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Master Sciences Juridiques – S1

Module : Droit pénal général approfondi

Les finalités contemporaines du droit


pénal : entre la sanction et la
réhabilitation

Préparé par : Encadré par :


- Aïda ELFERKLI
- Mohamed ID LAHCEN
- Mohammed El AZMI
- Imane HAMROUCHI
- Aimad CHOUKAIRI

2023/2024

1
Introduction
« Le droit pénal est comme ces monuments célèbres que chacun croit
connaître sans jamais les avoir visités »
Cette fameuse citation traduit l’aspect sophistiqué du droit pénal. Certes, il
n’est pas nécessaire d’être averti de l’art juridique, ni même lecteurs des romans
policiers, pour avoir une idée de ce qu’est un meurtre, un viol, un attentat, un vol
ou une séquestration. De même, tout citoyen, y compris celui qui n’a jamais
commis le moindre forfait ni joué aux gendarmes et aux voleurs, a entendu parler
de la prison, de l’abolition de la peine de mort, etc. Mais, certains comportement
interdits frappent par leurs caractères techniques dont l’appréhension par le public
paraît très compliquée.
Le droit pénal est, alors, dans son intégralité caractérisé par son aspect
subtil, y-compris ses finalités. En effet, il n’est pas aussi évident de dire que la
finalité, ou la fonction, principale du droit pénal est la punition. Certes, en
doctrine, la réclamation que la fonction répressive est l’unique au droit pénal n’est
plus d’actualité. Ainsi, il est admis, à l’unanimité, que la fonction expressive et
celle de prévention font également partie des fonctions du droit pénal. Dans un
autre sens, la réclamation à ce que la répression est une fonction d’apanage au
droit pénal est plus évidente1.
L’évidence ne réside pour autant pas dans l’efficacité de la fonction
répressive. Il est désormais délicat de prétendre que l’emprisonnement, comme
étant la méthode la plus fréquemment utilisé pour sanctionner, est d’utilité. L’idée,
si enracinée dans nos esprit, selon laquelle la finalité du droit pénal ne doit être
rien que de sanctionner le délinquant et que l’emprisonnement doit être une place
de souffrance pour eux n’est clairement plus d’efficience sur le plan pratique.
Cependant, il serait injudicieux de partager l’idée abolitionniste du droit
pénal2. L’incrimination des actes qui portent atteinte à l’ordre public, puis les
sanctionner doit rester comme étant une finalité pénale tenant compte de son
aspect à la fois philosophique3 et historique, et ce en dépit de son inefficacité bien
constatée.

1
Il est essentiel de partager la tendance doctrinale en relation avec les fonctions, contemporaines de la
responsabilité civile pour raison que les voix réclamant que la répression n’est plus d’apanage au droit pénal
s’accentuent. Ainsi, dans nos temps, nombreux sont ceux qui réclament que la responsabilité civile joue un rôle
sanctionnatrice. La punition dans ce sens réside dans la réparation que la personne en question est obligée de payer.
La fonction réparatrice a en effet un rôle aussi sanctionnatrice. Or, la plupart est d'avis que la fonction répressive
est exclusivement attribuée au droit pénal.
2
Look Hulsman, le père fondateur du courant abolitionniste, plaide pour l’abolition du droit pénal et une
décriminalisation totale. Il préconise la substitution de l’expression « situation problème » à l’infraction.
3
Anette SOUSA-COSTA, Entre droit et morale : la finalité de la peine, Université Paris Ouest Nanterre
la Défens, 2007, p. 39.
2
Alors, si la nécessité de sanctionner les transgressions aux règles sociales
légalement établies ne peut être sérieusement contestée, la nature de la sanction
son contenu et les modalités d’exécution de celle-ci font l’objet d’un débat non
seulement technique mais aussi philosophique et politique pratiquement
permanent depuis la publication du traité célèbre des délit et peines de Cesare
Beccaria4.
Après Beccaria, c’était Marc Ancel qui a introduit la notion de
réhabilitation en droit pénal notamment par sa doctrine de la Défense Sociale
Nouvelle5. Les idées du pénologue français ont été appliquées en droit français ça
fait bien longtemps, ainsi qu’en Droit marocain depuis les années 90. Ainsi, la loi
régissant les établissements pénitentiaires considère le prison comme étant une
place de réhabilitation des condamnées6.
On est alors devant deux notions : sanctionner et réhabiliter. Les deux sont
des éléments du débat sans cesse renouvelé sur les orientations du système
répressif. Punir, pour tout un chacun, c’est mettre en prison ; réhabiliter consiste
à traiter cliniquement le délinquant. Existe-t-il une opposition véritable entre ces
deux orientations ou peut-on, au contraire, les combiner ? L’examen des textes de
loi et de la tendance de la politique criminelle, non seulement au niveau marocain
mais aussi internationale, inciterait fortement à répondre positivement. Il est
manifeste que les deux processus s’influencent mutuellement, dans la mesure où
la mission de la prison, étant une sanction, est la réhabilitation.
Face à la prédominance de la peine d’emprisonnement en tant que principal
instrument de sanction, une interrogation plus approfondie et rigoureuse émerge
naturellement. La question cruciale qui se pose est de savoir si la prison, en
tant que forme prédominante de châtiment, parvient effectivement à
accomplir sa mission de réhabilitation. Cette mission est-elle couronnée de
succès, ou bien subsistent des défis et des lacunes qui méritent une réflexion
approfondie ?
L’insuffisance de la mission classique de l’emprisonnement est évidente
(partie I), mais les défis de la sanction moderne qu’est la réhabilitation sont à
traiter pour raison de détecter les raisons de son inefficacité (partie II).

