3,40 € vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO - N° 24 622 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Première édition

lefigaro.fr

BALLET
● Paris : les meilleures tables du 17e arrondissement
LA JEUNE GÉNÉRATION DES
● Saint-Paul-de-Vence : un week-end sur la colline des arts FUTURES ÉTOILES DE L’OPÉRA
● Toulouse : les bistrots en vue PAGES 38 À 41 DE PARIS PAGE 32

La défiance des Français

LR
La droite met
le cap sur les

face à la politique migratoire

européennes PAGE 8
SÉCURITÉ
Alertes à la bombe :
l’État lance
la traque
aux « guignols » Selon notre sondage Odoxa-Backbone Consulting, 78 % des citoyens ont une mauvaise opinion
PAGE 9
de l’action du gouvernement en matière d’immigration. La future loi ne convainc pas plus.
MOYEN-ORIENT L’étude que Le Figaro publie cent durcissement du texte, rassurés ni protégés par menace terroriste sur le ter- l’enseignant assassiné Do-
Fariba Adelkhah ce vendredi révèle que 69 % annoncé par le ministre de l’exécutif pour autant. Ce, ritoire. Ces mauvais résul- minique Bernard, le prési-
libérée d’Iran, mais des sondés ne croient pas en l’Intérieur au lendemain de en dépit de l’activisme sécu- tats ont de quoi inquiéter dent de la République est
l’efficacité du futur projet de l’attaque islamiste d’Arras, ritaire déployé ces derniers l’exécutif. Présent jeudi à ensuite allé à Paris, à la ren-
quatre Français loi immigration porté par est plutôt plébiscité, les jours au sommet de l’État, Arras pour assister silen- contre de jeunes, avec qui il
restent otages PAGE 13 Gérald Darmanin. Si le ré- Français ne se sentent ni en alerte face au retour de la cieusement aux obsèques de a échangé jeudi après-midi.
è L’EXÉCUTIF EN ÉTAT D’ALERTE FACE À LA MENACE ISLAMISTE è GÉRALD DARMANIN-KARIM BENZEMA : UNE COMMUNICATION POLITIQUE À HAUT RISQUE
RUGBY è L’ÉDIFIANTE ERRANCE DE WALID A., SQUATTEUR ALGÉRIEN SOUS OQTF è L’ATTENTAT À ARRAS, MIROIR GROSSISSANT DES FAILLES MIGRATOIRES
Quel XV de France è LA CIMADE, « PARTENAIRE » DE L’ÉTAT AU MILITANTISME ASSUMÉ PAGES 4 À 7, 18 ET L’ÉDITORIAL

pour le Mondial
2027 ? PAGE 15
Accord entre
MOHAMMED BADRA/EPA/MAXPPP - LAFARGUE RAPHAEL/LAFARGUE RAPHAEL/ABACA

ÉCONOMIE
Pénalisée par l’Égypte
sa dette record,
la France à nouveau et Israël pour
sur le gril
des agences
acheminer
de notation PAGE 22 de l’aide
COMMERCE
À Arras, le dernier adieu humanitaire
Face à Pékin, à Dominique Bernard à Gaza
les États-Unis
embarquent Habituellement précaire, la
l’Europe PAGES 24 ET 25 situation humanitaire de la
bande de Gaza est désormais
désastreuse : rien n’y entre
En Haute-
CHAMPS LIBRES

n depuis l’attaque terroriste du

Hamas en Israël, le 7 octobre
Vienne, dernier. L’arrivée d’une cen-
les fascinants taine de camions d’aide depuis
secrets l’Égypte, annoncée pour ce
du cratère vendredi, sera d’un réconfort
Six jours après l’attentat islamiste, un ultime hommage a été rendu en la cathédrale limité pour les 2,2 millions
d’astéroïde d’Arras au professeur de lettres assassiné. Nommé chevalier de la Légion d’honneur à titre d’habitants de l’enclave
n
La tribune de posthume, il a été inhumé dans son village de Berneville. PAGE 2 palestinienne. PAGE 10
Michel Bernard
Un entretien
ÉDITORIAL par Yves Thréard ythreard@lefigaro.fr
n

avec Hugo
Micheron
n
Le bloc-notes La faute française

I
de Laurence
l faut écouter la sœur de Samuel Paty. sez d’exceptions tolérées pour raisons fami-
de Charette Reçue en début de semaine par une liales, d’excuses de minorité, de recours judi-
n
L’analyse de commission sénatoriale, elle a eu cette ciaires à rallonge, de soutiens à des associa-
remarque : « Si la mort de mon frère avait tions militantes d’aide aux migrants… Autant
Martin Bernier servi à quelque chose, Dominique Bernard de gestes bienveillants et de dérogations qui
PAGES 17 À 19
serait encore là. » En une phrase, cette femme se transforment, pour certains, en la déli-
a résumé l’état d’esprit d’une grande majori- vrance d’un permis de tuer. Les mots ne suf-

@ FIGARO OUI
FIGARO NON
Réponses à la question
té de Français. Qu’ont fait nos gouvernants
pendant les trois années qui ont séparé les
tragédies de Conflans-Sainte-Honorine et
d’Arras, que tout rapproche : l’islamisme des
fisent plus. Prononcés après chaque attentat
depuis les crimes de Mohammed Merah, en

Toute
2012, ils ne font
plus illusion.
de jeudi : assassins, leur passé familial, l’école, la pro- Au lieu de s’égarer
Approuvez-vous fession des victimes, le mode opératoire, les
la politique dans de vaines po-
le recours du gouvernement failles de notre politique migratoire ? La ré- d’immigration lémiques avec Ka-
au 49.3 pour faire passer ponse de Mme Paty tombe comme un verdict rim Benzema, Gé-
le budget ? sans appel : « Les mesures n’ont pas du tout été doit être rald Darmanin
OUI NON
prises, car l’affaire de mon frère n’a absolument revue de fond devrait s’attacher à
pas été analysée. » construire et à faire
48 % 52 % L’attentat d’Arras va-t-il enfin réveiller les en comble adopter un texte
TOTAL DE VOTANTS : 179 815 consciences, sortir notre pays du déni ? C’est qui soit à la hauteur des défis posés. Au lieu de
toute la politique d’immigration qu’il dénoncer la « naïveté » des institutions euro-
3’:HIKKLA=]UXYU]:?b@a@m@a@k";

Votez aujourd’hui convient de revoir de fond en comble pour péennes devant le djihadisme, il serait bien
sur lefigaro.fr mieux contrôler les flux et fermer la porte inspiré de reconnaître d’abord la faillite fran-
M 00108 - 1020 - F: 3,40 E

Attentat d’Arras : faut-il aux individus indésirables, ou les expulser. çaise sur ce front. « Toutes les démocraties ont
renommer Dominique- Elle doit être sans pitié pour ceux qui, comme une vulnérabilité », dit Emmanuel Macron.
Bernard le collège-lycée les assassins de Samuel Paty et de Dominique Certes, mais, face au terrorisme islamique,
Gambetta-Carnot ? Bernard, crachent leur haine sur leur pays aucun fatalisme n’est permis : la France est
d’accueil avant même de passer à l’acte. As- en flagrant délit d’impuissance par sa faute. ■
BISTROT FLAUBERT - SVETLANA
LOBOFF/OPÉRA NATIONAL DE PARIS
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AND : 4,30 € - BEL : 3,50 € - CH : 4,40 FS - CZ : 115 CZK - D : 4,00 € - ESP : 4,10 € - GR : 3,60 € - LUX : 3,50 € - MAR : 37 DH - MTQ/GLP : 4,10 € - PORT.CONT : 4,20 € - REU : 4,50 € - TUN : 11,00 TND ISSN 0182.5852
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO

2 SOCIÉTÉ
Attentat d’Arras : dignité et sobriété lors
du dernier adieu à Dominique Bernard
Les obsèques du professeur assassiné se sont tenues jeudi en présence du couple Macron et de Gabriel Attal.

AUDE BARIÉTY £@AudeBariety

ENVOYÉE SPÉCIALE À ARRAS (PAS-DE-CALAIS)

FUNÉRAILLES Sur la Sicilienne de

Bach, jouée au piano et au violon par
des amis de la famille, le cercueil de
Dominique Bernard a fait son entrée
dans la cathédrale Notre-Dame-et-
Saint-Vaast d’Arras (Pas-de-Calais),
plongée dans un profond recueille-
ment. Six jours après l’attentat isla-
miste qui a fait un mort et trois bles-
sés, famille, amis, collègues, élèves,
personnalités locales et nationales

DOMINIQUE JACOVIDES / BESTIMAGE/DOMINIQUE JACOVIDES / BESTIMAGE

ont assisté au dernier hommage ren-
du à ce professeur agrégé de lettres,
âgé de 57 ans.
Devant la dépouille de Domini-
que Bernard marchaient Mgr Oli-
vier Leborgne, évêque d’Arras, et
l’abbé Pierre-Marie Leroy, recteur
de la cathédrale. Derrière, l’épouse
du défunt, ses trois filles, sa mère,
sa sœur, son beau-frère, ses ne-
veux et nièces. Puis le chef de l’État,
Emmanuel Macron, son épouse, el-
le-même ancienne enseignante de
lettres, ainsi que des élèves de la
cité scolaire Gambetta-Carnot, une
rose blanche à la main. Tous les
cours du jeudi matin avaient été
annulés afin qu’élèves et person-
nels de l’établissement puissent as-
sister aux obsèques.
Dans l’assistance, forte de
800 personnes, se trouvaient no-
tamment le ministre de l’Éducation
nationale, Gabriel Attal, le maire Devant la cathédrale au rang des martyrs, toi, l’homme Quand s’arrêteront donc la violence seur d’EPS, un agent d’entretien et relation avec une entreprise terro-
d’Arras, Frédéric Leturque, la rec- d’Arras (Pas-de-Calais), discret », a-t-elle conclu. et la folie du monde ? Y sommes-nous le chef de l’équipe technique de riste » et « participation à une asso-
trice de l’académie de Lille, Valérie où se sont déroulées, « Au pied de la Croix, nous venons irrémédiablement condamnés ? », l’établissement – sont quant à elles ciation de malfaiteurs terroriste en
Cabuil… Six cents Arrageois de tout jeudi, les obsèques déposer la violence et la folie du mon- s’est interrogé le prélat, évoquant hors de danger, avait précisé mardi vue de la préparation d’un crime
de Dominique Bernard. de dont Dominique a été victime. La une « tornade qui ne cesse d’enfler et Jean-François Ricard, le procureur d’atteinte aux personnes ». Son frè-
mort de Dominique nous semble ce dont l’itinéraire est absolument im- de la République antiterroriste. re de 16 ans a été mis en examen

“nousAuvenons
pied de la Croix,
déposer
qu’elle est : une injustice », a souligné
de son côté Mgr Leborgne, qui prési-
dait la cérémonie, un an tout juste
prévisible », mais « suppliant » les
personnes présentes dans l’assis-
tance de « ne pas se laisser égarer
Certaines ont d’ailleurs assisté aux
obsèques du disparu avant de ren-
contrer Emmanuel Macron.
pour « complicité » et son cousin de
15 ans pour « abstention volontaire
d’empêcher un crime contre l’inté-
la violence et la folie du après avoir célébré les obsèques de par ceux qui voudraient les entraîner De son côté, Mohammed Mogou- grité d’une personne ». « L’assassin
monde dont Dominique la jeune Lola en la collégiale Saint- sur des chemins de destruction ». chkov, l’assaillant, est désormais en de Dominique devra rendre compte de

”
a été victime Omer de Lillers. À la suite de la lec- À l’issue de la cérémonie reli- détention provisoire, a fait savoir le ses actes », a glissé Mgr Leborgne
MGR OLIVIER LEBORGNE, ture des Béatitudes, évangile choisi gieuse, Dominique Bernard, nom- Parquet national antiterroriste lors de son homélie. Seule référence
ÉVÊQUE D’ARRAS par la famille du défunt, l’évêque est mé chevalier de la Légion d’hon- (Pnat). Le jeune homme de 20 ans, directe à celui qui a à nouveau plon-
revenu dans son homélie sur le neur à titre posthume, a été inhumé né en Russie, fiché S, a été mis en gé la France dans l’effroi, trois ans
âge, selon la préfecture, s’étaient « sauvage assassinat dans une en- dans l’intimité, dans son village de examen pour « assassinat en rela- après l’assassinat de Samuel Paty,
quant à eux rassemblés sur l’emblé- ceinte scolaire » du quinquagénaire. Berneville. Les autres victimes de tion avec une entreprise terroris- enseignant d’histoire-géographie
matique place des Héros afin de sui- « Nous sommes tous abasourdis. l’attentat de vendredi - un profes- te », « tentatives d’assassinats en dans les Yvelines. ■
vre les funérailles par l’intermédiai-
re d’un écran géant installé sur la
façade de l’hôtel de ville, en dessous
d’un grand portrait de Dominique
Bernard. « Je voulais rendre un der- Mgr Olivier Leborgne : « L’enceinte d’un lycée… c’est notre
société qu’on veut atteindre dans son avenir »
nier hommage à ce professeur, soute-
nir sa famille et toutes nos valeurs
françaises », témoigne Corinne,
58 ans, dont le fils était scolarisé à la
cité scolaire Gambetta-Carnot. « Je puisque la famille du professeur ne disent pas que le monde va bien n’est pas si loin de Paris, seule-
PROPOS RECUEILLIS PAR
suis venue pour l’accompagner jus- AUDE BARIÉTY £@AudeBariety assassiné désirait une cérémonie - on sait très bien qu’il ne va pas ment 50 minutes de TGV, mais
qu’au bout, puis tourner la page », religieuse, vu les circonstances bien. Il n’y a rien de mièvre, mais il c’est une petite ville de province.
glisse Éléana, 16 ans, élève de pre- nationales, il était évident que y a une prise de position très nette Il y avait de la stupéfaction : « Un
mière au lycée Gambetta, qui « ne MGR OLIVIER LEBORGNE, évêque l’évêque devait être là. Cela fait pour la liberté, la dignité, la paix. drame pareil, même ici ? » J’ai sen-
(se) sent pas rassurée » car elle sou- d’Arras depuis octobre 2020, a vraiment partie de ma mission Une paix dans la justice, dans la vé- ti aussi la force du symbole qui
haite elle-même devenir professeur présidé les obsèques de Dominique d’être témoin d’espérance. rité, j’ai insisté là-dessus. Isabelle était atteint. L’enceinte d’un ly-
des écoles. « On ne se sent plus en sé- Bernard. Bernard était vraiment sur la même cée, c’est la mission éducative,
curité nulle part », abonde son ca- Comment s’est passée longueur d’onde. Ensemble, nous celle qui prépare l’avenir. Et là,
marade Kyliann. LE FIGARO. - Un an presque jour votre rencontre avec la famille sommes tout à fait convaincus que tout le monde est atteint. C’est
Au début de la cérémonie, les pro- pour jour après les funérailles de Dominique Bernard avant la haine qui répond à la haine, c’est notre société qu’on veut atteindre
ches de Dominique Bernard se sont de la petite Lola, vous célébrez cette cérémonie. plus de haine, jamais plus de paix. dans son avenir. De l’autre côté,
succédé pour évoquer sa mémoire en à nouveau des obsèques dans C’est une rencontre assez intime, Ce n’est pas possible. Cela ne veut j’ai vu des gens qui décidaient de
quelques mots. Citant ses auteurs, un contexte d’émotion nationale. je ne vais pas trop rentrer dans les pas dire que les chemins sont faci- continuer à vivre. Et, à mes yeux,
musiciens, peintres et cinéastes pré- Que ressentez-vous ? détails. Mais ce que je peux dire, et les à trouver, parce qu’il faut tenir la seule manière de se battre
férés, de Julien Gracq à Orson Welles Mgr Olivier Leborgne. - Que la folie ce que la célébration a confirmé contre la violence, c’est de conti-
en passant par Pablo Picasso et Gus- du monde est toujours à l’œuvre, d’ailleurs, c’est que c’était une nuer à vivre.
tav Mahler, l’épouse du disparu a
dessiné le portrait d’un homme
cultivé, éloigné de la « fureur du
le mal du monde, la violence des
violents mais aussi sans doute des
hommes et des femmes perdus de
rencontre d’humanité tout à fait
inattendue, et pour Isabelle Ber-
nard, l’épouse du défunt, et pour
“à laLahaine,
haine qui répond
Vous avez écrit une lettre ouverte
aux enseignants du Pas-de-Calais
monde ». « Il n’aimait pas l’informati- tous les côtés. Les chrétiens sont là moi, mais qui a été très belle.
c’est plus de haine, et du diocèse d’Arras.
« Les chrétiens sont là

”
que et les réseaux sociaux. Le télépho- pour être un signe pour être un signe d’espérance. Ils jamais plus de paix Quel message avez-vous voulu
ne, il n’en avait même pas. Il n’aimait d’espérance. Ils ne sont ne sont pas dupes du mal ; ils sa- Quel sentiment vous laisse MGR OLIVIER LEBORGNE, faire passer à cette profession
pas la foule ni les honneurs, les céré- vent que le mal fait son œuvre et cette célébration ? ÉVÊQUE D’ARRAS déjà durement touchée
pas dupes du mal »,
monies, qu’il avait en horreur. Sensi- affirme Mgr Olivier qu’ils en sont complices parfois, Je suis admiratif de la façon dont les par l’assassinat de Samuel Paty
ble et discret, il n’aimait pas le bruit. Il Leborgne. mais ils ont une espérance. Et, équipes de la cathédrale se sont bon, mais il est clair que la violence il y a trois ans ?
aimait profondément ses filles, sa mobilisées, admiratif du contact qui répond à la violence, c’est tou- J’ai voulu leur dire ma gratitude.
mère, sa sœur. Nous nous aimions », a très fin, très humain et très juste jours plus de violence. La sœur du Dans mon parcours scolaire, j’ai eu
déclaré Isabelle Bernard, elle-même qu’a eu le curé de la cathédrale avec défunt m’a dit : « J’espère que ça va des enseignants merveilleux et
M. BOTTE/PHOTOPQR/VOIX DU NORD/MAXPPP

enseignante d’anglais. cette famille. Et, en nous quittant, servir à ce que ça n’arrive plus ! » Je d’autres moins bons. Hier comme
« Je n’oublierai jamais ta silhouette l’épouse du défunt et moi-même, ne suis pas dupe du mal du monde, aujourd’hui, il y a des perspectives
sur le perron du lycée Gambetta. nous nous sommes dit que nous qui ne va pas s’arrêter du jour au éducatives qui me réjouissent et
Quelle ironie tragique que ce soit sur étions dans le même mouvement. lendemain, mais ce qui est très d’autres que je peux discuter. Mais
ce même perron que la vie t’ait été ra- clair, c’est que ce sont des gens qui des hommes et des femmes qui
vie », a poursuivi Aurélie, une ensei- C’est-à-dire ? veulent regarder devant. Et ça m’a s’engagent pour aider des jeunes à
gnante de la cité scolaire Gambetta- Les textes lus lors de la cérémonie impressionné. grandir dans la transmission des
Carnot, qui a décrit un homme ont été choisis par la famille. Ce savoirs, l’acquisition d’expérien-
passionné par son métier, apprécié sont quand même des textes éton- Vous qui êtes leur évêque, ces, la vie sociale… et qui ainsi ser-
par ses élèves et ses collègues. nants : la lettre de saint Paul aux comment les Arrageois ont-ils vent la croissance de la liberté des
« Quelle ironie qu’un geste aussi som- Corinthiens, sur laquelle j’ai prê- vécu cette dernière semaine, jeunes, c’est le creuset d’une so-
bre, aussi obscur, ait frappé celui que ché, l’Évangile des béatitudes selon du drame à ce dernier adieu ? ciété qui se prépare là. Donc j’ai
A

Victor Hugo aurait pu appeler un saint Matthieu… Ce sont des paroles J’ai senti deux choses. D’abord, voulu leur dire ma profonde re-
“porteur de flambeau”. Te voilà élevé très fortes, qui ont un impact. Elles l’abattement et l’effroi. Arras, ce connaissance. ■
 T H E
N E W

i5

100% ÉLECTRIQUE A 0g CO /km

2

B
The new = La nouvelle
C
Consommation d’énergie électrique de la BMW i5 : 16,1 à 20,5 kWh/100 km. Autonomie en mode électrique : 457 à 577 km. Autonomie D
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sur la base de la procédure d’essai harmonisée pour les véhicules légers (WLTP), procédure d’essai permettant de mesurer la
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Au quotidien, prenez les transports en commun. #SeDéplacerMoinsPolluer

 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO
4 L'ÉVÉNEMENT
CAROLINE JANVIER
DÉPUTÉE RENAISSANCE DU LOIRET
Avancer
HANDOUT/AFP
le projet
de loi est
inapproprié »
LE FIGARO. - Le gouvernement
a-t-il raison d’avancer
l’examen du projet de loi
immigration à l’Assemblée
nationale en décembre ?
Caroline JANVIER. - Avancer l’exa-
men de ce texte est inapproprié au
vu du contexte et de la très forte
émotion suscitée par les événe-
ments en Israël. Les lois les moins
pertinentes sont celles qui sont
votées et débattues dans un
contexte de forte émotion. Le su-
jet est important, sensible. Légifé-
rer en partant de situations dra-
matiques me paraît dangereux.
Cela risque de pousser à une radi-
calisation des positions et de pro-
duire un certain nombre d’amalga-
mes sur les liens entre
l’immigration et l’insécurité.
Gérald Darmanin a annoncé
durcir son texte.
Cela vous inquiète ?
Oui, il y a un risque que nous ne
maîtrisions pas bien les termes de
ce débat et que l’on mette le doigt
dans un engrenage. Les positions à
droite vont se durcir et au sein de
notre groupe, l’équilibre sur ce tex-
te est assez fragile. Le modifier
pourrait avoir des conséquences
politiques dans notre majorité. Si
Gérald Darmanin venait à retirer
l’article 3 sur la régularisation des
sans-papiers dans les métiers en
tension, l’équilibre serait brisé. Et il
est très clair que, comme une par-
tie des députés de notre groupe, je
ne voterais pas ce texte.
Craignez-vous que la majorité
se fracture ?
Les conditions ne me semblent pas
réunies pour avoir des discussions
apaisées sur une question qui fait
assez régulièrement la part belle aux
positions radicales. (…) Les émotions
et la peur sont de mauvais guides en
politique et produisent des lois qui
sont souvent contre-productives ou
excessives par rapport à l’objectif
qu’elles poursuivent.
W. B.
L’exécutif en état d’alerte face à la menace islamiste
TRISTAN QUINAULT-MAUPOIL £@TristanQM
EMMANUEL MACRON et ses ministres re-
nouent avec la gestion de crise. La situation
au Proche-Orient, où le conflit qui oppose
Israël au Hamas menace de déborder aux
pays alentour, trouve une forte résonance
en France et plus largement en Europe. Re-
prenant à son compte l’expression de l’uni-
versitaire Gilles Kepel, le ministre de l’Inté-
rieur a mis en garde jeudi contre un
« djihadisme d’atmosphère ».« Nous devons
lutter sans naïveté contre cet écosystème », a
dit Gérald Darmanin à ses homologues
européens lors d’une réunion à Luxem-
bourg alors que se tenaient au même mo-
ment les obsèques de Dominique Bernard.
Le chef de l’État, ainsi que son épouse et le
ministre de l’Éducation nationale, Gabriel
Attal, ont rendu un dernier hommage au
professeur poignardé vendredi dernier à
Arras (Pas-de-Calais) par un fiché S. « Il y a
encore un peu de naïveté, dans les institutions
de certains pays ou de l’Union européenne,
dans la façon de montrer notre autorité », a
déploré Gérald Darmanin, trois jours après
une attaque islamiste à Bruxelles. Le minis-
Le Grand Jury, le rendez-vous
politique incontournable.
DIMANCHE 12H-13H
EN DIRECT DU GRAND STUDIO DE RTL
A
ET EN DIFFUSION SIMULTANÉE SUR
Un projet de loi qui ne réduira
pas la menace islamiste
QUESTION : D’après ce que vous en savez, le projet de loi immigration actuellement proposé
par le gouvernement,permettra-t-il de réduire la menace du terrorisme islamiste ?
Oui Non Vous ne savez pas
Ensemble des français 15 %
Sympathisants LFI 14 %
Sympathisants PS 15 %
Symp. Les Ecologistes 10 %
Sympathisants Renaissance 41 %
Sympathisants LR 26 %
Sympathisants RN 10 %
Aucun parti ne rassure les Français
QUESTION : Pour chacun des partis politiques suivants, dites-nous si vous lui faites confiance ou pas confiance pour lutter contre le terrorisme islamiste ?
Confiance Pas confiance
Le Rassemblement national
Les Républicains
Reconquête
Renaissance
Le Parti socialiste
Les Ecologistes, nouveau nom d’EELV
La France Insoumise
Le Parti communiste
Étude réalisée par Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro. Enquête réalisée auprès d’un échantillon de Français interrogés par internet le 18 octobre 2023. ÉEchantillon de 1 005 Français
représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, niveau de
diplôme et profession de l’interviewé après stratification par région et catégorie d’agglomération. Auprès de l’ensemble des Français, la marge d’erreur s’établit, selon le score visé, entre 1,4 et 2,5
points.
Immigration, terrorisme : la
Selon le sondage Odoxa-Backbone Consulting, plus des trois quarts des Français ont
CÉLESTINE GENTILHOMME £@celestineghm
APRÈS l’attentat d’Arras (Pas-de-Ca-
lais), l’exécutif veut muscler sa copie sur
l’immigration. À quelques semaines des
débats au Sénat, prévus le 6 novembre
prochain, le ministre de l’Intérieur, Gé-
rald Darmanin, entend démontrer que
son projet de loi - sur lequel il planche
depuis plus d’un an - serait un remède
efficace à la menace islamiste. Ce n’est
manifestement pas l’avis des Français,
puisque notre dernier sondage Odoxa-
Backbone pour Le Figaro révèle que
69 % d’entre eux ne croient pas dans ce
texte. Le doute s’installe jusque dans le
tre fait ainsi référence au financement
européen dont bénéficient des organisa-
tions islamistes visées par la France pour
leur prosélytisme. Depuis le retour au pre-
mier plan de la menace terroriste, Gérald
Darmanin s’érige en premier pourfendeur
de l’islamisme. Allant jusqu’à reprocher di-
rectement au footballeur Karim Benzema,
l’ex-attaquant de l’équipe de France, d’être
« en lien notoire avec les Frères musulmans »
(lire ci-dessous). Ou en prônant l’interdic-
tion systématique de toutes les manifesta-
tions de soutien aux Palestiniens. Une déci-
sion critiquée par la gauche, certains
homologues européens, et qu’a nuancée
mercredi le Conseil d’État en rappelant qu’il
revenait aux seuls préfets d’apprécier les
demandes de rassemblements, au cas par
cas. « Il y avait un délai de décence (…) Je vois
des gens qui veulent manifester de manière
pacifique mais dedans se greffent des élé-
ments hyperradicaux qui vont aller brûler les
drapeaux d’Israël, défendre le Hamas », s’est
justifié Emmanuel Macron jeudi lors d’un
échange avec des jeunes à Paris. « Si on gère
mal cette situation, ça peut être un élément de
division (…) On a la plus grande communauté
juive (…) en Europe, on a énormément de jeu-
Olivier BOST
Pauline BUISSON
Jim JARRASSÉ
QUESTIONS / RÉACTIONS
69 %
79 %
70 %
65 %
45 %
65 %
81 %
NSP
36 %
29 %
21 %
21 %
21 %
18 %
17 %
14 %
camp présidentiel, où près de la moitié
des sympathisants (45 %) s’interroge sur
la capacité du PJL à éradiquer le problè-
me terroriste. Ils sont même de moins en
moins nombreux (41 %) à le juger utile.
D’autant que le gouvernement est
déjà sérieusement fragilisé sur le dossier
migratoire. Plus des trois quarts du pays
(78 %) ont une mauvaise opinion de la
politique de l’exécutif en la matière, soit
une hausse de 8 points sur un an. Même
les sympathisants macronistes ne sem-
blent pas convaincus, puisqu’ils sont
42 % à la rejeter. Il n’empêche, les Fran-
çais voient d’un bon œil deux des nou-
velles mesures récemment proposées
par Gérald Darmanin. Les trois quarts
nes qui sont d’origine du Moyen-Orient, du
Maghreb ou d’Afrique. On a beaucoup de
jeunes aussi qui sont de confession musulma-
ne », a relevé le président lors de cette dis-
cussion impromptue. Déjà, il prévenait
mardi en Albanie que « le défi qui est le nôtre,
c’est de vivre dans des États de droit forts au
moment où le terrorisme revient ».
Depuis que le pays a été placé en « alerte
urgence attentat » la semaine dernière
- une première depuis trois ans -, tout
l’agenda de l’exécutif est consacré à la ges-
tion de la menace. Exit la visite d’État du
chef de l’État en Suède, prévue la semaine
prochaine. Ainsi que l’inauguration de la
Cité internationale de la langue française à
Villers-Cotterêts (Aisne) qui devait initiale-
ment se tenir ce jeudi. Le gouvernement vit
au rythme des alertes, souvent malveillan-
tes mais suivies d’évacuations au moindre
doute. « Chacun doit rester vigilant sans cé-
der à la panique », a déclaré Clément Beaune
(Transports) à la suite d’alertes erronées
dans les aéroports, qualifiées de « dange-
reuses et inacceptables ». Mais les milliers
d’écoutes téléphoniques de personnes radi-
calisées traduisent bel et bien une sphère is-
lamiste en ébullition, s’alarme une source
#LeGrandJury
Le gouvernement n’inspire
pas confiance
QUESTION : Pour chacune des personnalités
suivantes de l’exécutif, dites-nous si vous
lui faites confiance ou pas confiance
pour lutter contre le terrorisme islamiste ?
16 % Confiance Pas confiance
7%
Gabriel Attal
34 % 65 %
15 % Gérald Darmanin
32 % 67 %
25 % Emmanuel Macron
26 % 73 %
14 %
Élisabeth Borne
25 % 74 %
9%
Éric Dupond-Moretti
9% 21 % 78 %
62 %
70 %
78 %
78 %
77 %
80 %
82 %
85 %
des sondés (75 %) approuvent ainsi
l’autorisation d’expulser un étranger
condamné, même s’il est arrivé en
France avant l’âge de 13 ans, pour que le
parcours de l’assaillant d’Arras ne puisse
pas se reproduire à l’avenir.
Les Français sont presque autant
(73 %) à plébisciter le retrait du titre de
séjour à un étranger pour adhésion à
l’idéologie djihadiste, y compris pour ce
qui concerne les électeurs de La France
insoumise (60 %). Seule la moitié des
sondés (50 %) juge en revanche « effica-
ce » l’allongement de 3 à 18 mois de la
durée de placement en centre de réten-
tion administrative des fichés S et des
délinquants qui doivent être expulsés.
gouvernementale. Le ministre de l’Éduca-
tion nationale, qui a lancé une enquête sur
la sécurité des établissements scolaires, est
confronté à l’inquiétude des parents. Lui
sont remontées toutes les menaces plus ou
moins avérées. Encore jeudi, sept lycées de
Toulouse, un établissement de Rennes et un
autre d’Orléans ont été évacués après des
messages menaçants. « Ces petits guignols »
à l’origine de fausses alertes « seront retrou-
vés et punis », a prévenu le garde des Sceaux
Éric Dupond-Moretti. Parfois, les menaces
sont plus sérieuses. Un élève de 17 ans a été
interpellé jeudi à Colmar après avoir mena-
cé de « planter » sa professeur de français
lors d’un « temps d’échange consacré à l’at-
tentat d’Arras ». Loin de miser sur un apai-
sement prochain de la situation, des res-
ponsables de l’exécutif s’inquiètent de la
tournure des événements au Proche-
Orient au moment où l’offensive terrestre
israélienne se fait attendre. L’explosion
survenue mardi à l’hôpital al-Ahli de Gaza,
suite à laquelle Palestiniens et Israéliens se
renvoient la responsabilité, participe à exa-
cerber les antagonismes.
Sur le front diplomatique, l’opportunité
d’un déplacement d’Emmanuel Macron en
Israël était évoquée au sommet de l’État
sans être totalement arrêtée, alors que le
président américain Joe Biden, le chance-
lier Olaf Scholz et le premier ministre Rishi
Sunak se sont déjà rendus à Tel-Aviv. Dans
ce contexte, et en attendant les prochains
développements au Proche-Orient, l’agen-
da de l’exécutif sur la scène intérieure est
gelé. Et seules subsistent encore les discus-
sions autour du projet de loi immigration,
dont l’inscription de l’examen à l’Assem-
blée nationale a été précipitée avant la fin de
l’année. ■
NSP
1%
1%
1%
1%
1%
2%
1%
1%
1%
2%
2%
1%
1 %
« Cette disposition n’est peut-être pas
bien appréhendée par l’opinion pour le
moment où, pour une bonne part, on se
demande sans doute pourquoi l’expulsion
du territoire n’est pas plus rapide », ana-
lyse Céline Bracq, directrice générale
d’Odoxa.
Un échec
Malgré ces bons points accordés par
l’opinion, Gérald Darmanin ne parvient
pas à rassurer : deux tiers des sondés
(67 %) ne lui font pas « confiance » pour
lutter contre le terrorisme. Un échec
pour le ministre de l’Intérieur, venu de
la droite, qui a enchaîné les coups de
force sur le sujet depuis son entrée au
Gérald Darma
une communi
PAULE GONZALÈS pgonzales@lefigaro.fr
PENSER ce qu’on dit et dire ce qu’on
pense. L’affaire n’aurait fait bouger
personne d’un cil si elle ne concernait
Gérald Darmanin, ministre de l’Inté-
rieur et Karim Benzema, star interna-
tionale du football évoluant aujour-
d’hui en Arabie saoudite. Deux
personnalités publiques à très fort pou-
voir médiatique. « Monsieur Benzema
est en lien, on le sait tous, notoire avec
les Frères musulmans », a martelé le
ministre mercredi sur CNews. Réaction
épidermique ou faussement spontanée
au propos du second qui, le 15 octobre
dernier, a pris position en faveur des
Palestiniens affirmant sur la plateforme
X : « Toutes nos prières pour les habi-
tants de Gaza, victimes une fois de plus
de ces bombardements injustes qui
n’épargnent ni femmes ni enfants. »
Vaille que vaille, le cabinet de Gérald
Darmanin tente dans la foulée des dé-
clarations du ministre de l’Intérieur un
argumentaire qui relève plus d’une
œuvre impressionniste que d’éléments
probatoires en acier trempé. D’ailleurs,
il ne tarde pas à conclure qu’en l’état,
« ces prises de position de Karim Benze-
ma ne relèvent pas de poursuites judi-
ciaires, mais constituent un signal parti-
culièrement flou de la part d’un sportif
bénéficiant d’une telle audience ».
De quoi faire réagir Cécile Mamelin,
secrétaire de l’Union syndicale des ma-
gistrats, qui s’interroge : « Si des enquê-
 LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023

L'ÉVÉNEMENT 5
Gérald Darmanin, CONTRE-POINT
le 18 octobre
sur le perron PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard
du Palais de l’Élysée.

Un ministre de l’Intérieur
pas encore craint ou admiré

M
inistre de l’Intérieur depuis
trois ans et quatre mois,
Gérald Darmanin détient
le bail en continu place
Beauvau le plus long depuis Christian
Bonnet, sous Giscard, - Pierre Joxe
et Nicolas Sarkozy sont restés plus
longtemps, mais en deux passages. Mais
suffit-il d’entrer au livre des records de la
longévité pour laisser une empreinte
marquante dans ce ministère si exposé ?
Numéro trois du gouvernement à
moins de quarante ans, Darmanin n’a pas
à rougir du rythme de son parcours. Il fait
partie du cercle restreint de ceux dont le
nom est cité pour succéder à Élisabeth
Borne à Matignon, voire pour briguer
l’Élysée en 2027. Il a définitivement
basculé de la catégorie « espoirs » à celle
de « poids lourds ». À ce jour, cependant,
son énergie est plus saluée que son bilan
et son habileté plus remarquée que son
efficacité. C’est dire si la loi immigration
a pour lui valeur de « crash test ».
Les chances d’aboutir étant à ce jour
considérées comme faibles, une adoption
avait percé et imposé un style en
quelques semaines. Un Pasqua aussi avait
imposé quasi instantanément sa griffe.
L’élu de Tourcoing peut faire valoir son
action, mais il n’y a pas d’évidence d’un
ministre de l’Intérieur craint ou admiré.
Sans pouvoir invoquer une insuffisance
de durée. D’autant que son collègue - et
rival ? - à l’Éducation, Gabriel Attal vient
de faire la démonstration qu’une mesure
forte - l’interdiction de l’abaya - et une
communication réussie permettaient
de percer dans l’opinion ; d’une manière
qui sera peut-être éphémère mais qui est
pour l’heure spectaculaire.
Quant aux mesures de durcissement de
son texte, elles sont chacune approuvées
(lire ci-dessus). Mais l’impression
générale est qu’elles restent vaines
au regard de la menace islamiste.
L’ensemble de la politique migratoire
de l’exécutif est sévèrement jugé. Il faut
dire que le gouvernement s’est tiré une
balle dans le pied avec cet article de loi
permettant la régularisation de certains
travailleurs étrangers. Un article parmi

BLONDET ELIOT/ABACA
serait un vrai succès personnel pour lui.
D’autant que, de Matignon, on l’observe
plus qu’on ne l’aide. À l’inverse, un échec
ternirait son image de fin politique et le
ferait reculer dans la course à l’après-
Macron. Le ministre de l’Intérieur se sait
attendu au tournant. Non sans sens de
l’autodérision, il a d’ailleurs encadré
tant d’autres, mais un arbre qui cache
la forêt de toutes les mesures de fermeté.
Tant que cet article-là ne sera pas
clairement retiré, il est à craindre que
toutes les autres dispositions, même
nécessaires et bienvenues, ne soient pas
reconnues. S’il veut frapper un grand
coup et gagner ses galons de ministre

défiance des Français

dans son bureau la une de Libération de l’Intérieur qui marque, Gérald
« Darmanin, premier fliqué de France », Darmanin sait ce qui lui reste à faire.
après la venue de Borne à Tourcoing,
fin août, pour le recadrer.
Il a donc deux mois pour surprendre.
Et mise pour cela sur deux cartes :
son image personnelle de fermeté et

une mauvaise opinion de la politique du gouvernement.
gouvernement. Devant lui, son collè-
gue de l’Éducation nationale, Gabriel
Attal (ex-PS), fait à peine mieux, avec
34 %. Quant au sommet de l’exécutif, ni
Emmanuel Macron (26 %) ni la premiè-
re ministre, Élisabeth Borne (25 %),
n’apparaissent comme des figures pro-
tectrices pour affronter le péril islamis-
te. Enfin, le garde des Sceaux, Éric Du-
pond-Moretti, fait pire encore,
puisqu’il ne s’attire les faveurs que de
21 % des Français.
Aucun parti ne réussit à faire l’unani-
mité et à s’imposer comme un rempart
contre l’islamisme. Seules la droite et les
nationalistes semblent tirer timidement
leur épingle du jeu, puisque les Français
ses propositions pour muscler son texte.
Mais toute la question est de savoir si
ces cartes sont des gros atouts ou de trop
faible valeur. Une image de fermeté ?
sont 36 % à accorder leur confiance au En trois ans, Darmanin a voulu faire du
Rassemblement national (RN), et 29 % Sarkozy, mais son illustre prédécesseur
aux Républicains. Depuis plusieurs
mois, les deux formations haussent le
ton pour réclamer un référendum sur
l’immigration. Dépourvu du moindre
député à l’Assemblée, le parti d’Éric
Zemmour, Reconquête !, se retrouve,
lui, à 21 %, soit au même niveau que Re-
naissance et que le Parti socialiste, alors
qu’il s’agit là de l’un de ses thèmes de
prédilection. Viennent derrière Les Éco-
logistes (ex-EELV), avec 18 %. Et La PARIS • LYON • REIMS • NANTES • GENÈVE
France insoumise (17 %), qui ferme la
marche, quelques jours après le refus du
parti mélenchoniste de qualifier le Ha-
mas de groupe terroriste. ■

nin-Karim Benzema :
cation politique à haut risque
tes sont en cours, est-il normal que le
ministre de l’Intérieur porte atteinte à la
présomption d’innocence et communi-
que, alors que l’article 11 du code de pro-
cédure pénal confie ce rôle au procureur
ou à l’officier de police judiciaire ? »
Quoi qu’il en soit, si le footballeur a
quelques sympathies pour cette mou-
vance, le droit lui en laisse tout loisir,
au nom de la liberté d’expression. À
part en Autriche depuis 2021, les Frères
musulmans et leurs déclinaisons ne
figurent sur aucune liste nationale ou
européenne « de mesures restrictives
les plus orthodoxes de l’islam, il n’y a
qu’un pas. Emmanuel Daoud, avocat au
Barreau de Paris, à qui n’a pas échappé
la communication politique du minis-
tre de l’Intérieur, s’insurge : « Est-il
tolérable que celui qui est aussi le minis-
tre des cultes puisse dire qu’exprimer
toute compassion spirituelle pour la po-
pulation de Gaza rend forcément cou-
pable d’être proches des Frères musul-
mans et du Hamas ? Le tout en portant
atteinte à l’honneur et à la considération
d’un homme. C’est une pression énorme.
Nous sommes très loin de nos lois fonda-
mentales. »
Pour autant, l’avocat du footballeur a

“énorme.
C’est une pression
Nous sommes
intérêt à y regarder à deux fois avant de
porter plainte pour diffamation ou in-
jure publique contre l’hôte de Beauvau.
très loin de nos lois Car la porte est étroite et le droit de la

”
fondamentales
EMMANUEL DAOUD,
AVOCAT AU BARREAU DE PARIS
spécifiques à l’encontre de certaines per-
sonnes et entités dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme ». Pour faire court,
ce mouvement très habile pour être
dans les clous des lois de la République
n’est pas considéré au niveau européen
ou national comme une organisation
terroriste, contrairement au Hamas,
qui a profondément infusé sa Doxa. Gé-
rald Darmanin le sait : une figure aussi
populaire que Karim Benzema a tout
pour galvaniser les plus jeunes vers la
presse extrêmement strict. Basile Ader,
avocat spécialiste du droit de la presse,
qui a déjà gagné contre Karim Benzema
en septembre 2022, le rappelle : « Il faut
déjà déterminer la juridiction compéten-
te, puisqu’il s’agit d’un ministre. Dans
l’affaire Griveaux, alors qu’il était se-
crétaire d’État, le tribunal judiciaire
Faites esimer et vendez aux enchères
s’est déclaré incompétent. Puis il faudra Livres, Manuscrits et Estampes • 5 décembre
prouver que nous sommes bien face à une Horlogerie de Collecion • 6 décembre
diffamation et en apporter la preuve. Or Arts d’Asie • 11 décembre
étant donné que les Frères musulmans ne
Mobilier et Objets d’Art • 19 décembre
sont pas considérés comme une organi-
sation terroriste, il n’est pas certain que Contact : Ariane de Miramon +33 1 53 30 30 68 info@tajan.com
le tribunal y voit matière à diffamation
ou injure. Enfin se pose la question de TAJAN MAISON DE VENTES • 37 rue des Mathurins, 75008 Paris • sur www.tajan.com
A

cause palestinienne. De là à affirmer l’imputabilité des propos : qui a dit quoi

qu’il les emmènerait alors vers les rives exactement », conclut Basile Ader. ■
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO
6 L'ÉVÉNEMENT
L’édifiante
errance
de Walid A.,
squatteur algérien
sous OQTF
Des documents administratifs, retrouvés
dans une maison occupée illégalement
par ce clandestin, illustrent les multiples
dysfonctionnements qui font barrière
à l’expulsion des illégaux.
ANGÉLIQUE NÉGRONI
anegroni@lefigaro.fr
DÉBARRASSÉ de ses squatteurs par la
police le 7 juillet dernier, un pavillon
de Saint-Gratien, dans le Val-d’Oise, a
livré une part des secrets de ceux qui
occupèrent illégalement les lieux pen-
dant près deux ans. Sur une étagère,
au milieu d’un fatras d’affaires aban-
données, une liasse de documents, que
s’est procurée Le Figaro, retrace l’iti-
néraire si caractéristique de ceux qui
font l’objet d’une OQTF, une obliga-
tion de quitter le territoire français. En
l’espèce, un parcours fait d’errance et
de rapines comme en témoignent les
dizaines de portables, les divers jeux
de clés de véhicules et les vêtements
de marque contrefaits retrouvés sur
place.
Ainsi, Walid A., l’un des squatteurs à
qui appartiennent ces pièces adminis-
tratives retrouvées dans la maison,
avait l’obligation de quitter le territoi-
re comme cela est écrit sur un docu-
L’attentat à Arras, miroir grossissant des failles migratoires
JEAN-MARC LECLERC
£@leclercjm
L’AFFAIRE Mogouchkov aura une nou-
velle fois mis en lumière les limites de
la fermeté affichée en matière d’immi-
gration. Entre les obligations de quitter
le territoire français (OQTF), massive-
ment signifiées aux « sans papiers »
(134 000 en 2022) mais exécutées dans
seulement 6,9 % des cas (soit 9 160), et
les expulsions pour motif d’ordre pu-
blic réalisées au compte-goutte (un
millier par an tout au plus), les Français
ont parfaitement assimilé une éviden-
ce : la France, qui compte entre
600 000 et 900 000 clandestins, ne
maîtrise plus grand-chose en matière
migratoire. Et cette impuissance fait le
jeu de ses pires ennemis, à commencer
par l’islamisme radical.
Une question a toute de suite mobili-
sé les esprits après l’attaque d’Arras, le
13 octobre dernier : l’assaillant aux
couteaux aurait-il pu être expulsé
avant que ne survienne le drame ? Ré-
ponse consternante : non, car cet In-
gouche est arrivé dans le « pays des
droits de l’homme » avant l’âge de
13 ans. Le préfet du Pas-de-Calais avait
bien questionné, en février dernier, le
ministère de l’Intérieur sur le point de
délivrer ou non une OQTF à cet étran-
ger de 20 ans pétri de haine et inscrit
au fichier des personnes radicalisées. Il
se trouvait alors en garde à vue pour
violence intrafamiliale. Mais rien ne
7 H -9 H
EUROPE 1 MATIN
Dimitri Pavlenko
Retrouvez l’Edito politique à 7h53 avec Alexis Brézet
A
et Vincent Trémolet de Villers du Figaro
ment émanant de la Préfecture de po-
lice en date du 17 février dernier. Il y
est également notifié que cet Algérien
de 33 ans en situation irrégulière « re-
présente une menace pour l’ordre public
en restant sur le territoire national, son
comportement ayant été signalé par les
services de police ». La raison de cette
menace est écrite à la main : « déten-
tion de psychotropes ».
Le consulat algérien
a bloqué la procédure
Arrêté la veille, le 16 février, Walid A.
avait aussitôt été placé en rétention
administrative comme le veut la loi.
Quelques mois plus tard, dans une or-
donnance émanant du tribunal judi-
ciaire de Paris en date du 25 mai, il
confirme sa nationalité algérienne :
« Je suis en France depuis 2017 (…) J’ai
été conducteur d’engins. (…)J’ai besoin
de travailler en France. (…) », expli-
que-t-il en ajoutant cette phrase dé-
concertante : « il n’y a pas de souci, je
vais quitter la France, mais j’ai besoin
de rester en France ». Sur cette ordon-
pouvait faire tomber la protection dont
il bénéficiait et bénéficie encore.
Le soir même du meurtre du profes-
seur de lettres du lycée Gambetta-
Carnot, Dominique Bernard, Gérald
Darmanin, était sur le plateau de TF1,
déclarant : « Ça fait quinze ans que la
loi française, malheureusement, empê-
che le ministre de l’Intérieur d’expulser
des personnes qui sont arrivées avant
13 ans sur le territoire national ; la loi
immigration que je porte met fin à ça. Et
si elle est votée, elle me permettra d’ex-
pulser tous ceux qui, même arrivés à
l’âge de 2 ou 3 ans, sont étrangers et
méritent de retourner dans leur pays
parce qu’ils ne respectent pas les règles
de la République, parce que ce sont des
dangers en puissance. »
À droite, chez ses anciens amis Les
Républicains, le patron du parti, Éric
Ciotti, n’hésite pas affirmer que l’hôte
de Beauvau « enfume » les Français. Se-
lon lui, « il est faux de dire que le texte
de Darmanin aurait permis l’expulsion
du terroriste puisqu’il n’a pas été
condamné ». De fait, estime l’élu, pour
lever la protection bénéficiant au tueur,
« le système défendu par le gouverne-
ment comporte une double condition :
l’intéressé doit certes constituer une me-
nace grave pour l’ordre public, mais il
doit aussi avoir été condamné pour des
crimes et délits punis de dix ans ou de
cinq ans en réitération de crimes et délits
punis de la même peine. Ce qui n’est pas
le cas de Mohammed Mogouchkov. »
Le patron des LR ne voit qu’une is-
nance, Walid A., qui a communiqué à
la justice son lieu de résidence, s’est
bien gardé de dire qu’il occupait illé-
galement une maison. Il déclare une
autre adresse : le 6, passage Ramey
dans le 18e à Paris, un lieu d’accueil
tenu par le Secours populaire français.
Cette même ordonnance est par
ailleurs un modèle du genre. Elle y re-
sue possible : « changer de cadre »,
autrement dit réformer la Constitu-
tion, pour pouvoir consulter les Fran-
çais par la voie du référendum. « Il
faut, dit-il, que notre Constitution re-
donne à la nation française la capacité à
décider qui elle veut accueillir sur les
questions migratoires et qui elle ne veut
plus sur son territoire. » Ce serait, à ses
yeux, le seul moyen de se soustraire
aux jurisprudences contraignantes des
Cours européennes qui empêchent,
selon lui, la France d’exercer sa sou-
veraineté sur des questions aussi
cruciales.
“Constitution
Il faut que notre
redonne
à la nation française
la capacité à décider
qui elle veut accueillir sur
les questions migratoires
et qui elle ne veut plus
”
sur son territoire
ÉRIC CIOTTI, PRÉSIDENT DES LR
Le 18 octobre dernier, Gérald Dar-
manin ne cachait pas sa perplexité face
à cette option. Il faudrait alors, selon
lui, faire d’abord « un référendum sur le
référendum ». Débat byzantin, alors
que le péril est déjà dans nos murs ? Sur
le papier, l’hôte de Beauvau pourrait
bien avoir raison, assure un éminent
juriste administratif : « Il faudrait, en
effet, modifier le champ d’application de
l’article 11 de la Constitution, qui limite
le nombre de questions que l’on peut po-
ser au peuple sans consulter au préala-
ble le Parlement, et qui interdit de poser
en direct au peuple, en l’état actuel de la
rédaction de cet article, toute question
touchant aux droits fondamentaux. »
Dans la bataille qui se profile, le mi-
nistre de l’Intérieur aligne ses argu-
ments. Car le projet immigration qu’il
défendait au départ a mué en une pro-
late les tracasseries habituelles qui font
obstacle à l’exécution des OQTF. Elle y
mentionne « l’impossibilité d’exécuter
la mesure d’éloignement » qui « résulte
de la perte ou de la destruction des do-
cuments de voyage de l’intéressé et de la
remise tardive par les autorités consu-
laires d’un document de voyage ». En
clair, le consulat algérien a bloqué la
position de loi très offensive de la com-
mission des lois du Sénat qu’il dit sou-
tenir. Elle sera examinée devant la
Haute assemblée à partir du 6 novem-
bre prochain.
Pour le ministre, « il y a chaque année
4 000 étrangers qu’on ne peut pas ex-
pulser ». L’article 10 du texte empê-
cherait, selon lui, les protections pour
ces personnes - protections acquises
en raison de leur âge d’arrivée ou du
fait qu’elles ont pris un conjoint fran-
çais ou bien eu des enfants.
Le sénateur LR François-Noël Buffet,
président de la commission des lois du
Sénat, insiste, lui, sur les innovations
portées par son camp : « Une simplifi-
cation des procédures du contentieux
des étrangers et, pour les pays sources
d’immigration, le conditionnement de
l’attribution des visas à leurs ressortis-
sants voulant entrer légalement en
France à la délivrance de laissez-passer
consulaires pour ceux de leurs natio-
naux illégaux qui doivent quitter notre
pays. » Dans cet arsenal, Beauvau veut
ajouter l’augmentation des places en
centre de rétention administrative
(CRA) - qui passeraient de 1 800 à 3 000
d’ici à 2027 - et l’allongement des dé-
lais de rétention jusqu’à 18 mois. Pour
ne pas remettre dehors prématuré-
ment des individus dangereux. La liste
des mesures chocs est longue. Mais ce
sera le 23e texte sur l’immigration en
trente ans alors que la situation va de
mal en pis…
À la fin des fins, reste notamment, en
matière d’éloignement, une étape in-
contournable : il faut que le pays d’ori-
gine de l’étranger indésirable en Fran-
ce accepte de le reprendre. La France
négocie toujours le cas de onze Cauca-
siens que la Russie rechigne à récupé-
rer, Moscou prétextant que c’est en
France qu’ils se sont radicalisés. Les
Algériens en font de même, avançant
des raisons similaires, pour nombre de
leurs ressortissants délinquants dont
Paris voudrait se séparer. Une loi de
plus n’y changerait rien. ■
procédure en ne fournissant pas les
pièces demandées, ni davantage le
laissez-passer consulaire comme cela
est mentionné dans cette même or-
donnance. Celle-ci a donc prononcé la
prolongation de la rétention adminis-
trative de cet Algérien.
Un mois plus tard, le 24 juin, le sort
de ce clandestin a de nouveau été exa-
La Cimade, « par
au militantisme
PAUL SUGY £@PaulSugy
SA CONDAMNATION est pratiquement
passée inaperçue, dans la multitude
d’informations qui ont suivi l’attentat
islamiste du lycée Gambetta-Carnot
d’Arras, vendredi dernier. Ce jour-là,
Marine Le Pen a pourtant été reconnue
coupable de diffamation publique en-
vers la Cimade, acronyme du Comité
inter-mouvements auprès des évacués,
l’une des principales associations de so-
lidarité avec les migrants et les sans-pa-
piers de France. « La Cimade organise en
réalité la filière d’immigration clandesti-
ne en provenant des Comores » à Mayot-
te, avait-elle déclaré en janvier 2022…
Un mois plus tôt, lors d’un déplace-
ment à Mayotte, elle était venue soute-
nir le Comité des intérêts de défense de
Mayotte, un collectif de citoyens de l’île
qui a manifesté plusieurs mois devant
les locaux de la Cimade pour dénoncer
une complicité entre les associations
pro-migrants et les clandestins venus
des Comores. Fatihou Ibrahim, porte-
parole du Collectif contre la violence et
l’insécurité à Mayotte, résume le res-
sentiment qu’éprouvent certains habi-
tants à l’endroit des associations com-
me la Cimade : « Quand les clandestins
arrivent, ils ont tous le numéro d’un res-
ponsable associatif de la Cimade ou d’une
autre association similaire. C’est grâce à
eux qu’ils viennent, la Cimade se cache
derrière la loi pour organiser la conquête
de Mayotte par les Comores ! »
Si cette association a fait l’actualité
vendredi dernier, c’est moins en raison
de la condamnation de Marine Le Pen
que d’un événement passé qui a refait
surface à la faveur de l’actualité. En
2014, la Cimade était intervenue avec
d’autres associations rennaises pour
empêcher le préfet d’expulser la famille
Mogouchkov, étrangers déboutés du
droit d’asile dont l’un des fils se révélera
être le tueur islamiste du lycée d’Arras.

miné, comme en témoigne une autre
ordonnance retrouvée dans le pavillon
de Saint-Gratien. Son contenu est là
encore un condensé de tout ce qui fait
échec aux OQTF. « Malgré les diligen-
ces des services de la préfecture qui ont
procédé à une relance le 21 juin 2023 »,
les autorités administratives ont de
nouveau fait chou blanc. Le consulat
tenaire » de l’État
assumé
En plus de l’aide humanitaire qu’elle
apporte aux immigrés et aux réfugiés,
notamment à travers ses centres d’hé-
bergement d’urgence, la Cimade est
aujourd’hui partenaire de l’État en in-
tervenant directement comme presta-
taire d’une mission publique, grâce à
des marchés publics qu’elle a rempor-
tés, pour assurer notamment une assis-
tance juridique aux étran-
gers retenus dans les
centres de rétention admi-
nistrative (CRA). C’est ce
qui lui vaut d’être financée
pour moitié par de l’argent
public (6,4 millions d’euros
en 2022, à quoi s’ajoutent
5,3 millions d’euros de
dons et de financements
privés), que ce soit en rétri- La Cimade voyant… une menace pour
bution de ses prestations ou
grâce aux subventions de se cache
très nombreuses collectivi- derrière
tés locales notamment. Un la loi pour
rapport de l’Inspection gé-
nérale des affaires sociales organiser
de 2007 avait pointé la trop la conquête
forte dépendance de la Ci- de Mayotte
made aux financements
publics, notamment gou- par les
vernementaux. La situation
n’a guère changé depuis…
Comores !
FATIHOU IBRAHIM,
La Cimade agit parfois PORTE-PAROLE
directement en contradic-
DU COLLECTIF
tion avec les orientations
CONTRE LA VIOLENCE
politiques gouvernemen-
tales. En plus d’une impor- ET L’INSÉCURITÉ
tante activité de lobbying À MAYOTTE
et de financement de festi-
vals, films ou œuvres diverses visant à
promouvoir un monde de frontières
ouvertes ou la régularisation massive
de sans-papiers, la Cimade intervient
souvent dans le débat public pour criti-
quer ouvertement la position de la
France en matière d’asile et
d’immigration.
Ainsi en 2022, les actuels président et
secrétaire générale de la Cimade, Henry
LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023
L'ÉVÉNEMENT 7
Le centre de rétention
administratif du Mesnil-Amelot,
en Seine-et-Marne.
CORINNE SIMON/HANS LUCAS VIA AFP
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
ailleurs, comme le raconteront par la
suite plusieurs voisins, le QG d’autres
étrangers en situation irrégulière mais
aussi d’anciens détenus. Un document
provenant de la maison d’arrêt de
Fleury-Mérogis et retrouvé sur une
étagère parle d’un dénommé Samir D.,
fraîchement sorti de prison en juin Dans le cadre
2022 après avoir bénéficié de réduc- du futur projet
tions de peine. Ce courrier rappelle
d’ailleurs à ce dernier qu’il doit se te- de loi immigration,
nir à carreau sous peine de retourner
derrière les barreaux. La lecture
il faut un nouvel
d’autres documents fait apparaître par article qui précise
ailleurs que Walid A. connaissait par- que la rétention
faitement ses droits. Ainsi, comme le
permet l’aide médicale d’État (AME), il administrative
a été admis en août 2022 à l’hôpital Bi-
chat pour une intervention chirurgi-
est obligatoire
cale. En plus d’être un squatteur, cet dès que l’OQTF
homme en situation irrégulière est
aussi un chauffard, comme en témoi- est notifiée, et que
gne un PV de 1 500 euros retrouvé dans l’on porte ce délai
la maison après avoir conduit un scoo-
ter sans assurance. Walid A., qui avait à douze ou dix-huit
mis le pavillon à son nom et qui a reçu mois (contre
plusieurs amendes majorées, était ain-
si considéré par le Trésor public com- sept aujourd’hui,
me l’occupant légal des lieux…
C’est donc le 7 juillet dernier que
l’Algérien a été délogé par la police, en
NDLR) »
XAVIER BERTRAND
laissant derrière lui, outre ces docu- PRÉSIDENT LR DES HAUTS-DE-FRANCE
ments, un désordre indescriptible
dans la maison. Si elle n’a donné lieu à
aucune résistance de la part des squat-
teurs, l’expulsion s’est faite sans véri-
fication poussée de l’identité de ces
personnes, dont certaines n’ont pu
présenter de papier. « Dans le cadre de 6,9 %
cette procédure, il s’agissait avant tout
de libérer les lieux. Et s’il avait fallu Taux
contrôler tous ces individus et les
conduire au commissariat, cela aurait
d’exécution
mobilisé tout un service, durant toute des obligations de quitter
algérien n’a pas, une fois de plus, gation de quitter le territoire national ». une journée », raconte un fonctionnai- le territoire français
transmis les documents réclamés. Cet- Or il ne fait aucun doute que Wa- re habitué de ce type d’intervention. (OQTF), en 2022
te fois, le juge a décidé de mettre fin à lid A. est resté sur le sol français et Sommés de partir, Walid A. et ses aco-
la rétention administrative de Wa- qu’il a sans doute ensuite rejoint son lytes ne se sont pas fait prier. Pour se
lid A., qui a recouvré sa liberté. Le ma- squat du Val-d’Oise, devenu par retrouver libres comme l’air. ■
gistrat a considéré qu’il n’y avait pas
lieu de procéder à une « mesure de sur-
veillance et de contrôle ». Le juge rap-
pelle juste à l’intéressé « qu’il a l’obli-
Masson et Fanélie Carrey-Conte (an-
cienne députée socialiste, frondeuse
sous le gouvernement de Manuel Valls)
écrivaient dans Le Monde que « rien
n’empêchera des personnes au désespoir
de quitter leur pays, même au péril de leur
vie », et prônaient « une société de l’ac-
cueil inconditionnel, où l’on fait primer
l’humanité sur le statut administratif ».
Cette politisation assumée
de l’association se heurte
parfois aux exigences fixées
par l’État dans ses marchés
publics : en 2020, plusieurs
associations, dont la Cimade,
MAYOTTE 1ÈRE
s’étaient émues d’une clause
de confidentialité notifiée
aux personnels associatifs
intervenant dans les CRA, y
leur liberté d’expression.
C’est au nom de cette même
liberté d’expression, du res-
te, que la Cimade est un sou-
tien historique de la cause
palestinienne, allant jusqu’à
soutenir le mouvement
«Boycott-désinvestisse-
ment-sanction », une cam-
pagne pourtant condamnée
» par l’Union européenne au
motif qu’elle renforce l’anti-
sémitisme en Europe. Dans
son communiqué au lende-
main des atrocités commises
par le Hamas le 7 octobre, la
Cimade désigne pudique-
ment les meurtres d’Israé-
liens et les prises d’otages par
le terme « offensive du Hamas » ; celle-
ci survenant, rappelle le communiqué,
« dans un contexte d’oppression géné-
ralisée marqué notamment par seize ans
de blocus de la bande de Gaza, cinquan-
te-six ans d’occupation israélienne, un
régime d’apartheid et une intensification
de la colonisation ». Contactée, la Ci-
A
made n’a pas souhaité faire de com-
mentaires. ■
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO

8 POLITIQUE
La droite met le cap sur les européennes
Les sénateurs républicains ont fait leur rentrée en présence de François-Xavier Bellamy.

