous mesure laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, soit à une
probatoire. peine d’emprisonnement ou de réclusion criminelle
Pour la commission, c’est cette seconde façon de voir, égale ou supérieure à dix ans pour une infraction
qui est d’ailleurs la plus répandue, qui semble devoir mentionnée à l’article 706-53-13 du code précité
être retenue et qu’elle entend proposer. Elle permet en (champ d’application de la surveillance et de la
effet de sécuriser et clarifier d’emblée les délais puisque rétention de sûreté), la libération conditionnelle ne peut
la période probatoire se trouve figée et n’implique pas être accordée 1) que par le tribunal de l’application
l’examen de réductions de peine supplémentaires. des peines quelle que soit la durée de la détention
Il est également proposé d’unifier les textes et de définir restant à subir, 2) qu’après avis de la commission
ce que l’on entend exactement par mesure probatoire : pluridisciplinaire des mesures de sûreté (« la CPMS » ),
une surveillance électronique, une semi-liberté ou un rendu à la suite d’une évaluation pluridisciplinaire de
placement extérieur le juge ayant ensuite à choisir dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé
la mesure qui lui semble la plus opportune avec la de l’observation des personnes détenues et assortie
possibilité, sur demande de l’intéressé ou du parquet, de d’une expertise médicale.
substituer une mesure à une autre en cours d’exécution S’il s’agit d’un crime mentionné au même article
afin d’adapter le dispositif à l’évolution de la personne 706-53-13, cette expertise est réalisée soit par deux
concernée. experts médecins psychiatres, soit par un expert
Afin de permettre au juge de l’application des peines médecin psychiatre et par un expert psychologue
de jouer pleinement le rôle qui est le sien en matière titulaire d’un diplôme, certificat ou titre sanctionnant
d’individualisation, il est enfin proposé de prévoir que une formation universitaire fondamentale et appliquée
la période probatoire est facultative, sans exigence de en psychopathologie. L’expertise se prononce sur

- 72 -
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

l’opportunité, dans le cadre d’une injonction de soins, Il s’avère pourtant que l’ensemble de la procédure
du recours à un traitement utilisant des médicaments (transfert au centre national d’évaluation, examen de
inhibiteurs de libido, mentionné à l’article L. 3711-3 du dangerosité, procédure devant la CPMS) se déroule sur
code de la santé publique. une durée bien supérieure aux délais imposés et que
La procédure ainsi définie prévoit donc plusieurs étapes : le tribunal de l’application des peines n’est en réalité
1) une expertise médicale, par un ou deux experts pas en mesure de statuer dans le respect de ces délais
selon les cas, spécifiques.
2) une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité Actuellement, la plupart des huit CPMS ne rendent leurs
en Centre national d’évaluation (« le CNE » ), avis que dans des délais oscillant entre 9 et 18 mois.
3) l’avis de la commission pluridisciplinaire des
mesures de sûreté (« la CPMS » ). Il en résulte, compte tenu des délais incompressibles
exigés en pratique par la réalisation d’une expertise,
Le président de la CPMS, saisi par le juge ou par la remise de l’avis de la CPMS après l’évaluation
le tribunal de l’application des peines, ordonne le effectuée par le CNE, puis l’audiencement devant
placement de la personne, pour une durée d’au moins le tribunal de l’application des peines, que, si une
six semaines, dans un service spécialisé chargé de personne condamnée dépose une demande de
l’observation des personnes détenues aux fins d’une libération conditionnelle deux ans avant la fin de sa
évaluation pluridisciplinaire de dangerosité. peine, le reliquat de peine restant à subir, au moment
La CPMS donne son avis au vu de cette évaluation - où interviendra la décision, ne permettra pas un suivi
qui fait l’objet d’un rapport qui lui est adressé – et de conséquent. Face à une telle situation, les condamnés
l’expertise réalisée; il est valable pour une durée de renoncent dès lors aux demandes qu’ils avaient formulées
deux ans. Cet avis n’est que consultatif et ne lie donc et leur sortie intervient alors sans aucune forme de suivi
pas le tribunal de l’application des peines. judiciaire.

L’un des principaux problèmes rencontrés réside dans De plus, en l’état des textes, le rapport du CNE - qui sert
l’articulation des délais qu’il convient de respecter lors de base à l’avis qu’émet la CPMS - n’est communiqué
de la mise en application de cette procédure : qu’à celle-ci et non pas au juge de l’application des
• le débat contradictoire devant le tribunal de peines alors pourtant qu’il contient des éléments
l’application des peines doit avoir lieu au plus tard particulièrement riches susceptibles d’être fort utiles dans
le sixième mois suivant la demande de libération le cadre du parcours d’exécution de la peine de la
conditionnelle formulée par la personne concernée personne concernée que ce soit en milieu fermé ou en
(article D. 49-36 du code de procédure pénale); en milieu ouvert.
• l’article R. 61-9 du même code prévoit que la
commission rend un avis motivé dans les trois mois Cette évaluation est réalisée dans l’une des antennes
de sa saisine et qu’à défaut d’avis dans ce délai, le du CNE pendant une durée de six semaines. Le détenu
juge de l’application des peines peut faire procéder quitte alors son lieu de détention habituel et un autre
à l’examen de la dangerosité; regard est porté sur sa personne et sur son parcours. Il
• enfin, l’article D. 527-1 du code de procédure est conduit à s’adapter à de nouvelles situations, il lui est
pénale prévoit que la commission pluridisciplinaire demandé d’évoquer de nouveau les faits commis ainsi
des mesures de sûreté doit rendre son avis dans que son histoire personnelle, il est soumis aux évaluations
un délai de six mois à compter de sa saisine. Si du personnel de surveillance, des psychologues et
l’avis n’est pas rendu dans ce délai, le tribunal de des psychiatres, des conseillers d’insertion. Chacun
l’application des peines peut s’en dispenser. expose ses observations avant que ne soit rédigée une
conclusion pluridisciplinaire comportant un avis et des
orientations.

96
Il existe actuellement trois centres nationaux d’évaluation : Fresnes, le centre pénitentiaire francilien et Lille Séquedin

- 73-
ch.3 | consécration - l’individualisation - juridictionnalisation au stade de l’app. des peines

Pour la commission, il est donc particulièrement


regrettable de se priver d’une évaluation aussi complète
et donc aussi utile. Aussi estime-t-elle devoir proposer :

• de maintenir l’évaluation réalisée par le CNE :


elle serait obligatoire pour les peines de réclusion
criminelle à perpétuité mais facultative dans les
autres cas;

• de supprimer la CPMS dont les délais d’instruction


sont trop longs alors qu’il faut être en mesure de se
prononcer dans des délais permettant de mettre en
place un suivi d’un minimum de durée, étant au
surplus souligné que l’avis de la CPMS est souvent
moins riche que celui formulé par le CNE;

• de prévoir une communication du rapport du


CNE au juge de l’application des peines en charge
de la mesure de privation de liberté;

• de créer des antennes supplémentaires du CNE96


(de l’ordre de deux ou trois) afin de mieux les
répartir sur le territoire et d’éviter ainsi ou de réduire
la rupture des liens familiaux pendant la durée de
cette période d’évaluation qui se déroule hors de
l’établissement pénitentiaire d’origine.