4
Beccaria est la personne ayant contesté l’immoralité de l’emprisonnement sans finalité de réinsertion.
5
Alfonso Serrano MAILLO, Défense Sociale Nouvelle et modernité réflexive, Médicine & Hygiène,
France, 2010, p. 597.
6
L. 23-98, art. 113 et s.
3
Partie I. L’insuffisance de la fonction classique du droit
pénal
Une idée se construit progressivement : la peine d’emprisonnement
ferme, telle que nous la connaissons depuis deux siècles, ne répond pas aux
attentes qu’elle avait suscitées (chapitre 1), notamment en ce qui concerne la
prévention de la récidive. Prononcée très fréquemment alors qu’elle ne devrait
être utilisée qu’en dernier recours, la peine d’emprisonnement ferme fait
régulièrement l’objet de critiques, aussi bien en ce qui concerne ses conditions
d’exécution qu’au regard des objectifs qu’elle peine à atteindre, notamment celui
d’une réinsertion sociale réussie (chapitre 2). En tant qu’une peine de référence
quasi uniforme pour tous, elle n’offre pas une réponse adéquate, en particulier de
la petite et moyenne délinquance.
Chapitre 1. Les limites de la fonction classique
Depuis son origine, la peine privative de liberté est sujette à controverse 7.
L’emprisonnement permet essentiellement la garde d’une multitude de personnes
condamnées dont certaines sont jugées dangereuses. La mise à l’écart de ces
individus procure à la société, même temporairement seulement, un sentiment de
sécurité. Les règlements intérieurs stricts pratiqués par les établissements
pénitentiaires rendent possibles une surveillance et un contrôle quasi permanents
des détenus. Il s’agit donc d’une vertu exclusivement d’ordre sécuritaire qui est
régulièrement relevée par certains hommes politiques afin de promouvoir une
politique criminelle fondée sur la sévérité de la sanction pénale, justement le
recours à l’emprisonnement ferme. De ce constat s’ensuit une interrogation : la
peine d’emprisonnement vue exclusivement sous l’angle sécuritaire, permet-elle
de lutter efficacement contre la récidive ? (section 1). La réponse instinctive est
d’évidence négative (section 2).
Section 1. La récidive : réalité incontournable
La diminution de la récidive est, à coup sûr, une finalité de
l’emprisonnement. Les personnes sont privées de leurs libertés pour raison à ce
qu’elles soient punies. La fonction primordiale, de point de vue philosophique,
reste d’empêcher la personne à ce qu’elle commise une autre infraction. Et,
pourtant, il n’en est rien. La réalité du terrain nous a révélé, de nombreuses fois,
que le nombre de la récidive ne cesse de s’accentuer.
En continuation dans la même logique d’idées, les statistiques révèlent une
réalité plus nuancée qui remet en question la validité inhérente de cette approche.

7
Michel FOUCAULT, Nouveau millénaire, Défis libertaires, La prison vue par un philosophe français,
entretien avec F. SCIANNA, p. 32.
4
Ainsi, les chiffres révèlent une complexité surprenante : malgré le déni de liberté,
la récidive reste un défi permanent. Sur la base de ces statistiques, une analyse
approfondie des sujets de l'étude a montré que 75,4 % d'entre eux n'ont pas
récidivé. Cependant, les résultats restent choquants : 24,6 % ont récidivé, ce qui
suggère que la privation de liberté ne semble pas suffire à empêcher certaines
personnes de récidiver8.
Parmi ceux qui ont récidivé, les données détaillaient les nuances de cette
récidive : 12,7% avaient récidiver une fois, 6,1% deux fois et 5,8% trois fois ou
plus. Ces informations mettent en évidence la complexité du processus de
réadaptation et soulèvent des questions sur la capacité des sanctions pénales à
véritablement dissuader les individus et à leur permettre de réintégrer la société.
Ces statistiques soulignent donc la nécessité d'une approche plus globale et
individualisée du système pénal, mettant l'accent sur des programmes de
réadaptation plus ciblés et des mesures de suivi après la libération pour réduire
efficacement les taux de récidive et garantir que les individus incarcérés
réintègrent véritablement la société.

