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L’approche philosophique des principes

fondamentaux du droit pénal général

Encadré par : Préparé par :


M. Salah – Eddine MAATOUK Amina IDRISSI KAITOUNI
Siham GUASSAOUI
Alae TALBI
Nouhaila SOUFI
Samir EL MRABET
Houda MAAROUFI
Mohammed Oussama SBAI
Souhayla AQENOUCHE
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Remerciements :

Tout d’abord, nous voulons remercier notre cher professeur M. MAATOUK Salah-Eddine pour la
chance qu’il nous donne afin de nous développer nos capacités et devenir des juristes complets et
compétents.
Un grand merci à tous nos professeurs qui se sont acharnés à nous former et qui ont veillé à notre
éducation.
Merci à nos familles, proches ou lointaine qui nous ont soutenus durant chaque période difficile de
notre vie
Sans vous nous ne serions pas là.

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Tables des matières :

Introduction

Chapitre I : L’approche philosophique des principes des écoles traditionnelles


Section 1 : La philosophie de l’école classique
 Le principe de légalité criminelle
 Le principe d’interprétation stricte des lois :
 Le principe de non rétroactivité de loi
 Principe de proportionnalité de la loi pénale selon l’école classique
Section 2 : La philosophie de l’école néo-classique
 Principe de l’individualisation des peines

Chapitre II : L’approche philosophique des principes des écoles modernes


Section 1 : la philosophie de l’école positiviste
 Sous-section 1 : Abécédaire à l’école positiviste :
 Sous-section 2 : Pionniers de l’école positiviste :
Section 2 : la philosophie de l’école de la défense sociale

Conclusion

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Introduction :
‘’Mieux vaut être acquitté au Népal que condamné au pénal’’. De cette manière, Marc Escayrol
vient décrire le pénal. Il est à méditer sur le fait que malgré qu’il n’est pas juriste, il reproche au
pénal d’être impitoyable et complexe. Une vérité ou un mensonge, c’est ce que nous essaierons
de traiter par le biais d’une approche philosophique aux fondements même de quelques
principes fondamentaux du droit pénal général.
La science du droit est cette discipline qui ne peut être étudiée en isolation des autres sciences
humaines, sociales, et autres. En particulier, la philosophie qui a joué un rôle essentiel à
différentes étapes de l'histoire en tant que pilier fondamental et point de départ de la science
juridique.
Ce postulat devient particulièrement évident lorsque nous évoquons l'approche philosophique qui
a imprégné les principes généraux du droit pénal. Cette approche multidisciplinaire est
influencée par une tendance métaphysique qui se base sur la recherche des causes et de la vérité
des choses.
Ainsi, il est juste de dire que la pensée philosophique, au fil des siècles, a contribué au
développement des concepts et des mécanismes de la politique criminelle à travers des
perspectives et des visions qui ont orienté notre compréhension du droit pénal tel qu'il est
aujourd'hui.
Le droit pénal, caractérisé par ses fondements solides et son approche philosophique, résulte de
l'évolution historique, commençant par la période de la vengeance individuelle, passant ensuite
par la vengeance collective pour finalement atteindre la phase de la vengeance religieuse,
impliquant des systèmes théocratiques.
Ces étapes ont suscité des préoccupations parmi les philosophes et les penseurs, les incitant à se
questionner sur l'efficacité des sanctions cruelles et brutales qui caractérisaient ces régimes.
Pour obtenir la réponse, nous devions attendre des écoles de pensée influencées à l'époque par les
théories du contrat social promues par des penseurs tels que Grotius, Hobbes, Locke, et formalisées
par Jean-Jacques Rousseau dans son célèbre ouvrage "Du contrat social". C'est ainsi que les écoles
classiques ont vu le jour, couronnant la pensée métaphysique en matière de crime et de sanction.
Par la suite, lors d'une phase ultérieure de l'évolution de la pensée humaine, marquée par le
passage de la connaissance contemplative à la connaissance empirique, une autre école a vu le
jour, connue sous le nom d'école positiviste. Elle a été pionnière en intégrant la science sociale
dans le domaine de la criminalité et de la répression.
Néanmoins, la politique criminelle a évolué vers de nouveaux objectifs avec l'émergence de
l'école de la défense sociale, apportant ainsi une perspective différente dans la manière d'aborder
la criminalité et les criminels.
Ces courants philosophiques, malgré leurs divergences d'approche, ont établi des fondements
solides et des principes généraux (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, principe de la
légalité criminelle, …) qui constituent l’épine dorsale du droit pénal.

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Il convient de noter également que la plupart des pays ont adopté ces principes et les ont intégrés
dans leurs constitutions et lois internes. De plus, la majorité des déclarations et traités
internationaux relatifs aux droits de l'homme ainsi que les tribunaux internationaux, tels que la
Cour Pénale Internationale créée en vertu du Statut de Rome, ont également adopté ces
principes.
Ainsi, le législateur marocain a adopté ces principes dans le code pénal marocain, notamment
dans les articles allant de l’article Premier à 12. Ajoutons qu’il les a considérés en tant que
principes constitutionnels, les articles 23 et 6 de la Constitution y sont la preuve. Cela met en
évidence le rôle essentiel de ces principes de nature philosophique dans notre système juridique
marocain.
De tout ce qui précède, nous pouvons déduire l'importance de notre sujet qui apparait dans les
contributions de la pensée criminelle dans le domaine juridique, démontrant la flexibilité du droit
pénal et la dynamique de la règle légale pénale qui s'aligne sur les tendances intellectuelles
prédominantes à chaque étape. Pour être aujourd’hui, confronté à une approche législative dotée
de dimensions philosophiques, ce qui nous conduit à affirmer que la relation entre le droit et la
philosophie est une relation d'interaction et de séparation.
Une question dès alors s’interpose : Dans quelle mesure les courants philosophiques ont-ils
contribué au développement du droit pénal ? Quels sont les principes que la pensée criminelle a
aidé à établir ? Dans quelle mesure la pensée criminelle peut-elle influencer le processus
législatif et fournir au législateur la matière première à partir de laquelle il formule ses textes en
droit pénal ?
Pour répondre aux questions précitées, nous analyserons d’abord, dans une première partie,
L’approche philosophique des principes des écoles traditionnelles (chapitre 1), qui comprendra
la philosophie de l’école classique (section 1) et la philosophie de l’école néo-classique (section
2). Puis, dans une seconde partie, L’approche philosophique des principes des écoles modernes
(chapitre 2), qui comprendra la philosophie de l’école positiviste (section 1) et la philosophie de
l’école de la défense sociale (section 2).

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Chapitre 1 : L’approche philosophique des principes des écoles traditionnelles
L'évolution de la politique criminelle s'est traduite par la transformation de l'objectif même de la
répression. Ainsi, plusieurs écoles se sont succédé au cours des derniers siècles, parmi
lesqueelles se trouvent l'Ecole Classique et l'Ecole Positiviste. Ces deux courants de pensée
occupent une place fondamentale dans l'évolution du droit pénal et de la lutte contre la
criminalité.

Section 1 : La philosophie de l’école classique


L'école classique de criminologie, initiée par le juriste italien Cesare Beccaria au XVIIIe siècle,
représente un tournant significatif dans l'histoire de la pensée criminologique et du droit pénal.
Elle a joué un rôle prépondérant dans la transformation des systèmes de justice pénale en Europe
et a eu une influence majeure dans le monde entier. Cette école de pensée a remis en question les
pratiques punitives brutales et arbitraires de l'époque et a introduit des principes fondamentaux
qui sont toujours pertinents dans la compréhension du crime et de la justice pénale aujourd'hui.
Dans cette introduction, nous explorerons les origines et les principes clés de l'école classique de
criminologie de Beccaria, en mettant en lumière son impact sur le développement du droit pénal
moderne. Nous examinerons également la manière dont Beccaria a contribué à la
conceptualisation de la peine, de la responsabilité pénale et du rôle de l'État dans la répression
criminelle. En fin de compte, l'école classique de criminologie a jeté les bases de la justice
pénale basée sur des principes de légalité, de proportionnalité et de rationalité, des concepts qui
continuent d'influencer notre compréhension et notre pratique du droit pénal encore et toujours.
Depuis le XVIIIème siècle, de nouvelles doctrines pénales sont apparues, destinées à s'adapter à
un phénomène criminel en constante évolution. Aussi, c'est une émergence en réaction à une
politique pénale archaïque de l'ancien régime, se traduisant par une lutte spontanée contre le
phénomène criminel. Certains penseurs laïcs avaient déjà développé, au cours des siècles
précédents, des idées similaires à cette politique. De même les empiristes anglais du XVIIIème
siècle eurent une influence considérable.

Le principe de légalité criminelle


La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 à travers son préambule et
ses dix-sept articles, elle définit des droits « naturels et imprescriptibles » que sont la liberté, la
propriété, la sûreté, la résistance à l'oppression, elle reconnaît l'égalité devant la loi et la justice,
et elle affirme le principe de la séparation des pouvoirs.
Cette déclaration assure la consécration, principalement dans son article 8 qui dispose que «La
loi ne peut établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni
qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ».