- 74 -
CHAPITRE 4
---
UNE SIMPLIFICATION ET
UNE CLARIFICATION DE
L’EXÉCUTION DES PEINES
ch.4 | une simplification et une clarification de l’exécution des peines

I/
Comme l’y invitait la lettre de mission et en prenant en
compte nombre des suggestions formulées dans les
contributions qu’elle avait sollicitées, la commission
s’est enfin attachée à recenser les textes s’avérant
particulièrement difficiles à appliquer afin de rechercher, Redéfinition des règles
de procédure en
au vu notamment de la jurisprudence de la chambre
criminelle de la Cour de cassation, si certaines pénalités
ne devraient pas être redéfinies, s’il ne convenait pas
de reconsidérer parfois leurs modalités d’application,
enfin si certaines règles procédurales, qui font l’objet matière d’exécution
aujourd’hui d’interprétation différentes – ce qui est
source d’incertitudes – ne pourraient pas être précisées
afin de renforcer la sécurité juridique.
des peines
La commission a également recensé les dispositions
législatives qui, poursuivant des objectifs de même
nature, relèvent pourtant, sans que cela paraisse
juridiquement justifié, de procédures de mise en œuvre
A. Des transferts de compétence
différentes. Elle a, à cette fin, engagé un processus
d’harmonisation.
1. Le transfert à un juge délégué
Elle s’est aussi rendu compte que certains contentieux, du traitement de certaines requêtes
au demeurant numériquement peu importants, pouvaient en matière d’application et
être utilement transférés d’une juridiction à une autre d’exécution des peines
afin, en particulier, de respecter le principe du double
degré de juridiction.
Toutes ces mesures, en apparence fort disparates, Pour des raisons de simplification mais aussi
répondent en réalité au souci constamment présent dans d’accélération des procédures - les contentieux
l’esprit des membres de la commission, de clarifier ce de l’exécution des peines étant rarement traités en
qui devait l’être et de simplifier tout ce qui pouvait l’être priorité - la connaissance de l’ensemble des requêtes
afin de sécuriser le droit de l’exécution et de l’application susceptibles d’être présentées en matière d’exécution
des peines et de rendre plus aisée sa mise en œuvre des peines et dont il sera fait état infra, à l’exception du
par l’ensemble des praticiens du droit. contentieux de l’interprétation qui continuerait à relever
de la juridiction collégiale, mériterait d’être confiée au
président du tribunal ou à un juge par lui délégué, à
l’instar de ce que prévoit l’article 713-45 alinéa 2 du
code de procédure pénale.
Il en résulterait une nécessaire et utile spécialisation. Il est
par ailleurs proposé de confier à ce juge délégué le soin
de statuer sur une partie du contentieux de l’application
des peines et, notamment, sur les procédures de
révocation ou de mise à exécution en cas de violation
de la contrainte pénale et de la nouvelle peine de suivi
socio-judiciaire probatoire97.
Ce juge serait doté d’un greffe dédié pour recevoir
la demande et l’instruire. La Commission propose par
ailleurs qu’une fois instruite, la demande soit adressée
au parquet et que soit fixé, par la loi, un délai pour
assurer son audiencement.
97
Voir supra page 78.

- 78 -
ch.4 | une simplification et une clarification de l’exécution des peines

2. Le transfert au tribunal Ce sera en réalité au tribunal d’apprécier s’il y a lieu de


faire droit à une requête en réhabilitation et de prendre
correctionnel du contentieux de la en considération, s’il le pense souhaitable, un éventuel
réhabilitation état de récidive.
Toujours dans un souci de simplification, la commission
Depuis 1885, les chambres d’accusation, devenues propose d’exclure les contraventions du champ de la
chambres de l’instruction, ont compétence pour statuer réhabilitation judiciaire. L’emprisonnement correctionnel
sur les requêtes en réhabilitation. a en effet été abrogé, les contraventions ne sont pas
La charge qui en résulte pour elles n’est certes pas très concernées par les règles relatives à la réhabilitation
importante, 26 réhabilitations judiciaires ayant été de plein droit (article 133-13 du code pénal) et les
accordées en 2014. Mais la procédure est lourde, condamnations sont automatiquement effacées du
ce contentieux est rarement traité en priorité par des bulletin n°1 du casier judiciaire au bout de trois ou
juridictions déjà très sollicitées et souvent confrontées quatre ans et n’apparaissent pas au bulletin n°2.
à l’urgence et, plus encore, ce contentieux ne permet Dans la ligne de l’entreprise de recodification dont il
pas l’exercice du double degré de juridiction seul étant a été fait état supra, il s’impose de réunir dans le seul
ouvert un pourvoi en cassation. code de procédure pénale l’ensemble des règles de la
La commission a donc considéré que le moment était réhabilitation qu’il s’agisse de la réhabilitation de droit
venu de proposer le transfert de ce contentieux à ou de la réhabilitation judiciaire.
une formation collégiale du tribunal correctionnel ce
qui ouvrira au demandeur un droit d’appel devant la
chambre des appels correctionnels.
Serait donc compétent le tribunal dans le ressort duquel B. Harmonisation des règles de
le requérant est domicilié. Le juge délégué dont la
création est envisagée par ailleurs pourrait utilement y procédure en matière d’exécution des
siéger voire en être membre de droit.
Les délais de recevabilité – que l’article 787 du code peines
de procédure pénale rend complexes en cherchant à
restreindre l’accès à cette procédure aux récidivistes
réitérant, condamnés par défaut ou aux condamnés La commission s’est attachée à revoir, pour les harmoniser
ayant bénéficié d’une prescription de la peine – méritent et les simplifier, les différentes procédures contentieuses
d’être simplifiés et unifiés. relatives à l’exécution des peines.

Pour la commission, seuls les délais de recevabilité Engagement des procédures contentieuses.
prévus par l’article 786 du code de procédure pénale98 Il existe actuellement, au stade de l’exécution des
méritent d’être pris en considération ce qui s’inscrit peines, neuf procédures contentieuses susceptibles
d’ailleurs dans sa volonté de ne pas intégrer la notion d’être engagées. Certaines, telles les procédures de
de récidive au stade de l’application des peines dès contestation d’identité prévues par les articles 748 et
lors qu’il en a déjà été tenu compte pour le prononcé 778 du code de procédure pénale ont un objet très
de la peine elle-même. Par ailleurs, il ne lui semble pas proche. D’autres - c’est le cas des dispositions de
justifié d’imposer des délais plus longs aux condamnés l’article 778 relatif à l’application des lois d’amnistie
par défaut ou ayant prescrit leur peine dès lors qu’ils ne et de la réhabilitation ou encore des dispositions de
sont pas nécessairement responsables de cette situation. l’article 748 précité - ne sont pas souvent mises en

98
Article 786 du code de procédure pénale. « La demande en réhabilitation ne peut être formée qu’après un délai de cinq ans pour les condamnés à une peine criminelle,
de trois ans pour condamnés à une peine correctionnelle et d’un an pour les condamnés à une peine contraventionnelle. Ce délai part, pour les condamnés à une amende,
du jour où la condamnation est devenue irrévocable et, pour les condamnés à une peine privative de liberté, du jour de leur libération définitive ou, conformément au dernier
alinéa de l’article 733 du jour de leur libération conditionnelle lorsque celle-ci n’a pas été suivie de révocation. A l’égard des condamnés à une sanction pénale autre que
l’emprisonnement ou l’amende, prononcée à titre principal, ce délai part de l’expiration de la sanction subie.»
99
Cf. annexe n°11 les procédures contentieuses relatives à l’exécution des peines

