Vous êtes sur la page 1sur 7

Thème : Réflexion sur la proportionnalité des peines

LAHARINDRAIKO Danny Robson

L3- Droit Privé

Introduction générale :

Dans un souci de rendre un jugement juste, les juges sont amenées à se


conformer au principe de proportionnalité des peines. On se souvient d’un célèbre
chapitre consacré par le criminaliste Italien césar Beccaria, une plaidoirie destinée pour
le bien de la postérité : « Le tort qu'ils font au bien public et les motifs qui portent à les
commettre doivent donc être la mesure du frein qu'on cherche à leur opposer ; il doit
donc exister une proportion entre les délits et les peines. »1 La proportionnalité est de ce
fait un concept de juste équilibre entre une infraction et sa punition.

Elle fait partie des sept principes fondamentaux du droit pénal ; essentiellement un
principe protectrice en faveur du citoyen. A cet effet, on est tenté reprendre les mots du
professeur Yves, qualifiant des « peines symétriques »2 ; la proportion entre les délits et
les peines. Cette appellation sous- entend une proportion symétrique entre la peine
encourue et l’infraction commise.

La première dénomination de la « proportion » provient d’un passage fort instructif de


l’Ethique à Nicomaque, dans lequel Aristote considère que la « justice » est une
proportion. « Le juste est un milieu entre des extrêmes qui, autrement, ne serait plus en
proportion »3 écrit-il. En effet, même si le législateur ne définit de manière explicite la
notion de proportionnalité, il la prend en considération très souvent, en se référant
amplement sur la doctrine. Parfois, le législateur détermine la norme en fonction de la
proportionnalité, et le juge ne peut ainsi que l’appliquer.

Définir catégoriquement la proportionnalité n’est pas une entreprise aisée. Cette notion
qui vient tout droit de l’Arithmétique, a fait son entrée de manière conceptuelle dans la
science juridique. Bien évidemment, on se borne à cadrer notre définition dans le droit
pénal, l’objet de cette étude. Ceci étant, restons téméraire et tentons de bien caractériser
la proportionnalité précise en proportionnalité juridique. En substance, on peut, a priori,
au sens courant du terme, la définir aisément comme une : « rapport des parties entre
elles et avec leur tout »4. Cette définition donnée par Littré est loin d’être suffisante
pour diriger notre réflexion. D’autant plus que Littré fait une distinction terminologique
et syntaxique sur la qualification « proportionnément » et « proportionnable » qui

1
Beccaria, César, Traité des délits et des peines, chapitre IV : Proportion entre les délits et les peines, J. Fr.
Bastien, Coll. Bibliothèque nationale, Paris, 1877, p. 29.
2
Jeanclos, Yves, les 7 principes du droit pénal, chapitre V : Le principe de proportionnalité et d’individualisation
des peines, 2e édition, Hachette supérieur, coll. La bibliothèque de l’étudiant, Paris, 2017, p.113.
3
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, Flammarion, Paris, 1992, p.142.
4
LITTRÉ, Dictionnaire de la langue française, proportion, Hacette, Paris, 1874, vol.3, p.1353.
semble actuellement tombé en désuétude. Ainsi, la dernière édition du Dictionnaire de
l’Académie française, définit clairement la proportionnalité comme « un rapport qui
unit des grandeurs, des quantités proportionnelles entre elles, d’adéquation et d’équilibre
»5. En un sens général, la proportionnalité est un rapport adéquat entre deux choses qui
a une valeur juste et équilibre. Cette définition nous semble bien portante pour
transposer la proportionnalité précise ou mathématique en proportionnalité conceptuelle
ou juridique.

Selon le lexique juridique le principe de proportionnalité est un principe d’adéquation


de la réaction à l’action, en vigueur dans les domaines les plus variés. Le juge répressif
doit respecter un rapport de proportionnalité entre la faute commise et la sanction
prononcée. La proportionnalité s’apprécie donc particulièrement par rapport à la gravité
de l’infraction reprochée. 6

Ainsi la notion est défini juridiquement, il importe d’apporter un sens spécifique à cette
proportionnalité juridique : celle de la justice. Force est de constater que la justice est
l’emblème universelle du droit. On assimile ainsi la notion de proportionnalité à la
justice pénale. La loi, autrefois, qualifiée de draconienne, est par la lecture de l’histoire
du droit répressif, doit-être tempérée ou modéré. Il n’y a aucune justice dans une
punition odieuse. Au contraire, l’acte relève de l’absurdité et de la tyrannie.