 La constitution de ce principe
Contrairement à ce que l’on serait tenté croire, le principe n’était pas complètement absent
avant 1789. En effet, le droit romain le prévoyait pour les crimes. Au Moyen-Age, certaines
chartes étaient de même. L’Ancien Régime a laissé en la matière une impression défavorable,
qui se comprend par le fameux adage de Montesquieu aux termes duquel « les peines sont
arbitraires en ce Royaume ».

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Nous comprenons dès lors que plusieurs penseurs du XVIIIème siècle aient vu dans le principe
de la légalité le rempart des droits de l’homme.
Ce principe est généralement connu sous l’appellation de principe de la légalité des délits et des
peines. Alors, quoique courante, cette expression n’est pas pleinement satisfaisante car elle laisse
croire que le principe de la légalité ne concerne que le droit pénal au sens strict et non les autres
branches du droit criminel. L’adage latin qui résume la règle est de même nature confuse «
Nullum crimen, nulla poena sine lege ». L’explication de cette formulation imparfaite se trouve
dans l’article 3 du code pénal marocain qui dispose que « Nul ne peut être condamné pour un fait
qui n’est pas expressément prévu comme infraction par la loi, ni puni de peines que la loi n’a pas
édictées».
Encore plus, seules les lois peuvent fixer les peines pour chacun. Dans le monde entier le
principe de la légalité criminelle est maintenant un droit fondamental, ce qui n'est pas interdit par
la loi est permis.

 Justification du principe
Traditionnellement trois arguments sont en faveur du principe :
 Le premier, d’ordre psychologique, est plus particulièrement propre au droit
pénal. Il faut que la loi avertisse avant de frapper afin que le citoyen sache, avant d’agir, ce
qui est interdit et ce qui est permis. La préexistence de la norme exerce sur les individus une
sorte de contrainte psychologique pouvant contrecarrer leurs penchants délictuels. Elle
indique également à chaque citoyen la mauvaise ligne de conduite et par voie de
conséquence le droit chemin. Bref la loi éduque le citoyen en cherchant à l’intimider.
 Le deuxième est d’ordre politique : vivant en société, les individus ne doivent
cependant pas être trop brimés par la collectivité sous peine de perdre toute liberté et toute
indépendance, et ce conflit ne peut qu’être réglé par la loi, expression de la volonté générale.
On retrouve là la construction classique du contrat social : fixées par la loi, les
incriminations, leurs sanctions ainsi que les formes du procès devant conduire au prononcé
de celles-ci sont présumées acceptées, voulues par chaque citoyen.
 Enfin en vertu du troisième argument, le principe de la légalité criminelle doit être
éclairé par la théorie de la séparation des pouvoirs. Il revient au législateur seul de limiter les
libertés des individus. Le pouvoir exécutif ne saurait y prétendre car il n’est pas l’émanation
directe de la volonté populaire ; en outre ses activités sont dominées par des impératifs de
sûreté difficilement compatibles par essence avec le postulat de l’équilibre entre les droits du
citoyen et ceux de la collectivité. Il faut pareillement écarter le pouvoir judiciaire à qui il
incombe de trancher uniquement des litiges particuliers dans le strict respect de la loi.
 Le domaine du principe
Le domine du principe de la légalité comprend deux catégories : la première concerne les
infractions et la deuxième est relative aux sanctions.
Tout d’abord, le législateur a le pouvoir d’instituer des règles pénales de fond ou de forme. La
loi occupe donc en matière criminelle une place prééminente et elle doit surclasser les autres
sources du droit : ni le pouvoir exécutif, ni le pouvoir judiciaire ne peuvent créer des
incriminations ou fixer les règles du procès pénal.

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Ensuite, en ce qui concerne la peine, le principe s’applique aussi à la sanction. Il ne peut y avoir
de sanctions autres que celles qui ont prévues et déterminées par la loi.

 Les conséquences du principe de la légalité


Les conséquences incombent à la fois le législateur et le juge :
Le principe de légalité criminelle faisant de la loi l’unique mode de détermination des
infractions, il en résulte qu’elle ne peut être étendue au-delà des limites que le législateur lui a
tracées. Par conséquent, le juge ne peut en faire une application extensive : il ne peut étendre un
texte répressif, par analogie, à un comportement distinct de ceux précisément visés ou, par
anticipation, à un comportement antérieur à sa promulgation. Le juge doit au contraire se tenir à
une interprétation stricte et non rétroactive de la loi pénale.

Le principe d’interprétation stricte des lois :


Généralement pour analyser et mieux comprendre le principe on va passer d’abord par
l’intermédiaire de la réflexion de l’école classique (A) et bien aussi le raisonnement
philosophique et leur impact sur la scène du droit pénal contemporain (B)
A- La philosophie de l’école classique
Une approche philosophique des principes généraux du droit pénal nécessite d’avoir une
référence importante à l’approche de l’école classique qui s’est déroulé de la fin du XVIIIe
siècle à la fin du XIXe siècle en compagnie des principes généraux qui vont formuler cette
pensée classique. Cette dernière a eu une influence durable sur le développement du droit,
notamment en façonnant les idées sur les droits de l’homme, la justice et les limites du
pouvoir de l’État.
Cependant, il est important de noter que d’autres écoles de droit ont également influencé le
développement du droit, et que les approches juridiques modernes peuvent différer selon le
contexte juridique et culturel.
Tout d'abord en constat préalablement chez les classiques, le principe de l’interprétation
stricte de la loi et la rigidité des lois qui est selon la réflexion classique et notamment par
l’intermédiaire de ses juristes qui préconisent l’interprétation stricte de la loi, c’est-à-dire
qu’ils pensaient que la loi devait être appliquée littéralement, sans possibilité d’interprétation.
Ils se sont opposés à l'idée de donner aux juges le pouvoir de modifier ou d'interpréter la loi à
leur discrétion.
De retour à l’école classique nous nous permettons d’avoir une élaboration théorique
particulièrement substantielle qui s’intéresse et favorise l’approche formelle et inflexible de
l’interprétation stricte des lois qui envoie sur l’obligation d’interpréter la loi pénale d’une
façon stricte, efficace et maniaque on veut éviter l’interprétation personnelle du
quelconque.
1- Beccaria : une interprétation stricte des lois obligatoires
Le titre de l’ouvrage de Beccaria (Des délits et des peines) résume à lui seul la conception,
celle de l’école classique.
A ce point-là on trouve le grand philosophe Beccaria qui est un spécialiste italien qui
s’intéresse à tout ce qui a lien avec les sciences criminelles, Beccaria est un juriste, politicien

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célèbre par leur thèse qui élucider le domaine criminel à travers leur condamnation de la
torture et la sanction de la peine de mort qui incombe aux malfaiteurs, également il est pour
l’intimidante de la loi pénale pour empêcher les individus de passer à l’acte criminel
Ainsi CESAR BECCARIA est pour l’interprétation stricte des lois pour garantir la légalité
et l’équité

2- Jeremy Bentham : la flexibilité des lois


Dans un autre sens, nous trouvons JEREMY BENTHAM .Juriste et philosophe anglais qui a
eu un point de vue différent à celui de CESAR BECCARIA,
Bentham est un défenseur du positivisme juridique et considère que le but du droit doit être le
bonheur collectif et le bien-être social. Selon lui les lois doivent être interprétées de manière
à atteindre ces objectifs. C’est alors que BECCARIA est pour une interprétation stricte des
lois pour une finalité claire qui est la légalité et la justice face à face à BENTHAM qui est
avec l’approche flexible au niveau de l’interprétation des lois

Selon le raisonnement philosophique de CESAR BECCARIA la garantie de la prévisibilité ;


la certitude et la stabilité juridique et bien aussi de l’interprétation stricte des lois nous nous
sommes échappées des risques arbitraires et la récidive du phénomène criminel

B- L’influence de la philosophie classique de nos jours :


De nous jour et à cause de l’influence philosophique sur le droit pénal ce dernier est devenu
intéressant dans le sens où il reste sujet de débat, et la philosophie joue un rôle substantiel
dans le développement et la formation du droit pénal contemporain

1- Réflexion sur l’interprétation stricte des lois :


Loin d’être ignorée du droit pénal, l’interprétation de la loi apparaît depuis toujours comme
une opération essentielle en ce domaine.
Il est ainsi admis que le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale a une valeur
normative équivalente c'est d'abord de protéger les individus contre toute forme de répression
arbitraire et bien aussi le juge ne peut ni modifier le sens d'un texte législatif ni en étendre le
domaine
2- Qualification de la norme juridique :
Une norme juridique est une règle ou un principe établi par une autorité compétente qui a
le pouvoir de créer et d’appliquer des lois.
Ces normes sont généralement énoncées dans des textes législatifs, des constitutions, des
décrets, des règlements, etc. Elles définissent les droits et les devoirs des individus au sein
d’une société et établissent les conséquences en cas de non-respect.
Les normes juridiques peuvent être classées en différentes catégories, telles que le droit
constitutionnel, le droit civil, le droit pénal, etc, elles sont essentielles pour maintenir l’ordre
et la justice dans une société.
La qualification stricte d'une norme juridique fait référence à l'analyse précise et rigoureuse
des éléments qui composent cette norme, Cela implique de considérer ses termes, sa portée et

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son application de manière précise, sans interprétation extensive ou créative. En d'autres
termes, une qualification stricte vise à déterminer le sens littéral et spécifique d'une norme
juridique, en se basant uniquement sur le texte et sans recourir à des interprétations
subjectives, Cela est souvent important dans le cadre de l'application et de l'interprétation du
droit, notamment lors de litiges juridiques.