- 79-
ch.4 | une simplification et une clarification de l’exécution des peines

œuvre. Les conditions de présentation des requêtes en d’exécution, l’article 711 du code de procédure pénale
relèvement, en dispense d’inscription aux bulletins n° 2 semble ouvrir une option entre la juridiction du lieu de
et 3 du casier judiciaire ou en confusion obéissent à condamnation ou celle du lieu de détention laissée au
des règles différentes et n’offrent pas les mêmes droits choix du requérant ou du procureur de la République.
aux demandeurs. Afin de ne pas alourdir le présent La compétence du lieu de détention n’est en revanche pas
rapport mais aussi pour faciliter la compréhension de envisagée par l’article 703 du code précité s’agissant
cette situation quelque peu désordonnée, un tableau a des requêtes en relèvement ou en dispense d’inscription
été dressé : il figure en annexe99. au bulletin n°2 du casier judiciaire alors pourtant que
cette compétence faciliterait la comparution du détenu
Le constat ainsi effectué conduit à s’efforcer, dans toute soucieux de défendre sa requête et que le juge de
la mesure du possible, d’unifier ces procédures. Pour y l’application des peines dispose déjà de ce pouvoir
parvenir, il convient de créer un tronc commun de règles dans le cadre d’un aménagement de peine.
procédurales tout en tenant compte de la spécificité de
certaines de ces procédures afin notamment, s’agissant Il paraît dès lors souhaitable de dégager de nouvelles
des requêtes présentées à l’initiative du condamné, de règles permettant de clarifier cette situation, ce qui
renforcer son droit à être entendu. conduit à formuler les propositions suivantes :
• Le principe : affirmer la compétence de la
Instruction des requêtes contentieuses. juridiction de condamnation ou, en cas de pluralité
Il apparaît que, contrairement à ce que prévoit l’article de condamnations visées dans une même requête,
711 du code de procédure pénale100, les articles celle de la dernière juridiction ayant statué. Et, si la
703 et 778 du même code prévoient une procédure requête porte sur une condamnation prononcée par
d’instruction fort lourde passant par la désignation d’un une cour d’assises ou une cour d’appel, reprendre
juge rapporteur dans le cas de l’article 778 et par une la compétence dont dispose aujourd’hui sans
enquête préalable effectuée par le parquet s’agissant véritable raison la chambre de l’instruction et retenir
de l’article 703. la compétence du tribunal de grande instance du
siège de cette juridiction afin de restaurer un droit
La commission a donc considéré qu’il était souhaitable d’appel qui n’existe pas actuellement.
de simplifier et d’harmoniser les modalités d’instruction de • L’exception : affirmer la compétence systématique
ces différentes requêtes afin d’accélérer cette instruction de la juridiction du lieu de détention si la personne
et d’alléger la tâche des services d’enquête. Elle sollicitant un relèvement, une confusion de peines
propose donc de confier au procureur de la République ou une dispense d’inscription aux bulletins n°2 et 3
le soin d’apprécier s’il y a lieu de diligenter une enquête du casier judiciaire est détenue. Une telle solution
car il peut déjà disposer de suffisamment d’éléments aura au surplus le mérite de permettre de disposer
d’information ou s’il lui appartient de s’entourer d’avis d’informations actualisées sur l’évolution de la
complémentaires que le juge de l’application des peines personne concernée au regard notamment des
serait en mesure de lui adresser. nouveaux critères posés par l’article 711 du code
de procédure pénale en matière de confusion.
Compétence des juridictions appelées à statuer.
Il existe, là encore, une diversité de règles qu’il est Pour les autres types de requêtes qui touchent exclusi-
opportun d’unifier. Ainsi, pour les procédures de vement au fond même d’une décision en particulier
confusion de peines, de rectification d’erreur matérielle (erreurs ou omissions, difficultés d’exécution, contestation
et pour celles qui sont relatives à des difficultés d’identité), une telle dérogation ne s’impose pas.

100
Article 711 du code de procédure pénale. « Le tribunal ou la cour, sur requête du ministère public ou de la partie civile, statue en chambre du conseil après avoir
entendu le ministère public, le conseil de la partie s’il le demande et, s’il échet, la parie elle-même, sous réserve des dispositions de l’article 712 […] Lorsque le
requérant est détenu, sa comparution devant la juridiction n’est de droit que s’il en fait la demande expresse dans sa requête. L’exécution de la décision en litige est
suspendue si le tribunal ou la cour l’ordonne. Le jugement sur l’incident est signifié à la requête du ministère public aux parties intéressées ».

- 80 -
ch.4 | une simplification et une clarification de l’exécution des peines

Comparution du requérant. Pour y remédier des pratiques prétoriennes s’appuyant


A l’heure actuelle, la comparution n’est de droit qu’en sur la jurisprudence de la Cour de cassation se sont
matière de confusion de peines, de rectification développées afin de ne pas recourir au pourvoi dans
d’erreur matérielle et de contentieux de l’exécution si le l’intérêt de la loi dont la procédure demeure à la fois
condamné en fait la demande expresse. lourde et longue.
La juridiction correctionnelle est dès lors de plus en
Une mise en conformité avec les dispositions de l’article plus souvent saisie sur le fondement de l’article 710 du
6 de la Convention européenne de sauvegarde des code de procédure pénale et la chambre criminelle,
droits de l’homme et des libertés fondamentales conduit notamment par des arrêts rendus les 4 avril 2013 et 13
donc à faire les propositions suivantes : septembre 2011, a validé cette manière de procéder.
• poser le principe que le condamné peut soutenir Pour autant ces pratiques ne peuvent être généralisées
à l’audience toute requête qu’il a pris l’initiative et il s’impose de définir une procédure aisée à mettre en
d’adresser à une juridiction, et ce quel qu’en soit œuvre et ne s’exposant pas à la critique.
le motif; Il serait donc souhaitable, à l’instar de ce que prévoient
• prévoir, pour les requêtes émanant du parquet et les articles 461 et 462 du code de procédure civile,
portant souvent sur des contentieux plus techniques, de redéfinir les pouvoirs de la juridiction saisie d’un
que la comparution par visio-conférence serait de incident d’exécution sur le fondement de l’article 710
droit (voir l’article 706-71 du code de procédure du code de procédure pénale pour lui permettre de
pénale) sauf si la juridiction saisie décide d’une statuer sur certaines omissions ou difficultés juridiques
comparution en personne; décelées au stade de la mise à exécution. Elle pourrait
• dire qu’il peut être dérogé à la comparution ainsi, sans porter atteinte au dispositif de la décision,
personnelle si le condamné y renonce et préfère se prononcer sur d’éventuelles omission de statuer ou
comparaître par visio-conférence. valider une décision de mise à exécution à hauteur
du maximum légal ou encore interpréter un dispositif
Il n’est enfin pas inutile de rappeler qu’une comparution ambigu ou procéder à la mise à exécution de cumuls
à l’audience peut éventuellement se combiner avec une de peines…
permission de sortir. Il va toutefois de soi que les nouvelles possibilités qui
seraient ainsi ouvertes pour statuer sur ce contentieux
Signification de la décision. en interprétation de dispositifs ambigus devront être
L’article 711 du code de procédure pénale prévoit que définies avec précision et donc s’inscrire dans un cadre
la décision rendue doit être obligatoirement signifiée. très strict.
Lorsque la personne concernée comparaît à l’audience,
cette signification retarde inutilement la prise en compte
de la décision rendue en particulier lorsqu’elle lui est
favorable. Cette suppression ne serait enfin pas sans
incidence sur le montant des frais de justice.

Le contentieux de l’interprétation
et des difficultés d’exécution.
Il arrive qu’au stade de l’exécution, les magistrats du
parquet se trouvent en présence de condamnations
comportant des erreurs juridiques ou des omissions.

- 81-
ch.4 | une simplification et une clarification de l’exécution des peines

II/
La commission formule donc plusieurs propositions qui
lui paraissent de nature à clarifier cette situation. Elles
consistent à :

Clarification de règles Définir ce qu’est une condamnation définitive.

procédurales objet
Une condamnation ne deviendrait définitive qu’à
l’expiration des recours que sont l’opposition, l’appel
et le pourvoi. Sauf à créer une nouvelle disposition,

d’interprétations l’énoncé de cette règle mériterait de figurer dans l’article


708 du code de procédure pénale.

différentes Poser en principe que le caractère définitif d’une décision


devient le point de départ du processus d’exécution de
toutes les peines.
Il en résulterait la modification ou la suppression de
différentes dispositions : une modification de l’article
A. Le caractère définitif d’une 132-41 du code pénal afin de supprimer la référence
au caractère exécutoire comme point de départ du
condamnation pénale et le point de délai d’épreuve, la suppression de l’alinéa 2 de l’article
708 du code de procédure pénale, une modification
départ de la prescription de l’article 498-1 du même code pour supprimer
toute référence au caractère exécutoire des décisions
contradictoires à signifier nonobstant l’appel possible
Aucune disposition du code pénal ou du code de du prévenu n’ayant pas eu connaissance de la décision.
procédure pénale ne définit précisément le caractère
définitif d’une condamnation. Cette question, qui Là encore, toutefois, dans le souci de ne pas affaiblir
devrait recevoir depuis longtemps une réponse claire et l’Etat, la suppression de la référence au caractère
constante, demeure un sujet de discussion. exécutoire ne priverait pas pour autant le procureur de
la République (ou le procureur général, en application
On considère généralement qu’une décision acquiert de l’article 569 dernier alinéa du code de procédure
un caractère définitif le jour où les voies de recours pénale) de la possibilité de mettre la peine à exécution
sont expirées. Mais certains textes et des décisions de avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention,
jurisprudence contredisent ce principe, en particulier conformément aux dispositions de l’article 135-2 du
pour les condamnations par défaut et les condamnations code précité.
contradictoires à signifier. Par ailleurs, il s’est instauré
une certaine confusion entre les effets d’une peine Restreindre les dérogations à cette règle de principe,
définitive et ceux d’une peine exécutoire Il en résulte en affirmant que seules les condamnations assorties
une réelle incertitude, source d’une insécurité juridique de l’exécutoire provisoire par décision expresse de la
qu’il convient de dissiper. juridiction ou en application d’une disposition spécifique
de la loi pourront être mises à exécution sans attendre
Car cette question est d’une grande importance, le l’expiration des voies de recours, comme cela est déjà
caractère définitif d’une condamnation étant pris en prévu pour la comparution sur reconnaissance préalable
compte dans de nombreuses situations procédurales de culpabilité et pour la contrainte pénale.
telles que la révocation d’un sursis, la recevabilité
d’une demande de confusion, l’appréciation d’un état Restaurer la cohérence entre le caractère définitif et le
de récidive légale, la recevabilité d’une demande de point de départ du délai de prescription de la peine.
réhabilitation judiciaire ou encore le point de départ de Le point de départ du délai de prescription de la peine
peines d’interdiction. doit toujours être fixé au jour où la condamnation est