CLAIRE CONRUYT £@ClaireConruyt

ET EMMANUEL GALIERO £@EGaliero

ÉLECTIONS En accueillant le prési-

dent du Sénat, Gérard Larcher, jeu-
di à Strasbourg, accompagné de la
délégation de la droite sénatoriale,
Bruno Retailleau assume la force
des symboles. À huit mois des élec-
tions européennes, le chef de file
des sénateurs LR veut souligner
l’importance de cette échéance
pour la droite, surtout dans le
contexte inflammable du conflit au
Proche-Orient. « Strasbourg est la
capitale européenne française. Les
prochaines élections européennes
constituent un enjeu stratégique pour
nous et pour l’Europe. Mais, sur la
question européenne, les institutions
européennes ne doivent pas être un
problème », souligne le sénateur de
la Vendée, en maintenant égale-
ment que l’influence française sur
la scène européenne s’est « étio-
lée ». Pourquoi ? « La France ne tient
pas ses comptes », répond-il, inspi-
ré par l’alerte gaullienne selon la-
quelle un pays qui ne tient pas « ses
comptes » est un pays qui ne tient
pas « son rang ».
Cette pierre lancée dans le jardin
d’Emmanuel Macron rebondit aussi
dans celui d’Ursula von der Leyen,
présidente de la Commission euro-
péenne. De toute évidence, le séna-
teur français ne pense pas du bien de
cette figure l’Union chrétienne-dé- Gérard Larcher, Vendredi, ils pourront écouter l’in- rer un sursaut, même si tout indique mauvais moment à passer. Atten- annulés par des décisions de certai-
mocrate allemande (CDU), qu’il ac- président du Sénat, tervention du journaliste Franz- que l’électorat de droite sera de plus tion à l’impact d’un nouvel échec nes cours jurisprudentielles, alors il y
cuse de ne pas suffisamment défen- Bruno Retailleau, Olivier Giesbert sur la Ve République en plus convoité d’ici à la présiden- sur la suite et, notamment, sur la aura des insurrections électorales
dre les intérêts européens. Bruno président des sénateurs et celle du spécialiste François Len- tielle, y compris aux européennes, question de l’incarnation, prévient dans tous nos États, prévient Bruno
Retailleau se montre même très cri- LR, et François-Xavier glet sur les perspectives économi- dans lesquelles le RN et Reconquête! en substance le patron des séna- Retailleau. Les Européens n’ont pas
Bellamy, député
tique à son égard, sur deux points ques. Mais la toile de fond de ces ont déjà propulsé leurs têtes de liste, teurs LR, partisan d’une ligne sou- signé pour cette Europe-là ! » Lucide
européen (ici, en mai, lors
précis. « Je considère d’abord qu’elle de l’assemblée générale échanges reste la question du poids Jordan Bardella et Marion Maréchal. verainiste, qu’il est venu défendre lui aussi face au risque d’incendie,
a déshonoré l’Europe quand elle est des Républicains). de la droite française au sein de la En première ligne face au texte à Strasbourg dans la foulée des sé- François-Xavier Bellamy juge plus
allée signer un accord sur le gaz avec JACQUES WITT/SIPA droite européenne. D’où l’impor- du gouvernement sur l’immigra- natoriales en prônant le retour né- que jamais essentielle la coordina-
l’Azerbaïdjan et les tortionnaires des tance pour Les Républicains de tout tion (attendu au Palais du Luxem- cessaire de l’influence française et tion des groupes parlementaires de
Arméniens. Un accord au prix du tenter pour éviter un nouvel échec bourg le 6 novembre), Les Répu- de la puissance européenne. droite : « L’idée de solidifier les rela-
sang qui contourne les sanctions que électoral aux conséquences impré- blicains du Sénat pensent que À la lumière d’une actualité in- tions pour anticiper ce qui arrive
nous infligeons à la Russie. J’observe visibles quand certains croisent les l’après-Macron se jouera à droite ternationale hantée par les attaques dans le paysage réglementaire, poli-
aussi qu’elle a changé de camp, car doigts avec l’espoir d’éviter une re- et que les européennes sont la pre- du Hamas, la riposte israélienne et tique et géopolitique avec la plus
elle appartenait au PPE (Parti popu- production des 4,78 % de Valérie mière étape du combat présiden- les attentats islamistes sur le sol grosse force politique dans les insti-
laire européen, où siège la délégation Pécresse. Un score redoutable qui tiel. Bruno Retailleau met en garde européen, cette présence des séna- tutions européennes et au Sénat me
française LR présidée par François- ne pourrait être que le terreau de ses troupes et plus largement son teurs LR dans le cœur névralgique semble importante. » Il souhaite au
Xavier Bellamy, NDLR), mais elle est nouveaux doutes sur les prétentions parti sur l’obligation de ne pas en- de l’UE est aussi un appel à la fond que les sénateurs français et les
allée s’afficher avec Renaissance à de la droite à gouverner la France. jamber le scrutin de 2024, alors que conscience des enjeux migratoires. députés européens puissent trouver
Bordeaux. C’est une trahison. » L’in- Les derniers sondages semblent in- dans les rangs LR on a parfois l’im- « Si les efforts de fermeté faits par les les clés d’une plus grande efficacité
vitée européenne fut l’un des points diquer une base stable à 8 %, résul- pression que certains serrent les gouvernements, notamment au tra- au service de l’Europe. L’ampleur
d’orgue du campus de rentrée du tat de 2019 sur lequel LR peut espé- dents comme s’il s’agissait d’un vers du pacte migration et asile, sont des défis n’attend rien d’autre. ■
parti présidentiel le 7 octobre. Voilà
pour les messages européens.

“Bellamy
François-Xavier
est le candidat
LR étudie une possible candidature d’Emmanuelle Mignon
C’EST une petite musique qui Parmi les dossiers prioritaires « L’idée est plutôt de savoir si femme si discrète, l’on s’interro-

”
naturel de la droite
BRUNO RETAILLEAU
Concernant le prochain combat
électoral des européennes, cette
rentrée parlementaire des séna-
teurs LR à Strasbourg est aussi une
occasion de saluer le travail des
eurodéputés français conduits par
François-Xavier Bellamy depuis
2019. Et, lors des réunions prépara-
toires de l’événement strasbour-
geois avec la présidence du Parle-
ment, pilotée par Roberta Metsola,
les artisans de ces deux journées
très européennes ont pu mesurer à
quel point la personnalité de Bella-
my était appréciée, notamment
pour la force de son implication
dans les travaux de l’Assemblée
européenne. L’un d’eux raconte au
Figaro : « C’était très frappant d’en-
tendre nos interlocuteurs nous dire
que nous avions une pépite capable
d’abattre un travail de dingue et que
Emmanuelle Mignon,
ancienne directrice
de cabinet de Nicolas
Sarkozy à l’Élysée
et vice-présidente
de LR.
SÉBASTIEN SORIANO/
LE FIGARO
court chez Les Républicains (LR).
Et qui ne surprend guère ceux
qui laissent traîner une oreille
indiscrète. Si la droite n’a tou-
jours pas désigné sa tête de liste
pour les européennes de juin
2024, certains noms commen-
cent à circuler avec plus ou
moins d’insistance pour figurer
en position éligible. Ainsi d’Em-
manuelle Mignon, l’ancienne di-
rectrice de cabinet de Nicolas
Sarkozy à l’Élysée, récemment
nommée vice-présidente de LR
en charge du projet et des idées
par Éric Ciotti.
de cette nouvelle mission, dévoi-
lés dans un entretien au Figaro,
figurait naturellement la prochai-
ne échéance électorale tant re-
doutée par la droite. Un sujet que
l’intéressée avait sobrement
abordé : « Il faut préparer cette
campagne et son contenu. Ce que je
veux combattre, c’est la perspecti-
ve d’une alliance d’un certain nom-
bre de partis dans un certain nom-
bre de pays européens pour faire
campagne sur des positions hosti-
les à l’Union avec un discours du
type “maintenant ou jamais”. »
Voilà pour la théorie.
Mais il semblerait que celle qui
fut tant impliquée dans l’épopée
victorieuse de Nicolas Sarkozy en
2007 puisse hériter d’un rôle un
peu plus visible. « C’est vrai que
lorsqu’on a appris qu’Éric Ciotti la
nommait vice-présidente, l’idée
nous est venue », glisse-t-on du
l’aventure l’intéresse », glisse-t-
on. En coulisses, les confidences
circulent et laissent entendre que
la nouvelle vice-présidente des
Républicains serait, à ce stade, très
attachée à sa profession d’avocate.
Dans les rangs de LR, pourtant,
l’arrivée d’Emmanuelle Mignon
« réinsuffle ce parfum de victoire si
singulier qui a provoqué l’alchimie
de 2007 », affirme l’eurodéputé
Geoffroy Dider. « C’est le cerveau
le plus créatif de la République »,
renchérit sans détour Olivier
Marleix. Et le patron des députés
LR de poursuivre, en évoquant les
européennes : « Il est important
que notre liste puisse faire la dé-
“c’estEmmanuelle
le cerveau
Mignon,
le plus créatif
ge : ce « petit joyau », ainsi que la
décrit Geoffroy Didier, est-il fait
pour briller dans l’arène politi-
que ? Un autre élu enchaîne : « Je
ne sais pas si, au fond, c’est ce
qu’elle souhaite. » « La perspective
d’être élue, de s’engager médiati-
quement, de faire des émissions…
Est-ce que ça l’intéresse ? J’ai un
léger doute, je ne suis pas certain
que ce soit dans sa nature », ajou-
te-t-on de même source.
Il n’empêche, Éric Ciotti cher-
che la bonne formule, entre la co-
hérence idéologique d’une liste et,
surtout, des personnalités qui la
composent. Tandis que certains à
droite, notamment au Sénat,
continuent de craindre cette ima-
ge d’une « droite conservatrice qui
colle à la peau de François-Xavier
Bellamy », le patron des Républi-
cains réfléchit à des noms qui
pourraient équilibrer la ligne poli-

”
sa crédibilité était sans commune côté de Bruxelles. Un eurodéputé de la République tique incarnée par l’actuel prési-
mesure avec le poids politique de sa balaie sagement : « J’entends les OLIVIER MARLEIX, dent de la délégation française au
délégation ! » Les Républicains n’ont mêmes rumeurs et rien ne me laisse PRÉSIDENT DES DÉPUTÉS LR Parlement européen. « Emmanuel-
pas encore dévoilé leur stratégie ni penser qu’elles sont ni fausses, ni le Mignon, comme notre parti, est
leur tête de liste pour l’élection de vraies. » monstration de son attractivité et fondamentalement européenne mais
juin prochain (lire ci-contre), mais Selon nos informations, LR ré- de sa capacité à agréger des gens consciente des dérives actuelles, des
Bruno Retailleau a déjà une idée très fléchirait à investir Emmanuelle différents, surtout face à des can- risques futurs et des combats à me-
claire sur le sujet. « François-Xavier Mignon pour le scrutin du prin- didats macronistes que personne ne ner pour remettre l’Europe à l’en-
Bellamy est le candidat naturel de la temps prochain. À quelle place ? pourra identifier - qui connaît Sé- droit », argue Geoffroy Didier.
droite. J’invite tous ceux qui auraient Un élu, optimiste, va jusqu’à se fi- journé ? - ou contre les profils sem- Emmanuelle Mignon permettrait-
des doutes à venir le suivre une jour- gurer : « Emmanuelle Mignon en blables comme ceux de Bardella et elle d’élargir le socle électoral ?
née à Strasbourg », insiste le séna- un, et François-Xavier Bellamy Maréchal ». Son homologue au C’est l’un des enjeux que souligne
teur, très élogieux à l’égard de celui juste derrière ? » Avant de nuan- Sénat, Bruno Retailleau, médite : le dernier sondage Ifop-Fiducial
qui fut l’un de ses piliers durant la cer : «Ou bien, en numéro 4 ? Ce « Qu’elle soit sur la liste est plutôt pour Le Figaro et Sud Radio qui
campagne des élections internes serait le minimum. » Un autre, une bonne idée. » Avant d’ajouter : dépeint une difficile bataille à ve-
pour la présidence des Républi- imaginant l’intéressée en tête de « Mais ce qui est important, c’est nir : la liste conduite par François-
cains, où il était arrivé en deuxième liste, surenchérit, enthousiaste : de mettre les choses dans l’ordre. Xavier Bellamy rassemblerait 8 %
position, derrière Éric Ciotti. « Elle peut mettre Bardella par ter- D’abord, le projet ; ensuite, notre des voix… Soit le même score
En deux jours, la délégation séna- re. » Prudence, toutefois. tête de liste et la composition. » qu’en 2019. Ce, alors que le candi-
toriale a prévu des rencontres avec Car, si sa présence est envisa- Seulement voilà, si, à droite, on dat n’est pas encore investi, et que
A

les élus du PPE, notamment avec gée, il serait plutôt question de ne reconnaît aisément la « puissance la concurrence, à droite de la droi-
leur président, Manfred Weber. pas la placer en tête du peloton. intellectuelle hors norme » d’une te, s’aiguise. ■ C. C. ET E. G.
 LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023

SOCIÉTÉ 9

Alertes à la
bombe : l’État
lance la traque
aux « guignols »
Alors que ces messages malveillants
perturbent le pays, leurs auteurs,
souvent très jeunes, encourent
jusqu’à deux ans de prison.
CHRISTOPHE CORNEVIN £@ccornevin
ET STÉPHANE KOVACS £@KovacsSt
SÉCURITÉ Des « petits guignols ». En
une formule qui fait mouche, le garde
des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a dit
mercredi toute la colère et l’agacement
des pouvoirs publics face à la vague de
fausses alertes à la bombe qui déferle sur
le pays. Heure après heure, par mails ou
via des appels téléphoniques, des mes-
sages anonymes plus inquiétants les uns
que les autres sont envoyés à haut débit
aux institutions recevant du public, aux
entreprises de transports publics ou en-
core aux établissements scolaires.
Dans une France confrontée à la hai-
ne du terrorisme islamiste, un envoi,
tombé lundi dans la boîte mail d’un ly-
cée du Gard et qu’a pu lire Le Figaro, lis-
tait quatre établissements à travers le
pays, faisant état de « quatre bombes dé-
posées dans chacun » d’entre eux. Lundi
dernier, l’indécence a été totale : trois
jours après l’assassinat du professeur
Dominique Bernard, élèves et ensei-
gnants de la cité scolaire Gambetta
d’Arras ont dû quitter précipitamment
les classes où ils se recueillaient, le
temps que les démineurs fassent une
« levée de doute ». Gabriel Attal a préci-
sé qu’il s’agissait de la 168 alerte à la
bombe sur nos écoles depuis la rentrée.
Le secteur des transports est lui aussi
touché : ce jeudi, pour la seconde jour-
née consécutive, le ciel français a été en
partie paralysé. À Bordeaux, Nantes,
Lille et Montpellier, des vols ont été dé-
routés tout au long de la journée alors
que pas moins de quatorze aéroports
avaient été évacués la veille. À Lille,
« l’aérogare a été vidée de ses voyageurs
pendant environ trois heures, indique-t-
on. Quelque 300 personnes ont été éva-
cuées, trois vols ont été retardés. » À
Beauvais, « la situation était assez ex-
ceptionnelle », selon une porte-parole
qui précise : « D’habitude, on a plutôt des
bagages abandonnés. Mais là, c’était
pour nous une première de devoir évacuer
l’ensemble des bâtiments en même
temps ! »
« Principe de précaution »
À quatre reprises en cinq jours, le châ-
teau de Versailles a été contraint de de-
mander à ses visiteurs de partir sans dé-
lai, alors que le niveau d’alerte a été
relevé en France après l’attaque d’Ar-
ras. Les trois premières fois, le signale-
ment de la menace est passé par la pla-
teforme moncommissariat.fr, a précisé
la préfecture.
À Bordeaux, Nantes, Lille et Montpellier, des vols ont été déroutés tout au long de la journée d’hier alors que quatorze aéroports
avaient été évacués la veille, dont celui de Bordeaux-Mérignac (ci-dessus). SEVERINE DABADIE/ONLY FRANCE VIA AFP
Au Musée du Louvre, qui a dû évacuer
quelque 15 000 personnes samedi - y
compris les visiteurs du Musée des arts
décoratifs et de la galerie commerciale
du Carrousel -, on reste serein : « Notre
exposition “Le trésor de Notre-Dame” a
ouvert mercredi, avec un contrôle renfor-
cé, détaille-t-on. Il y a toujours autant
de monde - on accueille 30 000 person-
nes par jour actuellement, notre jauge
maximale - et les gens n’ont pas du tout
l’air inquiets. La sécurité des visiteurs et
des collections nationales est notre prio-
rité numéro un. Nos protocoles, mis en
place avec les autorités compétentes,
sont régulièrement réévalués. » Le pas-
sage en « alerte urgence attentat », dé-
cidé vendredi par la première ministre,
a naturellement pour conséquence
d’accentuer la vigilance, particulière-
ment lors des contrôles d’accès.
« Les signalements sont toujours pris
très au sérieux compte tenu du maintien
du risque terroriste à un niveau élevé
dans notre pays », prévient de son côté
la direction générale de la police natio-
nale qui invoque le « principe de précau-
tion » pour justifier « l’intervention des
forces de l’ordre comme d’équipes cyno-
techniques, voire de déminage pour ef-
fectuer une levée de doute. » Dans le
20e arrondissement de Paris, un très
mauvais canular faisant état, mercredi
après-midi, d’une attaque à la machette
au lycée Étienne Dolet a même entraîné
la mise en alerte de la Brigade de re-
cherche et d’intervention (BRI, anti-
gang).
En visite à la maison d’arrêt de Fleu-
ry-Mérogis le même jour, Éric Dupond-
Moretti a enfoncé le clou, prévenant
que les « petits plaisantins » seront « re-
trouvés » et « punis ». « Je demande aux
procureurs d’être très réactifs, d’être
fermes et de systématiquement poursui-
vre les actes d’apologie du terrorisme ou
les expressions antisémites », a ajouté le
garde des Sceaux. Même si les auteurs
croient pouvoir agir en toute impunité,
la police prévient que des « investiga-
tions téléphoniques et informatiques sont
effectuées afin d’identifier le ou les
auteurs des faits ». Dans la majorité des
cas, ces délinquants sont très jeunes, à
l’image des sept mineurs âgés de 13 à
16 ans interpellés lundi, dans le Val-de-
Marne, où ils sont soupçonnés d’avoir
émis 25 messages malveillants.
Lancer une fausse alerte à la bombe est
sévèrement réprimé. L’article 322-14 du
code pénal stipule que « le fait de com-
muniquer ou de divulguer une fausse in-
formation dans le but de faire croire
qu’une destruction, une dégradation ou
une détérioration dangereuse pour les
personnes va être ou a été commise est
puni de deux ans d’emprisonnement et de
30 000 euros d’amende. » Sans compter
les dommages et intérêts pour les per-
sonnes morales ou physiques qui se por-
teraient partie civile. Sollicitées jeudi
encore par des alertes à la gare et dans
des écoles de Toulouse, au lycée Arago à
Paris, par une menace d’attentat sur
Mulhouse ou encore une rumeur de col-
lège piégé à Colmar, les policiers inter-
viennent sans relâche en serrant les
dents. Car, dans le flot des alertes, pour-
rait se trouver une menace bien réelle. Si
200 procédures judiciaires pour appels
malveillants sont ouvertes en moyenne
chaque année, l’expérience antiterroris-
te montre que les djihadistes ne prévien-
nent jamais avant de passer à l’acte. ■

À Cannes, le profil d’un

agresseur au couteau illustre la
menace de « l’infradjihadisme »
JEAN CHICHIZOLA
« L’INFRADJIHADISME »… cette suite
ininterrompue de faits divers plus ou
moins teintés d’islamisme, s’est-il en-
core manifesté mercredi dans le centre-
ville de Cannes ? Selon le témoignage
d’un employé d’un centre de contrôle
technique automobile, un inconnu se
serait introduit dans les lieux peu avant
19 heures. Il y aurait déployé un tapis de
prière. À noter que ce garage de centre-
ville est situé à un jet de pierre de la
gare, d’un commissariat et d’un lycée
mais aussi à quelques centaines de mè-
tres d’une mosquée ayant pignon sur
rue et d’une des synagogues de la ville.
L’employé aurait surpris l’inconnu et lui
aurait indiqué que ce n’était pas un lieu
de culte. L’homme se serait alors relevé,
aurait sorti un couteau et, hurlant à plu-
sieurs reprises « Allah akbar » et aurait
tenté de le frapper au ventre. S’étant ré-
fugié dans son bureau, l’employé a
composé le 17, le numéro de police se-
cours. Les policiers de la brigade anti-
criminalité (BAC) de Cannes sont partis
à la recherche de l’individu qui avait
quitté les lieux et, quelques minutes plus
tard, ils l’ont interpellé, son couteau
Opinel à la ceinture, devant la mosquée
voisine.
Un précédent en 2021
Dès mercredi soir, le ministre de l’Inté-
rieur, Gérald Darmanin, a salué ses
troupes sur les réseaux sociaux : « À
Cannes, les courageux policiers de la BAC
viennent d’interpeller un homme très
dangereux, porteur d’un couteau, qui
avait voulu s’en prendre à un individu.
Merci à eux : ils ont évité le pire. » Jeudi,
de source proche de l’enquête, on invi-
tait toutefois à la prudence. Pour l’heu-
re, l’affaire repose sur les déclarations
de la victime et les enquêteurs exploi-
pointe en la matière. Les premières
images confirmeraient une altercation
entre le suspect et la victime, sans
échange de coups. Le procureur de la
République de Grasse, Damien Savar-
zeix, a tenu à souligner qu’aucun lien
n’était pour l’heure établi entre les faits
et la présence d’une synagogue à proxi-
mité. Pour sa part, le maire LR de Can-
nes, David Lisnard, a indiqué que « le
lien avec la synagogue est à ce stade une
extrapolation. Le mis en cause serait en
situation irrégulière, aurait un tapis de
prière et, d’après le plaignant, crié “Allah
akbar” en brandissant un couteau. Ces
éléments seront précisés, confirmés ou
infirmés par l’autorité judiciaire ». Placé
en garde à vue dans le cadre d’une en-
quête ouverte pour « apologie du terro-
risme » et « violences avec usage d’une
arme », le suspect, qui serait de natio-
nalité marocaine, arrivé très récem-
ment d’Italie et sans domicile fixe, nie
les faits.
L’émotion suscitée par ce fait divers
s’explique par le climat actuel très ten-
du, le pays étant en « urgence attentat ».
Mais aussi par un précédent survenu à
Cannes, le 8 novembre 2021. Quatre po-
liciers qui s’apprêtaient à partir en pa-
trouille étaient attaqués au couteau dans
leur véhicule. L’agresseur, un plombier
algérien de 37 ans, portait des coups de
couteau au niveau du thorax à un poli-
cier avant de faire le tour de la voiture et
de poignarder une policière. Équipés de
gilets pare-balles, les fonctionnaires
frôlaient la mort à quelques centimètres
près. L’assaillant déclarait avoir agi « au
nom du prophète » et « avoir obéi à la vo-
lonté de Dieu ». Le Parquet national an-
titerroriste ne s’était pas saisi du cas de
cet individu fragile psychologiquement,
au casier judiciaire vierge, inconnu pour
radicalisation, sans lien avec une orga-
nisation terroriste et ne possédant pas
de propagande djihadiste. L’informa-
A

tent les images de nombreuses caméras tion judiciaire est toujours en cours et
de vidéosurveillance, Cannes étant à la l’intéressé est en détention provisoire. ■
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO
10 INTERNATIONAL
Bloquée en Égypte,
l’aide humanitaire
attendue à Gaza
ce vendredi
La situation est catastrophique pour les habitants
de cette bande de terre soumis depuis treize jours au
siège et aux bombardements de l’armée israélienne.
GUILLAUME DE DIEULEVEULT
gdedieuleveult@lefigaro.fr
CORRESPONDANT À JÉRUSALEM
PROCHE-ORIENT Précaire en
temps normal, la situation humani-
taire de la bande de Gaza est désor-
mais désastreuse. L’arrivée d’une
centaine de camions d’aide de
l’Égypte via le terminal de Rafah,
annoncée pour ce vendredi, sera
d’un réconfort très limité pour les
2,2 millions d’habitants de ce terri-
toire palestinien. Déclenchée par
l’attaque terroriste du Hamas
contre Israël, la guerre a eu pour
conséquence une fermeture totale
des frontières de cette bande de
terre surpeuplée. Électricité, pétro-
le, nourriture, médicaments : rien
n’y est entré depuis le 7 octobre.
Auparavant, environ 1 200 camions
pénétraient chaque jour dans la
bande de Gaza, soit par le terminal
israélien de Kerem Shalom, soit par
celui de Rafah, afin de subvenir aux
besoins de la population.
Des incursions militaires israé-
liennes ont aussi lieu en Cisjorda-
nie, territoire occupé par Israël
depuis 1967. Jeudi, 7 Palestiniens y
ont été tués, ce qui monte à 73 le
nombre de victimes en Cisjordanie
depuis le début de la guerre contre
le Hamas, le 7 octobre.
Le quotidien des Gazaouis est ex-
trêmement difficile. Malgré l’ordre
d’évacuation de la zone nord, l’ar-
mée israélienne bombarderait aus-
si le sud de la bande de Gaza. L’or-
dre d’évacuation a jeté des
centaines de milliers de personnes
dans les rues. Elles sont venues
gonfler le flot de celles qui avaient
déjà dû fuir les bombardements.
Selon l’UNRWA, l’agence des Na-
tions unies en charge des réfugiés
palestiniens, le nombre de déplacés
à l’intérieur de la bande de Gaza
s’élève environ à 1 million. Les vil-
les du Sud, comme Khan Younes et
Rafah, sont submergées.
Pénurie d’eau potable
Quand ils sont chanceux, les habi-
tants du Nord déplacés dans le Sud
peuvent être accueillis chez un
proche : des familles entières s’en-
tassent alors dans des apparte-
ments exigus. Les autres sont hé-
bergées dans les structures de
l’UNRWA, où 513 000 personnes
ont trouvé refuge. Dans les maga-
sins, les rayons sont vides. Les files
s’allongent devant les boulange-
ries. Le prix du gaz, pour la cuisine,
a grimpé en flèche. Ceux qui ne
peuvent s’en procurer coupent les
arbres pour faire du feu. Dans les
pharmacies, on ne trouve plus de
médicaments de base, comme le
paracétamol. Les poubelles ne sont
pas ramassées. Le prix de l’essence
a doublé, mais la plupart des sta-
tions sont hors service. D’après le
ministère de la Santé du Hamas
dans la bande de Gaza, les frappes
aériennes ont fait 3 478 morts et
12 065 blessés. Treize jours de
bombardements aériens incessants
ont considérablement endommagé
les infrastructures. Les trois usines
de dessalinisation ne tournent plus.
L’eau est une des principales
préoccupations des organisations
humanitaires. Le cluster Wash, un
forum réunissant onze organisa-
tions internationales autour de la
question de l’accès à l’eau, estime,
dans un document publié mercredi,
que les Gazaouis ont accès à 3 litres
par jour et par personne. Une bou-
A
teille d’un litre et demi coûte 3 she-
kels, un peu moins d’un euro. Faute
d’eau potable, certains en sont ré-
duits à boire de l’eau souillée, ce qui
augmente le risque « d’une explo-
sion potentielle de maladies haute-
ment infectieuses, comme le cholé-
ra. » Pour les enfants, le risque de
diarrhées chroniques est aussi très
élevé. « Dans le monde, c’est le pre-
mier taux de mortalité pour les moins
de 5 ans », rappelle Jonathan Cric-
kx, le porte-parole d’Unicef pour la
Palestine. « L’accès au soutien hu-
manitaire est devenu une question de
vie ou de mort pour les enfants de
Gaza », affirme-t-il. La Croix-
Rouge alerte, elle aussi, sur « une
situation catastrophique, qui s’ag-
grave d’heure en heure ». Les hôpi-
« logistique
taux ne tiennent plus. Dans un
communiqué publié jeudi en fin
d’après-midi, le ministère de la
Santé du Hamas alerte sur le pro-
blème du sang : faute de matériel,
les médecins pourraient bientôt
être dans l’obligation de transfuser
du sang n’ayant pas fait l’objet de
tests viraux. Il a également publié
un appel aux dons à « tous les pro-
priétaires de stations essence » et à
« tous ceux qui ont un peu de diesel »
pour faire encore un peu fonction-
ner les machines à dialyse.
« Personne ne partira »
L’annonce de l’ouverture prochai-
ne du terminal de Rafah pose aux
organisations humanitaires « un
défi logistique énorme », explique
Frédéric Joli, porte-parole de la
Croix-Rouge. « Il faut mettre en
œuvre l’aide humanitaire d’urgen-
ce, la déployer dans tout ce territoi-
re malgré le mauvais état des rou-
tes, définir des points d’accès pour
les populations, faire rentrer du
personnel humanitaire qualifié pour
le secours en situation de conflit
armé. Beaucoup reste à faire, mais
nous avons accueilli avec un espoir
raisonnable l’annonce de cette
ouverture, que nous attendions de-
puis le début des hostilités. »
Ayant dû réduire son déplace-
ment à une visite mercredi à Tel-
Aviv, le président américain a seu-
lement pu imposer à Israël
l’ouverture du terminal de Rafah
pour les camions humanitaires, à
condition que rien ne soit récupéré
par le Hamas. Jeudi, l’Égyptien Ab-
del Fatah al-Sissi et le roi Abdallah
II se sont finalement rencontrés
au Caire. Ils ont réclamé l’arrêt
« immédiat » du conflit dans la
bande de Gaza, accusant Israël d’y
infliger une « punition collective »
visant à « affamer » les Palesti-
niens et les « forcer au déplace-
ment ». Ils ont également mis en
garde contre « une catastrophe ré-
gionale » en cas de « propagation »
du conflit, tout en appelant « à
l’arrêt immédiat » des hostilités.
Mercredi, le président al-Sissi
s’est aussi prononcé contre l’idée
d’un déplacement des Palestiniens
de Gaza vers le Sinaï. « Cela ren-
drait impossible l’établissement d’un
État de Palestine », a-t-il affirmé,
en précisant que l’opinion publique
égyptienne était avec lui. Les Ga-
zaouis semblent aussi décidés à
rester chez eux, quoi qu’il arrive.
« Ici, les gens respectent Sissi pour
avoir dit cela. Personne ne partira,
affirme un habitant de Gaza réfugié
dans le Sud. Qu’est-ce que vous
voulez qu’on aille faire dans des
camps de l’armée égyptienne en
plein Sinaï ? Notre vie est ici, nous
mourrons ici. » La crainte d’une
nouvelle Naqba, la « catastrophe »
de 1948, quand des milliers de Pa-
lestiniens avaient dû fuir leurs
maisons, est plus vive que jamais. ■
C’est un défi
énorme.
Il faut mettre
en œuvre
l’aide
humanitaire
d’urgence,
la déployer
dans tout
ce territoire Après la frappe contre l’hôpital al-Ahli à Ga
pour la vérité au cœur du conflit entre Isra
malgré le
mauvais état
des routes,
une explosion mardi 17 octobre à re qui suit, le Hamas dénonce un
définir des NICOLAS BAROTTE £@NicolasBarotte 18 h 59 (heure locale). L’établisse- bombardement israélien, le minis-
points d’accès ment peut normalement accueillir tère de la Santé de Gaza annonce des
pour les SEULE certitude, la sinistre compta- 80 patients mais servait aussi d’abri centaines de morts. Les condamna-
bilité des morts a poursuivi sa course pour les civils gazaouis. Depuis le tions sont unanimes face à l’ampleur
populations, au Proche-Orient. Jeudi, la riposte début de la riposte, l’armée israé- du drame. « Les hôpitaux sont sous la
faire rentrer israélienne à l’attaque barbare per- lienne a sommé les habitants de protection du droit humanitaire inter-
du personnel pétrée par le Hamas, responsable de Gaza de se réfugier dans le sud de national », s’insurge le secrétaire
1 400 morts, avait causé la perte d’au l’enclave. Beaucoup choisissent ce- général de l’ONU Antonio Guterres.
humanitaire moins 3 785 Gazaouis et blessé au pendant de rejoindre des bâtiments « Rien ne peut justifier une frappe
qualifié pour moins 12 000 personnes, selon le mi- protégés. Les hôpitaux font partie contre un hôpital », dénonce le chef
le secours en nistère de la Santé de Gaza. 70 % des des « no fire area » selon le droit de de l’État Emmanuel Macron. Si les
morts à Gaza seraient des enfants, la guerre, sauf si l’ennemi s’en sert responsables sont prudents dans
situation de des femmes et des personnes âgées, délibérément pour ses propres po- leurs formulations, les réseaux so-
conflit armé
FRÉDÉRIC JOLI,
» a ajouté un porte-parole. Mais ces
chiffres sont à prendre avec précau-
sitions. Le Hamas est coutumier de
ce genre de pratique. Mais Tsahal
ciaux s’enflamment contre une ba-
vure imputée à Israël.
PORTE-PAROLE tion, faute de source réellement in- ne se laisse généralement pas im-
DE LA CROIX ROUGE dépendante. Si le rapport de force pressionner et n’hésite pas à frap- « Une campagne de haine
militaire est clairement en faveur per si elle le juge nécessaire. Mardi et de désinformation »
d’Israël par rapport au groupe terro- en fin de journée, entre 1 000 et Des organisations humanitaires ac-
riste, la guerre des récits et de 3 000 personnes avaient trouvé re- cusent Israël sans attendre, comme
l’émotion fait tanguer chaque jour fuge dans l’hôpital selon le témoi- MSF, qui parle d’un « bombardement
davantage le conflit sans se soucier gnage de médecins recueillis par israélien ». En obtenant l’indigna-
des faits. Plus de deux jours après la Reuters. tion et la colère du monde arabe, le
frappe qui a touché l’hôpital al-Ahli L’explosion a été filmée par la ca- Hamas a d’ores et déjà atteint l’un de
à Gaza, des questions demeurent en méra de télévision d’al-Jazeera. Elle ses objectifs stratégiques. Dans la
suspens mais une partie du intervient quelques secondes après soirée de mardi, à Paris, une source
brouillard se dissipe. le tir d’une salve de roquettes en di- militaire conseille la prudence dans
Fondé en 1882, situé au centre de rection d’Israël, initiée quelques l’attribution des faits. « Je ne l’ai pas
Gaza Ville dans le quartier de Zei- centaines de mètres plus loin. Un attribuée parce que nous n’avons pas
» Lire aussi toun et géré par l’Église anglicane, projectile explose en vol. Quelque d’informations propres », a expliqué
+ PAGE 18 l’hôpital al-Ahli a été touché par chose semble retomber. Dans l’heu- Emmanuel Macron jeudi. « Le jour
où les services français consolideront,
La bande de Gaza entre destructions avec les services partenaires, des in-
formations sûres, il y aura à ce mo-
et attente de l’aide humanitaire ment-là une attribution ou des élé-
Clôture Erez ments », a-t-il ajouté en se
Bet Lahiya montrant particulièrement prudent.
Zone tampon et
no man’s land de 300 m Le démenti de l’armée israélien-
Gaza Ville Bet Sderot ne n’a pas tardé mardi soir mais il
Point de passage fermé
Hanoun ne suffit visiblement pas à convain-
Zone dont l’armée israélienne Hôpital al-Ahli cre. Pour Tsahal, l’explosion serait
a demandé l’évacuation due à la chute d’une roquette tirée
Bâtiments détruits ou ayant Mer par le Djihad islamique palestinien.
subi d’importants dégâts Pour tenter de mettre un terme à
dans la bande de Gaza
Méditerranée
l’emballement, l’armée israélienne
Aide humanitaire jusqu’ici Netivot produit autant de preuves que pos-
bloquée côté égyptien Deir al-Balah sible : un enregistrement attribué à
et devant être acheminée deux combattants du Hamas s’in-
à partir de vendredi quiétant des dégâts causés par leur
tir, analyse d’images radar et satel-
Territoire israélien ISRAËL lite, cartographie des tirs avortés du
sous contrôle militaire Khan Younès
Hamas depuis le début de l’opéra-
Wad
tion Sabre de fer : au moins 500 ro-
i Gaza
Ofakim quettes auraient explosé dans l’en-
clave et non sur le territoire. « Le
Rafah Hamas essaie de mettre le feu au
Rafah
5 km Proche-Orient en alimentant une
É G YP T E campagne de haine et de désinfor-
Source : analyse satellitaire de
Kerem Shalom Corey Scher (CUNY Graduate Center) et mation pour limiter la liberté opéra-
Infographie Jamon Van Den Hoek (Oregon State University)
tionnelle d’Israël », assure Tsahal.

aza, la difficile bataille
aël et le Hamas
Une lutte d’influence mêlant
message politique, désinformation
et confusion est menée après le dra-
me. « Les réseaux pro-Hamas sont
très actifs », commente une source
militaire française. Le « massacre »
est la « continuation des crimes
(d’Israël) depuis la Nakba de notre
peuple en 1948 », a affirmé un por-
te-parole du groupe terroriste. Al-
Jazeera nourrit ses articles en rap-
pelant les précédentes frappes sur
des hôpitaux à Gaza. Rapidement
des faux alimentent la thèse d’une
frappe israélienne. Une fausse page
Facebook « Tsahal en arabe » re-
vendique à mots couverts le tir. Des
images sont sorties de leur contex-
te, notamment un tir de 2022. Un
message maladroit d’un proche du
premier ministre Benyamin Neta-
nyahou est exploité : « L’armée de
l’air israélienne a frappé une base
terroriste Hamas à l’intérieur d’un
hôpital à Gaza », s’est réjoui Hana-
nya Naftali sur X, avant de regretter
son empressement. « Je faisais ré-
férence à l’habitude du Hamas d’uti-
liser les hôpitaux comme caches
d’armes (…) Je m’excuse pour cette
erreur », a-t-il corrigé en suppri-
mant son tweet. La parole de l’ar-
mée israélienne est, de fait, toujours
sujette à caution au grand désespoir
de ses responsables. Mais lors de la
mort de la journaliste Shireen Abu
Akleh, Tsahal n’avait pas voulu re-
connaître sa responsabilité.
« Un signal d’alerte »
Alors que les sources se diversifient,
il apparaît que le bâtiment de l’hô-
pital n’a pas été détruit. L’explosion
a lieu sur le parking endommageant
les alentours. Les images montrent
aussi un cratère dont la dimension
ne correspond pas à la charge d’un
missile israélien, qui aurait produit
un plus large impact. Le bilan hu-
main doit lui aussi être revu. « Il n’y
a pas eu 200 voire 500 morts, mais
plutôt quelques dizaines, probable-
ment entre 10 et 50 », a affirmé à
l’AFP un responsable d’un service
de renseignement européen. Le bi-
lan serait ainsi plus conforme à la
configuration du lieu. « Israël n’a
probablement pas fait ça », a assuré
la source. Après son déplacement en
Israël, le président américain, Joe
Biden, a aussi confirmé la version de
Un convoi d’aide
humanitaire destiné
à la bande de Gaza
est stationné
au terminal de Rafah,
le 17 octobre, en Égypte.
OMAR AZIZ/AP
son allié. « Sur la base des informa-
tions que nous avons eues jusqu’à
maintenant, il semble que (la frappe,
NDLR) soit le résultat d’une roquette
hors de contrôle tirée par un groupe
terroriste à Gaza », a-t-il expliqué.
L’hypothèse a la faveur d’obser-
vateurs indépendants. « Cela ne res-
semble pas à une frappe aérienne », a
commenté le chercheur Justin
Bronk, du Rusi. « La vidéo montre
une roquette dont le propulseur a une
défaillance », explique l’expert mili-
taire Marc Chassillan. « Mais il fau-
drait pouvoir analyser les débris sur le
terrain pour dire avec certitude qui a
tiré », ajoute-t-il. Compte tenu de la
situation c’est évidemment impossi-
ble à une équipe extérieure d’accé-
der au site. D’autres pistes pour-
raient être explorées : l’interception
« événements
d’une roquette par le système de dé-
fense aérienne israélien qui aurait
généré un débris ou des tirs conco-
mitants israéliens et palestiniens.
Le mal est fait quoi qu’il en soit.
L’opinion publique arabe s’est enco-
re davantage raidie contre Israël.
L’Égypte et la Jordanie ont fait porter
la responsabilité des morts sur Israël.
Malgré les démentis, les discours dé-
nonçant un complot occidental se
sont multipliés. Le président iranien,
Ebrahim Raissi, a accusé une bombe
israélo-américaine d’être à l’origine
des morts de l’hôpital al-Ahli. Les
milices chiites pro-iraniennes en
Irak ont aussi dénoncé la responsa-
bilité des États-Unis et d’Israël dans
le bombardement.
« Les derniers événements ne sont
rien moins qu’un signal d’alerte pour
les responsables israéliens et l’armée
israélienne en ce qui concerne la natu-
re et le sens de la guerre cognitive »,
s’inquiète l’expert des sujets militai-
re Kobi Michael de l’institut INSS à
Tel-Aviv. « La tendance, au nom de
l’empathie avec les faibles, à accepter
tous les rapports palestiniens, en par-
ticulier ceux du Hamas, comme s’ils
étaient divinement prononcés, témoi-
gne de la perte d’une boussole morale,
de la lâcheté, de la superficialité intel-
lectuelle et, par-dessus tout, d’une
haine brûlante envers Israël et les Juifs
- l’antisémitisme dans toute sa splen-
deur », écrit-il. Quelle que soit la
réalité des faits, la frappe contre
l’hôpital al-Ahli a provoqué des
dommages de tous côtés. ■
La guerre gronde près du kibboutz Nir
Oz, meurtri par l’attaque du 7 octobre
CYRILLE LOUIS £@cyrille_louis
ENVOYÉ SPÉCIAL À NIR OZ
POSTÉS derrière des sacs de sable,
sur le toit d’un abri en béton, deux
soldats israéliens montent la gar-
de. L’un d’eux opère une mi-
trailleuse. L’autre scrute à travers
ses jumelles l’étendue de terre nue
qui les sépare de la bande de Gaza.
De temps à autre, une explosion
spectaculaire retentit. Un pana-
che d’épaisse fumée grise s’élève
presque instantanément à l’hori-
zon. À vol d’oiseau, moins de 2 ki-
lomètres séparent le kibboutz Nir
Oz du territoire assiégé. Plus au
nord, une tache blanche se déta-
che sur le ciel bleu. C’est l’une des
montgolfières qu’utilise l’armée
israélienne pour surveiller l’enne-
mi. Un drone fait, lui, entendre
son bourdonnement entêtant. Ce
jeudi après-midi, en l’absence de
sirènes annonçant le tir de ro-
quettes, la guerre semble à la fois
lointaine et terriblement proche.
Le samedi 7 octobre, cette loca-
lité de 400 habitants située face au
village palestinien de Khouzaa a
été prise d’assaut par deux cents
hommes du Hamas armés de ka-
lachnikov, de lance-roquettes et
de grenades. « Peu avant 7 heures,
nous avons d’abord été réveillés par
la sirène code rouge qui annonce
des tirs de roquette en provenance
de Gaza, raconte Shachar Butler,
chef de la sécurité du kibboutz,
dont la maison se situe juste à côté
de la barrière qui protège le site.
Comme d’habitude quand cela se
produit, on s’est dirigé vers l’abri
antibombardement sans trop s’in-
quiéter. Mais au bout de quelques
minutes, nous avons entendu des
cris puis avons été informés par
radio que des terroristes s’étaient
infiltrés dans le kibboutz. À travers
la fenêtre, j’ai réalisé que trente à
quarante militants du Hamas
avaient pris position autour de ma
maison. »
“plusNirbeaux
Oz était l’un des
kibboutz
d’Israël. Il y avait des
enfants, des animaux
et nous étions tous
comme une grande
famille. Jusqu’à ce que
ces monstres décident
de venir nous
”
assassiner
RON BAHAT, HABITANT DE NIR OZ
Douze jours après le massacre,
Les derniers
Nir Oz n’est plus qu’un village
fantôme. Dès que l’armée a repris
le contrôle des lieux, le 7 octobre
en fin de journée, les survivants
ne sont rien ont été évacués à Sde Boker, le
moins qu’un kibboutz de David Gourion, dans
signal d’alerte le désert de Néguev. Depuis lors,
seuls quelques résidents revien-
pour les nent durant la journée pour éva-
responsables luer l’étendue des dégâts et té-
israéliens
et l’armée
israélienne
en ce qui
concerne
la nature
et le sens
de la guerre
cognitive
KOBI MICHAEL
»
DE L’INSTITUT INSS
À TEL AVIV
Ron Bahat, un habitant rescapé de Nir Oz, passe à côté d’un bâtiment du kibboutz détruit par le Hamas
lors de l’attaque terroriste du 7 octobre contre les colonies israéliennes. AMNON GUTMAN POUR LE FIGARO
INTERNATIONAL
moigner de leur calvaire. « Nous
voulons que le monde sache ce que
nous avons subi, et qui sont les
gens qu’on affronte », dit dans un
sourire triste Ron Bahat, qui a
guidé jeudi la presse internatio-
nale à travers les décombres de
son village. « Nir Oz, vante ce
père de famille de 57 ans, était
l’un des plus beaux kibboutz
d’Israël. Il y avait des enfants, des
animaux et nous étions tous com-
me une grande famille. Jusqu’à ce
que ces monstres décident de venir
nous assassiner. »
Selon un bilan encore provisoi-
re, environ un quart des habitants
du kibboutz ont été tués, kidnap-
pés ou sont portés disparus. « Le
décompte évolue de jour en jour, à
mesure que les corps sont identi-
fiés », se désole Ron Bahat. La plu-
part des maisons ont été détruites
par le feu, soufflées par des explo-
sions ou dévastées par des as-
saillants visiblement assoiffés de
violence et de pillages. À l’entrée
du village, il désigne d’un geste las
un pavillon dont la majeure partie
est entièrement calcinée. L’odeur
de brûlé se mêle à celle de la mort.
« C’est ici qu’habitait Carmela
Dan, soupire-t-il, une femme fran-
co-israélienne de 80 ans se trouvait
avec Noya, sa petite-fille autiste
âgée de 12 ans. » Lorsque l’armée a
repris le contrôle du kibboutz, sa-
medi soir, les habitants ont décou-
vert d’effrayantes traces de sang
dans l’abri de leur maison. « Mais
en l’absence de corps, confie Ron,
nous espérions qu’elles avaient pu
survivre. » Mardi soir, ses proches
se sont symboliquement rassem-
blées pour célébrer son quatre-
vingtième anniversaire en priant
pour la revoir vivante. Mais le len-
demain, ils ont appris que leurs
deux corps avaient été identifiés.
Les assaillants, arrivés en pick-
up et à moto, ont attaqué le kib-
boutz par trois entrées différentes.
« Nous avons résisté comme on a
pu », raconte Shachar Butler, le
responsable de la sécurité, qui,
blessé peu après 8 heures par une
balle à la jambe gauche, n’a dû sa
survie qu’à la lucidité de sa fem-
me. « Elle m’a aussitôt traîné dans
l’abri de notre maison, où nous
sommes restés tapis pendant dix
heures avec mes trois enfants, de 7,
9, et 2 ans et demi. » Parmi les neuf
gardes opérant sous ses ordres,
cinq ont été tués dans les combats.
« Les terroristes ont mis le feu à des
maisons pour contraindre les habi-
tants à sortir de leur abri, ajoute
Shachar Butler. Ils ont brûlé des
gens vivants et n’ont pas hésité un
instant à tuer des enfants. »
Dans ce paysage de désolation,
mille indices racontent ce qu’était
jusqu’alors la vie à Nir Oz. Des
maisons avec pergola s’alignent le
long d’allées bordées d’oliviers
aux branches desquelles pendent
des photophores, et qu’embaume
la senteur du romarin. À l’inté-
rieur d’une maison saccagée, sur
une table en bois blanc, un verre
avec un fond de vin rouge et un
LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023
11
gobelet en plastique rempli de
café. Dans une autre, un coffre
rempli de ballons. Dans une troi-
sième, un déambulateur.
Consterné, Ron Bahat s’arrête
un instant devant chaque maison.
« La femme qui habitait ici, Yafa
Adal, a disparu. Là, c’étaient Haïm
et Osna. Lui a été kidnappé par les
terroristes, elle a pu se cacher. »
Un peu plus loin, une façade est
criblée d’impacts de balles. « Ici,
c’est la maison de Kouper et Nou-
rit ». Il y a aussi Judy et Gaby
Wainstein, portés disparus depuis
le matin du 7 octobre : « Tout ce
qu’on sait, c’est qu’ils sont sortis
peu après 6 heures, comme chaque
matin, pour faire leur footing. Peu
après, Judy a appelé le responsable
de la sécurité pour lui dire que Gaby
avait été blessé. Depuis, nous som-
mes sans nouvelles. »
“ontLesmisterroristes
le feu
à des maisons
pour contraindre
les habitants à sortir
de leur abri. Ils ont
brûlé des gens vivants
et n’ont pas hésité
un instant à tuer
”
des enfants
SHACHAR BUTLER, CHEF DE LA SÉCURITÉ
DU KIBBOUTZ NIR OZ
« J’avais l’habitude de dire que la
vie à Nir Oz ressemble à 99 % au
paradis, sourit Shachar Butler, et
aussi un peu à l’enfer lorsque les
terroristes de Gaza se mettaient à
tirer des roquettes. » Dans l’abri
d’une maison transformée en ca-
pharnaüm, le carrelage est cou-
vert d’une épaisse couche de sang
dans laquelle sont imprimées des
empreintes de pas. Dans le couloir
d’une autre, le dessin d’une main
écarlate s’affiche sur le mur blanc.
Partout, les meurtriers ont arra-
ché les tiroirs, pillé ce qui pouvait
l’être.
En lisière du kibboutz, les as-
saillants ont brûlé des dizaines de
voitures. La porte qu’ils ont for-
cée - réparée à la hâte au moyen
de rouleaux de fils barbelés -
n’offre qu’une protection relati-
ve. À une centaine de mètres sur
la plaine poussiéreuse, un pick-
up a été abandonné par les com-
battants du Hamas.
« Ces derniers jours, nous avons
passé au peigne fin tout le territoire
qui sépare Nir Oz de la bande de
Gaza », raconte un jeune soldat,
qui assure avoir découvert de
nombreux cadavres, mais aussi
des jouets, des meubles et des
vêtements que les assaillants ont
tenté d’emporter avec eux.
« Nous reviendrons un jour, espère
Ron Bahat, mais avant cela il y a
beaucoup de travail à faire pour
nous garantir qu’une telle horreur
n’arrivera plus jamais. » Au loin,
retentit le tir d’un char. ■
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO
12 INTERNATIONAL
L’UE face à une menace terroriste accrue
Les ministres de l’Intérieur se sont penchés, jeudi, sur l’importation du conflit israélo-palestinien en Europe.
ANNE ROVAN £@AnneRovan
CORRESPONDANTE À BRUXELLES
EUROPE Un professeur assassiné dans
un lycée d’Arras, deux touristes sué-
dois abattus à Bruxelles, des aéroports
évacués en catastrophe en France, des
frontières intérieures qui se ferment…
L’Europe fait face à un risque terroriste
bien plus important, depuis l’attaque
du Hamas contre Israël le 7 octobre
dernier.
Jeudi, à Luxembourg, les ministres de
l’Intérieur de l’UE ont longuement discuté
de l’importation du conflit israélo-
palestinien et de leurs corollaires, qu’il
s’agisse d’antisémitisme ou d’islamopho-
bie. Aucune décision ne devait être prise
au cours de cette réunion informelle.
L’objectif était, selon une source euro-
péenne, « d’avoir un échange sur ce que les
uns et les autres observent dans leurs pays
respectifs, sur les ramifications des ré-
seaux, les mesures à mettre en place ou en-
core les éventuelles coopérations à renforcer
entre les services de police et de renseigne-
ments intérieurs et l’agence Europol ».
“lesIlindividus
est important que
susceptibles
de constituer une menace
pour la sécurité
de nos citoyens soient
renvoyés de force
”
et immédiatement
YLVA JOHANSSO, COMMISSAIRE EUROPÉENNE
AUX MIGRATIONS
Un point particulier a notamment été
fait sur l’importance des réseaux sociaux
dans la diffusion de la désinformation et
des messages de haine. L’UE dispose dé-
sormais d’outils bien plus coercitifs que
lorsque la France et la Belgique avaient
été frappées en 2015 et en 2016. Il y a
d’abord ce règlement de l’UE adopté en
2021 et mis en œuvre depuis juin 2022 qui
oblige les plateformes à supprimer en une
heure les contenus terroristes, sur in-
jonction des autorités compétentes des
États membres. « Nous devons regarder
pour voir si c’est bien appliqué », indique
un diplomate de l’UE. Il y a aussi le Digital
Service Act (DSA), cette loi récente por-
tée par le commissaire français Thierry
Breton et qui vise à la modération des
contenus diffusés sur internet. Depuis
l’attaque du Hamas sur Israël et la polari-
sation qui a gagné nombre de pays de
l’UE, Bruxelles a su montrer les dents.
Après X - anciennement Twitter - la se-
maine dernière, la Commission a envoyé,
jeudi, des demandes formelles d’infor-
RTCURIAL
LES RENDEZ-VOUS
DU MARDI
Expertises gratuites et conidentielles
tous les mardis à Paris
1
Ventes à Monaco
en préparation
A
De gauche à droite : la ministre norvégienne de la Justice, Emilie Enger Mehl, le ministre autrichien de l’Intérieur, Gerhard Karner, et le secrétaire d’État néerlandais à la Justice
et à la Sécurité, Eric van der Burg, jeudi, à Luxembourg. JULIEN WARNAND/EPA/MAXPPP
mation à Meta - Facebook et Instagram -
ainsi qu’à TikTok. C’est une première
étape avant l’ouverture éventuelle d’une
enquête. À la clé, une amende qui, dans
l’absolu, peut représenter jusqu’à 6 % du
chiffre d’affaires. « Nous ne laisserons pas
la terreur et la désinformation nous diviser
ou saper notre démocratie », a mis en gar-
de mercredi Thierry Breton au Parlement
de Strasbourg.
Lors de la réunion de Luxembourg, il a
surtout été question de la migration. Le
sujet - notamment les accords que l’UE
veut nouer avec les pays tiers tels que
l’Égypte - avait été inscrit de longue date
à l’ordre du jour, bien avant l’attaque du
Hamas contre Israël. Au grand dam de
certains États membres qui, dans le
contexte actuel, jugeaient qu’il fallait
coûte que coûte éviter d’ouvrir un autre
front, en liant migration et terrorisme.
« Plusieurs États membres ne sont pas à
l’aise avec cela. Ce n’est peut-être pas la
peine d’exciter les choses encore plus alors
que pour le moment l’Égypte tient la fron-
+33 (0)1 42 99 20 52
expertise@artcurial.com
tière avec Gaza. Il faut attendre qu’il y ait
quelque chose de tangible », confiait mer-
credi soir un diplomate européen.
C’est tout le contraire qui s’est produit
jeudi, à Luxembourg. À leurs arrivées,
plusieurs ministres ont appelé à des poli-
tiques migratoires plus strictes consistant
à mieux filtrer les entrées dans l’UE et à
pouvoir renvoyer plus rapidement les
demandeurs d’asile qui présentent un
risque pour la sécurité. Le Français
Gérald Darmanin a mis les pieds dans le
plat, dénonçant « un peu de naïveté dans
les institutions de certains pays ou de
l’Union européenne » face à ce qu’il appel-
le le « djihadisme d’atmosphère ».
Ces déclarations ont été faites alors que
le parcours du terroriste tunisien qui a tué
lundi deux supporteurs suédois à Bruxel-
Israël-Hamas : l’Inde, « gourou du monde »,
brille par sa prudence
EMMANUEL DERVILLE £@e_derville
NEW DELHI
SEPTEMBRE 2023. L’Inde s’apprête à
accueillir le sommet des chefs d’État
et de gouvernement du G20 à New
Delhi. Le groupement des vingt
économies les plus riches est sous pré-
sidence indienne, et le premier minis-
tre, Narendra Modi, se pose en « gou-
rou du monde », selon la formule chère
à la droite nationaliste hindoue au
pouvoir. Il plaide pour que les conflits
armés soient « résolus par le dialogue
et la diplomatie ». « Nous soutiendrons
tout effort pour maintenir la paix dans
le monde. » Le slogan de l’Inde pour le
G20 vante un idéal d’harmonie : « Une
Terre, une famille, un futur. »
Mais New Delhi brille par sa pru-
dence depuis l’opération du Hamas
contre Israël, le 7 octobre dernier.
Dans un tweet quelques heures après
les attaques terroristes, Narendra
Modi se dit « choqué. Nous exprimons
notre solidarité avec Israël en cet ins-
tant difficile. » Trois jours plus tard, le
leader nationaliste hindou s’entre-
tient par téléphone avec Benyamin
Netanyahou et condamne « le terro-
risme sous toutes ses formes ». Puis, ce
jeudi 19, il a appelé Mahmoud Abbas
en promettant de l’aide humanitaire.
Bien placé pour dialoguer avec les
deux parties, New Delhi n’a pas tenté
de médiation à ce stade, pour tenter
d’enrayer l’escalade militaire, notam-
ment avec l’Iran. Le porte-parole du
ministère indien des Affaires étrangè-
res, Arindam Bagchi, dit « n’avoir
connaissance d’aucun plan » pour que
l’Inde entame une médiation.
les commençait à filtrer. L’homme, qui
était entré dans l’espace Schengen en
2011 par l’île de Lampedusa, avait succes-
sivement déposé des demandes d’asile en
Norvège, en Suède, en Italie, puis en Bel-
gique en 2019. Il avait vu ses demandes
rejetées à chaque fois. Malgré tout, il avait
continué de séjourner à Bruxelles, alors
même qu’il « était connu de la police pour
trafic d’êtres humains, séjour illégal et at-
teinte à la sûreté de l’État » selon le minis-
tre belge de la Justice. « Il est important
que les individus susceptibles de constituer
une menace pour la sécurité de nos citoyens
soient renvoyés de force et immédiate-
ment », a déclaré la commissaire euro-
péenne aux Migrations, Ylva Johansson.
La guerre entre le Hamas et Israël, la
polarisation croissante observée dans
New Delhi entretient pourtant une
ligne équilibrée sur le dossier israé-
lo-palestinien. Le ministère des Af-
faires étrangères a répété sa position
traditionnelle le 12 octobre. L’Inde a
« toujours appelé à la reprise de négo-
ciations directes en vue d’établir un
État palestinien souverain, indépen-
dant et viable qui jouirait de frontières
reconnues, sûres, et serait en paix
avec Israël. (…) Il existe une obliga-
tion universelle de respecter le droit
humanitaire international. »
A. ABIDI/REUTERS
“
Nous
soutiendrons
tout effort pour
maintenir la paix
”
dans le monde
LE PREMIER MINISTRE INDIEN NARENDRA MODI,
LORS DU G20 À NEW DELHI, EN SEPTEMBRE
New Delhi ne considérait pas le
Hamas comme une organisation
terroriste. Ces dernières années,
« l’Inde a refusé de soutenir des réso-
lutions poussées par les États-Unis à
l’ONU pour qualifier le Hamas comme
tel », rappelle Nicolas Blarel, profes-
seur de relations internationales à
l’université de Leiden et auteur de
The Evolution of India’s Israel Policy,
paru en 2015 (non traduit).
Dans le même temps, New Delhi
s’est rapproché d’Israël depuis l’éta-
blissement des relations diplomati-
ques en 1992. Narendra Modi a été le
premier chef de gouvernement indien
à se rendre dans le pays en 2017. Les
deux États ont un partenariat straté-
gique. L’Inde reçoit 37 % des armes
nombre d’États membres et le risque
terroriste, conjugués aux importantes
arrivées irrégulières dans l’UE, font
monter la pression autour du pacte mi-
gration et asile, cet ensemble de textes
présentés en septembre 2020 et toujours
en discussion. Certains États membres
ont d’ores et déjà choisi de ne pas atten-
dre davantage. Comme l’Autriche, l’Ita-
lie a décidé mercredi de réintroduire des
contrôles à la frontière avec la Slovénie.
« L’immigration de masse représente un
risque pour la sécurité de l’Europe », a
justifié Giorgia Meloni. Les services de
renseignements italiens ont alerté ces
derniers jours le gouvernement d’un
« risque de possibles infiltrations terroris-
tes au sein des flux migratoires » par
voies maritimes ou terrestres. ■
exportées par Israël. Le commerce bi-
latéral a été multiplié par deux en
cinq ans, pour atteindre 10,7 milliards
de dollars l’année dernière.
La proximité entre Jérusalem et
New Delhi a franchi une étape au
sommet du G20 le mois dernier avec
l’annonce d’un corridor économique
Inde-Moyen-Orient-Europe qui doit
passer par l’Arabie saoudite et Israël.
« L’Inde a soutenu les accords d’Abra-
ham. Elle était pour un rapprochement
entre Israël et les Saoudiens », expli-
que Nicolas Blarel, qui ajoute : « La
déclaration indienne du 12 octobre sur
un État palestinien est un rappel de sa
posture historique et une rhétorique liée
au Sud global. Mais ce n’est pas une
conviction forte. Le gouvernement Modi
est beaucoup plus en alignement avec
Israël qu’avec la cause palestinienne. »
Cette posture illustre la diplomatie
de New Delhi. Les déclarations pré-
sentant l’Inde comme soucieuse de
l’harmonie du monde sont au cœur
du «soft power» indien. En réalité,
New Delhi sert avant tout ses inté-
rêts nationaux.
Le pouvoir indien s’est toujours
soigneusement gardé d’établir des
liens avec le Hamas pour préserver
le partenariat avec Israël, mais aussi
sa relation avec les pays du Golfe qui
lui fournissent du pétrole comme
l’Arabie saoudite et les Émirats ara-
bes unis. « Hormis une rencontre dis-
crète dans les années 2000, le gouver-
nement indien n’a jamais eu de
relation avec le Hamas. Il est illusoire
d’imaginer l’Inde en médiateur pour la
libération des otages retenus dans la
bande de Gaza, par exemple »,
conclut Nicolas Blarel. ■
 LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023