Le principe de non rétroactivité de loi


Pour mieux cerner cette partie, nous analyserons le principe de non rétroactivité de la loi pénale
(1), en examinant les approches philosophiques qui l’ont influencé (2).
 L’existence du principe
Le principe de non-rétroactivité de la loi est un corollaire du principe de légalité, puisqu’il a
pour conséquence l’impossibilité d’appliquer une loi pénale à des faits antérieurs à sa
promulgation où à son entrée en vigueur.
En effet, dans un Etat de droit, le droit pénal doit prévenir avant de frapper (Lex moneat
priusquam feriat). Le principe est donc fondé sur la protection de la sécurité sociale et la
sauvegarde des intérêts individuels. Ainsi, selon P. PESCATORE « ce principe est l’expression
de certains besoins élémentaires tenant à la paix sociale et au respect des droits individuels ». Le
principe de la non-rétroactivité est donc le garant des libertés, il est un rempart contre l’exercice
arbitraire du pouvoir.
En droit Marocain, le principe de non rétroactivité de la loi pénale est consacré dans l’article 4
du CP « Nul ne peut être condamné pour un fait qui, selon la loi en vigueur au temps où il a été
commis, ne constituait pas une infraction ».
Ce fondement énonce que la loi pénale régulièrement adoptée, s’applique depuis son entrée en
vigueur jusqu’à son abrogation, à tous les actes commis postérieurement à cette entrée en
vigueur et non définitivement jugés.
Toutefois, il existe des exceptions à ce principe, dans la mesure où une nouvelle loi pénale va
rétroagir et s’appliquer à des situations passées. Il s’agit des :
- lois déclarées expressément rétroactives par le législateur : le juge est donc tenu de les
appliquer même à des faits antérieurs à leur promulgation. Ex. Le dahir du 29 octobre 1959
sur les crimes contre la santé publique
- lois interprétatives : Elles sont destinées à préciser le sens d’une loi antérieure obscure.
Autrement dit, ce sont des lois qui ne prévoient pas de disposition nouvelle mais elles se
contentent à interpréter les dispositions de la loi principale.
- lois plus douces : L’article 6 du CP dispose expressément que « Lorsque plusieurs lois ont
été en vigueur entre le moment où l'infraction a été commise et le jugement définitif, la loi,
dont les dispositions sont les moins rigoureuses, doit recevoir application ».
Il s’ensuit qu’un acte commis sous l’empire d’une loi déterminée et non jugée définitivement au
moment où entre en vigueur une loi nouvelle, sera soumis à cette loi si elle comporte des
dispositions moins sévères que celles régissant cet acte lors de sa commission. Ce texte consacre
le principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce dans la mesure où il fait bénéficier les
délinquants non encore définitivement, jugés, de la clémence des nouvelles lois.

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Néanmoins, l’article 7 du CP prévoit que « Les dispositions des articles 5 et 6 ci-dessus ne
concernent pas les lois temporaires. Celles-ci, même après qu'elles ont cessé d'être en vigueur,
continuent à régir les infractions commises pendant la durée de leur application ».
Ainsi, de la lecture de cet article, il ressort clairement que la rétroactivité de la loi pénale plus
douce n’est pas générale. Le législateur refuse d’appliquer cette règle aux lois temporaires c’est-
à-dire affectées d’un terme extinctif. Le législateur opte ici pour une application uniforme de la
répression.
 Le nouveau régime et le rejet de la rétroactivité
Au crépuscule de XVIIIe siècle, avec la disparition de l’ancien régime, s'opère une montée
significative des théories relatives au droit pénal, révélant ainsi leur importance au sein des
conceptions et des réflexions philosophiques et des penseurs éclairés de cette époque de
transition.
Le principe de la rétroactivité in mitius est tout d’abord une conséquence du principe de
légalité, et donc du principe de non-rétroactivité.
En effet, ces principes, d’inspiration libérale, conduisent à appliquer de façon automatique aux
justiciables la loi la plus douce.
Selon le Professeur J. PRADEL, le principe se justifie « au point de vue de l’intérêt de la société
», en effet, cette dernière n’a plus d’intérêt à appliquer la disposition ancienne plus rigoureuse
puisqu’elle a jugé, en adoptant la loi nouvelle, qu’il valait mieux être plus clément. Le principe
se justifie également du point de vue de« l’intérêt individuel », puisqu' il serait contraire au bon
sens d’appliquer à l’individu la loi la plus sévère, au nom du principe de la non-rétroactivité des
lois qui a été édicté pour le protéger. Ce principe est donc d’essence éminemment libérale.
A propos du principe de non rétroactivité de la loi pénale, PORTALIS (avocat, jurisconsulte,
philosophe du droit et homme d'État français) dans son Discours préliminaire rappelait cette
règle fondamentale de la justice pénale : « La loi qui sert de titre à l’accusation doit être
antérieure à l’action pour laquelle on accuse. Le législateur ne doit point frapper sans avertir : s’il
en était autrement, la loi, contre son objet essentiel, ne se proposerait pas de rendre les hommes
meilleurs, mais seulement de les rendre malheureux ; ce qui serait contraire à l’essence même
des choses».
Il ressort clairement de cette citation que la rétroactivité de la loi pénale est interdite, et
personne ne peut être poursuivi ou condamné en vertu d’une loi adoptée après qu’elle ait agi. Ce
principe est essentiel pour garantir la prévisibilité et l’équité dans le système de justice.
En outre, l’idée sous-jacente ici est que la loi doit être en accord avec la justice et la morale, et
elle ne doit pas être utilisée d’une manière abusive pour réprimer les individus.

Principe de proportionnalité de la loi pénale selon l’école classique


Jusqu’à une époque récente, Cette notion de proportionnalité n’était qu’un principe de
philosophie morale externe au système juridique et qui permet d’en décrire certains aspects. Ce
n’est qu’à partir du XVIIIe siècle et, surtout, de la fin du XIXe, avec la reconnaissance de droits
fondamentaux des individus qui limitent l’étendue du pouvoir des autorités publiques que la
proportionnalité devient un principe général de droit positif.

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Deux grands noms se dégagent alors, celui de Beccaria et celui de Bentham. Ces deux penseurs
prometteurs de l’école de justice absolue s’appuient sur l’idée que la peine doit avoir pour but
l’utilité sociale. L’objectif n’est pas de faire souffrir le délinquant mais d’empêcher la récidive.
Beccaria, dans son traité « des délits et des peines » paru en 1764 à proposer un système de règle
qui prône la primauté de la prévention, on ne doit recourir à la répression qu’après avoir constaté
l’échec de la prévention. Il pose le principe de la légalité, soutient que la loi doit définir les
délits, préciser la nature des peines applicable et réglementer les procès, la proportion entre les
délits et les peines, demande l’abolition de la peine de mort sauf lorsque c’est contre l’état, la
primauté des peines pécuniaires, l’abolition de la torture, la publicité de l’audience et le
règlement d’avant le jugement.
Quant à Bentham, il fonde le droit de punir de la société sur un but utilitaire, il demande que soit
pris en compte les circonstances, il demande la suppression des peines corporelles aux bénéfices
des peines privatives de liberté et prône lui aussi la prévention de la récidive.
 Définition du principe de proportionnalité :
L'idée fondamentale de l'école classique sur la proportionnalité de la loi est que la loi doit être
proportionnelle à l'objectif recherché et ne doit pas être excessive. Cela signifie que les sanctions
légales et les mesures prises par le gouvernement doivent être justes, équitables et ne pas violer
les droits fondamentaux des individus. Cette idée est souvent résumée par la célèbre maxime :
"La peine doit être proportionnée au crime".
Les utilitaristes Beccaria et Bentham, lorsqu’ils parlent de proportionnalité, indiquent toujours un
rapport entre la peine et le mal du crime, plutôt qu’entre la peine et le bien qui peut découler du
châtiment
Dans son célèbre essai, Beccaria exprimait l’exigence d’une proportion entre les délits et les
peines « L’intérêt de la société est non-seulement qu’il ne se commette point de crimes, mais
encore qu’ils soient plus rares à proportion qu’ils en violent plus les lois. Le tort qu’ils font
au bien public et les motifs qui portent à les commettre doivent donc être la mesure du
frein qu’on cherche à leur opposer ; il doit donc exister une proportion entre les délits et les
peines.»
Beccaria associe la proportionnalité au principe de légalité lequel énonce qu’il ne peut y avoir de
crime et de peine sans loi et au principe de nécessité lequel impose de choisir la mesure la moins
liberticide pour parvenir à l’objectif souhaité, la « juste mesure » .Cette volonté de justesse
pénale est un souci de modération pénale et un objectif de prévention dans la conception
Béccarienne du droit pénal.
Influencé par les idées des penseurs classiques, le principe de proportionnalité en droit pénal est
devenu un concept essentiel du droit pénal général. Selon ce principe la peine infligée doit être
équilibrée et justifiée en fonction de la nature et de la gravité de l'infraction commise, c'est-à-dire
que les peines imposées aux délinquants sont proportionnées à la gravité de leurs actes. Ce
principe vise à éviter que les délinquants ne soient soumis à des sanctions excessives par rapport
à la gravité de leur infraction, ce qui pourrait être considéré comme inhumain ou contraire à la
justice.

