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La Semaine Juridique Edition Générale n° 1-2, 12 Janvier 2015, doctr. 34

Les sept piliers de la sagesse du droit . - 12 janvier 1815 - 12 janvier 2015


Etude par Pierre Sargos
président de chambre honoraire à la Cour de cassation

Lois et règlements

Sommaire

La prolifération, tant en France que dans l'Union européenne et aux États-Unis, de lois et règlements d'un volume
démesuré est devenu un facteur de régression de l'État de droit, tant, pour reprendre une expression devenue truisme,
« trop de lois, tue la loi ». Mais le droit ne doit pas être la victime collatérale de l'obésité normative. Sa survie passe, à
travers le processus capital de son interprétation, par le recours à des principes matriciels transversaux, reposant sur les
idées de raison, de cohérence et de respect des droits des personnes, qui, au nombre de sept, sont les piliers de la sagesse du
droit.

1. - Le 12 janvier 1815 la Cour de cassation rendit, avec l'arrêt MarietteNote 1, son plus grand arrêt de méthodologie,
voire de philosophie du droit. Le litige concernait un article du Code de procédure civile de 1806 qui, pris à la lettre,
impliquait qu'un huissier procédant à une saisie immobilière devait être le même jour à Paris et dans une autre ville à
plus de 300 kmsNote 2. La Cour posa dans cet arrêt deux axiomes intemporels : « Les lois ne doivent s'entendre que dans
un sens raisonnable et suivant un mode d'exécution possible » ; « Il ne faut pas aller contre l'esprit de la loi ».Ces
axiomes renvoient à la pierre philosophale du droit, c'est-à-dire son interprétation, à propos de laquelle trois
noms doivent être mis en exergue : Portalis, François Gény et Michel Troper.

2. - L'arrêt Mariette est l'application de la pensée dePortalis dans son Discours préliminaireNote 3 au Code civil, dont
les éléments les plus forts sont consacrés au processus d'interprétation de la loi. Portalis souligne ainsi que : « C'est au
magistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l'esprit général des lois, à en diriger l'application (...). La science du législateur
consiste à trouver dans chaque matière les principes les plus favorables au bien commun : la science du magistratest de
mettre ces principes en action, de les ramifier, de les étendre, par une application sage et raisonnée (...)d'étudier l'esprit
de la loi quand la lettre tue »Note 4.

3. - Cette méthodologie sera trahie à partir du dernier tiers du XIXe siècle par une conception exégétique des textes,
illustrée par l'arrêt du Canal de CraponneNote 5 qui vit, en 1876, la Cour de cassation refuser la révision d'une redevance
contractuelle fixée en 1560. Fr. Gény a réagi contre cette régression dans son ouvrage publié en 1899Note 6 en
développant l'idée de l'importance de l'interprétation dans la construction d'un droit vivant. Il théorise ainsi des «
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Principes directeurs de l'interprétation de la loi »Note 7 en soulignant que « La loi n'est que l'un des nombreux
éléments de l'interprétation juridique, envisagée dans son ensemble. Insuffisante par elle-même à satisfaire toutes les
exigences des rapports humains, qui méritent reconnaissance juridique, elle admet, à côté d'elle, d'autres sources
formelles du droit positif (...) qui doit, avant tout, satisfaire aux nécessités de la vie juridique (...) tenir compte du lien
indéniable qui l'unit à tout mouvement social, en développant son contenu d'une façon progressive, et faisant varier la
volonté, dont elle est l'expression, comme elle eût effectivement varié, si le législateur avait pu envisager d'un coup
d'oeil tout le cours de l'évolution sociale ?Note 8 ». Et Gény rejoint Portalis et l'arrêt Mariette lorsqu'il enjoint de s'écarter
de la « superstition de la loi écrite »Note 9.

4. - M. TroperNote 10 a poussé jusqu'au bout de sa logique le concept d'interprétation. Il relève ainsi que : « La norme
supérieure que le juge applique ne lui est pas donnée. C'est à lui qu'il appartient de la créer (...), ce qui préexiste au
jugement n'est pas une norme, mais un texte (...). La norme n'est pas ce texte, mais seulement sa signification. Avant
d'énoncer un jugement, il appartient au tribunal d'interpréter le texte, c'est-à-dire d'en déterminer la signification (...). Ce
choix, couramment appelé interprétation, consiste dans la détermination de la signification d'un texte, c'est-à-dire la
norme applicable (...) Interpréter la loi, c'est en réalité la refaire »Note 11. « Avant l'interprétation, il n'y a pas de norme,
mais un simple texte »Note 12. « Interpréter, c'est attribuer une signification »Note 13.

5. - La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a renforcé l'importance cardinale de l'interprétation, qui,


pour reprendre la formule de B. Mathieu « est au coeur de la QPC »Note 14. En effet, une loi en elle-même conforme à la
Constitution, peut, si elle est interprétée d'une certaine façon, « porter atteinte aux droits et libertés que la Constitution
garantit » (Const. 1958, art. 61-1 issu de la révision du 23 juillet 2008). Le Conseil constitutionnel a donc très justement
décidé le 6 octobre 2010Note 15 que « Tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective
qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative ».La pensée de Gény est ainsi
consacrée, notamment lorsqu'il écrit qu'il faut se fonder sur « l'autorité des principes ou même des conceptions
juridiques, en vue de développer le sens du texte »Note 16. Et, dans la conclusion intitulée Résumé général et vues
d'avenir de l'édition de 1919Note 17, il fait une observation capitale sur la notion de valeur et la nécessité d'un contrôle de
l'interprétation au plus haut niveau de l'ordre institutionnel : « Entre les résultats des divers moyens de l'interprétation du
droit positif, s'établit une hiérarchie des valeurs, qui se traduit notamment dans la portée du contrôle, exercée par la
juridiction suprême de cassation ou de révision ».

6. - L'interprétation créatrice repose donc, au plus haut niveau de l'ordre juridique, sur les droits et libertés
consacrés par la Constitution et le contrôle du Conseil constitutionnel. Toutefois, il existe aussi d'autres principes
du droit porteurs de valeurs qui ont vocation à irriguer et guider tous les juges dans l'interprétation du droit. Il
s'agit des principes matriciels transversaux - c'est-à-dire valant dans l'ensemble d'un système juridique positif, par
opposition aux principes sectoriels concernant seulement un segment du droit - transcendant en quelque sorte, soit
l'absence de texte, soit des textes trop souvent marqués par l'inflation, la contingence et la factualité, sinon la vacuité.
Ces principes matriciels de l'ensemble du droit peuvent être considérés comme les piliers de la sagesse du droit. On en
identifiera sept regroupés sous deux catégories : d'une part, les principes matriciels du droit fondés sur l'exigence de
raison et de cohérence du droit (1), d'autre part, les principes matriciels reposant sur l'exigence de respect des droits des
personnes (2).

1. Les principes matriciels du droit fondés sur l'exigence de raison et de


cohérence du droit
7. - P. BouretzNote 18 souligne que le droit, en tant qu'idée et par son contenu, est « doublement déterminé par la
raison » et que les décisions rendues par les juges doivent être « conformes à l'idéal de justice et àl'exigence de
cohérence du droit ». L'arrêt Mariette, qui a su dépasser la lettre d'un texte aboutissant à une absurdité, est l'exemple
parfait de cette exigence de raison et de cohérence. Trois grands principes matriciels se rattachent à cette exigence : le
principe de bonne foi, le principe de proportionnalité, et le principe de sécurité juridique
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A. - Le principe matriciel de bonne foi

8. - Dans L'éthique à Nicomaque, Aristote condamne en une formule savoureuse celui qui « épluche la loi au mauvais
sens du terme »Note 19, c'est-à-dire celui qui n'est pas de bonne foi dans l'exercice de ses droits. On connaît l'importance
de la bonne foi dans le droit romain et dans l'ancien droit français. Le Code civil l'a consacrée comme un principe
général, même si son article 1134 ne vise que la bonne foi dans l'exécution des contrats. On lit ainsi dans les travaux
préparatoires du Code civilNote 20 que dans sa version initiale cet article précisait que les conventions doivent être
contractées et exécutées de bonne foi. C'est Portalis qui avait demandé le retranchement du verbe contracter en
observant que les dispositions antérieuresNote 21 le rendaient « inutile ».

