Vous êtes sur la page 1sur 35

Par BIBEHE André Alexis, ( Titulaire d’un Master en droit pénal et sciences

Criminelles, Université de Yaoundé II –Soa

Thème ; La sanction pénale en droit Camerounais entre rétribution et resocialisation.

PLAN

Pb : Quelles sont les fonctions de la sanction pénale en droit Camerounais ?

I- LA sanction pénale fondamentalement rétributive

A- Le Renforcement de la sanction pénale encourue


B- Le durcissement de la sanction pénale prononcé par le juge

II- La sanction pénale partiellement resocialisante

A- La Resocialisation dans le choix de la sanction pénale


B- La subsidiarité de la resocialisation dans l’exécution de la sanction pénale

Résumer
La sanction pénale semble être le parent pauvre de la doctrine pénale camerounaise.
Ceci est d’autant plus vrai que les rares travaux en la matière s’estompent au fur et à mesure
que le concept cède le pas au contexte. Dans sa fonction rétributive, la sanction pénale invite à
la conciliation d’impératifs : l’impératif de protection des droits liés à la personne humaine et
la nécessité de sauvegarder le tissu social contre le phénomène criminel.. Or on assiste à une
surenchère de la fonction rétributive de la peine, faisant craindre au retour du Talion. De
l’autre côté de ce pôle extrême, on note que le droit pénal camerounais a pris en compte
l’importance et la nécessité de s’imprégner de la politique pénale résocialisante et
humanisante pour le délinquant. Mais l’univers carcéral camerounais et les textes y relatifs
restent en deçà des attentes pour une resocialisation aboutie. Dès lors, il apparait clairement
que faute de politique d’ensemble et de suivi en milieu carcéral ; toute politique en matière de
resocialisation des délinquants, ne sera destinée qu’à être des gesticulations sans lendemain.
L’étude invite donc à penser non plus de peines alternatives mais de véritables alternatives à
la peine

.
INTRODUCTION
Remonter aux origines de l’humanité c’est en réalité rechercher les origines de la sanction
qu’elles soient mystiques, tribales ou bien étatiques, aux origines philosophico- religieuses de
l’humanité. La pénitence fait partie des fondements de l’âme humaine 1. Pour le christianisme,
la toute première référence à la sanction n’est- elle pas cette damnation éternelle du jardin
d’éden pour avoir transgressé un commandement divin ? L’ordre suprême étant violé, le
châtiment devient exclusion du paradis2. De même, pour punir les Hommes de leur irrésistible
penchant pour le mal et la violence, Dieu décida de la punition suprême en déchainant le
déluge pendant quarante jours, et quarante nuits, n’épargnant que Noé et sa famille, les seuls
à lui être fidèles3. Cette conception conflictualiste des rapports sociaux appréhendée comme
paradigme de la construction des Etats Européens4 ne sied pas avec la réalité de la tradition
africaine et d’après un auteur, « la société africaine n’avait pas pour but de rendre les
Hommes malheureux, mais de créer une situation d’équilibre et d’équité entre les Hommes»5.

En effet, Dans le contexte Camerounais, la justice coutumière recherchait


principalement la réparation des sentiments de haine et de vengeance que pouvait faire naitre
entre deux familles la commission d’une infraction ; et cette solution compensatoire
permettait de réconcilier les familles antagonistes6 .C’est dire que la mise en place d’un
système répressif axé principalement sur le châtiment du coupable et accessoirement sur
l’indemnisation de la victime est ainsi un héritage colonial conservé par le législateur
national. Celui-ci a ainsi fait sienne de cette philosophie pénale coloniale classique rationaliste
et utilitaire issue de BENTHAM et de BECCARIA 7 qui avait cours en métropole. Selon
cette philosophie, comprise au fil de temps comme base nécessaire et suffisante à l’exercice
du contrôle social, l’Homme dispose du libre arbitre à la croisée des chemins menant vers le
bien et le mal. S’il a choisi librement celui du mal en fonction des plaisirs et avantages
comparés de son acte et de ses conséquences, l’acte criminel lui étant rattachable, la peine est
en effet nécessaire : on dit alors d’elle qu’elle est rétributive c’est-à-dire attribuée en retour

1
BAUCHOT (B) La sanction pénale nationale en droit international, Thèse de Doctorat en Droit, Université de
Lille II, 2007 P 5 s ? http://tel.archives-ouvertes.fr (consulté le 13/08/2017)
2
Ancien Testament .Genèse chapitre II verset III
3
Ancien Testament .Genèse chapitre VI, verset V
4
Nous faisons allusion au fameux pacte social ou les hommes décidèrent de donner leur force à un homme
appelé l’Etat détenteur du monopole de la force légitime. Pour ces différentes questions, voir HOBBES(T), Le
Léviathan .Lire aussi ROUSSEAU, Le contrat social
5
Propos recueillis lors du séminaire fait par le sage MBOCK-BASSON sur le Thème .La « Théorie Générale de
la connaissance en Afrique ». Université de Yaoundé II-Soa , 9 Mars 2017 .
6
Sur l’analyse de l’approche coutumière de la pénalité voir. BRILLONS(Y), Ethnologie de l’Afrique Noire .Ed
VRIN, 1980 P 14
7
BECCARIA(C) .Traité des délits et des peines, paris, Cujas, 1981 P 146
de la commission d’une infraction par ailleurs proportionnée à la faute. Cette conception
rétributive de la sanction pénale est unanimement critiquée aujourd’hui 8. Ces critiques sont
de deux ordres: les unes générales parce que liées aux modifications qui affectent le droit de
la sanction pénale, et les autres spécifiques parce que liées au particularisme de la législation
camerounaise.

S’agissant des premières, on assiste à la remise en cause des principes directeurs de la


sanction pénale à l’image du postulat du libre arbitre. Pour ce principe particulièrement, il
n’est pas repoussé complètement, mais va servir non pas de point de départ à la
condamnation, mais de point d’arrivée. Le traitement pénal devant redonner au condamné le
sens de la liberté et donc de la responsabilité. Il s’agit ici d’un traitement pénal qui va
permettre au délinquant de retrouver les valeurs morales perdues. Le traitement pénitentiaire
va développer chez le délinquant la notion d’un devoir de l’Homme envers ses semblables
Pour les secondes, il convient de remarquer que la théorie de la sanction pénale telle
qu’émise par les doctrines précitées a fait l’objet d’une grande confusion de la part du
législateur postcolonial. Ce dernier en effet a hérité et conservé un système répressif
particulièrement marqué par une préférence « l’emprisonnement du coupable », mieux l’on
constate que la prison a acquis une place centrale et symbolique dans la pénologie au point
de faire dire à certains qu’ « elle a colonisé la pénalité »9.

En effet, il suffit de lire le code pénal de 1967 pire encore celui de 2016 pour réaliser que
rares sont les infractions criminelles ou correctionnelles non assorties d’une peine privative de
liberté. Aujourd’hui comme hier la confusion demeure et les effets sont déplorables ; ce qui
ne pourrait laisser indifférent le chercheur. Car punir ne signifie pas toujours emprisonner ; le
dire reviendrait à ignorer la théorie de la pénologie 10. De plus sous l’angle contemporain on
assiste à une dérive de la fonction rétibutive de la sanction pénale au nom de la lutte contre
boko haram11 où l’idée de juste peine et de peine raisonnable semble de plus en plus vacillée
vers la déraison avec comme conséquence la violation des Droits de l’Homme. La fonction

8
Notamment par les partisans de la défense sociale fondée par le belge GRAMMATICA dont les idées sont
exposées dans les ouvrages publiés en 1954 par MARC ANCEL .Sous le titre. La défense sociale nouvelle. Paris,
Cujas, 1982
9
MBOCK (J.O) .La prison camerounaise : Etude critique de la reforme pénitentiaire de 1973 et son
application. Thèse de Doctorat 3e cycle en droit privé .Université de Yaoundé 1989 P 10
10
PRADEL (J) Droit pénal comparé. Paris, Dalloz, 1995 P 567 .lire aussi .PRADEL(J) Droit pénal
Général .Principes de Droit criminel. Paris, Cujas, 1982 P 185. Lire GASTON (S), LEVASSEUR(G),
BOULOC(B) .Droit pénal Général. 14éme édition, Paris, Dalloz, P 333 et S. Aussi CONTE(P), MAISTRE DU
CHAMBON(P), Droit pénal Général. 6éme édition, paris, Armand Collins, 2002 P 240 et S
11
Lire BIKIE (F- R), « la politique pénale Camerounaise à l’aune du paradigme de l’ennemi », RASJ, Yaoundé,
n°2, 2017 p123, Voir aussi METOU (B- M), « le statut juridique des personnes détenues dans le cadre de la lutte
contre bokoharam ». RASJ, n°S, 2015, Yaoundé P 121. Dans le même sens CHIMI MEBU (J- C) « les auspices
de la loi n°2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme » RASJ, n°3, l’harmattan,
2016 P 9
morale (justice) renvoie à l’idée de rétribution. Par le moyen de la peine, le délinquant paie sa
dette à la société comme le débiteur paie la sienne au créancier.

La question de la définition de la sanction pénale est étroitement liée aux mutations


qui l’affectent. Car il n’existe pas en matière pénale de définition spécifique de la sanction12 ;
il faut se contenter d’une définition fonctionnelle identifiant la sanction pénale comme celle
« infligée au terme d’une procédure répressive à l’auteur d’une infraction et prononcée au
nom de la société en réponse au trouble à l’ordre social généré par l’infraction »13

Malgré l’absence de définition précise, la sanction pénale fut durant une longue partie
de l’époque contemporaine clairement identifiée, tant dans son contenu que dans sa finalité.
Elle s’incarnait essentiellement à travers la privation de liberté et l’amende ; sa finalité était la
rétribution. Cependant, au cours des dernières décennies, elle a connu de profondes mutations.
A sa finalité classique s’est ajoutée la resocialisation.

D’après le vocabulaire juridique de Cornu, le mot sanction revêt plusieurs sens. Au


sens restreint la sanction désigne « la punition infligée par une autorité à l’auteur d’une
infraction »14 , elle est aussi « une mesure répressive destinée à punir »15 .Au sens large la
sanction est toute mesure réparatrice, justifiée par la violation d’une obligation 16.De cette
définition il ressort clairement que la sanction est une « punition » et une « mesure » infligée
par une autorité et traduisant la réaction de désapprobation de la société : on dit qu’elle est
rétributive , mais la sanction est également une mesure réparatrice : on dit qu’elle est
resocialisatrice . C’est dans ce sens que le terme sera retenu ici.La resocialisation, c’est
l’action de resocialiser, c’est-à-dire de réinsérer dans la vie sociale 17 renvoyant au processus
au cours duquel un individu apprend à intérioriser les normes et valeurs de la société à
laquelle il appartient. La resocialisation renvoie également à la réintégration, au reclassement,
à la réhabilitation et même à la réadaptation qui vient du verbe adapter de nouveau. La
réinsertion suppose qu’il y ‘a d’abord eu insertion, puis desinsertion et enfin réinsertion. Un
sujet est réputé inséré tant qu’il ne commet pas d’infraction pénale, il est dit désinséré
12
JACQUES(P) «. La sanction pénale et la sanction Administrative –Définitions, contenu et finalités :
convergences et spécificités. » In la sanction ; regards croisés du conseil d’Etat et de la cour de cassation, Acte
de colloque, 13 décembre 2013
13
JACQUES(P), ibid.
14
CORNU(G), Vocabulaire juridique, Paris, Dalloz, coll. « Quadrige », 8ème éd., 2007, p. 933
15
CORNU(G), ibid.
16
CORNU(G), ibid.
17
DICTIONNAIRE HACHETTE, éd, 2011
lorsqu’il a perpétré un acte délictueux, il est enfin réinséré du moment qu’il s’installe dans un
état de non récidive.Il se pose donc la question de la connaissance de la fonction exacte de la
sanction pénale au Cameroun dés lors qu’il est admis que le droit camerounais prend en
compte les finalités rétributive et resocialisatrice .Pour le dire simplement, Quelle sont les
fonctions de la sanction pénale en droit Camerounais ?Un regard attentif sur les textes pénaux
en vigueurs au Cameroun permettre de nous rendre compte d’une réalité majeur, que la
sanction pénale en droit camerounais est fondamentalement rétributive (I) et partiellement
résocilisante (II)

I- La sanction pénale fondamentalement rétributive

Dire de la sanction pénale qu’elle est fondamentalement rétributive, c’est aussi donner
un contenu au terme fondamental. Fondamental renvoie à ce qui est essentiel 18. En effet on
dit d’une notion en l’occurrence la sanction pénale qu’elle est fondamentale quand elle est la
base sur laquelle repose presque toute une politique criminelle. Dans ce contexte comment la
sanction rétributive a fini par s’affirmer en droit pénal camerounais comme fondamentale ?
Pour répondre disons simplement que c’est à travers le renforcement de la sanction pénale
rétributive encourue (A) et le durcissement de la sanction pénale prononcée par le juge (B).