80

70

60

50

40

30

20

10

0
N’ont pas récidivé Ont récidivé

N’ont pas récidivé 1 fois 2 fois 3 fois ou plus

Il est alors d’évidence que l’emprisonnement, par sa finalité si


traditionnelle, n’a, en aucun cas, réussi d’aboutir à ses finalités propres. Les

8
https://www.lebrief.ma/criminalite-voici-le-profil-type-du-recidiviste-au-maroc-99347/
5
raisons sont multiples et la surpopulation carcérale en est l’une des causes les plus
fortes.
Section 2. La surpopulation carcérale : une cause réelle
L’emprisonnement, comme étant une fonction classique du droit pénal,
reste limité quant à ses fonctions. La surpopulation est la raison la plus claire. Un
prison surpeuplé est la cause et le résultat de la naissance, voire de l’augmentation,
de la criminalité, au moins de point de vue limité. Un prison surpeuplé, dans
n’importe quel emplacement, est une école de criminalité. En effet,
l’établissement pénitentiaire devient sa propre ennemie.
Pour pousser la réflexion au-delà d’un simple compte rendu, il est
indispensable de se baser sur des chiffres et des études qui soutiennent la
prétention de ladite surpopulation et sa corrélation intrinsèque avec la criminalité.
Pour ce faire, et selon les derniers chiffres publiés par la source officielle qui est
la Délégation Générale à l'Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion, arrêtés
au 31 décembre 2022, on constate que les établissements pénitentiaires
connaissent une surpopulation importante, leur nombre total et plus que 100.000
détenus contre seulement 64.000 lits.