9. - Dès 1807 par l'avis de Tilsit Note 22 le Conseil d'État a confirmé la pérennité et l'ampleur de ce principe. La loi du
28 pluviôse an VIII sur la division du territoire de la République et l'Administration avait réorganisé les municipalités,
mais sans recréer leurs anciens secrétaires et secrétaires généraux, qui délivraient sous leur signature des extraits d'actes
de l'état civil. Or des employés de mairie, bien que désormais sans habilitation, avaient continué à signer de tels extraits.
Le ministre de l'Intérieur, inquiet des conséquences de ces errements sur la validité de milliers d'actes, avait demandé
l'avis du Conseil d'État, qui en a délibéré le 6 juin 1807, l'empereur approuvant cet avis à Tilsit le 2 juillet 1807. Le
Conseil d'État constate certes l'illégalité commise, mais rejette toute mise en cause rétroactive des extraits en raison de
la bonne foi et de l'erreur commune de tous les protagonistes. Il a cette superbe formule : « De tout temps, et dans toutes
les législations, l'erreur commune et la bonne foi ont suffi pour couvrir dans les actes des irrégularités que les parties
n'avaient pu ni prévoir ni empêcher » et conclut que « Tous les extraits des registres des actes de l'état civil délivrés
depuis la loi du 28 pluviôse an VIII, sous le certificat et la signature des employés dits secrétaires ou secrétaires
généraux de mairie, jusqu'au jour de la publication du présent avis, doivent être considérés comme authentiques ». Non
seulement le Conseil d'État consacre la bonne foi valant droit, mais il invente la modulation des effets d'une annulation
dans le temps, qu'il ne redécouvrira qu'en 2004 avec l'arrêt AC !Note 23.

10. - Le principe de la bonne foi présente deux aspects :- d'une part, la croyance excusable (malgré les précautions
prises) que l'on agit conformément au droit. Il s'agit de ce que le droit allemand et le droit suisse appellent le Guter
Glaube. L'avis de Tilsit - à la doctrine duquel la Cour de cassation a adhéré avec l'arrêt Rueff du 18 janvier 1830Note 24-,
illustre cette signification ;- d'autre part, celui de loyauté, au sens le plus large. Il s'agit du Treu und Glauben du droit
allemand et suisse.Fr. GorpheNote 25 a fait une analyse pénétrante et comparative de ces deux aspects du principe de
bonne foi ; mais il met aussi en lumière son unité fondamentale reposant sur une exigence de nature morale pesant sur
tous les acteurs et sujets de droit. La Constitution suisse du 18 avril 1999 illustre cette importance en édictant que « Les
organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme à la bonne foi »Note 26 et que « Toute personne a le
droit d'être traité par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi »Note 27.

11. - La « bonne foi croyance excusable » reste d'actualité, comme en témoigne l'arrêt TartièreNote 28 ou encore l'arrêt
Domaine de la PérelleNote 29 qui refusèrent d'annuler des ventes immobilières illicites en raison de la bonne foi des
personnes ayant agi sous l'empire d'une erreur commune et légitime. L'erreur commune reposant sur la bonne foi crée
un titre de propriété valable malgré le vice affectant la cession. Quant à la « bonne foi loyauté », au sens large, elle
présente plusieurs déclinaisons juridiques et connaît un renouveau bienvenu au Conseil d'État. Une partie de la doctrine,
avec la réflexion de référence de D. MazeaudNote 30, plaide pour une conception de la bonne foi prenant en compte des
éléments plus vastes que les simples intérêts privés (solidarisme contractuel, nécessité du maintien d'une activité,
protection des tiers...). On citera aussi la thèse de Ph. Stoffel-MunckNote 31, et son idée de « norme de civilité » de la vie
sociale.La Cour de cassation a donné une grande force au principe de bonne foi, pris sous ses deux aspects, en décidant
par l'arrêt Veuve Picot du 5 novembre 1913Note 32 que « la bonne foi est toujours présumée et qu'il incombe à celui qui
allègue la mauvaise foi de la prouver ».

12. - Parmi les déclinaisons du principe de bonne foi on citera : - la théorie de l'imprévision, à propos de laquelle la
Cour de cassation après l'avoir niée jusqu'à la déraison par l'arrêt déjà cité du Canal de Craponne a marqué de timides
avancéesNote 33, mais qui sont loin de la doctrine de raison, constante depuis 1916, du Conseil d'ÉtatNote 34 ;- la théorie
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du mandat apparent, qui repose sur la bonne foi de celui qui croit légitimement que son contractant dispose d'un
mandat ;- la théorie de l'enrichissement sans cause ;- la théorie des troubles anormaux de voisinage ;- le devoir
d'information dans les contratsNote 35 ;- le solidarisme contractuel défendu avec brio par D. MazeaudNote 36 ; - la théorie
de l'estoppel, application procédurale de la bonne foiNote 37.

13. - Le Conseil d'État a donné une vigueur nouvelle au principe de bonne foi, pris au sens large de loyauté, par les
arrêts Commune de Béziers de 2009 (Béziers 1) et de 2011 (Béziers 2)Note 38, en proclamant, d'une part, « l'exigence de
loyauté des relations contractuelles », d'autre part, la nécessité, dans l'appréciation des conséquences d'une irrégularité,
de « tenir compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles », ce qui rejoint la position défendue par D.
MazeaudNote 39.Mais, comme sa variante « croyance excusable », le concept de « bonne foi - loyauté » dépasse
largement le cadre contractuel pour irriguer la totalité des activités et comportements humains. En 2011, la Cour
de cassation dans sa plus haute formationNote 40, a ainsi consacré un principe de loyauté dans l'administration de la
preuve, tandis qu'en 2014, le Conseil d'État, a fait de même en matière disciplinaireNote 41.

B. - Le principe matriciel de proportionnalité

14. - Même si l'on peut avec Fr. TerréNote 42 s'interroger sur l'explosion contemporaine du concept de proportionnalité,
tant il est vrai, comme le disait déjà Aristote dans l'Éthique à NicomaqueNote 43, que le juste est « quelque chose de
proportionnel », il n'en demeure pas moins qu'au plus haut niveau des ordres juridiques nationaux et européens le
principe de proportionnalité est maintenant consacréNote 44.Le principe de proportionnalité est la mesure de la
légitimité : d'une part, des actes de recherche et de poursuite des infractions pénales et de leurs sanctions, d'autre
part, de toute contrainte et condamnation, quelle qu'en soit la nature ; enfin, de toute restriction apportée à un
droit ou à une liberté.

15. - Le principe de proportionnalité a d'abord été reconnu en matière pénale, au Royaume-Uni avec la Grande Charte
de 1215Note 45 et le Bill of rights de 1689Note 46 ; puis en France avec la Déclaration de 1789Note 47. Le Conseil
constitutionnel a une conception extensive de la notion de peine, qu'il définit comme « Toute sanction ayant le caractère
d'une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle »Note
48 ; et il applique le principe de proportionnalité aux mesures d'investigation pénale, qui « doivent être nécessaires à la
manifestation de la vérité et proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises »Note 49.

16. - S'agissant de l'application du principe de proportionnalité à l'atteinte à des droits ou libertés, toutes les juridictions
exercent un contrôle de leur nécessité et de leur adéquation. Ainsi, dans l'arrêt Plon du 18 mai 2004, la Cour EDH a
condamné l'interdiction de la diffusion d'un livre concernant la maladie dont était mort Fr. Mitterrand au motif « qu'elle
ne correspondait plus à un besoin social impérieux et s'avérait donc disproportionnée »Note 50. Un récent arrêt du 18
septembre 2014Note 51 a décidé que le maintien pendant 20 ans dans un fichier des infractions (STIC) de renseignements
sur une plainte classée sans suite concernant une personne s'analysait en une atteinte disproportionnée au droit de cette
personne au respect de sa vie privée et ne pouvait passer pour nécessaire dans une société démocratique.Le Conseil
constitutionnel, par une décision du 27 mars 2014Note 52, a déclaré contraire à la Constitution une disposition limitant le
droit pour un chef d'entreprise de refuser une offre de reprise car elle portait « tant au droit de propriété qu'à la liberté
d'entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ». Le Conseil d'État veille
aussi à ce que des mesures réglementaires d'interdiction ou de contrainte ne méconnaissent pas le principe de
proportionnalité. Un arrêt du 15 mai 2009Note 53 a ainsi annulé l'interdiction générale de certains produits au motif
qu'elle « était une mesure excessive et disproportionnée ». La Cour de cassation s'est aussi engagée dans la même
consécration d'un champ d'application extensif. Un arrêt du 15 décembre 2009Note 54 a visé « le principe de
proportionnalité ». L'arrêt Fountaine Pajot du 1er décembre 2010Note 55 a franchi un nouveau pas en approuvant le refus
de l'exequatur de l'arrêt d'une cour d'un État américain au motif que le montant des dommages intérêts punitifs alloués
était disproportionnéau regard du préjudice subi et des manquements aux obligations contractuelles du débiteur.