A- Le renforcement de la sanction pénale encourue

, Le but premier de la rétribution est toujours resté inhérent à la notion même de la


peine19. La peine est nécessaire en tant que juste sanction de la faute commise, et c’est pour
cette raison seulement que cette idée n’a jamais été absente de la pénalité moderne. C’est ce
qui résulte du fait que le dément, et le jeune enfant y ont toujours échappé 20. C’est ce qu’on
appelle en droit pénal l’élément moral de l’infraction. En exigeant un élément moral pour la
constitution d’une infraction, le code pénal camerounais 21 a clairement démontré qu’il ne
concédait pas par principe de peine sans faute22. Les rédacteurs du nouveau code pénal ont
démontré leur attachement au caractère rétributif de la sanction car fondant le droit pénal
camerounais sur la responsabilité du fait personnel. Tout en adaptant cette vieille conception
18
LE PETIT LAROUSSE, 2015
19
STEFANI(G) LEVASSEUR (G) BOULOC (B), Droit pénal général 15ème édition, paris, Dalloz, 1995, P 360
20
Article 74 CP «aucune peine ne peut être prononcée qu’à l’encontre d’une personne pénalement responsable ».
21
Nous faisons ici allusion au code pénal de 2016 .voir journal officiel de la République du Cameroun 12juillet
2016
22
Cette considération doit être nuancée comme nous allons le voir plus tard à travers l’admission en droit
camerounais de la sanction pénale du fait d’autrui.
aujourd’hui presque tombée en désuétude, à l’émergence des paradigmes nouveaux23,
aboutissant à la responsabilité du fait d’autrui. Ainsi donc le renforcement de la sanction
pénale encourue tiens lieu d’une part du maintient par le code pénale de 2016 vigueur au
Cameroun de la peine de mort (1) et d’une transformation contemporaine du régime de la
peine aboutissant à l’érection d’une responsabilité pénale du fait d’autrui (2)

1- Le maintien de la peine de Mort

Le débats sur la peine de mort en droit camerounais est inhérente à son histoire en droit
Camerounais et à l’opportunité de son maintient dans la législation pénale de 2016.
a- Brève incursion sur la législation de la Mort

Sans toutefois rentrer dans l’histoire du droit au Cameroun, la peine de mort à été héritée
du système français encore applicable au Cameroun. De ce fait, elle connait des modalités
particulières d’application et dispose d’un domaine défini.
Cette peine marque la fidélité du législateur camerounais aux idéaux rétributifs de la
sanction pénale tirés de la philosophie classique et des courants moralistes. Au Cameroun
contrairement aux autres pays d’Afrique noire francophone qui continuent à la maintenir
comme ultime châtiment24, le code pénal camerounais procède d’une manière particulière
lorsqu’il s’agit de l’exécution d’un condamné. Ainsi le condamné à mort sera exécuté par
fusillade ou par pendaison25. Le caractère public de l’exécution fait la particularité de la
législation camerounaise. Ce choix s’explique par l’hypothèse de la dissuasion que pourrait
faire peser la publicité de la peine de mort sur des criminels potentiels. Or, l’histoire du droit
africain en général26 et du droit camerounais en particulier27 enseigne que, dans les traditions
africaines « la peine de mort n’était qu’une mesure employée in extremis pour sanctionner
des crimes qui, par l’horreur de leur nature, par le sadisme de leur exécution, par la lâcheté,
la bassesse ainsi que par leurs motifs soulevaient la colère et le blâme unanime du groupe »28.

23

24
Sans toutefois être exhaustif on peut citer l’article 6 du code pénal du Burundi, l’article 8 du code pénal du
Mali, article 15 du code pénal du Sénégal, article 28 du code pénal du Rwanda (à préciser que ces articles fixent
les modalités d’exécution de la peine de mort).
25
Article 23 CP
26
Lire Brillons (Y) Ethno criminologie de l’Afrique noire , paris ,V,VRIN ,1980
27
Lire MVOGO (D-C) La politique criminelle au Cameroun, Thèse de doctorat en histoire du droit, paris I-
PANTHEON –SORBONNE, 1981-1982
28
Brillons .ibid. p 125 et S
Malgré ces différentes considérations d’ordre historique et anthropologique, la peine de
mort a un domaine bien précis dans le code pénal Camerounais et dans certaines législations
particulières29. D’une façon générale, sont passibles de la peine de mort les atteintes les plus
graves à la sécurité de l’Etat 30, l’assassinat31, l’empoisonnement32. Spécifiquement on pourrait
aussi évoquer la peine de mort encourue par les auteurs d’actes de terrorisme. Mais la
question qu’il convient de se poser est celle de savoir si la peine de mort trouve encore sa
place au 21ème siècle.

b- L’utilité de la peine de mort

L’utilité de la peine de mort reste sujette à caution. En effet la criminologie contemporaine


enseigne les traits spécifiques de la personnalité criminelle ; elle démontre que, chez tous les
grands délinquants l’absence de toute inhibition face à la sanction pénale, « même après avoir
été puni le solde du crime reste positif »33. En outre la peine de mort il faut le souligner,
présente au regard de l’opportunité sociale un grave inconvénient dont la conséquence est
irréversible. En effet, elle rend les erreurs judiciaires irréparables et à cause de son caractère
immoral, elle est à proscrire. En somme au Cameroun, la peine de mort toujours encourue
mais rarement exécutée, devrait normalement quitter du principe vers des textes particuliers.
C’est du moins l’espérance qui nourrissait les attentes de la réforme du code pénal de
2016. Mais contre toute attente et à l’heure où les droits de l’homme s’affirment « comme
épée ou bouclier du droit pénal »34, on assiste à son maintien dans la législation
camerounaise ; ce qui traduit le caractère rétributif du droit pénal camerounais .Que dire de la
privation de la liberté ?Le renforcement de la sanction pénale dans une perspective rétributive
ne tients pas seulement de ce que l’on pourrait utilement qualifier de renforcement négatif
c’est-a-dire d’un renforcement par maintient, mais aussi d’un acte positif c’est-a-dire d’un
renforcement par ajout.

29
Nous faisons ici allusion à la loi n°2014/028 du 28 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme
au Cameroun
30
Article 102-103 du CP
31
Article 276 CP
32
Article
33
CUSSON (M) «l’effet intimidant des sanctions à la lumière des recherches récentes sur le calcul coûts-
bénéfices des délinquants » in Mélanges offerts à JEAN PRADEL, paris, Cujas, 2006, P 747
34
CARTUYVELS(Y), DUMON (H), OST (F) VANDEKERCHOVE et VANDROOGHENBROECK .Les
doits de l’homme, bouclier ou épée du droit pénal, Bruxelles, 2007. Dans le même sens MINKOA SHE (A)
Droit de l’homme et droit pénal au Cameroun, paris, Economica, 1999
2- La sanction applicable à la personne morale

Longtemps sollicitée, la responsabilité pénale des personnes morales à fini par s’affirmer en
droit Camerounais comme un principe général35, à travers la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016
portant code pénal camerounais dans un Article 74-1. Sans toutefois entrer dans le débat sur
l’opportunité de sa prise en compte 36, il faut dire que la responsabilité pénale des personnes
morales s’affirme en droit camerounais par nécessité et constitue une innovation majeure de la
législation pénale de 2016. D’où il importe de connaitre comment on sanctionne en droit
camerounais la personne morale. Pour tout dire, Aborder la question de la sanction applicable
à la personne morale reviens à passé en revue sa nomenclature et son régime juridique.

a- Les peines principales applicables à la personne morale

Il faut faire une distinction entre la dissolution, la fermeture de l’établissement, et


l’amende.

- La dissolution

La dissolution est la peine capitale, c’est-à-dire la peine la plus élevée susceptible


d’être prononcée contre une personne morale. « C’est la peine capitale des personnes

35
Sur la sollicitation lire, NTONO TSIMI (G) « le Devenir de la responsabilité pénale des personnes morales en
droit camerounais. Des dispositions spéciales vers un énoncé général. »Archives de politique criminelle, 2011-1,
n°33, P221-244.
36
Sur cette question spécifique de son opportunité en droit pénal , deux thèses s’opposent ; d’un coté les tenants
de la doctrine traditionnelle de l’irresponsabilité pénale des personnes morales. Pour eux, en se plaçant sur le
terrain de l’imputabilité ils ont soutenu qu’il était juridiquement impossible d’imputer une faute à la personne
morale , l’intelligence et la volonté bases fondamentales de la responsabilité restant le propre de l’homme.ils
estimaient dans un second temps , que l’admission de cette responsabilité constituerait un « détournement d’une
technique à finalité répressive ,au profit d’un système de versement pécuniaire soit à titre rétributif au profit du
trésor, soit à titre indemnitaire au profit de la victime ». Ces arguments bien que pertinents n’ont pas résisté au
évolution de la criminalité. Aussi la doctrine moderne fait observer que les personnes morales ne sont plus des
êtres fictifs, mais qu’elles constituent une réalité juridique, qu’elles ont une volonté collective propre .Un autre
argument lié d’une part au développement de la pénologie et d’autre part au détachement de la faute ou de la
culpabilité en droit pénal, avait un sens plus pragmatique. En effet selon ses défenseurs, ce qui pousse à la
poursuite d’une personne morale devant les juridictions répressives, c’est avant tout leur dangerosité et la
menace qu’elles représentent objectivement pour l’intérêt général.
morales »37. Elle est prévue à l’Article 25-2 du code pénal. .Elle est prononcée à l’encontre de
la personne morale qui agit en violation de son objet social. Ici il conviendra pour le juge de
rechercher si la personne morale qui a agit à été créée pour commettre les faits incriminés ; au
cas contraire, c’est l’existence même de la personne morale qui est criminelle. La dissolution
comportera dans cette hypothèse renvoi de la personne morale devant la juridiction
compétente pour procéder à sa liquidation à la diligence du Ministère public.
La dissolution permet également de frapper non seulement la structure, mais
également les personnes qui agissent pour le compte de la personne morale ; dans cette
hypothèse la responsabilité pénale des auteurs des faits incriminés, peut être cumulée avec
celle de la personne morale. À côté de la dissolution, la personne morale criminelle peut être
fermée.