INTERNATIONAL 13
La chercheuse En janvier 2023, à Paris,
franco-iranienne des manifestants demandent
la libération de Cécile Kohler,
est rentrée en Fariba Adelkhah ainsi que
d’autres chercheurs
France. Elle avait détenus en Iran.

été arrêtée en
2019. Les familles
des autres otages
reprennent espoir.
GEORGES MALBRUNOT
£@Malbrunot

MOYEN-ORIENT Le calvaire s’est

enfin achevé pour Fariba Adel-
khah. Quatre ans et demi de dé-
tention ou de restrictions de mou-
vements. La chercheuse franco-
iranienne est rentrée en France,
mardi. « Désormais, tout cela est
derrière moi », a réagi Fariba
Adelkhah, peu après son retour
dans l’Hexagone.
Spécialiste du chiisme et de l’Iran
post-révolutionnaire à Sciences Po,

ABD RABBO AMMAR/ABACA

Fariba Adelkhah avait été arrêtée en
2019, puis condamnée l’année sui-
vante à cinq ans de prison pour at-
teinte à la sécurité nationale, une
accusation que ses proches ont tou-
jours farouchement rejetée.
Son arrestation avait surpris
nombre de spécialistes de l’Iran.
Cette chercheuse reconnue avait

Mme Adelkhah libérée d’Iran, mais

toujours su garder une approche
fine de la situation en République
islamique d’Iran, sans verser dans
l’opposition frontale au régime de

quatre Français restent otages

Téhéran. Celui-ci la connaissait
bien, mais, comme tous les binatio-
naux, il la considérait comme une
Iranienne, avant d’être franco-ira-
nienne.
Après quatre ans dans les geôles,
Fariba Adelkhah avait été libérée en
février, mais n’avait pas été autori-
sée à quitter l’Iran depuis. Dans son
communiqué, la chercheuse a re-
mercié « du fond du cœur la diplo-
matie française » et tous ceux qui
ont contribué à sa libération. Dési-
« espérons
reuse de tourner la page, elle veut
privilégier « tous ces gestes d’amitié
et d’engagement, ces mobilisations
de connus et d’inconnus ».
La France « se réjouit » de son re-
tour, a réagi le ministère des Affai-
res étrangères, qui a évoqué « un
grand soulagement pour sa famille et
tous ses proches ». Le Quai d’Orsay a
aussi réitéré sa « profonde préoccu-
pation » concernant les quatre
autres Français, toujours détenus en
Iran, dont il a, une nouvelle fois, ré-
clamé la « libération immédiate ».
Celle-ci semble particulièrement
complexe. Elle concerne l’ensei-
gnante Cécile Kohler et le retraité
Jacques Paris, arrêtés le 7 mai 2022
« lors d’un séjour touristique », se-
lon leurs proches, Louis Arnaud,
Nous
que
un voyageur de 36 ans, ainsi qu’un
autre Français, dont l’identité n’a
jamais été rendue publique.
la libération
Paris accusé d’activités
de Fariba d’espionnage en Iran
Adelkhah La dégradation des relations fran-
est le signe co-iraniennes n’incite guère à
l’optimisme. Paris accuse l’Iran de
avant-coureur détenir des « otages d’État » et dé-
de la libération nonce sa marche vers le nucléaire.
de tous De son côté, Téhéran a reproché à
les otages
NOÉMIE KOHLER,
» Emmanuel Macron d’avoir utilisé
l’an dernier le mot « révolutionnai-
re » quand il reçut quatre Iranien-
LA SŒUR DE nes, en soutien à la lutte des fem-
L’ENSEIGNANTE
CÉCILE KOHLER,
mes pour davantage de liberté. En
TOUJOURS DÉTENUE outre, le pouvoir iranien accuse
Paris d’avoir intensifié ses activités
d’espionnage sur son territoire.
En mai, la libération de Benja-
min Brière et du Franco-Irlandais
Bernard Phelan avait pourtant ra-
vivé l’espoir d’autres libérations.
Dans un entretien accordé au Fi-
garo au lendemain de leur retour
en France, le chef de la diplomatie
iranienne, Hossein Amir-Abdolla-
hian, se félicitait que « les autorités
françaises (aient) déjà fait des pas
positifs ». L’Iran et la France
« poursuivent leurs contacts pour
nous débarrasser des malentendus
entre nos deux pays », ajoutait-il.
Peu après, l’ambassade de France à
Téhéran se montrait relativement
optimiste sur de nouvelles libéra-
tions. Mais celles-ci tardent, alors
que d’autres pays sont parvenus à
récupérer leurs « otages ».
Fin mai, la Belgique a arraché
la libération de l’humanitaire Oli-
vier Vandecasteele, relâché après
15 mois de détention en Iran, en
échange d’un diplomate iranien,
Assadollah Assadi, condamné en
2021 en Belgique à 20 ans de prison
pour « tentative d’assassinats ter-
roristes ».
Le 18 septembre, malgré une di-
plomatie tout aussi conflictuelle
vis-à-vis de Téhéran, les États-
Unis ont réussi à extirper d’Iran
cinq binationaux détenus depuis
de longues années dans le cadre
d’un échange avec la République
islamique - cinq ressortissants ont
notamment été libérés de prison
aux États-Unis. Un échange de
prisonniers rendu possible grâce à
la médiation du Qatar, qui a servi
de réceptacle aux 6 milliards de
dollars d’argent iranien bloqués
depuis des années, sur ordre de
Washington, dans des banques
coréennes.
Alors que l’Iran détient au total
plus d’une dizaine de ressortissants
occidentaux, ces libérations suc-
cessives montrent que chaque pays
négocie sans réelle coordination
avec les autres. Les discussions sont
également déconnectées du dos-
sier nucléaire. L’Iran, sous sanc-
tions internationales, et les grandes
puissances essaient de ressusciter
un accord international conclu en
2015, dont les États-Unis se sont
retirés en 2018, mais Téhéran
est régulièrement accusé de cher-
cher à se doter de l’arme atomi-
que.
La libération de Fariba Adelkhah
« est une petite victoire pour la liber-
té. Nous espérons que c’est le signe
avant-coureur de la libération de
tous les otages », a commenté la
sœur de Cécile Kohler, Noémie
Kohler. ■

Au Japon, la presse ne veut pas d’affaire #MeToo
Le pédophile Johnny Kitagawa est mort sans que les médias nippons exposent ses turpitudes pourtant notoires.
RÉGIS ARNAUD £@regisarnaud
TOKYO
ASIE Smile-Up, « souris » : c’est
le nouveau nom, révélé mardi, de
la toute-puissante maison de pro-
duction japonaise Johnny & Asso-
ciates, après que cette dernière a
admis que son fondateur, Johnny
Kitagawa, avait violé des centaines
de candidats à la gloire, pendant
des dizaines d’années, jusqu’à sa
mort en 2019. Un changement cos-
métique accompli dans un contex-
te de « conspiration du silence » des
grands médias locaux.
Le traitement de l’affaire
« Johnny » par les grands médias
nippons pourrait en effet repren-
dre le titre du film de Stanley Ku-
brick Les Yeux grands fermés. Les
turpitudes sexuelles du produc-
teur Johnny Kitagawa, coupable
de viols de centaines de jeunes
garçons de 8 à 15 ans, étaient de
notoriété publique depuis au
moins un quart de siècle. Elles
avaient fait l’objet de cinq livres,
d’une session parlementaire à la
Diète, et d’une série d’articles re-
tentissants en 1999 dans l’hebdo-
madaire d’investigation Shukan
dix points, gagna sur neuf, dont
ceux liés à la pédophilie. Mais
les grands médias se gardèrent
d’en parler, confortant l’énorme
influence de la maison de pro-
duction.
Megumi Inman, réalisatrice
nippo-britannique de Predator, un
documentaire-choc de la BBC
sur l’affaire, observe : « Les mé-
dias, l’industrie du divertissement,
les chaînes de télévision, la société
de production et la police ignorèrent
la décision de justice rendue du vi-
vant de Johnny, qui confirmait qu’il
abusait de jeunes garçons. Sa socié-
té de production le laissa reprendre
son poste et répéter les crimes que
le tribunal lui avait reprochés »,
remarque-t-elle.
Il aura fallu la diffusion interna-
tionale en mars par la BBC de Pre-
dator, les admonestations du co-
mité Travail et droits de l’homme
des Nations unies, enfin le réveil
des réseaux sociaux, pour que le
scandale éclate. Même la mort de
Johnny Kitagawa n’avait pas délié
les langues. « Lorsque nous avons
mené notre enquête pour la BBC,
personne ne voulait toucher le sujet.
Pour que le Japon puisse aller de
l’avant, il doit se demander pour-
« Je ne pense pas que la réaction des
médias japonais soit suffisante, sur-
tout après que tant de survivants se
sont exprimés », déplore Shiori Ito,
une journaliste qui, en 2017, accusa
publiquement de viol un confrère
proche de l’ex-premier ministre
Shinzo Abe. Elle trouve espoir dans
le public : « Les gens ont changé. Ils
demandent aux grands médias :
“que n’avez-vous pas fait avant ?”
J’ai l’impression que, petit à petit,
les gens parlent de la violence
sexuelle. C’est un début. »
Relations de connivence
L’affaire « Johnny » met aussi au
jour la fracture qui sépare grands
médias, quotidiens et télévisions
des autres organes d’information,
indépendants ou étrangers. Les
premiers entretiennent souvent
avec les autorités des relations de
connivence. Elles passent par la
pratique des « kisha clubs », club
de journalistes souvent à demeure
chez ceux qu’ils couvrent, qui ser-
vent de canal, mais aussi de filtre à
l’information (au point de réguler
eux-mêmes l’accès des journalis-
tes non accrédités aux points de
presse). En échange de leur bien-
veillance, lesdits médias allèguent
ZOOM
Prix Sakharov
aux femmes d’Iran
Plus haute distinction de
l’Union européenne pour
les droits humains, le prix
fiabilité de leurs informations. Un Sakharov a été décerné
système à deux entrées, où, à côté jeudi par le Parlement
d’une presse « officielle », tra- européen à Mahsa Amini,
vaille une seconde presse, offi- jeune Kurde iranienne
cieuse, moins formelle, beaucoup décédée l’an dernier, et au
plus pugnace, mais qui ne perce
que très difficilement le vernis de
respectabilité des grands médias.
« deIl n’ycensure.
a pas mouvement Femme, Vie,
Liberté, réprimé dans le
sang par le pouvoir en Iran.
« Il n’y a pas de censure. Ceux qui Ceux « Le meurtre brutal
veulent des articles à scandales qui veulent de Jina Mahsa Amini,
peuvent acheter les hebdomadaires des articles le 16 septembre 2022,
idoines ; seulement, les grands mé- trois jours après son
dias ne reprennent ces sujets que à scandales interpellation par la police
lorsqu’ils sont devenus impossibles peuvent pour un voile mal ajusté,
à ignorer », explique un prépara- acheter les a marqué un tournant »,
teur de sujets pour une grande a déclaré Roberta Metsola,
émission de télévision. hebdomadaires la présidente du Parlement
Ces relations sont particulière- idoines ; européen. « Le mouvement
ment déséquilibrées dans les affai- seulement, les mené (ensuite) par des
res de justice. Les grands médias se femmes est entré dans
contentent généralement de re- grands médias l’histoire », a-t-elle ajouté.
prendre telles quelles, donc d’ava- ne reprennent Leur soulèvement
liser, les versions de la police, sans ces sujets a entraîné des mois
investigation indépendante, sans de manifestations contre le
interroger les suspects. Le dernier que lorsqu’ils pouvoir, dont la répression
exemple date de début juillet, sont devenus a provoqué des centaines
quand l’hebdomadaire Shukan impossibles de morts. Mardi, l’avocat
Bunshun révéla que l’épouse du
porte-parole du gouvernement
était suspecte dans une affaire de
à ignorer »
UN PRÉPARATEUR DE
de la famille de Mahsa
Amini, Saleh Nikbakht,
a été condamné à un an
meurtre. Celui-ci vaqua à ses af- SUJETS POUR UNE GRANDE de prison pour
ÉMISSION DE TÉLÉVISION
faires sans être interrogé sur le « propagande » contre
sujet par la grande presse jusqu’à l’État, après s’être
A

Bunshun. Ce dernier, attaqué en quoi une telle affaire s’est produi- qu’ils cultivent un accès privilégié son départ du gouvernement, entretenu avec des médias
diffamation par le producteur sur te », objurgue Megumi Inman. à leurs sources, leur garantissant la mi-septembre. ■ étrangers sur l’affaire.
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO
14 SCIENCES
En dormant,
notre cerveau
ouvre des
fenêtres sur
l’extérieur
Des chercheurs montrent que
les dormeurs sont loin d’être aussi
déconnectés du monde qu’on
le pensait.
SOLINE ROY sroy@lefigaro.fr
NEUROSCIENCES Pizza, ou « diz-
ta » ? Ce n’est pas le menu du der-
nier restaurant à la mode, mais le
choix auquel 49 dormeurs ont été
soumis au sein du service des pa-
thologies du sommeil de la Pitié-
Salpêtrière, à Paris. Ils devaient,
durant leur sommeil, distinguer
des mots réels et des « pseudo-
mots » (des mots qui n’existent
pas, mais dont la structure les rend
« plausibles ») glissés à leur oreille,
et faire part aux chercheurs du ré-
sultat de leurs cogitations, en sou-
riant ou en fronçant les sourcils
trois fois de suite selon qu’ils vali-
daient ou non le vocabulaire. Et le
résultat a surpris l’équipe de re-
cherche : la plupart des dormeurs
se sont avérés capables de réaliser
cette tâche, montrant une activité
cognitive élaborée, et ce dans pres-
que tous les stades du sommeil.
« Ces travaux font suite à un arti-
cle publié en 2021, dans lequel nous
montrions qu’on pouvait communi-
quer avec des rêveurs lucides (une
rare capacité à être conscient de
rêver, voire d’influencer le scéna-
rio onirique, NDLR) », explique
Delphine Oudiette, chercheuse en
Autour de Fukushima, une décontamination limitée
La majorité du césium radioactif émis lors de l’accident reste stockée dans les sols des forêts, qui n’ont pas pu être nettoyées.
MARC CHERKI mcherki@lefigaro.fr
RADIOACTIVITÉ Ces derniers
mois, le monde entier s’est inter-
rogé sur le risque lié au rejet dans
l’océan des milliers de tonnes
d’eau contaminée lors de l’acci-
dent de la centrale nucléaire de
Fukushima Daiichi au Japon, en
mars 2011. Commencées fin août,
ces opérations devraient durer une
trentaine d’années. Mais la catas-
trophe a une autre conséquence
plus préoccupante : le césium ra-
dioactif. Ce radioélément est nocif
pour la santé humaine à de plus
faibles concentrations que le tri-
tium contenu dans les eaux reje-
tées : au Japon, les limites admises
pour les produits destinés à la
consommation humaine sont de
500 becquerels par kilogramme
(Bq/kg) pour le césium, contre
10 000 Bq/l pour le tritium (1 bec-
querel correspond à une désinté-
gration radioactive par seconde).
Que va devenir le césium retombé
au sol dans la préfecture de
Fukushima après l’accident ? Et en
particulier le césium 137, dont la
radioactivité est divisée par deux
tous les trente ans ?
Une étude publiée le 16 octobre
dans les Pnas (Comptes rendus de
l’Académie américaine des scien-
ces) établit que le travail de décon-
tamination des sols pollués lors de
l’accident, qui a consisté à enlever
quelques centimètres de terre à la
A
surface des rizières et autour des
maisons, a eu une efficacité modé-
neurosciences cognitives (Institut
du cerveau-Inserm). « L’idée est
d’accéder à la “boîte noire” qu’est
le rêve », les rêveurs lucides jouant
le rôle d’« “agents infiltrés” pou-
vant nous raconter en direct ce qui
se passe pendant qu’ils rêvent. »
« De petites fenêtres
temporelles »
Leur hypothèse était alors que seuls
les rêveurs lucides en sont capa-
bles, et ce seulement pendant le
sommeil paradoxal, celui durant
lesquels surviennent les rêves luci-
des. Les chercheurs ont alors voulu
confirmer leur résultat, en sou-
mettant à cette tâche lexicale
27 patients souffrant de narcolep-
sie, qui sont naturellement de
grands rêveurs lucides. « À notre
grande surprise, nous avons consta-
té, non seulement qu’ils étaient ca-
pables de répondre dans tous les
stades de sommeil, et que même les
narcoleptiques non rêveurs lucides
en étaient capables ! », indique
Delphine Oudiette, qui a dirigé,
avec Lionel Naccache et Isabelle
Arnulf, ces travaux publiés dans
Nature Neuroscience.
L’idée a alors germé de réaliser la
même expérience, mais avec des
dormeurs sains, non rêveurs luci-
rée. Localement, l’effet de ce tra-
vail titanesque a été bénéfique.
Mais ce n’est pas le cas à l’échelle
régionale, la plupart des sols
n’ayant pas été dépollués. « Il est
impossible d’enlever tout le césium
des sols, complète Olivier Evrard,
directeur de recherche au CEA et
coauteur de l’article. Environ 80 %
de la préfecture de Fukushima est
couverte de forêts », rendant le ter-
rain trop complexe pour mener ce
type d’opération.
Un coût de 12 milliards
d’euros
Les chercheurs ont mesuré la façon
dont le césium, qui s’accroche aux
particules fines, s’est déplacé des
bassins-versants vers les lacs et ri-
vières. « Selon le modèle de ruissel-
lement et d’érosion des sols utilisé
sur une zone de 44 km2, il y a eu une
décontamination qui a porté sur en-
viron 16 % du territoire étudié. Et on
retrouve une diminution des flux de
césium dans les sédiments du bas-
sin-versant de 17 % entre 2014 et
2019 », explique Rosalie Vandrom-
me, chercheuse au BRGM, spécia-
liste de l’érosion des sols et pre-
mier auteur de l’article.
Le coût de cette dépollution de
1 117 km2 de sols, achevée en 2017, a
été évalué à quelque 12 milliards
d’euros. Mais au total, la facture
des opérations dites de « récupéra-
tion nucléaire » (dont la déconta-
mination) est évaluée à plus de
44 milliards d’euros. Le résultat
valait-il ces coûts faramineux ? La
dépollution de surface a été béné-
Un électroencépha- des : pourraient-ils eux aussi dis-
logramme mesure tinguer des mots et y répondre ?
l’activité du cerveau « La réponse est oui ! s’étonne Del-
pendant le sommeil. phine Oudiette. Ils nous ont répon-
KATERYNA KON/SCIENCE du, certes moins souvent que les pa-
PHOTO LIBRA / SCIENCE
tients narcoleptiques, mais
PHOTO LIBRARY VIA AFP
occasionnellement, dans tous les
stades sauf le sommeil lent pro-
fond. » Il semblerait donc que chez
la plupart d’entre nous, « de petites
fenêtres temporelles s’ouvrent dans
la plupart des stades de sommeil »,
fenêtres durant lesquelles nous
restons capables de réaliser des tâ-
ches cognitives complexes et de
répondre aux stimuli extérieurs.
Voilà qui va à l’encontre des
théories largement admises sur la
façon dont se déroule le sommeil,
analysent les chercheurs. Éveil,
endormissement, sommeil lent lé-
ger, sommeil lent profond, som-
meil paradoxal… « Depuis les an-
nées 1950, on fait référence à ces
5 stades de façon très binaire, sans
subtilité, en considérant qu’il n’y a
aucune frontière nette entre les dif-
férents stades », explique Mélanie
Strauss, neurologue spécialisée en
médecine du sommeil et en élec-
trophysiologie à l’hôpital Erasme
(université libre de Bruxelles), qui
n’a pas participé aux travaux.
« Mais on se rend compte depuis
fique pour la reprise de la culture
du riz dans les zones décontami-
nées. « En revanche, la question se
pose pour certains légumes et les
plantes cueillis en montagne. Des
études sont conduites pour savoir si
une partie de la radioactivité de ces
végétaux pourrait être réduite »,
ajoute Olivier Evrard. Les cher-
cheurs s’interrogent sur la perti-
nence de cette décontamination,
d’autant plus que la population ac- Des travailleurs
tuelle dans les zones concernées nettoient les sols
radioactifs et
représente seulement 30 % de celle
transportent la terre
d’avant l’accident. « Il s’agit sur- vers une station
tout de personnes âgées qui sont re- de stockage
venues et de populations qui n’habi- intermédiaire.
taient pas dans cette région avant JONAS GRATZER /
l’accident. Les plus jeunes sont par- LIGHTROCKET VIA GETTY
tis. Ils ont reconstruit leur vie IMAGES
quelques années, grâce à des analy-
ses plus fines du signal élec-
troencéphalographique, qu’il existe
des états mixtes : toutes les régions
cérébrales ne dorment pas en même
temps de la même façon, des parties
du cerveau peuvent être éveillées
tandis que d’autres sont endormies.
Les choses fluctuent aussi très vite et
l’activité cérébrale peut changer en
quelques secondes. »
Une signature
électrophysiologique
« Cela nous interroge sur la capacité
de la classification classique des sta-
des de sommeil à capturer nos états
mentaux », analyse Delphine
Oudiette. D’autant que les cher-
cheurs ont repéré une signature
électrophysiologique très parti-
culière précédant les moments où
les dormeurs étaient capables de
répondre à la sollicitation vocale.
« L’EEG montre une accélération et
une plus grande complexité du signal
qui va vers l’éveil, mais sans être au
niveau de l’éveil, détaille la cher-
cheuse. Nous faisons l’hypothèse que
tout le monde dispose dans son som-
meil de ces fenêtres de connexion,
mais que certains en ont plus que
d’autres, et que certains stades de
sommeil y sont plus propices. »
ailleurs », ajoute Rosalie Van-
dromme. « Comme d’autres études
à propos de Tchernobyl et de
Fukushima, cette recherche rappelle
que la réduction du césium dans les
rivières était bien plus importante
dans les années juste après l’acci-
dent », commente Jim Smith, pro-
fesseur de sciences environne-
mentales et expert des retombées
nucléaires à l’université de Ports-
mouth (Grande-Bretagne). L’arti-
cle des Pnas précise en effet que la
baisse du césium dans les rivières a
été de 90 % entre 2011 et 2020.
« J’aurais fortement envisagé de
déclarer la majeure partie de cette
zone comme une “réserve naturelle”
et de permettre à la nature d’y re-
prendre ses droits comme cela s’est
L’objectif est désormais de tester
la prévalence de ces « fenêtres de
connexion » au cours d’une nuit
complète. Les dormeurs de cette
étude ont en effet été testés pen-
dant des siestes (5 siestes de 20 mi-
nutes chacune pour les patients
narcoleptiques, et 1 sieste de
100 minutes pour les volontaires
sains). « Nous aimerions aussi re-
garder ce qui se passe chez d’autres
patients atteints de pathologies du
sommeil. Par exemple, le somnam-
bulisme peut-il être une exacerba-
tion de ces fenêtres de connexion ? »
La chercheuse imagine aussi, tout
en précisant que cela est bien loin
de son champ de compétences,
qu’identifier en direct la survenue
de telles fenêtres chez des patients
dans le coma pourrait permettre de
les solliciter au bon moment. Autre
piste à creuser, celle de l’insomnie :
« On pourrait par exemple mieux
comprendre pourquoi certains in-
somniaques disent ne pas avoir dor-
mi, alors qu’on a enregistré chez eux
du sommeil, note Mélanie Strauss.
Leur perception de l’environnement
est-elle maintenue sans que l’on soit
capable de le déceler avec les moyens
dont nous disposons actuellement ? »
La boîte noire de nos rêves semble
vouloir s’entrouvrir un peu… ■
d’ailleurs produit à Tchernobyl, es-
time Jim Smith. Cela aurait permis
d’éviter les doses de radiation aux
travailleurs chargés de la déconta-
mination et d’obtenir un soutien fi-
nancier plus important pour
d’autres actions telles que l’aide à la
réinstallation des personnes. Mais il
s’agit là d’une décision complexe,
qui doit prendre en compte les points
de vue de nombreuses parties pre-
nantes, y compris les personnes
évacuées elles-mêmes. » La super-
ficie limitée du Japon, et sa forte
densité de population, a évidem-
ment participé à la décision prise
par les gouvernements successifs
d’engager la dépollution de la plus
grande surface possible des sols
pollués.
Les terres contaminées ne peu-
vent cependant pas être totale-
ment abandonnées à elles-mêmes,
car un danger perdure : celui de la
vaporisation du césium contenu
dans les sols, en cas d’incendie de
forêt. Au Japon, 67 % du césium
émis lors de l’accident subsiste,
majoritairement stocké dans les
forêts, et il faudra attendre un siè-
cle pour que sa présence tombe
autour de 10 % des rejets initiaux…
Plus de trente-cinq ans après l’ac-
cident de Tchernobyl en 1986, près
de 5 000 km2 restent des zones in-
terdites où les feux de forêts sont
très surveillés. Pour l’instant,
aucun risque pour les populations
d’Europe centrale ni pour les pom-
piers n’a été relevé lors des récents
feux, mais les experts envisagent
des études complémentaires. ■

SPORT
Quel XV de France pour le Mondial 2027 ?
Si les Bleus
pourront
s’appuyer sur
de nombreux
cadres, il faut
lancer la relève
à certains postes.
DAVID REYRAT £@DavidReyrat
RUGBY L’élimination n’est pas
encore digérée. Il faudra un peu de
temps pour cela. Ce qui ne doit pas
empêcher de se projeter sur l’ave-
nir. De penser à la prochaine Cou-
pe du monde, dans quatre ans en
Australie. Et d’imaginer sur quels
joueurs Fabien Galthié, qui a été
confirmé jusqu’en 2028, pourra
compter. Depuis sa prise de fonc-
tions en janvier 2020, l’obsession
du sélectionneur a été de donner
du vécu à son équipe. Sa première
liste, pour l’ouverture du Tournoi
des six nations 2020, affichait une
moyenne d’âge de 24 ans pour un
peu plus de 8 sélections de
moyenne. En quarts de finale
contre l’Afrique du Sud, ces
moyennes étaient montées à
27 ans et 26 sélections. Une expé-
rience, individuelle et collective,
qu’il va continuer à faire fructifier.
Avec une limite. « On le sait, au ni-
veau international, ce n’est pas
simple après 30 ans », a glissé Gal-
thié. Les Springboks, qui affi-
chaient 31 ans de moyenne d’âge
au coup d’envoi du choc contre les
Bleus, pensaient différemment…
Le point sur l’effectif envisageable,
sous réserve de nouveaux
« ovnis », que le sélectionneur
n’hésite jamais à lancer.
uIls
seront toujours là
Parmi les 33 Bleus retenus pour
cette Coupe du monde (et les quel-
ques forfaits), beaucoup seront à
maturité en 2027. Ainsi Antoine
Dupont, Damian Penaud, Gabin
Villière, Peato Mauvaka, Thibaud
Flament, Grégory Alldritt, Antho-
ny Jelonch et Antoine Hastoy
auront 30 ou 31 ans. D’autres un
peu moins encore : 28 ou 29 ans en
ce qui concerne Romain Ntamack,
Matthieu Jalibert, Yoram Moefa-
na, Arthur Vincent, Cameron
Woki ou Paul Boudehent ; seule-
ment 27 ans pour Melvyn Jaminet.
Thomas Ramos et Julien Marchand
auront, eux, 32 ans. Ça devrait
passer. Ne parlons pas de Louis
Bielle-Biarrey, le benjamin de cet-
te compétition, qui ne comptera
que 24 printemps. Parmi les reca-
lés du Mondial, on peut citer le
centre Pierre-Louis Barassi,
l’ailier Matthis Lebel, l’ouvreur
Léo Berdeu, les troisième ligne
Dylan Cretin et Yoan Tanga, qui
auront moins de 30 ans.
uIls
pourraient quitter
la scène
Uini Atonio et Romain Taofifenua
(33 ans) ont annoncé leur retraite
internationale. Il va falloir trouver
leurs successeurs, et ce ne sera pas
une mince affaire concernant le
pilier droit du Stade Rochelais.
Quid des autres trentenaires (ou
quasi) : François Cros et Gaël
Fickou auront 33 ans en 2027 ;
Cyril Baille, Paul Willemse, Char-
les Ollivon et Maxime Lucu, 34 ;
Jonathan Danty, 35. Le puissant
Pas de Dupont en bleu
avant l’automne 2024 ?
Le XV de France va-t-il devoir
faire sans son capitaine ces
prochains mois ? La tendance
se dessine. Antoine Dupont
a fait part de sa volonté de
disputer les JO de Paris avec
l’équipe de France de rugby
à 7. Ce qui nécessite une mise
à niveau. La FFR appuie ce
choix et est prête à le laisser
à disposition pour les étapes
du circuit mondial à 7, comme
Fabien Galthié sur centre rochelais a conscience que
le terrain avec les Bleus, le temps joue contre lui. « Pour
lors du match opposant moi, la prochaine Coupe du monde,
le XV de France ce sera compliqué. C’est une discus-
à l’Afrique du Sud, sion que je vais devoir avoir avec le
dimanche, au Stade staff. Si le XV de France veut tra-
de France. SÉBASTIEN vailler sur une période de quatre
SORIANO ET PAUL DELORT/
LE FIGARO
ans, peut-être que je n’en ferai pas
partie… » Son profil unique à son
poste va peut-être lui valoir de
continuer une ou deux saisons.
Mais après ? Il est cependant possi-
ble que Fabien Galthié fasse quel-
ques exceptions. Il jaugera pour
cela la motivation de Fickou, Olli-
von, Baille et Cros, les plus à même
« laPour moi,
de bénéficier d’une exception vu
leur importance dans le groupe.
u
prochaine
Ils pourraient assurer
Coupe du la relève
monde, ce sera Il y a quelques trous à combler. Un
compliqué. pilier droit pour succéder à
C’est une
discussion que
je vais devoir
avoir avec le Michael Cheika, l’Australien qui pousse
l’Argentine pour défier les All Blacks
staff. Si le XV
de France veut
travailler sur
une période ADRIEN BEZ abez@lefigaro.fr
de quatre ans,
« MOI, j’ai toujours travaillé avec des
peut-être que équipes qu’il fallait remonter. Ça fait
je n’en ferai partie de mon histoire », confiait
pas partie
JONATHAN DANTY,
» Michael Cheika au printemps au
quotidien L’Equipe. Quelques mois
plus tard, la sélection argentine a
CENTRE AU
STADE ROCHELAIS bien été « remontée ». Sans pratiquer
un rugby flamboyant, la voilà dans le
dernier carré de la Coupe du monde
pour la troisième fois, quatre ans
après une élimination dès les poules
du Mondial au Japon. Et l’Australien
d’origine libanaise, 56 ans, n’a pas
l’intention de s’arrêter en si bon che-
min. « Je suis content d’être là mais je
ne suis pas rassasié », expliquait-il
après la victoire face au pays de Gal-
les (17-29), en quart de finale.
Sur la route des Pumas se dressent
désormais les terribles All Blacks.
Une demi-finale à la saveur parti-
culière pour l’ancien sélectionneur
des Wallabies, finaliste malheureux
de l’édition 2015 remportée par… la
Nouvelle-Zélande. Depuis, Cheika a
pris sa revanche à trois reprises, dont
deux fois avec l’Argentine. Lors de la
première, en novembre 2020 (15-25),
il n’est alors que « conseiller exté-
rieur » de Mario Ledesma, le sélec-
celles de Vancouver (23-25 tionneur. Mais en août 2022, c’est
février 2024) et Los Angeles bien lui aux commandes pour ce qui
(2-3 mars). Soit en plein reste aujourd’hui comme l’unique
Tournoi des six nations. victoire argentine sur le sol néo-
Le verdict est attendu ces zélandais (18-25). Promu quelques
prochains jours. Si Dupont mois plus tôt comme numéro un, il
partait à 7, il manquerait est à ce moment-là, selon la fédéra-
également la tournée du XV tion, « la meilleure option pour
de France en Argentine l’Argentine, en raison de sa carrière,
en juin prochain pour un de son expérience et de l’affection qu’il
retour en bleu lors des tests porte aux Pumas ».
de novembre 2024. D. R. Et le mot « affection » est loin
d’être galvaudé. « Aujourd’hui, je suis
Atonio, un deuxième ligne massif
pour le rôle d’impact player, un
premier centre explosif, une dou-
blure à Dupont si on suppose que
Lucu n’ira pas jusqu’à la prochaine
Coupe du monde. Les candidats ne
se bousculent pas derrière Atonio.
Mohamed Haouas est hors course
depuis sa condamnation pour vio-
lences conjugales. En l’état actuel,
les candidats se nomment Sipili
Falatea, Thomas Laclayat (qui a si-
gné pour le Racing 92, où il pour-
rait prendre de l’étoffe) et l’irré-
gulier Demba Bamba. Le chantier
est ouvert. En deuxième ligne, en
revanche, bonne nouvelle : Fabien
Galthié va pouvoir compter sur
l’Australien du Stade Toulousain,
Emmanuel Meafou, qui a obtenu la
nationalité française et dispose des
cinq ans de résidence pour enfiler
le maillot bleu. 25 ans, 2,03 m,
citoyen du monde, toutes les expérien-
ces que j’ai eues m’ont vraiment mar-
qué, mais ces joueurs argentins, ce
sont les miens maintenant, je ferai tout
pour qu’ils gagnent », assure le natif
de Sydney. Ses efforts pour parler es-
pagnol dans son vestiaire, Cheika se
veut Puma comme un autre. « Je pen-
se qu’il est essentiel de connaître les
joueurs et l’environnement », affirme
celui qui, lors de son mandat à la tête
du Stade français, entre 2010 et 2012,
estime qu’il n’a « pas fait assez de re-
cherches sur les joueurs français ».
“essentiel
Je pense qu’il est
de connaître
les joueurs et
”
l’environnement
MICHAEL CHEIKA
Mais il y a aussi, pour ce globe-
trotteur qui a travaillé en France, en
Italie, au Japon et en Irlande, une
réelle soif d’apprendre et de décou-
vrir. « Je suis un aventurier, comme
mon père. Il a quitté le Liban à 20 ans et
a un peu tout fait dans sa vie », s’ex-
clamait-il lors de son passage à Paris.
20 ans, c’est aussi l’âge auquel le fils
quitte l’Australie et le rugby à XIII,
son premier amour, pour rejoindre le
Castres olympique. Là, il rencontre
Laurent Labit. « Il s’intéressait à tout,
vivait à la française », raconte l’actuel
entraîneur de l’attaque du XV de
France. Après Castres, Cheika joue
pour le CASG Paris, puis à Livourne,
en Italie. En 1999, il devient entraî-
neur de Padoue. « Pour avoir une
autre expérience et pas parce que je
voulais entraîner », avoue-t-il. Près
de vingt-cinq ans plus tard, force est
de constater que le caprice a payé.
145 kg, un renfort de poids qui ar-
rivera dès le prochain Tournoi des
six nations. Au centre, des candi-
dats existent. Celui dont le jeu
s’approche le plus de Danty est le
Parisien Julien Delbouis (24 ans).
Pour cela, il devra enfin exploiter
tout son prometteur potentiel. Si-
non, le jeune Émilien Gailleton
(Pau), qui était dans le groupe des
42 préparant la Coupe du monde,
ainsi que les champions du monde
U20 sacrés en juin dernier Nicolas
Depoortère (UBB) et Paul Costes
(Toulouse) sont dans la short list.
Du côté de ces Bleuets, quelques
noms sortent également du lot :
l’ouvreur Hugo Reus (La Rochelle),
l’arrière Mathis Ferté (Brive,
Pro D2), le monstrueux deuxième
ligne Posolo Tuilagi (Perpignan),
les troisième ligne Oscar Jegou
(La Rochelle, mais en attente d’une
Car si la fédération argentine lui a
fait confiance, ce n’est pas unique-
ment parce que Michael Cheika est
« un homme passionné par ce qu’il
fait » et le « bon mélange d’exigence
rugbystique et d’humanité », comme
le souligne Andrés Bordoy, son en-
traîneur adjoint. C’est aussi parce
que l’ancien troisième-ligne centre
sait gagner. C’est lui qui, en 2009, of-
fre à l’équipe irlandaise du Leinster
son premier sacre européen, mais
aussi la Ligue celtique en 2008. Il res-
te à ce jour le dernier entraîneur à
avoir remporté le Super Rugby avec
une franchise australienne, les Wa-
ratahs, en 2014, mais aussi le dernier
sélectionneur australien à avoir rem-
porté le Rugby Championship, en
2015. Avec l’Argentine, il a réussi
l’exploit de battre l’Angleterre à
Twickenham en novembre 2022
après dix victoires consécutives du
XV de la Rose contre les Pumas. Sans
oublier le succès historique face aux
All Blacks en août de la même année,
à Christchurch.
Bien entendu, cela ne s’est pas tou-
jours passé à merveille. Son aventure
à la tête des Wallabies a tourné au vi-
naigre, avec une humiliation en quart
de finale du Mondial 2019 face à
l’Angleterre (40-16). Selon lui, « pour
trouver le bon entraîneur pour une
équipe, il y a trois dimensions. Le bon
mec, pour la bonne équipe, au bon
moment » Avec Michael Cheika,
l’Argentine semble avoir trouvé le
« bon mec ». Pour le moment. ■
DEMI-FINALES C. DU MONDE
ARGENTINE
vendredi
N.-ZÉLANDE
21 h TF1
samedi
ANGLETERRE AFRIQUE DU SUD
21 h TF1
LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023
15
sanction après un contrôle positif à
la cocaïne), Lenni Nouchi (Mont-
pellier) et Marko Gazzotti (qui
vient de s’engager avec l’UBB).
Une relève qui n’aura pas plus de
24 ans en 2027. Reste à étudier le
cas de la doublure de Dupont si
Lucu venait à ne plus être sélec-
tionné. Baptiste Couilloud n’aura
que 29 ans en 2027 et… Baptiste
Serin, 32. Mais le demi de mêlée du
Racing 92, Nolann Le Garrec, voire
le champion du monde U20 Bap-
tiste Jauneau (Clermont), ont une
vraie carte à jouer au poste de demi
de mêlée. ■
CALENDRIER DU XV DE FRANCE
FRANCE 2 février (Marseille) IRLANDE
10 février
ÉCOSSE FRANCE
FRANCE 25 février (Lille) ITALIE
GALLES 10 mars FRANCE
FRANCE 16 mars (Lyon) ANGLETERRE
MIGUEL MEDINA/AFP
Michael Cheika, lors d’une
conférence de presse, mercredi,
à Boulogne-Billancourt.
O’Keeffe va de
nouveau arbitrer
l’Afrique du Sud
Malgré la polémique autour
de certaines de ces décisions lors
de France-Afrique du Sud, l’arbitre
néo-zélandais Ben O’Keeffe a été
désigné par World Rugby pour
la demi-finale entre l’Angleterre
et les… Springboks. Un choix
qui « repose sur une sélection
au mérite », a assuré l’instance
faîtière. Un choix qui fait surtout
jaser. Avant le coup d’envoi,
Ben O’Keeffe saura si les All Blacks
sont en finale ou non. Avec
la suspicion de pouvoir déterminer
l’adversaire envoyé face à eux.
« C’est à double tranchant. On sait
ce qu’il attend de nous, mais il sait
aussi ce que nous faisons mal
et ce que nous faisons bien »,
a commenté le patron
des champions du monde, Rassie
A
Erasmus, ostensiblement ravi. D. R.
Vendredi 20 octobre 2023 le figaro
16 LE CARNET DU JOUR
Les annonces sont reçues
avec justiication d’identité
du lundi au vendredi
de 9h à 13h et de 14h à 18h
(excepté les jours fériés)
et tous les dimanches
de 9h à 13h.
Elles doivent nous parvenir
avant 16 h 30
pour toutes nos éditions
du lendemain,
avant 13 h les dimanches.
Courriel
carnetdujour@media.figaro.fr
Téléphone
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conférences
L'Association des Amis de
l'École biblique de Jérusalem
organise une conférence :
La Bible au pays de la Bible :
une rencontre avec
l'École biblique de Jérusalem
au présent et au futur
animée par les
frères dominicains de l'École,
le samedi 21 octobre 2023,
à 15 heures,
au Collège des Bernardins.
Gratuit sur inscription.
20, rue de Poissy, Paris (5e),
téléphone : 01 53 10 74 44.
www.collegedesbernardins.fr
Theologicum
la faculté de théologie
et de sciences religieuses
de l'Institut Catholique de Paris
propose
une conférence publique
Ukraine :
un patrimoine en danger -
Soirée de solidarité
le lundi 6 novembre 2023,
à 19 heures,
et un concert du chœur
de la cathédrale ukrainienne
Saint-Volodymyr-le-Grand
de Paris,
au profit de l'Université
catholique d'Ukraine.
Programme et inscription :
https://soireeukraine_icp.
eventbrite.fr
Tarifs et renseignements :
téléphone : 01 44 39 60 00
contact.theologicum@icp.fr
deuils
Carantec (Finistère).
Muriel d'Arboussier,
son épouse,
Corinne d'Arboussier-Carr,
François et Isabelle
d'Arboussier,
ses enfants,
Terence Carr,
Yvic et Kathryn Carr,
Daphné d'Arboussier
et Jérémie Leromain,
Félix et Célie d'Arboussier,
ses petits-enfants,
Jasper, Leïla, Eva, Aimée,
Fleur, Johanna et Marin,
ses arrière-petits-enfants,
Liliane Hunziker,
sa belle-sœur,
ont l'immense tristesse
de faire part du décès de
Georges d'ARBOUSSIER
survenu le 17 octobre 2023,
dans sa 98e année, à Carantec.
Cet avis tient lieu de faire-part.
FIANÇAILLES
MARIAGE
Annoncez-les
dans
le Carnet du Jour
Téléphone : 01 56 52 27 27
carnetdujour@media.figaro.fr
En union avec
Marie-Thérèse Barrat (†),
née Durand, son épouse,
Pierre Barrat,
son frère,
Marie-Françoise Rousseau,
sa sœur,
Beat Barrat,
sa belle-sœur,
ses neveux et nièces,
ses petits-neveux
et petites-nièces,
les familles Barrat, Négrié,
Durand et Acher,
Elsa Tamayo-Roa
ont la tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu du
professeur Jacques BARRAT
ancien chef du service
de gynécologie-obstétrique
de l'hôpital Saint-Antoine,
Paris (12e),
le 19 octobre 2023,
dans sa 97e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le lundi 23 octobre, à 14 h 30,
en l'église
Notre-Dame-de-Grâce-
de-Passy, Paris (16e).
L'inhumation aura lieu
dans l'intimité familiale.
53, rue Scheffer,
75116 Paris.
Reims (Marne).
M. et Mme Emmanuel
Cailteaux-Brayotel,
M. et Mme Guy
Chapron-Cailteaux,
M. (†) et Mme Jean-Luc
Brissart-Cailteaux,
ses enfants,
M. et Mme Jean-René
Brice-Cailteaux,
M. Valentin Cailteaux,
M. et Mme Thomas
Le Bianic-Chapron,
Mme Lorraine Chapron
et M. Jean-Baptiste Chaize,
M. Guillaume Chapron,
M. et Mme Thomas
Brissart-Degroote,
ses petits-enfants,
ses 9 arrière-petits-enfants
ont la douleur
de vous faire part du décès de
Mme Lucien CAILTEAUX
née Christiane Delavierre,
à Reims, le 15 octobre 2023.
La célébration religieuse
aura lieu
le lundi 23 octobre, à 14 h 30,
en l'église de Witry-lès-Reims.
Une pensée pour son époux,
Lucien Cailteaux
décédé le 3 mai 2001.
19, avenue de Reims,
51420 Witry-lès-Reims.
Josy Clarac,
son épouse,
Delphine Aussedat,
Sandrine Clarac,
ses filles,
Frédéric Aussedat,
son gendre,
Adélaïde, Léa, Antoine, Héloïse,
Alexandre et Nina,
ses petits-enfants,
ont l'immense peine
de vous faire part du décès de
Jean Claude CLARAC
survenu le 13 octobre 2023,
à l'âge de 81 ans.
Une cérémonie religieuse
sera célébrée
le mardi 24 octobre, à 10 h 30,
en l'église Saint-Médard,
141, rue Mouffetard, Paris (5e).
71, boulevard Arago,
75013 Paris.
L'association Robert Guérard
fait part du décès
de son président,
Jean Claude CLARAC
X 61,
ancien directeur général
de BNP Intercontinentale,
ancien président du directoire
de la Caisse d'épargne
des Alpes,
ancien président
du directoire d'Océor,
survenu le 13 octobre 2023,
dans sa 82e année.
Félicie et Emmanuel Dubois,
les familles Baron, Le Bot
et Cadet
ont la tristesse
de vous faire part du décès,
le 13 octobre 2023,
dans sa 93e année, de
Monique DUBOIS
née Baron.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mercredi 25 octobre 2023,
à 10 h 30, en l'église
Notre-Dame-de-l'Assomption
de Meudon-Bellevue
(Hauts-de-Seine).
Redon (Puy-de-Dôme).
Anne et John Perfrement,
Blandine et Nicolas (†) Kiener,
Charles Dupont,
Philippe Dupont,
ses enfants,
ses petits-enfants
et arrière-petits-enfants
ont la tristesse de faire part
du rappel à Dieu de
M. André DUPONT
le 17 octobre 2023,
dans sa 92e année,
deux semaines après
son épouse Geneviève.
La messe d'obsèques
sera célébrée
ce vendredi 20 octobre,
à 14 heures, en l'église
d'Orcines (Puy-de-Dôme).
Michèle Hamon,
née Gobert de Barescut,
son épouse,
Grégoire et Catherine,
Caroline,
ses enfants et sa belle-fille,
Victor, Adèle, Benjamin,
Maxence,
ses petits-enfants,
Paul et Hélène Convert,
Anne-Marie Hamon,
son frère et ses belles-sœurs,
ont la tristesse
de faire part du décès de
Bruno HAMON
survenu le 17 octobre 2023,
à l'âge de 94 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-Vincent, à Urrugne,
le mardi 24 octobre,
à 10 h 30.
Locmaria-Plouzané (Finistère).
Son époux,
Charles de Kerguiziau
de Kervasdoué,
ses enfants,
Françoise et Benoît Ducoux,
Claude et Bertrand
de Kervenoaël,
Armelle et Paul
Mercier des Rochettes,
Béatrix et Yves de Lorgeril,
Charles-Alain et Rozenn
de Kervasdoué,
Laurent et Anne
de Kervasdoué,
Guillemette de Kervasdoué,
ses 31 petits-enfants,
ses 48 arrière-petits-enfants
font part du rappel à Dieu de
Anne de KERGUIZIAU
de KERVASDOUÉ
née de Wavrechin,
le 15 octobre 2023,
à l'âge de 92 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
de Locmaria-Plouzané,
ce vendredi 20 octobre 2023,
à 14 h 30.
Dominique Marchandon,
née Riffard,
son épouse,
Aurélie et Adrien,
ses enfants,
Constance, Paul, Elio, Viviane
et Alexandre,
ses petits-enfants,
ont le profond chagrin
de faire part du décès de
Gilles MARCHANDON
chevalier
de la Légion d'honneur,
chevalier
de l'ordre national du Mérite,
agrégé de lettres,
ENS Ulm 72,
Sciences Po Paris,
ENA, promotion Voltaire,
survenu le 15 octobre 2023,
à l'âge de 71 ans.
Les obsèques auront lieu
au cimetière des Longs-Réages,
29, avenue de la Paix,
à Meudon, le mardi 24 octobre,
à 15 heures.
Des fleurs peuvent être
envoyées au crématorium
du Parc, à Clamart,
104, rue de
la Porte-de-Trivaux,
le mardi 24 octobre, avant midi.
Dominique Marchandon,
36, rue Ernest-Renan,
92190 Meudon.
dominique.marchandon
@gmail.com
Isabelle Montero,
née Darbonne, son épouse,
Xavier et Fabienne,
Emmanuelle et Louis,
Claire et Nicolas,
ses enfants, gendres
et belle-fille,
ainsi que ses petits-enfants,
Rémi, Blanche, Flore, Inès,
Martin, Ambroise, Edgar,
Samuel, Quentin et Adam,
ont la tristesse
de vous faire part du décès du
docteur Claude MONTERO
survenu le 17 octobre 2023,
à l'âge de 87 ans.
La messe d'obsèques aura lieu
en l'église Saint-Martin
de Pessac (Gironde),
le jeudi 26 octobre, à 11 heures.
Cet avis tient lieu de faire-part.
isabellemontero@icloud.com
Mme Geneviève Rossignol,
son épouse,
Mme Catherine Trinquier,
Mme Marie-France Rossignol,
ses filles,
et leurs conjoints,
M. Laurent Cosier,
M. Patrick Chanot,
Elliot, Matthieu, Timothée,
Hugo, Théo et Aurore,
ses petits-enfants,
les familles Perrin et Béraudy
ont la tristesse
de vous annoncer le décès de
M. Claude ROSSIGNOL
chevalier
de la Légion d'honneur,
officier
de l'ordre national du Mérite,
survenu
le vendredi 13 octobre 2023,
dans sa 93e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en l'église Saint-Symphorien
de Versailles,
le lundi 23 octobre 2023,
à 10 heures.
La crémation aura lieu
dans l'intimité familiale.
Résidence Beethoven,
2, promenade Vénézia,
78000 Versailles.
Mme Jean Maron,
le docteur et Mme
Michel Sardet,
ses belles-sœurs
et son beau-frère,
M. et Mme
Amaury de Saint-Quentin,
Mme Isabelle
de Saint-Quentin,
son neveu et ses nièces,
Adelaïde, Charles et Aglaé
de Saint-Quentin,
ses petites-nièces
et son petit-neveu,
ont la douleur
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Yvette de SAINT-QUENTIN
née Mariotti,
le 17 octobre 2023,
dans sa 92e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le lundi 23 octobre 2023,
à 14 heures, en la chapelle
Notre-Dame-de-Grâce,
Paris (15e).
Elle sera inhumée
aux côtés de son époux,
René de Saint-Quentin
dans l'intimité familiale,
au cimetière du Montparnasse,
Paris (14e).
Madeleine Laurent-Suret,
son épouse,
Isabelle, Bruno,
Marie, Nathalie (†),
ses enfants, en union
avec leur maman Roselyne,
Elyas et Noé,
ses petits-enfants,
et toute sa famille
ont la tristesse de faire part
du décès de
Claude SURET
survenu le 14 octobre 2023,
dans sa 95e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le lundi 23 octobre,
à 10 h 30, en l'église
Notre-Dame-d'Auteuil,
Paris (16e).
L'inhumation aura lieu
dans la plus stricte intimité.
Cet avis tient lieu de faire-part.
26, rue de l'Yvette, 75016 Paris.
Le capitaine de vaisseau (h.)
Dominique Tourneux,
son époux,
Grégory et Astrid Tourneux,
Amélie Tourneux (†),
Théo et Emilie Martin,
Clément et Dorothée Lejeune,
Olivier et Capucine Chevallier,
Alban et Aude Tourneux,
ses enfants,
Antoine, Timothée, Aimery,
Edouard, Carl-Henry,
Cultiver
Bérénice, Alexis, Elvire,
Pauline, Victoire, Héloïse,
Théotime, Calixte, Margaux,
Stanislas, Zélie, Arthur,
sa liberté,
Gaspard, Philippine,
ses petits-enfants,
ont l'immense tristesse
de vous faire part
c’est cultiver
du rappel à Dieu de
Catherine TOURNEUX
née Bernoud,
sa curiosité.
le 18 octobre 2023.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le samedi 21 octobre,
à 10 heures, en l'église
Saint-Flavien, à Toulon (Var).
Une messe sera célébrée
le lundi 23 octobre,
à 15 heures, en l'église
Notre-Dame-de-l'Assomption,
à Morancé (Rhône),
suivie de l'inhumation
au cimetière.
remerciements
Marie-Claude Brotte,
Geneviève Brotte,
Christian et Marie-Annick
Brotte,
ses enfants,
très touchés Recevez Le Figaro chaque jour et
des marques de sympathie
qui leur ont été témoignées ses magazines le week-end.
lors du décès de
Accédez aux versions numériques
Odile BROTTE
née Fehner,
du journal, des magazines et
des hors-séries culturels ainsi
vous prient de trouver ici,
leurs sincères remerciements. qu’aux applications Figaro Jeux
et Le Figaro Cuisine.
Marie-Laure Lalo,
son épouse,
Armelle Lalo,
Marie-Sophie et Cyril Boissy,
279€ pour
Cyril et Margaux Lalo,
ses enfants,
Antoinette, Marin, Ferdinand,
Irène, Isild, Melchior et Pia,
6 mois
ses petits-enfants,
ses frères, sœurs au lieu de 594€
et toute la famille,
très touchés
des marques de sympathie
qui leur ont été témoignées
lors du rappel à Dieu de
Patrick LALO
le 8 octobre 2023,
La culture de la liberté depuis 1826
vous prient de trouver ici,
leurs sincères remerciements.
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AU FIGARO
et anniversaires
L'association À renvoyer dans une enveloppe afranchie à :
Les Ailes Brisées
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vous prie d'assister au service 45 avenue du Général Leclerc 60643 CHANTILLY CEDEX
religieux qu'elle fera célébrer
le samedi 21 octobre 2023,
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pendant 6 mois Le Figaro du lundi au samedi,
à la mémoire des membres accompagné des cahiers thématiques et des
du personnel navigant
de l'aéronautique civile magazines du week-end. J’accède à leurs versions
et militaire numériques et aux hors-séries culturels ainsi qu’aux
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Code postal : Ville :
Mme Pierre CARON pour améliorer le suivi
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1923-2013, Pour accéder aux versions numériques, il est indispensable de
et sa famille
compléter votre adresse mail :
E-mail :
sera célébrée en l'église
Notre-Dame-de-Bon-Port, en majuscules
à Nantes,
le dimanche 22 octobre 2023,
à 10 h 30. Je joins mon règlement par : Date et signature :
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Expire fin :
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décédé le 21 octobre 2022, 31/12/2023. Les informations recueillies sur ce bulletin sont destinées au
au Clos Saint Georges, Figaro, ses partenaires commerciaux et ses sous-traitants, pour la gestion de
à Trouillas (Pyrénées-Orientales) votre abonnement et à vous adresser des ofres commerciales pour des pro-
duits et services similaires. Vous pouvez obtenir une copie de vos données
et inhumé à Albas (Lot)
et les rectifier en nous adressant un courrier et une copie d’une pièce d’iden-
sera dite
le samedi 21 octobre 2023,
tité à : Le Figaro, DPO, 14 boulevard Haussmann 75009 Paris. Si vous ne sou-
haitez pas recevoir nos promotions et sollicitations, cochez cette case ❒.
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en l'église Saint-Sauveur
de Puy-l'Évêque (Lot).
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Mme Dominique Ortal,
née Conte, et sa famille.