17. - Le principe de proportionnalité a aussi vocation à jouer un rôle préventif dans la préparation d'une nouvelle
législation dont les effets par rapport au statu quo devraient faire l'objet d'une étude, sinon d'une expérimentation,
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destinée à établir si les bénéfices espérés du changement sont raisonnablement proportionnés au regard des
inconvénients du statu quo. Déjà en 1899 R. Saleilles, dans sa préface du livre de Fr. Gény, soulignait l'intérêt de
« procédés d'expérimentation préalables » et attirait l'attention sur l'existence en Angleterre des lois dites de local
option. Mais la France, malgré la révision constitutionnelle issue de la loi n° 2003-276 du 28 mars 2003, qui a inséré
deux dispositions sur l'expérimentation législative dans la Constitution, reste timorée dans ce domaine.

C. - Le principe matriciel de sécurité juridique

18. - L'avis de Tilsit de 1807 est la première décision à avoir reconnu l'exigence de la sécurité juridique. En décidant, en
effet, que jusqu'au jour de la publication de son avis les errements antérieurs étaient « couverts » par l'effet de la bonne
foi et de l'erreur commune, le Conseil d'État décide que l'annulation prendrait effet seulement à partir de cette
publication. L'avis de Tilsit a « inventé » l'idée de modulation des effets dans le temps de l'annulation d'un acte afin de
limiter les effets dévastateurs pour la sécurité juridique d'une annulation rétroactive. En 1911, R. Demogue consacrait à
la sécurité juridique deux chapitres de son ouvrage Les notions fondamentales du droit civilNote 56. Il y soulignait ainsi
que le besoin de sécurité était le « plus grand des desiderata de la vie juridique et sociale, son moteur central » et que
« Donner de la sécurité aux individus, cette idée, si simple, a dans le droit de nos jours une importance colossale. Elle
est à la base de principes très importants concernant soit les sources du droit, soit le droit public, soit le droit privé »Note
57.

19. - Cette « importance colossale » pressentie par Demogue s'est largement confirmée tant dans le droit
constitutionnel, que privé, public ou européen, la Cour de justice des Communautés européennes ayant dès 1962 par
l'arrêt Bosch reconnu un « principe général de sécurité juridique »Note 58. La prise de conscience de l'exigence de
sécurité juridique dépasse d'ailleurs le cadre européen, comme en témoigne le quatrième colloque des juristes de la
Méditerranée, qui se tint à Alger en décembre 2012 consacré à la sécurité juridiqueNote 59. De façon synthétique, on
peut identifier deux grands aspects dans le principe de sécurité juridique : l'exigence de qualité du droit, d'une
part, l'exigence de prévisibilité du droit, d'autre part. Ces exigences s'imposent tant au législateur qu'aux
organes chargés d'appliquer la norme et soulèvent la délicate problématique de l'intelligibilité des lois et des
décisions juridictionnelles, ainsi que de leur rétroactivité.

20. - Lorsque l'Assemblée constituante le 5 juillet 1790 décida que « les lois civiles seraient revues et réformées par les
législateurs et qu'il serait fait un code général de lois simples, claires et appropriées à la Constitution »Note 60, elle a
posé l'exigence de qualité de la loi qu'implique le principe de sécurité juridique. Le Conseil constitutionnel a repris cette
idée avec ce qu'il appelle une « exigence d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi »Note 61, qui est un objectif de valeur
constitutionnelle, découlant des articles 4 à 6 et 16 de la Déclaration de 1789, qui impose au législateur « d'adopter des
dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une
interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur les autorités administratives
ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ». La
Cour EDH va dans le même sens avec, notamment, l'arrêt PlonNote 62 déjà cité dans lequel elle énonce que la loi est «
une norme énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite ».Le Conseil d'État est aussi
sensible à cette exigence, comme en témoigne son étude Sécurité juridique et complexité du droitNote 63, dans laquelle il
fustige « l'intempérance normative », source d'instabilité, de complexité et d'un droit peu lisible et peu accessible.

21. - L'exigence d'intelligibilité s'applique aussi à la motivation des décisions de justice. Déjà en 1539 l'Ordonnance de
Villers-Cotterêts recommandait de faciliter « l'intelligence des arrêts » en les écrivant « clairement ». Le Conseil d'État,
en avril 2012, a publié un rapport sur La rédaction des décisions de la juridiction administrative, et son vice-président,
M. Sauvé, dans un discours prononcé le 13 octobre 2014 devant la cour administrative d'appel de BordeauxNote 64 a
insisté sur la nécessité, au regard de l'exigence d'intelligibilité, de faire apparaître dans la motivation des décisions de
justice l'interprétation des règles de droit, l'analyse des circonstances de fait et le raisonnement suivi par le
juge.Longtemps la Cour de cassation sut rendre des arrêts d'une qualité rédactionnelle alliant précision et explication de
l'interprétation retenue. Sa chambre des requêtesNote 65 fut notamment un exemple jusqu'à sa suppression en 1947.
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Malheureusement la chambre civile - puis ses démembrements - et criminelle ont trop souvent sombré, sous prétexte de
concision, dans un hermétisme inintelligible, source de confusion quant à la portée des arrêts, qui persiste, voire
s'aggraveNote 66. Les avertissements ne manquèrent pourtant pas : dès 1911, R. Demogue s'élevait contre l'absence de
réelle motivation des arrêts de la Cour de cassationNote 67. En 1974, Touffait et TuncNote 68 reprirent cette critique. On
veut espérer que l'initiative prise en octobre 2014 par le premier président de la Cour, M. Louvel, d'instituer un Comité
de réflexion sur la réforme de la Cour de cassation, dont les travaux aborderont la question de la motivation des arrêts,
aboutira à une amélioration.

22. - La question de la rétroactivité est aussi au coeur de la sécurité juridique, et cela tant en ce qui concerne la loi que
la jurisprudence. S'agissant de la loi, on ne citera que pour mémoire, tant il est connu, le caractère absolu de la
non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, imposée par l'article 8 de la Déclaration de 1789, et qui fait aussi partie
des principes généraux du droit communautaireNote 69 ; le Conseil constitutionnel ayant une conception extensive de la
non-rétroactivité des sanctions qui « ne concerne pas seulement les peines applicables par les juridictions répressives
mais s'étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a cru devoir laisser
le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire »Note 70.Mais la non-rétroactivité de toute loi est au coeur
du principe matriciel de la sécurité juridique, comme l'exprime l'article 2 du Code civil : « La loi ne dispose que pour
l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ». L'arrêt Savournin, rendu sous la présidence d'H. du Pansey, le 26 juin 1827,
par la chambre des requêtes de la Cour de cassationNote 71 qualifiait même la non-rétroactivité de « principe d'éternelle
justice (...) absolu » qui « n'admet d'autres exceptions que celles que la loi pourrait établir ». Mais à partir du premier
quart du XXe siècle des exceptions à la frontière incertaine - donc source d'insécurité - furent introduites (théorie des
droit acquis, des situations juridiques dont les effets se prolongent dans le temps...)Note 72.