- 82 -
ch.4 | une simplification et une clarification de l’exécution des peines

devenue définitive. Il demeure qu’il convient de modifier code pénal), l’ajournement « avec injonction » pouvait
les textes afin de tenir compte des décisions rendues par être assorti de l’exécution provisoire (article 132-68 du
défaut ou contradictoirement à signifier pour lesquelles, code pénal), les ajournements « aux fins d’investigation
si l’on se réfère aux articles 492 et 498-1 du code de sur la personnalité » et « aux fins de consignation » créés
procédure pénale, le délai de prescription court dès la par la loi n° 20014-896 du 15 août 2014 n’étaient pas
signification. assortis de l’exécution provisoire, les articles 132-70 1
Un article spécifique rappelant l’existence de cette à 132-70-3 n’étant pas compris dans l’énumération de
dérogation pourrait être introduit après l’article 133-4 l’article 470 alinéa 4 du code de procédure pénale
du code pénal. et les textes relatifs à cette forme d’ajournement ne
prévoyant pas eux-mêmes la possibilité d’une exécution
provisoire.
S’agissant des peines privatives de liberté, l’exécution
B. Le caractère exécutoire d’une peine provisoire paraît liée à une mesure d’aménagement de
peine ordonnée par la juridiction correctionnelle. Le
renvoi de l’article 471 du code de procédure pénale aux
Cette question soulève elle aussi un certain nombre de articles 132-25 à 132-27 - prévoyant la semi-liberté, le
difficultés auxquelles il est nécessaire de remédier. placement à l’extérieur, le placement sous surveillance
électronique et le fractionnement de peine - laisse en
L’article 471 alinéa 4 du code de procédure pénale effet entendre que la peine « aménagée » est assortie de
dispose que « Les sanctions pénales prononcées en l’exécution provisoire. Les articles 723-2 et 723-7 du
application des articles 131-5 à 131-11 et 132- code de procédure pénale relatifs à la mise en œuvre,
25 à 132-70 du code pénal peuvent être déclarées par le juge de l’application des peines, d’une peine
exécutoires par provision ». aménagée prononcée par le tribunal correctionnel
Les sanctions pénales visées par cette disposition ne introduisent toutefois une certaine confusion entre
sont toutefois pas énumérées de manière exhaustive exécution provisoire, caractère exécutoire et mandat de
l’article 471 ne mentionnant pas certaines décisions, dépôt. Et l’article 707-5 du code de procédure pénale
prononcées par le juge pénal, qui peuvent pourtant, qui prévoit, en cas de délivrance de mandat, que les
elles aussi, être assorties de l’exécution provisoire telle, peines privatives de liberté peuvent être immédiatement
par exemple, la contrainte pénale. aménagées sans attendre que la condamnation soit
exécutoire en application de l’article 707 du code
La commission a par ailleurs constaté que, pour les peines précité, sous réserve de l’appel suspensif du ministère
entrainant des obligations et/ou des interdictions qui public, ne s’avère pas d’application aisée et soulève lui
s’appliquent dès le prononcé de la décision, l’exécution aussi des difficultés101.
provisoire soulevait des difficultés en particulier lorsque
le condamné n’était pas présent à l’audience ou quand Afin de lever certaines de ces difficultés, la commission
ces interdictions étaient mises en œuvre par des tiers, entend formuler les propositions suivantes :
notamment une administration. Elle a également noté • créer un article spécifique précisant, mieux que
que la sanction des violations des obligations et/ou ne le fait actuellement l’article 471 alinéa 4 du
interdictions n’était pas possible tant que la personne code de procédure pénale, les cas dans lesquels
concernée n’en avait pas eu connaissance. le prononcé de l’exécution provisoire est possible;
• unifier les conditions dans lesquelles peut
La commission a aussi relevé que l’ajournement être prononcée l’exécution provisoire et prévoir
« simple » pouvait être assorti de l’exécution provisoire, notamment qu’elle ne peut l’être qu’en présence du
l’ajournement « avec mise à l’épreuve » était assorti de condamné;
l’exécution provisoire de plein droit (article 132-63 du

101
Cf. annexe n°12 : note sur les confusions de peine

- 83-
ch.4 | une simplification et une clarification de l’exécution des peines

• prendre acte de ce que l’exécution provisoire


est sans utilité pour les peines privatives de libertés D. La confusion des peines
ne comportant pas un placement en détention,
notamment en cas d’aménagement de peine ab Afin de simplifier le plus possible un corpus procédural
initio dans la mesure où le juge de l’application qu’elle jugeait particulièrement complexe, la commission
des peines devra se prononcer sur les modalités s’était initialement interrogée sur la possibilité de mettre
pratiques de l’aménagement octroyés dans le délai un terme au principe du non-cumul des peines. Elle a
de 4 mois prévu aux articles 723-2 al. 2 et 723-7- abandonné cette idée après avoir constaté que nombre
1 al. 1 du code de procédure pénale; des législations étrangères qui connaissent le principe
• prendre acte de ce que, pour les peines privatives du non-cumul ont introduit dans leurs législations des
de libertés avec placement en détention ou maintien correctifs qui en atténuent l’effet répressif mais qui
en détention, le cumul du prononcé d’un mandat complexifient singulièrement la situation.
de dépôt ou d’un maintien en détention et de Aussi s’est-elle efforcée de rechercher tout ce qui pourrait
l’exécution provisoire est redondant. être de nature à clarifier et à simplifier un domaine du
• supprimer la référence faite au mandat d’arrêt droit ayant jusqu’ici peu évolué et dont la difficulté ne
dans l’article 707-5 du code de procédure pénale doit pas être sous-estimée.
dans la mesure où la notion même de mandat
d’arrêt suppose une personne en fuite, situation Afin de rendre la compréhension plus aisée, cette
incompatible avec un aménagement de peine question a fait l’objet en annexe d’un tableau détaillé,
immédiat éventuellement assorti de propositions rédactionnelles.
• créer un article disposant que ou inclure dans Seuls figurent ci-dessous quelques développements
le « nouvel » article 471 du code de procédure résumant ce que fut la démarche de la commission et
pénale réécrit que l’exécution provisoire peut les propositions qu’elle formule102.
être prononcée pour les peines privatives ou
restrictives de droits, prononcées à titre de peine Nature des peines susceptibles d’être cumulées.
principale ou complémentaire, prévues en matière L’article 132-5 du code pénal prévoit que les
contraventionnelle. peines privatives de liberté sont de même nature
(emprisonnement et réclusion criminelle) au regard des
règles de la confusion.
C. Le relèvement des incapacités Cette disposition, qui renvoie aux peines de réclusion ou
La commission a constaté qu’en application de l’article d’emprisonnement prononcées à titre de peine principale
702-1 du code de procédure pénale, seules les par la juridiction de jugement, fait abstraction des
interdictions, déchéances et incapacités prononcées à peines d’emprisonnement sanctionnant le non-respect
titre complémentaire peuvent bénéficier d’un relèvement. d’une peine prononcée à titre de peine alternative : non-
Or, en pratique, la situation d’un condamné peut justifier paiement d’un jour amende, inexécution d’un travail
un relèvement de cette nature, en particulier pour des d’intérêt général, non-respect de peines alternatives
raisons professionnelles, et ce que l’interdiction ait été (articles 131-5 et 131-6 du code pénal), violation
prononcée à titre complémentaire ou à titre principal. des obligations assortissant un suivi socio-judiciaire
La commission estime donc souhaitable d’autoriser le (article 131-36-7 du code pénal) ou inexécution d’une
relèvement des interdictions prononcées à titre principal. contrainte pénale…
Il conviendra de définir les modalités de mise en œuvre
de cette procédure notamment en termes de délais de Ces peines d’emprisonnement sont en réalité d’une
recevabilité de la demande, la peine ayant déjà dû nature différente de celle des peines d’emprisonnement
recevoir exécution durant un temps à déterminer avant prononcées à titre de peine principale.
qu’il soit possible de bénéficier d’un relèvement.