- La fermeture d’établissement

Prévue à l’article 25-5 du code pénal, la fermeture d’établissement est une sanction
réelle, qui touche l’établissement et non son propriétaire38. L’établissement fermé pourrait être
vendu pour les intérêts d’éventuels créanciers de la personne morale. Cette fermeture peut être
temporaire ou définitive. Cette peine emporte interdiction pour la personne morale en cause,
d’exercer l’activité de son objet social pendant la durée de la fermeture, étant observé que
lorsqu’il s’agit de la fermeture temporaire, celle-ci ne peut excéder cinq (5) ans et le sursis ne
peut être prononcé.

- l’Amende

L’amende est une peine pécuniaire en vertu de laquelle la personne morale condamnée
verse ou fait verser au trésor public le montant fixé par la décision de condamnation. Elle rend
débitrice la personne morale d’une somme d’argent et appauvrit son patrimoine. Cette peine a
deux particularités.
- Pour les infractions données, le maximum de l’amende applicable à la personne
morale est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques.

37
NTONO TSIMI (G) .La responsabilité pénale des personnes morales en droit Camerounais : Esquisse d’une
théorie Générale. Mémoire de D.E.A, Université de Yaoundé II SOA ,2004/2005 P 90.
38
LE CANNU (P) « la dissolution, fermeture d’établissement et interdiction », rev sociétés, paris ,1993 P 341
- Lorsqu’une personne morale est coupable d’une infraction pour laquelle seule la peine
d’emprisonnement est prévue, l’amende encourue est d’un million (1000 000) à cinq
millions (5 000 000) de francs.
Mais il faut signaler comme pour le regretter, que l’efficacité de cette sanction soulève
quelques interrogations. D’abord, sur son recours systématique. Sur ce point, on peut
regretter sa stérilité qui ne satisfait guère l’intérêt général sauf à révéler son exemplarité 39.
Ensuite, le recouvrement de l’amende, si peut avoir un caractère illusoire par exemple
lorsque la personne morale est en redressement judiciaire ou même seulement en état de
cessation de paiements40 pour le montant seulement amende.

b- Les peines accessoires

A côté de la confiscation41 qui est une peine accessoire susceptible d’être appliquée à
la personne morale, on distingue les sanctions qui visent à nuire à la réputation du groupe
criminel , celles visant son patrimoine et celles visant ses activités .

- La publication du jugement de condamnation


C’est une mesure répressive dont l’objet est de nuire à la réputation des personnes
morales coupables d’infractions. Selon un auteur, elles sont spécifiquement rétributives
« elles paraissent adaptées aux sociétés commerciales, souvent soucieuses de leur image vis-
à-vis de leurs partenaires économiques et de leur clientèle »42. L’objectif d’une telle sanction
réside dans l’effet de stigmatisation sociale qui en est attendu.

Elle consiste comme l’a affirmé un auteur, à modifier l’agent criminel collectif par l’annonce
publique de son indignité et des pratiques illicites dont il use43.Selon les dispositions de l’Art
33 CPC, la décision du tribunal peut être affichée pour une durée de deux (2) mois maximum
en cas de crime ou délit et de quinze (15) jours maximum en cas de contravention. Dans le

39
DESPORTES(F) LE GUHENEC (F) Le droit pénal général. Paris, Economica, septembre 2005, P 815
40
Article 25 AUPC .cité par NTONO TSIMI (G) op. cit, P 86
41
Article 35 CPC « En cas de condamnation …. La juridiction compétente peut ordonner la confiscation de tous
biens meubles ou immeubles…lorsque ceux-ci ont servi d’instrument pour commettre l’infraction ou qu’ils en
sont le produit »

Lire NTONO TSIMI (G) « Le devenir de la responsabilité pénal des personnes morales en droit Camerounais.
42

Des dispositions spéciales vers un énonce Général »Archive de politique criminelle, 2011-1(n°33) ,2011 P 242
43
COFFEE « No soul to damn, no body to kick :an unscandalized inquiry into the problem of corporate
punishment »,79 Michigan law review,1981 P 424
même ordre d’idées, le Tribunal ou la Cour peut également ordonner la publication de la
décision dans les journaux qu’il indique, à la radio ou à la télévision. Ces publications sont
faites aux frais du condamné. L’information par presse, radio et télévision ainsi que les
commentaires objectifs, restent libres.

Le jugement doit être entendu au sens large, c’est-à-dire toute décision émanant d’une
juridiction répressive. D’ailleurs, la loi elle-même dispose « la Cour ou le Tribunal »
conformément à cet Art 33. La publication peut se faire soit par affichage, soit par diffusion.
Référence en est faite soit par voie de presse écrite ou journal officiel, soit par un service de
communication audiovisuelle. Pour de nombreuses personnes morales, cette sanction aura un
réel retentissement. Elle atteint l’image de marque, la réputation commerciale de la personne
morale. Elle peut guider le choix de la clientèle d’un groupe, détourner le public d’une
organisation.

C’est donc d’une véritable sanction qu’il s’agit ici. Nous le savons, le monde des affaires est
dominé par la libre concurrence ; la réputation est un critère fondamental pour les
investisseurs. Il s’agit d’assurer le respect de l’éthique dans les relations commerciales et
sociales44. La sévérité de ce type de sanction est avérée et traduit les idéaux rétributifs de la
sanction pénale. Il en est de même de la surveillance de l’être moral.

- Le placement sous surveillance judiciaire et l’interdiction d’activité.

Il s’agira pour le tribunal de désigner un administrateur judiciaire, en le dotant d’une mission


de surveillance. Il ne s’agit pas de confier l’administration de la personne morale à un
mandataire comme c’est le cas dans l’ouverture d’une procédure collective. La mesure porte
sur une atteinte sérieuse à la liberté de gestion de la personne morale, dans la dans la mesure
où le contrôleur n’agit ni dans l’intérêt des associés ou actionnaires, ni dans celui du
personnel, C’est donc d’une véritable fonction rétributive qu’il s’agit ici en réalité.

L’interdiction d’activité est prévue par le code pénal sous le vocable d’interdiction de la
profession. Selon l’Art 36, il s’agit d’une mesure de sûreté. L’interdiction ne concerne pas les
membres de la personne morale ; cette interdiction peut avoir des conséquences sur
l’exploitation d’un fonds de commerce, ou sur le bénéfice d’un bail commercial ou même sur
l’activité en général d’une société commerciale. C’est donc d’une véritable sanction dont il
s’agit ici.

44
FOURNIER ,Le droit pénal et le risque de l’instrumentalisation de l’éthique dans la vie des affaires
in ,Aspect organisationnels du droit des affaires, Mélange offert à PAILLUSSEAU , Paris , Dir , 2003 P 274
2-2 Le régime des peines applicables à la personne morale
La principale innovation de la réforme du code pénal de 2016 reste l’introduction de la
responsabilité pénale des personnes morales45. A travers l’article 74-1, si celle-ci était au
départ limitée à certains délits, le législateur a élargi puis généralisé cette responsabilité à
l’ensemble des infractions. L’extension de son champ d’application a eu pour conséquence de
mettre le risque pénal au cœur de l’activité économique46.

Lors de cette réforme, il ne semble pas que la question du fondement de la responsabilité


morale ait été tranchée en particulier. La question de la nature de la responsabilité,
responsabilité par représentation (subjective) ou responsabilité autonome (objective) est restée
en suspens, ce qui explique la vigueur des débats actuels autour de cette question. Au delà des
débats la doctrine est partagée entre la thèse subjective (a) et objective (b).

a- La personnalisation subjective

Les rédacteurs de l’Article 74-1, plaident en faveur du modèle de responsabilité par


représentation puisqu’il dispose que « les personnes morales sont responsables pénalement
des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». Dès lors,
pour engager la responsabilité d’une personne morale et par ricochet en subir la sanction
pénale il faut que soient réunies cumulativement les trois conditions suivantes :

- Il faut qu’une infraction soit commise ;

- par une personne ou représentant de la personne morale ;

- agissant pour son compte.

Dans cette condition subjective, lorsque l’infraction est commise par une personne, qu’elle
soit dirigeante ou non, l’on considère qu’elle est commise par la personne morale elle-même
et donc par conséquent en subit la sanction. En tout état de cause seule l’identification d’une
personne physique agissant pour le compte de la personne morale collective permet

C’est ce qui ressort du COMMUNIQUE rendue publique par le Ministre de la justice, Garde Des sceaux.
45

LAURENT ESSO., du 12 juillet 2016 p 4 s


46
BOERINGER(C-H), MILLERANC (A) « la responsabilité pénale des personnes morales. Une casuistique
diverse au sein d’une jurisprudence cohérente », revue mensuelle de droit, Mars, 2014, P 7 s
d’atteindre l’imputation matérielle et l’imputation morale à la personne morale 47 . Mais ; la
dangerosité de l’être collectif impose de revoir son mode d’individualisation.

b- La pertinence d’une répression objective de la personne morale

Par répression objective, on entend le fait de sanctionner la personne morale sans


toutefois rechercher si le fait incriminé a été commis par l’organe ou le représentant de la
personne morale. Autrement dit lorsqu’un acte matériel raisonnablement imputable et
rattachable à la personne morale peut lui être reproché, sans toutefois chercher si le fait
incriminé a été commis par un organe ou représentant. Quittant ainsi d’une lecture stricte de
l’Article 74-1 à une lecture plus souple et appropriée. Un regard attentif sur la jurisprudence
française enseigne le bien-fondé d’une telle lecture48.
Dans une espèce, rendue le 20 juin 2006. Les juges ont affirmé que « la demanderesse ne
saurait se faire un grief de ce que les juges du fond l’aient déclarée coupable du délit
d’homicide involontaire sans préciser l’identité de l’auteur des manquements constitutifs du
délit, dès lors que cette infraction n’a pu être commise, pour le compte de la société que par
ses organes ou représentants »49. A la suite de cet arrêt certains ont considéré que la condition
de l’article 121-2 du code pénal50 était dépassée et qu’il existait désormais une présomption
d’implication des organes et des représentants dans le fait délictueux, leur identification
n’étant plus nécessaire.

Plus récemment la cour de cassation a refusé de retenir la nullité d’une citation directe
délivrée à une personne morale au motif que « l’obligation de dénoncer le fait poursuivi
n’impose pas d’identifier dans la citation, l’organe ou le représentant ayant commis
l’infraction »51. Dans l’arrêt du 18 juin 2013, il était reproché à une association sportive, ayant
organisé une compétition de ski, de ne pas avoir protégé les participants en neutralisant le
danger que représentaient les arbres jalonnant la piste et ayant conduit à la mort d’un des
compétiteurs sans toutefois chercher l’organe ou le représentant qui était la cause de cette

47
Lire SORDINO (M-C) « la responsabilité pénale des personnes morales, à propos de l’identification du
substratum humain » JCP, n°13, 2009 ,1308
48
Lire dans ce sens BOERINGER (C-H), MILLERAN(A) « la responsabilité pénale des personnes morales : une
casuistique diverse au sein d’une jurisprudence cohérente » op.cit
49
Cass. crim,20 juin,n°05-85,255,jurisData, n°2006-034397,Dr Pen.2006 ,com.,128 obs., M, Veron, JCP ,2006
50
Equivalent Article l’Article 74-1 du code pénal Camerounais
51
Cass. Crim, 5 juin 2012 n°11-86 .609 jurisData, n°2012 ,014958.
négligence la personne morale à été condamné. De telles solutions et de telles lectures sont
souhaitables devant les Cours camerounaises au moins pour deux raisons.
Premièrement, une telle approche permettrait d’éviter des difficultés pratiques
puisqu’il s’avère souvent difficile de démontrer l’implication personnelle d’organes ou de
représentants de la société dans les faits poursuivis. Elle conduirait en outre à orienter plus
systématiquement la rétribution pénale vers la personne morale plutôt que vers les dirigeants,
dès lors que l’enquête n’aurait plus besoin de s’intéresser à leur implication personnelle.