23. - Heureusement, la jurisprudence récente revient à la doctrine de l'arrêt Savournin de 1827, à savoir qu'il
n'appartient qu'au législateur de décider de façon explicite d'une dérogation au principe de la non-rétroactivité,
une telle dérogation devant reposer sur un impérieux motif d'intérêt général et ne pas porter une atteinte
disproportionnée à des droits et libertés garantis par la Constitution.La Cour de cassation, par un arrêt du 9
décembre 2009Note 73, a ainsi décidé à propos de l'abrogation d'un article du Code civil que « la loi nouvelle ne
s'applique pas, sauf rétroactivité expressément décidée par le législateur, aux actes juridiques conclus antérieurement à
son entrée en vigueur ».Le Conseil d'État, par l'arrêt Compagnie générale des eaux du 8 avril 2009Note 74, énonce que
dans le cas où une loi n'a pas expressément prévu l'application des normes nouvelles qu'elle édicte aux situations
contractuelles en cours à la date de son entrée en vigueur, « elle ne peut être interprétée comme autorisant implicitement
une telle application que si un motif d'intérêt général suffisant lié à un impératif d'ordre public le justifie et s'il n'est dès
lors pas porté une atteinte excessive à la liberté contractuelle ».Le Tribunal des conflits, par un arrêt du 13 décembre
2010Note 75, a décidé que seul un motif impérieux d'intérêt général peut permettre de donner à une loi une portée
rétroactive.Le Conseil constitutionnel marque aussi de la rigueur. Par une décision du 19 décembre 2013Note 76, il
énonce que s'il est « loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs
ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions », il ne saurait, toutefois priver de garanties
légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter
atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitiment être attendus de telles
situations ». Par cette décision le Conseil constitutionnel introduit la notion « d'espérance légitime » consacrée par la
jurisprudence de la Cour EDH pour faire obstacle à l'application rétroactive de lois réduisant des droits consacrés par
une loi ou une jurisprudence antérieure. Enfin, le Conseil constitutionnel se rapproche encore davantage de la doctrine
de la Cour EDH en énonçant par sa décision du 14 février 2014Note 77 que la rétroactivité d'une modification législative
ou d'une loi de validation impose l'existence d'un « motif impérieux d'intérêt général ».

24. - Les décisions juridictionnelles, lorsqu'elles interprètent une règle de droit sont aussi - sinon davantage - au
coeur du principe matriciel de la sécurité juridique. En effet, comme l'a souligné J. RiveroNote 78, l'interprétation du
juge va produire ses effets à l'égard des faits ou actes commis avant le jugement, de sorte qu'il a un effet rétroactif.
Lorsqu'il s'agit de la première application d'une loi, l'atteinte est relativement limitée. Par contre, la situation est plus
grave au regard de la sécurité juridique lorsque la jurisprudence avait déjà donné une certaine interprétation et que, par
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la suite, elle la modifie, de telle sorte qu'une partie qui avait agi en se conformant à la première interprétation voit ses
prévisions déjouées, voire sa responsabilité engagée, en raison de la nouvelle.

25. - La jurisprudence n'a longtemps attaché qu'une attention insuffisante à l'importance de la question. À l'inverse, une
partie de la doctrine, à partir des années 1990, a engagé un combat sans nuance contre la possibilité même d'un
revirement ayant un effet rétroactif. Ch. Mouly estimait même que les effets sur le passé des revirements de
jurisprudence étaient « insoutenables »Note 79.Les juridictions, aussi bien européennes que nationales, ont su mettre un
terme à « l'insoutenable légèreté » tant de la négation de la difficulté, que de son exagération.Dès 1979, la Cour EDH,
par l'arrêt MarckxNote 80, énonçait que « les conséquences pratiques de toute décision juridictionnelle doivent être
pesées avec soin mais on ne saurait aller jusqu'à infléchir l'objectivité du droit et compromettre son application future en
raison des répercussions qu'une décision de justice peut entraîner pour le passé ». Et dans un arrêt plus récentNote 81 elle
explicite clairement, en visant l'arrêt Marckx, la portée de cette énonciation, en précisant que « les exigences de la
sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une
jurisprudence constante ».La Cour de cassation, par un arrêt du 9 octobre 2001Note 82, a statué dans le même sens en
soulignant dans son rapport annuelNote 83 qu'en matière de revirement « l'objection tirée de la sécurité juridique ne peut
être occultée » et qu'il faut des motifs valables, comme l'impose la jurisprudence de la Cour EDHNote 84, pour y
procéder. Et dans cette affaire - relative au devoir d'information du médecin - elle précise que la raison valable du
revirement opéré reposait sur la valeur majeure de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.Le Conseil d'État
statue dans le même sensNote 85 ; et son vice-président M. Sauvé a récemment insisté sur l'idée qu'il faut « trancher les
litiges d'une manière cohérente avec la jurisprudence établie et ne s'engager que d'une main informée et prudente dans
des revirements de position »Note 86.On peut donc dire en substance que le principe matriciel de sécurité juridique
n'interdit pas un revirement jurisprudentiel à effet rétroactif - sauf s'il prive une partie de son droit d'agir en
justice Note 87 -, mais impose qu'il soit fondé sur une raison valable, que les juges doivent faire apparaître dans
leur motivationNote 88.

2. Les principes matriciels du droit fondés sur l'exigence de respect des droits
des personnes
26. - Il ne faut pas se méprendre sur la distinction entre, d'une part, les principes matriciels liés à l'exigence de raison et
de cohérence du droit, d'autre part, les principes matriciels liés à l'exigence de respect des droits des personnes. Les
deux concourent à une meilleure protection des droits dans tous les aspects de la vie. Mais les premiers sont plutôt des
principes matriciels de l'application du droit, tandis que les seconds sont davantage les principes matriciels de la finalité
du droit. Mais ces deux catégories s'interpénètrent car le processus d'interprétation du droit prend aussi en compte sa
finalité.Parmi les principes matriciels liés à l'exigence de respect des droits de la personne humaine, on fera une
gradation allant de droits particuliers à des droits et libertés plus généraux : le principe d'effectivité du droit (A) - le
principe du procès équitable et ses diverses composantes (B) - le principe de la responsabilité et de la réparation (C) -
enfin, le principe de primauté des droits de l'homme (D).

A. - Le principe matriciel d'effectivité du droit

27. - J. Carbonnier a introduit le concept d'effectivité du droit dans le sens qu'il a aujourd'huiNote 89. Mais c'est J.
CommailleNote 90, qui le définit le mieux et met en lumière son importance majeure : « Rien n'est plus au coeur des
relations entre droit et société que la question de l'effectivité (...). Le souci d'effectivité du droit marque une rupture avec
les conceptions dogmatiques suivant lesquelles la validité du droit réside plus en lui-même, dans la logique de sa propre
construction, qu'elle ne résulte de sa réalisation sociale (...). La notion d'effectivité (...) suscite ainsi un travail d'analyse
critique qui aboutit à des interrogations fondamentales sur la nature même, les fondements de la rationalité juridique et
ses transformations (...) ». Il souligne aussi - et ce point est fondamental - que l'effectivité suppose de s'intéresser aux
instances chargées d'assurer l'application de la loi qui doivent veiller à ce que leur interprétation d'un texte conférant un
droit quelconque soit faite dans le souci d'en assurer la réalisation concrète, effective, tout en tenant compte - et c'est le
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principe de proportionnalité - du risque d'atteinte à d'autres droits.

28. - La première grande illustration jurisprudentielle du principe d'effectivité est l'arrêt Airey de la Cour EDH
du 9 octobre 1979Note 91 dans lequel elle énonce que « La convention a pour objet de protéger des droits non pas
théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs », et condamne l'Irlande pour n'avoir pas institué un système d'aide
juridictionnelle seul de nature à permettre un droit effectif d'accès à un tribunal.La doctrine de l'arrêt Airey est
maintenant consacrée par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui dispose que
« Toute personne, dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés, a droit à un recours effectif
devant un tribunal (...). Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes,
dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ». Le Conseil
constitutionnel a la même position, comme le démontre sa décision du 4 novembre 2010Note 92 dans laquelle il énonce
que l'article 16 de la Déclaration de 1789 garantit « le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel
effectif ».