Une météorite est
tombée sur la région
de Rochechouart
il y a deux cents millions
d’années provoquant
de fortes modifications
du paysage
et la formation de falaises
(comme ici sur la photo)
ou de cratères.
En Haute-Vienne, les fascinants
secrets du cratère d’astéroïde
Alix Vermande
£@alixvermande
Rochechouart (Haute-Vienne)
harmacie de la Météorite, camping de la
P
Météorite, « Météore moto » … À Ro-
chechouart, nul ne peut ignorer aujour-
d’hui le lien intime entre cette commune
de Haute-Vienne et l’espace. Il se re-
trouve jusque dans les pierres des bâti-
ments offrant une mosaïque de couleurs
née de la singularité des impactites. Ces roches terres-
tres modifiées par l’impact d’un astéroïde qui a heurté
la Terre il y a environ 200 millions d’années à la vitesse
d’au moins 72 000 km/h, pour une énergie libérée esti-
mée à 14 millions de fois celle de la bombe larguée sur
Hiroshima en 1945. Ainsi s’est créé l’astroblème de Ro-
chechouart-Chassenon, également localisé en partie
en Charente. Mot dont la racine latine pourrait per-
mettre de le traduire en « blessure d’un astre ».
Mais inutile de chercher une vue panoramique pour
photographier ce cratère d’environ trente kilomètres
de diamètre selon les scientifiques. Le temps a depuis
fait son œuvre. Comme si ses bords avaient été érodés.
Ne reste que le fond légèrement entaillé par les rivières.
« C’est la première question posée par les touristes et les
groupes scolaires : où est le cratère ? Mais il y a bien
d’autres choses à montrer car c’est un véritable musée à
ciel ouvert », sourit Fabien Habrias, vice-président de
la communauté de communes Porte Océane du Li-
mousin, en charge du développement touristique. Bien
qu’ayant vécu sa jeunesse dans la bourgade haut-vien-
noise dont il est également adjoint à la mairie, l’élu n’a
pas été immédiatement sensibilisé à ce patrimoine uni-
que qu’il s’emploie désormais à entretenir.
Roches singulières
Il y aurait environ deux cents cratères d’impact réper-
toriés dans le monde mais la plupart sont inaccessibles,
à l’exception de certains comme le Nördlinger Ries en
Allemagne ou le dôme de Vredefort en Afrique du Sud.
« Et le seul en France est chez nous. Aujourd’hui, les nou-
velles générations connaissent l’histoire de notre astro-
blème même si elles n’ont pas encore le réflexe de se dire
qu’il y a eu ici un phénomène exceptionnel. Moi, à leur
âge, on n’en savait pas tant… », assure Fabien Habrias.
Si cet astéroïde s’est écrasé sur la Terre il y a bien
longtemps, le phénomène n’a en effet été caractérisé
qu’à la fin des années 1960. Des géologues avaient bien
été intrigués par ces roches singulières au début du
XIXe siècle mais, faute de connaissances, l’hypothèse
volcanique avait été privilégiée. « Tout a commencé
quand les Américains sont parvenus à expliquer l’origine
du Meteor Crater en Arizona en 1960 », rappelle l’astro-
géologue Philippe Lambert. Cet ancien chercheur de la
Nasa se plaît à rappeler la passionnante aventure à la-
quelle il a participé. « C’est François Kraut, un scientifi-
que austro-hongrois naturalisé français, qui a fait cette
découverte à Rochechouart en 1969 après de longs tra-
vaux. Il a trouvé des similitudes entre le cratère en Arizo-
na et le site en France. À la faveur de la reconnaissance
des cônes de percussion, qui sont une manifestation
macroscopique de l’effet de l’onde de choc de grande di-
mension provoquée par l’impact de l’astéroïde à des di-
zaines de milliers de km/h. C’est l’onde de choc qui va
REPORTAGE CHAMPS LIBRES
Il y a 200 millions ouvrir le cratère et créer toutes ces déformations que l’on
va retrouver en dessous du plancher du cratère. »
d’années, un objet
Quand l’homme a posé le premier pas sur la Lune,
cette découverte en terres limousines s’est avérée fort
rocheux d’un kilomètre
utile en France. « La communauté scientifique interna-
tionale a récupéré des échantillons sur la Lune mais, en
France, aucun laboratoire ne s’était inscrit pour tra-
et demi de diamètre vailler dessus, poursuit Philippe Lambert. Puis au tout
début des années 1970, le service géologique national a
s’écrasait sur la Terre poussé la porte et fait du lobbying auprès du ministère de
la Recherche pour que soient dédiés des fonds au cratère
pour former un d’impact de Rochechouart car il est similaire à ce que l’on
peut trouver sur la Lune ! »
astroblème où s’élèvent Cette équipe du BRGM (Bureau de recherches géolo-
giques et minières) avait alors confié les recherches à
aujourd’hui les villages un jeune doctorant qui n’était autre que Philippe Lam-
bert, touchant déjà du doigt le rêve de tout spécialiste
de Rochechouart de la discipline. « C’est un peu le Graal pour nous. Tra-
vailler sur un tel sujet, qui plus est en France, c’est in-
et Chassenon.
croyable. Ça a aussi permis de faire connaître le pays à
bon nombre de scientifiques étrangers. »
Cette histoire de l’étude des impacts d’astéroïdes à
Scientifiques et habitants travers le monde, et donc plus particulièrement en
France, a trouvé son prolongement dans la création, en
œuvrent pour raconter 2008, de la réserve naturelle nationale de l’astroblème
de Rochechouart-Chassenon. À sa tête, Pierre Poupart
ce phénomène met en place tout un discours pédagogique à destina-
tion des publics non-initiés : « On nous demande sou-
unique en France. vent quelle taille faisait l’astéroïde. Quand on dit aux jeu-
nes que son diamètre faisait cinq fois la taille de la tour
Eiffel et son poids le total de 1 200 pyramides de Khéops,
ça les accroche ! » Via un sentier d’interprétation, le
conservateur guide les curieux vers le château de la
20 km commune, hautement symbolique pour illustrer ses
dires. « Il a en partie été construit au XIe siècle avec des
VIENNE impactites. Évidemment, ils ont simplement pris ce qu’ils
avaient sous les pieds. Personne ne savait que ces pierres
Vienne
avaient été modifiées par l’impact de l’astéroïde avec des
modifications différentes. Certaines ont chauffé pour
ressembler à des roches volcaniques. D’autres ont été
expulsées dans l’atmosphère puis sont retombées. Pour le
HAUTE- CREUSE reste, ça a fait comme une explosion nucléaire donc la
CHARENTE VIENNE matière n’a pas pu résister. »
Sur certains points de vocabulaire, Pierre Poupart
Limoges
Chassenon tient également à être très précis auprès des scolaires.
Rochechouart Une météorite ? Pas exactement. N’en déplaise aux en-
seignes de la commune. « Pour parler de météorite, il
Astroblème faut retrouver des morceaux. Or, là on n’a rien retrouvé
jusqu’à preuve du contraire donc il s’agit d’un astéroïde.
C’est comme le terme de cicatrice d’étoile qui remplace
DORDOGNE parfois celui d’astroblème, c’est plus poétique mais pas
CORRÈZE
vrai à 100 %. » En revanche, le récit est lui en perpé-
Infographie
tuelle évolution. Les travaux des scientifiques ne sont
Le site de Rochechouart serait en mesure
d’accueillir des astronautes pour les
entraîner à la géologie. Il n’y a parfois pas
besoin d’aller jusque sur la Lune ou sur Mars
»
pour étudier des phénomènes méconnus
PHILIPPE LAMBERT, ASTRO-GÉOLOGUE, ANCIEN CHERCHEUR DE LA NASA
LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023
17
PASCAL LACHENAUD
pas près de s’essouffler tant il y a d’éléments à déceler.
En témoigne une campagne de forage en 2017 pour
analyser des échantillons souterrains. Plusieurs spé-
cialistes issus de tous les continents se penchent sur la
question et sont accueillis dans la commune pour se
former au sein du centre international de recherche et
restitution sur les impacts et sur Rochechouart (Cirir).
Leurs objectifs sont aussi nombreux qu’enthousias-
mants à en croire Philippe Lambert : « Ici, on va pouvoir
apprécier les phénomènes qui sont ceux par lesquels les
planètes et les astres se forment et évoluent. Il faut savoir
que la Lune est à 100 % un produit d’impact. C’est la mé-
canique de ce phénomène, tellement énorme et rapide
qu’il est un peu incompréhensible : il défie les règles de la
géologie classique. C’est une science un peu inconnue. Il
faut se dire qu’en quelques secondes le territoire a chan-
gé. Pour les industriels, ce n’est pas anodin non plus. Il y a
des enjeux sur la protection des satellites et des hommes
qui vont aller dans l’espace, sans oublier l’exploitation
des ressources extraterrestres. »
Ressource patrimoniale
Au-delà de ces considérations géologiques et techni-
ques, une autre raison fondamentale guiderait ces re-
cherches : en apprendre davantage sur l’émergence de
la vie. « Avec un tel impact, on a des extinctions mais
aussi l’apport de certaines choses comme des objets véhi-
culant une matière organique très riche en provenance de
planètes qui ont évolué au tout début du système solaire et
qui se sont arrêtées. Ces composés peuvent servir à la
constitution des protéines du vivant. »
En parallèle de cet intérêt scientifique, l’enjeu éco-
nomique attire également des convoitises. Car, comme
l’indique Philippe Lambert, de tels cratères sont sus-
ceptibles d’être riches en ressources de premier ordre :
« Environ 30 % des ressources d’impact sur Terre peu-
vent être intéressantes, avec soit des gisements miniers,
du pétrole ou du gaz. On peut le voir en Australie où ça
attire des envieux. »
Ce n’est pas le cas à Rochechouart. Ici, les collectivi-
tés s’appuient sur cette ressource patrimoniale pour
développer l’attractivité touristique du territoire avec,
notamment, un musée fraîchement rénové. S’il coor-
donne ces aménagements, Fabien Habrias reste aussi à
l’affût des nouvelles découvertes. Il aimerait ainsi sa-
voir si l’impact a eu lieu sous l’eau ou non. « On parle-
rait alors d’un tsunami remontant jusqu’aux limites ac-
tuelles de l’Irlande », avance le Limousin. Ce dernier a
surtout bien compris que les collectivités devaient faire
de cette riche histoire une force pour d’autres projets.
« La thématique astroblème était traitée sous le volet en-
vironnement et scientifique mais nous avons fait le choix
de l’ouvrir sur le plan touristique avec de la pédagogie et
de la transmission du savoir. L’idée serait de construire
un planétarium car il n’y a pas plus près que Poitiers pour
en visiter un. Ça ferait sens ici. On voit qu’il y a un réel in-
térêt chez les jeunes qui demandent même souvent com-
ment ils peuvent devenir astronautes. »
À cette question, Philippe Lambert peut aisément
répondre tout en glissant à ces jeunes qu’ils pourraient
croiser un jour des astronautes près de chez eux. « Le
site de Rochechouart serait en mesure d’accueillir des as-
tronautes pour les entraîner à la géologie. Il n’y a parfois
pas besoin d’aller jusque sur la Lune ou sur Mars pour
étudier des phénomènes méconnus. Ça peut faire des éco-
nomies ! Et surtout être complémentaire entre l’explora-
A
tion de ce que nous avons au-dessus de nos têtes et déjà
sous nos pieds. » ■
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO
18 CHAMPS LIBRES
DÉBATS
Quand la novlangue des élites évite
de nommer les problèmes liés à l’immigration
+ » Lire aussi PAGES 2 À 7 hristian Berroyer,
C
l’agent d’entretien du lycée
Gambetta d’Arras, qui a
courageusement tenté de
repousser avec une chaise
l’assassin de Dominique
Bernard, a déclaré sur BFMTV qu’il
estimait n’avoir fait que « son devoir de
Français. » Le journaliste qui présentait
le reportage l’a corrigé en prétendant
qu’il avait dit n’avoir fait que son
« devoir de citoyen. » L’un s’exprimait
avec un fort accent picard, l’autre dans
ce phrasé caractéristique de la télévision
régionale, un ton neutre, mécanique,
coupé mal à propos de silences, comme
essoufflé. Un agent d’entretien est un
homme précis : réparer une fuite d’eau,
remettre en place une prise électrique,
manier des outils tranchants, des
produits toxiques nécessitent un savoir-
faire et des gestes de métier où l’à-peu-
près, la négligence peuvent avoir
des conséquences graves. En parlant
de « son devoir de Français », Christian
Berroyer avait clairement indiqué qu’il
n’avait pas fait face à un délinquant,
un malfaiteur ou même un criminel,
mais à un ennemi. Le mésusage
des mots par ceux dont ils sont l’outil
de travail, politiques, fonctionnaires,
journalistes, universitaires, a une part
importante dans la
situation alarmante
MICHEL BERNARD où se trouve
la société française.
L’agent d’entretien du lycée Gambetta d’Arras Ce mésusage
a déclaré n’avoir fait que « son devoir de Français » n’est pas le fruit
en repoussant l’assassin de Dominique Bernard, de l’ignorance
avant d’être « corrigé » par un journaliste, et de la maladresse,
il vise à travestir
prétendant qu’il avait dit n’avoir fait que son délibérément,
« devoir de citoyen ». L’écrivain* y voit une volonté méthodiquement la
de travestir la réalité pour la rendre compatible réalité pour la rendre
avec un paysage idéologique. compatible avec un
« Du Hamas à Daech, le djihadisme mondial
nous menace plus que jamais »
+ » Lire aussi PAGES 10 À 12 PROPOS RECUEILLIS PAR
MARTIN BERNIER mbernier@lefigaro.fr
LE FIGARO. - Après que le Hamas
a appelé à une journée du djihad
international vendredi dernier, un
attentat a eu lieu en France, et la Belgique
a subi une attaque terroriste lundi.
Franchit-on un nouveau cap
dans la mondialisation du djihad ?
Hugo MICHERON. - Les attaques qui se
sont produites vendredi en France et
lundi en Belgique ne sont pas des actions
coordonnées au sens propre du terme. Il
y a différents types d’attaques terroris-
tes : celles qui sont projetées par des ré-
seaux terroristes depuis l’étranger vers
l’Europe (le 13 novembre 2015), celles
qui sont téléguidées (Saint-Étienne-du-
Rouvray) et celles qui sont inspirées par
un mot d’ordre, dont certaines person-
nes en Europe se saisissent pour passer à
l’action. C’est ce qu’on a eu à Arras et à
Bruxelles, et c’est principalement ce
type d’attaques qui cible l’Europe depuis
cinq ans. Cela montre qu’on est en pé-
riode de marée basse du djihadisme. On
n’est pas encore rentré dans la phase
d’expansion, la marée haute, quand des
groupes djihadistes ont les capacités
opérationnelles pour passer à l’action de
façon organisée. Les derniers attentats
ont plutôt été le fait des marges mal inté-
DESSINS : FABIEN CLAIREFOND
grées du djihadisme.
Aujourd’hui, la situation géopolitique
change la donne car la matière islamiste
djihadiste est extrêmement inflamma-
ble. On atteint des niveaux de tensions
extrêmes au Proche-Orient et il ne faut
surtout pas faire l’erreur de juger ce qui
est en train de se passer en ce moment à
l’aune des précédents conflits. On rentre
dans une phase
d’inconnu ; tous les
HUGO MICHERON curseurs de risques
sont au plus haut. Il
La guerre entre le Hamas et Israël aura des y a une énorme in-
répercussions sur le terrorisme islamiste, qui profite connue sur la réac-
1
toujours des crises géopolitiques pour frapper tion d’Israël mais
les pays européens, alerte l'auteur de « La Colère aussi du côté de la
capacité du Hamas
et l’Oubli : les démocraties face au jihadisme et du Hezbollah à
A
européen » (Gallimard, prix du livre géopolitique) poursuivre, par des
et du documentaire « Djihad sur l’Europe » (Arte). moyens détournés
paysage idéologique. Nul n’ignore plus
que les valeurs et les règles des sociétés
musulmanes ne sont pas exactement
les mêmes que celles des sociétés
occidentales et que leurs mœurs
sont très différentes. C’est une source
de conflits sans fin, d’une gravité
croissante. Le nombre a rendu illusoire
l’assimilation, l’intégration même,
sauf pour les individus, les familles
décidées à choisir non seulement la vie
en France, mais la vie avec les Français
et à se fondre dans le peuple français.
Une grande partie des élites se l’est
longtemps dissimulé et, surtout, s’est
efforcée de le dissimuler à la population,
en masquant les réalités sous un
brouillard de mots apparemment
savants, à la signification incertaine,
insaisissable, floue.
Depuis quarante ans, on nomme
« politique de la ville » les efforts
financiers et les moyens humains
considérables fournis par l’État,
les collectivités, les offices publics
de HLM pour améliorer les conditions
de vie et d’habitat des immigrés,
majoritairement musulmans, logés dans
les quartiers bâtis dans les années 1950
et 1960 avec des moyens beaucoup
plus modestes, pour faire face au boom
démographique de l’après-guerre,
vider les centres urbains insalubres,
accueillir les rapatriés d’Algérie,
supprimer les bidonvilles où travailleurs
nord-africains et portugais
s’entassaient misérablement.
Mission accomplie, la politique
de regroupement familial a bouleversé
les données du logement social.
Depuis quarante ans, dans ces quartiers
de banlieue, l’action publique
a engendré à coups de circulaires, de
notes de méthode et de rapports toute
une phraséologie qui évite de nommer
mais aussi très directs, par exemple, une
invasion du nord d’Israël. Une des armes
dont dispose le Hamas, et il a déjà com-
mencé à le faire, c’est d’appeler à ouvrir
un front en Europe. On ne sait pas com-
ment ce sera réceptionné, mais il y a suf-
fisamment d’individus en Europe pour
être à l’écoute de ce genre d’appel. On
doit être à un niveau de vigilance extrê-
me. Le djihadisme fonctionne toujours
de la même façon : ayant peu de capacité
d’action propre en Europe, il dépend
systématiquement depuis trente ans de
crises géopolitiques mondiales. On est au
début d’une crise qui s’annonce majeu-
re, et il est à peu près certain qu’il y auran’est plus celui de 2015. L’arrivée d’outils
un impact sur l’Europe.
«
On est passé de quelques
dizaines de djihadistes
en France dans les années 1990, aujourd’hui par des réseaux so-
à quelques milliers au milieu
des années 2010 » formation. Et on voit que la Rus-
Quelles sont les dynamiques
et qui est à la manœuvre
dans ce djihadisme mondial ?
Plusieurs éléments nous permettent de
penser qu’on est plutôt dans une période
de regain d’activité du djihadisme mon-
dial. Trois exemples l’attestent : le retour Cela a-t-il une conséquence
des talibans en Afghanistan en 2021, et
dans leur sillage le retour de Daech, puis
les derniers attentats projetés - qui ont
été déjoués – depuis l’Afghanistan. Il y a
aussi une énorme activité des groupes
djihadistes au Sahel. Et enfin, il faut rap- mouvance salafiste, la mouvance djiha-
peler que la guerre civile syrienne n’est
pas réglée : il y a encore au moins
10 000 combattants qui se réclament de
Daech actifs clandestinement dans cette
zone. Et si le conflit actuel déclenche une gle la polémique autour de l’abaya, et
crise générale, des groupes djihadistes
en Syrie et en Irak chercheront à s’em-
parer du désordre ambiant pour agir. La
dynamique djihadiste globale va influer
sur la mouvance européenne qui se ré-
clame de Daech ou d’al-Qaida.
La crise israélo-palestinienne en elle-
même est très importante. Le Hamas
s’est mis à employer les méthodes de
Daech : exactions contre les civils, prise
l’immigration et les problèmes liés
à l’immigration. Elle est riche
en périphrases, néologismes,
généralisations, expressions
contournées, alambiquées.
Ce langage souvent abstrait évolue vite.
Sa plasticité est infinie, il peut encaisser
tous les chocs de la réalité, les démentis
de l’événement, puisque sa relation
au réel est gazeuse. Il est qualifié de
technocratique, en réalité, il provient
de l’université et est inspiré par les
études et la spéculation sociologiques.
Il a ses spécialistes, parfois issus
des concours administratifs,
du recrutement sur titres, souvent
des professionnels du milieu associatif.
Le vocabulaire technique des
administrateurs, celui des finances
publiques et du droit, est certes ingrat,
mais il est, lui, adapté à son objet
et précis, comme les gestes
de l’agent d’entretien quand il change
le joint d’un lavabo.
Pendant vingt ans, sous-préfet,
ce langage de la « politique de la ville »,
je l’ai lu, fréquenté, subi, utilisé
le moins possible. Avec certains préfets
et des camarades, si la confiance
était complète, il nous arrivait
d’en rire amèrement… « les hommes-
ressources », « les femmes-relais »,
ou l’inverse… les propos doctes
de tel ou tel phraseur, des phrases
incompréhensibles, des formules
grotesques… Les noms des victimes
et des auteurs ou suspects sur les
télégrammes de police qui tombaient
dans le bureau du directeur du cabinet
nous empêchaient, même si d’aventure
nous l’avions voulu, d’être dupes.
J’ai occupé ce poste dans le Val-d’Oise
pendant quatre ans. Quand, après
les massacres de Charlie Hebdo,
du Bataclan et des terrasses des 11e
d’otages, razzias. Puis les dirigeants du
Hamas ont appelé directement à passer à
l’acte vendredi dernier. L’attaque en
France s’est produite dans ce contexte et
d’autres attentats ont été déjoués le
même jour. En jouant de la cause palesti-
nienne, ils cherchent à toucher les pu-
blics potentiellement réceptifs à cette
cause qui passeraient à l’acte djihadiste
au nom du fait que l’Europe, en soute-
nant Israël, a choisi son camp ; par capil-
larité, la France deviendrait une cible au
même titre qu’Israël.
Il faut insister aussi sur la guerre infor-
mationnelle. Le monde d’aujourd’hui
d’intelligence artificielle générative per-
met à n’importe quel analpha-
bète de produire de la propagan-
de de qualité, en quantité
massive et en plusieurs langues,
ce qui se traduit concrètement
ciaux qui sont saturés de désin-
sie, la Chine, l’Iran utilisent des
outils pour pousser du contenu
extrêmement politisé dans le débat pu-
blic européen, de façon à renforcer la
polarisation politique. La guerre se joue
aussi là et la France n’a pas de souverai-
neté algorithmique pour y faire face.
sur la structuration du djihadisme et
sur la diffusion des messages islamistes ?
Les réseaux islamistes sont structurés
depuis des années sur les réseaux so-
ciaux, que ce soit la mouvance frériste, la
diste. Ils ont des comptes qui d’ailleurs
ne prônent pas forcément toujours le dji-
had, mais mettent en avant les principes
religieux du salafisme, montent en épin-
participent ainsi à une sorte de guerre
idéologique contre les principes de la Ré-
publique. À chaque attentat, ils publient
des contenus pour expliquer que c’est la
faute de l’Europe, de la France, de la laï-
cité. Ces stratégies sont très rodées. Mais
depuis cinq ans, ils se sont considérable-
ment renforcés. Les niveaux d’engage-
ment sur les réseaux sociaux autour du
conflit israélo-palestinien en Europe
et 10e arrondissements, la note sur les
projets de « déradicalisation » à faire
remonter en urgence nous est parvenue
- j’étais en poste à Reims - cela
n’a fait sourire personne. Cette fois,
nous ne savions plus du tout à quoi,
concrètement, cela pouvait
correspondre. « Heureusement »,
les associations, toujours à la recherche
de subsides, sont très vite venues
proposer diverses actions aussi vagues
qu’improvisées, qui leur permettaient
de boucler leur budget annuel.
Le million réservé à la Marne,
si je me souviens bien, fut dépensé
conformément aux instructions
pressantes du ministre. J’ai quitté
le service de l’État avant terme,
quelques mois après, pour
me consacrer à l’écriture.
Dominique Bernard était agrégé
des lettres modernes, professeur de
français. Lecteur passionné de Julien
Gracq, il connaissait le sens des mots,
leur valeur, la difficulté et la grandeur
de bien nommer les choses, d’exprimer
la réalité rugueuse, tenace, têtue
du monde. Il n’y a pas de littérature
en dehors de cette nécessité :
rapprocher les mots des choses,
avec eux, faire voir, entendre, sentir
le monde. Dire la vérité. Aucun roman,
aucun poème ne tient debout, s’il
s’écarte ou ne parvient à satisfaire cette
exigence. Dominique Bernard a été
assassiné, mais la discipline qu’il aimait,
qu’il servait pour en faire partager
les beautés et l’utilité à ses élèves, elle,
est tous les jours poignardée par une
interminable, une obtuse entreprise
de maquillage de la réalité. Et c’est
la réalité, hideuse mais vraie, qui a tué
cet excellent professeur de français.
* Dernier livre paru : « Hiver 1812. Retraite
de Russie » (Éditions Perrin, 2022).
sont énormes ; ils dépassent les niveaux
d’engagement qu’on a pu observer au
déclenchement de la guerre entre la
Russie et l’Ukraine. Il y a une production
de contenus par les différents groupes au
Moyen-Orient liés au conflit palesti-
nien : c’est ce qu’on a vu avec le Hamas le
7 octobre. Ils ont publié abondamment
des vidéos des exactions. Cela étonne
quand on réfléchit à ce qu’ont été les
conflits dans l’histoire de l’humanité ; on
a plutôt cherché à cacher les exactions,
en tout cas les plus épouvantables, là,
non. Cette mise en images est relayée par
les plateformes qui sont débordées et
n’ont pas la capacité de faire le tri.
Comment caractériser cette phase
qui n’est ni une phase d’expansion
ni une période de calme plat ?
Comme on n’a pas géré la question dji-
hadiste comme il le fallait dans les pério-
des de marée basse, c’est-à-dire quand il
était en train de se recomposer, on est
passé de quelques dizaines de djihadistes
en France dans les années 1990, à quel-
ques milliers au milieu des années 2010.
On se retrouve donc dans une situation
où le niveau de la marée basse est bien
plus élevé qu’il y a trente ans. Malheu-
reusement les démocraties ont épousé
ces cycles ; elles ont réagi par la colère
dans la période de panique, mais très ra-
pidement, on a basculé dans des phases
d’oubli. Là, tout d’un coup, on se rend
compte qu’il aurait peut-être fallu être
contracyclique, profiter des moments où
le djihadisme avait militairement été dé-
fait, pour déployer un certain nombre de
mécanismes empêchant le prochain re-
bond des djihadistes. Quand on regarde
l’histoire des systèmes politiques en Eu-
rope depuis deux cent cinquante ans, on
voit que les démocraties ont été capables
de répondre à peu près à tous les enjeux à
partir du moment où elles avaient bien
analysé et bien intégré ce qu’était la me-
nace. Mais depuis trente ans, la menace
djihadiste, et plus largement, les ques-
tions islamistes sont très mal comprises
dans les débats publics européens.
Compte tenu des forces et des ressources
de l’Europe, on devrait être capable de
relever les défis. Mais ça ne se fera pas
sans prise de conscience. ■
 LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023

OPINIONS CHAMPS LIBRES 19

Dominique Bernard, la deuxième défaite

LE BLOC-NOTES
Laurence de Charette
ldecharette@lefigaro.fr

l y a trois ans tout juste, une communauté de citoyens libres ». Bernard serait encore là aujourd’hui. » travers les témoignages admirables

I
Emmanuel Macron enlaçait, ému
aux larmes, les parents de Samuel
Paty. On avait rassemblé, dans la
cour de la prestigieuse université
parisienne de la Sorbonne,
le gratin de la politique - l’ensemble du
gouvernement, les anciens présidents,
les ex-premiers ministres, la
représentation nationale, ainsi que les
principaux responsables politiques du
pays. On avait convoqué la mémoire de
Jean Jaurès - « Samuel Paty incarnait
ce professeur dont rêvait Jaurès, avait
déclamé Emmanuel Macron. (…) Celui
qui donne à voir ce qu’est la civilisation,
celui qui s’était donné pour tâche de faire
des républicains » -, et puis celle
de Ferdinand Buisson. On avait, en
hommage, relu Camus, aussi - « sans
vous, sans cette main affectueuse que
vous avez tendue au petit enfant pauvre
que j’étais, sans votre enseignement et
votre exemple, rien de tout cela ne serait
arrivé », écrivait le Nobel de littérature
à son professeur Louis Germain,
qui fut au moment de sa nomination
sa « première pensée après (sa) mère ».
On avait juré : « Nous continuerons,
Professeur. » C’était la première fois.
« Pourquoi Samuel Paty fut-il tué ?
s’était interrogé Emmanuel Macron
dans un vibrant hommage au
professeur égorgé. Pourquoi ? (…) Parce
qu’il incarnait la République qui renaît,
la liberté qui se transmet et se perpétue à
l’école. (…) Eux (les islamistes) séparent
les fidèles et les mécréants, lui
ne connaissait que des citoyens ; eux
se repaissent dans l’ignorance, lui croyait
au savoir ; eux cultivent la haine de
l’autre, lui voulait sans cesse en voir
le visage. » Samuel Paty était devenu
« le visage de la République, de notre
volonté de briser les terroristes,
de réduire les islamistes, de vivre comme
Mais à ce visage, aujourd’hui, il faut
en ajouter un autre, le deuxième, celui
de Dominique Bernard, professeur
de lettres poignardé par un ancien élève
devant son lycée, à Arras. Et
de ce nouveau martyr de l’école, il faut
pareillement célébrer la passion, la
générosité, l’engagement, ce combat
contre l’ignorance dont il s’inquiétait,
précisément, quelques minutes
avant sa mort.
Jaurès, Camus et bien d’autres
encore… Nul doute que les grands
hommes pleurent depuis leur dernière
demeure l’affaissement de l’école, cible
privilégiée de la barbarie islamiste. Mais
on plaint la plume du président, ou bien
celle du ministre, qui, face à la terrible
répétition des événements, à cet
impensable recommencement, aurait
bien du mal à invoquer, comme un
disque rayé, le panthéon de l’éducation
(on note d’ailleurs que le président, une
fois n’est pas coutume, s’est abstenu de
discours) : si la première défaite est une
crucifixion qui contient aussi un appel,
une exhortation à la mobilisation ;
la deuxième, elle, a des airs de débâcle,
de faillite, qu’habite un tout autre
tragique - le sentiment de déréliction.
On aimerait écouter les belles
recommandations de Jaurès : « Vous
tenez en vos mains l’intelligence et l’âme
des enfants. (…) Les enfants qui vous sont
confiés n’auront pas seulement à écrire et
à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne
au coin d’une rue, à faire une addition et
une multiplication. Ils sont Français
et ils doivent connaître la France, sa
géographie et son histoire : son corps et
son âme. (…) Enfin ils seront hommes, et
il faut qu’ils aient une idée de l’homme. »
Mais c’est le cri de Mickaëlle Paty qu’on
entend : « Si la mort de mon frère avait
servi à quelque chose, Dominique
Aux sénateurs, la sœur de Samuel Paty a
rappelé cette semaine - mais qui
l’ignore vraiment, désormais ? - les
coupables complaisances de l’Éducation
nationale vis-à-vis de l’islam radical et
de la laïcité « ouverte » , les ravages du
« pas-de-vaguisme » et les
innombrables reculs face à l’entrisme
islamiste. On cherche en effet en vain,
dans le tout dernier documentaire,
Le Collège de Monsieur Paty, qui raconte
avec délicatesse la quête de vérité et le
travail de reconstruction des
professeurs et des élèves après la
tragédie, la trace du soutien de la
hiérarchie… La lâcheté institutionnelle
est en réalité un secret si mal gardé qu’il
s’est déjà imposé comme un thème
de cinéma : dans Un métier sérieux,
Thomas Lilti mettait déjà en scène, à la
rentrée, un « prof » débutant en proie à
la violence d’élèves, quasi abandonné
par des autorités évanescentes.
On ne peut que constater, accablé,
combien le lien entre la liberté,
la démocratie et l’école, si évident
à ses ennemis, semble encore nous
échapper… De malheureux portiques ne
suffiront évidemment pas à le sauver.
Notre « volonté de briser les
terroristes, de réduire les islamistes,
de vivre comme une communauté
de citoyens libres » a aujourd’hui deux
visages. Cela devrait nous obliger.
Littérature et liberté
Les Occidentaux, soulignait
l’historien Georges Bensoussan, ne sont
plus armés contre la violence,
« incapables d’entendre cette économie
de la haine », et encore moins
de la penser, trop occupés qu’ils sont
désormais à poursuivre l’idéal
hédoniste individualiste qui nous rend
si vulnérables. À Arras, l’émouvant
adieu à Dominique Bernard a montré, à
de ses proches, combien les lettres
et la culture constituent une voie
d’humanité, une école de la pensée,
de l’attention, de la relation
- et finalement un embellissement
contagieux de l’être tout entier. Plus : il
a mis en lumière une vision de la liberté,
qui tend à s’effacer : celle qui
ne s’acquiert pas, comme le voudrait
le matérialisme, à l’extérieur, à travers
le développement de nouvelles formes
d’« augmentations » de nous-mêmes,
la conquête de nouveaux droits,
ou la quête de nouveaux bien-être
aujourd’hui menacés par le fracas
du monde, mais préexiste de manière
inconditionnelle, dans cette vision
unique de la personne qu’a nourrie
la chrétienté. Le cardinal Jean-Marie
Lustiger, issu d’une famille juive,
constatait, au sortir de la Seconde
Guerre mondiale combien le tragique
avait mis fin à « l’illusion rationaliste »
selon laquelle l’avènement de l’ère
scientifique pourrait éliminer le mal
dans le monde. Comment assumer
le tragique ? « J’attends tout de l’homme,
écrivait-il, mais rien ne m’étonne
de l’homme. »
Arlésienne et alibi
Rarement le consensus aura été si
grand. Les sondages montrent les uns
après les autres combien la maîtrise de
l’immigration est prioritaire aux yeux
des Français - de tous bords. L’actualité
ne fait qu’en souligner l’urgence.
Pourtant, il est loin d’être certain
que le texte qu’on nous promet depuis
un an et demi parvienne bientôt à
l’Assemblée, et encore moins qu’il soit
clairement rédigé. Peut-être même
votera-t-on auparavant, avec
beaucoup moins d’hésitations,
de précautions, de circonvolutions
l’instauration de l’euthanasie.

ANALYSE VOX
Martin Bernier
mbernier@lefigaro.fr
Pierre ou Jean-Jacques : la gauche ...Climat
doit choisir son Goldman « L’effondrisme paralyse
toute action politique »,
ans le box des accusés, que beaucoup le sépare de Pierre, aura compris qu’à l'extrême gauche, un entretien avec Jacques

D
Pierre Goldman enrage :
« Je suis innocent »,
« la police est raciste ».
« Toute la police »,
précise-t-il en
s’égosillant. « Vous êtes un insoumis »,
lui dit-on en instruisant son procès.
Le cadre est posé, le curseur placé :
à la cour d’appel d’Amiens, c’est bien
à un militant d’extrême gauche que
l’on a affaire. L’insoumission, pour lui,
a commencé par un refus de remplir
ses obligations militaires, le jeune
homme préférant fuir en Pologne
que de se rendre à la caserne.
Pourtant, en regardant le film de Cédric
Kahn sorti en salle fin septembre,
son révolutionnaire de demi-frère.
Et à l’heure où la gauche française
se déchire sur fond de guerre entre
le Hamas et Israël, les convictions
des deux hommes donnent à voir deux
manières d’être de gauche, deux façons
de concevoir le rapport aux institutions,
à l’intégration, et aux révolutions
d’ailleurs. Pour savoir s’ils doivent
rester dans la Nupes, Fabien Roussel
et Olivier Faure ne devraient-ils pas
se demander, d’abord, quel Goldman
ils préfèrent ?
L’Insoumis, on l’aura compris,
c’est Pierre. À l’époque, l’insoumission
a un sens, un objet : on refuse
de se soumettre à quelque chose. D’abord
la fascination pour la lutte armée ne date
pas d’hier, et tant pis si l’on a troqué Lecomte, auteur de « Rien
le marxisme pour l’islamisme. De Gaza
à Cuba, la constance de la gauche n’est joué. La science
révolutionnaire se trouve aussi dans son
rapport aux minorités : on les exacerbe, contre les théories
et on appuie sur les différences pour
déstabiliser l’ordre établi. Chez Pierre de l’effondrement »
Goldman, c’est clair : il revendique
sa « haine absolue de l’intégration » ;
il s’entoure d’Antillais et de Noirs
américains, avec qui il se sent appartenir Les rencontres
du FIGARO
aux minorités en tant que juif.
Autant dire que l’on est à mille lieues
de celui qui chante « je te donne toutes
mes différences ». Jean-Jacques, lui, croit
au modèle d’intégration républicain ;
FABIEN CLAIREFOND

difficile de ne pas songer à la formation
de Jean-Luc Mélenchon.
Parmi l’audience, le réalisateur se sera
suffisamment arrêté sur la figure
du jeune Jean-Jacques, du haut
de ses 16 ans, pour rappeler que le futur
chanteur à succès était aussi le demi-
frère de l’homme accusé d’un double
meurtre. Et cela tombe bien : la rentrée
nous donne une occasion de replonger
dans la vie de JJG, alors que l’historien
Ivan Jablonka publie au Seuil
sa biographie, Goldman. L’essai retrace
sa jeunesse de rocker, s’attarde
sur le procès de son demi-frère, peint
son époque et son public, mais il esquisse
aussi les idées de celui qui s’est
longtemps dit « politiquement musicien ».
La vie de Jean-Jacques Goldman
n’est pas dépourvue d’indices
permettant de le situer dans
un hémicycle ; et l’historien de faire
de lui un héraut de la deuxième gauche.
Modéré, réformiste, libéral un peu,
rocardien en somme. Autant dire
au service militaire, puis à la guerre
d’Algérie. Pierre Goldman comptera
d’ailleurs parmi ses soutiens
– Simone Signoret, Jean-Paul Sartre,
Vercors – nombre de signataires
de la « Déclaration sur le droit
à l’insoumission dans la guerre
d’Algérie » ou Manifeste des 121,
de 1960. Lui-même envisage d’exécuter
des sympathisants de l’OAS avant
d’abandonner l’idée. L’action violente
ne lui fait pas peur et, surtout,
les insurrections lointaines le fascinent.
En 1967 il se rend à La Havane, où Fidel
Castro enjoint les révolutionnaires
d’Amérique latine- de répondre
à l’appel de Che Guevara de créer
« deux, trois… de nombreux Vietnam ».
Cela ne laisse pas insensible le jeune
Pierre, qui gagne les maquis
du Venezuela ; pendant un an il écume
les montagnes avant de regagner Paris.
Quiconque songe aux propos
de Danièle Obono mardi, qualifiant le
Hamas de « mouvement de résistance »,
il s’enrôle dans l’armée sans broncher,
affirme que « c’est un privilège de pouvoir
voter » et fait même ses classes dans
le scoutisme, comme louveteau aux
Éclaireurs laïcs. Sa pensée politique,
il le chantonne, est toute nuancée,
« entre gris clair et gris foncé » ; « largués,
les idoles et grands timoniers/ Les slogans
JÉRÔME FOURQUET
qu’on hurle à pleins poumons/ ET JEAN-PIERRE LE GOFF
Sans l’ombre, l’ombre d’une hésitation », le lundi 20 novembre à 20 h,
nous dit-il comme un pied de nez Salle Gaveau.
aux professionnels de la révolution.
Sa gauche à lui, c’est celle des gens
Tarif : 25 €.
ordinaires, d’une défense du « peuple Réservations : 01 70 37 18 18
des petits » dans la veine orwellienne, ou www.lefigaro.fr/rencontres.
comme l’écrit Ivan Jablonka. Seulement,
cette gauche modérée se fait plus rare, et
l’historien remarquait dans un entretien
au Figaro que Jean-Jacques Goldman
a disparu de la vie publique en même
temps que Lionel Jospin. Alors qui,
de Pierre ou de Jean-Jacques, la gauche
Ce soir à 20h sur le site
préférera-t-elle demain ? Rien n’assure du Figaro, présenté
qu’elle choisira la personnalité la plus par Guyonne de Montjou
populaire auprès des Français.

Dassault Médias SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions Anne Huet-Wuillème (Édition, Directeur artistique FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy FR

(actionnaire à plus de 95 %)
14, boulevard Haussmann
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 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO

20
Maïté Sélignan
mselignan@lefigaro.fr

uteur de plus de 40 ouvrages, ancien

A professeur d’histoire, Dimitri Casali

est aussi le concepteur d’Historock,
des spectacles musicaux autour de
l’histoire destinés aux enfants. Il pu-
blie Ces statues que l’on abat ! (Plon).
L’historien
s’inquiète du
LE FIGARO. - Colbert, Voltaire, Napoléon,
Schœlcher, Faidherbe… La dégradation de statues

mouvement woke
de personnalités historiques est devenue fréquente

RENCONTRE
dans notre pays. Pourquoi, selon vous ? « Aux Sables-d’Olonne,
Dimitri CASALI. - Chaque mois, en France, des le maire et la population
statues sont dégradées. Aux États-Unis, plus de qui s’attaque aux ont réussi à sauver
la statue de saint Michel.
cent statues ont déjà été déboulonnées :
Washington, Jefferson, Lincoln… Or, tout ce qui héros français et C’est un beau bras

ADRIEN GUILLOTEAU/LE FIGARO

d’honneur à la Fédération
se passe aux États-Unis arrive en France deux ou
trois ans plus tard. Nous sommes donc contami- appelle à davantage de la libre pensée, ces
laïcards qui soutiennent
nés par les problèmes américains, par la « cancel
culture » et le wokisme, dont le but est de défen- de mobilisation par ailleurs le burkini,
l’abaya, le voile à l’école…
dre certaines minorités raciales. Pourtant, on ne
pour la défense de
Heureusement que
peut pas plaquer l’histoire américaine sur l’his- d’irréductibles Gaulois
toire de France. Quand, en 1965, les États-Unis
notre patrimoine.
se sont mobilisés ! »
accordent des droits civiques à la minorité noire
américaine, cela fait belle lurette que, chez nous,

Dimitri Casali :
les Noirs ont des droits civiques sur notre territoi-
re. Le premier maire de Paris, en 1879, était noir.
Blaise Diagne a été député dès 1914, alors qu’il
faut attendre 1966 pour voir un sénateur noir aux
États-Unis. Et nous avons eu un ministre noir en

« Protéger nos statues est

1931 alors qu’aux États-Unis, ce n’est pas arrivé
avant les années 2000, idem en Angleterre ! Nous
n’avons donc pas de leçon d’antiracisme à rece-
voir en France. Regardez le nombre de lycées, de
stations de RER qui sont baptisées Rosa Parks. Le

une mission de salut public »

lycée Colbert de Thionville a été débaptisé pour
s’appeler Rosa Parks. Le symbole est troublant !
Pourtant, la France n’a jamais pratiqué l’apar-
theid. L’universalisme, l’esprit des Lumières, la
première Déclaration des droits de l’homme, la
laïcité : tout ça, c’est la France qui l’a inventée. Il
faut se battre pour tous ces principes, car c’est
notre culture et notre civilisation.
La France résiste-t-elle mieux à ce mouvement
que les États-Unis ?
Oui ! Quand les populations locales s’unissent
pour lutter contre la disparition d’une statue, el-
les y parviennent ! À Rouen, le maire a été
contraint de faire un référendum sur le devenir de
la statue de Napoléon et 70 % des habitants ont
demandé à ce qu’elle reste sur la place de l’hôtel
de ville. Aux Sables-d’Olonne, le maire et la po-
pulation ont réussi à sauver la statue de saint Mi-
chel. C’est un beau bras d’honneur à la Fédération
de la libre pensée, ces laïcards qui soutiennent,
par ailleurs, le burkini, l’abaya, le voile à l’école…
Heureusement que d’irréductibles Gaulois se sont
mobilisés ! Mais, à Bordeaux, la statue de Gambet-
ta, le fondateur de la IIIe République, a disparu.
L’adjoint au maire de la ville avait même dit dans
vos colonnes : « Est-ce qu’on vit encore au temps
des statues, des statues d’hommes en plus ? » Le
vrai danger, c’est l’oubli, la méconnaissance de
l’histoire de ces statues. Dans chaque ville de
France, elles assurent la continuité historique de
notre pays.
Pourquoi est-ce uniquement l’histoire européenne
ou américaine qui est visée ?
C’est le cœur du problème. L’histoire est devenue
manichéenne : noire ou blanche. Les Européens sont
les oppresseurs, les victimes sont africaines ou amé-
rindiennes. Mais c’est une fausse histoire. La traite
négrière a commencé surtout avec la traite arabo-
musulmane, bien avant l’arrivée des Européens sur
le continent africain : 17 millions d’esclaves ! Le der-
nier rapport du Département d’État américain fait
état de 50 millions de travailleurs forcés, à l’heure
actuelle, de la Mauritanie au Pakistan. Occupons-
nous des esclaves d’aujourd’hui !
Est-ce que le mouvement woke
peut changer l’historiographie ? Le point de vue
des historiens français va-t-il changer ?
Il y a un hold-up réalisé par des groupes commu-
nautaires, au nom de leur propre mémoire, qui
instrumentalisent notre histoire à leur avantage.
Certains historiens eux-mêmes y participent, en
absorbant ce sujet douloureux et en le déformant
totalement ! Le monde universitaire français est
déjà contaminé. Sciences Po Grenoble, Paris-7,
Paris-8, Le Mirail à Toulouse… Il conviendrait de
leur rappeler qu’il faut toujours replacer les évé-
nements politiques et les personnages dans le
contexte de l’époque. Washington, Jefferson et
même Lincoln, qui a aboli l’esclavage, ont détenu
des esclaves : mais à l’époque, c’était la norme !
L’histoire est tragique par définition. Or ces gens
sont à la recherche d’une pureté illusoire. Chaque
personnage historique a une face sombre. Prenez

NOS SOLUTIONS
Gandhi par exemple : on a découvert que c’était
un prédateur sexuel et qu’il s’était montré raciste
envers les Noirs. Ses statues ont d’ailleurs été dé-
boulonnées en Afrique du Sud.

POUR VOTRE
Pourquoi n’accepte-t-on plus
la nuance ou l’ambivalence de l’histoire ?
Aujourd’hui, on n’enseigne plus la complexité de
l’histoire. Avec les réseaux sociaux, les médias,

SANTÉ
nous sommes dans l’ère de la relativité. Tout se
vaut. On a du mal à expliquer certaines choses car
certains étudiants n’ont plus les bases pour saisir
les nuances. Or, c’est cette complexité qui rend
l’histoire passionnante.

Quel remède à cela ?

Il faut davantage d’éducation, de transmission de

« Le dernier
rapport
l’histoire. Avant, l’enseignement de l’histoire
formait à la citoyenneté. Mais les programmes
scolaires se sont dégradés. Que ce soit sous des
du Département gouvernements de droite ou de gauche, l’ensei-
d’État américain gnement de l’histoire a été sacrifié. C’est tragi-
que.
fait état
de 50 millions Ces dégradations de statues sont nées

Conseil de travailleurs de l’ignorance de l’histoire par les jeunes

générations, selon vous. Que préconisez-vous ?
forcés, à l’heure Nous avons réussi à intégrer tous les grands immi-
actuelle, grés grâce à la puissance de notre culture et de no-
Bien-être de la Mauritanie tre histoire. Le plus grand de tous, Romain Gary,
disait : « Je n’ai pas une goutte de sang français
au Pakistan. mais la France coule dans mes veines. » Avant
Occupons-nous même d’arriver sur le sol français, il se sentait to-
Expertise des esclaves talement intégré parce qu’on lui avait transmis
d’aujourd’hui !
DIMITRI CASALI
» notre grande culture. Comme Beckett ou Kunde-
ra, qui écrivaient en français. L’enseignement de
l’histoire peut résoudre ce problème. Aujour-
d’hui, on a honte de notre histoire. Or les jeunes
ne demandent que ça : être fiers de la grandeur et
de la richesse de la France. Mais on le leur refuse,
sous prétexte qu’on les vexe, ou pire, qu’ils n’en
sont pas capables. On les laisse dans l’ignorance.