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 Le principe de proportionnalité de la peine selon l'école classique :
- Le lien entre culpabilité et peine :
L'école classique soutient que la peine doit être adaptée à la situation particulière de l'individu
condamné, les facteurs tels que les antécédents criminels, les circonstances de l'infraction et
notamment la culpabilité personnelle.
Avant qu'une peine puisse être imposée à un individu, il est généralement nécessaire qu'il
reconnaisse sa culpabilité ou qu'il soit déclaré coupable par un tribunal à l'issue d'un procès. La
reconnaissance de culpabilité est le premier pas pour établir le lien entre culpabilité et peine.
L'école classique met en avant le concept du libre arbitre, qui consiste que les individus ont la
capacité de faire des choix rationnels et de décider de commettre ou non un acte criminel. En
conséquence, la culpabilité individuelle est basée sur le fait que l'individu avait la possibilité de
choisir de ne pas commettre le crime.
Les penseurs de l’école classique mettent également l’accent aussi sur la responsabilité
individuelle, une personne ne peut être punie que si elle a librement et délibérément commis un
acte criminel. La culpabilité doit être établie au cas par cas, et il ne peut y avoir de responsabilité
collective
- La critique de la peine excessive :
La peine excessive était au centre du critique des auteurs classique qui ont opté pour des
sanctions pénales proportionnées, prévisibles et dissuasives. Leur vision et d’éviter que les
délinquants ne soient soumis à des sanctions excessives par rapport à la gravité de leur
infraction.
Les peines excessives n'avaient pas d'effet dissuasif significatif sur les criminels selon Beccaria,
au contraire elles pouvaient même encourager les délinquants à commettre des actes plus graves,
car ils avaient peu à perdre. Beccaria a également condamné l'utilisation de la torture et des
peines cruelles, qui infligeaient des souffrances inutiles aux condamnés, sans améliorer la société
ni dissuader les criminels.
Bentham va développer une approche utilitariste de la justice pénale, où la peine devait être
proportionnée au mal causé par le crime car la peine excessive ne serait que contre-productive et
ne contribuait pas au plus grand bonheur de la société. Pour lui la peine devait être calculée en
fonction de la quantité de plaisir ou de douleur infligée au condamné et à la société. Les peines
excessives ne respectaient pas ce principe, car elles causaient souvent plus de douleur qu'elles
n'apportaient de bénéfices.
 Implications pratiques du principe :
- Gradation des peines :
La gradation des peines et le principe de proportionnalité sont des concepts étroitement liés en
droit pénal. Ils travaillent ensemble pour garantir que les sanctions imposées aux délinquants
sont justes, équitables et proportionnées à la gravité de leurs infractions.
La gradation des peines consiste à classer les sanctions en fonction de leur sévérité, en les
associant à la gravité des infractions. Par exemple, un système de gradation des peines peut
prévoir des peines de prison plus courtes pour des infractions mineures et des peines de prison
plus longues pour des infractions graves.
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- Différenciation selon gravité de l'infraction :
La proportionnalité de la loi pénale selon la gravité de l’infraction implique que les sanctions les
plus légères sont réservées aux infractions moins graves, tandis que des sanctions plus sévères
sont appliquées aux infractions plus graves, et c’est ce que Beccaria a indiqué dans son ouvrage
« Il faut donc réprimer les plus dangereux par les peines les plus sévères, et réserver des
châtiments plus doux aux moins importants. »
- Peine comme dissuasion :
Les penseurs de l'école classique estiment que les peines doivent être suffisamment sévères pour
dissuader les individus de commettre des infractions. Ainsi la certitude de la peine est essentielle
pour dissuader les individus de commettre des infractions.
Bentham voit la dissuasion comme le principal objectif de la peine, et que la certitude et la
promptitude de la punition sont plus efficaces que la sévérité de la peine. Il a également souligné
l'importance de l'égalité devant la loi, déclarant que la peine doit être appliquée de manière égale
à tous les individus, quel que soit leur statut social.
Les peines doivent aussi être rationnelles et calculées de manière à décourager les
comportements criminels en faisant en sorte que le coût de la délinquance l'emporte sur les
bénéfices attendus.
- Humanité des peines :
L'école de la justice absolue s'oppose à l'utilisation de la torture et des peines cruelles. Les peines
doivent être humaines et respecter la dignité des individus condamnés, même en cas d'infractions
graves. Selon les idées de Bentham les peines devaient être conçues de manière à éviter la
souffrance inutile aux délinquants. Il était en faveur de l'adoption de sanctions qui serviraient le
bien commun sans infliger une cruauté inutile.
Ainsi il a conçu l'éducation et la réhabilitation des délinquants comme moyen de prévenir la
récidive tout en soutenant l'idée que le traitement des délinquants devrait viser à les réintégrer
dans la société en tant que membres productifs, chaque fois que cela était possible.
Cette approche de l’école classique met en avant les droits de l'homme et la prévention de la
torture et des traitements inhumains.
 L’impact de l’approche classique sur le droit pénal moderne :
On peut observer une évolution de la législation pénale, de la fin du XVIIIe siècle à nos jours,
depuis les écrits des auteurs comme Beccaria et Bentham qui ont critiqué la peine excessive en
insistant sur l'inefficacité de cette approche, en promouvant la proportionnalité des peines par
rapport à la gravité du crime, en s'opposant à la torture et aux peines cruelles, et en défendant des
principes de légalité, de transparence et de prévisibilité dans le système de justice pénale. Leurs
idées ont eu un impact significatif sur le développement du droit pénal moderne et l’application
des lois pénales.

Section 2- la philosophie de l’école néoclassique


L’école néoclassique indique une nouvelle politique criminelle relative à la fois à la théorie de
l’infraction et à celle de la sanction. Elle n’était pas une simple idée fortuite ou une étape

15
distincte de la pensée criminelle moderne, toutefois elle représente une ampleur brute des idées
et notions antécédents en relation avec l’idée du droit à la punition.
Cette école peut aussi être appelée « éclectique » en vue de son emplacement entre les idées de
Beccaria et celles de la justice absolue.
En effet, la doctrine néoclassique englobe la synthèse entre les idées de la Révolution et celles de
l’Ancien Droit à travers l’énoncé notoire : « punir ni plus qu’il n’est juste, ni plus qu’il n’est
utile ».c’est une combinaison à la fois de l’utilité sociale et de la justice morale.
A vrai dire, cette école a pour objectif de mettre en lumière les aspects personnels de la
responsabilité et la nécessité d'atteindre la proportionnalité entre la peine et le degré de
responsabilité, qui est principalement basé sur le degré de liberté de choix disponible en cas de
commission de l'acte criminel en tenant compte de tous les aspects personnels pouvant affecter
cette liberté.
Pourtant, l’école néoclassique met la nécessité sur l’individualisation de la peine à fin de
parvenir à une peine juste, et c’est en cela qu’ils se différencient essentiellement de l’école
classique.

Principe de l’individualisation des peines


S’il fallait attribuer la paternité du principe d’individualisation des peines à un auteur, ce serait
sans nul doute au juriste français Raymond SALEILLES puisqu’il est le premier à avoir théorisé
ce principe. En 1898, Saleilles avait publié un ouvrage : « L’individualisation de la peine », dans
lequel il analyse le problème de l’adaptation de la peine à chaque personne. En effet, ce principe
d’individualisation des peines a pour but d’assurer une justice plus équitable en prenant en
considération des facteurs tels que la gravité de l’infraction, les antécédents de l’individu et sa
réadaptation potentielle, ainsi qu’il traite la modulation de la peine par le juge en fonction des
caractéristiques propres à chaque individu qui semble être centrale dans nos systèmes pénales
contemporains.
De même, Saleilles élucide que la peine doit permettre à l’individu d’être réhabilité afin d’éviter
qu’il ne persiste encore davantage dans la criminalité, et affirme que la dignité de l’individu doit
être protégée en tout état de cause ; contrairement aux peines afflictives et infamantes tels que les
travaux forcés à perpétuité, le carcan, le bannissement…
A cet effet, après la restitution d’une dimension humaniste, Saleilles relate la mission du jury
dans l’individualisation de la peine, ainsi que le rôle des circonstances atténuantes comme
premier levier d’individualisation de la peine.
Nonobstant, il met le juge au centre du système qui serait « un système d’individualisation
judiciaire » par opposition à « un système d’interprétation légale », et lui conseil une mesure
importante en relation avec les capacités du délinquant à se réinsérer dans la société et s’éloigner
du crime.
 Fondements du principe de l’individualisation des peines
L’individualisation s’éparpille en deux degrés : le premier comprend la prise en compte du crime
matériellement commis (A), ainsi que le degré de culpabilité de l’accusé (B).