102
Cf. annexe n°12 note sur les confusions de peine
103
Cf. annexe n° 12 note sur les confusions de peine

- 84 -
ch.4 | une simplification et une clarification de l’exécution des peines

Afin d’éviter d’inutiles débats sur la nature de la peine L’incidence des décisions cadre
prononcée et ses modalités d’exécution, la commission en matière d’exécution des peines.
propose de créer un article 132-5-1 nouveau du code La transposition des décisions cadre en matière
pénal prévoyant le cumul de l’emprisonnement prononcé d’exécution des peines (déjà effectuée ou en cours)
à titre de peine principale et de l’emprisonnement génère un nouveau contentieux qui n’affecte pas
prononcé pour le non-respect de peines alternatives. Elle directement les règles de la confusion proprement dite
renvoie, en annexe, à une suggestion de formulation mais qui, à l’occasion d’une demande de confusion,
rédactionnelle103. soulève des problèmes de souveraineté.

Le travail d’intérêt général. La décision-cadre n°2008/675/JAI permet de prendre


Le travail d’intérêt général est à la fois une peine en compte les décisions de condamnation prononcées
principale (article 131-8 du code pénal) et une dans un autre Etat de l’Union européenne mais l’article
obligation assortissant d’autres peines (articles 132-54 3.3 contient une réserve aux termes de laquelle il est
pour le sursis assorti d’un travail d’intérêt général) et impossible de porter atteinte à la décision prononcée par
131-4-1 pour la contrainte pénale). un autre Etat. Le point 14 du préambule de la décision
Or, pour l’application des règles sur la confusion, cadre n°2008/909/JAI prévoit une exception à cette
l’article 132-5 du code pénal n’envisage que la peine réserve lorsque l’Etat de condamnation a transféré
de travail d’intérêt général en tant que peine principale l’exécution de la peine à l’Etat d’exécution.
et ne mentionne pas l’obligation assortissant une autre Appelée à se prononcer sur une demande de confusion
peine. Il en résulte un risque de cumul excessif d’heures entre une peine française purgée en France et une
de travail d’intérêt général au-delà du plafond des 280 peine d’un autre Etat-membre en cours d’exécution
heures initialement possibles. à l’étranger, la Cour de cassation a estimé que cette
Il s’impose donc de prévoir une possibilité de confusion requête était irrecevable dans la mesure où elle porterait
des heures de travail infligées quel que soit le cadre atteinte au droit de l’Etat de condamnation de poursuivre
juridique dans lequel est prononcé le travail d’intérêt l’exécution de sa peine sur son territoire105.
général.
Une clarification mérite donc d’intervenir sans tarder
Les longues peines. ce qui conduit la commission à proposer les solutions
L’article 132-5 du code pénal dispose que « Lorsque suivantes :
la réclusion criminelle à perpétuité, encourue pour • recevabilité d’une demande de confusion entre
l’une ou plusieurs infractions en concours, n’a pas été une peine française (en cours d’exécution ou restant
prononcée, le maximum légal est fixé à trente ans de à exécuter) et une peine étrangère déjà exécutée à
réclusion criminelle. » l’étranger, car seule est concernée l’exécution de la
Cet article ne prévoit toutefois pas de disposition similaire peine française;
lorsque la peine encourue est la peine de 30 ans de • recevabilité d’une demande de confusion
réclusion criminelle et qu’elle n’a pas été prononcée. La entre une peine française et une peine étrangère
jurisprudence de la Cour de cassation n’apporte pas dont l’exécution a été transférée à la France, car
actuellement de réponse uniforme lorsque l’on se trouve l’exécution de cette peine est soumise au droit
dans cette situation104. national;
La commission propose dès lors de préciser, dans • recevabilité d’une demande de confusion
l’article 132-5 du code pénal, que la peine de 30 entre une peine française et une peine émanant
ans est la peine de référence en matière de confusion d’un autre Etat membre de l’Union européenne
lorsque les peines de réclusion criminelle à perpétuité en cours d’exécution ou à exécuter à l’étranger
ou de 30 ans de réclusion criminelle sont encourues dans l’hypothèse où la peine française n’a pas
mais n’ont pas été prononcées. été ramenée à exécution, car le condamné se voit

104
Cass. crim., 10 nov. 2004 : pourvoi n° 04-85020. Cass. crim., 21 mai 2005. Bull crim n°129.
105
Cass. crim. 19 nov. 2014 : pourvoi n°13-8016 ; Dr. pénal février 2015, comm. 28.

- 85-
ch.4 | une simplification et une clarification de l’exécution des peines

dispenser d’exécuter la peine française sans que La commission propose donc que, lorsqu’un magistrat du
cela porte atteinte à la peine étrangère. parquet constate l’existence d’un éventuel dépassement
du maximum légal, il saisisse la juridiction compétente
Les confusions en cascade. pour statuer. Devant cette juridiction, la personne
La commission s’est également penchée sur les confusions concernée pourra solliciter une confusion totale ou
« en cascade » résultant de demandes de confusion partielle. Les juges examineront alors la situation pénale
présentées au fil des condamnations successivement de l’intéressé dans son ensemble et ne se limiteront pas
prononcées contre une même personne. Les solutions aux peines en cours d’exécution ou aux peines fermes.
actuellement retenues sont susceptibles d’entrainer La décision rendue sur la confusion sera transcrite au
la remise à exécution de peines antérieurement casier judiciaire. Cette nouvelle procédure renforcera
confondues, voire de rendre inopérante la nouvelle le principe d’autorité de chose jugée en matière de
confusion. Ce mécanisme complexe est source d’inutiles confusion de peine.
incompréhensions et il mérite d’être revu. Une illustration des effets de la consécration du principe
Aussi la commission propose-t-elle de prévoir de l’autorité de la chose jugée en matière de confusion
expressément que toute demande de confusion entre figure en annexe107.
une peine déjà confondue et une nouvelle peine
ne peut avoir pour effet de remettre en cause la

III/
confusion précédemment accordée. Ce mécanisme,
qui empêcherait de faire revivre une peine absorbée,
permettrait au principe d’autorité de chose jugée en
matière de confusion de produire tous ses effets.
Un exemple tiré de la situation actuelle et permettant de Modernisation de la
mieux saisir la proposition que fait la commission figure
en annexe106. période de sûreté
Le mécanisme de la réduction au maximum légal.
La procédure de réduction au maximum légal d’une
peine dont il s’avère qu’elle dépasse le maximum
encouru n’est actuellement régie par aucun texte. Il s’agit A. Présentation de la mesure
en réalité d’une pratique des parquets qui, lorsqu’ils
font ce constat, ordonnent que l’ensemble des peines
sera exécuté dans la limite de la peine la plus forte, et La période de sûreté a été créée par la loi n° 78-
ce sur le fondement du principe de légalité des peines 1087 du 22 novembre 1978 modifiant certaines
(article 132-4 al.1 du code pénal). Contrairement aux dispositions du code de procédure pénale en matière
confusions qui sont ordonnées, il n’est pas fait mention de d’exécution des peines privatives de liberté. Elle avait
cette réduction au maximum légal au casier judiciaire. pour objectif d’exclure, pendant une durée déterminée,
certains condamnés à des peines d’emprisonnement de
Cette pratique n’est en réalité nullement contrôlée, sauf longue durée de la faculté de bénéficier de mesures
contestation formée sur le fondement des dispositions d’aménagement de peines.
de l’article 710 du code de procédure pénale, et Répondant à des considérations de préservation de
la situation ainsi créée est réversible à tout moment l’ordre public et ne prenant pas en compte l’éventuelle
en fonction de l’évolution de la situation pénale de évolution du condamné, cette mesure manifestait une
l’intéressé. Il n’existe par ailleurs aucune jurisprudence certaine défiance à l’égard des juges de l’application
précisant la nature exacte de la décision ainsi prise par des peines dont les décisions, alors qualifiées
un magistrat du ministère public. Il s’impose donc de « d’administration judiciaire », n’étaient pas encore
poser des règles applicables par tous. susceptibles de recours.