Deuxièmement, une telle lecture est souhaitable, tant on connaît la force de nuisance de la
personne morale. En effet la dangerosité52 des êtres collectifs s’avère plus dévastatrice que
celle des personnes physiques et d’après un auteur, « la délinquance à plusieurs est
particulièrement dangereuse. Nombreux en effet sont les projets criminels qui ont réussi
uniquement à cause de la coopération de plusieurs personnes »53. Compte tenu de leur
capacité de nuisance, la règle de l’impunité devrait normalement leur être applicable.
En clair on assiste à un renforcement constant de la sanction pénale encourue en droit
camerounais et cela ne peut renforcer l’idée selon laquelle la sanction pénale en droit
camerounais est fondamentale rétributive. Une telle analyse se renforce d’avantage lorsqu’on
jette un regard sur l’application des règles de droit pénale par le juge Camerounais.

B- Le durcissement de la sanction pénale prononcée par le juge


.
Les mécanismes du durcissement du droit pénal renvoie aux hypothèses observées en
droit pénal qui nous permettent d’affirmer que le droit pénal camerounais subit un glissement
constant vers la rétribution. En effet face au nombreux défis sécuritaires que connait le
Cameroun et avec la ²montée tant qualitative que quantitative du phénomène criminel, le droit
de la sanction pénale a du s’adapter dans sa quête de « plus de sécurité ». C’est la fonction

52
ALEX(J) « Chapitre premier. Une liaison dangereuse .Dangerosité et droit pénal en France » in Géneviève
Giudicelli-Delage et al, la dangerosité saisie par le droit pénal, Presses universitaire de France, 2011, P 47-78
.Disponible sur le net .http//www.cairn-info la –dangerosité-saisie-par-le-droit- pénal—9782190574750-page-
47.htm (consulter le 31/12/2017).
53
ESIKA MAKOMBO ESO BINA, « Le code pénal zaïrois annoté Lubumbashi », 1977, n°222 P 251 cité par
LEVASSEUR (G) » la participation criminelle » in Encyclopédie juridique de l’Afrique, les nouvelles Editions
Africaines 1982 .P 59
rétributive de la sanction qui s’est vu transformée. Une transformation visible tant sur le plan
normatif lorsqu’elle sont visible elle produisent les effets
1- Le durcissement normatif : l’instrumentalisation du prononcé de la sanction par
le recours au droit pénal de l’ennemi.

Le mot instrumentalisation signifie, considérer quelque chose comme un


instrument54. C’est un objet fabriqué dans le but d’exécuter quelque chose 55.C’est dire que le
juge peut se servir du droit pénal applicable à l’ennemi pour prononcer la sanction pénale ou à
contrario c’est le droit pénal de l’ennemi qui peut se servir du juge.
Définir le droit pénal de l’ennemi revient à jeter un regard sur les caractéristiques qui
lui sont propres. Relève du droit pénal de l’ennemi une norme caractérisée par la sévérité de
sa peine, par le particularisme des règles du procès équitable et par la punissabilité anticipée 56.
C’est également ce droit qui admet un régime dérogatoire aux règles traditionnelles de droit
pénal. Cette légitimation réside dans la déshumanisation de l’individu qui cesserait d’être un
citoyen pour devenir un ennemi57. De cette définition, il en découle que le droit pénal de
l’ennemi est à la fois un paradigme et un phénomène58.
Dire que le droit pénal de l’ennemi influence la sanction pénale dans le sens de son
durcissement c’est aussi reconnaitre son influence normative sur les règles de procédure
pénale applicable au Cameroun. Partant de l’observation de ces règles on remarque une sorte
de dénaturation de l’organe de poursuite (a) et un certain renforcement des règles de
poursuites (b).

a-La militarisation du procès pénale


Le terme militarisation du procès pénal signifie la dévolution par la loi du monopole
de la connaissance du procès pénal en matière de terrorisme au seule juge militaire. Cette
dévolution est d’ordre légale car prévue par la loi de 2014 qui donne compétence au juge
militaire de connaitre outre des faits matériels sur le terrorisme commis sur le territoire de

54
Dictionnaire Robert, mobile, 2017
55
Dictionnaire Robert mobile, 2017
56
AUBERT « l’ennemi dans le livre IV du code pénal français. Approches comparées » revues électroniques de
l’AIDP, 2012 ,22 P.
57
GUNTER JAKOBS « Aux limites de l’orientation par le droit .le droit pénal de l’ennemi » RSC, Dalloz,
2009, P 7 s.
58
PAPA (M) « Droit pénal de l’ennemi et de l’inhumain : un débat international » RSC, Dalloz, 2009 P 3 s .
l’Etat du Cameroun59, et organisée par la loi de 2008 /015 du 29 décembre 2008 portant
organisation de la judiciaire militaire fixant les règles de procédures applicables devant les
tribunaux militaires modifiée et abrogée en 2017 par la loi n°2017/012 du 12 juillet 2017
Portant code de justice militaire.

- Les arguments défavorables à la compétence du tribunal militaire

les arguments défavorables à la compétence du tribunal militaire sont nombreuses.


Mais par soucis de synthétisation, on en recensera deux.

La première concerne le non-respect du droit à un procès équitable. En effet,


l’ensemble des instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’homme
posent des garanties liées au procès équitable, lesquelles reconnaissent le droit de toute
personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi 60. Mais la justice
militaire, étant organisée par la direction de la justice militaire, qui elle-même est un organe
de l’administration centrale du ministère de la défense 61. Sachant que le ministre de la défense
est nommé par le président de la République et considérant aussi que le Ministère de la
Défense est un service rattaché à la présidence de la République 62, on est en droit de penser
que l’indépendance de la juridiction militaire pourrait servir d’instrument au pouvoir exécutif
au nom de la lutte contre le terrorisme.

Une autre conséquence est relative à la centralisation des poursuites. Celles-ci sont menées
par les officiers de police judiciaire miliaires, sont transmises sur procès-verbal au Ministre
chargé de la justice Militaire qui met en mouvement l’action publique et l’exerce par le
commissaire du gouvernement placé sous son autorité. Le Ministre de la justice peut par
ailleurs délivrer un ordre de mise en jugement direct, s’il estime que l’affaire est en état d’être
jugée. Cette disposition est inconciliable avec la nécessité d’instruire les infractions terroristes
étant donné leur gravité, et le président de la République peut suspendre à tout moment les
poursuites. Le président de la république étant avant tout un homme politique, on peut
craindre le détournement d’un tel pouvoir pénal à des fins purement politiques. Mais les
arguments en défaveur de la militarisation du procès pénal malgré leur pertinence peuvent être
tempérés

59
Par territoire il faut l’entendre au sens le plus large possible en droit, sur le plan matériel (terre, air, mer) il faut
aussi l’étendre aux espaces assimilées aux territoires (navires, et aéronefs immatriculés dans la République)
60
Voir ART &è », S 1 du PIDCP, voir aussi ART 7(1) de la CADHP
61
Voir décret n°2001/177 du 25 juillet 2001 portant organisation du Ministère de la défense.
62
Qui peut en l’occurrence exercé soit pouvoir pénal. Le pouvoir pénal du président de la république peut être
entendu comme l’ensemble de moyen répressif donc dispose le président pour ordonner ou faire cesser une
poursuite pénale ou toute mesure punitive.
2- Les effets de la prise en compte du droit pénal de l’ennemi
Les premiers griefs qu’on pourrait relever sont la généralisation de la peine de mort et
aux peines excessives (a) et du recours à la torture et autres traitements cruels (b)

a- L’effet principal : le recours aux peines excessives.

La condamnation à une peine excessives signifie, si l’on prend les paroles de Günther
Jakob au pied la lettre, appliquer des peines de prison de longue durée, ainsi que des
peines de prison à perpétuité, ou la peine de mort. A des faits de faible gravité ou du
moins pas suffisamment graves pour justifier l’imposition de la sanction d’une telle
sévérité63 . Ainsi, les condamnations à de longues peines (1) ainsi que les condamnations à
mort (2) retiendront l’attention.

-Les peines toujours plus longues


Ici il faut faire un sort particulier aux condamnations qui du fait du mode de perpétration
des actes qui en donnent lieu paraissent excessives (a), mais aussi du fait qu’elle pourrait
résulter des preuves secrètes et pose le problème du test de culpabilité devant le juge pénal
camerounais (b).

- La sévérité de la condamnation
c-
La rétribution en sa qualité de fonction de la peine subit un durcissement constant du
fait de la législation anti-terroriste. Cette sévérité est d’autant plus visible que les actes
reprochés à l’accusé sont parfois des plus banales. C’est ainsi que le Tribunal Militaire
n’a pas hésité à infliger une peine de 10 ans d’emprisonnement à trois jeunes pour
simples plaisanteries64 à propos de BOKO HARAM, objet de la condamnation :
« boko haram recrute des jeunes de 14 ans et plus, conditions de recrutement : avoir
validé 4 matières et la religion Baccalauréat ».De plus, on assiste à une sorte de
criminalisation des comportements qui ne présentent pas un réel danger pour le bien
juridique. Cela peut supposer la pénalisation de simples manifestations idéologiques,
du droit à la liberté d’expression65. De plus en plus même la sévérité de la

63
MUNOZ CONDE « le droit pénal international est-il «un droit pénal de l’ennemi ? » » . RSC, 2009 P 19 s.

Cf. Tribunal militaire de Yaoundé, Contre ;FUMUSOH IVO, AZAH Levis, AFUH Nivelle. Yaoundé le 02
64

Novembre 2016.Inédit.
65
Cf . Tribunal Militaire de Yaoundé contre Ahmed abba correspondant de RFI en langue Haoussa. Condamné à
10 ans d’emprisonnement ferme et à une amende record de 56 millions de Francs CFA. Alors qu’il enquêtait
condamnation pose la question cruciale du test de culpabilité devant les juridictions
pénales camerounaises dès lors qu’il est relevé que les preuves secrètes fondent la
culpabilité et légitiment la condamnation.

- Le recours aux preuves secrètes


La sévérité de la répression pénale ou du moins le caractère sévère de la rétribution semble
marquer un tournant décisif dès lors que les tribunaux admettent les preuves secrètes au
Cameroun. Cette réalité est d’autant plus alarmante que des condamnations, à des peines
lourdes sont le plus prononcées sur la base de simples allégations données aux secrets. En
effet d’après les propos d’un Avocat recueillis dans le Rapport D’Amnesty international de
juin 201666, « en tant qu’Avocat, je me suis rendu compte que les affaires relevant de la loi
antiterroriste contenaient de véritables injustices parfois, des personnes sont arrêtées
simplement en raison de rancunes personnelles ; l’un des problèmes rencontrés dans les
affaires est que le procureur n’est jamais obligé de faire citer des témoins il lui suffit de dire
qu’un informateur a indiqué que l’accusé était membre de Boko Haram. Les preuves
apportées sont suffisantes ».Dans une affaire rendue devant le Tribunal militaire de Garoua67,
4 femmes ont été condamnées à mort sous la base de simples dénonciations faites par un
membre du comité de vigilance selon lesquelles ces dernières seraient des espionnes de Boko
Haram. Et selon l’avocat de la défense, « les seuls éléments à charge contre les 4 femmes
étaient une déclaration écrite du membre de comité de vigilance. Cela a pu convaincre le
tribunal de leur culpabilité »68.
Ces arguments ne peuvent que témoigner du durcissement que prend le volet rétributif de la
sanction pénale au Cameroun. Le tournant est encore plus décisif quand on aborde la question
de la peine de mort.