Cette surpopulation a des effets plus profonds sur la qualité de vie des
détenus et sur les conditions de détention. Les établissements surpeuplés sont
confrontés à des problèmes logistiques majeurs, qui ont un impact direct et sévère
sur, la sécurité et le bien-être des prisonniers.
Cette situation de surpopulation reflète de profonds déséquilibres au sein
du système pénitentiaire, mettant en évidence l’écart alarmant entre la capacité
carcérale et le nombre réel de détenus. Ces statistiques de la DGAPR reflètent non
seulement un problème urgent, mais aussi de profondes failles structurelles au
cœur du système pénitentiaire. En effet, cette surpopulation chronique constitue
non seulement un défi urgent, mais souligne également le besoin urgent de
réformes et d’innovations pour garantir des conditions dignes et humaines aux
personnes incarcérées.
6
Selon la même source, le Maroc compte 75 établissements pénitentiaires,
dont 65 prisons locales, 6 prisons agricoles, 2prisons centrales, et 2centres de
réforme et d’éducation. Cette insuffisance structurelle pose des défis
considérables pour le système pénitentiaire. Sachant que le nombre de personnes
incarcérées chaque année augmente d’une façon catastrophique, sans aucune
expansion ni augmentation des institutions pénitentiaires.
Face à cette réalité, il devient très clair que nos établissements pénitentiaires
misent beaucoup de limites pour appliquer les sanctions classiques
d’emprisonnement. Ainsi, lorsque les prisons dépassent leur capacité, les
conditions de détention se détériorent, avec des conséquences potentiellement
néfastes. Les détenus peuvent être confrontés à des conditions inhumaines, un
accès limité aux programmes de réhabilitation et une supervision inadéquate.
Cette surpopulation crée un environnement propice à la formation de réseaux
criminels au sein des prisons, favorisant ainsi le développement de nouvelles
activités délictueuses. De plus, l’absence de ressources suffisantes pour surveiller
et traiter les détenus peut entraîner une libération prématurée, sans réadaptation
adéquate, ce qui accroît le risque de récidive. Ainsi, la surpopulation des prisons
peut contribuer à perpétuer un cycle de criminalité en compromettant la capacité
du système pénitentiaire à réhabiliter efficacement les délinquants.
Chapitre 2. Les finalités de la fonction moderne
L’insuffisance de la sanction si classique du droit pénal nous semble
incontestable. Ce qui implique, alors, la nécessité de tenir en considération la
réinsertion socioprofessionnelle des délinquants (section 1). Aussi, tout en
prenant en considération la politique criminelle moderne menée par l’Etat, les
peines alternatives nous semblent également une réalité incontournable pour
laquelle la Maroc doit s’adhérer afin de minimiser le taux d’incrimination (section
2).
Section 1. La réinsertion socioprofessionnelle des
détenus
La réhabilitation est la finalité de la sanction mais avec un processus de
réinsertion inadéquat ou mal préparé, on tombe souvent dans la récidive ce qui est
contraire au principe même de sanctionner, principe supposé éviter cette récidive
ou au moins la réduire. C’est donc contreproductif. Le but ici n’est pas d’intimider
le criminel ou à ce qu’il ait peur mais qu’il devienne convaincu de l’immoralité
de ses actes. La méthode et la manière doivent être bien pensées car il s’agirait de
lui vendre cette idée de « Réinsertion » et non pas de l’y obliger.
En effet, la réinsertion est l’une des missions fondamentales de la sanction
pénale : le condamné doit s’amender non seulement en étant mis à l’écart de la
7
société, mais aussi en devenant un homme meilleur. C’est la fonction de la
réinsertion mais elle est, selon les chiffres du ministère de la Justice et des
Libertés, défaillante.
On peut donc constater une dégradation de la volonté de la société à
réintégrer le détenu ; on peut prendre l’exemple de la France où l’opinion publique
est de plus en plus défavorable à l’amélioration des conditions carcérales. Un
sondage réalisé par l’IFOP en 2018 révèle que 50 % (contre 18 % en 2000) des
personnes interrogées pensent que la souffrance et l’enfermement font partie
intégrante de la peine. Et seuls 45 % (contre 72 % en 2000) pensent que la prison
doit avant tout préparer à la réinsertion.
En l’absence d’études similaires au Maroc, et sans vouloir extrapoler les
résultats du sondage français, il semble que le désir de punir existe bel et bien et
même ne cesse de grandir et se traduit par un désir de faire souffrir pour réparer
le tort causé à la société. Ce désir de punir le condamné reflète bien évidemment
son rejet par la société qui ne l’accepterait pas parmi ses rangs, rejet assez
particulier puisque le criminel est en quelque sorte un produit de cette même
société qui le rejette le poussant ainsi assez souvent à la récidive.
Cette récidive est l’une des causes de cette surpopulation carcérale dont on
parlait précédemment. Or il est acquis que les sorties dites sèches, c à d sans
processus de réinsertion, encouragent grandement les risques de récidive ; plus de
60 % récidivent dans les cinq ans, contre 39 % pour les personnes ayant bénéficié
d’une libération conditionnelle. C’est un fait : la non-récidive passe par un
accompagnement, à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de la prison.
La Convention Marocaine votée le 01 juillet 2011 vient justement appuyer
cette volonté de garantir les Droits des Détenus dans son article 23 qui énonce que
« … toute personne détenue jouit de droits fondamentaux et de conditions de
détention humaines. Elle peut bénéficier de programmes de formation et de
réinsertion ».
C’est dans cette même perspective qu’a été lancé par la fondation Mohamed
6 le Programme de Réinsertion Socioprofessionnelle des Détenus qui s’inscrit
dans une volonté des autorités du pays et surtout dans une volonté royale de
réforme du système pénitencier.
On peut donc apercevoir la création de plusieurs entités dédiées à cette
vision plus contemporaine :
- Création de la Délégation Générale de l’Administration Pénitentiaire et
de la Réinsertion jouissant de l’autonomie financière et juridique
(DGAPR) ;

8
- Création du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) ;
- Création de l’Observatoire des Droits de l’Enfant (ODE) ;
- Instauration de l’Instance « Equité et Réconciliation » (IER) ;
- L’Instauration de l’Initiative Nationale du Développement Humain
(INDH) ;
- Instauration de DIWANE AL MADALIME (institution pour les
doléances) Institution du Médiateur ;
- Constitutionnalisation des droits des prisonniers (Articles 20 et 23) –
2011 ;
- La Fondation Mohamed 6 a également mis en place un dispositif de
réinsertion Socioprofessionnelle des détenus qui s’articule en deux
services, l’un interne, l’autre externe :
o Le Service de Préparation à la Réinsertion (SPR) (à l’interne) ;
o Le Centre d’Accompagnement Post Carcéral (CAPC) (à
l’externe).
Cependant, malgré ces premiers pas qui sont très prometteurs, le CNDH
note, avec inquiétude, des données qui dévoilent un environnement carcéral
mettant en péril la bonne application de ces tentatives visant à favoriser la
réinsertion.
Une augmentation de la population carcérale de plus de 26% entre 2015 et
2019 engendrant ainsi une surpopulation qui conduit à des conditions de détention
alarmantes, préjudiciables à la réinsertion et à la sécurité de tous ;
Le ratio d’encadrement qui varie d’un agent pour 7 détenus au mieux à un
agent pour 22 détenus au pire, alors que les standards internationaux
recommandent le ratio d’un agent pour 3 détenus ce qui entrave la sécurité des
prisonniers et peut conduire à une peine infernale. Ces agents qui sont en contact
quotidien avec les détenus devraient être un premier vecteur de réinsertion et ce
en essayant d’apporter plus de soutien aux détenus.
Et enfin 42% de cette population est en détention préventive, 40,45% des
condamnations ne dépassent pas un an et 4% ont des condamnations qui ne
dépassent pas 6 mois. Dans ces trois cas, ce sont des peines durant lesquelles les
programmes de réinsertion ne peuvent être appliqués ce qui est contradictoire vu
que la réhabilitation est censée être le but ultime de la sanction pénale. Cela met
en évidence le besoin de peines alternatives pouvant favoriser la minimisation de
la surpopulation carcérale et de ses effets néfastes sur le bon fonctionnement de
la procédure de réinsertion.