Notre code pénal, est marqué, selon l’influence grandissante de la pensée occidentale
dans notre geste de reprise de l’ancien code pénal Français de 1810. Dans son exposé
des motifs, l’intérêt et le salut de la société dirigent l’esprit de ce fameux code.
Cependant, il est judicieux de préciser que contrairement à notre code pénal, celui de la
législation française en vigueur est explicite dans le principe de proportionnalité des
peines, notamment dans l’article 130-1 du code pénal français7.

Le souci de la stricte proportion était déjà établi par l’article 8 de la Déclaration des
droits de l’homme et des citoyens : « La loi ne doit établir des peines strictement et
évidemment nécessaire ». Une Déclaration qui conditionne l’esprit des rédacteurs du
code pénal de 1810 ; il confie au juge un pouvoir empreint de flexibilité pour la
détermination des sanctions qui doivent être « strictement et nécessaire ». L’article 8
précité, sous l’influence des esprits de lumière, évite pour la première fois la montée
aux extrêmes dans la détermination des peines alors que le code pénal ancien (en vigueur
à Madagascar) est connu par sa sévérité pour l’infraction classée comme crime.8

5
« Proportionnalité », Dictionnaire de l’Académie française, 9 éd., vol. 3, 2011 :
e

[https://www.dictionnaireacademie.fr/article/A9P4627], consulté le 17 mars 2O23.


6
Lexique des termes juridiques, principe de proportionnalité, 21e édition, Dalloz, Paris, 2014, p.734.
7
Loi n°20146-096 du 15 août 2014-art. 1 : « Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la
commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime,
la peine a pour fonction :
1° De sanctionner l’auteur de l’infraction ;
2° De favoriser son amendement, son insertion ou réinsertion.
8
Les évolutions du code pénal, Cabinet ACI : Actualité juridique, 26 février 2023,
[https//www.cabinetaci.com/Les evolutions du code pénal/ 26 février 2023], consulté le 16 mars 2023.
La différence est celui de 1994, instiguant réellement la proportionnalité des peines. Si
le besoin de la proportionnalité inquiète tant le droit pénal actuel, son contrôle demeure
peu pratique, alors que l’article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne précise expressément dans son dernier alinéas que : « L'intensité des peines
ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'infraction ».

Etudier la réalité de la proportionnalité des peines sous le prisme de la science juridique


exige une dimension disciplinaire vaste qui forge ensemble la doctrine du droit pénal,
en particulier l’influence de la sociologie criminelle, la philosophie, l’histoire de droit
et la littérature juridique. A cet égard, Durkheim définit la peine comme « une
répression infligé non pas par un organe indéfini par un tribunal »9. Cette démarche nous
a permis de délimiter approximativement l’étude de cette réflexion académique mais
son fondement historique éclaire encore plus sa justesse.

Le principe de proportionnalité a une grande remonté historique. Elle coïncide


avec l’histoire de la première trace du tribunal de l’humanité. On remarque en effet dans
un regard très lointain du passé que le Papyrus judiciaire de Turin rendait un jugement
juste et proportionnel alors même qu’il s’agissait d’un crime odieux envers un pharaon
de l’Egypte. En – 1144, après le décès du grand Ramsès III, victime d’un complot
fomenté par sa deuxième épouse. Son successeur Ramsès IV proclame que les
magistrats « fassent mourir de leur propre main ceux qui doivent périr » et « mettent à
exécution le châtiment des autres » : ils devront « veiller à ne pas appliquer de châtiment
qui soit injuste »10 ou disproportionné selon certains traducteurs11.

Si l’on conçoit la justice comme un idéal de droit ; le principe de proportionnalité est un


moyen d’atteindre la justice pénale. L’histoire du droit répressif en témoigne par la
tangibilité mouvante de la proportionnalité. Le chemin non- linéaire12 que parcourt cette
notion est presque évolutive dans l’histoire. Déjà, utilisé atrocement dans le Code
d’Hammourabi, la loi du talion était une interprétation littérale de la proportionnalité.
Cette idée de proportion était également issue de la culture gréco-romaine, associée au
nom d’Aristote et à la loi salique. La culture orientale, en l’occurrence le droit impérial
chinois dès la fin du Vème siècle n’est pas épargnée par cette notion.