16
- Gravité de l’infraction commise :
Il existe autant de faits criminels qu’il y a de criminels et chaque circonstance matérielle
gravitant autour de l’acte contribue à le rendre unique. Il fait référence à l’état pathologique de
l’individu au moment du passage à l’acte. Quant au second degré d’individualisation prend en
considération le criminel en tant qu’être social.
D’après Saleilles : « C’est le crime que l’on punit, mais c’est la considération de l’individu qui
détermine le genre de mesure qui lui convient. La responsabilité, fondement de la peine, et
l’individualisation, critérium de son application : telle est la formule du droit pénal moderne »,
dont il prévient que la réadaptation du délinquant passe par des traitements pénales multiples.
Ainsi que l’individualisation se manifeste par être la voie royale vers un système de peine
efficace basé sur la responsabilité.
- Le degré de culpabilité de l’accusé :
En effet, passer par les peines généralisées vers les peines spécialisées montre l’influence du
principe d’individualisation sur le Droit pénal, ce qui clarifie que dans les limites du maximum et
du minimum édictés par la loi réprimant l'infraction, le juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire
pour fixer et individualiser la peine en tenant compte d'une part, de la gravité de l'infraction
commise, d'autre part, de la personnalité du délinquant. Le juge est tenu d'appliquer au coupable
une peine atténuée ou aggravée chaque fois que sont prouvés, soit un ou plusieurs faits d'excuse
atténuante, soit une ou plusieurs des circonstances aggravantes prévues par la loi.1
 Les types d’individualisation de la peine selon Saleilles
SALEILLES distingue trois types d’individualisation : l’individualisation légale (A), « faite en
quelque sorte à forfait et par avance par la loi » ; l’individualisation judiciaire (B), réalisée
comme son nom l’indique, par le juge ; et enfin l’individualisation administrative (C), « faite en
cours de peine par l’administration ».
- L’individualisation légale :
Saleilles précise que l’individualisation légale est en réalité une « fausse individualisation » étant
donné que « la loi ne peut en effet prévoir que des espèces, elle ne connaît pas les individus. Tout
ce que l’on a pu prendre pour des cas d’individualisation légale sont des causes d’atténuation ou
d’aggravation de peine fondée sur le plus ou le moins de gravité du crime, donc sur le degré de
responsabilité ». Ainsi, il explique que dans le cadre d’une atténuation légale de peine, ce n’est
pas la personnalité de l’auteur qui est considérée mais bien la matérialité des faits.
- L’individualisation judiciaire :
Le principe d’individualisation judiciaire est une prérogative qui a été prévue pour la phase de
jugement. C’est donc le juge du prononcé de la peine qui a été investi de ce pouvoir, lui
permettant de moduler la sanction en fonction de critères propres à l’auteur des faits.
Les défenseurs de l’individualisation judiciaire s’opposent fermement aux tenants de
l’individualisation légale. En effet, les premiers considèrent que la peine doit être adaptée à la
situation de chaque espèce et doit tenir compte de la personnalité de l’auteur d’une infraction. Ils
affirment donc un système de peines adaptables .C’est un système pourrait paraître contraire au
principe d’égalité. Néanmoins l’égalité ne s’entend pas que d’un point de vue purement formel.

1
Article 142 du CP marocain.
17
Aristote avait en effet proposé une autre définition plus pragmatique de l’égalité : celle-ci
consiste à traiter également toutes choses égales. Ainsi, l’égalité abstraite opérée par la loi
deviendrait un idéal qui ne peut s’appliquer que si l’on envisage une égalité plus concrète
réalisée par le juge.
- L’individualisation administrative :
Quant à L’individualisation administrative suppose une adaptation du régime de la peine. Cette
individualisation prend place cette fois dans la phase de l’application de la peine. Cependant,
aujourd’hui, il ne s’agit donc plus réellement d’une individualisation administrative. En effet,
l’individualisation administrative telle que décrite par SALEILLES est aujourd’hui
essentiellement l’œuvre des juridictions de l’application des peines. Selon ce juriste, la réelle
individualisation est donc une individualisation subjective, autrement dit, c’est « une
individualisation fondée sur la criminalité subjective du fait, c’est-à-dire sur l’acte criminel pris
dans son ensemble avec toutes ses causes psychologiques et apprécié dans son unité et son
indivisibilité ».
S’il est une certitude, c’est bien que l’individualisation de la peine telle que théorisée par
SALEILLES a largement été relayée par la doctrine, qu’elle soit ancienne ou récente.
Dès lors, une étude de la doctrine moderne et surtout contemporaine du principe
d’individualisation de la peine s’impose.
 Limites de l’individualisation de la peine chez les néoclassiques :
L'individualisation de la peine chez les néoclassiques offre une approche plus équitable et
homogène de la justice pénale. Cependant, elle n'est pas dépourvue de limites.
Prise en compte insuffisante des facteurs structurels
Dans l'approche néoclassique de la justice pénale, l'individualisation de la peine vise à tenir
compte des circonstances spécifiques de chaque individu lors de la détermination de sa sentence.
Cependant, La compréhension du contexte social, de la dimension économique et des facteurs
culturels est cruciale pour évaluer de manière juste et proportionnée la responsabilité pénale d'un
individu. Ignorer ces facteurs peut entraîner des inégalités dans la détermination des peines et ne
pas tenir compte des facteurs qui ont influencé l'infraction en question.
Par conséquent, une approche plus holistique et inclusive de l'individualisation de la peine
devrait tenir compte de ces limites et intégrer une analyse plus approfondie des facteurs
structurels lors de la détermination des peines.
Temps nécessaire pour l'évaluation et la planification individuelle des peines :
L'individualisation de la peine dans l'approche néoclassique de la justice pénale vise à évaluer les
circonstances spécifiques de chaque individu afin de prononcer une peine juste et proportionnée.
Cependant, la contrainte de temps est une limite majeure de l'individualisation de la peine chez
les néoclassiques. Les pressions sur les tribunaux et les services correctionnels peuvent entraîner
des retards dans la prise de décision, une recherche d'informations précipitée et une planification
inadéquate de la réhabilitation et de la réinsertion sociale. Cela peut compromettre la qualité des
décisions et l'efficacité des peines prononcées. Il est essentiel d'allouer des ressources adéquates
pour permettre une évaluation approfondie, une planification adaptée et une mise en œuvre
effective de l'individualisation de la peine.

18
Chapitre 2 : L’approche philosophique des principes des écoles traditionnelles
Section 1 : l’école positiviste :
Depuis l’émergence de la criminologie, les sciences sociales ont toujours joué un rôle primordial
dans la conception de ses théories. Par définition, la criminologie est : « Au sens étroit :
l’ensemble des doctrines et recherches ayant pour objet de déterminer les causes de la
criminalité (criminogenèse). Au sens large, c’est une étude scientifique du phénomène criminel
dans ses 3 composantes : la norme pénale, le crime, la réaction sociale. »2.
La notion reste toujours indécise, et ce dans la mesure où pour la cerner, il faut comprendre sa
confection dans ses plus fins fils. Ainsi s’interpose une étude non exhaustive de l’une des écoles
ayant contribué dans l’évolution du complexe pénal.

Sous-section 1 : Abécédaire à l’école positiviste :


 Des idées révolutionnaires :
D’une première vue, nous pouvons définir le positivisme juridique comme une : « Doctrine qui
ne reconnaît de valeur qu’aux règles du droit positif et rejette toute métaphysique et toute idée de
droit naturel. Selon le positivisme étatique, tout le droit est contenu dans le droit positif dont
l’État est la source et la justification. Selon le positivisme sociologique en revanche, le droit
n’est pas l’ensemble des règles ordonnées par l’État, mais l’ensemble des règles appliquées par
le corps social, dont elles sont par ailleurs le produit et reflètent les évolutions.» 3
De cette explication, il en ressort que le positivisme est fondée sur l’observation et l’expérience
et non sur la déduction ou la supposition. Il s’oppose à la fois à la métaphysique et au formel.
Ceci se traduit sur le plan juridique dans l’appréciation des deux sous parties du positivisme
juridique, à savoir le positivisme étatique et le positivisme sociologique. Le premier considère
que les règles de loi valides émanent du droit positif. Autrement dit, des règles de loi qui
émanent de l’Etat sous forme de lois, décrets, ordonnances,… Il n’y a pas de place pour des
concepts tel le droit naturel car sa validité ne dépend aucunement de considérations morales,
éthiques ou culturelles. ‘‘La science du droit consiste ainsi, dans le cadre d’une analyse
purement interne, à mettre en évidence la logique qui préside à l’articulation des normes
juridiques et les constitue en ordre structuré et cohérent : elle exclut dès lors toute rationalité
autre que juridique (positivisme)’’4.
Le second, à l’infus du positivisme juridique, celui sociologique, adopte une approche plus
flexible. Il avance que le droit ne se limite pas aux règles édictées par l’Etat, mais englobe aussi
les règles appliquées par la société dans son ensemble. Par conséquent, le droit ne se limite pas
aux lois émises par l'État, mais peut également inclure des normes non écrites, des coutumes, des
pratiques, des conventions et d'autres éléments du droit informel. ‘‘Ils (les socio juristes) rejettent
la croyance du naturalisme selon laquelle il serait possible d’atteindre une théorie générale des
valeurs : ils considèrent la réalité comme construite socialement, sans qu’il n’y ait de guide
naturel indiquant la solution de nombre de conflits.’’5