Vous décrivez le « en même temps »

du président de la République sur ce thème.
Quelles mesures prendre ?
Le 14 juin 2020, Emmanuel Macron déclare : « On
ne déboulonnera aucune statue » et, quelques jours
OCTOBRE après, la statue de Colbert située devant l’Assem-
NOVEMBRE blée nationale est taguée. Pourtant il y a toujours

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DÉCEMBRE VOTRE NOUVEAU FIGARO SANTÉ MAGAZINE des forces de l’ordre à cet endroit. Pourquoi ne pas
2023 EN VENTE ACTUELLEMENT empêcher ces dégradations ? Pourquoi ne pas
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statue de Joséphine de Beauharnais ? Il faut que
A

Macron tienne parole. La défense de notre histoire

est une mission de salut public. ■
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO - N° 24 622 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

> FOCUS
lefigaro.fr/economie IMPÔT :
LA FAMILLE
MAL PRISE
DETTE NETFLIX EN COMPTE
LA FRANCE SUR LE GRIL LA PLATEFORME VIDÉO Les dispositifs fiscaux mis en place
DES AGENCES ORGANISE DES COMPÉTITIONS pour tenir compte de la situation fa-
miliale représentent des « enjeux fi-
DE NOTATION PAGE 22 SPORTIVES PAGE 28 nanciers considérables, presque
28 milliards d’euros » de manque à
gagner pour les caisses de l’État en
2021 (soit plus de 1 % du PIB), selon

Industrie : l’Europe
un rapport publié ce jeudi par la Cour
des comptes. L’institution a enquêté
sur la manière dont les règles fiscales
prennent en compte la situation fa-

s’arme face à la Chine

miliale (couple, enfants, etc.). Depuis
la suppression de la taxe d’habitation,
l’impôt sur le revenu concentre la
majorité des modulations fiscales
liées à la famille.
Or ces dispositifs empilés au fil du
temps génèrent une « complexité
des règles fiscales source de difficul-
tés en gestion » pour les contribua-
bles, estime la Cour. Des difficultés
qui engendrent probablement un
phénomène de non-recours. En
outre, la Cour des comptes doute des
CFOTO/NURPHOTO VIA AFP, GILLES BADER, NETFLIX

effets redistributifs de ces règles fis-

cales, qu’elle préconise d’ailleurs de
mieux mesurer. En ligne de mire, le
quotient familial qui « favorise les fa-
milles les plus aisées » et « atténue
la redistribution opérée par la pro-
gressivité de l’impôt même si l’avan-
tage qui en résulte est plafonné »,
affirment les magistrats financiers.
Pourtant, le quotient familial a été
fortement rogné durant le quinquen-
nat Hollande - au point que la mesure
est jugée en partie responsable de la
baisse actuelle de la natalité.
Voiture électrique, acier, éoliennes : la Commission multiplie enquêtes La Cour souligne aussi l’effet néfaste
de l’imposition conjointe des couples
et mesures pour contrer les subventions massives de Pékin. PAGES 24 ET 25 mariés et pacsés, qui désavantage le
conjoint dont les revenus sont les
plus faibles. À l’international, notent

La SNCF teste le paiement des trajets à l’usage
Une appli sur le mobile, un paie-
ment à l’usage des trajets en TER
facturé à la fin du mois… La région
Nouvelle-Aquitaine est la pre-
mière à déployer un nouveau
mode de paiement dans les trains
express régionaux accessibles sans
réservation.
Baptisé JustGo, ce service a été
lancé après une première phase
expérimentale en 2021, qui avait
compté « 3 500 inscrits et 95 %
d’utilisateurs satisfaits » s’enor-
gueillit SNCF Voyageurs.
Cette solution de paiement, déve-
loppée par SNCF Connect & Tech
pour le compte de SNCF Voya-
geurs, fonctionne sur l’application
mobile de la SNCF. Elle réclame
d’avoir un compte client SNCF
Connect, un numéro de téléphone
mobile, une carte bancaire enre-
gistrée et d’activer la géolocalisa-
tion lors de son voyage. Au lieu de
faire la queue pour prendre un
billet, les usagers peuvent cliquer
sur ce service JustGo, disponible
sur la page «billets » de l’applica-
tion SNCF Connect, avant de mon-
ter dans le train. À l’arrivée, le
voyageur doit « arrêter » le trajet
sur l’appli ce qui permet de factu-
rer le service.
« L’application détecte le trajet réa-
lisé et facture en fin de mois le voya-
geur, en lui garantissant le meilleur
tarif possible selon sa consommation
réelle », indique SNCF Voyageurs.
« L’appli s’adresse à des gens qui ont
un usage semi-fréquent des TER qui
se développe de plus en plus avec les
télétravailleurs pour qui les abonne-
ments mensuels ne sont pas adap-
tés », explique Anne Pruvot, direc-
trice générale de SNCF Connect
& Tech.
La solution est prête à être lancée
dans toutes les régions et agglomé-
rations qui le souhaitent, assure
SNCF Voyageurs. « Des contacts
seront pris dans les prochains mois
avec les autres régions organisatri-
ces de TER pour leur proposer de fai-
re bénéficier ce service aux voya-
geurs de leur territoire », précise la
SNCF. V. C. (AVEC AFP)
les auteurs, « le système français du
quotient familial fait figure d’excep-
tion ». Cette singularité est à contre-
courant de la tendance repérée dans
les autres pays européens qui va plu-
tôt vers une individualisation de l’im-
pôt « sans exclure la reconnaissance
d’une forme de solidarité au sein des
foyers ou en tenant compte des
charges de parentalité par des mé-
canismes plus directs comme l’abat-
tement, la réduction d’impôt, le crédit
d’impôt ou la modulation du barème
de l’impôt », conclut le rapport.
J. R. P.

le PLUS du L'HISTOIRE Hausse de la « taxe

FIGARO ÉCO
La sécurité et la formation inquiètent soda » pour mieux
SANTÉ
Le remède des géants les patrons marseillais lutter contre l’obésité
des cliniques privées e Stade-Vélodrome est le lieu du territoire est la raison d’être de ce club qui

L
Alors que l’obésité et le boissons contenant plus de
au fléau des déserts tendance à Marseille. Après le pape, affiche 120 milliards de chiffre d’affaires cumulé surpoids sont des facteurs de 5 grammes de sucre pour
médicaux PAGE 26 c’est le Medef local qui y a tenu et 500 000 salariés. Avec deux grosses risque pour la santé (diabète, 100 ml, et la consommation
jeudi la 23e édition de priorités : plus de sécurité maladies cardio-vasculaires, de 30 grammes de sucre par
sa grand-messe annuelle. et plus de formation. « Les pillages de juin stéatose hépatique, cancers) ménage par semaine. « L’ob-
LA SÉANCE Plus de 3 000 patrons ou cadres de la région dernier, les règlements de comptes incessants et représentent un coût éco- jectif n’est pas une hausse des
DU JEUDI 19 OCTOBRE 2023 ont assisté à des tables rondes portant renvoient au monde une image de Marseille nomique important pour la coûts pour le consommateur
CAC 40 sur la transformation du territoire par catastrophique. C’est véritablement un frein société, les députés ont mais une reformulation des
6921,37 -0,64% les entreprises. Une thématique large, autour pour attirer les cadres de haut niveau dont adopté jeudi en commission produits par les industriels »,
de mutations profondes et extrêmement on a besoin, notamment dans les secteurs deux amendements dans le défend le député Cyrille
DOW JONES rapides liées aux contraintes en tension liés à la tech, où la compétition projet de loi de financement Isaac-Sibille, à l’origine de
33643,31 -0,06% environnementales, géopolitiques, digitales mondiale est féroce », résume son président, de la Sécurité sociale. cet amendement.
qui percutent le modèle occidental. Experts, Serge Magdeleine. Pour le directeur général Le premier vise à augmenter Dans le même esprit, un se-
ONCE D’OR entrepreneurs et politiques ont abordé du Crédit agricole Alpes-Provence, « Marseille la taxe sur les boissons su- cond amendement vise à
1948,65 (1943,85) crées, dite « taxe soda ». In- créer une taxe sur les sucres
ces problématiques de façon souvent s’impose technologiquement comme
troduite en 2012, réformée en ajoutés dans les produits
convenue. Manquait le poil à gratter l’un des plus grands carrefours de l’internet
PÉTROLE (Brent) 2018, elle a eu peu d’effet, car transformés. Là encore, il est
volontiers européen, jugée trop faible : sur
91,340 (91,420) avéré qu’une consommation
distillé par mais les jeunes, 822 boissons étudiées, elle importante d’aliments ultra-
EUROSTOXX 50 le top 20, qui surtout n’a pas fait varier le contenu transformés est associée à un
4090,06 -0,38% regroupe les étrangers, en sucre pour 90 % des réfé- surrisque d’obésité, de dia-
57 entreprises hésitent à venir rences. Résultat, les Français bète et de cancer. Alors que
FOOTSIE de plus s’installer ici. ont baissé, en moyenne, leur la consommation de ces pro-
7499,53 -1,17% de 100 millions De plus, on consommation de moins duits riches en sucres et en
d’euros de manque d’écoles d’un gramme de sucre par sel ne cesse d’augmenter, la
NASDAQ chiffre d’affaires pour former jour. En revanche, au Royau- nouvelle taxe adoptée par les
14927,76 +0,12% des Bouches- des ingénieurs me-Uni, la taxe soda appli- députés vise à inciter les in-
du-Rhône. sur place ». ■ quée à des taux d’accises plus dustriels à diminuer les
NIKKEI L’attractivité OLIVIER MARTOCQ élevés, a permis de faire chu- quantités de sucres ajoutés
A

31430,62 -1,91% ter de 40 % la proportion des dans leurs produits. M.-C. R.

 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO
22 ÉCONOMIE
Pénalisée par sa dette record, la France
à nouveau sur le gril des agences de notation
L’agence Moody’s ouvre le bal dès ce vendredi soir. Suivront Fitch la semaine prochaine et S&P début décembre.
ANNE DE GUIGNÉ £@adeguigne
POLITIQUE ÉCONOMIQUE Déjà le
retour des examens pour la France.
Vendredi en fin de journée, Moo-
dy’s livrera son nouveau verdict
sur la solidité de la dette française.
L’agence de notation attribue ac-
tuellement à Paris la note Aa2,
l’équivalent d’un 18 sur 20, avec
perspective stable. Le contenu du
projet de loi de finances pour 2024
incitera-t-il ses analystes à revoir à
la baisse cette évaluation ? Person-
ne ne prendrait le risque de se pro-
noncer formellement en amont de
la publication.
Le communiqué de Moody’s est
attendu avec d’autant plus de fé-
brilité qu’il pourrait donner le ton
pour la suite des opérations. Les
autres agences rendent en effet à
leur tour leur copie dans les pro-
chaines semaines : Fitch le 27 octo-
bre, puis Standard & Poor’s (S&P),
la plus grande de ces institutions, le
1er décembre. Ces échéances sont
inscrites en capitales dans les
agendas à Bercy : une dégradation
des notations peut jouer sur l’ap-
préciation des investisseurs inter-
nationaux vis-à-vis des obliga-
tions souveraines hexagonales.
Scénario fragilisé
Alors que la France s’apprête à le-
ver en 2024 le montant historique
de 285 milliards d’euros et que les
taux à 10 ans atteignent déjà des
plafonds historiques, c’est un sujet
explosif pour le gouvernement.
Depuis quinze jours, les investis-
seurs, inquiets de l’orientation des
politiques monétaires et de la
conjoncture mondiale, sanction-
nent déjà tous les titres souverains
pour se réfugier sur des actifs de
plus court terme. Les rendements
des obligations à moyen et long
termes ont bondi. Celui de l’OAT
française à 10 ans s’est ainsi stabi-
lisé autour de 3,5 %, un plus haut
depuis la crise financière de 2008.
Le scénario sur lequel le gouver-
nement français a construit son
budget 2024 paraît alors déjà fragi-
lisé. Il repose sur l’hypothèse d’un
taux à 10 ans à 3,4 % à la fin de cet-
te année et sur une charge de la
dette de 52,2 milliards d’euros. Un
choc pérenne de + 1 % (bien supé-
Le moral des chefs d’entreprise se dégrade dans tous les secteurs
THOMAS ENGRAND
£@EngrandThomas
ENTREPRISES Le climat des affai-
res s’assombrit et le moral des
chefs d’entreprise, aussi. L’indi-
cateur qui synthétise l’opinion des
patrons est tombé à 98 en octobre
(- 2 points par rapport à septem-
bre), passant sous sa moyenne de
longue période, fixée à 100, a in-
diqué l’Insee jeudi. Quant à l’indi-
cateur du climat de l’emploi, il se
replie légèrement lui aussi, tout en
restant au-dessus de sa moyenne
de longue période.
Ces chiffres signifient qu’une
majorité de chefs d’entreprise
prévoient une contraction des af-
faires dans les prochains mois.
Pire, ce décrochage n’est plus
l’apanage d’un seul pan du tissu
économique français. Tous les sec-
teurs voient, à des degrés divers,
leurs voyants passer au rouge.
Comme le laissaient présager
les nombreuses faillites, liquida-
tions judiciaires et dépôts de bilan
dans le secteur de l’habillement,
la situation est particulièrement
critique dans le commerce de dé-
tail, l’indicateur perdant 5 points,
à 98. En cause, des prévisions
d’activités futures toujours plus
faibles du fait d’une consomma-
tion qui refuse de donner des si-
A
gnes de redémarrage.
Plus largement, tout le secteur
rieur aux tensions actuelles) par
rapport au scénario de référence
entraînerait une hausse de la charge
de la dette de 2,6 milliards d’euros
supplémentaires la première année,
a prévenu Bercy.
Un pays aux finances exsangues
comme la France a très peu de
marge de manœuvre pour absorber
ces variations sur la charge de la
dette. « Je crois que tout le monde a
maintenant bien compris qu’un vo-
lume de dette sur PIB de 20 %, 60 %
ou 200 %, cela ne voulait strictement
rien dire. Ce qui compte, pour les fi-
nances publiques, c’est le poids que
représente la charge des intérêts »,
expliquait ainsi il y a quelques mois
au Figaro l’économiste Daniel Co-
hen. Une dégradation de la nota-
tion compliquerait encore l’équa-
tion hexagonale si elle se traduisait
par une perte de confiance des in-
vestisseurs dans la capacité de la
France à rétablir ses finances publi-
ques. Ces derniers pourraient alors
des services connaît un recul, le
plaçant tout juste au niveau de sa
moyenne de long terme. De son
côté, l’industrie, pourtant au
cœur du projet économique du
gouvernement, continue sa dé-
gringolade pour atteindre son ni-
veau le plus bas depuis juillet
2020, en pleine crise du Covid.
Dans le bâtiment, l’indicateur
s’assombrit lui aussi, perdant 2
points, à 103.
« Ces chiffres ne nous étonnent
pas du tout », souligne Éric Che-
vée, vice-président de la Confé-
dération des petites et moyennes
entreprises (CPME). Depuis plu-
sieurs mois, le patronat alerte sur
le ralentissement généralisé de
l’économie. Un moyen de calmer
les demandes de plus en plus
pressantes des salariés d’augmen-
tation de salaires. Malgré l’infla-
tion qui ne cesse de faire de la ré-
sistance, des revalorisations
salariales mettraient en difficulté
de nombreuses enseignes, souli-
gne Éric Chevée: « La vraie diffi-
culté actuellement, c’est le rem-
boursement des PGE » (prêts
garantis par l’État versés pendant
le Covid). « Il faut payer l’équiva-
lent de 25 % du chiffre d’affaires
sur quatre ans. C’est monumental.
Ça met à mal la trésorerie », affir-
me-t-il.
Et, selon lui, le plus difficile est à
venir. « Avec la consommation
atone, c’est l’investissement des
L’agence de notation pénaliser Paris en exigeant un
attribue actuellement taux plus élevé, que les autres
à Paris la note Aa2, obligations souveraines. Ce n’est
l’équivalent pour l’instant pas le cas : la dette
d’un 18 sur 20, avec française demeure, relativement
perspective stable.
à ses pairs, une valeur recherchée
MIKE SEGAR/REUTERS
sur les marchés. L’efficacité avec
laquelle Bercy prélève les impôts
explique notamment cette bonne
appréciation.
Pour complexifier un peu plus la
feuille de route de l’Agence France
Trésor, chargée, à Bercy, de la
gestion de la dette, la conjoncture
apporte son lot de nuages noirs. La
double perspective d’un ralentis-
sement de la croissance et d’un
maintien des taux élevés s’annon-
ce potentiellement délétère pour
les finances publiques, en raison
d’une loi mathématique très sim-
ple : si la croissance du produit in-
térieur brut (PIB) devient inférieu-
re aux taux d’intérêt réels, la
charge de la dette augmente da-
vantage que le PIB, au risque de
entreprises qui maintenait la crois-
sance économique. Avec un tel cli-
mat, ce ressort pourrait vite s’arrê-
ter », prévient-il. Un avis partagé
par Charlotte de Montpellier, éco-
nomiste chez ING : « La reprise en
2024 sera lente, plombée par un
fort ralentissement économique
« tablons
Nous mondial et par une politique moné-
taire toujours très restrictive », ex-
plique-t-elle.
sur une
Remontée du chômage
stagnation Les entreprises de taille intermé-
du PIB sur diaire (ETI) n’échappent pas à ce
climat morose. À 80 % (- 8 %), la
le trimestre,
confiance des dirigeants pour
ce qui
l’activité de leur entreprise décro-
porterait che sensiblement par rapport à
la croissance septembre, selon le dernier baro-
mètre Grant Thornton. Ce coup
moyenne d’arrêt est parmi les plus sévères
pour 2023 observés depuis quatre ans, ex-
à 0,8%
CHARLOTTE
» cepté le premier épisode de la cri-
se sanitaire au printemps 2020.
L’optimisme global des dirigeants
DE MONTPELLIER,
ÉCONOMISTE À ING d’ETI est impacté par une
conjonction de facteurs négatifs :
inflation persistante, taux d’inté-
rêt élevés renchérissant le coût
des financements, prix de l’éner-
gie, situation internationale…
« Les facteurs d’inquiétude qui
commençaient à apparaître à la
rentrée se sont confirmés et ont, en
octobre, un fort impact, indique
Robert Dambo, président de Grant
Thornton France. La prudence est
de rigueur, car les conséquences de
provoquer un effet boule de neige
sur la dette. « Avec l’inflation, les
taux d’intérêt réels sont toujours
quasiment nuls et donc inférieurs à
la croissance, rassure toutefois
Stéphanie Villers, conseillère éco-
nomique de PwC France. Nous
restons dans un environnement de
stabilisation de la dette. La Banque
centrale européenne (BCE) a bien
conscience de la contrainte que les
taux d’intérêt font peser sur les det-
tes », assure-t-elle.
Dans une note publiée ce jeudi,
les économistes du Trésor se sont
attaqués aussi à cette question du
risque d’emballement de la dette
sur fond de croisement des cour-
bes de croissance et de taux d’in-
térêt. « Depuis la fin des années
1990, l’écart entre taux d’intérêt et
taux de croissance a baissé pour des
raisons structurelles, jusqu’à deve-
nir négatif durant la dernière dé-
cennie, écrit l’auteur de la note,
Guillaume Claveres. Mesuré avec
la situation géopolitique dans le
monde auront un fort impact.
L’évolution du PLF 2024 sera éga-
lement scrutée avec attention par
les entrepreneurs. »
La parenthèse dorée qui a mar-
qué les deux années nous séparant
de la fin de la crise du Covid sem-
ble donc bel et bien terminée.
Pendant cette période, la France
était parvenue à créer plus de 1,3
million d’emplois, faisant tomber
le chômage à 7,1 %. Un point bas
jamais atteint en quarante ans.
Dans cette situation incertaine,
les chefs d’entreprise se retrou-
vent à devoir gérer des salariés de
plus en plus inquiets. « 83% des
dirigeants interrogés se déclarent
préoccupés par les situations de
fragilité que peuvent connaître les
salariés de leur entreprise », pointe
Malakoff Humanis, dans un baro-
mètre paru jeudi. Parmi eux, 52 %
déclarent connaître des salariés en
situation de fragilité d’origine
professionnelle (épuisement, usu-
re, perte de sens) et 75 % des sala-
riés en situation de fragilité d’ori-
gine personnelle (difficultés
financières, familiales ou psycho-
logiques). Deux notions de plus en
plus imbriquées.
Conscients de ces difficultés,
qui ont un impact sur l’engage-
ment de leurs collaborateurs et la
performance de leurs entreprises,
88 % des dirigeants se disent prêts
à agir. ■
les taux d’emprunt nominaux,
l’écart pourrait redevenir positif
dans certaines économies avancées
dès 2023-2024, compte tenu des
aléas baissiers affectant la crois-
sance et de la forte remontée des
taux. »
Lutter contre les déficits
Dans ce contexte, l’urgence est à la
lutte contre les déficits excessifs,
plaide le Trésor. C’est aussi offi-
ciellement la ligne du gouverne-
ment, même si elle peine à s’incar-
ner en de fortes décisions. À
l’approche de la nouvelle salve
d’évaluations par les agences de
notation, Bruno Le Maire se démè-
ne pour persuader de la volonté de
l’exécutif de réaliser des écono-
mies. Dans le contexte de tension
accrue au Moyen-Orient et d’in-
quiétudes sur les marchés de
l’énergie, il se devait d’abord de
convaincre de la solidité de son
budget 2024, dont la partie recette
a été adoptée après déclenche-
ment de l’article 49.3, mercredi.
D’où des demandes insistantes
auprès des parlementaires ces
derniers jours pour qu’ils trouvent
de nouvelles sources d’économies
ou de recettes.
Dans une interview au Financial
Times, le ministre martelait encore
sa volonté de retrouver rapide-
ment de « saines finances publi-
ques ». « Le système de protection
sociale français tel qu’il est aujour-
d’hui n’est plus soutenable », a-t-il
encore affirmé. Stéphanie Villers
reconnaît ainsi « un effort inédit de
l’exécutif pour expliciter les objec-
tifs du budget 2024, et notamment
la trajectoire de financement de la
transition écologique ».
En avril dernier, un premier
avertissement avait secoué Bercy :
Fitch avait abaissé la note française
d’un cran, sans toutefois provo-
quer de réactions sur les marchés.
La menace avait néanmoins été
prise suffisamment au sérieux
pour que Bruno Le Maire prépare
avec le plus grand soin le rendez-
vous suivant, avec S&P. Les ana-
lystes de l’agence avaient été
abreuvés de notes rassurantes.
Convaincus, ils avaient maintenu
la note de la France. Les équipes de
Moody’s partageront-elles cette
lecture ? Verdict ce vendredi. ■
EN BREF
STELLANTIS POURSUIT
SON RETRAIT DE CHINE
£ Le constructeur automobile
Stellantis a annnoncé jeudi avoir
conclu un accord avec le groupe
chinois Dongfeng pour lui céder
trois usines basées en Chine
détenues par la coentreprise
Dongfeng Peugeot Citroën
Automobile (DPCA).
La transaction est estimée
à 1,71 milliard de yuans
(220 millions d’euros), selon
Bloomberg.
PERNOD-RICARD
OPTIMISTE
£ Malgré une baisse de 2 %
de son chiffre d’affaires
organique au premier trimestre
2023-2024, à 3 milliards d’euros,
pénalisé par un repli attendu
de ses ventes en Chine
et aux États-Unis, le géant
français des spiritueux s’est dit
confiant sur sa capacité à finir
son exercice en croissance.
Il maintient son objectif à moyen
terme d’une croissance interne
« dans le haut d’une fourchette
comprise entre 4 % et 7 % ».
+@ » Et si la taxe foncière était
payée en partie par les
locataires ?
» Hivebrite, la pépite tricolore
méconnue de gestion
de communautés
www.lefigaro.fr/economie

Fiscalité :
ces points de friction
qui ont fait reculer
le gouvernement
Carburant, logement, niches… Sur plusieurs dossiers,
l’exécutif a rectifié le tir face aux pressions.
JULIE RUIZ PEREZ £@julieruizperez
FISCALITÉ Dans la première par-
tie du budget, passée en force
mercredi par le gouvernement,
chacun cherche son chat. Face aux
pressions des lobbys, des fédéra-
tions, des entreprises, des collecti-
vités, des partis, l’exécutif doit
parfois rétropédaler sur certains
sujets.
Dans les dernières heures qui
ont précédé l’arrivée de la premiè-
re ministre à la tribune de l’As-
semblée pour actionner l’article
49.3, de nombreux dossiers « sur
la table » ont ainsi été rangés à la
hâte au fond d’un tiroir. Le bras de
fer le plus spectaculaire ces der-
niers jours, a eu lieu entre la majo-
rité et TotalEnergies. Au premier
acte, les députés Renaissance, dé-
sireux de participer au désendet-
tement de la France, avaient
adopté en commission des finan-
ces la reconduction d’une taxe sur
les profits exceptionnels des pé-
troliers. Une mesure considérée
d’un œil bienveillant par Bercy.
Extrêmement agacé, le patron de
TotalEnergies, Patrick Pouyanné
menace d’arrêter le plafonnement
du litre de carburant à 1,99 euro.
« Si l’État nous ajoute des taxes, on
reconsidérera la mesure. Je suis
convaincu que la bonne méthode,
c’est que TotalEnergies fasse profi-
ter directement le consommateur de
« concernera
ses efforts plutôt que de passer par
des taxes », avait-il prévenu début
octobre. Le gouvernement semble
s’être rendu à cet argumentaire
dans le texte final - celui sur lequel
il a engagé sa responsabilité -. On
n’y trouve plus trace de cette me-
sure qui n’a « effectivement pas été
retenue », indique sobrement Ber-
cy. En revanche, le dispositif vi-
sant à reconduire en 2024 la taxa-
tion des profits exceptionnels
réalisés par les producteurs
d’électricité est bel est bien inscrit
dans le texte et devrait permettre
de rapporter 500 millions d’euros
aux caisses de l’État.
Plus feutrées, mais tout aussi fé-
roces, les négociations autour des
moyens alloués aux chambres de
commerce et d’industrie (CCI) ont
finalement tourné en leur faveur.
Le texte initial prévoyait en effet de
réaliser des économies à leur détri-
ment. Soutenu par plusieurs grou-
pes, l’amendement visant à revenir
sur cette mesure a été retenu dans
le texte final. Cet amendement, il
est amusant de le noter, a été dépo-
sé en séance par le gouvernement
lui-même. Une pratique courante
LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023
ÉCONOMIE 23
Le PTZ
210 villes L’élargissement et la prolongation du prêt à taux zéro (PTZ), qui devait pourtant être supprimé à partir du 1er janvier,
de plus, constitue une victoire pour le secteur du bâtiment. TIBERIUS GRACCHUS/STOCK.ADOBE.COM
notamment qui permet à l’exécutif de garder la du logement concerne la fiscalité meublées de 10 % », souffle un ca-
dans les zones main sur les détails, même quand il sur les locations. Ce sujet avait été dre de la majorité.
où il y a le plus revient sur les dispositions de son le théâtre d’une querelle intestine Ce coût aurait pu être en partie
propre texte. entre les ministères de l’Économie financé par un coup de rabot sur le
de difficultés et du Logement. Dès la rentrée, totémique crédit d’impôt recher-
à se loger. Cela « Bombe sociale » Bruno Le Maire semblait avoir che (CIR), une piste d’économie
représentera Ainsi, parmi les 358 amendements tranché en faveur d’un abaisse- sans cesse remise sur la table. Cer-
retenus par le gouvernement dans le ment de l’abattement fiscal dont tains dispositifs de cette niche fis-
un effort PLF, les deux plus importants sont bénéficient les meublés touristi- cale à 7 milliards sont dans le vi-
pour l’État en fait signés de sa main. Annoncé à ques classés afin de l’aligner sur la seur d’élus de la majorité depuis
de 850 millions la veille du 49.3 par le ministre de fiscalité du reste des locations des mois. Bruno Le Maire, ce mar-
l’Économie, Bruno Le Maire, l’élar- meublées (à 50 % d’abattement). di, avait ouvert la porte à des ajus-
d’euros. C’est gissement et la prolongation du prêt Ce faisant, l’objectif était de rame- tements, une porte aussitôt refer-
la preuve qu’on à taux zéro (PTZ), qui devait pour- ner certains logements, notam- mée par le texte amendé de
a voulu prendre tant être supprimé à partir du ment de type Airbnb, sur le mar- mercredi qui ne prévoit qu’un
1er janvier, constitue une victoire ché de la location longue durée. « rapport » sur le CIR.
le problème à
bras-le-corps
BRUNO LE MAIRE,
»
pour le secteur de bâtiment et cer-
tains partis d’opposition. Face aux
inquiétudes que suscite la « bombe
Début octobre, Patrice Vergriete,
ministre du Logement, voulait al-
ler plus loin en alignant l’ensem-
Le texte adopté mercredi a éga-
lement refermé un chapitre ouvert
par le président lui-même au prin-
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE sociale » du logement, le gouverne- ble des locations (meublées, vides temps. Emmanuel Macron avait
ment a décidé de « prendre le pro- et touristiques) sur un même régi- fustigé les grandes entreprises
blème à bras-le-corps », selon la me fiscal : un abattement à 40 %. ayant recours au rachat d’actions.
formule du ministre, et de s’asseoir Même si certains jusque dans les Après avoir flirté avec l’idée de les
sur l’économie importante - plus de couloirs de Bercy jugeaient l’idée taxer - un amendement MoDem en
1 milliard d’euros - qu’aurait généré plutôt bonne, la pression budgé- ce sens ayant même été voté en
la fin de ce dispositif. taire en a eu raison. « Cela coûte- commission -, le gouvernement a
L’autre décision la plus anxieu- rait très cher d’augmenter l’abat- finalement choisi de définitive-
sement attendue par les acteurs tement sur les locations non ment écarter cette option. ■
À l’heure actuelle, les étudiants
utilisent des outils
de réalitét augmentée
et de réalité virtuelle
comme Nanome pour
approfondir leurs connaissances.
Les étudiants de la Suffolk University utilisent le métavers avec
des outils comme Nanome qui s’appuient sur la réalité virtuelle
pour visualiser les molécules de manière inédite. Cela les aide à
approfondir leurs connaissances en biochimie et à faire progresser
leurs recherches.
Le métavers a déjà un impact.
EN SAVOIR PLUS
META.COM/METAVERSEIMPACT/FR
A
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO

24 L'ÉVÉNEMENT
Face à Pékin, les États-Unis embarquent l’E
Les partenaires transatlantiques étudient des mesures communes pour protéger l’industrie. Certains États mem

ANNE ROVAN £@AnneRovan

CORRESPONDANTE À BRUXELLES

COMMERCE Au moins a-t-on une

certitude au sujet du sommet cru-
cial prévu ce vendredi à Washing-
ton entre les États-Unis et l’Union
européenne. Charles Michel, le pré-
sident du Conseil européen, et Ur-
sula von der Leyen, la présidente de
la Commission, n’ont pas pris le
même avion pour se rendre sur pla-
ce. Pour le reste, les équipes de la
Maison-Blanche et de la Commis-
sion européenne tentaient toujours
jeudi de trouver un accord sur le
point le plus sensible de la rencon-
tre consacrée aux enjeux industriels
et commerciaux : les droits de
douane croisés entre l’UE et les
États-Unis sur l’acier et l’alumi-
nium. Ces barrières douanières sont
un héritage de la guerre commer-
ciale de l’ère Trump, suspendues en
2021 avec l’objectif de trouver une
solution d’ici à fin 2023.
Il y a deux ans, les deux parties
s’étaient engagées à « négocier pour
la première fois un accord mondial
visant à lutter contre l’intensité car-
bone et la surcapacité mondiale » sur
l’acier et l’aluminium, aussi appelé
« GSA ». Toutefois, les discussions
patinent dangereusement. « Le
sommet a été convoqué à une date qui
paraissait compatible avec la conclu-
sion d’un accord. Mais la situation
est compliquée et il n’est pas évident
que l’on ait un dispositif agréé »,
s’inquiétait mercredi soir un diplo-
mate européen.
Il faut dire que les exigences de
Washington sont élevées. Il est de-
mandé aux Européens d’imposer ger sur l’irréversibilité d’un tel ac- Ursula von der Leyen, avec Washington un accord sur les l’attaque du Hamas contre Israël, de souhaite Joe Biden. À un peu plus
des tarifs significatifs aux importa- cord. Washington fait aussi pres- présidente minéraux stratégiques pour la tran- la nécessité d’apporter une aide hu- d’un an de l’élection présidentielle,
tions subventionnées, s’ils ne veu- sion pour « neutraliser » la portée de la Commission sition énergétique (cobalt, graphite, manitaire aux habitants de Gaza et le locataire de la Maison-Blanche
lent pas eux-mêmes se faire réim- de la « taxe carbone aux frontiè- européenne, nickel, etc.). Il permettrait aux so- de l’appel conjoint à libérer tous les veut protéger les emplois des mé-
poser les droits de douane de 2018 res ». Ce « mécanisme d’ajustement et Joe Biden, président ciétés européennes de bénéficier otages retenus par l’organisation tallurgistes de la Pennsylvanie, du
sur l’acier et l’aluminium. L’UE re- carbone aux frontières », de son américain, en mars des subventions accordées par les terroriste qui figureront dans la dé- Wisconsin et de l’Ohio - des États
joindrait un « club mondial de nom officiel, est entré en vigueur le 2022, lors d’une réunion États-Unis dans le cadre de l’Infla- claration commune du sommet, ses clés pour le scrutin - face aux énor-
dans le bureau ovale
l’acier et de l’aluminium », égale- 1er octobre et frappera, à partir de de la Maison-Blanche, tion Reduction Act (IRA), ce plan de enjeux bel et bien économiques et mes surcapacités mondiales.
ment ouvert à d’autres pays tiers, 2026, certains produits (fer, acier, à Washington. soutien à l’industrie américaine de industriels. Ils sont aussi géopoliti- De récentes études donnent la
notamment le Royaume-Uni. Sont aluminium, ciment, engrais, etc.) ALEX WONG/GETTY IMAGES 370 milliards de dollars mis en ques puisque l’acier chinois à bas mesure du problème. Fin septem-
bien sûr visées, les importations de importés en Europe en fonction de VIA AFP œuvre en 2022. prix serait directement visé par les bre, l’OCDE exprimait ainsi « ses
métaux chinois. Pour autant, les leur bilan carbone. À l’inverse, Au-delà du soutien durable à projets de Washington et de graves inquiétudes quant à la dété-
Américains ne veulent pas s’enga- Bruxelles souhaiterait conclure l’Ukraine, de la condamnation de Bruxelles. C’est, en tout cas, ce que rioration des conditions du marché

Voiture électrique, acier,

éoliennes, Bruxelles contre-
attaque au « made in China »
ELSA BEMBARON, VALÉRIE COLLET
ET EMMANUEL EGLOFF
« Oui, l’Europe a été trop naïve vis-
à-vis de la Chine. » De passage à
Paris, le ministre estonien de
l’Économie, Tiit Riisalo, résume
bien la situation. Et déplore que les
Européens, pionniers dans la tech-
nologie photovoltaïque, aient fini
par « subventionner massivement
des panneaux solaires chinois ».
Mais depuis qu’en 2019 la Com-
mission a qualifié la Chine de « ri-
val systémique », elle étoffe son ar-
senal pour protéger son industrie.
Avec un renforcement accéléré ces
dernières semaines.
Mi-septembre, la présidente de la
Commission, Ursula von der
Leyen, a lancé l’offensive sur la
voiture électrique avec l’ouverture
d’une enquête sur les subventions
chinoises.
La Commission affirme avoir
d’ores et déjà « trouvé des preuves
de l’octroi de prêts, de crédits à
l’exportation et de lignes de crédit
fournis par des banques publiques ».
La liste des aides dont auraient bé-
néficié les constructeurs chinois,
au détriment de leurs concurrents
européens, inclut aussi « la fourni-
ture d’une assurance à l’exporta-
tion préférentielle (…), des réduc-
tions et exonérations de l’impôt sur
le revenu, une exonération fiscale
des dividendes, des remises de taxe
à l’importation et à l’exportation,
des exonérations et abattements de
A
des composants » à des tarifs préfé-
rentiels. L’agence Reuters estime
que les subventions publiques di-
rectes de Pékin pour les véhicules
électriques ou hybrides se sont
élevées à 57 milliards de dollars
entre 2016 et 2022.
Au bout de longs mois, l’enquête
pourrait aboutir à une hausse des
droits de douane actuellement
fixés à 10 % pour les véhicules im-
portés de Chine - ils sont de 15 %
BATTERIES. L’UE vient de lancer une enquête sur les subventions chinoises. SIDÉRURGIE. La « taxe carbone aux frontières » devrait frapper l’acier chin
pour les véhicules exportés d’Eu-
rope vers la Chine. D’ici là, des mais aussi Tesla ou Dacia, qui im- ches-du-Rhône, ne redémarrerait de 2026. Surtout, les industriels lui
milliers de voitures chinoises vont portent leurs voitures de Chine, pas comme prévu, à la fin d’un ar- reprochent de s’appliquer aux ma-
continuer de débarquer sur le seront exclues. Limitée à la France, rêt technique. L’arrêt pourrait se tières (acier, aluminium, ciment,
Vieux Continent. la mesure aura un impact très rela- prolonger jusqu’en début d’année hydrogène et engrais azotés) mais
Les importations de véhicules tif. Sauf si d’autres pays d’Europe prochaine. pas aux produits finis. Un four mi-
électriques de Chine représen- dupliquent le dispositif. L’Europe mène régulièrement des cro-onde fabriqué en Chine avec
taient 9 milliards d’euros en 2022, enquêtes sur la pratique des acié- de l’aluminium carboné et peu
contre pratiquement rien quatre Enquête sur la sidérurgie ristes chinois. Cela a été le cas en cher échappera à ce bouclier.
ans plus tôt. En France, les voitu- Sur l’acier, la Commission euro- 2014, 2016 ou 2018. Et elles débou-
res électriques chinoises, et en péenne semble se préparer à agir chent souvent sur des sanctions fi- Champions en sursis
particulier les modèles de MG, comme elle l’a fait avec les véhicu- nancières à l’importation. Le pro- Dans le secteur des renouvelables,
20 % moins chers que leurs les électriques. Bruxelles devrait blème est que les acteurs chinois les acteurs de la filière éolienne
concurrents occidentaux et co- en effet lancer une enquête sur les s’adaptent à ces sanctions. Pékin s’attendaient à un geste fort de
réens, profitent encore du bonus subventions versées par Pékin à finance aujourd’hui largement l’Europe, avec l’ouverture d’une
écologique (de 5 000 et 7 000 son industrie sidérurgique. l’installation d’usines sidérurgi- enquête formelle pour pratiques
euros). L’acier est l’un des produits subis- ques de groupe chinois en Indoné- déloyales par l’Autorité de la
La donne va changer l’année pro- sant le plus la concurrence de pro- sie, leur permettant ainsi de les concurrence à l’encontre des in-
chaine. La France va en effet fixer ducteurs chinois vendant à bas contourner. dustriels chinois. Or, le « paquet
un « score environnemental » à prix. La situation est d’autant plus Le mécanisme d’ajustement car- éolien » qui doit être présenté le
chaque modèle électrique vendu tendue que la demande mondiale bone aux frontières (MACF) qui est 24 octobre par Ursula von der
dans l’Hexagone. Selon sa note - n’est pas très soutenue. La capacité entré, en octobre, en phase de test, Leyen semble éviter l’ouverture
établie en fonction des émissions de production d’acier excédentai- répondra en partie à ces contour- d’un nouveau front avec la Chine.
de CO2 produites lors de sa fabri- re dépasse 600 millions de tonnes nements. Il doit permettre de faire La Commission se contenterait de
cation, celle de ses composants, sa dans le monde, s’alarme Eurofer, payer une taxe en fonction du « surveiller de près les éventuelles
batterie, son transport… -, le véhi- l’association des producteurs contenu carbone des produits. De pratiques commerciales déloyales ».
cule pourra ou non bénéficier du européens. Et cette situation à des quoi pénaliser les aciers chinois Les industriels européens sont ap-
bonus écologique financé par conséquences. La semaine derniè- produit en utilisant largement du pelés à remonter des éléments de
l’État. Le score de chaque véhicule re, ArcelorMittal a annoncé qu’un charbon. Mais cette « taxe carbone preuve. « Il faut soutenir la filière

TVA, ainsi que la fourniture de biens sera connu mi-décembre. Sans des deux hauts-fourneaux de son aux frontières » ne devrait entrer existante européenne pour qu’elle
tels que des matières premières et surprise, les marques chinoises site de Fos-sur-Mer, dans les Bou- dans une phase active qu’à partir ne disparaisse pas sous le coup
 LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023

ÉCONOMIE L'ÉVÉNEMENT 25
25

Europe
mbres doutent.
mondial de l’acier, actuellement ali-
mentée par une surcapacité crois-
sante, un ralentissement de la de-
mande d’acier et des interventions
gouvernementales dans certaines
économies ».
« VDL » jugée
trop atlantiste
Les capacités excédentaires attei-
gnent actuellement 600 millions de
tonnes, soit davantage que la capa-
cité sidérurgique totale des 38 pays
de l’OCDE. L’association européen-
ne des producteurs d’acier, Euro-
fer, a appelé ces derniers jours les
États-Unis et l’UE à aller de l’avant.
Elle plaide pour « un accord interna-
tional liant les partenaires transat-
lantiques partageant une vision
commune tout en restant ouvert à
d’autres pays partageant les mêmes
idées et ayant des politiques et des
mesures commerciales étroitement
alignées ».
Alors que beaucoup à Bruxelles
pointent les positions beaucoup
trop atlantistes de « VDL » et re-
doutent de voir la Commission cé-
Les
En Argentine, la dollarisation électrise
marchés
mondiaux
la campagne présidentielle
sont inondés Le billet vert s’impose de plus en plus dans le quotidien des Argentins
de voitures
chinoises face à la spirale de l’hyperinflation et de l’effondrement du peso.
électriques
moins chères. REPORTAGE
FABIEN PALEM
Leur prix BUENOS AIRES
est maintenu
AMÉRIQUE LATINE À la veille de
artificiellement l’élection présidentielle, ce diman-
bas par des che en Argentine, la « City por-
teña » est devenue le décor de scè-
subventions nes dignes des meilleurs films de
massives »
URSULA VON DER LEYEN,
mafieux. Cette partie du centre-
ville de Buenos Aires, cœur de la
banque et des finances du pays, a
PRÉSIDENTE été le siège d’un coup de filet spec-
DE LA COMMISSION
taculaire, réalisé par le départe-
EUROPÉENNE,
LE 13 SEPTEMBRE ment des délits économiques de la
police fédérale et les inspecteurs de
l’administration fiscale (Afip). Se-
lon les médias locaux, la cible at-
teinte, Nimbus, serait le plus gros
bureau de change clandestin
(« cueva », ou « grotte » en fran-
çais) de la capitale. Recherché, le
capo de Nimbus, surnommé « Le
Croate », est accusé d’avoir opéré

der trop de terrain à Washington,
certains États membres - dont les
trois plus importants, Allemagne,
France et Italie - s’inquiètent de
voir l’Union prendre des décisions
commerciales contestables au plan
juridique. « La mise en place de droit
de douane sur l’acier chinois ne peut
pas être liée à la négociation entre les
États-Unis et l’UE sur la suppression
mutuelle de nos droits. Le mécanisme
d’ajustement carbone aux frontières
ne peut pas être neutralisé. La Com-
mission doit rechercher un arrange-
600
une évasion fiscale massive, via
une agence de voyages alimentée
par l’achat-vente de dollars et
autres monnaies étrangères.
millions Le deal de monnaies se retrouve
actuellement dans le viseur du
de tonnes gouvernement. Le contexte élec-
Surcapacités toral pousse l’appareil d’État à
mondiales montrer ses muscles. Face à une
d’acier spirale sans fin conjuguant très
forte inflation et dégringolade
continue du peso, la monnaie na-
tionale. Le dollar, devenu la prin-
cipale option des épargnants et
Sorti en tête (138 % sur un an en septembre), la valeur du taux de change officiel.
des primaires, seulement devancée par le Liban et Un nouveau record. « Cette corrida
en août, le candidat le Venezuela. (crise) du taux de change prend sa
à la présidentielle C’est dans ce contexte que se dé- source dans les maux profonds du
argentine, Javier Milei roule la campagne présidentielle, pays, nuance Matias Marsicano,
(ici le 12 septembre, qui prend fin dimanche avec le conseiller financier sur le marché
brandissant un billet premier tour de l’élection, à l’issue
boursier. La déclaration de Milei a
de 100 dollars
à son effigie, lors plus incertaine que jamais. Une été la goutte d’eau qui a fait déborder
d’un rassemblement seule chose est sûre, aux yeux de le vase, mais tout le monde cherchait

ment qui soit juridiquement solide et
qui préserve nos instruments de dé-
fense commerciale, leur autonomie,
leur objectivité et leur proportionna-
lité », tranche un diplomate de l’UE.
C’est dans ce contexte que Bruxelles
envisage de lancer, comme elle l’a
fait récemment sur les voitures
électriques, une enquête sur l’acier
chinois qui permettrait d’objectiver
les subventions versées par Pékin à
ce secteur. Avec le risque de faire de
cet instrument un outil au service
des intérêts des États-Unis. ■
57
des investisseurs, gagne du ter-
rain dans le quotidien des Argen-
tins, pour les transactions les plus
banales. Le marché immobilier,
milliards déjà fortement dollarisé pour les
ventes, abandonne peu à peu les
de dollars annonces de locations libellées en
Subventions chinoises pesos. L’acquisition d’une auto-
au véhicule électrique mobile ou même d’une bicyclette
de 2016 à 2022 neuve est régie par l’étalon dollar.
Le hic ? En Argentine, l’accès légal
au billet vert est extrêmement li-
mité, ce qui stimule les marchés
parallèles, aussi illégaux que po-
pulaires.
Talon d’Achille national
Dans la « City porteña », d’innom-
STR/AFP, VCG VIA REUTERS CONNECT, S. SALOM-GOMIS/AFP
à La Plata, en Argentine) l’économiste Pablo Bortz : « Le ga-
espère convaincre gnant de l’élection, quel qu’il soit,
l’électorat avec devra former un gouvernement dont
son programme, le principal objectif sera de freiner
axé sur la dollarisation
totale de l’économie.
l’inflation. » « Il n’existe aucune so-
lution indolore en matière d’emploi,
AP PHOTO/NATACHA de pouvoir d’achat, d’activité éco-
PISARENKO nomique », analyse ce chercheur
du Conicet (le « CNRS » argentin),
professeur dans les universités
UNO et Unsam.
Mauvais payeur
Dans cette bataille, l’ultralibéral
Javier Milei, candidat de La Liber-
tad avanza (« La liberté avance »,
LLA), reste le favori des sondages,
devant Sergio Massa, l’actuel mi-
déjà à dollariser ses actifs. »
Les enquêtes d’opinion montrent
qu’un tiers des Argentins seraient
favorables à la dollarisation. Ils sont
plus de 90 %, parmi les votants d’El
Loco, à soutenir cette mesure, qui
convainc nettement plus chez les
jeunes. Les Argentins n’ayant pas
connu les années 1990, lorsque le
peso était égal à 1 dollar, ni la crise
traumatisante de 2001, semblent
donc plus enclins à s’engager dans
l’aventure de la dollarisation. « Les
conséquences seraient le gel des sa-
laires les plus bas et la perte de la po-
litique monétaire nationale, sans
aucun bénéfice en retour », reprend
Pablo Bortz. Les défenseurs avan-

brables panneaux affichent une in-

nois. ÉOLIENNES. Les industriels européens espéraient une enquête de Bruxelles.
d’une concurrence déloyale », résu-
me Jules Nyssen, président du
syndicat des énergies renouvela-
bles. « Il est encore possible de tra-
vailler sur des critères de contenus
locaux lors de l’appel d’offres pour
l’attribution de parcs éoliens, en im-
posant un pourcentage de compo-
sants fabriqués en Europe », veut
croire Michel Gioria, délégué gé-
néral de France Renouvelables.
L’Europe a encore quelques cham-
pions dans le domaine avec Vestas,
Nordex, Enercon ou encore Sie-
mens Gamesa et GE, les deux der-
niers ayant des usines en France.
Au-delà des opérateurs, toute une
filière est à défendre. Un écosystè-
me fragile face à la machinerie
chinoise. Les fabricants de l’empi-
re du Milieu, comme Goldwin ou
Sany, peuvent proposer aux déve-
loppeurs de parcs éoliens un paie-
ment des matériels deux ans après
la mise en service du parc. Quand
en Europe, il faut payer les machi-
nes pour pouvoir les installer. Ce
décalage de trésorerie vaut de l’or,
surtout en période de forte infla-
tion. Les producteurs chinois
finité de taux de change. Les vitri-
nes reflètent les costards désuets
« deLel’élection,
des employés de bureau, le pas hé-
sitant des groupes de touristes et les
courbes des danseuses de tango. À
10 kilomètres au nord, loin des at-
tractions touristiques de la ville, se
trouve le quartier chinois de Bue-
nos Aires. Dans ce coin de Belgra-
no, on parle encore en monnaie
nationale, quitte à payer les grosses
additions avec des sacs de billets.
Le plus fort d’entre eux, celui de
2 000 pesos, vaut environ 2 dollars.
Les étals de fruits et légumes affi-
chent leurs prix sur de petits car-
tons, actualisés chaque semaine.
Dans les commerces, les vendeurs
font chauffer l’étiqueteuse auto-
matique et la compteuse de billets,
commencent aussi à proposer des un outil aujourd’hui démocratisé.
turbines en location, un autre C’est au beau milieu de ce quartier
moyen de faire baisser les tarifs. résidentiel et chic qu’ont été arrê-
« Il faut éviter que l’éolien subisse le tés trois ressortissants chinois, dé-
même sort que l’industrie du pan- tenteurs d’une somme dépassant
neau photovoltaïque », résume Ju- les 700 000 dollars, littéralement
les Nyssen. En vingt ans, celle-ci a
en effet quasiment disparu du
Vieux Continent, balayée par la
collés au corps, en mode explosif ou
cocaïne.
La dépendance au dollar est le
concurrence asiatique. Aujour- talon d’Achille national. Le pays
d’hui, l’heure est à la reconstruc- concentre la plus grande quantité
tion, mais il est beaucoup plus de cette monnaie en cash, derrière
compliqué de faire revenir une in- les États-Unis, avec 10 % du total
dustrie que de conserver l’exis- des billets verts qui circulent de
tant. L’Europe et notamment la par le monde, selon des estima-
France, ne manque pas de projets tions de la Banque centrale argen-
de giga-factories. Elle dispose en- tine. Il y a des dollars partout. Sous
core de compétences dans le do- le matelas mais aussi hors des
maine, mais là encore, la filière in- murs. Les Argentins sont les
dustrielle attend des prises de Latino-Américains qui accumu-
position forte de l’Europe pour ré- lent la plus grande somme de cette
sister au rouleau compresseur devise dans des comptes à l’étran-
chinois. D’autant que les indus- ger, avec 250 milliards de dollars
triels de l’empire du Milieu ne res- (40 % du PIB), selon Martin Castel-
tent pas inactifs : « La Chine a en- lano, responsable du pôle de Latam
voyé 50 GW de panneaux solaires Research de l’Institut de la finance
dans les ports européens pour assu- internationale (IIF). L’Argentine
rer les soldes et saturer le marché », est actuellement l’une des trois
glisse Michel Gioria. Tous les coups nations au monde à afficher un
sont permis. ■ taux d’inflation à trois chiffres
gagnant
nistre de l’Économie, et Patricia
Bullrich, du clan de l’ancien prési-
dent de centre droit Mauricio Ma-
cri. Sorti en tête des primaires, en
quel qu’il soit, août, cet économiste admirateur
devra de Milton Friedman met le feu aux
former un poudres et espère convaincre
l’électorat avec son programme,
gouvernement axé sur la dollarisation totale de
dont l’économie. Pour la financer, Milei
le principal compte emprunter au moins
20 milliards de dollars. À Wall
objectif sera Street, on murmure déjà que la tâ-
de freiner che ne sera pas aisée, vu la réputa-
l’inflation. tion de mauvais payeur que traîne
Buenos Aires.
Il n’existe Dans une émission de la premiè-
aucune re radio nationale, Milei, que les
solution médias surnomment « El Loco »
(« le fou »), a ainsi défini la monnaie
indolore nationale : « Le peso est la monnaie
en matière émise par le politicien argentin, par
d’emploi, conséquent elle vaut moins qu’un ex-
crément. C’est un déchet qui ne sert
de pouvoir même pas d’engrais. » Le lende-
d’achat, main de ces déclarations, le Dollar
d’activité Blue, le taux de change parallèle le
économique
PABLO BORTZ,
» plus populaire dans le pays, a grim-
pé de 7 % en un jour. La barre sym-
bolique des 1 000 pesos a été dépas-
ÉCONOMISTE,
sée et le Blue affichait alors 188 % de
CHERCHEUR DU CONICET
(LE « CNRS » ARGENTIN),
PROFESSEUR DANS
LES UNIVERSITÉS
UNO ET UNSAM CESSION - FUSION - ACQUISITION - PARTENARIAT
01.49.04.01.82 - annonces@osp.fr
cent qu’il y aurait davantage de
contrôle fiscal, l’évasion étant en-
couragée par la dédollarisation in-
formelle, mais rien n’indique
qu’une chose implique l’autre.
Ceux qui en pâtiraient le plus se-
raient les travailleurs du secteur in-
formel (47 % des travailleurs) et les
salariés. La finance et la construc-
tion pourraient en tirer des bénéfi-
ces, mais ceux-ci pourraient être
de court terme.
L’hyperprésence de la question
monétaire, qui a phagocyté le dé-
bat présidentiel, est-elle un élé-
ment nouveau ? « Absolument pas,
rétorque Ariel Wilkis, chercheur
spécialiste en sociologie et anthro-
pologie financière. Dans toutes les
élections depuis 1989, une année
marquée par l’hyper inflation, le
marché des changes a tenu une pla-
ce importante dans les débats. » Se-
lon Wilkis, « le gouvernement
continuera de mener sa bataille
pour minimiser la chute de la mon-
naie ». « Chaque jour ouvrable
avant l’élection est comme une fina-
le de Coupe du monde. » À ce jeu-
là, pas sûr que les Argentins sor-
tent vainqueurs. ■
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO
26 ENTREPRISES
Le remède des géants des cliniques privées
au fléau des déserts médicaux
Elsan et Ramsay
ouvrent des
centres de santé
pour répondre
aux urgences
et à la demande
de soins courants.
KEREN LENTSCHNER £@Klentschner
SANTÉ C’est la première fois
qu’Amina(1) pousse les portes de
ce centre médical flambant neuf
situé dans le centre-ville de
Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
Bois clair, mobilier épuré, l’at-
mosphère est plutôt accueillante.
Dans la poussette, son fils d’un an
souffre d’une forte fièvre. « Il est
difficile ici de trouver un pédiatre
en urgence », explique la jeune
mère de famille, qui a pris ren-
dez-vous sur Doctolib.
C’est pour répondre aux urgen-
ces et à la demande de soins cou-
rants qu’Elsan, numéro deux fran-
çais de l’hospitalisation privée
(137 cliniques), a ouvert en janvier
dernier ce centre à Saint-Denis, en
concertation avec la mairie de la
ville. Avec une cinquantaine de
généralistes pour 110 000 habi-
tants, Saint-Denis est considéré
comme un désert médical. Cela
faisait plus de trois ans qu’Elsan,
qui possède une clinique située à
Stains (Seine-Saint-Denis), était
sollicité par différentes mairies du
département. « Nous nous sommes
focalisés sur les soins de premier re-
cours afin de répondre aux besoins
et de rester dans une logique de
parcours de soins, avec la possibilité
d’orienter ensuite vers le bon spé-
cialiste, explique Ségolène Perin,
directrice des soins primaires
d’Elsan. À la différence d’une clini-
que, le patient peut venir directe-
ment nous voir sans avoir à passer
par un médecin en ville. » Un
moyen aussi de désengorger les
urgences, souvent prises d’assaut
pour des pathologies du quotidien.
Ce centre, qui compte six profes-
sionnels de santé salariés (deux
généralistes, un pédiatre, un psy-
Nestlé limite ses hausses
de prix pour garder ses clients
Le géant de l’agroalimentaire adapte sa stratégie tarifaire
pour mieux contenir la baisse de ses ventes en volumes.
OLIVIA DÉTROYAT £@Oliviader
AGROALIMENTAIRE Pas plus que
les arbres, les prix ne peuvent
monter jusqu’au ciel. Après bien-
tôt deux ans de flambée des prix
alimentaires, la consommation
mondiale est plus que jamais sous
pression. Leader mondial de l’ali-
mentaire, Nestlé (Kit Kat, Nesca-
fé, Maggi, Purina, Nespresso…)
semble avoir éprouvé les limites
de capacité des consommateurs à
accepter des hausses de prix.
Le chiffre d’affaires du géant
suisse a augmenté de 7,8 % sur les
neuf premiers mois de 2023, à
68,8 milliards de francs suisses
(65,2 milliards d’euros). Une
croissance portée par les hausses
de tarifs (+ 8,4 %) passées sur la
période pour répercuter celle de
ses coûts. Mais sur le troisième
trimestre, cet « effet prix » n’est
plus que de 6,3 %, alors qu’il os-
cillait jusque-là depuis trois tri-
mestres entre 9 % et 10 %.
Jusque-là, Nestlé avait misé sur
A
la force de ses marques pour ré-
percuter dans ses tarifs une gran-
Le centre médical Elsan, chologue, deux sages-femmes), a Fini le modèle classique du petit
à Saint-Denis la spécificité de proposer de la té- cabinet isolé avec un ou deux mé-
(Seine-Saint-Denis) léconsultation avec des spécialis- decins. Face à l’ampleur des be-
a ouvert ses portes tes, en partenariat avec Livi, l’un soins, les poids lourds de l’hospi-
en janvier dernier. des principaux acteurs du secteur. talisation privée se
KEREN LENTSCHNER/
engouffrés dans la brèche. Mais les
LE FIGARO
modèles économiques restent en-
“démontrer
Nous voulons
l’attractivité
core compliqués à trouver.
Pour Elsan, il s’agit d’une nou-
velle activité. Saint-Denis est un
du modèle dans un centre pilote. Face aux sollicita-
désert médical, où il est tions de nombreuses collectivités,
il reste encore à affiner le concept
plus difficile de faire (nombre de médecins, recours à la
”
venir des médecins téléconsultation…). « Nous vou-
SÉGOLÈNE PERIN, DIRECTRICE lons démontrer l’attractivité du
DES SOINS PRIMAIRES D’ELSAN modèle dans un désert médical, où
il est plus difficile de faire venir des
Face à la multiplication des dé- médecins », déclare la dirigeante.
serts médicaux, au vieillissement En parallèle, Elsan ouvre en
de la population et à l’augmenta- centre-ville des centres dédiés à
tion des maladies chroniques, la la médecine générale et à la pré-
demande en soins de proximité vention où les consultations et
n’a jamais été aussi importante. Et examens (électrocardiogramme,
elle ne devrait cesser de progres- bilan sanguin de dépistage du
ser. D’autant que le secteur fait diabète, prise de la tension…)
face aux départs massifs des mé- sont pris en charge par les em-
decins en retraite, et que les jeu- ployeurs. Le premier, l’ex-centre
nes praticiens aspirent de plus en de vaccination d’Air France, qui
plus à être salariés, déchargés des propose vaccination et bilans de
tâches administratives. Maisons santé, est opérationnel depuis un
de santé, centres de santé… ont an à Paris. Le deuxième a ouvert à
ainsi fleuri ces dernières années. Marseille, avant Lyon d’ici la fin
de partie de ses surcoûts. Cela lui a nancier de Nestlé. Mais c’est aussi
permis de préserver sa marge dû au ralentissement de nos haus-
opérationnelle récurrente, restée ses de tarifs, un ralentissement ap-
au-dessus de 17,1 %, et attendue pelé à se poursuivre. »
entre 17 % et 17,5 % pour l’exerci- « L’heure n’est pas aux baisses
ce en cours. Mais la chute de ses significatives et globales de prix,
volumes depuis fin 2022 (- 0,8 % prévient le directeur financier.
sur les neuf premiers mois de Mais nous sommes en train de pas-
2023) l’a incité à lever le pied sur ser d’une situation de tensions sur
l’accélérateur tarifaire. Notam- nos capacités de production à un
ment en Amérique du Nord, où contexte où il faut soutenir la de-
mande. » Alors que les consom- Le géant suisse Nestlé
mateurs privilégient de plus en devrait continuer
“ L’heure n’est pas
aux baisses
plus souvent les produits moins
chers, le groupe espère ainsi
contenir ses baisses de ses ventes
à miser sur la force
de certaines
de ses marques,
significatives en volumes. comme le café. Malgré
des tarifs gonflés
”
et globales de prix Cette modération a porté ses
de 3,5 %, les volumes
FRANÇOIS-XAVIER ROGER, fruits, permettant de limiter cette
DIRECTEUR FINANCIER DE NESTLÉ de Nespresso restent
glissade des volumes à 0,3 % sur en hausse sur un an.
les trois mois de l’été (contre SYSPEO/SIPA
ces hausses ont été limitées à 0,8 % au premier semestre). « Nos
4,7 % sur le troisième trimestre, volumes globaux redeviendront po-
soit un rythme 2,5 fois moins ra- sitifs au quatrième trimestre », as-
pide que celui appliqué au premier sure Mark Schneider, l’adminis-
semestre. trateur délégué du géant suisse.
« Cela est certes dû à un effet de Preuve de l’impact de l’inflation
base car nous avions déjà beaucoup sur les ventes : en Europe, où la
augmenté nos prix à cette même hausse de ses prix est de 10,7 % au
époque il y a un an, souligne Fran- troisième trimestre, les ventes de
çois-Xavier Roger, directeur fi- Nestlé ont reculé de 2 %.
de l’année. Le groupe espère
avoir une dizaine de centres d’ici
à trois ans. « Nous sortons de nos
frontières pour mieux répondre
sont aux besoins et combler les trous
dans le parcours de soins », expli-
que Ségolène Perin.
Même objectif pour Ramsay
Santé, numéro un en France
(175 établissements), qui s’est
également lancé dans cette acti-
vité en s’inspirant de la Suède, où
il opère 130 centres (1 million de
patients enregistrés). « Face à un
système de santé en difficulté, nous
proposons un outil supplémentaire,
renchérit François Demesmay,
directeur médical de Ramsay.
Nous avons choisi d’adapter notre
modèle pour suivre le patient en
dehors de nos murs. Nous voulons
ainsi répondre à une révolution
dans le monde de la santé, qui fut
longtemps très centré sur l’hôpital.
La prise en charge des pathologies
chroniques, en ville ou au domicile
des patients, est le vrai enjeu épi-
démiologique. »
Dans le cadre de l’article 51 de
la loi de financement de la Sécuri-
té sociale de 2018, qui permet des
expérimentations, Ramsay a
ouvert cinq centres, axés sur la
Les limites du « pricing power »
(capacité à passer des hausses de
prix) du géant suisse ont inquiété
les marchés, le titre de Nestlé
achevant sa séance à la Bourse de
Zurich sur un retrait marqué de
3,43 %, à 98,75 francs suisses.
Pour tenter de ménager à la fois
ses clients et ses marges, le groupe
compte désormais se focaliser sur
« des hausses de prix plus sélectives
selon les pays, les produits, et les
marques, explique François-Xa-
vier Roger. Par exemple, sur les
produits riches en cacao, en robus-
ta ou en sucre, dont les prix mon-
diaux continuent d’augmenter. »
Le géant suisse devrait aussi
continuer à miser sur la force de
certaines de ses marques dans des
prévention, dans des déserts mé-
dicaux. Ils se distinguent par le
mode de rémunération : comme
en Suède, les centres - qui sont
déclarés comme médecin traitant
par le patient - perçoivent un for-
fait de l’Assurance-maladie (qui
varie selon le profil du patient).
« Dans un modèle au forfait, les
médecins ont intérêt à travailler
avec le patient sur son patrimoine
santé, en jouant sur la prévention,
plus encore que dans une logique
de paiement à l’acte », explique
François Demesmay. Dès leur
ouverture, ces centres - qui sont
dimensionnés pour 7 000 patients
- sont saturés. Un moyen de tes-
ter d’autres modes d’organisation
(le médecin délègue certaines tâ-
ches à des soignants du centre),
plus efficaces, et la mise en place
d’indicateurs qualité pour évaluer
les services rendus aux patients.
Trois autres centres, classiques,
ont également été ouverts, axés
sur de la médecine générale. Le
groupe vise à terme « plusieurs
dizaines de centres ».
Qu’apportent ces initiatives
aux poids lourds de l’hospitalisa-
tion privée ? Dans un premier
temps, les centres dédiés aux
soins primaires ne rapportent pas
d’argent. Le temps de recruter les
soignants dans des zones qui
manquent d’attractivité. « C’est
un pari à cinq ans, assure François
Demesmay. Si nous faisons bien
notre boulot, les patients seront au
rendez-vous et nous aurons dé-
montré la pertinence du modèle de
financement. » Il parie aussi sur
une augmentation des dotations
publiques au profit de la préven-
tion qui a été érigée comme l’une
des priorités du gouvernement
pour l’avenir. L’objectif de ces
groupes est également de voir une
partie des patients redirigés, en
cas de besoin, vers leurs cliniques
traditionnelles. « En redynamisant
un territoire, nous contribuons
aussi à renforcer l’attractivité de
nos établissements auprès des pa-
tients situés dans les environs »,
indique Ségolène Perin. Enfin,
l’enjeu consiste à faire rayonner
l’image de l’entreprise auprès des
patients. « En étant présents sur
toute la chaîne de soins, nous ren-
forçons le capital confiance de no-
tre groupe », reconnaît François
Demesmay. ■
(1) Le prénom a été changé.
catégories comme la nourriture
animale ou le café pour pousser
encore un peu ses prix. Par exem-
ple sur son pilier Purina Petcare
(Purina, Friskies, Felix…), dont les
ventes en valeur ont bondi de plus
de 13 % depuis janvier. Ou encore
Nespresso, dont les volumes res-
tent en hausse sur un an, malgré
des tarifs gonflés de 3,5 %.
À l’inverse, sur les catégories
laitières, le groupe estime qu’il
pourra faire descendre la pression
sur les étiquettes. En parallèle, il
augmentera ses investissements
marketing et multipliera les pro-
motions. Un mouvement qui
pourrait se généraliser chez les
poids lourds de la grande consom-
mation. ■
 LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023