9
Section 2. Les peines alternatives : Une perspective
révolutionnaire
C’est dans ce même sens que l’on trouve le projet de loi 43.22 relatif aux
peines alternatives et qui vise à améliorer le système judiciaire marocain et à
surmonter les problématiques liées à la justice pénale, en particulier celles liées
aux courtes peines de privation de liberté qui sont en rapport étroit avec le
phénomène de la surpopulation carcérale.
l’idée serait de s’inspirer des autres pays et d’introduire les peines
alternatives comme moyen de sanction qui permettront d’éviter, pour les auteurs
de délits mineurs, la prison qui est souvent considérée comme étant l’école de la
criminalité et d’ainsi punir le délinquant tout en favorisant sa réinsertion dans
notre société afin d’éviter de le faire évoluer vers un statut de criminel par ce
même système carcéral supposé le réhabiliter.
Aussi, les politiques pénales de nombreux pays démocratiques intègrent, de
plus en plus, différentes mesures de substitution à l’incarcération. Ainsi et même
si l’emprisonnement reste la référence en termes de sanction, les peines
alternatives se multiplient, malgré la difficulté de leur mise en œuvre, car elles ont
au moins deux vertus : la lutte contre la récidive et la réduction de la population
carcérale qui sont deux des plus grands fléaux faisant barrage à une bonne
réinsertion.
Il faut, donc, réfléchir à une philosophie générale dans les domaines de la
réhabilitation et de la réinsertion sociale9, qui se traduirait à travers un ensemble
de mesures pénales permettant d’éviter ou de raccourcir une incarcération, aussi
bien avant le procès, qu’au moment de la sentence, ou après la condamnation.
Parmi les recommandations formulées par plusieurs rapports et études, on
retiendra notamment celles concernant la nécessité de favoriser le recours à des
mesures d’encadrement autres que la détention préventive et d’introduire dans le
Code Pénal le dédommagement, les travaux communautaires et l’assignation à
résidence. L’impact de l’adoption des peines alternatives peut être révolutionnaire
pour l’environnement carcéral et c’est ce que l’on peut voir dans les statistiques
de la ministère de la justice. Ainsi, selon les chiffres du ministère de la Justice et
des Libertés, 28% de la population carcérale sont des détenus placés en détention
provisoire et qui sont relâchés pour divers motifs (abandon des poursuites,
déclarés innocents, condamnation à une simple amende). On ajoute à cela les
condamnations à moins de 6 mois de prison, qui sont d’ailleurs inutiles pour les
détenus car ce sont des peines pendant lesquelles aucun programme de réinsertion

9
Vicent SIZAIRE, Que reste-il de la défense sociale nouvelle ?, Revue de sciences criminelle et droit
pénal comparé, 2017, p. 267.
10
ne peut être appliqué, Elles correspondent approximativement à 4% de la
population carcérale. Mieux encore, 23% sont des détenus qui ont été condamnés
à une peine d’emprisonnement pour des délits mineurs ; cette population
représenterait le profil type des candidats à des peines alternatives à
l’emprisonnement.
En appliquant les possibilités existantes et les perspectives d’avenir en
termes d’alternatives à l’emprisonnement, 55% de la population carcérale
auraient pu éviter l’incarcération. C’est pour cela, le CNDH note avec
satisfaction que la Charte de la réforme du système judiciaire ait préconisé
l’introduction des peines alternatives dans le cadre du troisième objectif principal
qui vise à renforcer la protection judiciaire des droits et libertés.
Donc les peines alternatives à l’emprisonnement dites aussi « peines de
substitution » doivent progresser dans le vécu et l’opinion des uns et des autres. Il
faut comprendre qu’il s’agit de vraies peines, sanctionnant un comportement
social réprouvé, incluant un élément de contrainte imposé à l’individu, mais tout
en affirmant une volonté de ne pas l’exclure de la communauté beaucoup plus
dominante dans les sanctions classiques.