2-Les condamnations à la peine de mort encore plus nombreuses

Des peines de mort sont prononcées à l’encontre des condamnés dans le cadre de la lutte anti-
terrorisme au Cameroun. De même les atteintes à la sureté de l’Etat donnent souvent
l’occasion au juge de prononcer la sentence capitale. Les estimations du nombre de personnes

dans le cadre du conflit contre Boko haram dans le Nord du Cameroun. Jugement du 24 Avril 2017.Inédit.
66
Amnesty international, « Bonne cause, mauvais moyen : Atteintes aux droits humains et à la justice dans le
cadre de la lutte contre Boko Haram au Cameroun. », juin- juillet 2016, P 42. Inédit.
67
Tribunal Militaire de Garoua. 18 Avril 2016.inédit.
68
Cf. Amnesty international. OP.cit P 41.
condamnées à mort varient largement selon que les chiffres sont évoqués par les membres de
la société civile que par les autorités gouvernementales.
Le régisseur de la prison de Maroua à confirmer à Amnesty international 69, en février 2016
que dans cette prison spécifiquement abritait 91personnes condamnées à mort. D’après un
communiqué rendu public par le Ministre de La Communication, en 2016, le Ministre fait
état de 209 affaires jugées par le tribunal Militaire de Maroua, 133 personnes avaient été
condamnées à Mort.70 C’est dire le caractère belliqueux de la sanction pénale au Cameroun.
De plus on note les cas de torture au Cameroun

a- L’interdiction de la torture et autres traitements cruels inhumains et dégradants


Le Cameroun est partie à trois traités internationaux qui interdisent la torture et toute forme de
traitement cruel, inhumain et dégradant. La convention contre la torture, le PIDCP, la
CADHP. De plus, la constitution du Cameroun 71, son code pénal, son code de procédure
pénale interdisent le recours à la torture et d’autres comportements qui portent atteinte à la
dignité et à l’intégrité humaine. Ces dispositions impliquent entre autres que les autorités en
l’occurrence le juge en sa qualité de gardien des libertés individuelles contrôlent
régulièrement les pratiques et procédures d’interrogation, afin d’empêcher que les actes de
torture puissent être commis72. De plus, et selon la même convention, l’Etat partie garantie en
outre à la victime d’un acte de torture « le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisée
équitablement et de manière adéquate »73. De telles prescriptions semblent ne plus être
respectées.

b- De quelques dénonciations de violations des droits humains


De nombreux témoignages recueillis dans le rapport D’Amnesty constamment cité ici font
état de l’utilisation regrettable par des agents de l’Etat, de nombreux procédés de torture dans
le cadre de la lutte anti-terroriste ; c’est du moins ce qui ressort des témoignages et images
recueillis. Parmi les plus courants, on note : Le passage à tabac. « A salak, pendant quatre
jours, j’ai été frappé sans répit ; ils m’ont attaché les mains par devant avec le type de corde
qu’on utilise pour les bœufs »74.

69
.Ibid.
70
Cf. L’AFP « Cameroun, 89 condamnation à Mort pour terrorisme depuis un an. », parution du 18 Mai 2016.
71
De 1972 modifier en 2008
72
Convention contre la torture et autre peines aux traitements cruels, inhumains ou dégradantes. Art 11.
73
Art 9(5) PIDCP.
74
Entretient n°24, Aout 2016.
Ce type témoignage donne à suffisance des renseignements sur le tournant rétributif que
prend le droit pénal Camerounais au nom de la lutte contre le terrorisme. Il en résulte que
diverses formes de torture sont des plus courantes. Entre autre nous pouvons évoquer des
positions douloureuses75 , les suspensions, les simulations de noyade 76, les formes
d’arrestations et détention secrète. Pour tout dire, cela n’est que l’expression du volet
rétributif exacerbé par la lutte contre le terrorisme et traduit à suffisance le caractère
fondamentale ou du moins primordiale de la rétribution de la sanction pénale comme fonction
première de la peine en droit Camerounais.

II- La sanction pénale partiellement resocialisante


L’histoire de la sanction pénale est celle de son adoucissement constant dû à l’évolution de la
société. effet, Pendant longtemps, la réaction de la société contre le crime a été conçue selon
les solutions de forces brutales où seules la rancœur et la vengeance dirigeaient la société et
le but de la peine était davantage tourné vers la rétribution. Mais, la justice pénale est une
justice humaine, par conséquent, toutes les sciences de l’homme sont conviées. La
responsabilité de chaque délinquant va être étudiée par une meilleure connaissance de ce
dernier afin de lui appliquer un traitement correspondant.

L’idée de resocialisation est étroitement liée à la Doctrine d’ANCEL Marc. Chef de fil de
l’école sociale, ce dernier va faire émerger cette fonction à travers sa notion de traitement
social ; la doctrine dont il est le chef de fil à son époque est connue sous le nom de Défense
sociale77 .La resocialisation apparaissant alors comme un idéal que poursuit le droit pénal
moderne de sorte que toute politique pénale rationnelle et cohérente ne saurait éluder le
problème crucial de la resocialisation. On parle de la resocialisation du délinquant, parce
qu’il y a eu désocialisation par l’acte posé c’est-à-dire le fait de se trouver en dehors ou en

75
Qui consiste à suspendre contre une corde l’agent pénal dans but ultime de l’extirpé des renseignements. Voir
en annexe.
76
« A salak, j’étais enchainé en permanence je ne recevais qu’un repas par jour et j’ai été torturé à au moins
trois reprises. Les deux premières fois, des hommes en civil m’ont brutalement frappé sur tout le corps à l’aide
de câbles électriques, en me demandant en Français d’avouer mon appartenance à Boko Haram… ils ont
asseyez de me forcer à manger du porc. Comme je suis musulman… ils m’ont frappé à plusieurs reprises sur le
corps, et en particulier sur les jambes et les chevilles le coups étaient si nombreux que je me suis évanoui ». in
Amnesty international « les chambres de torture secrète au Cameroun. Violations des droits Humains et crimes
de guerre dans la lutte contre Boko Haram » juillet- Août 2017. Entretient n°41.
77
« lorsque nous parlons de la défense sociale, nous nous référons plus ou moins - en tant que praticiens du droit
– à l’orientation générale qui attribue un traitement pénitentiaire orienté vers la resocialisation du coupable – au
lieu de lui attribuer celle d’expiation du crime. » voir,. BERIA di ARGENTINE « l’influence de Marc ANCEL
sur le mouvement de défense sociale », RSC, nN°1,1991 P 25.
marge de la vie sociale78. Après l’examen approfondi de la notion même de resocialisation et
celle de la sanction pénale, il convient d’interroger la portée de la fonction resocialisante de la
peine dans le contexte camerounais. Autrement dit la sanction pénale camerounaise telle
qu’elle est élaborée favorise-t-elle la resocialisation du délinquant au vue du nombre
important des récidivistes et de la surpopulation carcérale ? Pour répondre, disons que les
efforts entretenus poursuivant cet objectif demeurent contrebalancés par des pesanteurs
judiciaires et extrajudiciaires.

A- La resocialisation dans le choix de la sanction pénale

La peine d’emprisonnement n’est pas le modèle sensé assurer le respect des règles en société.
D’ailleurs dans certains pays l’incarcération comme forme de punition est relativement
récente, et elle peut être étrangère aux traditions culturelles africaines 79. La réalité est que le
nombre croissant de détenus aboutit souvent à un grave problème : celui de la surpopulation
carcérale, avec des conditions d’incarcération draconiennes qui violent les normes
internationales en matière de détention.

Pour résoudre les problèmes liés à l’échec de l’emprisonnement comme peine, les praticiens
et théoriciens du droit au Cameroun recherchent des solutions dans deux directions. Certains
proposent d’humaniser les conditions de détention80 , d’autres d’élargir l’éventail des peines
de substitution81. Dans ce contexte marqué par une interrogation sur l’efficacité et
l’opportunité de la peine d’emprisonnement, le législateur à travers la loi n°2016-7 du 12
juillet 2016 portant code pénal, a fait preuve d’audace à travers l’introduction dans les grilles
des peines de véritables alternatives à l’emprisonnement82

Ainsi donc le travail d’intérêt général et la sanction réparation retiendrons l’attention.

78
Dictionnaire HACHETTE, éd, 2011.
79
Manuel des principes fondamentaux et pratiques promesse sur les alternatives à l’emprisonnement, Nations
Unies , New York , 2008 P 3.Voir sur cette question spécifique MBOCK (J-O) la prison camerounaise. Etude
critique de la réforme pénitentiaire de 1973 et son application. Thèse de troisième cycle de Doctorat en Droit
privé, Université de Yaoundé.

MINKOA SHE (A) Droit de l’homme et droit pénal au Cameroun. Economica, paris, 1999.
80

81
GUIMDO (B-R) « les alternatives à l’emprisonnement dans le contexte de surpeuplement carcéral le cas du
Cameroun. » juridis-périodique. n°60 2002/2003.
82
Sur cette question lire avec intérêt Onobiono, Les peines aliernatives dans le code pénale Camerounais de
2016. Mémoire de Master 2 , Université de Yaoundé II, 2018-2019 , Dan le même sens NKOA (N-P)
« l’effectivité des peines alternatives dans le code pénal :Un renforcement de la fonction resocialisante du droit
pénal », Lexbase édition Ohada, n°12 du 14 juin 2018.
1- Le travail d’intérêt générale
La nouveauté de cette peine commande qu’on en saisisse la notion (a) avant de
s’interroger sur l’efficacité de sa mise en œuvre (b).

a- La notion de travail d’intérêt générale


On a longtemps déploré que le juge pénal ne dispose que d’un clavier restreint pour
infliger au condamné la sancti on appropriée (emprisonnement ou amende).

L’ART 26 (1) du CP relatif au TIG83 dispose que « le travail d’intérêt général est une
peine applicable aux délits passibles d’un emprisonnement inférieur à deux (2) ans ou d’une
peine d’amende. Cette peine est exécutée en faveur, soit d’une personne morale de droit
public, soit d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public,
soit encore d’un organisme habilité à mettre en œuvre des travaux d’intérêt général ».

Le TIG est donc une mesure qui permet au condamné d’effectuer des travaux utiles à la
communauté entière, en faveur des personnes déterminées par la loi et sans aucune
rémunération, en lieu et place d’une peine d’emprisonnement ou d’amende. Ainsi définie, on
peut s’interroger sur l’efficacité de ses modalités d’application.

b-L’efficacité des modalités d’application du TIG

L’application du TIG est dictée par l’art 26 (al 1 et 3) CP. Selon ce texte, le TIG n’est
prononcé que pour des délits passibles d’un emprisonnement inférieur à 2 ans ou d’une peine
d’amende et qu’elles ne peuvent faire l’objet de sursis.