2
Lexique des termes juridiques, 2014, DALLOZ.
3
Lexique des termes juridiques, 2014, DALLOZ.
4
Jacques Chevallier, Droit et politique, Paris, PUF, 1993p. 255
5
M..D.A. Freeman, Lloyd’s Introduction to Jurisprudence, Londres, Sweet & Maxwell, 2001, pp. 659-660
19
La seconde partie du XIXème et le début du XXème siècle en Italie étaient caractérisés par les
tensions politiques encadrant le Risorgimento6. À la fin du XIXème siècle, sous l’inspiration de la
physionomie et de la phrénologie, un effet domino prend effet, et est le point de naissance de
l’école positiviste qui s’approprie une vision nouvelle et nuancée de ce qu’est la criminologie.
Dans une atmosphère scientifique marquée par des bouleversements sociaux, les fondateurs de
cette école ont réussi à un certain degré de revisiter l’étude de la criminologie en combinant le
scientifique et le social. En d’autres termes, L'école positiviste a introduit une nouvelle
perspective basée sur la science, la biologie, la sociologie et la psychologie pour expliquer la
délinquance et les comportements criminels.
 l’école positive et l’école classique :
La doctrine classique a donné naissance à de nouveaux opposants. Avec des fortunes diverses,
elle sera attaquée sur ces deux registres par les écoles de pensée pénale apparues à partir du
début du XIXe siècle qui ont remis en cause le dogmatisme qui caractérise les solutions qu’elle
propose, d’une part, et la place qu’elle réserve à la fonction dissuasive des peines et aux vertus
rééducatrices de la souffrance, d’autre part.7
Le public est justement préoccupé par les questions sociales. Riches et pauvres, savants et
ignorants s'y intéressent. La nécessité de les étudier et de les résoudre s'est imposée à tous. A
cause même de la gravité de ces problèmes sociaux, foule d'hommes se sont adonnés à ces
recherches sociologiques. Pénétrées peu à peu parla véritable méthode scientifique, c'est-à-dire
par la méthode d'observation et d'expérimentation, ces études permettent de voir de plus en plus
clair dans une foule de phénomènes sociaux8
L’école positiviste vient briser toute conception classique mettant l’accent sur la responsabilité
individuelle et le libre arbitre. Sa pensée penche, en revanche, à la relation entre les facteurs
naturels et sociaux qui résultent dans la commission d’un acte contraire à la loi. Elle emprunte
aux sciences physiques l’exactitude de leurs méthodes pour proposer une conception radicale du
droit pénal fondée sur le principe d’irresponsabilité pénale du délinquant. Il est à noter que
l’école positiviste, en la personne de ses fondateurs, est passée par trois phases. Les pères de la
criminologie Lombroso, Ferri et Garofalo sollicitent l’un après l’autre l’anthropologie, la
sociologie et la psychologie pour identifier les causes de la criminalité qu’ils détachent de l’idée
du mauvais usage délibéré de la liberté.

Sous-section 2 : Pionniers de l’école positiviste :


 L’anthropologie criminelle :
Cesare Lombroso reste le criminologiste le plus connu du dernier quart du XIXe siècle et le plus
contesté après sa mort. Marco Ezechia Lombroso, dit Cesare Lombroso, est né à Vérone en 1835
au sein d’une famille juive. Lambroso a fait des études de médecine à Pavie, les a poursuivies à
Padoue et Vienne. Il revient à Pavie pour décrocher son doctorat en 1858, où il prend la direction

6
Le Risorgimento, mouvement idéologique et politique issu des idées des Lumières et de la Révolution française
tente d'atteindre, en Italie, le double objectif du renversement de l'absolutisme et de la réalisation de l'unité
nationale. Saverio Bettinelli, Il Risorgimento d'Italia dopo il Mille, 1775
7
Mohieddine Amzazi, ESSAI SUR LE SYSTÈME PÉNAL MAROCAIN, Description du Maghreb, 2013
8
LA LIBRAIRIE C. REINWALD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 15, Rue des Saints-Pères, 15, Paris
20
de l'asile d'aliénés de cette dernière à partir de 1864, lui donnant une matière importante à ses
recherches.
Sous l’influence des positivistes français et des théories évolutionnistes de Charles Darwin,
Lambroso a avancé des idées selon lesquelles la déviance et le crime sont des phénomènes
biologiques. Il considérait les criminels comme une forme de sauvages primitifs, quand la société
y voit des déviants sociaux.
L'étude anthropométrique porte sur 3 839 criminels, hommes et femmes, et est illustrée de
photographies, de tableaux comparatifs normaux/criminels.
Lombroso étudie 343 crânes et procède à une analyse comparée avec des crânes normaux,
recherche les anomalies suivant le sexe ou le type de crime, établit une comparaison crânienne
entre le sauvage et l'homme criminel et met en avant une anomalie qu'il considère comme
« atavistique » et révélatrice de l'anatomie du criminel : la fossette occipitale. Il dresse enfin le
portrait biologique et psychologique du criminel-né : la « folie morale », l'influence de
l'épilepsie, l'arrêt de développement, l'atavisme, l'usage du tatouage et de l'argot en sont les
caractères dominants.9
Son étude débouche dans la qualification de 5 types de criminels :
1. Les criminels aliénés : Ce sont des individus dont la criminalité est attribuée à des
troubles mentaux ou des maladies mentales.
2. Les criminels d'habitude : Ces criminels ont une propension à la délinquance en raison de
comportements répétitifs.
3. Les criminels d'occasion : Ils commettent des crimes en réponse à des circonstances
particulières, mais n'ont pas nécessairement une tendance criminelle constante.
4. Les criminels par passion : Ce groupe comprend ceux qui commettent des crimes
passionnels sous l'influence de fortes émotions.
5. Les criminels-nés : Lombroso s'intéressait particulièrement à ce groupe, les "criminels-
nés". Il croyait que ces individus présentaient des caractéristiques biologiques distinctes
qui les prédisposaient à la criminalité, comme des anomalies anatomiques ou
physiologiques.
Dans son ouvrage, il entreprend ce qu’il appelle une « embryologie du crime » et explique qu’il
cherche à comprendre comment la criminalité se développe et évolue. Cela en mettant en œuvre
des méthodes issues de la physiologie. Ici Lambroso cherche à établir une relation entre les
caractéristiques physiques, psychologiques et biologiques des individus et leur volonté à
commettre des actes criminels. Il a proposé une analogie factuelle en mettant en exergue certains
attributs observables (formes du crâne, anomalies physiques, comportements obsessionnels ou
l’utilisation de l’argot) pouvant être les indicateurs de prédisposition au crime.
L’influence des théories de Darwin peut être relevée dans l’application des principes de la
sélection naturelle et de l’évolution à la compréhension des comportements criminels. C’en est
l’exemple des personnes pratiquent le cannibalisme.