29. - On assiste dans toutes les branches du droit à l'explosion de ce principe dont on se bornera à donner quelques
illustrations récentes :- En 2005, la Cour EDHNote 93 a condamné la France pour l'insuffisance de sa législation pénale
qui ne permettait d'assurer la « protection concrète et effective » d'une mineure victime d'une exploitation relevant d'un
état de servitude par des employeurs privés.- La chambre criminelle le 4 mars 1997Note 94 énonce, à propos de faits de
captation illicite de communication téléphonique dont il était soutenu qu'ils étaient prescrits, que « sauf à retirer son
effectivité à la loi, ces infractions ne peuvent être prescrites avant qu'elles aient pu être constatées dans tous leurs
éléments et que soit révélée aux victimes l'atteinte portée à leurs droits ». Le récent arrêt de l'Assemblée plénière du 7
novembre 2014Note 95 concernant la suspension de la prescription du crime de meurtre d'enfants nés clandestinement
reprend implicitement cette doctrine.- La chambre sociale de la Cour de cassation s'est fondée sur le principe
d'effectivité dans d'emblématiques arrêts concernant la santé et la sécurité au travailNote 96, le point d'orgue étant un
arrêt du 12 mars 2014Note 97 énonçant que « la mise en oeuvre par les juridictions de l'ordre judiciaire de la
responsabilité d'employeurs tenus en vertu du contrat de travail à une obligation de sécurité de résultat (...) assure
l'effectivité des droits garantis par les 10e et 11e alinéas du préambule de la Constitution de 1946 ». La même chambre
décide aussi de la partie sur laquelle pèse la charge de la preuve en fonction de la nécessité d'assurer l'effectivité du droit
en litigeNote 98.- Le Conseil d'État reconnaît aussi le principe d'effectivité ; ainsi l'arrêt société HSBC private bankNote 99
concernant le refus d'annulation d'un arrêté portant création d'un fichier des comptes bancaires détenus hors de France
par des personnes physiques ou morales évoque la nécessité d'« assurer l'effectivité de la finalité poursuivie par le
traitement en cause ».

B. - Le principe matriciel du procès équitable

30. - Comme on vient de l'indiquer, le principe d'effectivité a été affirmé dans l'arrêt Airey de la Cour EDHNote 100 à
propos du droit d'accès à la justice ; mais, sauf à le vider de toute portée, il implique que les modalités de
fonctionnement de la justice soient elles-mêmes strictement organisées. Cette organisation est soumise à un autre
principe matriciel, celui du procès équitable, qui est l'un des fondements d'un État de droit.Cette terminologie est issue
de l'article 6, intitulé « Droit à un procès équitable », de la Convention EDH suivant lequel « Toute personne a droit à
ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et
impartial, établi par la loi, qui décidera, soit sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute
accusation en matière pénale dirigée contre elle ». L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne reprend ces termes.Le procès équitable repose en particulier sur « l'égalité des armes » entre les parties, ce
qui implique : la faculté de se faire assister du conseil de son choix ; la contradiction, qui impose la communication de
tout élément et toutes pièces produites par une partie à son contradicteur dans des conditions lui permettant d'y répondre
utilement ; l'accès effectif à une juridiction indépendante et impartiale qui statue dans un délai raisonnable. C'est
d'ailleurs la notion « d'égalité des armes » qui a conduit à la remise en cause, sous l'influence de la jurisprudence de la
Cour EDH, de l'organisation des commissaires du Gouvernement au Conseil d'État - devenus rapporteurs publics - et
des avocats généraux à la Cour de cassation. Le Conseil constitutionnel a synthétisé les contraintes découlant de l'égalité
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des armes en énonçant dans sa décision du 4 avril 2014Note 101, que « si le législateur peut prévoir des règles de
procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que
ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales
quant au principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable
garantissant l'équilibre des droits des parties ».

31. - Mais les droits de la défense auxquels fait allusion la décision susvisée ne sont pas nés avec l'apparition du
concept de procès équitable. Ils sont bien antérieurs et consubstantiels au droit naturel fondé sur la raison dont Portalis
faisait l'élogeNote 102. Ainsi le 7 mai 1828 la Cour de cassation dans l'arrêt VernhesNote 103 proclamait que « La défense
étant de droit naturel, personne ne doit être condamné sans avoir été (...) mis en demeure de se défendre ». De même,
sur l'exigence du délai raisonnable, dès 1911 R. DemogueNote 104 observait qu'« un droit retardé dans son application est
déjà un droit blessé ».

32. - Les composantes du principe matriciel du procès équitable que sont l'impartialité, appréciée objectivement, et
l'indépendance, ont eu d'importantes conséquences sur le fonctionnement et l'organisation des tribunaux en France, ainsi
que sur la déontologie des magistrats. Le cadre de cette étude ne permettant pas de les détailler, on se bornera, pour en
caractériser l'importance, à évoquer la position très ferme du Conseil constitutionnel qui estime que « le principe
d'impartialité est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles »Note 105 et fonde sur l'article 16 de la
Déclaration de 1789 « les principes d'indépendance et d'impartialité »Note 106.

C. - Le principe matriciel de la responsabilité et de la réparation

33. - Les travaux préparatoires du Code civil démontrent que l'article 1382 du Code civil fut conçu, pour reprendre les
termes de B. de Greuille devant le Tribunat en 1804Note 107, comme un « grand principe d'ordre public », celui de la
responsabilité de qui cause un dommage à autrui, et du droit à « l'entière indemnité » de la victime.Dès 1835, la
chambre des requêtes de la Cour de cassation, par l'arrêt Thouret-NoroyNote 108, rendu sur les conclusions d'anthologie
du procureur général Dupin, a mis un terme à des tentatives de limitation de la portée de ce principe et décidé de
l'universalité de ce que ce dernier qualifiait de « responsabilité naturelle qui pèse à la fois sur toutes les fonctions
publiques et sur toutes les professions » et de « principe de droit constitutionnel ».

34. - Le Conseil constitutionnel a confirmé et amplifié l'analyse de Dupin en énonçant dans une décision du 9
novembre 1999Note 109 que « la faculté d'agir en responsabilité met en oeuvre l'exigence constitutionnelle posée par
l'article 4 de la Déclaration DHC, dont il résulte que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage
oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Dans une décision de 2010 sur QPCNote 110 il a repris cette
formule en précisant qu'un aménagement législatif - limitation de la réparation des préjudices - était possible dès lors
qu'il existait un motif d'intérêt général et « qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes
d'actes fautifs ainsi qu'au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de
1789 » ; cette formule est exemplaire de l'interpénétration des principes matriciels du droit (en l'espèce,
proportionnalité, effectivité et responsabilité).

35. - La force du principe de la responsabilité a été telle qu'a pu être surmontée la « crise de la responsabilité »
due à l'obsolescence du modèle de la faute comme condition de la responsabilité et de la réparation. M. SauzetNote
111 a mis en lumière l'inadaptation de la responsabilité pour faute au développement du travail industriel générateur
« d'accidents anonymes » pour reprendre l'heureuse formule de Romieu dans l'arrêt CamesNote 112.R. TeisseireNote 113 a
défendu l'idée que la fonction première du droit de la responsabilité est celle de la répartition des risques, celui qui les
fait courir et qui en tire des profits devant en assumer les conséquences dommageables pour les victimes sans leur
imposer la preuve quasi impossible d'une faute. La mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle impliquant une
obligation de sécurité, préconisée par Sauzet, a permis de faire face à cette évolution - puis, plus tard, le développement
de la responsabilité du fait des choses - devant le juge judiciaire ; le juge administratif se fondant plutôt sur la théorie du
risque. L'arrêt Boissot de 1878Note 114 - dont la doctrine a été reprise par les « arrêts amiante » du 28 février 2002Note
115 - étant emblématique, avec l'arrêt Cames déjà cité du Conseil d'État, et l'arrêt Compagnie générale Transatlantique
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de 1911 de la Cour de cassationNote 116, de cette évolution lente et marquée par des phases régressives.

D. - Le principe matriciel de primauté des droits de l'homme

36. - De la même façon qu'il existe dans les pays de l'Union un « principe de primauté du droit européen », on
peut parler d'un principe de primauté des droits de l'homme, au sens large, issus tant de la Déclaration de 1789,
que des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, du Préambule de la Constitution de 1946
et de la Charte de l'environnement de 2004. Ce principe de primauté exerce une influence majeure sur l'interprétation
du droit. J. Carbonnier ne s'y est d'ailleurs pas trompé lorsqu'il évoque « l'avenir des droits de l'homme qui n'ont pas fini
d'exploser en chaîne »Note 117. R. Dworkin défend dans toute son oeuvreNote 118 la mise en oeuvre effective, fût-ce
contre la lettre du droit positif, de ces droits, et J. Rawls a la même positionNote 119.