L’ART 26 al 2 précise qu’il est prononcé à la place de l’emprisonnement ou de


l’amende, mais sur le consentement préalable du prévenu. Autrement dit le consentement
préalable apparait comme l’une des conditions de la mise en œuvre du TIG. La durée du TIG
est fixée par l’alinéa 3 du même Article qui prévoit qu’il ne peut être inférieur à deux cents
(200) heures ou supérieur à deux cent quarante (240) heures. Malgré les critiques soulevées
dans les pays où ce type de sanction est longtemps appliqué 84, dans le contexte camerounais
cette peine est la bienvenue. Outre son objectif qui est de désengorger le milieu carcéral, il
poursuit aux moins deux autres objectifs : permettre aux tribunaux d’éviter de prononcer des

83
Travail d’intérêt général.
84
ZAUGG « le travail d’intérêt général : une foutaise », disponible sur le
net,www.content//://com.sec.android.app.sbrowser/readinglisst/0218140305487.mhtlml.com. (Consulté le
18/02/2018).
peines d’emprisonnement de courte durée qui ne s’avèrent pas indispensables eu égard à la
personnalité du condamné et à la gravité des faits qui lui sont reprochés. De tels
emprisonnements contribuent souvent à causer plus de tort à ce dernier qu’à le resocialiser.

Il y’aura néanmoins lieu de constater que l’objectif principal de la resocialisation et celle


incidente de désengorgement des prisons sera quelque peu freiné par le fait que nombre de
délits passibles de moins de 2 ans d’emprisonnement ne sont pas réparés matériellement du
fait de la loi qui les en exclut expressément. En effet, il ressort de l’Article 26-3 du même
texte que les alternatives prévues à l’Article 26 (1) ne sont pas applicables aux auteurs
d’infractions aux législations sur les armes, de même qu’aux auteurs d’atteinte à l’intégrité
corporelle. Ainsi les condamnés pour outrage à la pudeur85de mutilation sexuelle86, de port
dangereux d’arme87, de la détention et port d’arme 88entre autres, ne pourront pas bénéficier
desdites peines bien que les dites infractions dans leur forme simple soient punies des peines
d’emprisonnement de moins de deux(2) ans.

De façon manifeste, le législateur pénal, eu égard au contexte actuel marqué par la


recrudescence du terrorisme, des crimes rituels, des offenses sexuelles 89, la banalisation de la
vie etc.… a tenu à marquer son indignation et son rejet absolu à l’endroit de ces
comportements et pratiques tout en excluant expressément leurs auteurs du bénéfice des
peines alternatives. On peut logiquement se demander si sur le plan de la criminologie, la
généralisation des TIG n’est pas une solution noble sur le terrain de leur efficacité. Il est
largement admis en criminologie que la prison est une école du crime. La généralisation des
TIG à toutes les infractions passibles d’une peine d’emprisonnement inférieure à deux (2) ans
serait louable ; pareilles solutions peuvent être étendues à la sanction-réparation.

2-LA SANCTION- REPARATION

L’admission de la sanction réparation comme peine en droit camerounais par la loi n°


2016-7 du 12 juillet 2016 portant code pénal à été accueillie avec beaucoup de satisfaction 90.

85
Art 29 CP
86
Art 277 CP
87
Art 238 CP
88
Art 237 CP
89
Pour cette questions spécifiques Lire ATANGANA MALONGUE « Mutilation sexuelle et Droit à l’intégrité
physique de l’enfant en Afrique : l’exemple du Cameroun »
90
Lire ESSO LAURENT, Ministre D’Etat, Ministre de la Justice Garde des Sceaux « Communiqué
Gouvernemental sur le projet de loi portant code pénal » , Journal officiel du Cameroun, 12 juillet 2016.
Comme pour les TIG la nouveauté de cette peine appelle qu’on en analyse la notion (a) avant
de s’interroger sur son efficacité (b).

a- La notion de sanction-réparation

La réparation est un travail qui consiste à réparer 91 ; c’est aussi l’action de réparer 92. La
question est de savoir réparer quoi ? Le trouble causé à la société ou le préjudice subi par la
victime ? L’Article 26-1 du CP, dispose qu’ « elle consiste dans l’obligation, pour le
condamné, de procéder à la réparation matérielle du préjudice subi par la victime dans le
délai et selon les modalités fixées par la juridiction compétente »

Que faut-il entendre par réparation matérielle du préjudice93?, le terme réparation est
emprunté du droit civil et désigne l’indemnisation 94 ; l’indemnisation à la suite du dommage
ou du préjudice causé par la personne qui en est responsable civilement. Pris en droit pénal,
la réparation matérielle est le fait pour le pénalement responsable d’indemniser, soit en nature
soit en biens, le préjudice qu’il aurait causé à la victime. C’est une technique empruntée du
droit civil et transposée en droit pénal (c’est le phénomène d’internormativité dans le champ
pénal, la civilisation du droit pénal : c’est-à-dire l’influence du droit civil sur le droit pénal).

En effet, il ressort de l’Art 26-1 CP qu’ « elle consiste dans l’obligation pour le
condamné de procéder à la réparation matérielle du préjudice subi par la victime dans le
délai et selon les modalités fixées par la juridiction compétente ».La disposition ne permettant
pas de cerner la notion, il faut faire recours au droit comparé. En effet, la loi Française du 5
Mars 2007 relative à la prévention de la délinquance traitant de la sanction- réparation, perçoit
cette dernière comme une peine hybride de part sa différence de nature civile et pénale.
L’opposition entre ces deux termes laisse curieux, car le terme « réparation » fait penser au
contraire à une mesure civile d’où la notion réparation adaptée par le législateur Camerounais.

2- De l’efficacité de la sanction réparation


L’efficacité de la nouvelle alternative peut-être hypothétique. En effet, la sanction
réparation ne bénéficie pas à tous les condamnés, son domaine est limité qu’à certain crime
punissable d’une peine d’emprisonnement de deux ans.
91
Le Robert Mobile, 2017.
92
Robert Mobile, 2017
93
Voir Art 26-1 CP
94
GORNU(G), vocabulaire juridique, 10ieme.,éd, P.U.F, 2015
Malgré ces observations il faut dire que, l’admission de la sanction réparation en droit
camerounais reste à saluer, car elle permettra à terme un désengorgement des prisons.

Sur le plan personnel elle place l’individu délinquant face à victime, Ce la ne peut être
que bénéfique pour le délinquant car confronté à la honte et le remord ; qui sont des soupapes
indispensable pour le pardon. De plus, elle donne la possibilité au délinquant de mené des
activités aux bénéfices de sa victime et de la société dans une démarche réparatrice ce qui est
bénéfique pour son réinsertion sociale.

, On peut retenir que du point de vue de la loi, notre système actuel est imprégné de l’idée de
resocialisation .Bien que certaines sanctions pénales soient déjà dépassées, la mise en œuvre
des peines alternatives à travers les TIG et la sanction réparation reste à saluer, mais demeure
largement en dessous des attentes, surtout lorsque l’on jette un regard sur l’univers carcéral,
centre névralgique de l’exécution de la sanction pénale, des multiples raisons de s’inquiéter
surgissent
B- La subsidiarité de la resocialisation dans l’exécution de ma sanction
pénale
Le procès pénal comporte trois étapes 95 dont l’étape ultime est l’exécution de la peine. Le mot
désigne la phase pendant laquelle le condamné exécute la peine qui a été prononcée par le
tribunal96, c’est donc l’étape ultime de mise en œuvre de la sanction pénale. Mais la
radicalisation de la peine laisse place à une humanisation progressive. Aussi il n’est plus
question de perdre le délinquant mais chercher des voies et moyens pour sa récupération
progressive, ce qui implique un choix des modalités les plus appropriées, en fonction de la
personnalité du délinquant, Mais la prééminence de l’emprisonnement en sa qualité de
sanction pénale commande qu’on s’intéresse au cadre de l’exécution de la peine privative de
liberté au Cameroun, c’est-à-dire au système pénitentiaire 97 . Il faut considérer le système
pénitentiaire dans sons sens le plus large. Il peut être considéré comme un ensemble de
mesures qui entoure en amont tout comme en aval l’exécution de la peine. Ces mesures vont
du prononcé de la sanction, et s’achève par la réinsertion en passant par l’exécution.
Globalement c’est en référence prioritaire en un milieu clos qui faut l’envisager.

95
ROLAND (D) « la protection de la personne dans le procès pénal et la défense sociale », RSC , 1967 P 66.
96
LECONTE (V) la juridictionnalisation de l’exécution des peines. Mémoire de DEA , Université de Lille,
2001/2002 P 4.
97
La mise en place du système pénitentiaire au Cameroun, n’a été que progressive. Hérité de la colonisation à
travers la mise en œuvre d’un régime de répression antinomique au service de la politique de conquête. Celle qui
nous intéresse ici est celle d’après les indépendances. Elle est l’œuvre de réforme successive d’abord du décret
n°73/744 du 11 décembre 1973 portant régime pénitentiaire au Cameroun. En suite du décret n°92/052 du 27
Mars 1992 en vigueur jusqu’a nos jours, seras l’objet de nôtre source principale d’étude.
Le cadre d’exécution de la peine au Cameroun c’est-à-dire le système pénitentiaire est
l’œuvre de réformes successives tendant à la resocialisation. Analyser ces réformes revient à
interroger la nature de son fonctionnement et à évaluer sa mission de défense sociale 98. En
effet l’exécution de la peine telle qu’elle est organisée et pratiquée au Cameroun est-elle en
harmonie avec l’idéal de resocialisation prescrit par le droit international et national ?

Une telle question permet de rendre compte de l’écart qui existe entre l’objectif de
resocialisation tant proclamé par les autorités camerounaises et la réalité dans les prisons.
C’est donc à un double constat d’échec qu’on assiste lorsque l’on envisage la resocialisation
dans l’exécution de la peine au Cameroun. Un constat d’échec tenant lieu au système
institutionnel ( 1) et un constat d’échec du point de vue fonctionnel
1- Echec de resocialisation du point de vue institutionnel
Toute société devrait rapprocher son système pénal des principes fondamentaux des droits de
l’homme et viser à mieux protéger la sécurité publique en vertu d’une approche pragmatique
ou d’une marge nationale d’appréciation. Mais elle doit aussi rechercher des moyens de
crédibiliser ces mesures de détention à travers une érection le plus large possible de certaines
alternatives à la prison. Ainsi les peines alternatives permettent d’une part de répondre aux
problèmes de surpopulation des prisons99, à favoriser la réinsertion et réduire le risque de
récidive.

Ainsi, en est-il de la permission de sortie, du placement à l’extérieur, de la semi-liberté, de la


liberté conditionnelle, voire même de placement sous surveillance électronique 100(PSE) et
même du TIG. Le législateur camerounais prévoit à cet effet de nombreuses limites dans ses
dispositions, dont au demeurant certaines sont restées à un stade purement théorique (a),
d’autres dispositions de part leur complexité restent inopérantes (b).

a- Les alternatives à la privation de liberté purement théoriques.


D’après une constatation faite par un auteur averti, « on observe en milieu carcéral beaucoup
de faux droits, de droits formels, réduits à l’état de coquilles vides, ces droits existent sur le
papier mais les détenus ne peuvent concrètement les faire valoir, soit parce qu’ils en
connaissent très mal les les alcanes »101. C’est le cas des peines alternatives normalement
applicables aux détenus , et l’hypothèse de la détention provisoire .

98
NGONO BOUNOUGOU (R) la réforme du système pénitentiaire camerounais :entre héritage colonial et
traditions culturelles. Thèse de doctorat en Droit. Université de Grenoble, 2012 P 8.
99
GUIMDO (B-R) « Les alternatives à l’emprisonnement dans le contexte de surpeuplement carcérale. Le cas du
Cameroun », juridis-périodique, n°60 2004.
100
GUIMDO .Ibid.
101
VERNIER (D). OP .CIT
- les alternatives à l’emprisonnement (TIG, sanction-réparation) purement théoriques.