TECH 27

Le géant Nokia
s’enfonce
dans la crise
Bousculé sur son marché nord-
américain, le groupe finlandais veut
supprimer 14 000 emplois d’ici à 2026.
77 000 employés d’ici à trois ans. Ce
LUCAS MEDIAVILLA £@Lucas_Medv plan fait suite à un précédent, acté
en 2021, qui avait déjà abouti au dé-
TÉLÉCOMS Les opérateurs télé- part de 5 000 salariés. La situation
coms, qui ont multiplié les sup- reste tendue, à entendre le patron
pressions d’effectifs ces derniers du groupe : « Nous avons constaté
mois, avaient donné le ton. L’un de un certain ralentissement dans le
leurs principaux fournisseurs, No- rythme du déploiement de la 5G en
kia, leur emboîte le pas. Le géant Inde, ce qui signifie que la croissance Un ouvrier dans de est considérable, à l’image de les en Amérique du Nord. On vit ac- quiète Pascal Guihéneuf. Une
finlandais a annoncé jeudi une vas- n’y était plus suffisante pour com- une usine Nokia en l’important programme d’écono- tuellement un creux, entre la 5G qui éventualité qui fait tiquer Éric Bo-
te coupe dans ses effectifs, avec un penser le ralentissement en Améri- Hongrie. HMD GLOBAL/ mies annoncé par Nokia », écri- décolle, mais pas encore dans le thorel, député des Côtes-d’Ar-
plan qui pourra aller jusqu’à 14 000 que du Nord », estime Pekka Lund- VIA REUTERS vaient après les résultats les ana- grand public, et la 6G, qui doit mor, où Nokia exploite justement
suppressions d’emplois d’ici à 2026 mark, le PDG de Nokia, cité dans lystes d’Inderes. « Le contexte va émerger mais n’est pas au stade du un site, à Lannion. Ce dernier
au niveau mondial. L’équipemen- un communiqué. être morose jusqu’en 2025 », confie développement commercial », expli- rappelle les engagements pris par
tier, qui accuse une chute de 20 % Concrètement, Nokia souffre du une source interne au Figaro. que Pascal Guihéneuf, secrétaire du le finlandais. « J’ai rappelé à la di-
de ses revenus au troisième trimes- ralentissement des commandes de comité de groupe France et mem- rection que les précédents plans de
tre et de 69 % de ses bénéfices ses clients opérateurs, qui eux-mê- Lourd tribut de la France bre de la CFDT. Le syndicaliste sauvegarde s’étaient accompagnés
(133 millions d’euros), veut réduire mes ont des difficultés à monétiser Quelle sera l’ampleur de cette nou- s’accroche au discours du patron de soutiens financiers de la part de
ses coûts de 800 millions d’euros, à la technologie 5G malgré les coûts velle cure d’austérité en France ? de Nokia, qui a martelé son inten- l’État mais conditionnés à des en-
1,2 milliard d’euros à cet horizon. faramineux pour la déployer. Sous Contactée, la direction s’est refusée tion de sauvegarder les emplois gagements de maintien de l’em-
« Nokia prévoit d’agir rapidement le poids de la flambée de leurs à tout commentaire sur les « im- dans la R&D du groupe. ploi », explique-t-il au Figaro.
sur le programme avec au moins coûts, notamment énergétiques, pacts locaux de cette annonce glo- Selon lui, les suppressions de- « Si l’on peut comprendre la
400 millions d’euros d’économies en ainsi que la hausse des taux d’inté- bale ». Visée par de multiples plans vraient plutôt concerner les fonc- contraction de l’activité en Améri-
cours d’année en 2024 et 300 mil- rêt, ces derniers repoussent méca- de départ depuis le rachat d’Alcatel tions supports et commerciales, que du Nord et l’intensité concur-
lions d’euros supplémentaires en niquement leurs commandes. Et ce Lucent, la filiale compte aujour- déjà passées à la paille de fer dans rentielle dans le secteur, la France
2025 », indique l’entreprise. L’en- sont leurs équipementiers, Nokia et d’hui environ 3 800 salariés, contre l’Hexagone. « Nous risquons tou- a déjà payé un lourd tribut », insis-
treprise, qui emploie 86 000 sala- le suédois Ericsson, qui s’enrhu- un peu plus de 5 000 en 2020. tefois d’avoir quelques centaines de te le député. Bercy doit recevoir
riés actuellement, pourrait rame- ment. « Les yeux sont déjà tournés « Nous nous attendions à ce type suppressions de postes dans les ce vendredi des représentants du
ner ses effectifs entre 72 000 et vers l’année prochaine et l’incertitu- d’annonce vu les alertes commercia- trois prochaines années », s’in- groupe finlandais. ■

Israël : Bruxelles accentue la pression sur les réseaux sociaux

Des enquêtes sont ouvertes sur X, Meta et TikTok alors que leurs services sont inondés d’images violentes.
venir. « Nous avons spécifiquement lourdes amendes pouvant attein- à couper l’accès à X depuis l’Europe illicites en période de crise. En
CHLOÉ WOITIER £@W_Chloe demandé aux plateformes de se dre 6 % de leur chiffre d’affaires. pour se soustraire à ces obligations France, la réunion prévue entre le
préparer au risque de diffusion en C’est en ce nom que la Commis- a agité les esprits, avant que l’en- gouvernement et les plateformes a
RÉGULATION Le conflit entre Is- direct d’exécutions par le Hamas, sion européenne a ouvert ce jeudi trepreneur ne la démente. été décalée à la suite de l’assassinat

6%
raël et le Hamas marque une nou- un risque imminent dont nous de- des procédures contre TikTok et du professeur Dominique Bernard.
velle escalade dans l’utilisation des vons protéger nos citoyens », a in- Meta, après X (ex-Twitter) la se- « Unir nos forces » Le conflit entre Israël et le Hamas
réseaux sociaux comme arme de diqué mercredi le commissaire au maine dernière. Une demande for- Bruxelles a aussi appelé mercredi est un défi pour les modérateurs des
terreur. D’après une enquête du Marché intérieur, Thierry Breton, melle d’informations, dont la ré- les États membres « à unir leurs for- réseaux sociaux. Aux contenus vio-
New York Times, des terroristes au Parlement européen. ponse est attendue d’ici au ces afin de permettre une application lents se mêlent des infox et des
du chiffre ont diffusé le 7 octobre des vidéos Ces événements, auxquels 25 octobre, leur a été adressée pour rapide du DSA ». Ordre est donné images générées par des IA. De son
en direct depuis les comptes Face- s’ajoutent les attentats islamistes à en savoir plus « sur les mesures pri- d’accélérer la nomination des coor- côté, depuis le 8 octobre, Israël dif-
d’affaires book de leurs victimes, au plus Arras et à Bruxelles, sont le pre- ses pour se conformer à leurs obliga- dinateurs nationaux, dont la date fuse sur les réseaux sociaux, mais
Montant de l’amende grand effroi de leurs proches. Ces mier grand test du Digital Services tions » dans le cadre du conflit en- butoir était fixée au 17 février 2024. aussi dans des jeux mobiles comme
à laquelle s’exposent comptes seraient toujours utilisés Act, le règlement européen de sé- tre Israël et le Hamas. Cette requête Ces régulateurs indépendants doi- Candy Crush, des publicités choc
les réseaux sociaux pour émettre des menaces, ou af- curisation de l’espace numérique pourra conduire à l’ouverture vent coopérer avec la Commission visant à interpeller l’opinion publi-
qui ne respectent pas firmer que leurs propriétaires sont entré en vigueur le 25 août. Ce d’une enquête, et à des sanctions. X et lui faire remonter des incidents que. « Le Hamas, une organisation
le Digital Services Act décédés. Le groupe terroriste a dernier oblige les grandes plate- devait, lui, remettre ses réponses ou difficultés avec les réseaux so- terroriste barbare, a tué 1 300 Israé-
européen également sciemment inondé les formes numériques à engager une mercredi. L’a-t-il fait ? Interrogée ciaux. « Nous ne pouvons attendre liens innocents. Le Hamas, c’est
réseaux sociaux d’images des lutte plus sévère contre les conte- par Le Figaro, la Commission n’a cette date pour se parler et travailler Daech », peut-on entendre dans
massacres, qui continuent à se ré- nus illicites, qu’il s’agisse de terro- pas souhaité faire de commentai- de concert », a martelé Thierry Bre- une publicité actuellement diffusée
pandre malgré le rapide bannisse- risme, d’ultra-violence, des ap- res. La rumeur, venue du média ton. Bruxelles appelle aussi les sur YouTube France. ■
ment des comptes créés par le Ha- pels à la haine ou de la Business Insider, selon laquelle son 27 États à harmoniser leurs répon-
mas. Et le pire est sûrement à désinformation, sous peine des propriétaire, Elon Musk, était prêt ses face à la diffusion de contenus + » Lire aussi PAGE 12

LA SÉANCE DU JEUDI 19 OCTOBRE LA VALEUR DU JOUR ebembaron@lefigaro.fr

LE CAC JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12

AIR LIQUIDE ........................... 157,04

AIRBUS ..............................................123,9
-0,18 157,16
-0,66 124,14
155,84
122,4
0,106
0,121
+18,61
+11,6
LVMH ..............................................670,6
MICHELIN ..............................................28,45
+0,43
-1,11
676,3
28,71
660,5
28,34
0,073
0,123
-1,37
+9,49
Accusé d’avoir tardé à sortir de Russie,
ALSTOM ..............................................12,455
ARCELORMITTAL SA ........................... 21,365
AXA .............................................. 27,875
+1,34
+0,56
-1,01
12,465
21,52
27,955
12,075
21,075
27,585
0,52
0,272
0,118
-45,42
-13,06
+6,99
ORANGE ..............................................10,906
PERNOD RICARD ...........................
PUBLICIS GROUPE SA .....................
166,15
74,5
-0,89
+4,76
-0,48
10,976
168,65
75,06
10,856
158
74,1
0,175
0,351
0,132
+17,51
-9,58
+25,38
Technip Energies plonge en Bourse
BNP PARIBAS ACT.A ........................... 56,71 -1,05 57,1 55,77 0,261 +6,5 RENAULT .............................................. 33,425 -7,33 35,1 33,115 1,049 +6,87
BOUYGUES ..............................................31,47 -0,51 31,55 31,08 0,157 +12,23 SAFRAN ..............................................148,46 -0,76 149,28 147,66 0,119 +26,98 Le cours de Technip Energies (TEN) a mise en place des sanctions internatio-
CAPGEMINI ..............................................
164,4 +0,06 166,05 163,9 0,167 +5,42 SAINT GOBAIN ........................... 50,24 -1,93 50,68 50,02 0,299 +10,05
cédé jusqu’à 16 % jeudi en séance nales. Le sujet est d’autant plus sensi-
CARREFOUR ..............................................
15,82 -0,19 15,87 15,655 0,168 +1,15 SANOFI ..............................................98,81 -2,52 99,99 98,09 0,151 +9,98
CREDIT AGRICOLE ...........................11,378 -0,58 11,444 11,284 0,198 +15,74 SCHNEIDER ELECTRIC ..................... 145,74 -0,92 146,94 145,06 0,142 +11,49 après la parution d’un article du Monde. ble que le projet Arctic LNG 2 augmen-
DANONE ..............................................54,08 -0,92 54,37 53,81 0,154 +9,85 SOCIETE GENERALE ........................... 21,395 -1,09 21,565 21,265 0,396 -8,88 Le quotidien y met en cause les prati- te les capacités de liquéfaction de gaz
DASSAULT SYSTEMES ........................... 34,845 -1,3 35,61 34,84 0,115 +4,03 STELLANTIS NV ........................... 18,102 -3,6 18,572 17,974 0,143 +36,41 ques commerciales du groupe en Rus- de la Russie. Or, si les exportations de
EDENRED ..............................................52,56 -2,88 54,12 50,98 0,409 +3,3 STMICROELECTRONICS ..................... 38,935 -2,31 40,04 38,885 0,275 +18 CLÔTURE sie, plus particulièrement dans le chan- gaz par pipeline sont arrêtées du fait
ENGIE .............................................. 14,874
ESSILORLUXOTTICA ........................... 162,14
+1,05 14,888
-0,9 163,74
14,556
161,52
0,171
0,091
+11,1
-4,17
TELEPERFORMANCE ...........................
THALES ..............................................
118,85
138,3
+0,55
-2,3
119,2
141,25
116,7
137,1
0,295
0,108
-46,63
+15,93 DU CAC 40 tier de l’usine Arctic LNG 2. Alors que des sanctions, ce n’est pas le cas de

-0,64%
EUROFINS SCIENT. ...........................47,48 -2,88 48,91 47,46 0,25 -29,2 TOTALENERGIES ...........................63,33 -0,71 63,98 62,33 0,16 +7,98 Technip Energies aurait dû renoncer à celles de GNL par bateau.
HERMES INTL ........................... 1680 -0,36 1692,8 1668,8 0,048 +16,26 UNIBAIL-RODAMCO-WE ..................... 43,83 -1,51 44,58 43,76 0,216 -9,87 un juteux contrat de 7 milliards de dol- TEN, se son côté, assure s’être
KERING ..............................................410,65 +0,29 415,85 404,4 0,111 -13,64 VEOLIA ENVIRON. ........................... 25,72 -0,5 25,87 25,49 0,229 +7,17 lars, il aurait tout mis en œuvre pour « conformé aux sanctions ». « Technip
L'OREAL ..............................................
386,2 +0,81 387,8 378 0,062 +15,77 VINCI .............................................. 100,6 -0,22 100,66 99,53 0,125 +7,84 à 6 921,37 points « faciliter la poursuite du chantier », à Energies a indiqué le 20 octobre 2022
LEGRAND ..............................................83,12 -1,02 83,8 82,94 0,14 +11,09 WORLDLINE ..............................................
24,08 +0,42 24,15 23,29 0,241 -34,08
l’encontre des sanctions mises en pla- que, compte tenu de la taille et de la
ce par les États-Unis et l’Europe. Selon complexité inhérente à un tel projet, le
LES DEVISES MONNAIE 1 EURO=
LʼOR VEILLE 31/12 Le Monde, TEN aurait livré des élé-
ments essentiels du chantier après
processus de sortie serait achevé au
cours du premier semestre 2023. Cet
AUSTRALIE ................................................................................
DOLLAR AUSTRALIEN 1,6718 AUD Cotation quotidienne assurée par Or en Cash
CANADA ................................................................................
DOLLAR CANADIEN 1,4485 CAD https://www.orencash.fr/investissement/ l’entrée en vigueur des sanctions. engagement a été respecté et l’entre-
GDE BRETAGNE ................................................................................
LIVRE STERLING 0,871 GBP Lingot 1KG ................................. 59 455€ +8,45 % Dès le 8 avril 2022, l’Union euro- prise a confirmé sa sortie du projet
HONG KONG ................................................................................
DOLLAR DE HONG KONG 8,2624 HKD Lingot 100g ................................. 5 957,5€ +2,86 %
JAPON ................................................................................
YEN 158,21 JPY Lingot 50g ................................. 2 984,25€ +1,71 %
péenne a interdit les exportations vers ALNG2 le 27 juillet 2023 », rétorque le
SUISSE ................................................................................
FRANC SUISSE 0,947 CHF 1 860,36€
Lingot ONCE (31,10g) ................................. +1,66 % la Russie de produits et de technolo- groupe dans un communiqué paru une
ETATS-UNIS ................................................................................
DOLLAR 1,0558 USD Lingot 10g ................................. 605,75€ +1,3 %
TUNISIE ................................................................................
DINAR TUNISIEN 3,349 TND Lingot 2,5g ................................. 158,36€ -1,64 % gies utilisés dans la liquéfaction de gaz demi-heure avant la clôture des mar-
MAROC ................................................................................
DIHRAM 11,103 MAD 2OFr NAPOLÉON .................................370,12€ +8,22 % naturel. Toute la subtilité de cette opé- chés. Ce qui a permis au titre de se res-
20Fr SUISSE ................................. 366,97€ +8,28 %
TURQUIE ................................................................................
NOUVELLE LIVRE TURQUE 29,5605 TRY
SOUVERAIN ................................. 463,98€ +8,94 % ration tient en l’interprétation du ca- saisir légèrement, pour limiter la baisse
EGYPTE ................................................................................
LIVRE EGYPTIENNE 32,53 EGP
KRUGGERAND ................................. 1 977,49€ +5,92 % lendrier de livraison de matériels im- à 13,75 % euros. L’action a terminé la
A

CHINE ................................................................................
YUAN 7,7233 CNY 50 PESOS ................................. 2 362,14€ +8,31 %
INDE ................................................................................
ROUPIE 87,87 INR 10 DOLLARS ................................. 966,89€ +7,92 % portants (des modules à 450 millions séance à 19,5 euros, un plus bas depuis
ALGERIE ................................................................................
DINAR ALGERIEN 144,98 DZD 20 DOLLARS ................................. 1 932,79€ +8,04 % d’euros) au regard de celui afférant à la six mois. ■
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO

28 MÉDIAS et PUBLICITÉ
Netflix crée sa première compétition de sport
Au lieu d’acheter des championnats
à prix d’or, le géant du streaming
développe ses propres événements.
CAROLINE SALLÉ £@carolinesalle
VIDÉO Une victoire pour Netflix.
Lorsqu’il s’agit de faire la course
aux abonnés, le géant de la vidéo à
la demande par abonnement a déjà
prouvé par le passé qu’il avait de la
ressource. Après un coup de fati-
gue l’an dernier, il a su remettre
du fuel dans son moteur en luttant
contre le partage de comptes,
malgré l’impopularité de la mesu-
re. Au troisième trimestre, la pla-
teforme a recruté près de 9 mil-
lions de nouveaux abonnés. Du
jamais vu depuis trois ans. Fin sep-
tembre, Netflix totalisait 247 mil-
lions d’inscrits payants, un chiffre
en progression de 11 % sur un an.
Avec 8,5 milliards de dollars de re-
venus (+8 %) et un bénéfice net en
hausse de 20 %, à 1,6 milliard de
dollars, le service de streaming a
opéré un véritable « strike » fi-
nancier. Alors que ses concur-
rents, à l’image de Disney, cumu-
lent les pertes dans le streaming,
Netflix affiche à l’inverse une ren-
tabilité insolente. Et il prévoit de
poursuivre sur cette lancée au
quatrième trimestre.
Cette victoire pour Netflix s’est
doublée d’une victoire pour les in-
vestisseurs. Fort de ses bons résul-
velle compétition, la « Netflix
Cup », qui sera diffusée en live le
mardi 14 novembre prochain. Cet
événement inédit, organisé en
marge du premier Grand Prix de
Formule 1 de Las Vegas, verra s’af-
fronter les golfeurs stars de la série
documentaire Full Swing aux pilo-
tes de Formule 1 vedettes de son
autre série documentaire à succès
Drive to survive, lors d’un tournoi
de golf. Concrètement, quatre
équipes composées chacun d’un
pilote de Formule 1 et d’un profes-
sionnel du PGA Tour, joueront un
match en huit trous. Les deux
meilleures équipes se disputeront
le titre de champion de cette pre-
mière « Netflix Cup ».
Diffusion en direct
Ce n’est pas la première fois que La Netflix Cup est tous les ans. YouTube a misé axées sur le sport. Qu’il s’agisse de ce du service dans le secteur, sans
Netflix tentera de diffuser un pro- organisée en marge autour de 2 milliards de dollars par tennis (Break Point), de football l’obliger à se ruiner pour décro-
gramme en direct. La plateforme du Grand Prix de F1 an, dans le cadre d’un accord de américain (Quarterback), de foot cher les droits TV de grands
avait déjà essayé de se roder avec de Las Vegas, sept ans, pour diffuser également (Beckham, Neymar the perfect cha- championnats, comme le font ses
le spectacle de Chris Rock et la le mardi 14 novembre. des matchs de football américain… os, Pelé), de cyclisme (Tour de concurrents. En cas de succès, la
NETFLIX
diffusion en live - finalement an- Fin septembre encore, la platefor- France : au cœur du peloton), de plateforme pourrait multiplier ce
nulée - d’un épisode de l’émission me de streaming Max (ex-HBO boxe (Bienvenue Chez les Fury), de genre d’événements. Ted Saran-
de téléréalité Love is Bling. Mais Max) annonçait le lancement course (Formula 1 : Drive to Survi- dos, le co-PDG de Netflix, a indi-
jamais elle n’avait encore proposé d’une offre de sport en direct à ses ve), de golf (Full Swing)… Le sport, qué que la société prévoyait d’in-
de sport. abonnés, dont des matchs de NBA. estime Netflix, est « un domaine vestir massivement dans les
Après avoir investi à tour de Mercredi, dans sa lettre aux ac- dans lequel nous pouvons apporter capacités de live streaming.
bras dans les séries, les films et les tionnaires, Netflix revendiquait une énorme valeur ajoutée à nos Avec la « Netflix Cup », le géant
documentaires, les acteurs du être « le lieu de prédilection de tous membres, aux détenteurs de droits du streaming développe en somme
streaming se sont mis à lorgner les ceux qui sont passionnés par le et aux talents. L’effet Netflix sur la un format hybride. « Cette compé-

tats, la firme de Los Gatos a an-
noncé qu’elle augmentait ses tarifs
aux États-Unis, au Royaume-Uni,
et en France. Ce qui devrait avoir
pour effet d’améliorer encore sa
rentabilité… Wall Street a salué la
prouesse : jeudi en début de séan-
ce, l’action s’envolait de 15 %.
Ces jours-ci, Netflix ne brille pas
seulement sur le terrain financier.
Il est aussi en train d’accélérer sur
celui du sport. Jeudi, la plateforme
annonçait la création d’une nou-
droits TV des grandes ligues spor-
tives, l’un des derniers bastions de
la télévision. Aux États-Unis, Ap-
ple TV+ s’est emparé de la MLS, le
plus gros championnat de foot
nord-américain, moyennant
2,5 milliards de dollars pour les dix
prochaines années, auquel s’ajoute
un partenariat avec la Ligue ma-
jeure de baseball (MLB). Amazon a
noué un accord avec la National
Football League (NFL) moyennant
un chèque de 1 milliard de dollars
20 %
sport ». Et pourtant, le service ne
dispose d’aucun droit TV dans son
portefeuille. L’an dernier, il aurait
exploré cette piste et même fait
Hausse du bénéfice net une offre pour des matchs de ten-
de Netflix sur l’année nis du circuit ATP, avant de jeter
2023, soit 1,6 milliards rapidement l’éponge. Il a tenté
de dollars plus récemment de récupérer ceux
de la Formule 1 aux États-Unis, fi-
nalement remporté par ESPN, une
chaîne de Disney. En revanche, il a
beaucoup investi ces dernières an-
nées dans les séries documentaires
Formule 1 est bien connu et nous
avons vu comment notre docu-série
sur le Tour de France a alimenté les
conversations sur le cyclisme », fait
observer la société.
En organisant sa première com-
pétition sportive en direct, Netflix
ne change pas fondamentalement
de stratégie. La « Netflix Cup » est
avant tout un véhicule promo-
tionnel pour ses documentaires
consacrés au sport. Mais elle a
l’avantage de renforcer l’influen-
tition de golf est plus proche d’un
programme de divertissement que
d’un événement sportif », estime un
expert d’une agence de communi-
cation. Une manière habile, fina-
lement, de contourner la périlleu-
se équation économique autour de
la retransmission de grandes com-
pétitions sportives. Comme l’avait
expliqué Ted Sarandos fin 2022,
chez Netflix, « nous ne sommes pas
anti-sport. Nous sommes simple-
ment pro-profit ». ■

Le groupe Havas s’apprête à lancer un nouveau réseau

La filiale de Vivendi, dirigée depuis dix ans par Yannick Bolloré, est en croissance de 4,5 % au troisième trimestre.
PHILIPPE LARROQUE
£@Philarroque
COMMUNICATION Yannick Bollo-
ré ne pouvait pas rêver mieux.
Pour ses dix ans à la tête du groupe
français Havas, les résultats du
troisième trimestre de la filiale de
Vivendi viennent couronner son
plan stratégique défendant un mo-
dèle d’agences « totalement inté-
gré », regroupant tous les métiers
de la communication. Après un
deuxième trimestre déjà très fort
(+ 6,3 %), Havas a publié jeudi une
croissance organique de 4,5 %
pour l’exercice clos le 30 septem-
bre, avec un revenu net de
654 millions d’euros. Sur les neuf
premiers mois de l’année, elle at-
teint 4,3 %. « Dans un contexte
économique et géopolitique comple-
xe, notre activité est restée dynami-
que avec des équipes très mobilisées,
souligne Yannick Bolloré. Tous nos
métiers et toutes nos zones géogra-
phiques progressent. » L’Amérique
du Nord, qui génère 40 % de son
activité, enregistre une croissance
de 3 %, l’Asie-Pacifique de 2 % et
l’Europe de 1,5 %. Le groupe de
communication connaît « une tra-
A
jectoire de forte croissance » en
Amérique latine, en particulier au
Mexique, avec une accélération à
+ 51,1 % par rapport au troisième
trimestre 2022.
Un rythme d’acquisitions
toujours soutenu
Ces solides résultats, supérieurs
aux concurrents anglo-saxons
mais légèrement en deçà de ceux
de Publicis (+ 5,3 %), sont aussi ti-
rés par les acquisitions, dont le
rythme reste toujours aussi soute-
nu. Après neuf rachats en 2022, le
groupe en a déjà finalisé six depuis
le début de l’année 2023. « Fidèle à
son approche entrepreneuriale et
créative, Havas a pris une partici-
pation majoritaire de 51 % dans
Uncommon, l’agence créative in-
dépendante la plus primée du
Royaume-Uni. En parallèle, nous
avons poursuivi le développement
du réseau de conseil en affaires pu-
bliques et en communication stra-
tégique H/Advisors avec les acqui-
sitions d’Australian Public Affairs
(APA) en Australie et de Cunha Vaz
& Associados (CV&A) au Portugal.
Enfin, Havas s’est renforcé au Ca-
nada avec Noise, en Allemagne
avec HRZN et en Inde avec Pivot
Roots », rappelle le PDG de Havas.
La dynamique du groupe, qui a
séduit de nouveaux clients comme
KFC, Gifi, Shell ou encore Danone
pour l’ensemble de la création pu-
blicitaire dans le monde, est éga-
lement portée par les investisse-
ments dans le retail media -
« appelé à devenir le deuxième mé-
dia investi derrière le digital mais
devant la télévision » - et l’intelli-
gence artificielle (IA). « Le récent
partenariat noué entre Havas et
Mirakl va donner naissance au plus
important réseau indépendant de
retail media à destination des mar-
ques et des distributeurs », insiste
Yannick Bolloré. Il y a quelques
semaines, Havas annonçait égale-
ment une extension de son accord
avec Adobe pour déployer ses
outils d’IA générative dans toutes
ses agences.
Alors que les géants américains
et britanniques de la communica-
tion commencent à ressentir un
premier ralentissement des inves-
tissements des géants de la tech,
Havas semble protégé par un por-
tefeuille d’annonceurs « équili-
bré ». « Les résultats de nos clients
se révèlent jusqu’ici très corrects »,
note le PDG. Pour leur offrir de
« nouvelles expériences personnali-
sées », Havas s’apprête à lancer
très prochainement un nouveau
réseau international positionné sur
les métiers du « custom expérien-
ce ». Baptisé « Havas CX », il inté-
grera les disciplines du CRM (cus-
tomer relationship management,
gestion de la relation clients). Ce
réseau sur « le marketing autour
des données clients » s’est mis en
chasse de son futur patron.
Les « bonnes performances » de
Havas comme celles de Canal+,
qui a vu son activité progresser de
5,7 % avec notamment une forte
hausse de Studiocanal (+23,6 %),
ont tiré les résultats de Vivendi au
cours du troisième trimestre. Le
chiffre d’affaires du groupe déte-
nu par la famille Bolloré ressort en
hausse de 2,5 % sur la période, à
plus de 2,4 milliards d’euros.
« Canal+ et Havas ont démontré
toute la pertinence des actions de
transformation et d’internationali-
sation que nous avons mises en pla-
ce avec eux ces dernières années »,
relèvent Yannick Bolloré et Ar-
naud de Puyfontaine, respective-
ment président du conseil de sur-
Le futur réseau international de la filiale de Vivendi, dirigée par veillance et président du
Yannick Bolloré, est baptisé « Havas CX ». DOMINE JEROME/ABACA directoire de Vivendi. ■
vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO - N° 24 622 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

BEAUTÉ OPÉRA DE PARIS

JEAN-CLAUDE ELLENA RACONTE LES HUIT DANSEURS ESPOIRS
LA VIE D’UN PARFUMEUR SUR LESQUELS
EN AQUARELLES ET EN ODEURS PAGE 31 IL VA FALLOIR COMPTER PAGE 32

L’AUTOMNE AU JARDIN
POUR MIEUX SATISFAIRE LES CITADINS EN MANQUE DE NATURE,

IAN RICE / WWW.IFRPHOTO.COM ; MUSÉE DU LOUVRE / NICOLAS GUIRAUD ; JEAN CLAUDE ELLENA ; SVETLANA LOBOFF/OPÉRA NATIONAL DE PARIS
LES ESPACES VERTS PARISIENS SE RÉINVENTENT. AUTANT D’IDÉES DE BALADES
INTRAMUROS POUR LE WEEK-END. PAGE 30

« ROMÉO ET JULIETTE » DE ZINGARELLI : UNE IMPÉRIALE RÉSURRECTION

L’OUVRAGE FAVORI DE NAPOLÉON RENAÎT À L’OPÉRA ROYAL DE VERSAILLES, DANS UNE MISE EN SCÈNE DE TOUTE BEAUTÉ ET UNE DISTRIBUTION DE HAUT VOL.

THIERRY HILLÉRITEAU chef-d’œuvre qui fit les riches l’être la Grassini en son temps.
£@thilleriteau heures de la Grassini, l’Opéra L’opéra préféré Quelle présence du timbre (et
royal a mis les petits plats dans de Napoléon quelle volonté de se confondre
evée de doute en les grands. Voici donc « l’opéra est servi sur un plateau avec la voix de Fagioli dans les

L
cours, ce mercredi
soir, au château de
Versailles. Dans l’en-
ceinte archi-comble
de l’Opéra royal, mélomanes,
passionnés d’histoire ou sim-
ples curieux sont venus quérir
la réponse à cette question sha-
kespearienne : le Roméo et Ju-
liette de Zingarelli est-il la
bombe annoncée ? Certes, la lé-
gende nous dit que le titre fut
l’un des opéras favoris de Na-
poléon. D’aucuns prétendent
que c’est avec lui que le futur
Empereur s’est converti à l’art
lyrique, à l’âge de 27 ans, lors
de sa première campagne d’Ita-
lie. Il n’est un mystère pour
personne que les attraits de la
Grassini, qui chantait Juliette,
l’emportèrent certainement sur
la musique elle-même… Dire
que celle dont il fera sa maîtres-
se finira par le lâcher pour Wel-
lington… L’histoire a de ces
coups de Trafalgar !
À Versailles, on peut être plus
royaliste que le roi mais on
n’est pas rancunier. En remon-
préféré de Napoléon » servi sur
un plateau d’argent. Comme si
l’écrin naturel de la salle (qui se
vante dans les Abribus d’être
« le plus bel Opéra du monde »)
ne suffisait pas, Gilles Rico si-
gne une mise en scène à l’es-
thétique irréprochable. Les dé-
cors signés Roland Fontaine,
immenses boîtes verticales dé-
ployant des intérieurs et exté-
rieurs en toiles peintes de toute
beauté, révèlent leurs perspec-
tives néoclassiques ou leurs
sortilèges préromantiques.
Répertoire des castrats
Quelle intelligence que ces scè-
nes dont l’action se fige pour
nous faire pénétrer dans l’inti-
mité d’un coup de foudre ! Dont
les arrière-plans s’animent de
visions cauchemardesques (le
fantôme de Tybald hante les
amants de Vérone). Entendu à
l’entracte : « Ça change des nui-
settes dans un asile. »
Très 1796, les costumes de
Christian Lacroix replongent en
effet avec goût dans le contexte
méo évoquent Bonaparte fran-
chissant le pont d’Arcole. Du
pain bénit pour Franco Fagioli.
Le contre-ténor incarne le fils
Capulet. Il a fait du répertoire
des castrats son fonds de com-
merce. Il en a la voix (graves
dans l’air « Modera l’ire tue »),
l’agilité mais aussi les mimiques
extravagantes. Reprendre le
rôle jadis dévolu à Crescentini
- dernière diva parmi les cas-
trats - sous les traits de Bona-
parte ? Qui plus est dans un
d’argent dans
des costumes signés
Christian Lacroix.
que napolitain et le bel canto
naissant ? C’est Noël avant
l’heure. On croirait Napoléon en
Égypte, de Haendel ! Farinelli
chez Bellini.
Pour lui donner la réplique,
Adèle Charvet est une Juliette
duos) ! Quelle intensité de jeu !
Quel soin apporté aux vocali-
ses ! Le reste du plateau est au
diapason. Matilde confidente et
combative de Florie Valiquette.
Gilberto tendre de Nicolo Bal-
ducci. Everardo autoritaire
mais touchant de repentance de
Krystian Adam. Teobaldo bra-
vache de Valentino Buzza.
Le septième homme de ce
Roméo et Juliette, c’est bien sûr
l’Orchestre et le Chœur de
l’Opéra royal. Menés tambour
battant par un Stefan Plewniak
plus feu follet que jamais (le
chœur a du mal à suivre), il dé-
ploie une énergie et un souci du
détail (la clarinette ensorceleu-
se de José Antonio Salar Verdu à
l’acte III !) qui font plaisir à
voir… et claquer la musique de
Zingarelli juste comme il faut,
pour en oublier les rares tun-
nels. De la bombe, on vous
dit. ■
Jusqu’au 22 octobre à l’Opéra royal
du château de Versailles (78).
CD et DVD (extraits en version
de concert) disponibles sur le label
A

tant en version scénique ce de la création. Les habits de Ro- telluriques et aigus foudroyants opéra évoquant à la fois le baro- aussi séduisante que pouvait Château de Versailles Spectacles.
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO
30 L'ÉVÉNEMENT
1 2
DES JARDINS PARISIENS
EN MOUVEMENT
LES COULEURS AUTOMNALES SE RÉVÈLENT PAR PETITES TOUCHES DANS
LES PARCS DE LA CAPITALE. VISITE DE QUATRE D’ENTRE EUX, QUI ONT DÉCIDÉ
DE SE RÉINVENTER POUR MIEUX RÉPONDRE AUX ATTENTES DES CITADINS.
ALYETTE DEBRAY-MAUDUY
adebray@lefigaro.fr
VÉGÉTALISATION Qu’ils soient histori-
ques ou plus contemporains, les espaces
verts de la capitale ne cessent de se réin-
venter pour s’adapter à la nouvelle don-
ne écologique. Par la plantation de végé-
taux plus résilients ou la création d’îlots
de verdure dignes de ce nom permettant
d’atténuer la chaleur. « La végétalisation
des villes est une nécessité. Il a été prouvé
qu’avec une canopée dense, on pouvait
rafraîchir l’air de 8 °C à 10 °C. Suite à la
crise sanitaire, les bienfaits de la nature
ont aussi été démontrés pour le bien-être
psychique des citadins, précise Christo-
phe Najdovski, adjoint à la mairie de Pa-
ris, en charge de la végétalisation de
l’espace public et des espaces verts.
Aujourd’hui, on compte 530 jardins dans
la capitale et nous avons 74 projets en
cours - créations, rénovations, exten-
sions. » Conscients de ces enjeux, plu-
sieurs parcs évoluent en ce sens. Avec
des températures restées douces jusqu’à
la mi-octobre, leur végétation com-
mence tout juste à revêtir son manteau
automnal. C’est le moment d’en profi-
ter. Voici quatre adresses, quatre géné-
rations de jardins dans l’air du temps.
uLe
jardin des Tuileries :
toujours plus de végétaux
Les travaux vont grand train dans le
plus ancien, le plus grand, le plus fré-
quenté des espaces verts au cœur de la
capitale. S’étirant sur plus de 22 hecta-
res, entre la Concorde et le Musée du
Louvre, ce domaine historique – com-
mandé par Catherine de Médicis en 1564
puis dessiné, dans sa configuration ac-
tuelle, par André Le Nôtre en 1664 - at-
tire chaque année 14 millions de visi-
teurs. Sa dernière grande rénovation,
en 1995, avait été confiée à l’architecte
François Roubaud et aux paysagistes
Louis Benech et Pascal Cribier.
Confronté au changement climatique, le
jardin des Tuileries vient d’entamer un
nouveau chantier de revégétalisation,
qui se poursuivra jusqu’en 2026. « Nous
mettons en place un plan de résilience sur
les jardins pour redonner de la verdure au
parc. Vu de haut, celui-ci semble bien
vert, mais à hauteur d’homme il est plus
aride qu’il n’y paraît, explique Arnaud
Amelot, directeur de l’architecture, de
la maintenance et des jardins du Musée
du Louvre. D’où cette reconquête du vé-
gétal qui a également pour ambition
d’apporter de la fraîcheur en centre-vil-
le. » La première pierre de ce chantier
vient d’être achevée aux abords des
bosquets nord et sud des Exèdres. Outre
la restauration de la pierre, 136 arbres y
ont été plantés. Au nord, des essences
qui rappellent les expéditions et les
A
voyages de plantes du XVIIIe siècle –
pacaniers, magnolias de Kobe, savon-
niers ; au sud, des variétés d’inspiration
antique - érables de Montpellier, lilas de
Perse, chênes chevelus. À cela il faut
ajouter des plates-bandes forestières
fleuries d’anémones, d’hortensias,
d’hydrangeas, ayant pour but de favori-
ser la biodiversité. Après la crise sani-
taire, la grande allée, réputée pour sa
perspective sur le Louvre, avait été re-
plantée de 92 ormes particulièrement
résistants à la graphiose - venant ainsi
s’ajouter aux indéboulonnables mar-
ronniers - dont l’arrosage est piloté par
des sondes tensiométriques alertant en
cas de stress hydrique. Parmi les der-
niers aménagements, notons également
le fleurissement des pelouses abritant
les sculptures et les œuvres d’art du jar-
din (Rodin, Dubuffet, Giuseppe Peno-
ne…) ou encore la rénovation du bos-
quet des oiseaux, lui aussi reboisé et
aménagé de plates-bandes et d’espaces
de repos. Courant novembre, les ram-
pes fer à cheval de l’entrée Concorde -
héritées de Le Nôtre - seront bordées
d’ifs en topiaires. Un aménagement qui
sonne comme un retour aux sources.
uLe
Jardin d’acclimatation :
l’intergénérationnel
Jeux et attractions, promenade bucoli-
que et grandes expositions culturelles,
c’est le triptyque qui fait l’identité de ce
jardin ayant marqué plusieurs généra-
tions. Aujourd’hui, grands-parents,
parents et enfants ont tous connu
l’émerveillement de la rivière enchan-
tée, qui fêtera ses 100 ans en 2027.
On doit le Jardin d’acclimatation, créé
en 1860, à Napoléon III et à l’impératri-
ce Eugénie, qui, revenant de Hyde
Parc, à Londres, décident d’ouvrir un
parc d’agrément à la lisière du bois de
Boulogne. En 2017, trois ans après
l’inauguration de la Fondation Louis
Vuitton, son gestionnaire, LVMH, lance
un projet de modernisation des jardins,
avec le paysagiste Philippe Deliau.
« Pour l’architecte américain de la Fon-
dation Louis Vuitton installée au Jardin
d’acclimatation, Franck Gehry, il fallait
associer deux heures de culture à regar-
der des oeuvres d’art à deux heures de
nature à se promener, explique Marc-
Antoine Jamet, le président du Jardin
d’acclimatation. Après avoir créé le mi-
roir vert, la pelouse, qui se reflète sur
les parois du musée, le paysagiste a
planté des centaines d’arbres. Des pins
noirs d’Autriche et des chênes, qui sont
la signature des lieux, mais aussi des tu-
lipiers de Virginie, des magnolias, des
séquoias. La seconde phase d’aména-
gement a consisté à insérer tous les ma-
nèges dans la végétation et à recréer un
parterre à la française devant la volière
réalisée par Gabriel Davioud en 1860.
Autant d’aménagements propices au
développement de la biodiversité.
« Somme toute, la vocation première de
ce jardin “d’acclimatation”, précise
3
4
Marc-Antoine Jamet. Philippe Deliau a
su moderniser les végétaux, les créations
paysagères tout en restant classique, en
respectant l’héritage. » La troisième
phase de cette rénovation sera la créa-
tion d’un amphithéâtre de verdure de-
vant le futur centre culturel des métiers
d’artisanat d’art actuellement en lieu et
place de l’ancien Musée des arts et tra-
ditions populaires. À suivre…
uLe
parc André-Citroën :
un hommage à la 2 CV
À son ouverture, en 1992, ce jardin de
14 hectares, créé sur les anciennes usi-
nes de Citroën, dans le quartier de Javel
(Paris 15e), se révélait moderne pour
son époque. Résolument minéral, il
avait été aménagé par les paysagistes
Alain Provost et Gilles Clément, pion-
niers d’une création paysagère raison-
née. Pour fêter ses 30 ans, il vient d’ins-
taller une 2 CV végétale au centre de sa
pelouse de 4 hectares où poussent éga-
lement neuf spécimens de liquidam-
bars, particulièrement en beauté du-
rant l’automne. « Cette création est en
majorité composée d’osier coupé auquel
nous avons ajouté des cornouillers, du
bambou et du lierre pour les roues, expli-
que Andreas Balbzulh, chef d’équipe au
parc André-Citroën. La structure est
quant à elle composée de vieilles lattes en
bois récupérées sur des bancs. » Parallè-
lement, plus de 1 500 érables, saules,
prunus et autres arbustes ont été plan-
tés en s’inspirant de la méthode japo-
naise niwaki, qui permet d’accélérer le
processus de vieillissement des arbres.
D’autres aménagements sont prévus
d’ici aux Jeux olympiques, notamment
la rénovation et la végétalisation du ca-
nal, aujourd’hui à l’abandon.
uLe
parc Martin-Luther-King :
le dernier-né
Au cœur de l’écoquartier Clichy-Bati-
gnolles, qui compte, entre autres, le
tribunal de grande instance de Paris,
signé Renzo Piano, ces 10 hectares sont
emblématiques des nouveaux jardins
parisiens. « C’est un lieu à la fois écolo-
1. Ouvert en 2021 dans le quartier
Clichy-Batignolles, le parc
Martin-Luther-King est aujourd’hui
le plus grand espace vert
du 17e arrondissement.
2. Outre la création de nouveaux
parterres à la française devant
la volière du Jardin d’acclimatation,
le paysagiste Philippe Deliau
y a planté des graminées.
3. La 2 CV végétale du parc
André-Citroën installée
sur la pelouse centrale pour
célébrer les 30 ans du jardin.
GUILLAUME BONTEMPS/VILLE DE PARIS ; NICOLAS CASTETS ; NICOLAS GUIRAUD ; PARC ANDRÉ-CITROËN
4. La nouvelle création paysagère
du bosquet nord des Exèdres
au jardin des Tuileries.
35 000
arbustes plantés
au Jardin
d’acclimatation
lors de la rénovation réalisée
par le paysagiste Philippe Deliau
gique, où les choix des végétaux et les
étangs favorisent la biodiversité, et
multi-usages, répondant aux besoins
des habitants, avec ses installations
sportives, ses espaces de repos… et son
verger public », remarque l’adjoint à la
mairie de Paris Christophe Najdovski.
La diversité de ses végétaux s’inscrit
dans l’air du temps et des saisons. D’un
côté, les érables du Japon éclatant de
couleur en automne, de l’autre les co-
nifères au feuillage persistant, les
fleurs printanières et les graminées ré-
sistant aux grosses chaleurs. À cela il
faut ajouter de beaux cerisiers, des ro-
seaux et des nénuphars sur l’étang au
milieu du parc, des prairies sauvages
fauchées une à deux fois par an…
Achevé en 2021, après treize ans
d’aménagement signé de la paysagiste
Jacqueline Osty, c’est aujourd’hui le
plus grand espace vert du 17e arrondis-
sement. Il se veut, enfin, exemplaire,
récupérant les eaux dans une cuve de
1 500 m3 pour l’arrosage et broyant ses
coupes et ses tailles pour le paillage. ■