9
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21
Un élément important mentionné dans l’ouvrage qui est la dimension préventive du crime chez
les enfants déjà présente chez Lombroso. Cela signifie qu'il reconnaît l'importance de la
détection précoce des signes de criminalité chez les enfants, ce qui permettrait de prendre des
mesures pour empêcher le développement ultérieur de comportements criminels.
La principale contribution de Lombroso à la criminologie ne réside pas tant dans sa célèbre
typologie (où il met en évidence la catégorie du « délinquant né ») ou dans sa théorie
criminologique, mais dans la méthode qu’il a utilisée dans ses enquêtes : la méthode empirique
».10
L'approche de Lombroso a été révolutionnaire à son époque, car elle a tenté de lier la criminalité
à des caractéristiques biologiques et à des prédispositions innées. Cependant, ses théories ont
suscité de vives critiques, notamment en raison de leur aspect déterministe et de leur manque de
preuves empiriques solides. Malgré cela, les idées de Lombroso ont contribué à l'évolution de la
criminologie en tant que discipline et ont ouvert la voie à des débats sur la nature complexe de la
déviance et de la criminalité.
 La sociologie criminelle :
Enrico Ferri, né à San Benedetto en 1856 et mort à Rome en 1929, était un homme politique, un
criminaliste et s’est vu adopté la pensée positivistes. Il a joué un rôle majeur en contribuant à
développer des idées novatrices dans le domaine de la criminologie. Il est un théoricien populaire
qui s’est illustré par des textes comme Socialismo et scienza positiva de 1894 où il mêle la
philosophie de Darwin, Spencer, et Marx. Il est co-fondateur de l'école pénaliste italienne avec
Cesare Lombroso et Garofalo.
Dans son ouvrage fondamental, intitulé La sociologie criminelle, il développe sa théorie
multifactorielle et propose des réformes de droit pénal et de procédure pénale en application de
cette théorie.
Il revient sur les idées de Lombroso en soutenant que la criminalité était déterminée par des
facteurs sociaux, biologiques et environnementaux. Il a rejeté l’idée du libre arbitre absolu des
individus, affirmant que la délinquance était le fruit de circonstances et de conditions qui
échappaient au contrôle total de l’individu. Idem pour son concept de délinquants-nés, ou il
propose l’idée que certains individus étaient prédisposés à la criminalité en raison de leurs
caractéristiques biologiques, psychologiques ou sociales. Cependant, il n'a pas adopté une vision
aussi rigide que Cesare Lombroso, Au lieu de considérer les délinquants comme des "criminels-
nés" irréductibles, Ferri a suggéré que la prédisposition à la criminalité pouvait être modifiée par
des facteurs sociaux et environnementaux.
Son travail pourrait être résumé en trois points :
1) Facteurs criminogènes :
Il identifie deux catégories de facteurs criminogènes qui contribuent à la criminalité.
 Facteurs endogènes (intrinsèque) : des facteurs qui échappent au contrôle de l’individu.
Notamment ses caractéristiques personnelles, sa constitution organique et psychique.

10
PAULA, T.B. de. Criminologie : étude des écoles sociologiques du crime et de la pratique des infractions pénales.
2013. 46 et suiv. Diplôme (licence en droit) – Universidade do Norte Paulista, São José do Rio Preto, 2013.

22
 Facteurs exogènes : qui se divisent en deux types :
- Facteurs du milieu physique : englobent le climat, la nature du sol, et d’autres
caractéristiques de l’environnement physiques.
- Facteurs du milieu social : incluent la densité de la population, l’organisation sociale,
le taux d’alcoolisme…
Au niveau des facteurs criminogènes, Ferri distingue les facteurs endogènes, inhérents à
l’individu (caractéristiques personnelles, constitution organique, constitution psychique) et les
facteurs exogènes qui se dédoublent en facteurs du milieu physique (climat, nature du sol…) et
en facteurs du milieu social (densité de la population, organisation sociale, taux
d’alcoolisme…). 11
2) La loi de saturation criminelle :
Ferri propose la "loi de saturation criminelle", qui énonce que, de manière quasi-mathématique,
dans un environnement social donné, un certain nombre d'individus ayant certaines conditions
physiques commettront un nombre fixe de crimes. Il a observé que, jusqu'à la Première Guerre
mondiale, le taux de criminalité semblait relativement constant, ce qui posait un problème
d'interprétation. Mais, même sous cette réserve, la constance du taux posait un problème
d'interprétation. Était-elle l'indice d'une constance de la criminalité réelle ?
Comme dans un volume d'eau donné, à une température donnée, se dissout une quantité
déterminée d'une substance chimique, pas un atome de plus et pas un de moins, de même dans
un milieu social donné, avec des conditions individuelles et physiques données, il se commet un
nombre déterminé de délits, pas un de plus, pas un de moins.12
Il affirmait que dans un environnement social spécifique, avec des conditions individuelles et
physiques données, un nombre déterminé de délits se produirait, ni plus ni moins. En d'autres
termes, il considérait que le taux de criminalité était prévisible et déterminé par des facteurs
sociaux, individuels et environnementaux spécifiques. Ferri avait également formulé une loi
complémentaire, la "loi de sursaturation," qui s'appliquerait en cas de changements sociaux
importants. Lorsque ces conditions sociales se modifiaient, en particulier en s'aggravant, un
nombre plus élevé de crimes pourrait être commis. Cela reflète la vision déterministe de Ferri
quant à la nature du crime, selon laquelle la criminalité est largement déterminée par des
influences extérieures et des caractéristiques individuelles.
3) Types de criminels :
Se concentrant sur ces facteurs, Ferri distingue cinq types de criminels :
1) Criminels-nés : Ces individus ont des facteurs endogènes prédominants et, selon Ferri,
peuvent être considérés comme des "criminels-nés." Leur criminalité est largement
attribuée à des caractéristiques innées.
2) Délinquants aliénés : Il s'agit de délinquants qui souffrent de troubles mentaux ou de
maladies mentales, et la sanction devrait viser à les neutraliser.

11
Jérôme TASSI, La théorie multifactorielle de FERRI, 18 août 2005
12
Enrico Ferri, Sociologie Criminelle,
23
3) Délinquants d'habitude : Ces criminels ont tendance à récidiver et nécessitent également
une neutralisation à travers des sanctions pénale.
4) Délinquants d'occasion : Ils commettent des crimes en réponse à des circonstances
spécifiques, et la sanction devrait se concentrer sur la réadaptation sociale plutôt que sur
la neutralisation.
5) Délinquants passionnels : Ces criminels sont motivés par des émotions fortes, et ils sont
soumis à une obligation de réparation du préjudice plutôt qu'à une neutralisation.
« Ce qui fait le criminel au point de vue sociologique et anthropologique, est son anti-socialité
!... Le milieu social donne la forme au crime, mais celui-ci a sa source dans une constitution
biologique antisociale (organique et psychique)... Le criminel est Fauteur d'une attaque aux
conditions naturelles d'existence de l'individu et de la société... »13
 La psychologie criminelle :
Le criminologue Raffaele Garofalo est né à Naples le 18 novembre 1851. Magistrat, juriste, il fut
ensuite le disciple de Cesare Lombroso et de Ferri. Tout comme son maître, il pense que le crime
ne pourra être expliqué que s'il est étudié avec des méthodes scientifiques. Il donnera son nom à
la "Criminologie" en publiant son livre du même nom en 1885 et édité en France en 1890.
Garofalo a occupé le poste de juriste et a donc proposé une systématisation juridique de l’école
positive. Bien qu’il soit moins connu que ses prédécesseurs, Garofalo à travers ses ouvrages a
apporté plusieurs contributions significatives à la criminologie.
Deux théories peuvent être assimilées à Garofalo, la première est celle de la délinquance
naturelle qui postule que la criminalité est inhérente à la nature humaine. La seconde se
concrétise dans la notion de défense sociale selon laquelle le système de justice pénale doit se
concentrer sur la protection de la société contre les individus dangereux plutôt que sur la punition
de ces dits-individus.
Garofalo plaide en faveur de l’individualisation de la peine, affirmant que chaque délinquant
était unique et que la peine devait être adaptée à sa personnalité, à ses circonstances et à la
gravité de son crime. Il vient aussi souligner l’importance de l’approche sociologique pour
comprendre la criminalité. Poursuivant le chemin de ses mentors dans le façonnement des bases
de la criminologie moderne.

Section 2 : la philosophie de l’école de la défense sociale


La défense sociale est un concept juridique et social qui vise à protéger la société en traitant les
individus qui ont commis des actes criminels ou délictueux, tout en cherchant à les réhabiliter ou
à les réinsérer dans la société. Elle repose sur l'idée que la répression pénale seule ne suffit pas à
résoudre les problèmes liés à la criminalité et que des approches plus globales sont nécessaires.
La défense sociale peut prendre différentes formes, notamment :
Traitement médical : Pour les personnes souffrant de troubles mentaux ou de dépendances, la
défense sociale peut impliquer des traitements médicaux, des soins de santé mentale et des
programmes de désintoxication pour les aider à surmonter leurs problèmes sous-jacents.
Réhabilitation : La réhabilitation vise à aider les délinquants à acquérir de nouvelles compétences,