Précisons cependant que jusqu’au XVIIIe siècle, il ne s’agit que d’une utopie juridique,
un principe morale de la justice. C’est surtout XIXe siècle qu’elle est devenu un principe

9
DURKHEIM, Emille, léçon de sociologie criminel, Flammarion, coll. Bibliothèque de savoir, 2022, p.14, livre
électronique google book.
10
Chetard, Guillaume, La proportionnalité de la repression : étude sur les enjeux du contrôle de
proportionnalité en droit pénal français, thèse en vue de l’obtention du diplôme de doctorat, Strastbourg, p.14
11
V. la traduction proposée par THÉODORIDÈS, « La peine dans le régime pharaonique », Recueils de la Société
Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, 1991, p. 26-27 : « … veillez à ne pas faire appliquer de
châtiment à un inculpé irrégulièrement ni disproportionnellement. »
.
12
« Non-linéaire », il faut signifier ce mot dans un sens figuré ; la proportionnalité ici, ne suit pas un dessin
linéaire, c’est-à-dire, il ne concerne pas qu’un seul pays (Egypte), le principe va en effet va se construire au fur
et à mesure de l’histoire du droit dans différent pays.
de droit à mettre en pratique, martelée par la révolution française sous l’influence des
théoriciens et philosophe des lumières : Rousseau, Montesquieu, Beccaria, etc.

Ce mouvement va aboutir à l’adoption de l’article 8 précité de la première déclaration


du droit de l’homme en France.

La consécration de ce principe, actuellement, recouvre l’ensemble du droit mais non


uniquement le droit pénal. C’est le cas notamment du contrôle de proportionnalité opéré
par la juridiction administratif française.

L’objet de la présente étude touche particulièrement la proportionnalité de la


répression en droit pénal.

L’actualité juridique semble ne pas tenir rigueur de la modération des peines. Même si
cette préoccupation inquiète le droit depuis l’Antiquité, l’époque contemporaine reste
hésitante sur la théorie et la pratique.

La méthode de la répression intéresse particulièrement la société actuelle en raison de


l’internationalisation de droit de l’Homme.

L’évolution du droit positif semble avoir pris de vitesse à ceux de la doctrine. La notion
de proportionnalité, en droit pénal comme dans les autres branches du droit relevant de
la compétence en principe de l’autorité judiciaire. Le problème ne vient pas uniquement
de l’effectivité du contrôle mais surtout aux modalités de son exercice. C’est dans ce
sens que la présente étude témoigne l’importance de la proportionnalité des peins dans
le droit pénal malgache.

Afin de parvenir pleinement à une proportionnalité et à permettre aux juges


d’appliquer ce principe, il convient soigneusement de poser la question phare de notre
réflexion : « Dans quelle mesure la proportionnalité des peines constitue-t-elle un
moyen juridique incontournable dans la bonne voie de la justice ? »

Il est nécessaire de dresser préalablement un plan qui nous sert de tremplin dans
l’analyse de ce thème, la première partie sera dans ce cas consacrée à l’omniprésence
du principe fondamentale de la proportionnalité des peines (première partie).Ensuite,
on verra les enjeux de la proportionnalité des peines : garant de la justice pénale
(deuxième partie).
PREMIERE PARTIE : LA PROPORTIONNALITE DES PEINES : UN
PRINCIPE FONDAMENTALE OMNIPRESENT

Titre I : Un principe à portée général : le paradigme répressif et évolutif de la peine

Chapitre 1 : Dimension historique de la recherche de la proportionnalité de la


répression

Section 1 Légitimité du droit de punir : historique universelle de la répression

Section 2 Structure des peines avant et après la colonisation de Madagascar

Chapitre 2 Consécration et diffusion du principe dans les droits nationaux

Section 1 Ecran internationale et régionale du principe

Section 2 Formulation du principe dans l’ordonnancement juridique

Titre II : Fonction spécifique de la proportionnalité-mesure

Chapitre 1 Notion de proportionnalité-mesure des peines

Section 1 Assimilation de la proportionnalité beccarienne

Section 2 Persistance de l’utilitarisme Bentham

Chapitre 2 Régime générale de proportionnalité-mesure

Section 1 une portée en matière de peine

Section 2 Le recours nécessaire à la proportionnalité-justification

DEUXIEME PARTIE : LES ENJEUX DE LA PROPORTIONNALITE :


GARANT DE LA JUSTICE PENALE

Titre I : Contrôle de proportionnalité dans le jugement pénal


Chapitre 1 La figure chronologique du contrôle

Section 1 le contrôle a priori

Section 2 le contrôle a posteriori

Chapitre La figure hiérarchique du contrôle

Section 1 Le contrôle dans la jurisprudentielle constitutionnelle en Afrique incluant


Madagascar

Section 2 Le contrôle au niveau de la haute juridiction

Titre II. Absence de proportionnalité dans l’incrimination

Chapitre 1 La peine de mort : punition suprême disproportionnée


Section 1 La nature et exécution de la peine de mort

Section 2 La position de droit de l’homme

Chapitre 2 : Cas délicat de la responsabilité des mineurs

Section 1 : absence de discernement

Section 2 : La protection de l’enfant

Vous aimerez peut-être aussi