Partie II. Les défis pratique de la fonction moderne


Sans doute, chaque politique en droit pénal fait l’objet de débat social tenant
compte de la sensibilité de la matière. Or, en matière de réinsertion et de
réhabilitation, l’unanimité sociétale est presque d’évidence, théoriquement
parlant. La réalité nous a, pour autant, révélé que le but convoité, qu’est la
réinsertion, n’est pas encore obtenu pour des raisons à la fois liées l’aspect
systémique (chapitre 1), mais aussi à l’aspect social (chapitre 2).
Chapitre 1. Les contraintes liées à l’aspect systémique
L’exécution des peines répressives incombe à l’administration pénitentiaire
qui prend en charge les personnes privées de liberté. Cette charge lui confère une
mission de sécurité publique tout en assurant l’exécution des décisions prises par
l’autorité judiciaire ainsi que la préservation contre le récidive et la préparation de
la sortie du détenu après sa mise en liberté10.
Cependant, cette mission semble difficile sur le plan pratique en raison de
la complexité de l’équilibre entre la répression et la réhabilitation. Ce qui implique
des résultats moins espérés que ce soit pour des raisons des crises au milieu

10
Michel FOUCAULT, Op cit, p. 65.
11
carcérale (section 1), ou tout au long de l’accompagnement clinique du délinquant
(section 2).
Section 1. La politique pénale et la crise du milieu
carcéral
La volonté politique de réformer la politique pénale par l’harmonisation de
la prison et la soumettre à la politique pénale s’est concrétisée par l’adoption de
la nouvelle loi pénitentiaire, la réhabilitation de l’administration pénitentiaire en
1999 et la création de la fondation Mohammed V pour la réinsertion des détenus,
comme un organisme opérationnel qui fédère les actions de réinsertion des
personnes libérées.
Le monde carcéral semble rassembler toute la misère humaine de la
société et constitue la seule réponse sociale à tout écart de comportement. Bien
qu’elle soit réglementée par le législateur, l’exécution de la peine privative de
liberté pose néanmoins la grande difficulté de réconcilier le droit à la sûreté de la
société avec celui du détenu à la dignité et la sécurité.
Malgré les efforts considérables fournis par les pouvoirs publics et la
société civile, la réalité carcérale demeure dangereuse et les conditions de
détention sont criminogènes car les modalités d’exécution de la peine au Maroc
ne respectent pas toujours la légalité pénitentiaire.
Pour autant la peine privative de liberté ne prive pas en principe les détenus
de leurs droits de l’homme, ils demeurent titulaires d’un certain nombre de droits
: Droits à la dignité, droits à la vie intellectuelle et religieuse et celui du contact
avec le monde extérieur, les visites et la correspondance.
L’accent est donc mis sur la rééducation des détenus et l’Administration en
fait tout un programme qui s’articule sur deux axes, à savoir le travail et
l’enseignement. Cependant, le manque de moyens et la surpopulation carcérale
restent les obstacles principaux à la concrétisation de cette conception
contemporaine. Dans ce contexte, aucun programme de réforme ou de réinsertion
des détenus ne pourra être sérieusement envisagé ou réussi.
La majorité des problèmes de l’Administration pénitentiaire vient du
surpeuplement des prisons, engendré par le recours excessif des juges à la
détention provisoire ainsi qu’une surutilisation des peines privatives de liberté de
courte durée et ce en dépit d’un énorme manque de locaux.
La politique pénale est l’une des préoccupations majeures de différentes
législations qui s’intéressent à la promotion des droits du détenu. L’Etat doit
encourager à la réinsertion au sein de la société. En d’autres termes, il est

12
nécessaire de démontrer l’influence de la politique pénale sur le travail de
l’établissement pénitentiaire.
Les concepts et les mécanismes de la politique pénale s’occupent de la
protection des détenus à travers la recherche d’une meilleure efficacité de
prévention du crime. C’est pour cette raison que l’Etat est chargée de la lutte
contre la criminalité, cependant la réalité des prisons au Maroc reste tout autre.
C’est ce que dévoile l’observatoire Marocain des prisons (OMP) dans ses rapports
qui témoignent sur la situation des personnes incarcérés et l’échec de leur
traitement ainsi que les problèmes liés à l’aspect structurel et organisationnel. Ce
qui remet en cause la capacité de la politique pénale à juguler le phénomène
criminel.
Il va sans dire que le système de pénalisation conduit à l’augmentation du
nombre de personnes détenus, étroitement liée au phénomène de surpeuplement
carcéral, et l’incapacité à associer ces personnes dans des programmes de
réinsertion. Autre problème lié au système, est le manquement assez fréquent de
la proportionnalité de la sanction avec les crimes commis ; cet équilibre constitue
une zone de problème majeure de par le fait qu’elle demeure à l’appréciation du
juge.
Section 2. Les contraintes du traitement pénitentiaire
Après l’adoption de la Constitution de 2011 la situation des prisons Au
Maroc est d’intérêt croissant ce qui reflète la volonté de réformer dans le cadre de
la mise en place d’une réforme globale des établissements pénitentiaires. La
question qui s’impose est alors celle de repérer les raisons qui expliquent la
situation déplorable des prisonniers.
La Situation lamentable de l’environnement carcéral ne reflète pas une
application efficace des textes de lois relatifs au traitement des détenus, bien au
contraire ; d’où la nécessité d’amender l’arsenal législatif afin de résoudre les
problèmes financiers et humains.
Parmi les problèmes chroniques dont souffrent les prisons Marocaines est
le nombre croissant de la population carcérale. Ce phénomène est dû au recours
excessif des juges chargé d’application des peines à la détention préventive et
l’inflation des peines privatives de liberté.
Impliquant ainsi plusieurs dispositions visant à améliorer les conditions de
vie du détenu dans le milieu carcéral mais qui ne s’appliquent généralement pas
de manière satisfaisante ; comme le droit du prisonnier à être informé au sein de
l’établissement pénitentiaire, le droit à la santé et l’hygiène, etc.