37. - Ces droits, renforcés par des textes internationaux, tels la Déclaration UDH de 1948 et la Convention EDH de
1950, ont certes un champ d'application plus vaste que le processus juridictionnel, mais ils ont vocation à être un facteur
majeur de l'interprétation de toute loi, voire de permettre d'écarter son application.Liberté, égalité, droits sociaux,
dignité de la personne humaine, sont ainsi au coeur de toute pratique juridictionnelle. On n'évoquera que
brièvement les trois premiers tant ils sont connus :- Le principe d'égalité, déjà défendu par Marc Aurèle qui prônait
« l'idée d'un État juridique fondé sur l'égalité des droits »Note 120, est, notamment, le principe de régulation du pouvoir
normatif de l'AdministrationNote 121 ;- la liberté connaît aussi de multiples déclinaisons. On n'en évoquera qu'une eu
égard à son actualité sanglante, la liberté de pensée, de conscience et de religion, à propos de laquelle le Cour EDH a eu
en 2010Note 122 une superbe formule en relevant qu'elle représentait l'une des assises d'une société démocratique et
qu'elle était aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques et les indifférents ;- les droits sociaux, au sens du
Préambule de 1946, trouvent aussi leur traduction dans la jurisprudence. On citera seulement un arrêt de la Cour de
cassation de 1983Note 123 énonçant que le droit d'exercer une activité professionnelle est au nombre des libertés
fondamentales.

38. - La dignité est une composante en expansion du principe matriciel de primauté des droits de l'homme. Pic
de la Mirandole la reliait à la filiation divine de l'hommeNote 124. Kant la concevait comme une valeur absolue. Elle est
sous-jacente dans la Déclaration de 1789, et un décret de la Convention nationale de 1794 en avait institué la fêteNote
125. Mais seul un texte fugace de 1848 lui conféra une valeur normativeNote 126, avant sa reconnaissance explicite par la
Déclaration universelle de 1948. Le principe de dignité a trouvé sa première expression en 1942 à la Cour de cassation
avec l'arrêt TeyssierNote 127 fondant sur « le respect de la personne humaine » l'obligation d'un chirurgien de recueillir le
consentement éclairé de son patient avant de l'opérer. Le Conseil constitutionnel, par une décision du 27 juillet 1994Note
128 a reconnu l'existence d'un « principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ». Le
Conseil d'État, par un arrêt de 1995Note 129, a décidé que « le respect de la dignité de la personne humaine est une des
composantes de l'ordre public ». Enfin, par une ordonnance de 2014Note 130, il a fondé sur la « dignité de la personne
humaine » l'interdiction d'un spectacle comportant des propos incitant à la haine raciale.

3. Conclusion
39. - On connaît l'aphorisme de J. Carbonnier : « Le droit est plus grand que la règle de droit »Note 131.Cette grandeur
repose sur l'existence et le développement de principes matriciels du droit, qui permettent de transcender un droit positif
factuel et pléthorique, fruit, trop souvent, de l'écume des événements, des foucades, des passions, des fanatismes, de la
violence, de la vénalité et des folies des hommes, et, maintenant, du triomphe de la société du spectacle dénoncée par G.
DebordNote 132. Ces principes matriciels permettent de maintenir une interprétation du droit fondée sur la raison et la
morale - voire plus simplement la bonne foi -, car, comme l'observe O. PfersmannNote 133 « les rapports entre le droit et
la morale constituent l'un des problèmes fondateurs de la philosophie du droit ». Ces rapports sont certes difficiles car il
ne faut sombrer ni dans la négation inhumaine ni dans un excès incompatible avec les besoins inhérents à la vie en
société. Mais seule une conception morale du droit, c'est-à-dire dégagée de l'hubris, du fanatisme et du sectarisme et
reposant sur l'esprit stoïcien - l'une des plus grande pensée de l'humanité - de raison et de bienveillance envers autrui et
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la collectivité est compatible avec l'idéal démocratique.

Annexe . - Extraits de l'arrêt Mariette du 12 janvier 1815


LA COUR - (...)

Sur le premier moyen :

o Attendu que la formalité du visa, substituée à celle de l'assistance des records ou témoins, a eu pour objet principal,
ainsi que s'en est expliqué l'orateur du gouvernement en présentant la loi, d'assurer la réalité du transport de l'huissier à
l'endroit où il exploite ; que les lois ne doivent s'entendre que dans un sens raisonnable et suivant un mode d'exécution
possible ;que l'officier ministériel, qui remet un exploit à cent lieues du domicile du débiteur, ne peut être obligé de le
faire viser dans le jour par le maire de ce domicile, puisque cette condition serait impossible, qu'ainsi le voeu de la loi
est satisfait du moment que le commandement n'a pas été fait au domicile du sieur Mariette, mais à sa personne à
Valognes, dont le maire ou l'adjoint a mis, dans le jour, le visé requis par l'article 673 du Code de procédure.

Sur le deuxième moyen :

o Attendu qu'il résulte de l'historique des faits et de l'arrêt que les visas ont été donnés avant l'enregistrement ; que les
juges attestent que le maire et le greffier ont déclaré, dans lesdits visas, que les copies d'exploit leur ont été remises au
jour indiqué et dans le délai de la loi, ce qui confirme la déclaration de l'huissier portée en son commandement, où il
atteste qu'il va de suite le faire viser, et en remettre copie au maire et autres personnes indiquées par la loi ; qu'il suit de
là que le voeu de l'article 376 du code judiciaire a été également accompli.

Sur le troisième moyen :

o Attendu que ce serait aller contre l'esprit de la loi, que d'annuler un acte de procédure auquel on ne reproche que
d'avoir donné aux biens saisis une indication plus étendue que celle dont la loi se contente ; que cela peut donner tout au
plus lieu à une réduction de taxe, mais ne peut entraîner la nullité de la poursuite » (...)

Note 1 Cass. req., 12 janv. 1815, Mariette c/ Prunelé : Journal des audiences de la Cour de cassation de J. B. Jalbert 1815, p. 139 à p. 144.
- V. extraits infra en Annexe.

Note 2 V. notre chronique : Dr. et proc. 2010, n° 107.

Note 3 Reproduit in Fr. Ewald, Naissance du Code civil : Flammarion, 2004.

Note 4 Fr. Ewald, op. cit. note (3), p. 42 et p. 47.

Note 5 Cass. civ., 6 mars 1876 : Bull. civ. 1876, n° 3 ; D. 1876, 1, p. 193.

Note 6 Fr. Gény, Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif. Essai critique, 1899 : LGDJ, rééd. 1954. Les citations de cet
ouvrage sont tirées de la réédition LGDJ de 1954.

Note 7 Fr. Gény, op. cit. note (6), n° 95 s.

Note 8 Fr. Gény, op. cit. note (6), n° 98 et n° 99.


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Note 9 Fr. Gény, op. cit. note (6), n° 189.

Note 10 M. Troper, Pour une théorie juridique de l'État : PUF, 1994 ; Le droit et la nécessité : PUF, 2011 ; Philosophie du droit : PUF,
coll. Que sais-je ?, 2010.

Note 11 M. Troper, op. cit. note (10), p. 99.

Note 12 M. Troper, op. cit. note (10), p. 106.

Note 13 M. Troper, Actes, publiés par le Sénat d'un colloque sur l'office du juge, 2006, p. 28 s.

Note 14 B. Mathieu, La question de l'interprétation de la loi au coeur de la QPC : JCP G 2010, act. 1071, Aperçu rapide.

Note 15 Cons. const., déc. 6 oct. 2010, n° 2010-39 QPC : JurisData n° 2010-030647 ; Journal Officiel 7 Octobre 2010 ; JCP G 2010, 1145,
A. Gouttenoire et Ch. Radé.

Note 16 Fr. Gény, op. cit. note (6), n° 103.

Note 17 Fr. Gény, op. cit. note (6), n° 223 et n° 224.

Note 18 P. Bouretz, La force du droit, panorama des débats contemporains : éd. Esprit, 1991, p. 27 et p. 58.

Note 19 Aristote, L'éthique à Nicomaque : Flammarion, 2008, p. 207.

Note 20 Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil : t. 13, p. 54.

Note 21 C. civ., art. 1108 et s.

Note 22 Bull. des lois de l'empire français, oct. 1807, 4e série, t. 6, n° 131 à n° 154.

Note 23 CE, ass., 11 mai 2004, n° 255886, Assoc. AC ! : JurisData n° 2004-066645 ; Rec. CE 2004, p. 197, concl. C. Devys ; JCP G 2004,
II, 10189, note J. Bigot.

Note 24 Cass. req., 18 janv. 1830, Devilleneuve et Carrette : Bull. 1828-1830, jurispr. p. 429.

Note 25 Fr. Gorphe, Le principe de bonne foi, préf. H. Capitant : Dalloz, 1928.