Les espérances qu’ont fait naitre les substituts pénaux à travers la loi de 2016 portant code
pénal ‘’ laissent un gout d’amertume ‘’ quand on réalise que 2 ans 102 après la consécration du
principe par le code pénal on aurait du penser que le délinquant primaire pouvait échapper à
l’école du crime que représente l’enfer carcéral camerounais, contre tout attente deux ans
après on attend toujours son décret d’application. L’absence laisse perplexe et permet de
comprendre que l’idéal de resocialisation dans les faits ne fait pas partie du vocabulaire des
pouvoirs publics judicaires camerounais. Pareille analyse se greffe à la libération sous
caution.

- les alternatives à la détention : liberté sans caution, liberté sous caution.

La privation de liberté provisoire peut-être l’une des causes de désocialisation des


prévenus ou de l’inculpé à cause du choix que celle-ci produit. En effet il est constant en droit
criminel que le milieu fermé est profitable au crime, aussi il est plus judicieux d’agir le plus
possible que ce soit en amont, avant toute privation de liberté. Il serait profitable d’éviter ce
va-et-vient, c’est-à-dire « désocialiser d’abord par la privation de liberté et resocialiser par
la suite »103, le dernier mouvement étant d’autant plus fastidieux et moins rassurant que, au
Cameroun la durée de la privation provisoire de liberté, connue sous le nom de détention
préventive semble être de plus en plus longue.

Très longue même à un point où elle semble être la règle. La réalité est même celle de la
détention préventive à perpétuité104on pourrait donc parler d’une surpopulation endémique de
nombre de prévenus dans les prisons camerounaises105. L’attitude des magistrats est
clairement incriminée106, cette situation est due à plusieurs facteurs.

102
A compter de sa date de promulgation c'est-à-dire le 29 décembre 2016 à cette date ou nous écrivons ces
lignes c’est-à-dire le 09/3/2018.
103
NGONO BOUNOUNGOU. La réforme du système pénitentiaire camerounais : entre héritage colonial et
traditions culturelles. Droit. Université Grenoble, 2012 P 287.
104
D’après le quotidien Journal « Emergence », dans sa parution du 26 janvier 2016.on peux lire des chiffres
inquiétants selon ce journal « la prison central de Yaoundé compterait 4200 pensionnaires, dont 60% , sont des
prévenus ,soit un total de 252 000 détenus sans jugement définitif, la prison de Mbalmayo quant à elle contient
320 détenus pour 50% en prévention soit un total de 160 en prévention.la prison de Bafoussam suit avec 1400
prisonniers pour 60% , soit 840, celle de Garoua approche les 1200 personnes privées de libertés pour un peu
plus de 50% de prévenus »
105
VAN DER MEERSCHEN. Op.Cit P 5.
En effet, elles sont liées aux conditions et à des modalités d’octroi ou de retrait de
l’alternative à la détention provisoire qu’est la liberté sous cation. D’abord, l’art 222 al 1
CPPC traite de la mise en liberté sous caution, il est ainsi stipulé que « le juge d’instruction
peut à tout moment et jusqu’à la clôture de l’information judicaire d’office donner main
levée du mandat de détention provisoire »107. Quant à la mise en liberté sous caution, elle est
traitée dans les Articles 224-225, l’Article 224 stipule que « toute personne légalement
détenue à titre provisoire peut bénéficier de la mise en liberté moyennant une des garanties
visées… »108 .L’imprécision permissive du terme « peut » contenu dans ces articles permet de
comprendre le grand nombre des prévenus en détention au Cameroun. Cette faculté n’est pas
respectée par le juge civil, militaire, administratif etc. Aujourd’hui au Cameroun,
nombreuses sont les autorités (civiles, judiciaires, militaires 109) qui disposent du pouvoir de
priver un ressortissant camerounais de sa liberté, sans réelle limite de temps ou contrôle
effectif. De même l’aménagement des peines au Cameroun demeure complexe.

b-La complexité et les lacunes de l’aménagement de peine : l’exemple de la libération


conditionnelle.
Les chiffres des détenus en attente de jugement, quel que soit l’organe qui les évoque sont
alarmants110.Le législateur camerounais n’a pas prévu la libération conditionnelle, celle-ci est
définie dans le CP et dans le CPPC, comme « la mise en liberté anticipée du condamné à une
peine privative de liberté, ou soumis, par décision de condamnation, à une mesure de sureté
de même nature »111. L’objectif visé par ce texte ne semble pas cadrer avec l’idéal de
resocialisation qui permettra pourtant s’il est bien appliqué de désengorger les prisons.
106
Selon le Ministre de la justice ESSO Laurent, lors d’un discours exprimé devant les présidents de cour
d’appel, les délégués régionaux des Administrations pénitentiaires le 17 septembre 2015 à Yaoundé .Le ministre
de la justice explique que l’une des causes principales de la crise de surpopulation que traversent les pénitenciers
à travers le pays est l’inégalité entre le nombre de prison, le nombre des tribunaux et le nombre d’affaires
pénales enregistrées. Chaque années, 50 000 dossiers pénaux sont enrôlés par un millier de magistrat dans 99
juridictions mais les condamnés n’ont que 78 prisons pour les accueillir. Voir l’intégralité de se discours sur le
net.cf. www.camer.be , consulté le (09/3/2018)
107
Art 222 du code de procédure pénale camerounais.
108
Article 224 du code de procédure pénale Camerounais.
109
La place de la justice militaire dans la justice quotidienne du camerounais reste écrasant. Du fait de sa
compétence étendue et la simplicité de la mise en œuvre de sa répression et même de la ccélérité de ces moyens
d’actions lorsque il s’agit d’envoyer une personne en détention. Il suffit de lire pour preuve l’article 8 de la loi de
n°2017/012 du 12 juillet 2017.
110
Selon le Ministre de la justice dans son discours de 2015 précédemment cités, il y’aurait plus de 9000 détenu
de trop dans les prisons Camerounaise. Ce chiffres pourrait être revue à la hausse si on se réfère au rapport
données par les membres de la population civile en la matiére.cf .Note n°20 .
111
Art 691 al 1 CPPC, et Art 61 al 1 CP.
Mais les conditions générales et les modalités de l’octroi et de révocation de cette libération
conditionnelle fixées par le décret n°237 du 24 Mai 1966 sont d’une extrême complexité,
propre à décourager toute initiative sans compter les lacunes, dans le déclenchement de la
procédure. .

- Les lacunes dans le déclenchement de la procédure.

Les lacunes proviennent de la loi même. L’Art 61.D 2 alinéa 1 du décret d’application
précise que « les régisseurs pénitentiaires peuvent proposer d’office à la libé ration
conditionnelle des détenus remplissant les conditions légales et donnant toute satisfaction, tant
par leur effort d’amendement que par leur travail et de leur conduite en détention » .L’avis du
régisseur devient de ce fait incontournable, puisque le comportement des détenus est soumis à
sa seule appréciation, or des cas d’abus d’autorité sont souvent le propre des régisseurs.
Confier le sort des détenus à une seule personne à l’intérieur des prisons est inquiétant.

L’affaire FONGOH divine, régisseur de la prison centrale de Mbanga, est un enseignement


manifeste. Il à été relevé de ses fonctions pour abus d’autorité, indélicatesse qui s’est
manifestée par la détention abusive d’une femme en 2007112.Confier le sort exclusif à ce genre
de personne n’est pas bien fondé. Il serait plus judicieux de prévoir l’intervention de l’autorité
judiciaire à l’image du juge de l’application des peines (JAP), comme c’est le cas en France
afin d’apprécier au mieux l’opportunité de la libération conditionnelle. De plus le juge
judiciaire en sa qualité de Gardien des libertés individuelles pourrait utilement être mobilisé,
cela serait un grand soulagement pour les détenus en attente de libération. Malgré qu’ils
resteront malmenés par la procédure.

- La complexité de la procédure.

La requête du détenu désireux de bénéficier de la libération conditionnelle doit suivre un


véritable parcours du combattant113. Ce d’autant plus que toute initiative qu’elle émane du
détenu ou du régisseur est découragée par le seul fait d’être informé du parcours à suivre par
la requête en libération conditionnelle. La procédure à suivre est fixée par le décret du 24 Mai
1966 fixant les conditions générales et des modalités de l’octroi et de révocation de la
libération conditionnelle.

112
Affaire cité dans le Rapport de 2006 sur l’état des droits de l’homme au Cameroun P 15.
113
NGONO BOUNOUNGOU. Op.cit P 292.
La requête doit être établie en deux exemplaires sur une fiche spéciale par le régisseur qui
propose d’office au détenu à la libération conditionnelle ou qui procède à l’instruction d’une
requête114, un exemplaire est envoyé au ministre de la justice et l’autre versé au dossier
pénitentiaire du détenu115. Le ministre de la justice prescrit un classement sans suite, soit la
constitution du dossier au vu duquel il peut saisir, pour avis, le comité consultatif 116. Le
comité consultatif au vu du dossier émet à l’intention du Ministre de la justice un avis motivé
sur les suites à réserver au dossier qui lui est soumis, entre autres la libération
conditionnelle117. Mais le tout n’est pas dans le parcours que doit emprunter le dossier. Encore
faudrait-il d’abord le constituer avec tout ce que cela exige comme avis des différents
intervenants.

En effet, le dossier à soumettre au comité consultatif doit comprendre au moins quatre avis.
Celui du régisseur de l’établissement pénitentiaire, du parquet général prés de la juridiction
d’où émane la condamnation en cours d’exécution, du préfet du département dans lequel est
situé l’établissement pénitentiaire, du préfet du lieu où le condamné se propose de se
retirer118 .Il est à noter que tous ces avis doivent être favorables, pour que le détenu conserve
un brin d’espoir par rapport à l’avis du comité consultatif de la discision du ministère de la
justice, il faut réellement avoir de la Chance pour espérer. En clair, le législateur doit
s’impliquer davantage dans la mise en œuvre des peines de substitution à l’emprisonnement
cela passerait peut-être par la simplification des procédures aboutissant à la libération
conditionnelle et à la rationalisation des organes en charge de décider sur cette question
spécifique. En outre il gagnerait à s’impliquer davantage dans une perspective plus large à
définir un cadre à l’idéal de resocialisation, dans le but ultime de mieux concilier les intérêts
antinomiques droits du détenu-droits des victime et sécurité publique. Mais entre les vœux et
la réalité l’écart reste ; les faussés semblent même s’agrandir au vu de l’insécurité juridique
qui règne lorsqu’il s’agit de resocialiser.

1-Echec de Resocialisation du point de vue Fonctionnelle


Il convient de noter comme pour le regretter une certaine insécurité institutionnaliser dans nos
prisons (a) laquelle commande en Amont comme en Aval la nécessité d’une véritable refonte
du droit de la sanction pénale en droit Camerounais (2)

114
Art 61 D. 2 alinéa 2 du décret n°237 du 24 Mai 1966 fixant les conditions générales et les modalités de
l’octroi et de la révocation de la libération conditionnelle.
115
Ibid. D 3.
116
Ibid. D 4.
117
Op.cit.D.8.
118
Ibid. D 5.
1.1- Insécurité aux seins des établissements pénitentiaire camerounais.
L’hébergement des détenus constitue l’une des conditions susceptibles de garantir la
sécurité dans les établissements pénitentiaires. Parler de l’insécurité en ces milieux revient à
analyser ses origines (a) et leurs implications (b).

a- Les causes de l’insécurité


L’insécurité peut être analysée comme un état d’esprit non confiant en présence d’un
danger imminent et permanent. Ce danger en milieu fermé peut être la résultante de
plusieurs facteurs dont les principaux sont : le surencombrement des lieux de
détention, et l’instauration de super-détenus doté d’un pouvoir disciplinaire

- Le surpeuplement carcéral : état des lieux


Sous couvert d’anonymat, certains officiels ne mâchent pas leurs mots et indiquent qu’ « il ne
faut pas faire la politique de l’autruche, toutes les prisons de la République camerounaise
souffrent de la surpopulation »119. Les prisons camerounaises sont débordées. Les limites
extrêmes de capacité d’accueil sont largement franchies. Avec un taux de densité carcérale de
plus de 400% le Cameroun est l’un des pays où les conditions de détention bafouent
honteusement le respect de l’espace vital nécessaire à tout être humain. 120 , Des prisons
surpeuplés : le Cameroun à été est ‘’vice -champion121’’ du monde122’’. Les chiffres sont
alarmants au fil du temps. D’après le quotidien national bilingue ‘’Cameroun Tribune ‘’, en
juillet 2008, le Cameroun disposait de 74 prisons pour une capacité totale de 10070 places.