STYLE
JEAN-CLAUDE ELLENA « CE RECUEIL EST LE TÉMOIGNAGE
D’UN ENFANT QUI VA DEVENIR PARFUMEUR »
AVEC « L’ODEUR DES
JOURS », LE GRASSOIS,
QUI A SIGNÉ PARMI
LES PLUS BELLES
FRAGRANCES
DE CES DERNIÈRES
DÉCENNIES, REVIENT
SUR LES PAS
DE SON ENFANCE,
DE SES APPRENTISSAGES,
DE SES SUCCÈS
ET DE SES CONVICTIONS.
PROPOS RECUEILLIS PAR
PAULINE CASTELLANI
our les enfants de mon âge, nés
P
«
après la guerre, Grasse avait
des odeurs de ciste, de lichen,
d’immortelle, de lavande, de
pyrèthre, de verveine, de rose,
de foin de citronnelle… auxquelles s’ajou-
taient, la nuit tombante, la fleur d’oran-
ger, le jasmin et la tubéreuse. Quand on
arrivait de Draguignan, de Nice ou de
Cannes, bien avant de voir les lumières, le
parfum de la ville, porté par la brise et
l’humidité du soir, vous frappait le nez à
vous étourdir », se rappelle Jean-Claude
Ellena. C’est peu de dire que son recueil
L’Odeur des jours. Une vie de parfumeur,
tout juste paru, illustré par ses aquarelles,
nous plonge, lui aussi, dans un tourbillon
d’odeurs. Celles de l’enfance d’abord,
avec ses pique-niques de bord de mer,
ses coiffeurs pour hommes des années
1950, ses premiers voyages en train (le
feu, le fer, la vapeur de la locomotive)
puis celles des premiers pas dans la par-
fumerie, parfois rudes et brutales dans
les distilloirs et les extracteurs. Jusqu’aux
premiers succès en 1976, First, pour Van
Cleef & Arpels et Eau de Campagne pour
Sisley… et bien sûr, le sillage de figuier
d’Un Jardin en Méditerranée, à l’origine
d’une longue série de créations pour
Hermès. Un récit riche en souvenirs et
pensées sur l’univers de la parfumerie,
dans lequel on croise également les cou-
leurs de Nicolas de Staël, les notes de
Miles Davis et, comme souvent chez
Ellena, les mots lumineux de Jean Giono.
LE FIGARO. - Comment est né ce livre ?
Jean-Claude ELLENA. - C’est une idée
de mon éditrice, qui, après la publication
de mon Atlas de botanique parfumée
(2020), m’a dit : « C’est la première fois
que je sens les odeurs en lisant. » Elle en a
conclu que pour arriver à les rendre pré-
sentes, sensibles, il y avait eu un par-
cours, un chemin de pensées. J’ai donc
tiré ce fil, en me plongeant dans mon
QUENTIN BISCH REMPORTE LE 16E PRIX DU PHÉNIX
REMIS LUNDI SOIR À GRASSE, CE PRIX (EX-FRANÇOIS COTY) RÉCOMPENSE LE PARFUMEUR MAIS AUSSI L’IMPORTANT TRAVAIL DE L’OSMOTHÈQUE SUR LE PATRIMOINE OLFACTIF.
élocalisé, cette année, à
D Grasse, la cité des parfums,
le prix François Coty en
profite également pour
changer de nom afin d’évi-
ter toute confusion avec le groupe
Coty. « Il devient le prix du Phénix, un
symbole de renaissance qui orne depuis
toujours les armoiries familiales, expli-
que Véronique Spoturno-Coty, des-
cendante de François Coty, considéré
comme le père de la parfumerie mo-
derne. Mais la vocation reste la même :
soutenir et récompenser la flamme des
créateurs contemporains qui perpétuent
son héritage. » À savoir le parfum com-
me une œuvre d’art, un vecteur
d’émotions et de souvenirs, de sensibi-
lité et d’audace.
Pure coïncidence, le lauréat de cette
16e édition vient du théâtre et de la mise
en scène, un univers qu’il a abandonné
juste avant sa thèse pour faire ses
apprentissages chez Robertet… à
Grasse. « C’est ici que tout a commencé
pour moi, là où j’ai “dessiné” mes pre-
miers accords. Être au contact des ma-
tières premières, suivre les récoltes, sen-
tir les fumées d’alambic dans l’air…, tout
passé. Je voulais surtout montrer l’im-
portance des odeurs dès l’enfance. On
grandit entouré de tout un tas de sen-
teurs qui imprègnent notre mémoire ;
les psychologues sont unanimes et affir-
ment que le « disque dur » avant l’âge de
3-4 ans ne s’efface pas, mais que cette
amnésie infantile est refoulée dans l’in-
conscient. C’est donc le témoignage
d’un enfant qui va devenir parfumeur.
Vous racontez votre parcours
d’autodidacte et vos apprentissages,
dès 16 ans, en tant qu’ouvrier
chez un fabricant d’essences à parfums
de Grasse. Aujourd’hui, un novice
pourrait-il suivre le même itinéraire ?
Commencer si jeune m’a éclairé sur les
notions d’artiste et d’artisan. L’artisan
est capable de reproduire ce qu’on lui
demande à la perfection, vous ne pour-
rez pas mieux faire. L’artiste, lui, n’est
pas le meilleur artisan qui soit, mais il
sait inventer, imaginer, créer, être cu-
rieux… De nos jours, les écoles de parfu-
merie délivrent un certificat au bout de
deux ans et les entreprises attendent que
ces jeunes recrues créent immédiate-
ment un parfum. L’économie ne sait pas
patienter, elle veut un rapport efficace et
direct d’argent. Pardonnez-moi, mais
c’est un peu plus long que ça. Il faut une
bonne vingtaine d’années pour acquérir
la juste maîtrise.
Vous évoquez le rôle sociétal des odeurs,
qui sont, selon vous, des marqueurs
de l’esprit et des goûts d’une époque,
l’air du temps en quelque sorte.
Quel parfum aurait la nôtre ?
Les fruits rouges : la fraise, la framboise,
la mûre. C’est de la confiture. Jusque dans
les années 1970, la parfumerie faisait ap-
pel au merveilleux, au mystère, au loin-
tain. On parlait d’ylang-ylang, de pat-
chouli, de vétiver, de santal… des odeurs
que les gens n’avaient jamais senties.
C’était le No 5 de Chanel, Femme de
Rochas, les parfums de couturiers. Tout a
basculé dans les années 1980, lorsque le
marketing a pris les commandes de la
cela donne des racines, un terreau d’ins-
piration, un cadre essentiel pour com-
prendre le parfum et mieux le concevoir,
confie Quentin Bisch, désormais inté-
gré chez Givaudan. Symboliquement,
c’est surtout émouvant d’y recevoir cette
récompense d’autant que c’est le seul
prix de parfumeur décerné par des par-
fumeurs, ce qui le rend à mes yeux encore
plus précieux. » Et quelle brochette cet-
te année puisque le jury était composé
de Maurice Roucel, Delphine Jelk,
Émilie Copperman, Dominique Ropion,
Shyamala Maisondieu et Michel
Almairac en président. Soit la fine fleur
des compositeurs contemporains.
Il y a quelques semaines, ces six-là
respiraient donc, à l’aveugle, les trois
créations soumises par le quadragénai-
re : un musc propre et animal, une note
de pinède chauffée par le soleil et un
duo vétiver-sauge. « Des formules sim-
ples et directes, tout ce que j’aime », dé-
crit Quentin Bisch remarqué par le
grand public pour cet ambivalent os-
manthus baptisé Fleur du mal chez
Dries Van Noten, mais aussi pour Mar-
seille de Comme des Garçons, une in-
terprétation très propre du savon de
création. L’industrie s’américanisait et
misait en premier sur le nom de la mar-
que, le flacon, la publicité. Désormais,
pour séduire massivement, il faut des ré-
férences olfactives connues par tous et
donc sans surprise, c’est la mangue,
l’ananas, le chocolat, un fond de vanille…
Comment avez-vous fait
pour garder votre liberté ?
Je n’ai jamais écouté les gens de marke-
ting ! Chez Hermès, j’avais le choix total
des matières, du coût et de la concentra-
tion des parfums. Trois paramètres es-
sentiels que je pouvais moduler selon les
besoins de la formule et non arbitraire-
ment ou en suivant des normes édictées
« C’est le seul prix de parfumeur décerné
par des parfumeurs, ce qui le rend
à mes yeux encore plus précieux »,
explique Quentin Bisch, récompensé
pour ses formules simples et directes.
SERVICE DE PRESSE
Marseille, plusieurs jus aux notes de lé-
gumes croquants dans la collection Le
Potager de l’Artisan parfumeur, et plus
« mainstream », pour sa version Le
Mâle Le Parfum de Jean Paul Gaultier.
Six mille fragrances
Autres lauréats de la soirée, Jérôme Epi-
nette, depuis 2003 chez Robertet, le lea-
der mondial des matières premières na-
turelles pour lequel il a ouvert un bureau
de création à New York afin d’adapter
les compositions au goût américain
(notamment pour la marque de niche
Byredo). Le Bourguignon a ainsi reçu le
prix international du Phénix. Isabelle
Doyen, acolyte historique d’Annick
Goutal avec qui elle a imaginé, Ce soir ou
jamais et Petite chérie, désormais dans
le laboratoire de sa fille, Camille Goutal,
a décroché le prix d’honneur.
Last but not least, un prix spécial a été
décerné à L’Osmothèque de Versailles
crée en 1990 par le nez Jean Kerléo pour
permettre aux apprentis parfumeurs de
sentir des créations, par essence, fragi-
les et insaisissables, parfois disparues
des circuits commerciaux. « À l’époque,
la notion même de patrimoine olfactif
LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023
31
Une aquarelle de Jean-Claude Ellena
(à gauche) représentant
son atelier-laboratoire de Cabris,
dans les Alpes-Maritimes.
BRIGITTE LACOMBE, JEAN-CLAUDE ELLENA,
ARTHAUD
par le marketing. Aujourd’hui, Frédéric
Malle me laisse également travailler
comme j’en ai envie. Cela n’empêche pas
la critique, mais je suis libre. Une diffé-
rence entre nous : Frédéric prend sa déci-
sion sur la qualité du fond, ce qui dure sur
la peau ; je travaille jusqu’à épuisement
l’accroche, l’hameçon qui va attraper le
nez, j’ai deux secondes pour vous sédui-
re. L’époque persiste dans l’impatience.
Comme en cuisine, il existe une parfume-
rie standard et une parfumerie inventive.
Quand vous allez dans un restaurant
3 étoiles, vous attendez la surprise et
l’étonnement, que l’on vous bouscule.
Quand vous descendez manger au resto
du coin, vous prenez un plat tout à fait
ordinaire, plaisant, certes, mais sans
grande créativité. Il n’y a aucun élitisme
là-dedans, je cherche simplement à sor-
tir des habitudes olfactives.
Pourtant cette parfumerie de niche
a tendance, elle aussi, à se standardiser…
C’est ce que j’appelle la « fausse » niche.
Les marques ont très bien compris qu’il y
avait un marché qui leur échappait et,
comme ce sont des ogres, elles veulent
tout bouffer !
En composant désormais
dans le laboratoire de votre fille,
Céline Ellena, à Spéracèdes,
vous dites avoir redécouvert
le plaisir sensuel des matières.
Comme je n’avais plus d’assistant, je me
suis remis à peser moi-même mes essais.
Cela a été un choc. J’ai l’impression que
ce sont mes mains qui pensent. La droite
choisit le flacon, la gauche l’ouvre, pose
le bouchon, prend une pipette et aspire le
liquide… C’est un lien très physique.
Ainsi, je m’éloigne de l’abstraction, du
concept, pour être au plus proche d’une
vérité d’odeur, de l’être, de l’humain.
J’étais déjà habitué à des formules mini-
malistes, mais elles sont devenues encore
plus simples et épurées.
Pourquoi y a-t-il si peu
de parfumeurs qui écrivent ?
Edmond Roudnitska a été le premier.
Dans L’Esthétique en question (qu’il publie
à compte d’auteur en 1977), le contenu
était nouveau, il était philosophique, ar-
tistique, intellectuel. Il lui a surtout permis
de partager une vision, sa vision, du par-
fum et donc de se réserver une certaine li-
berté créative. Ce livre m’a fait compren-
dre, très jeune, le besoin de discours. Je
regrette parfois de ne pas lire ni entendre
d’autres points de vue sur le parfum. ■
L’Odeur des jours. Une vie de parfumeur,
Éditions Arthaud, 192 p., 24,90 € en librairie.
était à contre-courant, et l’idée d’un
conservatoire de parfums, révolution-
naire », raconte sa directrice Anne-
Cécile Pouant. Constituée au fil des an-
nées à la manière d’une bibliothèque en
recueillant de nombreux parfums, for-
mules, flacons et matières premières du
passé auprès des marques, des sociétés
de composition mais aussi de particu-
liers, la collection dénombre aujour-
d’hui quelque 6 000 fragrances, « repe-
sées » à partir des formules originelles
et conservées à l’abri de la chaleur, de
la lumière, de l’oxygène.
L’un des seuls lieux au monde où
l’on peut encore sentir les odeurs qui
ont marqué l’histoire de la parfumerie
comme L’eau de la reine de Hongrie, la
première formule alcoolique apparue
dès le Moyen Âge ; Fougère royale
d’Houbigant (1882) et son accord
de lavande-géranium-coumarine qui
ouvrit la voie à une famille de fragran-
ces masculines (les « fougères » donc)
ou encore Origan (1905), dont le sillage
culte à la sensualité tenace, en rupture
avec les bouquets floraux de la Belle
A
Époque, est signé d’un certain…
François Coty. ■ P. C.
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO
32 CULTURE
DÉPARTS DE CORYPHÉES,
DE PREMIERS DANSEURS
ET D’ÉTOILES, JOSÉ MARTINEZ,
DIRECTEUR DU BALLET,
VA DEVOIR REMODELER
LA COMPAGNIE. POUR CELA,
IL A MODIFIÉ LE CONCOURS,
ET NOUS EXPLIQUE SA FAÇON
DE FAIRE.
ARIANE BAVELIER £@arianebavelier
assent les danseurs, et passent
P les générations, le Ballet de
l’Opéra de Paris demeure, en
se renouvelant à mesure, les
danseurs franchissant les gra-
des de la hiérarchie, quadrille puis co-
ryphée puis sujet, puis premier danseur
et enfin étoile. Les prochaines années
vont être décisives dans le remodelage
de la compagnie. Chez les étoiles, Émi-
lie Cozette vient de tirer sa révérence.
Le 18 mai, ce sera au tour de Myriam
Ould-Braham sur un dernier Giselle. La
saison suivante, en mai 2025, Laura
Hecquet et Mathieu Ganio feront leurs
adieux. Puis en 2026, Ludmila Pagliero
et Dorothée Gilbert. Chez les premiers
danseurs, Eve Grinsztajn et Florian Ma-
gnenet viennent de partir.
« Sept ou huit sujets ou coryphées quit-
tent la troupe cette année et autant l’an
prochain. Cela fait du monde », indique
José Martinez. Le directeur du Ballet de
l’Opéra de Paris va en profiter cette sai-
son, riche en grands ballets classiques,
pour varier les distributions et regarder
attentivement chaque danseur : « Repérer
ceux qui ont un potentiel, voir comment il
peut se développer et quelle est la marge et
comment tel ou tel sera dans dix ans. »
José Martinez a une responsabilité
doublée : cette année en effet, il n’aura
pas seulement à nommer les étoiles
mais aussi les premiers danseurs. C’est
une révolution : ils ne seront pas pro-
mus lors du concours interne de l’Opé-
ra de Paris, instauré par Marie Taglioni
HUIT JEUNES QUE NOUS SUIVONS ET SUR LESQUELS NOUS MISONS
Il y a ceux qu’on suit depuis toujours,
premiers danseurs en poste comme
Pablo Legasa, Héloïse Bourdon, Roxa-
ne Stojanov, ou d’autres, membres so-
lides du corps de ballet sur lesquels on
ne reviendra pas. Et puis il y a les
autres, qui devraient percer cette an-
née et qu’il faut suivre tant il est
émouvant d’assister aux débuts
d’un danseur, surtout lorsqu’on de-
vine qu’en grandissant, il pourrait finir
étoile. Voici les espoirs à suivre tout
particulièrement cette saison et les rô-
les de solistes où ils sont distribués ce
premier semestre.
1 Hortense Millet-Maurin,
coryphée
Son concours l’an dernier a laissé la
salle bouche bée ; sortant de l’École de
danse, la jeune fille tout juste entrée
dans le ballet - en première place - a la
finesse d’une porcelaine de Saxe et la
vivacité d’une flamme. Prix jeune es-
poir de l’Arop (Association pour le
rayonnement de l’Opéra de Paris), elle
a été promue coryphée. Sa danse est
fine, à fleur de peau. À sui-
vre dans le programme Jiri
Kylian et pourquoi pas en so-
liste de La Fille mal gardée ? Les
distributions laissent sous les ini-
tiales « NN » des noms à remplir.
Elle est la fille d’Élisabeth Maurin,
étoile nommée par Rudolf Noureev
sur le plateau de tournage de son Casse-
Noisette.
2 Hohyun Kang, sujet
Son premier rôle, celui qui l’a lan-
cée, est l’un des plus difficiles du
répertoire : la baronne Marie Vetsera
dans Mayerling qu’elle a interprétée
l’automne dernier avec Paul Marque en
prince Rodolphe. Elle n’était encore que
coryphée. Et la révélation a eu lieu : for-
mée dans son pays, la jeune Coréenne,
effacée à la ville, est une bête de scène :
un éclat, une sensualité particulière
dans son raffinement, et un sang-froid
dont on reste encore sidéré. Au
concours, quelques jours plus tard, elle a
été promue sujet. Cette saison, on la
guettera dans le programme Kylian puis
A
dans le rôle de Kitri de Don Quichotte, le
13 avril avec Pablo Legasa.
OPÉRA DE PARIS : LA RELÈVE
DES DANSEURS S’ORGANISE
en 1860, et qui aura lieu cette année au
Palais Garnier les 9 et 10 novembre :
« C’est une année d’essai, dit José Marti-
nez. Le concours est mal vécu, surtout
par la classe des sujets qui se plaignent
d’avoir été distribués dans des rôles toute
l’année, puis disqualifiés au concours sur
les trois minutes d’une variation imposée
et d’une libre. Je leur ai proposé deux so-
lutions : qu’ils aient à danser deux varia-
tions imposées et la libre. Ou qu’ils
échappent au concours. Les danseurs se
sont mis d’accord pour cette seconde so-
lution. » À José Martinez de nommer les
premiers danseurs, entre maintenant et
1 2
5 6
3 Clara Mousseigne, sujet
Elle va vite, bien et est habituée
des concours. Entrée à l’École de
danse à 10 ans, cette brune spirituelle et
romantique est, à 12 ans, dans la finale
de l’émission « Prodiges ». Clara Mous-
seigne entre dans le corps de ballet de
l’Opéra de Paris à 16 ans seulement en
2020. Coup sur coup, elle a été promue
coryphée en 2022 et sujet au dernier
concours. Elle est aussi prix jeune espoir
de l’Arop. À suivre cette année dans le
programme Jerome Robbins qui débute
José Martinez (à gauche),
directeur du Ballet de l’Opéra
national de Paris,
aux côtés d’Hannah O’Neill
et Marc Moreau lors de leur
nomination par Alexander Neef,
directeur de l’Opéra national
de Paris (à droite), en tant
qu’étoiles, le 2 mars 2023
au Palais Garnier.
AGATHE POUPENEY / DIVERGENCE-
IMAGES.COM
3 4
7 8
le 23 octobre puis en soliste où elle danse
Lise dans La Fille mal gardée, les 27 et 31
mars. avec Antoine Conforti.
4 Inès McIntosh, sujet
Port noble et danse cousue dans la
délicatesse. Ainsi pourrait-on dé-
crire la jeune fille de 21 ans, qu’on voit
grandir d’une année sur l’autre tant elle
met de passion et d’intelligence dans
son travail. Rien ne lui a été acquis
d’emblée et, depuis son entrée à l’École
de danse de l’Opéra de Paris à 9 ans et
critères sont assez larges. Ça n’est pas
d’être très bien en contemporain ou
d’avoir une grande technique classique,
ou d’avoir tel ou tel âge. Cela se voit dans
les trois nominations que j’ai déjà fai-
tes », dit-il, jugeant qu’il y a peu en
commun entre Marc Moreau, Hannah
O’Neill et Guillaume Diop. « Je veux
nommer étoiles des gens qui provoquent
quelque chose de particulier lorsqu’ils
sont en scène. Ces choix doivent aussi te-
nir compte de l’équilibre de la compa-
gnie, hommes femmes, âge. » Et les pre-
miers danseurs sont-ils choisis parce
qu’ils pourraient devenir étoiles ? « Un
premier danseur n’est pas forcément une
étoile potentielle. Cela peut être une ma-
nière de remercier quelqu’un pour sa
carrière sans qu’il soit dans la course à
l’étoile, explique José Martinez. Pour
moi, être premier danseur, c’est déjà être
arrivé en haut de la pyramide comme
l’indique le mot “premier”. »
« Forcer les étoiles à choisir »
La nomination devrait se faire à rideau
fermé, au contraire de celle des étoiles
qui se fait sur scène. José Martinez a an-
noncé très en amont aux danseurs les
rôles qu’il leur confie comme solistes.
Pour qu’ils aient le temps de se prépa-
rer. « Ils savent dans la saison quel sera
leur moment ; je ne donne pas aux pre-
miers danseurs les rôles de demi-solistes,
comme, par exemple, le pas de deux des
vendangeurs, ou les quatre grands cy-
gnes, car ils ne se sentent pas valorisés.
J’y distribue plutôt les sujets ou les cory-
phées, cela débloque des places sur scène
pour les quadrilles qui, du coup, arrivent
à danser », raconte José Martinez qui
« force également les étoiles à choisir : ils
le 1er juillet, à mesure des places qui se ne peuvent pas tout faire. Donc il y a
libéreront - par la nomination d’étoi- moins d’accidents et moins de difficultés
les -, et après s’être donné le temps de à organiser les répétitions. Et tout le
voir danser les sujets. Qu’il a pris soin monde danse. » Ce genre de mesures
de distribuer cette année dans des rôles met la compagnie au travail. « Les dan-
d’étoile : « C’est une chance pour eux. Ils seurs sont au cours tous les matins. J’y
travaillent un rôle. Si ça marche, on passe la tête. » Dans ce même mouve-
continue. Si quelqu’un n’arrive pas à as- ment d’ouverture, José Martinez rap-
sumer un rôle très difficile, on dépro- pelle les anciennes grandes étoiles de
gramme. Il ne s’agit pas de les envoyer l’Opéra de Paris dans des rôles de coach
au casse-pipe », dit-il. pour que le « grand moment de chaque
Chaque directeur de la danse distin- danseur » en soit vraiment un. Autant
gue un type particulier de danseurs qui dire que pour les balletomanes, c’est le
deviendront étoile. Comment José moment de voir éclore une nouvelle
Martinez définirait-il le sien ? « Mes génération. ■
tenaire Mathieu Ganio revient en scène
avec une autre Giselle : Bleuenn Battis-
toni. Cou-de-pied arqué, legato vapo-
reux, interprétation vibrante de poé-
sie… Alors qu’elle dansait une des Willis
du fond et n’avait jamais dansé ce ballet.
En novembre elle était promue premiè-
re danseuse. On la suivra dans les pro-
grammes Jerome Robbins et Jiri Kylian,
puis dans le rôle-titre de La Fille mal
gardée, les 26 mars et 1er avril avec An-
toine Kirscher.
6 Enzo Saugar, quadrille
Grandi aux îles Canaries, ce jeune
Espagnol déploie en scène la pré-
sence fascinante et mystérieuse d’un
grand fauve. Sa gestuelle s’y accorde :
souple, moelleuse et inquiétante. On l’a
découvert dans Le Chant du compagnon
errant de Maurice Béjart au printemps
dernier. Taillé pour danser les princes
avec une passionnante étrangeté, il
pourrait avoir des rôles s’il réussit à sor-
tir enfin de la classe des quadrilles où il
SVETLANA LOBOFF ; AGATHE POUPENEY ; BENOÎTE FANTON
attend son tour depuis 2020. C’est tout
à fait possible : cette année, le concours
ouvre six postes de coryphée chez les
hommes et cinq chez les femmes.
7 Thomas Docquir, sujet
Où s’arrêtera-t-il ? Voilà un dan-
seur qui grandit lentement mais sû-
rement. Entré dans le ballet en 2015, il
est sujet depuis 2020. On a apprécié sa
technique dans l’Idole dorée de La
Bayadère et son sens dramatique dans
le Rothbart du Lac des cygnes. Jusqu’où
ira-t-il ? Ses rôles cette année de-
vraient permettre de se faire une idée. Il
danse le programme Robbins, et Basilio
de Don Quichotte, le 21 mars avec Roxa-
ne Stojanov.
demi, elle a construit son art. Entrée à
16 ans dans le ballet, elle a été promue
sujet en 2022. On la verra dans le pro-
gramme Robbins et en Clara de Casse-
Noisette, les 11, 17 et 23 décembre avec
8 Jack Gasztowtt, sujet
Il est bien, dans le classique,
comme dans le contemporain
où on a pu admirer sa gestuelle fluide
Paul Marque. et poétique dans Signes, de Carolyn
Carlson au printemps. Promu sujet
en 2022, c’est un danseur remarqué.
5 Bleuenn Battistoni,
première danseuse
Coup de théâtre et révélation le
soir des adieux d’Alice Renavand dans
Après avoir dansé Rothbart la saison
dernière, il va tenir son premier rôle
d’étoile cette année en Colin de La
Giselle en juillet 2022. L’étoile s’effon- Fille mal gardé, avec Marine Ganio les
dre, blessée au deuxième acte. Son par- 14, 18 et 21 mars. ■ A. B.

MARIE-NICOLE LEMIEUX
« BERLIOZ EST COMME
MON PREMIER AMOUR ! »
LA CONTRALTO FERA SES DÉBUTS WAGNÉRIENS
DANS « L’OR DU RHIN » ET « LA WALKYRIE » À BRUXELLES.
MAIS ELLE VIENT AUSSI DE PUBLIER UN ENREGISTREMENT
DES « NUITS D’ÉTÉ » AVEC LE PHILHARMONIQUE
DE MONTE-CARLO. UNE VERSION DE RÉFÉRENCE QUI EN DIT LONG
SUR SON AMOUR DU CHANT FRANÇAIS.
THIERRY HILLÉRITEAU £@thilleriteau
e vous fiez pas à ce rire so-
N laire et communicatif qui
afflue de tout son être
comme les eaux du Saint-
Laurent à la fonte des nei-
ges ! Même en pleine possession de ses
moyens et de sa voix, qui est sans le
moindre doute dans ses plus belles an-
nées ; même après un quart de siècle de
carrière ; même après une succession
de triomphes sur scène, Marie-Nicole
Lemieux reste une traqueuse. « Je suis
comme Woody Allen : je compense par
l’humour mes angoisses existentielles »,
nous confiait la Québécoise à la sortie
de sa première Carmen aux Chorégies
d’Orange, cet été… Anticipant déjà sa
prochaine prise de rôle à l’Opéra :
Fricka, dans la Tétralogie de Richard
Wagner, mise en scène par Romeo
Castellucci, qui débute dans quelques
jours au Théâtre de la Monnaie de
Bruxelles. « Une grande prise de rôle
pour moi, qui me suis si longtemps tenue
à distance du répertoire wagnérien. Je
me réjouis de l’aborder maintenant, à ce
moment de ma vie et de ma carrière où je
me sens les reins plus solides, avec
moins de crainte de manquer de souffle.
Ou de ne pas savoir trouver les couleurs
que j’ai en tête pour cette musique. »
Elle le sait : son virage dans le baro-
que, marqué dès 2004 par un enregis-
trement particulièrement remarqué de
l’Orlando Furioso de Vivaldi sous la ba-
guette de Jean-Christophe Spinosi
(pour Naïve), l’a longtemps circonscri-
te, aux yeux du grand public, dans la
musique du XVIIIe et aux héroïnes
haendéliennes ou vivaldiennes. « Ce
n’était pas prévu du tout, s’amuse-t-el-
le aujourd’hui. Lorsque j’ai commencé
en 2000, juste après ma victoire au
concours Reine Élisabeth de Belgique, je
ne m’attendais pas à chanter ce réper-
toire baroque. Je ne m’en croyais
d’ailleurs même pas capable. À l’épo-
que, je me projetais surtout comme
chanteuse de récitals. » Ce dont témoi-
gne précisément le premier disque de
la contralto (disponible sous le label
Cyprès), enregistré à l’été 2000, juste à
la sortie du concours, avec le pianiste
Daniel Blumenthal. Y figurent, au côté
des Rückert-Lieder de Mahler ou des
Wesendonck-Lieder de Wagner, juste-
ment… Les Nuits d’été de Berlioz ! « À
l’époque déjà, je rêvais d’enregistrer ce
cycle dans sa version orchestrale, se
souvient-elle. Mais je n’en avais évi-
demment pas les moyens. Ni en termes
de notoriété ni en termes vocaux. Je
n’aurais jamais pu rivaliser avec la
puissance orchestrale de Berlioz. »
Vingt-trois ans plus tard, elle a en-
fin réalisé son rêve. En publiant chez
Erato, au début du mois, « sa » version
des Nuits d’été avec orchestre. Magis-
tralement accompagnée par l’Orches-
tre philharmonique de Monte-Carlo,
placé sous la direction de Kazuki Ya-
mada. Un choc artistique ! Jamais Les
Nuits d’été ne nous étaient apparues
aussi colorées, poétiques, et en même
temps d’une théâtralité parfaitement
naturelle. Une version d’anthologie qui
surclasse même par certains aspects (la
LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023
CULTURE 33
EN BREF
22E ÉDITION
DU GRAND BIVOUAC
Jusqu’au 22 octobre se tient
à Albertville (Savoie) le Festival
du cinéma documentaire
et du livre le Grand Bivouac.
Au programme, 56 documentaires
internationaux, 21 rencontres
littéraires, 7 concerts et
6 expositions, de grands débats et
des rencontres. Un tour du monde
en 32 pays avec toujours le même
leitmotiv : garder l’espérance.
GRÈVE AU CENTRE
POMPIDOU
richesse du timbre, l’éclat des aigus, Le Centre Pompidou était
GENEVIEVE LESIEUR VIA WARNER CLASSICS & ERATO
les graves idéalement dosés et, surtout, de nouveau fermé hier en raison
ce sens de la coloration qui lui permet d’une grève de ses personnels,
d’éclairer chaque mot d’une lumière inquiets pour leur avenir dans
différente) celle de Régine Crespin et
de l’Orchestre de la Suisse romande,
dirigé par Ernest Ansermet, gravée il y
a soixante ans de cela.
« Berlioz est comme mon premier
amour, concède la chanteuse, qui a
travaillé pour cet enregistrement avec
la perspective d’une fermeture
de cinq ans à compter de 2025.
La grève a débuté lundi avec
un préavis déposé pour un mois,
reconductible. Malgré
l’élaboration d’un projet
de protocole d’accord,
le Palazzetto Bru Zane (centre de musi- la direction a pour l’heure échoué
que romantique française) pour se rap- à convaincre les personnels
procher au maximum de la partition. (environ un millier) et leurs
En particulier avec ce cycle, qui est na- représentants syndicaux
turellement un sommet pour ma tessitu- de cesser le mouvement.
re, mais porte aussi, dans chaque mélo- Le musée doit fermer en 2025
die, sa propre histoire. C’est comme une « Que ce soit à l’Opéra ou en récital, le chant français représente toujours pour moi jusqu’en 2030 pour des travaux
succession de mini-récits, avec chacun le même bonheur, le même défi et la même fierté », souligne Marie-Nicole Lemieux. de désamiantage et de rénovation.
son ambiance », souligne-t-elle. Des
Mille et Une Nuits en miniature, en
somme, qui font écho aux deux cycles
qui complètent cet enregistrement (la
ON N’A JAMAIS EU AUTANT
Shéhérazade de Ravel et les plus rares
Mélodies persanes de Saint-Saëns).
Mais trouvent surtout leur parfait ac-
BESOIN DE POÉSIE
complissement grâce à une prosodie
naturelle et un sens du français d’une
incroyable subtilité, qui lui permet
d’embrasser et d’embraser vocalement
chaque vers de Théophile Gautier.
ET DE LÉGÈRETÉ
“deAuporter
fond, j’ai l’impression
ce disque en moi
depuis vingt-trois ans.
D’ailleurs, pendant les CHRISTMAS IN JULY et ARTÉMIS PRODUCTIONS présentent
séances d’enregistrement
avec l’orchestre,
je me sentais comme
à la maison. Tout flottait.
”
J’étais chez moi
LA CONTRALTO MARIE-NICOLE LEMIEUX
« Que ce soit à l’Opéra ou en récital,
le chant français représente toujours
pour moi le même bonheur, le même défi
et la même fierté », rappelle-t-elle.
Joie, honneur et fierté… Trois senti-
ments qui transparaissaient cet été
dans ses larmes à peine contenues, lors
de la cérémonie informelle de remise
des insignes de chevalier des Arts et
des Lettres organisée juste après Car-
men dans les ruines du Théâtre antique
d’Orange par le patron des Chorégies, UN FILM DE
Jean-Louis Grinda, et le président de
Warner Classics et Erato, Alain Lance- YOLANDE MOREAU
ron. « Le français est une langue que
j’adore chanter et dans laquelle je me
sens bien », confiait-elle alors. Une af-
finité avec le chant français qu’elle at-
tribue à ses origines québécoises. « Ce
n’est pas qu’une question d’éducation
francophone, explique-t-elle. Au Qué-
bec, on parle beaucoup en chantant.
Notre accent fait que l’on aborde le
français avec une couverture naturelle
dans la voix. Ce n’est pas un hasard si
beaucoup de grandes voix du chant
français ou de l’opéra français viennent
de chez nous. »
Cet enregistrement des Nuits d’été,
maintes fois ajourné en raison de col-
laborations avortées ou de la pandé-
mie, et qui fait suite à celui du Poème
de l’amour et de la mer de Chausson,
ainsi que du rare poème symphonique
La Mer de Joncières, paru en 2019,
s’inscrit magistralement dans cette lo-
gique. « Au fond, j’ai l’impression de
porter ce disque en moi depuis vingt-
trois ans. D’ailleurs, pendant les séan-
ces d’enregistrement avec l’orchestre,
je me sentais comme à la maison. Tout ACTUELLEMENT
flottait. J’étais chez moi », conclut-elle.
Confirmant qu’elle ne partage pas avec
AU CINÉMA
Woody Allen que des angoisses exis-
tentielles, mais aussi un amour certain
de la France. ■
Les Nuits d’été de Berlioz (CD Erato).
L’Or du Rhin de Wagner, au Théâtre
A
de la Monnaie de Bruxelles (Belgique),
du 24 octobre au 9 novembre.
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO

34 CULTURE
Une yourte
traditionnelle
kazakhe dans la cour
d’honneur de la
Monnaie de Paris
fait voyager cette
deuxième édition
d’Asia Now en bord
de Seine.
JEAN PICON

LE PARIS DE L’ART EN QUATRE OUTSIDERS

pièces d’Andrea Branzi, mort à 84 ans le
DANS LE SILLAGE DE PARIS+ 9 octobre à Milan, sont parties très vite
PAR ART BASEL, QUI SE TIENT chez Friedman Benda de New York
(Beaubourg a acheté le Germinal Seat,
AU GRAND PALAIS ÉPHÉMÈRE, 2022).
LES FOIRES PARALLÈLES, Asia Now hisse les couleurs de l’Asie
centrale à La Monnaie. Une yourte tra-
D’ASIA NOW À OFFSCREEN, DE ditionnelle kazakhe dans la cour d’hon-
neur fait voyager cette deuxième édition
DESIGN MIAMI PARIS À PARIS d’Asia Now en bord de Seine. Sa fonda-
INTERNATIONALE, MULTIPLIENT trice, Alexandra Fain, et sa directrice
artistique Kathy Alliou ont donné carte
LES PROPOSITIONS. blanche au collectif Slavs and Tatars dès
l’escalier d’honneur, avec 14 artistes
utilisant comme médium le textile (dont
VALÉRIE DUPONCHELLE Gulnur Mukazhanova, née à Semipala-
vduponchelle@lefigaro.fr tinsk, Kazakhstan, et son triptyque en
ET BÉATRICE DE ROCHEBOUËT laine mérinos feutrée, galerie Michael
bderochebouet@lefigaro.fr Jansen de Berlin). Mercredi soir, la Japo-
naise Lei Sato offrait dans le hall une
n attendant de recentrer le performance artistique et culinaire avec

E marché de l’art sur le Grand

Palais, qui doit accueillir
Paris+ par Art Basel après l’été
des JO et la fin des travaux an-
noncée pour 2024, Paris offre une vraie
promenade aux amateurs, jusqu’à di-
manche soir. De la rive gauche avec Asia
ses céramiques ressemblant à un buffet
de friandises, installées sur des blocs de
chanvre. Dédale mieux maîtrisé cette
année, qui permet des surprises et des
retrouvailles : des aquarelles sur papier
et céramiques à petits prix d’Odonchi-
meg Davaadorj, 33 ans, originaire de
Now et Design Miami Paris, à la rive Mongolie (galerie BackSlah), aux jarres
droite avec Offscreen et Paris Interna- poétiques de Bai Ming, né en 1965 à Yu-
tionale. Sans oublier les Tuileries, où Pa- gan, dans le Jiangxi, près du siège des
ris+ par Art Basel poursuit la politique de manufactures impériales de porcelaine
la Fiac avec son exposition dans l’espace depuis l’époque Yuan (chez Françoise
public (commissariat Annabelle Ténèze, Livinec). Zénitude absolue, chez Gana
nouvelle directrice du Louvre-Lens). Et Art de Séoul avec le Coréen Park Suk-
la place Vendôme, où le Zurichois de Won (né en 1942) et ses toiles et sculptu-
New York Urs Fischer, a installé sa res en noir et blanc.
sculpture géante en aluminium, Wave.
En 2022, pour des questions de sécuri- Un tour de magie
té et une organisation pas encore bien fi- Pour sa deuxième édition, Offscreen,
celée, la foire Design Miami Paris n’avait cofondée par Julien Frydman et Jean-
pu planter sa tente place de la Concorde. Daniel Compain, consacrée aux « Instal-
Cette année, sa directrice, Jennifer Ro- lations, images fixes et en mouvement »
berts a trouvé enfin son écrin : l’hôtel de a réussi un tour de magie. L’an dernier,
Maisons, au 57, rue de l’Université (7e), elle avait occupé les salons et les ors XIXe
demeure de 1706 de la famille corse Po- de l’hôtel Salomon de Rothschild. Cette
zzo di Borgo, jusqu’au début des années année, changement de cap radical avec
2000. Et les œuvres s’infiltrent jusqu’au le Grand Garage Haussmann, en plein
jardin (avec Pavillon X de l’architecte cœur du 8e, un ancien garage à la façade
Marc Leschelier, 38 000 euros). Sur les Art déco que Julien Frydman a repéré
27 exposants de ce Design Miami Paris, par hasard, en passant à vélo. Là, sur la
dont Salon 94 de New York (avec la rampe au froid polaire, cinq étages de-
sculptrice Kennedy Yanko, aussi à voir viennent dix plateaux d’avant-garde
chez Alexandre Devals au jardin du (de Paul Graham, vu à Arles, chez Clé-
Palais-Royal), seize sont parisiens, c’est mentine de la Féronnière, à Victor Bur-
dire à quel point le design et le vintage gin, exposé actuellement au Jeu de pau-
sont les points forts de Paris. me à Paris, chez Thomas Zander,
Cologne). « Nous sommes partis des
Couleurs de l’Asie œuvres, puis des artistes, seulement 25,
Formant des binômes réussis dans cha- pour arriver aux galeries à 60 % interna-
que pièce, ils ont recréé l’intime du col- tionales. De la photographie à la vidéo,
lectionneur. De Patrick Seguin avec cela me va très bien que cela soit indéfi-
Kreo, de François Laffanour avec Tho- nissable », nous dit-il. Il y a de l’ovni
mas Fritsch, à Jacques Lacoste avec Phi- dans The Island, galerie venue de Lon-
lippe Jousse : bataille de canapés Ours dres qui commissionne ou finance des
polaire de Royère (1,6 million d’euros projets liés à la technologie. Dont Hea-
celui de Laffanour). La nouvelle généra- dlines and Last Lines de Stefan Brügge-
tion (Desprez Bréhéret et Ketabi Bour- mann, artiste mexicain d’origine alle-
det) expose des pièces design minima- mande représenté par Hauser and
listes du Français Philippe Starck ou de Wirth, qui fait se télescoper, via 10 000
la Japonaise Rei Kawakubo, fondatrice combinaisons, les titres de l’actualité en
de Comme des Garçons. Trônant dans la direct et les répliques de films cultes, du
cour, L’Âne de Lalanne a été vendu Lauréat (1967) à Terminator (1984). L’ar-
4 millions d’euros par Jean-Gabriel rêt sur image est fascinant.
Mitterrand, outsider de charme. Les Bouchons, mardi, à Paris Internatio-
nale, qui, pour sa 9e édition, rassemble
71 galeries de 25 pays, au 17 rue du Fau-
bourg-Poissonnière (9e). Dans ce paysa-
ge très inégal, se dégage « A Drawing for
COURTESY DE JAMES HARRIS POUR DESIGN MIAMI/ PARIS

Morocco », initiative lancée par les Ma-

rocains Mouna Mekouar, Mustapha
Bouhayati, Samy Ghiyati et par Nicolas
Nabab (la galerie brésilienne Mendes
Wood DM qui vient de s’installer place
des Vosges). Plus de 150 artistes offrent
leurs dessins, tous anonymes, sur papier
format A5 et 300 mg, accrochés sur une
seule ligne, tous à 800 euros. Simone
Fattal en a offert 13, Jeremy Demester,
15. Daido Moriyama a offert 10 photos.
Olafur Eliasson vient d’envoyer le sien
par FedEx. Hier, quelque 200 avaient
déjà été vendus, à des professionnels
comme Martin Béthenod et Caroline
Bourgeois (Collection Pinault), comme à
de jeunes passionnés. Une publication
A

Salon Ours polaire de Jean Royère, chez les réunira tous. Paris+ par Art Basel
Jacques Lacoste. n’avait pas la place de les accueillir. ■

« SÉOUL EST
UN ELDORADO DE
LA SCÈNE ARTISTIQUE »
LES CONSTRUCTEURS DU PLUS GRAND PORT FRANC AU MONDE
POUR LES ŒUVRES D’ART DANS LA CAPITALE SUD-CORÉENNE,
Le projet du futur
grand port franc
PRÉVU EN 2026, REVIENNENT SUR LE FORMIDABLE ESSOR
de Séoul. DE CE MARCHÉ DANS LEUR PAYS.
ARSHEXA
PROPOS RECUEILLIS PAR
BERTRAND DE SAINT VINCENT
bdesaintvincent@lefigaro.fr
Le PDG d’Arshexa, société chargée de la
construction du plus grand port franc
du monde à Séoul, Song Moon-suk, et la
présidente Europe, Mia Lee Dervout,
reviennent sur ce projet. Il s’inscrit dans
un contexte global de développement
sans précédent des ambitions artistiques
de la Corée du Sud. La seconde ville du
pays, Busan, est par ailleurs candidate à
l’organisation de l’Exposition univer-
selle de 2030 dont le vainqueur sera dé-
signé en novembre à Paris.
LE FIGARO. – Perrotin, Ropac,
Gagosian, White Cube, Pace Gallery…
Séoul attire de plus en plus de galeries
internationales. La Corée du Sud
est-elle devenue une plateforme
artistique majeure en Asie ?
SONG Moon-suk. – Oui. La Corée du
Sud est devenue une sorte d’eldorado de
la scène artistique asiatique, voire mon-
diale. Elle le doit à son dynamisme
culturel, sa créativité et sa diversité. Les
artistes coréens ont su exprimer leur
mémoire, leur résilience et leur quête
d’identité à travers des œuvres origina-
les, diverses et engagées. Ils bénéficient
aujourd’hui d’une reconnaissance na-
tionale, mais aussi étrangère qui se tra-
duit par des expositions dans les plus
grands musées du monde et par l’im-
plantation croissante de galeries inter-
nationales à Séoul. Le développement
des infrastructures culturelles et l’effort
d’éducation du gouvernement ont in-
tensifié ce mouvement. La Corée du Sud
compte plus de 400 musées, dont le Mu-
sée national d’art moderne et contem-
porain, le Musée Leeum Samsung ou le
Musée d’art contemporain de Séoul,
ainsi que de nombreux festivals, bien-
nales et foires d’art.
“parRelié au centre-ville
le train express Arex,
le projet baptisé
« AH Freeport »
sera achevé en 2026
et occupera une superficie
de 94 644 m2 sur quatre
”
étages
SONG MOON-SUK, PDG D’ARSHEXA
K-pop, K-food, K-drama, quel est
l’impact du succès grandissant
de la culture coréenne dans le monde ?
Il est multiple. En dehors de son impact
économique - selon une étude gouver-
nementale, la valeur ajoutée de la cultu-
re coréenne a atteint 105 milliards de
dollars en 2019, soit 5,4 % du PIB -, ce
louisvuitton.com
« Apportons l’Expo 2030 à Busan », une œuvre géante sur une rizière pour appuyer
la candidature de Busan à l’organisation de l’Exposition universelle de 2030.
LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023
CULTURE 35
rayonnement est un outil majeur de di-
plomatie publique et de soft power qui
permet de renforcer l’image du pays et
de promouvoir ses valeurs. Cette cultu-
re influence les goûts et les préférences
des consommateurs dans le monde en-
tier dans des domaines aussi divers que
la gastronomie, la mode ou les cosméti-
ques. Les jeunes générations occidenta-
les sont de plus en plus nombreuses à
apprendre notre langue ou à rêver de
venir vivre en Corée.
Le gouvernement sud-coréen
vous a confié la mission de construire un
gigantesque port franc dans l’aéroport
de Séoul à l’horizon 2026. Quelle est
l’ambition de ce projet ?
Le projet de port franc dans l’aéroport
Séoul-Incheon, confié à Arshexa, a pour
ambition de faire de la capitale sud-co-
réenne le plus grand hub international de
l’art et de la culture, en attirant les artis-
tes, les collectionneurs, les marchands et
les amateurs d’art du monde entier. Il of-
frira des avantages fiscaux et douaniers,
ainsi que des infrastructures modernes et
ultrasécurisées pour le stockage, l’expo-
sition, la vente et le transport des
œuvres. Relié au centre-ville par le train
express Arex, le projet baptisé « AH
Freeport » sera achevé en 2026 et occu-
pera une superficie de 94 644 m2 sur
quatre étages. Avant son ouverture, une
première foire internationale d’art
contemporain se tiendra à l’aéroport.
Le 28 novembre prochain, à Paris,
sera désignée la ville qui accueillera
l’Exposition universelle de 2030. Busan,
Rome et Riyad sont en compétition.
Quels sont les atouts de la ville sud-
coréenne ?
Mia LEE DERVOUT. – Cosmopolite et
dynamique, réputée pour son festival
international du film - le plus grand
d’Asie -, Busan a une grande expérience
des événements internationaux. Elle at-
tire chaque année 24 millions de visi-
teurs. C’est par ailleurs une ville por-
tuaire qui dispose du sixième plus grand
port de conteneurs du monde et un car-
refour stratégique, qui relie l’Eurasie et
la région Asie-Pacifique. C’est enfin une
ville à la pointe de la quatrième révolu-
tion industrielle (elle a été désignée zone
franche de réglementation de la block-
chain et abrite la ville intelligente Eco
Delta). En cela, elle reflète parfaitement
le thème mis en avant pour l’Exposition
universelle de 2030 : « Transformer no-
tre monde, naviguer vers un avenir
meilleur » qui a pour objet de promou-
voir un modèle de développement du-
rable, inclusif et harmonieux. La
concurrence est rude mais nous espé-
rons que les États membres du Bureau
international des expositions seront
convaincus de la cohérence et de la
solidité de cette candidature. ■
EXPO2030BUSAN
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO

36 TÉLÉVISION
MYLÈNE FARMER DANS LES PAS D’UNE ICÔNE
ALORS QUE SES FANS RÊVENT D’UN CD LIVE ET DE NOUVELLES
DATES DE CONCERT QUI DEVRAIENT ÊTRE ANNONCÉES
D’ICI À NOËL, CE DOCUMENTAIRE, LE PLUS ABOUTI SUR LA DIVA,
A ÉTÉ JUDICIEUSEMENT ACTUALISÉ.
LÉNA LUTAUD £@LenaLutaud
Paul Gaultier apportent une vraie valeur
ajoutée. Alors que la Ciccone sera à Paris
en novembre pour son « Celebration
artenaire historique de Mylène Tour », Jean Paul Gaultier ose : « Les

P Farmer, le groupe TF1 diffuse

pour la troisième fois en huit
ans Sur les pas d’une icône, le
documentaire le plus abouti
sur la diva. Pourquoi maintenant ? Son
retour sur scène est prévu pour fin sep-
tembre 2024, suivi le 7 novembre de la
shows de Mylène ont toujours été dix fois
plus grandioses que ceux de Madonna. »

projection de ce show dans les cinémas
Pathé et enfin de la sortie du DVD live
pour Noël 2024. « Il faut occuper le terrain
les onze prochains mois, analyse Jean-
Édouard M., l’un des principaux fans de
l’artiste. Nous espérons que cette diffusion
précède l’annonce pour Noël 2023 de la
sortie du CD live et celles de nouvelles dates
pour l’automne prochain. » Le groupe TF1
dément tout calcul marketing.
Diffusé en 2015 et en 2018, ce film de
Nicolas Perge a été modifié à la marge. Il y
a d’abord ce que l’on ne
voit pas. Puisque deux
concerts au Stade de
France de son dernier
show, Nevermore, ont ○○○○
21.25
été reportés à 2024 en
raison des émeutes de juin dernier. La ca-
méra aurait pu suivre son producteur et
manager Thierry Suc pendant ses négo-
ciations avec le gouvernement pour évi-
ter les reports en question et filmer le cas-
se-tête pour trouver de nouvelles dates.
Au lieu de quoi, le réalisateur a inter-
viewé davantage de proches. Les analy-
ses de Simon Buret et Olivier Coursier, du
groupe Aaron, du compositeur Martin
Kierszenbaum, ajoutées à celles de Jean
Capacité à se renouveler
Ces cent minutes retracent la carrière de
la star et lèvent le voile sur sa personnali-
té. Depuis la disparition de Johnny Hally-
day, il y a six ans, et le repos forcé de Céli-
ne Dion, Mylène Farmer est l’unique
grande vedette francophone. La longévi-
té de sa carrière et sa capacité à se renou-
veler avec des pointures des milieux
créatifs branchés comme Woodkid for-
cent le respect. Elle ne laisse jamais rien
au hasard et agit en femme libre. Elle est
certes une égérie gay mais son public est
bien plus large. Composé de personnes de
tout âge et de toute classe sociale, il lui a
permis dès son premier concert, en 1989,
de chanter devant un
minimum de 4 000 per-
sonnes. Dans le showbiz,
c’est rarissime.
Découvrir ses inter-
views données aux chaî- Tricoté avec des extraits de clips, son directeur musical, des amis comme des tenues et des chorégraphies incroya-
nes régionales de France 3 en 1984 avec de concerts et les commentaires Sting et Salman Rushdie. Les deux points bles. Seul Johnny Hallyday était capable
son premier tube, Maman a tort, est drô- d’une vingtaine d’intervenants, fondamentaux que sont ses textes qu’elle de rivaliser. Son coiffeur John Nollet nous
le. À 23 ans, Mylène Farmer s’y montre
le documentaire de Nicolas Perge écrit elle-même et l’image sont bien ex- explique qu’elle « devient rousse dès 1986
retrace la carrière de Mylène
fort bavarde alors qu’aujourd’hui elle Farmer. © ROBIN pliqués. Ses clips proches du cinéma pour être reconnue et symboliser son côté
pèse ses mots. Le récit avance de façon comme Libertine sont aussi mémorables sulfureux et flamboyant ». Exactement ce
classique, tricoté avec des extraits de que ceux de Michael Jackson. Sa force est qu’avaient fait Rita Hayworth et… Yvette
clips, de concerts et les commentaires d’avoir réussi à transposer son univers Horner. L’an prochain, outre des images
d’une vingtaine d’intervenants. On y sur scène. Ses concerts n’ont rien de de Nevermore, ce film mériterait d’être
croise Vincent Lindon et Dominique franco-français. Ce sont des shows spec- enrichi d’un chapitre sur les nombreuses
Besnehard, qui la connaissent depuis sa taculaires avec des effets spéciaux der- références de la star en littérature, en ar-
jeunesse au Cours Florent, Yvan Cassar, nier cri, des décors truffés de clins d’œil, chitecture, en cinéma et en peinture. ■

ROY LICHTENSTEIN SORT DE SA BULLE

UN BEAU PORTRAIT DE CE RÉVOLUTIONNAIRE DU POP ART QUI DÉTOURNA LA BD ET LA PUBLICITÉ POUR RACONTER UNE AUTRE AMÉRIQUE.
musiciens à Harlem et formera son propre sion d’un miniaturiste, ses grands for- bouillonne d’une énergie nouvelle qui
VALÉRIE DUPONCHELLE £@VDuponchelle groupe. Américain envoyé dans l’Europe mats presque mécaniques, balayer de chamboule les frontières établies « entre
détruite par la guerre, de 1943 à 1946, il est couleurs l’espace blanc de son rouleau peinture et sculpture, le créateur et le pu-
ous le bruit sec des enchères qui la star de l’art « postwar ». improvisé, décoller la trame qui va s’im- blic, l’art et la vie ». Dans ses tableaux qui

S enchaînent les millions de dol-

Roy Lichtenstein lors de l’exposition
à la Galerie Ileana Sonnabend, à Paris,
en 1965. J. PAUL GETTY TRUST VIA FRANCE 5
lars, apparaît le dessin sorti d’une
case de BD, amplifié sur la toile,
criblé de la trame pointilliste de-
venue signature d’artiste. Roy Lichtens-
tein (1923-1997), ce fils réservé d’une pia-
niste et d’un agent immobilier, grandit
paisiblement dans le chic Upper Westside,
prend des cours d’aquarelle le samedi ma-
tin, peint des natures mortes, visite le
MoMA (Museum of Modern Art) avec sa
mère, découpe les tableaux dans les re-
vues, les colle dans son carnet à spirale. Ce
clarinettiste passionné de jazz commen-
cera sa vie d’artiste par des portraits de
La précision d’un miniaturiste
Roy Lichtenstein puisa allègrement dans
la publicité, les comics et l’imagerie po-
pulaire pour faire un autre portrait de
l’Amérique. Ce peintre discret est un ré-
volutionnaire qui s’ignore, souligne Roy
Lichtenstein, une révolution pop, le docu-
mentaire de Pierre-Paul Puljiz. Ce film
est nourri d’archives d’époque où New
York « by night » brille de néons, de pho-
tos familiales où Roy a tout du joli gar-
çonnet bien peigné, de plongées dans
l’atelier où le sérieux s’impose. Le voir
peindre au petit pinceau, avec la préci-
primer sur le fond, est stupéfiant. C’est
tout le mystère d’un artiste, athlète sans
public, qui invente son vocabulaire, ses
outils, ses règles.
Le voici à 22 ans, militaire stationné à
Paris qui profite de ses permissions pour
visiter musées et galeries, qui rêve d’aller
sonner à la porte du maître Picasso. Cela
ne se produira pas. Il restera un artiste
américain. Quand il rentre à New York,
c’est le nouveau centre
de gravité de l’art. Ex-
pressionnisme abs-
trait, néo-dada, hap-
○○○○
22.35
penings, la ville
semblent sortis des comics américains,
les batailles aériennes sont héroïques, vi-
ves, colorées, victorieuses.
Le voici, jeune père au foyer en Ohio. Il
peint la nuit et va soumettre ses toiles à
des galeristes à New York. Première ex-
position personnelle en 1951 à la galerie
Carlebach. Il ne vend rien. En 1957, il de-
vient assistant d’un professeur à l’uni-
versité d’Oswego, État de New York. Le
temps retrouvé lui sera
profitable. En 1960, il ren-
contre Allan Kaprow, le
père du happening. Sa ré-
volution est en route… ■

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé MOTS MÉLANGÉS

Barrez dans la grille tous les mots proposés. Cherchez-les horizontalement, verticalement ou
1 2 3 4 5 6 7 8 9 7 5 8 2 6 1 3 4
PROBLÈME N° 6427 diagonalement. Il ne vous restera alors que les lettres formant le mot mystérieux.
HORIZONTALEMENT 1 2 8 6 4 3 1 9 7 5
ANIMATION DENTELLE FANÉ PHOENIX TROC
1. Mettaient du temps. - 2. Fis le grand écart. - 3. 4 3 1 5 7 9 6 2 8
Bougent sans cesse. - 4. Encadré dans le journal. 2 ARTILLEUR DISPENSE GANG RALENTIR VIVRE 7 6 3 1 5 4 2 8 9
S LUTION DU N°4519

Prénom féminin. - 5. Retourné retourné. Poil de barbe. 8 1 4 7 9 2 3 5 6

- 6. Note. Au pied, sur la tête ou au bout des lèvres. - 7. 3
Inciter à venir. - 8. Met en botte ce qu’il touche. Évite la ASSEZ ÉHONTÉ GIBIER SIGNIFIER 5 9 2 3 6 8 4 1 7
tournée officielle. - 9. Fleur bleue et tête de linotte. 4 3 4 9 2 8 7 5 6 1
A une marque sur la peau. - 10. N’a rien dans le ventre. BAKCHICH ÉTÊTÉ GUERROYER SOLITAIRE 1 2 8 6 4 5 7 9 3
Réseau francilien. - 11. Elles font un travail dégradant au 5 6 5 7 9 1 3 8 4 2
CHAÎNON ÉTRANGÈRE HÉLAS STERNE
O

lit. - 12. Survit à la disparition des autres.

6
VERTICALEMENT COMBAT EXPERT NUÉE SUPER 5 1 6 4 8 9 7 3 2
7
1. Sortir son rigolo. - 2. Elle fournit du petit bois pour 9 8 2 3 1 7 6 4 5
le feu. - 3. Prépare une pâte feuilletée. Danses ou 8 R H E L A S E R H R S S E E R 4 3 7 2 6 5 9 8 1
boissons. - 4. Forme d’avoir. Favorise l’avancée des 7 2 5 9 3 1 8 6 4
SOLUTION DU N°4520

bactéries. Bloc éclaté. - 5. Fait des cartes de France. 9

Maître de l’estampe. Pense comme les humains. - 6.
U C N R A N I S E S O U X L E 3 6 9 8 2 4 1 5 7
Jamais sorti. Pourfendeur du conformisme marxisant. 10 8 4 1 5 7 6 3 2 9
- 7. Grains de beauté. Mauvaise odeur persistante. - 8. E I A O E T I I N L T I P L Y 1 7 8 6 4 2 5 9 3
Thé d’oreiller. Laissé pour compte. 11
L H F T N G F M I E N E E E O 6 5 4 7 9 3 2 1 8
2 9 3 1 5 8 4 7 6
12
L C O E A I N T A E P U R T R
SOLUTION DU PROBLÈME N° 6426 I K L N N B A A O T R S T N R
HORIZONTALEMENT 1. Cramoisi. - 2. Hypocras. - 3. Attirant. - 4. Thèse. Th. - 5. Oms. Riom. - 6. Ui. T A G G T I M H R E I V I E E
Raine. - 7. Ictus. - 8. Lies. Tic. - 9. Lé. Acier. - 10. ENA. Isra.- 11. Unions. - 12. Xériques.