Note 26 Const. suisse, 18 avr. 1999, art. 5 et art. 4.

Note 27 Const. suisse, 18 avr. 1999, art. 9.

Note 28 Cass. 1re civ., 22 juill. 1986, n° 84-17.004 : JurisData n° 1986-701574 ; Bull. civ. 1986, I, n° 214 ; Rapp. annuel C. cass. 1986, p.
160.

Note 29 Cass. 1re civ., 12 janv. 1988, n° 86-12.218 : JurisData n° 1988-700413 ; Bull. civ. 1988, I, n° 15.

Note 30 D. Mazeaud, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle devise contractuelle, in Mélanges en l'honneur de Fr. Terré : PUF, 1999,
p. 604 à p. 634.

Note 31 Ph. Stoffel-Munck, L'abus dans le contrat, essai d'une théorie : LGDG, 2000.

Note 32 Cass. civ., 5 nov. 1913 : DP 1914, 1, p. 281, note P. Binet ; S. 1920, 1, p. 370.

Note 33 Cass. com., 3 nov. 1992, n° 90-18.547 : JurisData n° 1992-002431 ; JCP G 1993, II, 22164, note G. Virassamy.

Note 34 CE, 30 mars 1916, Cnie d'éclairage de Bordeaux : S. 1916, 3, p. 17, note Hauriou. - CE, 29 sept. 2010, n° 319481, Sté Babel :
JurisData n° 2010-017079.

Note 35 M. Fabre Magnan, De l'obligation d'information dans les contrats : LGDJ, 1992, not. n° 50 à n° 55.

Note 36 V. supra n° 11.


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Note 37 B. Fauvarque-Cosson, L'estoppel, concept étrange et pénétrant : RDC 2006, p. 1278.

Note 38 CE, ass., 28 déc. 2009, n° 304802, Cne de Béziers : JurisData n° 2009-017292 ; JCP G 2010, act. 28, obs. L. Erstein ; JCP G
2010, doctr. 365, n° 10, obs. B. Plessix. - CE, 21 mars 2011, n° 304806, Cne de Béziers : JurisData n° 2011-004285.

Note 39 V. supra n° 11.

Note 40 Cass. ass. plén., 7 janv. 2011, n° 09-14.667 et n° 09-14.316 : JurisData n° 2011-000038 ; Bull. civ. 2011 ass. plén. n° 1 ; Rapp.
annuel C. cass. 2011, p. 379 ; JCP G 2011, act. 43, obs. M. Malaurie-Vignal ; JCP G 2011, 208, B. Ruy.

Note 41 CE, 16 juill. 2014, n° 355201, Cne de Jouy-en-Josas : JurisData n° 2014-016003 ; JCP G 2014, 1058, M.-L. Guinamant.

Note 42 Fr. Terré, La proportionnalité comme principe ? : JCP G 2009, doctr. 31.

Note 43 Aristote, op. cit. note (19), p. 176.

Note 44 Cons. const., déc. 13 mars 2014, n° 2013-690 DC : Journal Officiel 18 Mars 2014, p. 5450.

Note 45 Grande charte, 1215, art. 10.

Note 46 Bill of rights, 1689, art. 14.

Note 47 DDHC, art. 8 et art. 9.

Note 48 Cons. const., déc. 13 août 1993, n° 93-325 DC : JurisData n° 1993-620077 ; Journal Officiel 18 Aout 1993 ; GDCC, 2009, 15e éd.,
n° 36, p. 600.

Note 49 Cons. const., déc. 2 mars 2004, n° 2004-492 DC : JurisData n° 2004-269979 ; Journal Officiel 10 Mars 2004 ; GDCC, 2009, 15e
éd., n° 43, p. 721 ; JCP G 2004, II, 10048, note J.-Cl. Zarka.

Note 50 CEDH, 18 mai 2004, n° 58148/00, Plon c/ France : JurisData n° 2004-259381.

Note 51 CEDH, 18 sept. 2014, n° 21010/10, Brunet c/ France : JurisData n° 2014-020611 ; JCP G 2014, act. 1023, obs. K.
Blay-Grabarczyk ; JCP G 2014, 1090, Th. Fourrey.

Note 52 Cons. const., déc. 27 mars 2014, n° 2014-692 DC : JurisData n° 2014-019927 ; Journal Officiel 1er Avril 2014, p. 6232.

Note 53 CE, 15 mai 2009, n° 312449, n° 312454, n° 312485, SARL France conditionnement création : JurisData n° 2009-075431 ; RJEP
2009, comm. 55, concl. J. Burguburu.

Note 54 Cass. com., 15 déc. 2009, n° 08-21.906 : JurisData n° 2009-050876 ; JCP G 2010, 155, Ph. Delmotte et Ph. Roussel Galle.

Note 55 Cass. 1re civ., 1er déc. 2010, n° 09-13.303 : JurisData n° 2010-022675 ; JCP G 2011, 140, J. Juvénal ; D. 2010, p. 423, note
Fr.-X. Licari.

Note 56 R. Demogue, Les notions fondamentales du droit privé, essai critique, 1911 : La mémoire du droit, 2001, chap. II, La sécurité, p.
63 à p. 87 ; chap. III, L'évolution et la sécurité, p. 88 à p. 110.

Note 57 R. Demogue, op. cit. note (56), p. 63.

Note 58 CJCE, 6 avr.1962, aff. 13/61, De Geus und Uidebbogerd c/ Bosch.

Note 59 JCP G 2013, suppl. au n° 27 du 1er juillet.

Note 60 Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. 1, p. XXXVI.

Note 61 Cons. const., déc. 27 juill. 2006, n° 2006-540 DC : Journal Officiel 3 Aout 2006 ; JCP G 2006, act. 393, obs. C. Caron.

Note 62 CEDH, 18 mai 2004, n° 58148/00, préc. note (50), § 26.

Note 63 Conseil d'État, Rapport public 2006, Sécurité juridique et complexité du droit : Doc. fr., p. 223 s.
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Note 64 Annonces Seine 30 oct. 2014, n° 44.

Note 65 P. Sargos, La chambre des Lumières de la Cour de cassation : RJEP 2012, repère 1.

Note 66 P. Sargos, note ss Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, n° 13-14.288 : JurisData n° 2014-008526 ; JCP G 2014, 710.

Note 67 R. Demogue, Notions fondamentales du droit privé, essai critique : La mémoire du droit, 2001, p. 222.

Note 68 Touffait et Tunc, Pour une motivation plus explicite des décisions de justice, notamment de celles de la Cour de cassation : RTD
civ. 1974, p. 487.

Note 69 CJCE, 10 juill. 1984, aff. 63/83, Kirk.

Note 70 Cons. const., déc. 30 déc. 1982, n° 82-155 DC, § 33 : Journal Officiel 31 Décembre 1982, p. 4034.

Note 71 Cass. req., 26 juin 1827, Devilleneuve : Bull. 1825-1827, p. 626.

Note 72 P. Roubier, Les conflits de lois dans le temps, 1929.

Note 73 Cass. 1re civ., 9 déc. 2009, n° 08-20.570 : JurisData n° 2009-050652 ; Bull. civ. 2009, I, n° 242.

Note 74 CE, 8 avr. 2009, n° 271737 et n° 271782, CGE c/ Cne d'Olivet.

Note 75 T. confl., 13 déc. 2010, n° 3800, SNC Green Yellow et a. : JurisData n° 2010-025183 ; JCP G 2011, doctr. 945, n° 8, obs. G.
Eveillard.

Note 76 Cons. const., déc. 19 déc. 2013, n° 2013-682 DC, consid. 14 : Journal Officiel 24 Décembre 2013 ; JCP G 2014, doctr. 116, Mot
de la semaine B. Mathieu.

Note 77 Cons. const., déc. 14 févr. 2014, n° 2013-366 QPC : JurisData n° 2014-002892 ; Journal Officiel 16 Février 2014 ; JCP G 2014,
doctr. 548, n° 37, obs. B. Mathieu.

Note 78 J. Rivero, Sur la rétroactivité de la règle jurisprudentielle : AJDA 1968, p. 15.

Note 79 Ch. Mouly, Le revirement pour l'avenir : JCP G 1994, I, 3776.

Note 80 CEDH, 13 juill. 1979, n° 16574/08, Marckx c/ Belgique, § 58.