106
Cf. annexe n°12 note sur les confusions de peine
107
Cf. annexe n° 12 note sur les confusions de peine

- 86 -
ch.4 | une simplification et une clarification de l’exécution des peines

La commission s’est interrogée sur le maintien de ce Simplifier les règles de mise en œuvre.
dispositif dès lors que la juridictionnalisation de la Le code pénal opère aujourd’hui des distinctions
phase post-sentencielle permet désormais d’exercer complexes, et même critiquables, entre périodes de
des voies de recours contre les décisions des juges sûreté facultatives ou obligatoires.
de l’application des peines, notamment à l’initiative
des parquets. Au surplus, l’existence de différents Complexes dans la mesure où l’article 132-23 du
délais parfois susceptibles de se combiner ou de se code pénal prévoit l’application automatique d’une
chevaucher s’avère source de complexité et de difficultés période de sûreté en cas de condamnation à une peine
d’application. privative de liberté non assortie du sursis d’une durée
Quoique ne perdant pas de vue le souci de simplification égale ou supérieure à 10 ans prononcée pour des
exprimé par la Lettre de mission, la commission n’a infractions spécialement prévues par la loi. Or il s’avère
pas estimé devoir proposer la suppression de cette que certaines infractions font encourir l’application de
mesure. Une telle recommandation serait en effet mal cette mesure alors qu’il n’en va pas de même pour
comprise. En revanche, il est pour elle indispensable de d’autres pourtant presque similaires ou même parfois
faire évoluer la période de sûreté et d’en redéfinir les plus graves. Ce manque de cohérence surprend et
contours. conduit à faire de cette mesure une application que l’on
ne peut estimer satisfaisante.

B. Les évolutions proposées Critiquables car le caractère automatique de la période


de sûreté conduit à appliquer cette modalité particulière
d’une peine d’emprisonnement sans débat judiciaire
Pour la commission, il s’impose donc de clarifier la préalable ce qui peut poser problème au regard des
nature juridique de la période de sûreté et de simplifier dispositions de l’article 6 de la Convention européenne
ses modalités de mise en œuvre. des droits de l’homme. Au surplus, cette mesure est le
Préciser sa nature juridique. L’article 132-23 du code plus souvent mise en œuvre sans que les parties en
pénal dispose qu’en cas de condamnation à une peine aient eu conscience. Le condamné ne la découvrira et
privative de liberté, non assortie du sursis, dont la n’en comprendra le sens et la portée que lorsqu’il se
durée est égale ou supérieure à 10 ans, prononcée verra refuser le bénéfice d’un aménagement de peine
pour les infractions spécialement prévues par la loi, le en raison, précisément, de l’existence de cette mesure.
condamné ne peut bénéficier, pendant une période de
sûreté, des dispositions concernant la suspension ou le Une telle situation n’est d’évidence pas satisfaisante ce
fractionnement de la peine, le placement à l’extérieur, qui conduit la commission à formuler les propositions
les permissions de sortir, la semi-liberté et la libération suivantes :
conditionnelle. Mais il ne précise pas la nature juridique • il convient que la période de sûreté perde à
de la période de sûreté. l’avenir son caractère éventuellement automatique
et qu’elle ne soit plus désormais que facultative.
Le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation, en • afin de mettre la norme en adéquation avec la
ce qui les concerne, rappellent avec constance que la réalité judiciaire, il semble également souhaitable
période de sûreté est une simple modalité d’exécution de limiter son prononcé aux peines privatives de
de la peine et non une peine distincte de celle qu’elle liberté de nature criminelle, d’une durée égale ou
assortit108. supérieure à 10 ans. Le recours aux périodes de
La commission propose donc de consacrer cette sûreté en matière correctionnelle ou pour assortir de
jurisprudence dans les textes afin que soit affirmée de courtes peines criminelles est en effet numériquement
la façon la plus nette la nature juridique exacte de la fort réduit.
période de sûreté.

108
Cons. constit., 22 novembre 1978 : JO 23/11/78, p.3928. Cass. crim. 10 déc. 1980. Bull.crim. n°344 ; 16 janvier 1985 : Bull. crim n°29 ; 9 mars 1993. Bull. crim.
n°104 ; 5 juillet 1993. Bull. crim. n°237.

- 87-
ch.4 | une simplification et une clarification de l’exécution des peines

• de ce caractère désormais facultatif, découlera constitue la première étape d’un éventuel aménagement
l’obligation de prononcer cette mesure par une de peine, soient plus strictes que celles que l’on estime
décision expresse ce qui, devant la cour d’assises, nécessaires pour octroyer cet aménagement.
nécessitera de poser une question spéciale. Enfin,
ce qui est important, le condamné se verra ainsi La commission considère dès lors qu’il est opportun
informé de l’existence de cette mesure et des d’assouplir les conditions dans lesquelles peut être
conséquences qui en résulteront sur l’exécution envisagée et accordée une mesure de relèvement de
de sa peine dès le prononcé du jugement de la période de sûreté. Pour elle, une telle mesure doit
condamnation. s’inscrire dans le parcours d’exécution de la peine,
• enfin c’est à la juridiction de jugement qu’il propre à chaque condamné, évoqué plus haut ce qui
appartiendra de déterminer la durée de la période conduit à modifier l’article 720-4 du code de procédure
de sûreté dans la limite des 2/3 de la peine pour pénale et à prévoir que, lorsque le détenu s’investit
les peines à temps et de 22 ans pour les peines de dans son parcours d’exécution de peine, le tribunal
réclusion criminelle à perpétuité, ce qui conduit à de l’application des peines peut, dans les conditions
supprimer les paliers que prévoit l’article 132-23 - définies à l’article 712-7 du code précité, décider de
alinéa 2 du code pénal. mettre fin ou de réduire la période de sûreté.

La commission n’a toutefois pas jugé opportun d’étendre L’évaluation du degré d’investissement du condamné
le dispositif ci-dessus à la période de sûreté perpétuelle dans son parcours d’exécution de peine permettra
des articles 221-3 et 221-4 du code pénal, une telle ainsi de ne plus recourir aux deux exigences « à titre
proposition pouvant être mal comprise. En outre, la exceptionnel » et « gages sérieux de réinsertion » et de
jurisprudence tant de la chambre criminelle de la clarifier cette phase procédurale.
Cour de cassation que de la Cour européenne des
droits de l’homme considère que la période de sûreté En cas de prononcé de période de sûreté perpétuelle,
« incompressible » n’est pas contraire aux principes la commission s’est interrogée sur le point de savoir s’il
énoncés par la convention européenne de sauvegarde convenait de réduire de 30 à 25 ans le délai au terme
des droits de l’homme et des libertés fondamentales et, duquel le condamné peut formuler, pour la première fois,
spécialement, à son article 3 prohibant les traitements une demande de relèvement. En examinant toutefois
inhumains et dégradants. attentivement la méthode de computation de la durée
d’une peine utilisée par la Cour européenne des droits
Clarifier les dispositions relatives de l’homme, elle a estimé que cette durée de trente ans
au relèvement de la période de sûreté. ne contrevenait pas à la jurisprudence de cette dernière
Aux termes de l’article 720-4 du code de procédure et elle n’entend donc pas proposer une réduction de
pénale, il peut, « à titre exceptionnel » et en présence délai109.
de « gages sérieux de réinsertion » être mis fin en tout ou
partie à la période de sûreté. Toujours dans un souci de simplification, la commission
Cette terminologie est mal définie et l’on s’interroge sur a estimé qu’il était possible de réduire le nombre
le sens qu’il convient de donner aux « gages sérieux de d’experts prévu par l’article 720-4 alinéa 4, et cela sans
réinsertion » exigés pour être relevé d’une période de nuire à l’exhaustivité et à la qualité de l’évaluation qu’il
sûreté et aux « efforts sérieux de réinsertion » qui sont y a lieu de faire en vue du prononcé d’une telle mesure.
demandés pour pouvoir bénéficier d’une mesure de La commission a, là encore, été sensible aux difficultés
libération conditionnelle. que rencontrent actuellement les experts psychiatres110.
Pour la commission, le mot « gage » s’avère plus exigeant Il lui est également apparu possible de prévoir que le
que le mot « effort » et il lui a semblé surprenant que les condamné puisse demander simultanément le relèvement
conditions du relèvement d’une période de sûreté, ce qui de la période de sûreté qui le frappe et une mesure