Dans le cadre de la lutte contre Boko haram on note une facilitation du recours systématique à
l’emprisonnement. En 2016, les prisons de Maroua auraient accueilli 500 détenus, soit plus de
quatre fois la capacité prévue. La population carcérale de Yaoundé comptait 44000 détenus
alors que la capacité maximale est de 15.000 prisonniers.123 , il est donc difficile d’avoir une
place pour dormir dans ces établissements, tous les moyens utilisés deviennent chose normale.
Ce mélange confus et désordonné des prévenus avec les condamnés, les femmes difficilement

119
VAN DER MEERSCHEN (B) « la réalité carcérale camerounaise : une descente aux enfers » .Op.Cit, P 3.
120
NGONO BOUNOUNGOU. Op.cit, P 312.
121
Une étude de l’international center for prison studies (ICPS) sur la situation carcérale dans les pays d’Afrique
, D’Amérique , D’Europe et de l’Asie révèle que le Cameroun est avec la Barbade , le pays ou les conditions de
détention sont les plus inhumaines, in LEMESSAGER’’, parution du 6 Août 2004 .

EDJANGUE. « les prisons surpeuplées : le Cameroun, Vice-champions du monde », in ‘’LE Messager ‘’, 6
122

Août 2004.
123
Voit www.actucameroun.com (consulter le 11/03/2018).
séparées des hommes, des détenus dangereux entremêlés aux délinquants primaires engendre
un ‘’chaos’’ total avec un niveau d’insécurité inégal.

- Le pouvoir disciplinaire confié aux ‘’supers-détenus’’


L’écrasante surpopulation carcérale que connaissent les pénitenciers camerounais rend
difficile le travail des surveillants et fragilise en même temps le maintien de la sécurité au
regard de la non proportionnalité entre personnel pénitentiaire et population écrasante des
détenus.

Cette situation augmente considérablement les sujétions du personnel surveillant .Afin de


maintenir l’ordre en prison, le personnel pénitentiaire fait systématiquement recours aux
« supers-détenus »124. Pourtant, le pouvoir disciplinaire ne doit être confié aux détenus. D’une
part, parce que le risque serait grand de voir ces derniers malmener les autres, d’autre part
parce que les ‘’supers’’ sont ceux-là qui trainent derrière eux un lourd passé criminel. Confier
ainsi la sécurité aux criminels est non seulement absurde et illogique. C’est aussi ça la logique
du paradoxe.

1-2- Les implications du phénomène d’insécurité sur le quotidien en milieu carcéral.


La surpopulation endémique des prisons ne peut qu’engendrer son lot de problèmes. Lesquels
se répercutent sur l’hygiène et la santé des détenus.

a- La santé
La santé des détenus est maintenue et organisée par le texte réglementaire125 ; mais en général,
les dispensaires des prisons comptent à peines quelques lits.par rapport à la densité carcérale
reconnue dans ces milieux fermés. Et outre la misère qui sévit dans ces lieux, la pénurie des
médicaments de premières nécessités aggrave la situation. Les maladies contagieuses y
trouvent donc un lieu privilégié de déploiement, comme la « tuberculose qui a depuis
longtemps élu domicile dans les prisons camerounaises »126. L’autre maladie redoutable est le
SIDA et comme l’affirme un auteur, « le SIDA fait des ravages et les dépistages tardifs
permettent de constater l’avance fatale de cette maladie qui se transmet de plus en plus dans
ce milieu »127,

124
Les supers-détenus sont des détenus qui collaborent avec le personnel de l’administration pénitentiaire, ils
sont chargés de maintenir , entre autres , l’ordre et la discipline des prisons.
125
Cf. Art 32, 33 et 35 du décret de 1992 portant régime pénitentiaire.
126
NGONO BOUNOUNGOU. Op.cit, P 327
127
SANDO (H) Derrière les murs, l’enfer. L’Univers carcéral en Question. Douala , catholic relief service, 2005
P 22 .
L’Art 32 du décret de 1992 a pourtant prévu que « chaque détenu est soumis au
moment de son incarcération à une visite médicale » ; un une pareille prescription peut faire
rire au regard de la réalité des conditions de vie en détention au Cameroun. En effet, dans les
prisons Camerounaises, « Aucun détenu n’a bénéficié d’une prise en charge médicale dés son
incarcération » peut-on lire lorsqu’on parcourt la réalité carcérale camerounaise 128. Bien au
contraire, il est parfois jeté dans le monde où les maladies contagieuses sévissent étant donné
que l’incarcération impose une cohabitation avec les détenus malades et abandonnés à eux-
mêmes.

b- L’Hygiène
Du côté de l’hygiène, quelques exemples concrets permettent de rendre compte. Dans
la prison de N’Gaoundéré par exemple, « si de prime abord on peut se réjouir en constatant
qu’un espace particulier est octroyé aux femmes l’exiguïté et la vétusté de celui-ci choquent
profondément (…) les murs sont suintants d’humidité et la pièce doit également servir de
cuisine improvisées, la pièce annexe, plongée dans le noir absolu, sert de toilette pour les
femmes »129. En matière d’hygiène les récits se suivent et se ressemblent presque tous.

Dans son ouvrage inutile « derrière les murs, l’enfer : l’univers carcéral en
question », on peut lire les propos choquants d’hippolithe SANDO d’après qui « s’il n’est pas
aisé d’avoir un lit, prendre une douche est parfois synonyme d’un concours de patience. Le
nombre relativement insuffisant des toilettes et de points d’eau oblige des détenus à se mettre
parfois en rang des heures durant. A la prison de ‘’New-Bell’’ plus précisément (…)
disposant initialement de 10 douches, où l’eau ne coule malheureusement plus. Pour toutes
ces populations seules un robinet coule et permet l’approvisionnement en eau. »130.Il est clair
que les lots d’insécurité sanitaire, d’hygiène et même de sécurité nourrissent le paradoxe
pénitentiaire Camerounais au même titre qu’elle chosifie les prisonniers.

2- La nécessité de réformer le système pénitentiaire Camerounais

128
NGONO BOUNOUNGOU. Op.cit. P 327.
129
VAN DER MEERSCHEN. Op.cit.
130
SANDO (H) .Op.cit. P 27
Les gages d’une resocialisation aboutie passent impérativement par la prise en compte
par le droit de la sanction pénale de deux paramètres dont l’un réside dans l’évitement de
l’emprisonnement (a) et l’autre lié au système pénitentiaire camerounais (b)

a-Evitement du tout carcéral par les dispositions législatives.


Pour que la resocialisation soit effective au Cameroun, il faut éviter de manière la plus
large possible à envoyer des gens dans les prisons, cela passe nécessairement par la lutte de
manière constante contre le dévouement pénal, tout en faisant de la dangerosité un critère
véritable de l’incrimination en droit pénal .

- La lutte contre le ‘’dévoement ‘’ pénal.


Selon le sens général, le terme dévouement signifie inclinaison, sortie hors du droit
chemin131, le terme renvoi aussi à l’architecture ou à la médecine 132. Appliqué à la sanction
pénale, le terme ‘’dévoement’’ désignerait l’évolution négative de la sanction pénale133.C’est
dire que le dévouement pénal désigne cette mauvaise manière qu’a le droit pénal de vouloir
saisir la réalité sociologique. A tout dire il s’agit ‘’d’un recours systématique à l’arme pénale
dès qu’un fait social devient anormal’’. Il traduit la place envahissante du droit de la sanction
pénale face aux problèmes de la société. Or le droit pénal doit osciller entre « l’utile et le
juste ».Le droit pénal occupe une fonction ’’d’ultima ratio’’ c’est-à-dire que la sanction
pénale doit être utilisée en dernier recours lorsque tous les droits ont manqué ou n’en
saisissent pas efficacement le comportement à saisir. L’incrimination pénale est soutenue par
la règle de la ‘’nécessité’’. C’est le principe dit de la nécessité des peines, un principe à valeur
constitutionnelle134. Le comportement saisi par le droit pénal doit présenter un certain degré
de dangerosité pour qu’il soit incriminé.La confrontation de la sanction pénale aux droits des
victimes a pu aboutir à une dénaturation de la sanction pénale.

-La dépénalisation
Le terme dépénalisation est mal connu et attire des craintes chez ceux qui la considèrent
comme « un facteur d’ordre ou une source de désordre »135. Le terme désigne une opération

131
JACOPIN (S) Acte de colloque « le renouveau de la sanction pénale » du 2 et 3 avril 2009.
132
Ibid.
133
Ibid.
134
YAWAGA (S) « réflexion sur la constitutionnalisation de certains aspects du droit camerounais de fond »,
RSC, 2001 P 353.lire aussi VITU (A) «principe de légalité criminelle et nécessité de textes clairs et précis »,
RSC, 2001 P 555.
135
LEFEBVRE (J) » la dépénalisation, facteur d’ordre ou source de désordre ?», ARTER. Dans le même sens
lire. LEVASSEUR (G) « le problème de la dépénalisation », A.P.C, 1983 P 53. DELMAS-MARTY (M) « de
quelques aspects de la dépénalisation actuelle en France », RSC, P 1989 P 7
consistant à soustraire un agissement à la sanction du droit pénal 136. La problématique de la
dépénalisation devrait animer le législateur camerounais dans l’élaboration de la loi pénale en
partant du principe que le comportement saisi par le droit de la sanction pénale présente un
degré de dangerosité nécessaire pour être saisi par le droit (dangerosité-nécessité de protéger
la société-sanction pénale)..Le principal argument en faveur de la dépénalisation du droit
pénal des affaires est que c’est un droit récent et instable et constitue un frein à l’activité
économique. Quant à la dépénalisation des mœurs, des comportements qui relèvent de la vie
privé et qui ne présentent aucun danger pour le tissu social d’éviter peuvent quitter la sphère
pénale (on pense ici à l’adultère et à l’avortement spécifiquement).Le code pénal nécessite un
toilettage. Ainsi certains comportements aujourd’hui tombés en désuétude 137 nécessitent une
réflexion dans le sens de la dépénalisation. S’il faut revoir la manière d’infliger la sanction en
évitant de l’infliger arbitrairement, il faut aussi humaniser tant bien que mal les lieux de
détention pour que la resocialisation soit effective.

136
CORNU (G),vocabulaire juridique, 3éme. éd, P.U.F.1992.
137
Spécifiquement nous pensons ici à la mendicité, Art 245, au vagabondage, 247 . des comportements qui en
raisons de leur manque de dangerosité et vu leur contexte d’adoption ne trouvent plus raison d’être en droit
pénal.

Vous aimerez peut-être aussi