13
Parallèlement à tout cela, les fonctionnaires dans les prisons sont tenus de
respecter la dignité humaine des prisonniers. Ce qui n’est pas toujours le cas, et
engendre une crise au sein des prisons et un manque de confiance des détenus
envers le personnel.
En plus de tout ce que nous avons avancé précédemment, les
établissements pénitentiaires font face à plusieurs problèmes financiers liés à une
faiblesse et une insuffisance des budgets alloués à l’alimentation, entravant ainsi
les programmes de rééducation et de réinsertion.
D’autres raisons, plus structurelles, peuvent être citées et sont liées à des
obstacles sociétaux qui découlent de l’intervention de plusieurs organismes qui
veillent à promouvoir les prestations et évaluer l’action de travail de ces
établissements. Ces entités sont tenues de signer des conventions de coopération
dans les domaines de formation professionnelle, d’emploi, d’éducation,
d’enseignement supérieur et d’agriculture.
C’est ainsi que la Fondation de Mohammed VI pour la réinsertion des
détenus, a signé un partenariat avec la Confédération générale des entreprises au
Maroc pour sensibiliser les entreprises et faciliter l’insertion des anciens
prisonniers dans le cadre du travail et l’insertion dans le tissu économique et
social.
La multiplicité de ces organes de contrôle et la faiblesse des mesures de
protection peuvent ainsi créer la confusion entre les organes administratifs et
judiciaires. Notamment les organes officiels du processus du contrôle ;
L’Observatoire Marocaine des prisons, l’association Marocaine des droits de
l’homme ; L’association Adala, etc.
Chapitre 2. Les défis liés à l’aspect social
Il existe des barrières internes et externes au processus de réinsertion
sociale et la nature des obstacles varie entre les individus. Les études antérieures
ont soulevé des difficultés dans les sphères économiques (section 1) et sociales
(section 2).
Section 1. Les contraintes à la réhabilitation liées à volonté du
délinquant
Pour se réinsérer, les ex-détenus doivent parfois modifier leur attitude à
l’égard de la vie conventionnelle et de certains comportements à risque. Par
exemple, pour les individus aux prises avec une problématique de toxicomanie, la
réinsertion sociale passera inévitablement par la régulation des habitudes de
consommation. Cependant, des études relèvent que les contrevenants ne sont pas

14
suffisamment informés par rapport aux services disponibles et que l’accès à des
programmes ou à des services communautaires est parfois.
Les processus de réinsertion sociale et de désistement du crime ont des
croisements conceptuels, dont une finalité commune ; le succès du processus de
réinsertion sociale se mesure entre autres par la cessation des comportements
délinquants. En ce sens, il est utile d’avoir recours à des notions et à des théories
du désistement pour examiner les défis rencontrés lors de la réinsertion sociale.
Selon la théorie de l’étiquetage de la réhabilitation, une personne judiciarisée se
réhabilite par un processus de négociation de l’identité dans les interactions
interpersonnelles.
L’individu doit changer afin de se conformer aux normes de la société, mais
la société doit également accepter sa réintégration pour qu’il y ait réhabilitation.
La conception de soi étant fonction de l’image reflétée par autrui, le processus de
désistement ou de réinsertion sociale implique un étiquetage prosocial.
En continuité avec ces notions d’interactionnisme symbolique, Giordano,
Cernkovich et Rudolph, sont d’avis que le désistement criminel est rendu possible
par une relation réciproque entre l’individu et son environnement. Dans leur
formulation d’une théorie de la transformation cognitive, ils proposent que le
désistement implique une ouverture au changement, une exposition à des grappins
à changement, le développement d’une nouvelle identité et l’abandon du mode de
vie associé à la délinquance. Les grappins à changement sont alors des
opportunités dans l’environnement qui agissent à titre de catalyseur pour le
changement identitaire.
Ces théories révèlent plusieurs composantes nécessaires à la réussite du
processus de désistement et de réinsertion sociale. Elles offrent alors un cadre
théorique intéressant permettant d’observer la manière dont les obstacles
rencontrés par les ex-détenus dans leur réinsertion sociale peuvent les freiner dans
leur processus de désistement criminel.
Section 2. Les contraintes liées à la volonté sociétale
Visher, LaVigne et Travis ont montré qu’une majorité d’ex-détenus ont des
dettes importantes des mois après leur libération. Plusieurs individus étaient dans
des situations économiques difficiles avant leur contact avec la justice et la
judiciarisation a réduit leur accès aux services sociaux, à du financement, à des
assurances ou à une marge de crédit. La précarité financière lors de la réinsertion