Note 81 CEDH, 18 déc. 2008, n° 20153/04, Unédic c/ France (devenu définitif le 18 mars 2009) : JCP G 2009, doctr. 143, n° 10, obs. F.
Sudre.

Note 82 Cass. 1re civ., 9 oct. 2001, n° 00-14.564 : JurisData n° 2001-011237 ; Bull. civ. 2001, I, n° 249 ; JCP G 2002, II, 10045, note O.
Cachard.

Note 83 Rapp. annuel C. cass. 2001, p. 421.

Note 84 CEDH, 18 janv. 2001, n° 27238/95, Chapman c/ Royaume-Uni : JurisData n° 2001-300022.

Note 85 CE, 7 oct. 2009, n° 309499, SETIL : JurisData n° 2009-011019.

Note 86 Propos tenus devant CAA Bordeaux, 13 oct. 2014 : Annonces Seine 30 oct. 2014, n° 44.

Note 87 Cass. ass. plén., 21 déc. 2006, n° 00-20.493 : JurisData n° 2006-036604 ; JCP G 2007, II, 10040, note E. Dreyer.

Note 88 CEDH, 14 janv. 2010, n° 36815/03, Atanasovski c/ Macédoine : JurisData n° 2010-030717 ; JCP G 2010, doctr. 859, n° 10, obs.
F. Sudre.

Note 89 J. Carbonnier, Effectivité et ineffectivité de la règle de droit, L'année sociologique, 1958, vol. 7 in Flexible droit : LGDJ, 2004, 10e
éd., 2e partie, chap. III, p. 136.

Note 90 J. Commailles, Dictionnaire de la culture juridique : PUF, 2003, p. 583.


Page 15

Note 91 CEDH, 9 oct. 1979, n° 6289/73, Airey : JurisData n° 1979-300012 ; GACEDH, 2e éd., p. 18.

Note 92 Cons. const., déc. 4 nov. 2010, n° 2010-614 DC : Journal Officiel 6 Novembre 2010, p. 19825.

Note 93 CEDH, 26 juill. 2005, n° 73316/01, Siliadin c/ France : JurisData n° 2005-400049 ; JCP G 2005, II, 10142, note F. Sudre. La loi
18 mars 2003 sur la sécurité intérieure a comblé cette lacune.

Note 94 Cass. crim., 4 mars 1997, n° 96-84.773 : JurisData n° 1997-001033 ; Bull. crim. 1997, n° 83.

Note 95 Cass. ass. plén., 7 nov. 2014, n° 14-83.739 : JurisData n° 2014-026132.

Note 96 Cass. soc., 28 févr. 2006, n° 05-41.555 : Rapp. annuel C. cass. 2006, p. 279.

Note 97 Cass. soc., 12 mars 2014, n° 13-23.174 QPC : JurisData n° 2014-004562 ; Bull. civ. 2014, V, n° 74 ; JCP G 2014, doctr. 548, n°
18, obs. B. Mathieu.

Note 98 Cass. soc., 13 juin 2012, n° 11-10.929 : JurisData n° 2012-012741 ; Rapp. annuel C. cass. 2012, p. 417 ; JCP G 2012, act. 798,
obs. C. Lefranc-Hamoniaux.

Note 99 CE, 24 août 2011, n° 336382, Sté HSBC private Bank : JurisData n° 2011-017032.

Note 100 CEDH, 9 oct. 1979, préc. note (91).

Note 101 Cons. const., déc. 4 avr. 2014, n° 2014-374 QPC, Sté Séphora : JurisData n° 2014-006913 ; Journal Officiel 5 Avril 2014 ; JCP
G 2014, act. 454.

Note 102 Fr. Ewald, op. cit. note (3), p. 43.

Note 103 Cass. civ., 7 mai 1828, Vernhes c/ Arvengas : Bull. civ. 1828, n° 47.

Note 104 R. Demogue, Les notions fondamentales du droit privé, essai critique, 1911 : La mémoire du droit, 2001, p. 66.

Note 105 Cons. const., déc. 8 juill. 2011, n° 2011-147 QPC : JurisData n° 2011-017752 ; Journal Officiel 9 Juillet 2011 ; JCP G 2011, act.
868.

Note 106 Cons. const., déc. 5 juill. 2013, n° 2013-331 QPC : JurisData n° 2013-014416 ; Journal Officiel 7 Juillet 2013, p. 11356.

Note 107 In Fr. Ewald, op. cit. note (3), p. 345.

Note 108 Cass. req., 18 juin 1835 : S. 1835, p. 401, concl. Dupin ; GAD santé 2010, p. 29-32.

Note 109 Cons. const., déc. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC : Journal Officiel 16 Novembre 1999, p. 16962.

Note 110 Cons. const., déc. 11 juin 2010, n° 2010-2, QPC : JurisData n° 2010-030572 ; Journal Officiel 12 Juin 2010 ; JCP G 2010, act.
698.

Note 111 M. Sauzet, De la responsabilité des patrons vis-à-vis des ouvriers dans les accidents industriels : Rev. crit. droit et législation
1883, p. 596 à 640.

Note 112 CE, 21 juin 1895, Cames : D. 1896, 3, p. 65, concl. Romieu.

Note 113 R. Teisseire, Essai d'une théorie générale sur le fondement de la responsabilité : Paris, 1901.

Note 114 Cass. req., 7 janv. 1878, Cnie Schneider c/ Boissot : S. 1878, 1, p. 412.

Note 115 Cass. soc., 28 févr. 2002, n° 00-13.172 : JurisData n° 2002-013261 ; Bull. civ. 2002, V, n° 81 ; Rapp. annuel C. cass. 2002, p.
109 et 391.

Note 116 Cass. civ., 21 nov. 1911, Cie gén. transatlantique : S. 1912, 1, p. 73.

Note 117 J. Carbonnier, Flexible droit : LGDJ, 10e éd., p. 488, « Codicille du juste et de l'injuste ».
Page 16

Note 118 R. Dworkin, L'empire du droit : PUF, 1994 ; Prendre les droits au sérieux : PUF, 1995 ; Une question de principe : PUF, 1996.

Note 119 J. Rawl, Théorie de la justice : Seuil, 1987.

Note 120 M. Aurèle, Pensées pour moi-même, Livre 1, XIV.

Note 121 Selon la formule de G. Pellisier : RJEP 2012, comm. 22.

Note 122 CEDH, 3 juin 2010, n° 42837/06, Dimitras c/ Grèce : JurisData n° 2010-030739 ; JCP G 2010, doctr. 859, n° 24, obs. F. Sudre.

Note 123 Cass. 1re civ., 22 nov. 1983, n° 82-14.972 : JurisData n° 1983-702423 ; Bull. civ. 1983, I, n° 277.

Note 124 Pic de la Mirandole (1463-1494), Oratio de hominis dignitate, en ligne sur Internet.

Note 125 D. 18 floréal an II, art. IV (ce texte institua aussi une fête à la bonne foi et au stoïcisme).

Note 126 D. 4 mars 1848, art. 1er, disposant « qu'un travail manuel trop prolongé, porte atteinte à la dignité de l'homme » ; il a été abrogé
en septembre 1848.

Note 127 Cass. req., 28 janv. 1942 : GAD santé 2010, n° 1.

Note 128 Cons. const., déc. 27 juill. 1994, n° 94-343 DC et n° 94-344 DC, décisionrelative not. à L. n° 94-653, 29 juill. 1994 : JurisData
n° 1994-603316 ; Journal Officiel 29 Juillet 1994, p. 11024.

Note 129 CE, ass., 27 oct. 1995, n° 136727, Cne de Morsang-sur-Orge : JurisData n° 1995-047649 ; Rec. CE 1995, p. 372, concl. M.
Frydman ; GAJA, n° 98 ; JCP G 1996, II, 22630, note F. Hamon.

Note 130 CE, ord., 9 janv. 2014, n° 374508, aff. dite « Dieudonné » : JurisData n° 2014-000046 ; JCP G 2014, act. 71, obs. E. Derieux.

Note 131 J. Carbonnier, Flexible droit. Pour une sociologue du droit sans rigueur : LGDJ, 2004, 10e éd., p. 22.

Note 132 G. Debord, La société du spectacle : Gallimard, 1967 ; Commentaires sur la société du spectacle : Gallimard, coll. Folio, 1988.

Note 133 O. Pfersmann, Morale et droit in Dictionnaire de la culture juridique : PUF, 2003, p. 1040.

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