VERTICALEMENT 1. Chatouilleux. - 2. Rythmicienne. - 3. Aptes. Té. Air. - 4. Mois. Rusa. Oi. - 5. Ocreras.
R B I B R E P O C T A O I D U SOLUTION DU MOTS À MOT
A

Les mots sont :

Cinq. - 6. Ira. II. Tissu. - 7. Santonnier. - 8. Isthme. Crans.
A S S E Z R C N C E E U N V G ÉRIGER - PLANTE - SOUPIR.
 LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023

TÉLÉVISION Tous les programmes

dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag MÉTÉO PAR 37
À LA DEMANDE ÉPHÉMÉRIDE Ste-Adeline
Soleil : Lever 08h18 - Coucher 18h51 - Premier croissant de Lune

20.50 21.10 21.10 MATIN

Rugby : Coupe du monde Les petits meurtres 300 chœurs Invasion 14
S p o rt d’Agatha Christie D i v e r t is s e m e n t 30
13
13 14 14
12 14
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12 13 14
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13
14 13 14
13
1 r e d e m i- i n a l e : A r g e n t i n e - S é r i e . P o l ic i è r e 2 h . L e t o u r d e Fra n c e e n c h a n s o n s . Au cinéma ou à la télévi-
N o u v e l l e - Z é l a n d e . E n d ri e c t . F r a / S u i . 2 0 2 1 . S a is o n 3 . A v e c A r t h u r P o u r le p r e m ie r n u m é r o d e l ’a n n é e , le s sion, le thème des invasions 90
A p r è s s ’ ê t r e i m p o s é e f a c e à Il ’ r l a n d e a r t is t e s d e « 3 0 0 C h œ u r s » s e l a n c e n t extraterrestres ne donne aux 12 15
D u p o n t . L a c h a m b r e n o ri e . P a r c e 14
e n q u a rt d e i n a le , la N o u v e l le - q u ’e l le é c h o u e à a r r ê t e r le m e u rtr ie r d a n s u n t o u r d e Fra n c e e n c h a n s o n s . scénaristes que deux options : 15
Z é la n d e a f r o n t e l ’ A r g e n t in e , q u i a d e j e u n e s m a n n e q u in s d e m o d e , À c e t t e o c c a s i o n , i l s r e v i s ti e r o n t l e s l’invasion franche et massive 14 13
d o m in é le p a y s d e G a l le s , p o u r u n e G r é c o e s t m is e s u r l a t o u c h e . E l l e p lu s b e l le s c h a n s o n s d e s r é g io n s . avec soucoupes volantes et 17 19
p la c e e n i n a le d e la C o u p e d u m o n d e . m è n e l ’ e n q u ê t e à d is t a n c e , a v e c l ’ a i d e aliens gluants, comme dans 17
23.10 La vie secrète des chansons. 14
d e M a x et R o s e . « Independence Day », ou alors 13
22.55 Le mag de la Coupe du monde Documentaire. Réal. : Marie-Laurence 19
l’invasion lente et sournoise, 21
de rugby. Magazine sportif. Inédit. 22.50 Taratata 100% live. Variétés. Rincé-Delais. Comme ils disent.
comme dans « L’invasion des 17
profanateurs ». C’est l’action ou
90
la paranoïa. Un peu à la manière 22
de « La Guerre des mondes », APRÈS-MIDI
cette nouvelle série Apple choisit
21.11 20.55 21.10 les deux. D’abord, plusieurs
30
17
Super Mario Bros. le ilm Ça reste entre nous Cauchemar en cuisine personnages sont confrontés
à des événements étranges 18
F ilm . A n im a t io n T é lé i l m . D r a m a t iq u e D o c u m e n t a ri e
et remarquent quelque chose 18 15 15
d’anormal dans le ciel. Mais 18 18
bien sûr, après deux saisons, le 15 16
16
suspense est éventé, et la guerre 17 18 18
15
ouverte est déclarée. 17
17 18 16
16

E U / J a p . 2 0 2 3 . R é a l. : A a r o n H o r v a t h , A l l . 2 0 2 3 . R é a l . : F e l i c ti a s K o r n . 1 h 2 9 . P r é s . : P h i l ip p e E t c h e b e s t .1 h 5 5 . B o n - 14 18
M ic h a e lJ e l e n ic . 1 h 3 2 . L e s a v e n t u r e s A v e c F e l i x K l a r e I. n é d ti . À l a m o r t d e E n c o n tr e . P h i l ip p e E t c h e b e s t s e r e n d 90 17
06.00 Points de vue. 17
d e d e u x fr è r e s p l o m b i e r s , e n tr a î n é s s a m è r e , u n q u a d r a g é n a ri e a c c o m p l i à B o n - E n c o n tr e d a n s le L o t - e t - G a -
(Rediffusion à 12.00) 19 15
m a lg r é e u x d a n s u n m y s t é r ie u x r e v ie n t d a n s le v i l la g e d e s o n e n f a n c e , r o n n e p o u r a id e r L e v a n a e t O l iv ie r . C e
r o y a u m e o ù d e s c h a m p i g n o n s p u l- e t d e s é v é n e m e n t s s o r d id e s q u i s ’y s o n t l e s h a b ti a n t s d u v i l l a g e q u i o n t 18.30 Le Buzz TV. 20 21
l u l e n t e t r è g n e n t e n m a tî r e s a b s o l u s . s o n t d é r o u l é s a u t r e f o is . a p p e lé le c é lè b r e c h e f . Les Chevaliers du fiel, 21
humoristes dans le spectacle 17 18
22.42 Le Chat potté 2 : la dernière 22.30 Viva la vulva. Documentaire. 23.05 Cauchemar en cuisine. Docu- « Les Chevaliers du fiel : 21 24
quête. Film. Animation. Réal. : Gabi Schweiger. mentaire. Notre-Dame-de-Vaulx. Une drôle d’affaire de famille » 22 60
sur C8. Interviewés par Damien
Canivez et Mathilde Seifert. 23

20.31 Touche pas à mon poste week- 19.50 Les cinquante. Jeu. Inédit. 20.45 Quotidien. Divertissement.
19.00
Bienvenue
T (en °c)
<-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40

end. Divertissement-humour. en Île-de-France

21.05 Enquête d’action 21.25 Mylène Farmer :
21.19 Le sang de la vigne Magazine. Prés. : Marie-Ange Casalta. sur les pas d’une icône ALGER 19/22 AMSTERDAM 8/10 17/24
ATHÈNES
Série. Policière. Fra. 2014. Saison 3. 1h55. Gendarmes du Var : quand la Doc. Fra. Réal. : Nicolas Perge. De son
Avec Pierre Arditi. Cauchemar en violence s’installe dans le quoti- premier album «Cendres de Lune» à BARCELONE 17/22 BELGRADE 17/31 BERLIN 6/6
Côte-de-Nuits. Inédit. Lors d’une dien. Inédit. En France, le nombre «Interstellaires», son album sorti en BERNE 11/13 BRUXELLES 15/16 BUDAPEST 16/24
dégustation, Benjamin voit surgir un de victimes de coups et blessures 2015, Mylène Farmer est devenue le COPENHAGUE 4/7 DUBLIN 12/14 LISBONNE 16/19
FIGARO LIVE

négociant en vins. volontaires explose : +12% en 2021 et symbole de toute une génération. LONDRES 14/15 MADRID 11/17 PRAGUE 8/17
même +15% en 2022. RABAT 19/21 ROME 22/27 TUNIS 24/33
23.12 Le sang de la vigne. Série. 23.15 Bohemian Rhapsody : la vraie
Policière. Du rafut a saint-vivant. 23.00 Enquête d’action. Magazine. histoire de Queen. Documentaire.
Magazine. Présenté SAMEDI DIMANCHE LUNDI
par Victoire Sikora.
Invités culture : Jean-René
Van der Plaetsen (notre photo) 12/13 11/15 9/13
20.05 C à vous la suite. Talk-show. 20.10 Direct Quinté. Magazine sportif. 20.15 Historiquement Show. Mag. et Jacques Garcia pour le Grand
12/14 12/15 10/16 9/15 11/13 5/15
Trophée Dassault.
21.05 Adieu poulet 21.10 L’énigme de la pyramide 20.50 L’ombre d’un doute
22.30 Libre à vous. Présenté 11/15 10/16
Film. Policier. Réal. : Pierre Granier- maudite : Dahchour Magazine. Prés. : Franck Ferrand. 10/16
Deferre. Avec Lino Ventura. Après Doc. Fra. Réal. : Anne-Fleur Delaistre. 2 épisodes. En février 1815, Napo- par Guyonne de Montjou.
l’assassinat d’un collègue, un policier La pyramide rhomboïdale est la pre- léon Ier, en exil sur l’île d’Elbe, retourne
12/16 14/19 9/19 10/18 13/20 15/20
tente de prouver la culpabilité d’un mière pyramide géante de l’histoire. en France, accompagné d’une petite
truand au service d’un homme poli- Et si sa forme si étrange était dû à un troupe et reprend le pouvoir après
tique, en pleine campagne électorale. accident de construction ? une marche sur Paris. lachainemeteo.com
Par téléphone : LIVE 24/24 Sur L’APPLI
22.35 Roy Lichtenstein, une révolu- 22.20 Pyramide noire : la mégastruc- 23.35 La guerre des trônes, la véri-
tion pop. Documentaire. ture enfouie. Documentaire. table histoire de l’Europe. Doc. GRATUITE
2,99 €/appel La Chaîne Météo

MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°3656

CITÉ ALLE- MIT AU INFO EN ROCHE DONNER ANGLAIS IL EN FOU POUR COUPURES
MANDE VERT L’UE JADIS IMAGES UN POSTE TITRÉS AGIT EN IMPOSE JOUER DES UN ESPOIR DE VERS
COMPOSÉE PRENANT SON PAYS TOURS ET
SIM- RECOU- TUBE DE DE QUARTZ DE GUET OR DE EST DIVISÉ PLUS D’UN DÉFER- METTRA
AVION DES GANTS DES RUSES
PLEMENT VRER LUMIÈRE ET DE MICA ATOLLS CHIMISTE SOUS SOL LEMENT SUR PIED
GLISSAI PETIT
PEUT FAIRE CHOU
UN BEAU ATTRIBUER
DUVET LA PALME
BIEN CLAM OU POINT
ORDONNÉE CLOVISSE BESTIOLES
HAUT
PRIX DU CHAN- TENDRES
CINÉMA GEANT AUGURE
COMME FAUCILLE FEMELLE DISTINGUÉ
DES BREBIS EN MARE LETTRES
C’EST UN HOMME À ASTRE DEVANT UN
RÉGAL L’AFFÛT BRILLANT PRÊTRE
FLOUÉ HISTORIEN PLANÈTE EXÉCUTER
NAINE EN BOUCLE
CAMÉLIDÉ PRISE TEL- A ÉCLATÉ
DES ANDES DE JUDO LEMENT DE JOIE
ÉRUC- RIVIÈRE DIFFICILE LIEU DE
TATION DE NOR- À CACHER DUEL OU
ENNUI DE MANDIE DE
PARCOURS AVEC CELA ARTICLE BONHEUR
POSSÉDAIS ANCIENNE CHAMPION
DIS- MONNAIE TOUTES
ORIFICE MI- CORDANTS DE CUIVRE CATÉ-
NUSCULE GOMINA GORIES
DRAP PRO- ENVAHI DE SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT
TECTEUR CIRRUS QUI A FAIT
SON AP- O V L E C A L P D B O P A
ASTATE AXES PARITION F E M I N I N S L A V E U S E E L E C T O R A L
AU LABO OPPOSÉS
T A R A B I S C O T E M E N S U E L L E M E N T
QUI DURE SE D A R T R E A O U T C I R C U I T A R E C I
VAUT LAMENTE
GÉNIE QUELQUE SANS C U I R A I T E C E V E I L C U R I P E
D’ARABIE CHOSE
CESSE V A E N E E P E N E T R E F C A S E T I R
I L L E T O A S T O E U F F O U E T T E E S
IL EN SORT
A

C R I S C I E R E M I S S A I R E S
DES AUTHEN-
ŒUVRES TIQUES E T C U T I L E O L E N O U E D
E R S S T E L E N U E E S U C R E E
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO
38 SCOPEscope
LES MEILLEURES TABLES DU 17E ARRONDISSEMENT
PIOCHÉES PARMI LES NOUVEAUTÉS COMME LES VALEURS SÛRES, VOICI NOS DIX ADRESSES FAVORITES À MOINS DE 50 EUROS, DES BATIGNOLLES AUX TERNES.
Le Bistrot Flaubert.
ALICE BOSIO ET EMMANUEL RUBIN
est en ouest, de la pla-
D’ ce de Clichy à la porte
Maillot, découvrez nos
bonnes adresses pour
un repas complet (en-
trée, plat, dessert) dans le 17e arrondis-
sement ne dépassant pas les 50 euros
(ou presque !).
BISTROT D’AUTEUR
CORETTA
À en croire la forte affluence, ce mer-
credi-là à midi, la seconde adresse de
Beatriz Gonzalez, chef d’origine mexi-
caine formée à Lyon avant de monter à
Paris (Senderens, La Grande Cascade)
et d’y ouvrir Neva, en 2011, puis Coretta
trois ans après, a su trouver sa place
dans le quartier Clichy-Batignolles.
L’immeuble moderne qu’elle occupe,
au rez-de-chaussée et à l’étage, à l’en-
trée du parc Martin Luther King, avec
ses grandes baies vitrées, ses tables en
marbre et ses banquettes nordiques en
bois clair, sied bien à la cuisine bistro-
nomique généreuse de la quadragénai-
re : œuf parfait, maïs au barbecue,
confit d’oignon, soubressade et tuile de
pain, maquereau à la plancha, céleri
rôti et en purée, sauce cresson basilic…
Textures, cuissons, assaisonnements,
sauces : tout est maîtrisé.
POUR QUAND ? Un repas entre bons vi-
vants, au déjeuner pour profiter de la
belle lumière et de la vue sur le jardin.
LE PLAT À NE PAS LAISSER FILER. Le
ris de veau signature, qui ne vole pas
son qualificatif de « crousti-fondant »,
escorté dernièrement d’épinards,
échalote confite, olive de Kalamata et
yaourt fumé.
151 bis, rue Cardinet.
Tél. : 01 42 26 55 55.
Tlj sf dim. et lun. Menu à 32 € (déj.).
Carte : 50-70 €. Métro : Brochant.
BISTROT CHIC
BISTROT FLAUBERT
Certes, convenons, ici, d’une addition
au chausse-pied qui ne glissera en dou-
ceur qu’au principe de s’attabler en se-
maine, au déjeuner et en ne lorgnant à
peu près rien d’autre que le seul menu.
Une fois cette précaution prise, il n’y a
alors pas loin de ce fameux « malin
plaisir » à profiter de la belle affaire
lorsqu’elle rejoint la bonne gueule.
Trois plats dressés en sacrés volumes où
figues et champignons des bois se plai-
sent dans l’humus d’une émulsion de
brousse avant qu’un rare accompagne-
ment de maïs se rappelle au bon souve-
A
nir d’une jolie courbe de volaille pour
finir au vif d’un sorbet chocolat ébou-
À PARIS ...
riffé d’une émulsion quinoa et sauce à la
bière brune. Pour le même prix, on a
même le vrai beurre et le craquant dé-
cor d’une ancienne crémière.
POUR QUAND ? Hors cadre à la carte
comme au dîner et donc au déjeuner
pour l’épatant menu.
LE PLAT À NE PAS LAISSER FILER. Ré-
gulièrement des tourtes épanouies sous
des petits modèles de feuilletage.
10, rue Gustave-Flaubert.
Tél. : 01 42 67 05 81.
Tlj sf sam. (déj.), dim. et lun.
Menus à 34 € (déj.), 62 €, 76 € et 89 €.
Carte : 60-70 €. Métro : Ternes.
NÉOBISTROT
GARE AU GORILLE
Nul ne sait si Brassens aurait passé la
porte de ce bistrot à la devanture dis-
crète des Batignolles ouvert il y a neuf
ans par deux anciens de Septime (le
chef Marc Cordonnier et le sommelier
Louis Langevin) près des voies ferrées
de Saint-Lazare. Et pourtant, il aurait
tout gagné à s’installer dans cette salle
tout en long à la chaleur contemporaine
(luminaires vintage, comptoir carrelé,
tables en bois laqué), pour s’y enfiler
petites assiettes percutantes et pièces
de viande à partager. Ainsi, pour n’en
citer que trois, de ce poulpe cuit à basse
température, puis snacké associé à de la
saucisse caramélisée, de la purée de
maïs, des padrons et une sauce vierge ;
de cette côte de cochon tendre et sa-
voureuse dans son jus corsé ou de ce
dessert fruité nectarine, mangue, hibis-
cus, raisin et shiso en toute légèreté.
POUR QUAND ? Un dîner de fin de se-
maine entre copains, arrosé de vin na-
ture.
LE PLAT À NE PAS LAISSER FILER. La
galette de pois chiche surmontée de la-
melles de courgette crue, herbes, et
pickles, parfumée au zaatar et relevée à
la harissa.
68, rue des Dames.
Tél. : 01 42 94 24 02.
Tlj sf week-end.
Menus à 41 € et 56 € (déj.).
Carte : 40-65 €. Métro : Villiers.
GRAND CAFÉ
LE CYRANO
Si le Cyrano qui lui sert d’enseigne ex-
hibe bien son long nez aux mosaïques
des murs, ce petit théâtre de comptoir
ne manque pas de pif à raccourcir les
additions. La suite de la tirade installe le
pic de flacons enjoués, le cap de sacrés
bouts de la nuit, la péninsule d’un cha-
virant décor Art nouveau, le fleuret
moucheté d’une jeune chef (Charleyne
Valet) et ce qu’il faut de panache à la
volée des petits plats (terrine de cam-
pagne pickles, œuf nitamago, crudo de
mulet noir…).
POUR QUAND ? Le week-end au déjeu-
ner.
LE PLAT À NE PAS LAISSER FILER. Les
torreznos (morceaux de bacon frit),
ketchup piquillos et mayo aux herbes.
3, rue Biot. Tél. : 01 40 07 55 05.
Tlj jusqu’à 2 h. Menus déj. à 19,50 €
et 23,50 € (18 € et 21,50 € au comptoir).
Carte : 35-40 €.
Métro : Place-de-Clichy.
REPAIRE ŒNOPHILE
EN BAS
Ce n’est pas pour rien que Charly Gene-
vière - vu précédemment chez Tomette
(12e)- a choisi de baptiser ainsi son petit
bistrot tout en longueur des Ternes,
installé depuis 2020 en lieu et place de
l’ancien Verre Bouteille. Le sous-sol,
auquel on accède par un escalier plutôt
raide, cache en effet une cave lumineu-
se, principalement axée nature, où le
client est invité à descendre choisir seul
sa bouteille. La carte, elle, joue la tradi-
tion soignée (terrine de cochon et foie
Le Cyrano.
Petit Gris.
Coretta.
de volaille, tartare au couteau, fondant
au chocolat) avec des accents canailles
(pied de cochon pané, tête de veau
snackée, ris d’agneau poêlé), mais aussi
des choix végétariens (artichauts à la
romaine, aubergine laquée au miso, fa-
lafels de lentille verte). L’accueil cha-
leureux du patron fait le reste.
POUR QUAND ? Une soirée entre amis :
reste à savoir qui aura le privilège (et la
responsabilité) de se rendre en bas !
LE PLAT À NE PAS LAISSER FILER. Les
œufs mayo, indéboulonnables de la
carte midi comme soir, dont la particu-
larité ici réside dans leur cuisson mollet
qui leur donne un supplément de gour-
mandise.
85, av. des Ternes.
Tél. : 01 75 57 41 63.
Menu à 22 € (déj.). Carte : 35-60 €.
Métro : Porte-Maillot.
BISTROT TRADI
JANINE
À peine un an d’ouverture, une criti-
que vite emballée à l’annoncer comme
une révélation, les nouvelles bour-
geoisies du 17e encore plus promptes à
y faire couiner le bois des chaises sur le
rétro du carrelage, une bocusienne
« soupe comme une VGE » dont le
feuilletage a fait dix fois le tour d’Ins-
tagram et, douze mois plus tard, rien
qui ne s’essouffle, pas l’ombre d’un
cerne, pas un plat qui ne se traîne.
Même énergie, même niaque, même
jeune « m’sieur le patron » capable de
servir à l’épaule un jéroboam de digeo,
même coffre de menu à l’ardoise du
déjeuner, même vista à rafraîchir les
mémoires du lapin à l’escabèche et la
quenelle de poulet au vin jaune.
POUR QUAND ? Comme une récré en
pleine semaine, le mercredi au déjeu-
ner.
LE PLAT À NE PAS LAISSER FILER. Le
lapin a l’escabèche, chou pointu grillé,
mayo estragon et piment vert.
90, rue des Dames.
Tél. : 01 42 93 33 94.
Tlj sf sam. et dim. Menu à 28 € (déj.).
Carte : 50-60 €. Métro : Villiers.
CANTINE VÉGÉ
SALICORNE
Sa devanture et ses chaises vertes en
terrasse annoncent la couleur : la canti-
ne de l’Irlandaise Carol Pender (passée
à l’est par Mokoloco et Vantre), plantée
entre le square des Batignolles et le parc
Martin-Luther-King, veut du bien aux
légumes. Protagonistes, avec un peu de
poisson, d’une carte de saison volontai-
rement ramassée, ils rappellent qu’il
n’y a pas forcément besoin de viande
Gare au Gorille.
pour composer des
assiettes pleines de
parfums, de textu-
res et de gour-
mandise. Ainsi de
cette bonite snac-
kée, aubergines,
chou kale, nouilles
soba et bouillon rele-
vé au gingembre, à la
harissa et à la citronnelle
ou de cette salade de lentilles
vertes au shiso, endive braisée, pu-
rée de roquettes, câpres, raisins et chè-
vre frais. Pour ne rien gâcher, le gâteau
à la Guinness, chocolat, crème fraîche
et poire est un vrai délice.
POUR QUAND ? Un déjeuner en milieu
de semaine, pas trop tardif histoire
d’avoir encore le choix à la carte.
LE PLAT À NE PAS LAISSER FILER. La
focaccia maison au thym et nigelle, lab-
né au zaatar, concombre et radis grillés.
11, rue Brochant.
Tél. : 01 58 59 36 91.
Du lun. au ven. au déj. et du mer. au ven.
au dîn. Menus à 23 € et 28 € (déj.).
Carte : 40-50 €. Métro : Brochant.
BISTROT DE QUARTIER
LE TRUFFAUT
Sur les deux cent mètres qui condui-
saient au joli parquet de ce bistrot, il y
avait le mauvais asphalte de trois faus-
ses brasseries par hasard, pas rasées
qui troquaient l’ombre de leurs plats du
jour à plus de 15 euros le rata et tout un
public zombie pas pressé de se plaindre
d’une restauration qui lui ressemblait.
Au bout de ces deux cents mètres, pour
une addition à peine doublée, le bistrot
d’éclaircie prenait soin de rôtir la chair
d’un maquereau à l’onde d’un pesto de
persil, de le faire suivre d’un maigre
grisé d’une sauce vin blanc, de le
conclure d’un frou-frou de Mont-
Blanc en lave de sauce cassis. À l’heure
des appétits du quartier Cardinet, priè-
re de ne pas se tromper de sens !
POUR QUAND ? Vendredi soir pour bien
finir la semaine.
LE PLAT À NE PAS LAISSER FILER. Ac-
tuellement, le maquereau à la flamme,
betteraves et pesto de persil.
89, rue Truffaut.
Tél. : 09 87 56 67 56.
Tlj sf sam. et dim. Menus à 25 € (déj.)
et 38 € (dîn.). Métro : Pont-Cardinet.
TABLE DE PARTAGE
PETIT GRIS
C’est au calme de la porte de Champer-
ret que s’est installé, début 2018, le jeu-
 LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023

scope LES NOUVEAUX RESTOS SCOPE 39

HACHÉ MENU
PAR EMMANUEL RUBIN

GUEFEN, AUJOURD’HUI
PLUS QU’HIER

Q
ui aurait cru qu’un jour,
une simple critique
gastronomique hési-
terait à n’être que ce
qu’elle est, légère à
raconter l’insouciance
d’une jeune table. Qui pour imaginer
cet instant un peu coupable, un peu
honteux, où l’on se prend à regret-
ter de ne pas en avoir parlé plus tôt,
avant de se demander, fébrile, mal-
habile, s’il ne conviendrait pas de la
PIERRE LUCET-PENATO, CORETTA, MONOPOLE, PIERRE LUCET PENATO, PETIT GRIS

dévoiler un peu plus loin, un peu plus

tard. Faut-il faire semblant, chroni-
quer comme si de rien n’était, re-
gretter les circonstances, déguster
sans mot dire, s’excuser même

PAULINE GOUABLIN
d’une adresse soudainement rattra-
pée par le brûlant des événements,
s’inquiéter d’un dîner repris par les
feux de l’actualité ? Car, enfin, Gue-
fen est un restaurant israélien com-
Datil (3e).
me d’autres sont italiens, belges,
auvergnats. Son chef, Ohad Amzal-

DATIL, PRÉVERT CROISE

lag, a passé près de vingt ans à cui-
siner là-bas avant de se lancer, ici,
dans une première adresse. Son
Shouk du canal Saint-Martin aura

LES COUVERTS
participé, avec quelques autres, à
imposer les goûts d’une nouvelle
scène, d’une géographie inédite,
d’une geste levantine dont la pre-
mière énergie aura bien été d’avan-
de conscience, de protection du vivant, émotif à soutenir les saveurs. D’autres
cer dans les vertus du partage. Ces
derniers jours, son pays et un terri- LA TRÈS ENGAGÉE de conditions climatiques, critiques vous en diront les arcanes
toire connaissent la violence des
frontières mais, en lisière du Marais,
MANON FLEURY d’essentiellement végétal, de protéine
animale, de nature sensitive, de joie
là où il conviendrait surtout
de se laisser porter par une cuisine
sa nouvelle micro-table célèbre en- ENFIN CHEZ ELLE intérieure, de désir d’intellectualiser en plat de suspension. Il y a peut-être
ne Rétais Jean-Baptiste As-
cione, aperçu dans la
core, toujours, cette cuisine pacifiée
de la rencontre. DANS LE MARAIS, la cuisine, d’empathie pour le terroir,
de transition écologique.
quelque chose de Prévert chez Manon
Fleury. Une âme militante, une
sixième saison de « Top
Chef », avant de dou-
OÙ ELLE ORCHESTRE Au risque du resto politique et poing
levé, de l’injonction et du cérébral,
conviction un brin encombrante que
la poésie vient soudain effacer. Un peu
bler la mise avec la Briser le marbre Ce soir de la mi- UNE PARTITION POÉTIQUE, on s’attendrait presque à voir Thomas comme si Paroles passait à la casserole.
cave à manger conti-
guë Faby. Son restau-
septembre, peut-être n’avait-on
pas prêté plus d’attention à cette
ESSENTIELLEMENT VÉGÉTALE. Piketty tendre la carte. Jusqu’à enfin
passer à table. Un ciel lisse, un Marais
AVEC QUI ? Les sensibles
et les délicates.
rant d’angle au rusti- table d’hôte unique, imposée, large à heureux de retrouver ses lumières UNE, DEUX, TROIS ASSIETTES… Navet
que champêtre façon remplir la salle et à réunir son public. d’automne, une et saint-jacques : trop bon, trop court.
maison de campagne
sur papier glacé (cuisine
ouverte carrelée, échelle,
Trois semaines passées d’un monde
qui va comme il va, on imagine celle-
ci désormais nettement plus émou-
EMMANUEL RUBIN

vec cette adresse, la

++
DATIL
salle tendre, une
élégance artisanale,
le dernier chic
Courgettes et brochette de poulpe :
impressionniste. Figue rôtie et glace
feuille de figuier : sublimation fruitière.
bouquets de fleurs séchées)
invite au partage une clientèle de
quartier et de touristes bien informés.
À la carte renouvelée tous les mois, du
réconfort (gnocchi poêlés, champi-
gnons de Paris crus et cuits, sauce cré-
mée à la tomme de brebis, persillade),
vante dans ses manières à faire
cène comme à briser le joli marbre
de sa douzaine de couverts. Et si
suspense, et si surprise il y a dans ce
repas, l’intrigue ne se place pas
autre part qu’à ne pas dévoiler ce
que l’on va y déguster. Tout juste si
A critique devient vraiment
délicate. Comment
l’aborder, la raconter,
la partager ? Informer ou
pas ? Présenter ou non Manon Fleury,
sa chef très engagée, hypokhâgneuse
passée à la gastronomie pour en
13, rue des Gravilliers des vaisselles
(3e)
TÉL. :
01 80 05 74 98.
HORAIRES :
céramiques et,
à ce déjeuner
d’un vendredi 13,
Tlj sf sam., dim., lun. la feuille libre
(déj.), mar. (déj.).
MÉTRO :
du menu qui
se dévoile soudain
DANS LE VERRE ? Cave « nature »
pleine de conviction, portée
sur les pétillants, les vins tranquilles
et les blancs de macération
dont ce Faustina 2020 chez François
Grinand, limpide jacquère du Bugey.
SERVICE : gracieux, gambadant,
des associations voyageuses (bonite fa- le menu concède une marée qui déconstruire le paternel et le patronal. Arts-et-Métiers. moins dialectique. à deux doigts de l’entrechat.
çon sushi entourée de nori, sauce te- descendrait au jardin, des fruits de Convient-il (ou bien) de rapporter Cette fois, c’est L’ATTENTION : le menu ouvert
riyaki, wasabi et agrumes) et des classi- mer croisant au végétal, des légu- les mots et les lignes de ce site internet Duras, Angot, Ernaux qui susurrent en quatre miniatures subtiles
ques franchouillards (côte de bœuf à la mes courant aux crustacés. lorsque la plaidoirie l’emporte sur les recettes d’infusion-tuile-flan- (infusion, tuile, flan, beignet).
braise et os à moelle). la papille et les mots sur les mets ? Un beignet, de navet et saint-jacques, ZUT ! Les horaires de service
POUR QUAND ? Un dîner en compagnie très cérébral « datil.fr » où les photos de courgettes et brochette, de figue franchement raides (12 h – 13 h 30,
d’amateurs de sakés ou de boissons Groggy, réjoui ! Peut-être devrait- contemporaines content fleurette et feuille de figuier, de gaufrette- 19 h 15 – 20 h 45).
anisées (nombreux à la carte). on parfois laisser la mémoire tami- et les pages programmatiques ont infusion-prune. Cinq plats plus loin L’ADDITION : relevée sans être
LE PLAT À NE PAS LAISSER FILER. La ser nos appétits. Il y a trois semai- la bouche pleine de lecture inclusive, pourtant, miracle du sensible, le repas déplacée ! Menus à 65 € (déj.
tarte Tatin aux oignons de Roscoff et sa nes, la soirée oscillait entre tempête d’organisation horizontale, se fait petite musique, léger, gracile, en 4 temps) et 120 € (dîn. en 7 temps).
quenelle de crème montée à l’oignon et tonnerre. De la technique et du de dialogue, de collectif, de connexion, subtil dans ses successions de texture, QUELLE TABLE ? Au fond, la 14.
brûlé, jolie déclinaison du bulbe à l’ir- grand cœur à chaque assiette mais
résistible saveur sucrée. chaque assiette dans le tambour
67, rue Rennequin. Tél. : 06 11 34 69 91. d’une crème d’huître, granité à la
Tlj sf sam. (déj.) et dim. menthe, gelée de piment, crumble
Menus à 29 €, 37 € (déj.) et 71 €. de fromage bleu suivi d’un tartare
Carte : 45-80 €. de thon rouge sur pain brioché, truf-
Métro : Porte-de-Champerret. fes, tahini fouetté, graines de mou-
tarde fermentées, crème de citron
vert que venait prolonger un velou-
LUCREZIA VOZZA

JESSICA BASCOU
JOHANNA ALAM

té de céleri, œuf poché, tamari, pe-

BISTRONOMIQUE corino auquel succédait un médaillon
de homard, agnolotti à la ricotta,
MOVA truffes saupoudrées, crème de sau-
ge et citron bientôt conclu d’un gâ-
Au revers de la place Clichy, dans

+ + $
teau au fromage, garum caramélisé
cette rue des Dames où un pas-de- et copeaux de chocolat. Un repas en
porte sur deux joue encore au resto sac et ressac, dans le furieux de la
sans trop y croire, les petites ban- vague. On en sortait, alors, quasi Pois Chic À table Dandino
quettes rousses, les tables blondes et groggy. On s’en rappelle aujourd’hui
les murs blancs de celui-là font un ir- comme d’un moment intense, fort, Genre : attachante bohème de table Genre : la jeune chef dans sa cuisine Genre : vision moitié datée,
résistible plein sur l’air du « compte où le bon endroit du plaisir s’em- néo-montparnos où un bel esprit vitrée, le fond de céramique sur moitié barrée du resto italien
est bon ». Car si la vérité ne sort pas presse de rappeler que demain nous de chef franco-israélien rappelle les petits murs, l’ardoise très bavarde, avec la crème fraîche condamnant
toujours de la bouche des clients, on a la fera peut-être à l’envers. qu’il y en a sous le pois chiche l’assiette nettement plus bricolée, les fusillis al pesto et le Nutella
compris, ici, qu’elle sort souvent de en dévoilant une série de houmous mais la salle tout émue puisqu’un plombant un dessert sur trois
sa poche. Au déjeuner et au dîner, cuisinée en double culture, aussi énième bistrot des faubourgs bobos (brioche perdue, calzone, glace).
une triplette de menus affichent MAIS ENCORE… débridée que débordante d’appétit. semble avoir traversé la Seine pour Manquait plus que la gourmette
moins de 40 euros pour des assiettes LE PUBLIC : douze en salle, intimi- Prix : compréhensifs. Environ 30-35 €. évangéliser les grandes avenues du 7e. et les grosses bagouzes
qui ne font pas semblant de se creuser dés aux premiers instants avant de Au déjeuner, formule à 9 € et menu à Prix : menus à 29 € et 34 € (déj.), pour lâcher l’addition plaquée or.
la cervelle sur le haddock (enveloppé se quitter en échangeant les 06. 19 €. Panisse à l’aubergine et labné : 49 € (dîn.). Betterave fumée et anchois, Prix : d’un certain toupet ! Entre 35 €
dans les rondeurs d’une mousse LE SERVICE : on lui demanderait droit au but. Houmous volailler vinaigrette émulsionnée à l’oseille : (en creusant) et 70 €. Carpaccio
pomme de terre et la croque de quel- presque de partager le dessert. (gésiers confits, cuisse de poulet, rafraîchissant. Lieu, riz vinaigré d’avocats et sa bufala : ça passe !
ques noisettes) comme de souffler un EST-CE CHER ? Vu l’aventure, on oignons caramélisés, sauce amba au ponzu, chou-fleur rôti au paprika Radiatori saint-honoré (crème fraîche,
vent nouveau sur la quenelle (tra- ne sait plus très bien mais bon, 97 € à la mangue confite et épicée) : pas fumé, sauce vin blanc aux algues : lardons, petits pois, tomates cerises) :
vaillée en émulsion bisque et citron). le menu dégustation. mégoteur. Bavaria levantine (crème bonhomme. Compote de pommes ça passe pas ! Entremets stracciatella :
POUR QUAND ? Lundi au dîner, soir dé- FAUT-IL Y ALLER ? bavaroise à la cardamome, miel de à la cannelle, praliné noix et sarrasin, épais.
sormais rare au Paris des tables. Bien sûr que oui. dattes, noisettes à la cannelle) : lascive. financier et pommes caramélisées : Avec qui ? Génération Dalida.
LE PLAT À NE PAS LAISSER FILER. La 9, rue du Vertbois (3e). Avec qui ? De jolies mains. à la limite de l’assemblage. Bonne table : aux deux bouts
quenelle bisque et citron. Tél. : 01 43 70 08 70. Bonne table : dans un angle, une petite Avec qui ? Valérie Bonneton. de la longue et courbe banquette.
39, rue des Dames. Ouvert les mardis, jeudis, pour deux. Service trop content Bonne table : la 101. Service Service tiède.
Tél. : 01 45 22 46 07. vendredis et samedis soirs. de vous recevoir. accommodant. 8, rue de Buci (6e).
Tlj sf sam., dim. et lun. (déj.). Métro : Temple. 68, rue de l’Ouest (14e). 28, rue du Général-Bertrand (7e). Tél. : 01 42 03 23 64.
A

Menus à 24 €, 30 € (déj.) et 41 €. Tél. : 01 80 06 59 87. Tlj sf dim. Tél. : 01 47 34 30 26. Tlj sf sam., dim., Tlj jusqu’à 2 h 30.
Métro : Place-de-Clichy. Métro : Pernety. lun. (dîn.) et mar. (dîn.). Métro : Duroc. Métro : Odéon.
 vendredi 20 octobre 2023 LE FIGARO
40 SCOPEscope
Le village perché de Saint-Paul-de-Vence.
SAINT-PAUL-DE-VENCE, DE L’ART ET DU VIVANT
JOUEZ LES PROLONGATIONS DANS LA DOUCEUR DE L’AUTOMNE, EN SILLONNANT LE VILLAGE ET SON VALLON. PARTEZ À LA DÉCOUVERTE DES JEUNES TALENTS, ARTISTES ET
SOPHIE DE SANTIS sdesantis@lefigaro.fr
ENVOYÉE SPÉCIALE À SAINT-PAUL-DE-VENCE
(ALPES-MARITIMES)
erché sur son éperon ro-
P
cheux, le village médiéval,
ceint de remparts du
XVIe siècle semble toujours
invincible. Comment ? En
préservant jalousement son attrait his-
torique, bien sûr, et en attirant aussi
une nouvelle génération créative.
Saint-Paul ne s’endort pas sur ses lau-
riers touristiques. Au contraire. Une
fois traversée (la trop fréquentée) rue
Grande et ses vitrines plus ou moins
pertinentes, on constate, en grattant le
vernis, que la relève est bien là, appor-
tant une nouvelle dynamique artisa-
nale et artistique. Depuis toujours, il
existe une relation intime entre les ar-
tistes et cet écrin provençal. Comme
Bonnard, Matisse ou Picasso, séduits
par la lumière du Sud, nombre de
grandes figures de l’art moderne
(Miró, Calder et Giacometti) ont suivi
le lithographe Aimé Maeght et son
épouse Marguerite sur la colline de
Saint-Paul. Inaugurée en 1964, leur
fondation (dotée d’un fonds de plus de
13 000 œuvres) reste aujourd’hui un
pôle d’attraction majeur dans la ré-
gion. Dans cette belle architecture si-
gnée du Catalan Josep Lluis Sert, qui
fait corps avec la nature luxuriante du
Midi, les artistes sont reçus comme des
rois. Chaque année, un grand invité.
Cette saison, place à Riopelle et ses lar-
ges formats expressionnistes. Si la ma-
tière est souvent épaisse, les quelque
180 toiles et dessins présentés mon-
trent aussi la délicatesse du trait et de
la lumière du génie canadien, né il y a
tout juste cent ans (« Parfums d’ate-
liers », à voir jusqu’au 12 novembre).
Avant de découvrir en juin 2024, l’ex-
tension des lieux de 600 m2 en sous-
sol, ne pas hésiter à faire une halte
gourmande au restaurant Sous les Pins
(lire ci-après).
À deux pas, en redescendant, on fait une
halte à la Fondation CAB. La très belle
demeure des années 1950, reprise par
un collectionneur belge en 2012, expose
(jusqu’au 29 octobre) l’art conceptuel du
Suisse Niele Toroni et ses empreintes
répétées de couleurs sur fond blanc. Un
hommage est rendu également au desi-
gn éternellement moderne d’Andrée
Putman (exposition hors les murs de la
Villa Noailles). À noter que la Fondation
CAB propose des chambres d’hôte, dont
cette remarquable maison de Jean
Prouvé immergée dans la nature et
meublée de mobilier signé (600 € sans
le petit déjeuner). Un café et son patio
aménagés par Charles Zana donnent
envie de s’y attarder.
■ 1. Fondation Maeght,
623, chemin des Gardettes.
A
Tél. : 04 93 32 81 63.
fondation-maeght.com
VOTRE WEEK-END À ...
Projet de décors pour le chorégraphie Merce Cunningham,
■ 2. Fondation CAB, sable. Joli mobilier et œuvres d’art, LES GARDETTES 8. LES REMPARTS
5766, chemin des Trious. piscine privée et restaurant en plein Idéal pour son point de vue sur la vallée,
Tél. : 04 92 11 24 49. fondationcab.com air pour profiter des soirées douces. ce restaurant logé au sein des vieilles
Vence
Un menu bio en 4 plats à 65 euros qui 4 pierres surplombe le paysage. Sous la
excelle : petits farcis niçois, œuf par- tonnelle, il fait bon y prendre l’apéro
Route de
fait, loup grillé et dessert. Quand ils ne (cocktails, 16 €) pour observer le cou-
VISITES cuisinent pas, les frères Leroy dessi-
nent, peignent ou sculptent dans leur
7
1 2
cher du soleil. À la carte ? Une cuisine
« pour plaire à tout le monde », du cro-
3. ENTRER DANS LA LÉGENDE atelier où toutes leurs œuvres sont à que aux mezze en passant par la pêche
Saint-Paul, c’est aussi la légende de la vendre. du jour (compter 45-50 € pour dîner).
la Colle
3
Colombe d’Or, postée telle une vigie à ■ 826, chemin de la Pounchounière. Route
de 10 ■ 72, rue Grande. Tél. : 04 22 53 53 85.
l’entrée du village. Celle de Montand et Tél. : 04 93 32 74 21. fr.toileblanche.com lesremparts.com
Signoret, de Prévert et sa bande, bou- 6
in du Malvan
listes amateurs. Grâce au guide Olivier 8 VILLAGE
Scagnetti (rendez-vous à l’office du
tourisme ; saint-pauldevence.com),
vous connaîtrez les anecdotes et les iti-
À TABLE ! 11 9
EXPÉRIENCES
Chemin de
Sous Barri
6. CAFÉ TIMOTHÉ 9. PARFUMERIE GODET
Chem
néraires secrets pour apprécier la
tranquillité de ce village de seulement Un tout petit café, au cœur d’une ruel- Avec son enthousiasme communicatif,
Route
350 habitants (3 500 sur toute la com- le du village, pour manger un poke Sonia Godet évoque le passé de sa fa-
M a lv
Nice
mune) : le chemin Sainte-Claire des bowl plein de bons ingrédients frais, mille – producteurs de cognac à La Ro-
des
an
chapelles, celui des remparts, la cha- flan de légumes, pâtes à l’ail des ours et chelle - pour expliquer le concept de
Se
pelle Folon, la tombe de Chagall, etc. burrata, accompagnés de pain aux blés
rre
sa parfumerie. Petit écrin au charme
s
Une halte s’impose également à la ga- anciens sans gluten de Zielinska provençal qu’on imagine avoir tou-
lerie Catherine Issert (en face de la Co- (Nice). Accueil dans la bonne humeur 200 m jours existé. Et pourtant, un siècle s’est
lombe d’Or). Depuis presque cinquan- du couple Fredéric et Florence. Il n’est Infographie 5 écoulé avant que la trentenaire ne re-
te ans, la fille de l’ancien maire Marius pas rare d’y croiser les boulistes saint- prenne l’activité de son arrière-
Issert a su développer une écurie d’ar- paulois. grand-père, qui aimait, dit-elle, « les
tistes - de Jean-Charles Blais à Fran- ■ 4, rue du Bresc. Tél. : 04 89 15 70 74. femmes et les fleurs ». Formée au mé-
çois Morellet, en passant par John cafetimothe.com tier de nez, Sonia Godet s’emploie à
Armleder -, qu’elle a portés au rang réinventer depuis 2016 les fragrances
international. Cette découvreuse de 7. SOUS LES PINS des années 1900-1925, composées de
talents exposera prochainement la Il ne faudrait pas passer à côté de la rose, violette et tubéreuse, notam-
jeune peintre Marine Wallon. nouvelle table de la Fondation Mae- ment. Fleur de Reine, Petite Fleur
■ Galerie Catherine Issert, ght, tenue par Les Agitateurs, restau- Bleue, Folie Bleue… ses parfums aux
2, route des Serres. Tél. : 04 93 32 96 92. rant doté d’une étoile Michelin, à noms poétiques, sont présentés dans
galerie-issert.com Nice. Samuel Victori, en cuisine, pré- des flacons de verre soufflé aux formes
pare de savoureux beignets de fleurs
de courgette, un risotto aux champi-
gnons onctueux et un vacherin aux
OÙ DORMIR ? agrumes aérien (3 menus de 22 € à
36 €, le midi). Une escale à faire abso-
4. HÔTEL LES MESSUGUES lument, que l’on visite ou non la fon-
Sur la colline, derrière la Fondation dation. À gauche, le vigneron Julien Bertaina.
Maeght, la bastide 3-étoiles de Ci-dessous, de gauche à droite,
■ Fondation Maeght.
Olga Thune-Larsen dans son atelier
16 chambres est noyée dans la garri- Tél. : 04 93 32 45 96. Du jeu. au lun. de marqueterie de paille ;
gue. Une impression d’être à la cam- de 12 h à 14 h ; ven. et sam. soir pour dîner. une suite de l’hôtel Toile Blanche ;
pagne à dix minutes seulement du vil- Réservation conseillée. la parfumeuse Sonia Godet devant
lage. Entre jardin de cactus et champ restaurantsouslespins.com sa boutique.
d’oliviers, Virginie Macocco poursuit
l’histoire familiale. Après une belle ex-
périence dans les palaces parisiens,
elle est revenue au pays s’occuper de
ce domaine plein d’authenticité. Les
chambres spacieuses sont simples et
confortables (de 120 € à 180 € la dou-
ble). Le matin, après le chant du coq,
on apprécie un copieux petit déjeuner
VIGNOBLE SAINT-PAULOIS, MARIEALIXDEHARO
de produits locaux.
■ 76, impasse des Messugues. Tél. :
04 93 32 53 32. hotel-lesmessugues.com
5. TOILE BLANCHE
Il faut descendre dans le vallon pour
atteindre cet étonnant domaine semé
de lavande et de plantes aromatiques,
tenu par le clan Leroy. Cette famille
belge originaire de Gand, a créé 17 sui-
tes réparties sur 2 hectares, à l’archi-
tecture contemporaine et chaleureuse.
Les trois frères artistes ont décoré
avec un goût sûr les intérieurs beige
 LE FIGARO vendredi 20 octobre 2023

scope LES BONNES TABLES DE ...SCOPE 41

NOS CINQ NOUVEAUX BISTROTS

COUPS DE COEUR À TOULOUSE
QUARTIERS SAINT-AUBIN, CARMES ET SEPT DENIERS, DE JEUNES RESTAURATEURS LANCENT
DES ADRESSES PROMETTEUSES QU’ILS CHERCHENT À INSCRIRE DANS LA DURÉE.

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TOULOUSE

istronomiques ou tradition-

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B nelles, ces adresses toulou-
saines ont ouvert depuis
moins de six mois dans diffé-
rents quartiers. Elles s’ins-
crivent dans la continuité d’une Ville
rose aux ambitions culinaires à la fois
humbles et durables.

LE PLUS CLASSIQUE
AGAPES
MENU : 25 € (déj.).
CARTE : 45-50 €.
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Tél. : 05 61 99 30 31.
Tlj sf dim., lun. et mar. (déj.).
Terra Tolosa.

LE LIEU. Après avoir fait leurs classes

de Jean-Paul Riopelle, 1967, exposé à la Fondation Maeght.
dans des maisons étoilées, s’être ren- LE PLUS COLORÉ
contrés à la Chèvre d’or, du chef Ar-
naud Faye (Èze), écumé les saisons mer,
TERRA TOLOSA
montagne ; et terminé à l’Auberge de la MENUS : 25 € (déj.) et 38 € (dîn.).
Forge (Lavalette), les vingtenaires Ar- 2, rue Tolosane.
naud Darbas et Virginie Béziaud ont re- Tél. : 05 62 26 39 64.
pris le Bistrot des sales gosses pour en Tlj sf dim. et lun.
faire leur chez-eux. Petite salle épurée,
ARTISANS DU CRU, QUI PERPÉTUENT LES RECETTES DU BIEN-VIVRE. banquettes marron, livres de cuisine
ancienne, dégaine sobre : le cadre colle LE LIEU. Il n’a pas tant changé que cela,
aux codes du bistrot sans en faire trop. le restaurant Place Mage, aujourd’hui
Art déco (eau de parfum, 30 ml, cette matière pauvre et brute, dont le Ici, la vedette, c’est l’assiette. entre les mains de Yoren Larger, qui en
69 €). En outre, la parfumeuse dé- rendu et la finition séduisent le mar- L’ASSIETTE. Arnaud Darbas cuisine avait fait son QG. Son nom a certes été
veloppe des identités olfactives uni- ché du luxe », confie-t-elle. C’est as- avec justesse et simplicité des plats qui modifié, mais la transition se fait en
ques, comme pour le fameux Ne- sez fascinant, il est vrai, de la voir font la part belle aux produits de saison, Combustible. douceur. Le cadre transpire la briquet-
gresco à Nice. Passionnée, la Saint- transformer des brins de paille tein- avec des influences du Sud allant de la te, prend incroyablement bien la lu-
Pauloise partage quelques secrets de tés en feuilles prêtes à composer un Méditerranée au Pays basque. On trou- mière et se pare de tableaux de la Ville
son métier lors d’ateliers (2 h à 3 h, motif. Grâce à un plioir en os, elle ve ça et là quelques touches japonaises, rose. Le client prend place devant l’im-
75 € par personne) dans son labora- ouvre, puis écrase longuement la notamment dans ce canard, riz koshi- mense cheminée, atout rusticité de cet-
toire de La Gaude (à 15 km). paille, qui viendra orner un pied de hikari, prune umé et quetsches. En des- te grande salle de 40 couverts aux tein-
■ 98, rue Grande. Tél. : 04 92 11 06 79. lampe, une table ou des panneaux sert, la pavlova, aux figues de Solliès et tes grisées et terra cotta.
parfumsgodet.com décoratifs, comme ceux que la mai- fruits rouges, est nappée d’une mousse L’ASSIETTE. Si le chef défend un certain
son Boucheron de la place Vendôme aux baies roses succulente. goût pour le classicisme, les gourmands
10. L’APÉRO PÉTANQUE lui a déjà commandés. Elle propose BRAVO. Les jus, admirablement travaillés. ne sont pas dupes. Certes, tête de veau,
On ne peut pas le louper ! Le terrain des ateliers d’une journée pour par- DOMMAGE. Avec ce qu’il a sous le pied, tartare de maquereau, ris ou mignon de
des boulistes est à l’entrée du villa- tager son expérience (de 10 h à 17 h, le chef pourrait traiter les classiques porc figurent à la courte carte, témoins
ge. Ancrée depuis plus d’un siècle 150 € par personne, 200 € pour avec encore plus d’originalité. d’une cuisine de terroir. Mais Yoren
dans les coutumes locales, la pétan- 2 personnes). Larger sait parfaitement réviser ses
que explose à Saint-Paul dans les ■ Place de l’Hospice, rempart ouest. classiques. Les assiettes sont vives, mo-
années 1950, quand Yves Montand
et Lino Ventura disputent des par-
Tél. : 07 69 63 80 05. btl-creations.fr LE PLUS CRÉATIF dernes, colorées et bien maîtrisées. Les
produits simples sont mis en valeur le
ties endiablées. On dit qu’Henri Sal- LA COULEUR DU RENARD Mme Pompette.
midi, les plus nobles sont à la carte du
vador, toujours joyeux, était aussi MENUS : 25,50 € (déj.) et 36 € (dîn.). soir. Celle des vins joue le jeu du local,
très mauvais perdant ! Aujourd’hui,
le club des boulistes de Saint-Paul
EXCURSION 10, boulevard du Professeur- courte et sincère.
LES VIGNES DU DOMAINE Léopold-Escande. BRAVO. Les trois places à la table du
perpétue la tradition et intrigue tou- Tél. : 05 61 62 37 85. chef, devant les cuisines.
jours les visiteurs venus du monde DES CLAUS À TOURETTES
Tlj sf lun., mar. (dîn.), mer. (dîn.), DOMMAGE. On aimerait que l’adresse
entier. Pour participer, on s’inscrit à Julien Bertaina, viticulteur de 44 ans, sam. (déj.) et dim. (dîn.). nous raconte davantage Toulouse, ses
l’atelier pétanque à l’office du tou- exploite depuis plus d’une quinzaine produits, son terroir.
risme. Grâce au guide, on apprend d’années le domaine familial laissé
les rudiments du « pointer-tirer », par son grand-père, tout près de LE LIEU. Quelques vestiges d’un restau-
avant le match (8,50 € ; location de
boules, 5 €). Le petit plus ? Visiter le
Saint-Paul. Après un début de car-
rière dans l’aéronautique, il revient à
rant marocain font office de coquetterie LE PLUS JOVIAL
dans cet espace moderne, boisé et paré
Cercle, le café resté dans son jus, la terre pour cultiver vignes et oli- de couleurs chaudes. Le bleu canard MME POMPETTE
orné de photos d’époque. Attention, viers. Quand il reprend l’affaire, le habille le décor alors que la couleur du FORMULE : 22 € (déj.).
il est réservé aux membres, mais, vigneron convertit l’exploitation à la renard, hommage au Kitsune-iro japo- CARTE : 20-40 (dîn.).
accompagné du guide, vous aurez biodynamie, jusqu’à produire un vin nais et à la réaction de Maillard, colore 29, route de Blagnac.
peut-être la chance d’y pénétrer ! 100 % bio. Parallèlement au domaine les assiettes. Ici, l’élégance s’harmonise Tél. : 06 08 76 92 07.
■ Place de Gaulle. des Claus de Tourettes, il exploite avec la convivialité. Anouk, sommeliè- Tlj sf sam., dim., lun. (dîn.) et mar. (dîn.).
également le vignoble communal en re, monte parfois sur la banquette pour
11. ATELIER DE MARQUETERIE restanques de Saint-Paul, au pied des empoigner une bouteille sur l’étagère.
DE PAILLE remparts. Il produit sur les deux Dans la cuisine ouverte, Camille Mazel- LE LIEU. Difficile de trouver meilleure
Olga Thune-Larsen, jeune femme au communes environ 10 000 bouteilles Sanchez, ancien de Ravigote et pâtissier enseigne pour incarner ce restaurant
teint diaphane de 27 ans, aux origi- par an, dans les trois couleurs. Le sa- La Couleur
du Sept, en duo avec Laris Nadjar, cui- de quartier tenu par la joyeuse Caro-
nes norvégiennes et serbes, a ouvert medi matin, le viticulteur propose du Renard.
sinier globe-trotteur, s’affairent. line Valle. Ici, on ripaille entre co-
un petit atelier sous les remparts, là une visite gratuite de sa cave à Tou- L’ASSIETTE. Elle est bistrotière le midi, pains et on boit du vin d’artisans dans
même où son père ébéniste tra- rettes avec dégustation (1 h, sur ré- plus gastronomique le soir. Les deux artiste designer, a roulé sa bosse : des la grande salle au mobilier chiné ou
vaillait. Sculptrice-ornementaliste servation). L’occasion de voir (et trentenaires aiment travailler les pro- cuisines étoilées aux bureaux de dans le patio. Celle qui a fait ses clas-
diplômée, elle a choisi son matériau : d’acheter) de la vaisselle en cérami- duits simples avec des associations grands chefs, maniant avec dextérité ses au Chai Vincent, dans le marché
la paille. « J’ai un coup de cœur pour que (15-25 €) réalisée par son épou- voyageuses, lisibles et créatives. Makis gastronomie, communication et con- Victor-Hugo, a un parcours de res-
se, Léa Givet, elle aussi jeune recon- de poireaux, ail noir et vieux Rodez cepts bien ficelés. L’ouverture de son ponsable de salle et sommelière au Pic
vertie au métier de la terre. précèdent le rouget, gnocchis et purée restaurant sonne comme un retour Saint Loup et au Glastag. Elle a quitté
■ 160, chemin des Vignes, Tourrettes- de potiron bien twistée. En dessert, la aux sources dans sa Toulouse d’origi- Ferme Attitude, où elle avait rencon-
sur-Loup. Tél. : 06 09 28 26 59. sphère en sucre, chocolat, noisette et ne. Son néobistrot aux couleurs char- tré sa future chef, pour ouvrir un lieu
domainedesclaus.fr praliné se casse avec un regret qui s’es- bon, banquette jaune et comptoir en à son image.
tompe dès la première bouchée. bois brûlé, est prompt à enflammer L’ASSIETTE. Sans chichi ! En cuisine,
AU SPA DU DOMAINE DU MAS BRAVO. Les brunchs salés et sucrés du les palais. Nathalie Sicuro propose de bons petits
DE PIERRE dimanche (18 et 22 €). L’ASSIETTE. Pour commencer, des as- plats maison - poulet rôti, bœuf sauté
À moins de 10 km du village en des- DOMMAGE. L’ouverture pour le dîner sociations bien pensées comme ce foie aux oignons, faux filet de Galice - ser-
cendant dans le vallon, ce domaine du jeudi au samedi seulement. gras et melon sur la fin de saison dé- vis le midi. Avec toujours un plat végé-
5-étoiles, classé Relais & Château, barquent dans la vaisselle chinée. Les tarien et une pièce du boucher. Le soir,
de 76 chambres, s’étend sur 8 hecta- pièces du boucher cuites au cordeau, la cantine passe en mode bistrot avec
LE PLUS ARDENT
MARIE ALIX DE HARO, MAISON GODET

res au milieu des oliviers. Si l’on n’y fumées ou au chalumeau, et les pois- des tapas à partager : ceviche, rillettes,
dort pas, on peut profiter de son spa sons basse température s’accompa- falafel, houmous, cœur de canard se
de 2 000 m2 avec sa piscine de COMBUSTIBLE gnent d’écrasés de chou-fleur ou de partagent autour d’une quille de vin en
18 mètres, équipée de jets hydro- CARTE : 30-50 €. pommes de terre cuites en croûte de biodynamie.
massants pour se relaxer avant de 6 bis, rue du Canard. Tél. 05 61 55 17 66. sel. En dessert, la pavlova se pare de BRAVO. Une adresse qui redynamise le
choisir un massage à l’huile de tubé- Tlj sf week-end. fruits de saison : cerise, figue, mirabel- quartier des Sept Deniers et propose la
reuse de la maison Godet (240 € la le, poire, coing. privatisation sur demande.
journée incluant un soin et un dé- BRAVO. La possibilité de déguster des DOMMAGE. Pourquoi ne pas décliner
jeuner en 3 plats au bistrot). LE LIEU. Après avoir été demi-finalis- grands crus au verre. les petits plats mijotés du midi à la car-
A

■ 2320, route des Serres. te de la première saison de « Master- DOMMAGE. La carte des vins pourrait te du soir, afin de satisfaire les allergi-
Tél. : 04 93 59 00 10. lemasdepierre.com Chef », Virginie Guitard, ancienne d’avantage jouer le local. ques au partage ?