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A. Hamon, Déterminisme et Responsabilité, Paris, 1898
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à modifier leur comportement et à se réinsérer dans la société de manière productive. Cela peut
inclure des programmes de formation professionnelle, d'éducation, de thérapie et de conseil.
Mesures de sécurité : Pour les individus considérés comme dangereux pour la société, la défense
sociale peut également impliquer leur placement en détention ou sous surveillance, parfois à des
fins de prévention de la récidive.
Interventions sociales : La défense sociale peut englober des programmes de prévention du crime
qui visent à s'attaquer aux facteurs sous-jacents à la délinquance, tels que la pauvreté, le chômage,
l'éducation insuffisante et les inégalités sociales.
La défense sociale est souvent mise en place dans un cadre juridique spécifique, avec des lois et
des politiques destinées à guider son application. Son objectif principal est de protéger la société
tout en cherchant à traiter les causes profondes de la criminalité, plutôt que de simplement punir
les délinquants. Le système de défense sociale peut varier d'un pays à l'autre en fonction des lois,
des ressources disponibles et des approches politiques.
Les écoles de défense sociale. – Au XXe siècle, L’École de la défense sociale fut d’abord incarnée
par Filippo Gramatica qui a créé en 1949 la Société internationale de défense sociale et dont les
Principes de défense sociale ont été publiés en 1961. Il s’intéressait aux délinquants et non aux
infractions commises et prônait des mesures individualisées.
GRAMATICA répudie l’ensemble du droit criminel et en particulier les concepts d’infraction et
de délinquant. L’infraction doit être rejetée parce qu’elle se fonde sur l’appréciation objective d’un
dommage. Seulement celui-ci ne saurait être considéré comme un délinquant, mais comme un
homme qu’il incombe de resocialiser car il a sombré dans l’antisocialiste. Cette notion forte
complexe est seule à pouvoir servir de critère à l’intervention étatique. Il faut appliquer à l’homme
reconnu antisocial des mesures de défense sociale visant à l’amélioration du sujet et pouvant
intervenir avant comme après l’infraction. Ces mesures, qui doivent constituer l’unique type de
réaction de l’État (ce qui implique la disparition des peines).
Enfin GRAMATICA propose de développer une action politique tournée vers une hygiène sociale
absolue. Toutes ces idées ont suscité de sérieuses réserves chez nombre de criminalistes. Aussi
n’est-il pas surprenant que le système de la défense sociale ait construit une doctrine forte
différente.
MARC ANCEL était un juriste français connu pour ses contributions dans le domaine du droit
pénal et de défense sociale. Il est notamment écrit des ouvrages influents sur le sujet. L'un de ses
ouvrages les plus connu "la défense sociale " (1947), dans lequel il explore les conceptions et les
théories liés à la défense sociale. Ce livre a été un élément important de l'évolution de la pensée
juridique en France et influencé les discussions sur la justice pénale et la réadaptation des
délinquants
La défense sociale nouvelle. Contrairement à Gramatica, il admettait l’importance de l’infraction
mais comme lui promouvait l’individualisation du traitement des délinquants qui doivent être
resocialisés sans être affectés d’un quelconque blâme moral. Les écoles de défense sociale sont
d’inspiration individualiste en ce qu’elles n’admettent pas les prétentions répressives de la société
sur le délinquant mais reconnais sent le droit des délinquants à obtenir une réadaptation à la vie
sociale. S’inscrivent dans les idées portées par cette doctrine, l’ordonnance du 2 février 1945
relative à l’enfance délinquante, qui privilégie la prévention et la rééducation du mineur, de même
que la loi du 11 juillet 1975 modifiant et complétant certaines dispositions de droit pénal (cette loi
instituait des substituts aux courtes peines d’emprisonnement et des mesures en faveur du
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reclassement des condamnés)
MARK ANCEL prévoit que Pour mieux connaître cet homme il faut pratiquer l’observation du
délinquant avec des examens médicaux, sociaux, psychiatriques destinés à constituer un dossier
de personnalité seul capable de permettre la mise en œuvre d’un véritable traitement de
resocialisation.
La défense sociale nouvelle. Telle que définie par MARC ANCEL et les autres auteurs, est la
doctrine la plus séduisante en matière de la défense sociale, thématique qui regroupe au fond des
positions très hétérogène à la lumière des mouvements contemporaines. Il est probable que son
intérêt-lié à l'originalité de sa pensé relève aujourd'hui de l'intérêt historique et que la plupart des
propositions sur le contrôle et la prévention du délit doivent être considérées comme réfutées en
tant que programmes généraux de la politique criminelles.

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Conclusion :
En conclusion, il est manifeste que la science du droit, en particulier le droit pénal, est
profondément enracinée dans la philosophie et les idées philosophiques qui ont évolué au fil
des siècles. Le droit pénal a connu une transformation significative, passant de la vengeance
individuelle à des approches plus rationnelles et sociales, influencées par des philosophes tels
que Rousseau, Grotius, Hobbes et Locke. Les différentes écoles de pensée, des classiques aux
positivistes et à la défense sociale, ont contribué à façonner le droit pénal et à établir des
principes généraux qui sont aujourd'hui les piliers du système juridique.
De plus, la dimension internationale de ces principes est incontestable, puisqu'ils ont été
adoptés par de nombreux pays et intégrés dans leurs lois internes. Ils ont également trouvé
leur place dans des déclarations et traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, ainsi
que dans le fonctionnement des tribunaux internationaux, renforçant ainsi l'universalité de ces
principes fondamentaux du droit pénal.
En fin de compte, l'interaction entre la philosophie et le droit pénal démontre que la réflexion
philosophique a été un moteur essentiel de l'évolution du système juridique, garantissant
l'équité, la justice et la protection des droits de l'homme à l'échelle nationale et internationale.
Cette symbiose entre la philosophie et le droit pénal illustre l'importance de la
multidisciplinarité dans la compréhension et le développement du droit, révélant comment la
pensée philosophique a forgé le droit pénal tel que nous le connaissons aujourd'hui.

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Bibliographie additionnelle :
https://theses.hal.science/tel-03605518/document
https://ledroitcriminel.fr/la_science_criminelle/penalistes/introduction/jeandidier_theories_penales.htm
PAULA, T.B. de. Criminologie : étude des écoles sociologiques du crime et de la pratique des infractions
pénales. 2013. 46 et suiv. Diplôme (licence en droit) – Universidade do Norte Paulista, São José do Rio
Preto, 2013.
Jérôme TASSI, La théorie multifactorielle de FERRI, 18 août 2005
Enrico Ferri, Sociologie Criminelle,
Hamon, Déterminisme et Responsabilité, Paris, 1898

Saverio Bettinelli, Il Risorgimento d'Italia dopo il Mille, 1775


Mohieddine Amzazi, ESSAI SUR LE SYSTÈME PÉNAL MAROCAIN, Description du Maghreb,
2013
LA LIBRAIRIE C. REINWALD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 15, Rue des Saints-Pères, 15,
Paris
Cesare Bonesana Beccaria [1738-1794], marquis, Traité des délits et des peines.
Belley, N. (1997). L'émergence d'un principe de proportionnalité. Les Cahiers de droit, 38(2), 245–313.
https://doi.org/10.7202/043442ar
Guillaume Chetard. La proportionnalité de la répression : étude sur les enjeux du contrôle de
proportionnalité en droit pénal français.
Manon Leblond. Le principe d’individualisation de la peine en droit pénal français.
Ad. Franck (1880). Philosophie du droit pénal
François Lormant. La Révolution du Droit pénal (1791-1810).
Alvaro Pires, “Beccaria, l'utilitarisme et la rationalité pénale moderne” (1998)
Le rôle de la doctrine en droit pénal - Beaussonie, Guillaume (2006)
Revenue internationale de droit comparé /année 1968/20-1/pp 213-217.
https://www.cairn.info/revue-deviance-et-soci%C3%A9t%C3%A9-2010-4-page-597.htm
Université Aïn Chock - Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales
Cours de Droit Pénal Général Présentation inspirée de M. F.P. Blanc Enseigné par Mme Nadia Azddou
Année Universitaire : 2019-2020

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Sommaire :
Chapitre I : L’approche philosophique des principes des écoles traditionnelles 4
Section 1 : La philosophie de l’école classique 6
Le principe de légalité criminelle 7
Constitution du principe 7
Justification du principe 7
Domaine du principe 7
Conséquences du principe 7
Le principe d’interprétation stricte des lois : 8
A – Philosophie de l’école classique 8
1- Beccaria : une interprétation stricte de la loi 8
2- Jeremy Bentham : la flexibilité des lois 8
B- L’influence de la philosophie classique de nos jours 9
1- Réflexion sur l’interprétation des lois 9
2- Qualification de la norme juridique 9
Le principe de non rétroactivité de loi 9
Existence du principe 9
Le nouveau régime et le rejet du principe 10
Principe de proportionnalité de la loi pénale selon l’école classique 11
Définition du principe 11
Le principe de proportionnalité de la loi pénale selon l’école classique 12
- Le lien entre la culpabilité et la peine 12
- La critique de la peine excessive 12
Implications pratiques du principe 13
- Gradation des peines 13
- Différenciation selon la gravité de l’infraction 13
- Peine comme dissuasion 13
- Humanité des peines 14

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Section 2 : La philosophie de l’école néo-classique
Principe de l’individualisation des peines 15
Fondement du principe 15
- Gravité de l’infraction commise 15
- Le degré de culpabilité de l’accusé 15
Types d’individualisation selon Saleilles 16
A- Individualisation légale 16
B- Individualisation judicaire 16
C- Individualisation administrative 16
Limites d’individualisation 16
Prise en compte des facteurs structurels 16
Temps nécessaire pour l’évolution et la planification individuelle des peines 17
Chapitre II : L’approche philosophique des principes des écoles modernes 18
Section 1 : la philosophie de l’école positiviste 18
Sous-section 1 : Abécédaire à l’école positiviste : 18
Des idées révolutionnaires 18
L’école positiviste et l’école classique 19
Sous-section 2 : Pionniers de l’école positiviste : 19
- Anthropologie criminelle 19
- Sociologie criminelle 21
1) Facteurs criminogènes 21
2) Loi de saturation 22
3) Types de criminels 22
- Psychologie criminelle 23
Section 2 : la philosophie de l’école de la défense sociale 23
Conclusion 27
Bibliographie 28

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