15
sociale peut engendrer des difficultés comme l’incapacité à subvenir aux besoins
de base11.
Parallèlement, la recherche d’emploi est un élément majeur d’une
démarche de réinsertion sociale. La population judiciarisée est connue pour des
déficits importants en matière de compétences, de qualifications, d’expériences
professionnelles ou de motivation. Des problématiques de santé physique ou
mentale et l’instabilité résidentielle constituent également des obstacles. En plus
de ces limites sur le plan individuel, la recherche d’emploi est complexifiée par
une forte discrimination des employeurs à l’égard des personnes judiciarisées. Le
casier judiciaire stigmatise les condamnés, constituant une importante barrière à
la réinsertion sociale. De même, le casier judiciaire réduit les possibilités d’accès
à un appartement, un programme d’études et des relations sociales durables12.
L’établissement d’un réseau de soutien social pour les personnes
judiciarisées est une difficulté bien documentée. La situation est d’autant plus
problématique lorsque le milieu naturel valorise la délinquance ou que le réseau
social est composé de pairs criminalisés. Pour les individus ayant initialement un
réseau plus sain, le maintien des relations prosociales avec la famille, la conjointe
ou les enfants est sévèrement affecté par une incarcération. La coupure, les
conflits ou l’éloignement figurent parmi les éléments qui minent les relations
préexistantes. Le développement de nouveaux liens sociaux avec les membres de
la communauté peut être difficile. Par exemple, le dévoilement des antécédents
judiciaires pose un frein aux individus dans les démarches de rencontres intimes
laissent entendre que tant la stigmatisation que le stigma anticipé nuisent à la
réintégration communautaire.

11
Jean-Manuel Larralde, Les droits des personnes incarcérées : entre punition et réhabilitation, Open
Edition Jornals, 2003, p. 39
12
Ibid, p. 39
16
Bibliographie
- Anette SOUSA-COSTA, Entre droit et morale : la finalité de la peine,
Université Paris Ouest Nanterre la Défens, 2007
- Alfonso Serrano MAILLO, Défense Sociale Nouvelle et modernité
réflexive, Médicine & Hygiène, France, 2010
- Michel FOUCAULT, Nouveau millénaire, Défis libertaires, La prison
vue par un philosophe français, entretien avec F. SCIANNA
- Vicent SIZAIRE, Que reste-il de la défense sociale nouvelle ?, Revue
de sciences criminelle et droit pénal comparé
- Jean-Manuel Larralde, Les droits des personnes incarcérées : entre
punition et réhabilitation, Open Edition Jornals, 2003

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Table des matières
INTRODUCTION ..................................................................................................... 2
PARTIE I. L’INSUFFISANCE DE LA FONCTION CLASSIQUE DU DROIT PENAL ............... 4
CHAPITRE 1. LES LIMITES DE LA FONCTION CLASSIQUE ............................................................. 4
Section 1. La récidive : réalité incontournable ...................................................... 4
Section 2. La surpopulation carcérale : une cause réelle ...................................... 6
CHAPITRE 2. LES FINALITES DE LA FONCTION MODERNE ........................................................... 7
Section 1. La réinsertion socioprofessionnelle des détenus .................................. 7
Section 2. Les peines alternatives : Une perspective révolutionnaire ................. 10
PARTIE II. LES DEFIS PRATIQUE DE LA FONCTION MODERNE .................................. 11
CHAPITRE 1. LES CONTRAINTES LIEES A L’ASPECT SYSTEMIQUE ................................................ 11
Section 1. La politique pénale et la crise du milieu carcéral................................ 12
Section 2. Les contraintes du traitement pénitentiaire ....................................... 13
CHAPITRE 2. LES DEFIS LIES A L’ASPECT SOCIAL .................................................................... 14
Section 1. Les contraintes à la réhabilitation liées à volonté du délinquant ....... 14
Section 2. Les contraintes liées à la volonté sociétale ......................................... 15
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................... 17

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