109
Cf. : CEDH, 13 novembre 2014, Bodein contre France, req. n°4000114/10 : Dr. pénal janvier 2015, comm. 15.
110
Cf. : sur ce point, annexe N° 13 les expertises psychiatriques

- 88 -
ch.4 | une simplification et une clarification de l’exécution des peines

d’aménagement de la peine afin de ne pas avoir à • consistant à imputer sur la durée de la période de
engager successivement deux procédures distinctes. sûreté la durée intégrale de la détention provisoire
Enfin, en cette matière, la compétence du tribunal de sans la durée de peines autres non affectées d’une
l’application des peines a semblé opportune. mesure de sûreté et mises à exécution durant la
période de détention provisoire.
Harmoniser les aménagements de
peine interdits durant la période de sûreté. La commission s’est également demandée si, en cas de
Les articles 132-23 du code pénal et 720-2 du code de pluralité de peines à exécuter, certaines étant assorties
procédure pénale dressent une liste des aménagements d’une période de sûreté et d’autres pas, il convenait
de peine interdits durant l’exécution de la période de d’affirmer que celle des peines qui comporte une
sûreté. Parmi ceux-ci figurent les permissions de sortir. mesure de sûreté doit être exécutée en priorité et donc
portée la première à l’écrou. Bien qu’une telle solution
La commission a pensé que des permissions de sortir paraisse logique, elle a estimé, pour des raisons d’ordre
pourraient être utilement octroyées pendant l’exécution pratique et de sécurité juridique, ne pas devoir proposer
de cette période - sous réserve, le cas échéant, de de remettre en cause le principe selon lequel les peines
conditions de délais spécifiques – si les permissions s’exécutent dans l’ordre de leur arrivée à l’écrou.
de sortir devaient être désormais considérées non plus Enfin la commission s’est heurtée à l’absence de
comme des aménagements de peine mais comme des toute règle permettant de résoudre la question de la
modalités d’exécution de la peine. pluralité de peines assorties de période de sûreté. Faut-
il additionner ces périodes, les confondre, procéder à
Définir les règles de computation une réduction au maximum légal ?
de la période de sûreté.
Les règles de computation de la période de sûreté ne La commission a envisagé plusieurs solutions :
sont actuellement définies par aucun texte du code pénal • laisser au condamné le soin de saisir le juge
ou du code de procédure pénale, en particulier en cas d’une requête en confusion de période de sûreté
de pluralité de peines mises à exécution simultanément celle-ci s’opérant dans la limite de la période la
ou de peines mises à exécution pendant la détention plus élevée;
provisoire correspondant à la peine assortie d’une • transposer à la période de sûreté la règle de la
mesure de sûreté. réduction au maximum légal existant pour la peine,
le juge additionnant alors les durées des différentes
Il s’agit là de questions techniques et complexes sur périodes dans la limite du maximum légal des 2/3
lesquelles la Cour de cassation, dans des arrêts récents de la peine ou de 22 ans en cas de réclusion
des 25 juin 2014 et 10 décembre 2014 a commencé criminelle à perpétuité. Un tel système a le mérité
à jeter une lumière salutaire111. de la simplicité mais il s’avère particulièrement
La commission propose tout d’abord d’entériner cette sévère. Au surplus, il ne s’inscrit pas dans l’objectif
jurisprudence et de l’inscrire dans la loi ce qui conduirait que poursuit cette mesure qui ne tend pas à punir
à légaliser la solution : mais à interdire pendant un certain temps des
• tendant à faire partir la période de sûreté, aménagements de peine.
modalité d’exécution d’une peine, du jour de la
mise à exécution de celle-ci et non pas du jour d’un En définitive, la commission a opté en faveur de la
éventuel placement en détention provisoire; mise à exécution de la période de sûreté la plus longue
• de l’imputation de la durée de la période de sans que soient additionnées les différentes périodes
détention provisoire sur la durée de la période de prononcées. Cette solution va dans le sens d’une plus
sûreté à l’instar de l’imputation de la durée de la grande individualisation de la peine et c’est au juge
détention provisoire sur la durée de la peine; qu’il appartiendra de décider s’il accorde ou non des
mesures d’aménagement de peines.

111
Cass. crim., 25 juin 2014 : pourvoi n°14-81.793, Dr. pénal sept. 2014, comm. 123. Plus récemment, Cass. crim., 10 décembre 2014 : pourvoi n°14-83.130

- 89-
CONCLUSION
---
conclusion

Il n’était pas envisageable, pour la commission, de contexte actuel et ne serait d’ailleurs pas compris, tendent
traiter de l’ensemble du droit des peines. toutes à rendre plus efficace le travail des différents
Soucieuse de se conformer aux grandes orientations acteurs appelés à intervenir au stade de l’exécution et
définies par la Lettre de mission, elle a donc opéré de l’application des peines. Elle est persuadée que c’est
des choix. en évitant dans toute la mesure du possible les sorties de
Les uns sont de nature structurelle, d’autres prison non préparées et dépourvues de prise en charge
remettent en cause le bien-fondé et même l’utilité et de mesures de suivi que l’on pourra utilement lutter
de certaines dispositions existantes et proposent contre les risques de récidive.
des solutions de substitution puisées dans le corpus Elle ne doute pas que tous ceux qui estiment qu’il
procédural existant après l’avoir redéfini pour est essentiel d’atteindre cet objectif et qui souhaitent
étendre son champ d’application et le rendre voir s’améliorer une situation ayant beaucoup perdu
ainsi plus efficace. Toutes sont dictées par le souci en lisibilité accepteront d’ouvrir de bonne foi sur ces
de simplifier le droit des peines et de le rendre propositions un débat loyal, honnête, serein, loin de
plus accessible à ceux qui doivent le mettre en tout excès et surtout constructif.
œuvre ou se le voir appliquer. Toutes entendent Sur un sujet aussi grave et qui les concerne tant, c’est
rappeler que l’individualisation de la peine doit se ce qu’attendent nos concitoyens. Pour conclure, la
concrétiser dans le cadre de procédures judiciaires commission pense qu’il n’est pas inutile de rappeler
se conformant aux exigences constitutionnelles et les conclusions du rapport « Amoindrir les risques de
conventionnelles. récidive criminelle des condamnés dangereux » que M.
Toutes les personnes qui, à des titres divers et en Vincent Lamanda, alors premier président de la Cour
étant dotés de compétences distinctes, magistrats, de cassation, a rédigé à la demande du Président de
services de police et de gendarmerie, personnels la République à la suite du vote de la loi du 25 février
pénitentiaires des milieux fermés et ouverts ont 2008 précitée dont certaines dispositions avaient été
la responsabilité d’assurer la protection de nos déclarées non conformes à la Constitution.
concitoyens, partagent le même objectif : tout
mettre en œuvre pour prévenir la récidive. Ce haut magistrat soulignait alors : « qu’une société
Encore faut-il, pour l’atteindre, trouver un bon totalement délivrée du risque de la récidive criminelle,
équilibre entre, d’une part, ce qui est de nature sauf à sombrer dans les dérives totalitaires, ne serait plus
à individualiser la peine tout au long de son une société humaine » et il faisait état de la « modestie »
exécution et à assurer l’accompagnement du dont il faut savoir faire preuve en la matière.
condamné au moment où il quitte l’établissement
pénitentiaire et, d’autre part, la nécessité de donner Tout en ayant à cœur de proposer les mesures les plus
à l’Etat les moyens d’assumer les responsabilités aptes à prévenir les risques de récidive, la commission,
d’ordre sécuritaire qui lui incombent, sans oublier au terme de ses travaux, ne peut que faire sienne cette
l’indispensable prise en compte des victimes qui réflexion.
doivent pouvoir comprendre quelle est la logique
et, plus encore, le bien fondé d’un parcours Il demeure que la modestie n’exclut pas la détermination
pénitentiaire individualisé. et, à cet égard, la commission souhaite que la phase
La commission, au cours de ces travaux, n’a jamais post sentencielle, dont chacun mesure l’importance,
perdu de vue cette triple exigence et elle considère puisse bénéficier de textes et de procédures permettant
que ses propositions, loin d’affaiblir les dispositifs à l’ensemble de ceux qui en ont la responsabilité de lui
existants ce qui ne saurait être envisagé dans le donner tout son sens et toute son efficacité.

***

112
Amoindrir les risques de récidive criminelle des condamnés dangereux, Rapport, La documentation française, 2008, p. 65.

- 93-
table des matières

INTRODUCTION p.10

La lettre de mission p.10


La composition de la mission p.11
La méthode de travail p.11
Les principes directeurs p.12

CHAPITRE 1 UNE NOUVELLE CODIFICATION p.17

I.- La création d’un code pénitentiaire p.18

II.- Les transferts du code pénal vers le code de procédure pénale p.20

III.- La restructuration des dispositions du code pénal


et du code de procédure pénale relatives aux peines p.21
A. R estructuration des dispositions relatives
aux peines encourues (titre III du livre I du code pénal) p.22
B. Restructuration des dispositions relatives
au prononcé de la peine (titre V du livre II du Code de procédure pénale) p.23
C. Restructuration des dispositions relatives
à l’exécution et à l’application des peines
(livre III du Code de procédure pénale) p.25

CHAPITRE 2 L A RATIONALISATION ET LA RÉNOVATION


DE LA NOMENCLATURE DES PEINES p.33

I.- La restauration de la cohérence de la nomenclature des peines p.34


A. Clarification de la distinction entre peines principales et complémentaires p.34
B. Création d’une échelle des peines principales… p.35
C. Rénovation des dispositions relatives aux peines alternatives p.35
D. Fusion souhaitable de certaines peines p.36
1. Les peines de stage p.37
La nature des stages p.37
Le régime des stages p.37
2. Les peines d’interdiction p.38

II.- La promotion des peines permettant de cantonner l’emprisonnement p.40


A. Promotion du placement sous surveillance électronique p.40
1. Etat du droit p.40
Textes p.40
Définition et modalités p.40
Conditions de fond p.40
Modalités procédurales p.41
Modification et retrait p.41
Succès du PSE p.41

- 95-
table des matières

2. Evolution proposée p.42


Transformation en peine p.42
Arguments p.42

B. Promotion de la contrainte pénale p.43


1. Economie du dispositif p.43
2. L’évolution proposée p.43

C. Promotion du suivi socio-judiciaire p.44


1. Description du suivi socio-judiciaire p.44
Nature juridique p.44
Champ d’application p.44
Economie du suivi socio-judiciaire p.44
2. Evolution proposée p.44
Nature juridique p.45
Durée p 45
Contenu des mesures p.46.
Suivi p.46
Sanction p.46

III.- La suppression de mesures heurtant les principes du droit de la peine p.46


A. Suppression de la sanction-réparation p.46
B. Suppression de la rétention de sûreté p.47
1. Présentation de la mesure p.47
2. Nature juridique de la mesure p.48
3. Appréciation de la mesure p.49
La conventionnalité p.49
L’imprécision des conditions de sa mise en œuvre p.50
L’application de la rétention de sureté p.50
L’existence de mesures répondant aux mêmes fins p.50

C. Suppression de la surveillance de sureté p.50

IV.- Les créations et suppression corrélatives en matière d’application des peines p.52
A. Suppression du SME et du sursis assorti d’un travail d’intérêt général p.52
B. Création de la libération contrôlée p.52
1. Description de l’actuelle surveillance judiciaire p.53
Nature juridique p.53
Economie de la surveillance judiciaire p.53
a) Les conditions de mise en œuvre p.53
b) Les obligations assortissant une surveillance Judiciaire p.53
c) Le suivi p.53
d) Sanction p.53
2. Evolution proposée vers la libération contrôlée p.54
Principe p.54

- 96 -
table des matières

Dispositif p.54
Les obligations assortissant la libération contrôlée p.54
La sanction. p.55
La nature juridique p.55

CHAPITRE 3 L A CONSÉCRATION DE L’INDIVIDUALISATION


ET DE LA JURIDICTIONNALISATION AU STADE
DE L’APPLICATION DES PEINES p.58

I.- Préalables p.58


La prise en compte de la récidive p.58
Le concept de dangerosité. p.59

II.- Les juridictions compétentes p.59


A. L a clarification des règles de compétence entre juge
et tribunal de l’application des peines p.59
B.La composition et la procédure p.60
1. La composition p.60
La présence de deux membres extérieurs p.60
La désignation du président de la chambre de l’application des peines p.60
2. La procédure devant la chambre de l’application des peines p.61
La comparution devant la chambre de l’application des peines. p.61
La non-application de la règle dite de « l’unique objet ». p.61
La procédure d’appel devant la chambre de l’application des peines p.61
L’effet de l’appel p.62

III. - Les permissions de sortir p.62


L’octroi de la première permission p.63.
Les conditions de délai p.63.
La durée de la permission p.64
L’harmonisation des conditions d’octroi p.64.
Les permissions de sortir collectives p.64
Le renforcement des garanties préalables à l’octroi d’une permission de sortir p.64
Garantir l’effectivité de l’appel devant la chambre de l’application des peines p.65

IV.- U
 nification, simplification et clarification des
conditions d’octroi de certains aménagements de peine p.65
A. L a semi-liberté, le placement à l’extérieur,
le placement sous surveillance électronique,
le fractionnement et la suspension de peine, la libération conditionnelle. p.66
Un seuil d’octroi unique p.67
Des conditions d’octroi identiques. p.67
Des obligations similaires. p.67
Des motifs de retrait communs p.67
B.Les conversions de peine p.67
1. La conversion de peines d’emprisonnement de moins
de six mois en contrainte pénale ou en suivi socio-judiciaire probatoire p.67

- 97-
table des matières

2. Le cas particulier des peines de réclusion criminelle à perpétuité p.68


C. U
 ne nécessaire clarification de la situation
des condamnés en aménagement de peines p.68

V.- Le cas particulier des règles relatives à la libération conditionnelle p.69


A. La mesure probatoire p.69
B. Les rôles respectifs de la commission pluridisciplinaire
des mesures de sûreté et des centres nationaux d’évaluation p.70

CHAPITRE 4 U
 NE SIMPLIFICATION ET UNE CLARIFICATION
DE L’EXÉCUTION DES PEINES p.76

I. Redéfinition des règles de procédure en matière d’exécution des peines p.76


A. Des transferts de compétence p.76
1. Le transfert à un juge délégué du traitement
de certaines requêtes en matière d’application et
d’exécution des peines p.76
2. Le transfert au tribunal correctionnel du contentieux de la réhabilitation p.77
B. Harmonisation des règles de procédure en matière d’exécution des peines p.77
Engagement des procédures contentieuses…. p.77
Instruction des requêtes contentieuses. p.78
Compétence des juridictions appelées à statuer p.78
Le principe p.78
L’exception p.78
Comparution du requérant p.78
Signification de la décision. p.79
Le contentieux de l’interprétation et des difficultés d’exécution p.79

II. Clarification de règles procédurales objet d’interprétations différentes p.79


A. L e caractère définitif d’une condamnation pénale
et le point de départ de la prescription p.79
Définir ce qu’est une condamnation définitive p.80
Poser en principe que le caractère définitif
d’une décision devient le point de départ du
processus d’exécution de toutes les peines p.80
Restreindre les dérogations à cette règle de principe p.80
Restaurer la cohérence entre le caractère définitif
et le point de départ du délai de prescription de la peine. p.80
B. Le caractère exécutoire d’une peine… p.80
C. Le relèvement des incapacités p.82
D. La confusion des peines p.82
Nature des peines susceptibles d’être cumulées p.82
Le travail d’intérêt général p.82
Les longues peines. p.83
L’incidence des décisions-cadre en matière d’exécution des peines p.83
Les confusions en cascade. p.83
Le mécanisme de la réduction au maximum légal p.84

- 98 -
table des matières

III. Modernisation de la période de sûreté p.84


A. Présentation de la mesure p.84
B. Les évolutions proposées p.84
Préciser sa nature juridique. p.85
Simplifier les règles de mise en œuvre. p.85
Clarifier les dispositions relatives au relèvement de la période de sûreté. p.86
Harmoniser les aménagements de peine interdits durant la période de sûreté. p.86
Définir les règles de computation de la période de sûreté. p.87

CONCLUSION p.91

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Décembre 2015 - Mise à jour : novembre 2016
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Maquette et mise en page : SG / DICOM
Impression : SG / SDAC / CIN

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