3,40 € jeudi 31 août 2023 LE FIGARO - N° 24 579 - www.lefigaro.

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lefigaro.fr

MONT-BLANC LE FIGARO LITTÉRAIRE

MALGRÉ LES CRITIQUES, QUAND LE MILIEU DE L’ÉDITION
L’ULTRA-TRAIL CONTINUE EST UN DÉCOR DE ROMAN
DE FASCINER PAGE 15 NOTRE SUPPLÉMENT

Drogue : les villes moyennes

DROITE
Élus LR chez
Gérald Darmanin :

dans la spirale de la violence

un maire réclame
des sanctions PAGE 4
BELGIQUE
Bruxelles, capitale
européenne
de l’insécurité PAGE 8
La guerre des dealers et les règlements de comptes s’exportent désormais au-delà
des grandes métropoles. Malgré les moyens conséquents déployés, l’État peine à y mettre fin.
RELIGION
Le pape François Avignon, Nîmes, Béziers… De- dealer dans le quartier nîmois briser la spirale de la violence. villes de la région, à leur tour è AVIGNON, NÎMES,
puis plusieurs mois, ces villes de Pissevin, fut le point d’or- Alors que la Cité phocéenne, en proie à la guerre des gangs. BÉZIERS… COMMENT
entame moyennes du sud de la France gue d’un été particulièrement plaque tournante majeure du « Dès qu’un trafiquant dispa- LE NARCOBANDITISME
une visite inédite sont le théâtre de règlements meurtrier. Le ministre de l’In- narcotrafic, compte ses morts raît, les suivants se disputent sa MARSEILLAIS
de comptes ultraviolents sur térieur, Gérald Darmanin, qui par dizaines (35 homicides de- dépouille comme des hyènes af- CONTAMINE LE SUD
en Mongolie PAGE 9
fond de trafic de stupéfiants. pointe la « responsabilité » des puis janvier, contre 39 sur famées. Un point de deal peut è À BOBIGNY, LES MAGISTRATS
Le 21 août dernier, la mort de consommateurs de drogue toute l’année 2022), les ré- rapporter 60 000 euros, voire
ÉCONOMIE Fayed, un garçon de 10 ans at- dans ces trafics, a déployé la seaux criminels ont étendu plus, chaque jour ! », souffle un
VEULENT FRAPPER
LES TRAFIQUANTS
La lente teint par la balle perdue d’un CRS8 à Nîmes et Marseille pour leur « business » aux autres officier de police chevronné. AU PORTEFEUILLE PAGES 10 ET 11
amélioration
de la compétitivité
française PAGES 20 ET 21
À Saint-Denis,
TOURISME
Après l’escale
face à
Covid, la croisière Macron, les
redémarre PAGE 23 oppositions
THÉÂTRE sans illusions
Pierre Arditi
et Muriel Robin ni connivence
se mettent à table C’est dans le salon des Princes
PAGE 28 de la prestigieuse Maison
d’éducation de la Légion
TÉLÉVISION d’honneur, à Saint-Denis,
qu’Emmanuel Macron a
France 2 : « Le Grand convié mercredi les présidents
Échiquier » de parti. À huis clos, trois thè-
en hommage
à la combativité
Au Gabon, un nouveau mes choisis par le chef de
l’État ont été abordés : l’inter-

de l’Arménie putsch met la France national, la réforme des insti-

GABON 24 / AFP

tutions et, enfin, « comment

PAGES 4 ET 32
en porte-à-faux faire nation ? ». Au cœur des
débats, le recours ou non aux
référendums et sur quelles
CHAMPS LIBRES

n
Les tribunes Paris « condamne » le coup d’État mené mercredi à Libreville par la garde présidentielle du général Brice Oligui Nguema
questions ils porteraient. Mais
difficile de faire converger LFI,
de Christophe (photo), un mois après celui du Niger. Le président Ali Bongo a été « mis à la retraite » par les putschistes. PAGES 6, 7 ET L’ÉDITORIAL LR, RN et Renaissance. PAGE 2
Boutin
et Frédéric
Rouvillois ÉDITORIAL par Philippe Gélie pgelie@lefigaro.fr
CULTIVEZ L’ART
et de Pierre
Albertini
La chronique Faux jumeaux
DE VOYAGER
n

P
de Luc Ferry ar définition, tous les putschs se res- Pour y avoir ajouté un signal de soutien avec sa
n
L’analyse de semblent. Des militaires censés obéir visite en mars dernier, le président français se
Julian Colling aux autorités civiles sortent de leurs trouve fort embarrassé. Il « condamne le coup Avec Arts et Vie
casernes pour s’emparer du pouvoir d’État en cours », mais doit rester nettement
PAGES 16 ET 17 et mettre aux arrêts les dirigeants plus sobre sur l’héritier de la dynastie klepto- le n°1 du voyage culturel
politiques. Ce ne sont pas des manières, et cela crate gabonaise que sur le président nigérien
suscite l’opprobre des démocraties. Emmanuel Bazoum, qui paye sa politique anticorruption et

@ FIGARO OUI
FIGARO NON
Réponses à la question
de mercredi :
Emmanuel Macron a-t-il
raison de vouloir recevoir
tous les chefs de parti
à Saint-Denis ?
OUI
67 %
TOTAL DE VOTANTS : 139 779
3’:HIKKLA=]UXYU]:?k@s@d@b@a";
Macron s’y est illustré il y a tout juste deux jours
sur le Niger, tombé aux mains d’une junte le
26 juillet : « On doit être clair, cohérent, a-t-il
lancé au corps diplomatique. On ne reconnaît
pro-occidentale.
Difficile d’établir une équivalence entre les
deux. La famille Bongo a géré depuis cinquante-
six ans comme sa proprié-
pas les putschistes, on soutient un président qui Emmanuel té personnelle un pays ri-
n’a pas démissionné, aux côtés duquel nous res- che en pétrole, manganèse
tons engagés. » Vertueuse position de principe, Macron et forêts tropicales, dont
qui rencontre un problème : une « épidémie » pris dans un tiers de la population • Voyages accompagnés en petits groupes
de coups d’État en Afrique, comme l’a noté le croupit toujours dans la
NON chef de l’État. le piège pauvreté. La joie exprimée • Programmes culturels de qualité
33 % Soupçonnait-il que le président du Gabon, africain mercredi dans les rues de • Guides francophones expérimentés
Ali Bongo, serait à son tour déposé ce mercredi Libreville n’était pas ac- • 98% de voyageurs satisfaits
par le chef de sa garde présidentielle – un poste compagnée d’hystérie antifrançaise comme à
• Engagés pour un tourisme responsable
qui aiguise l’appétit – à peine les résultats de la Niamey. Il n’empêche : l’ancienne puissance

Votez aujourd’hui présidentielle du 26 août proclamés ? Un scru- coloniale aura du mal à justifier un double lan-
sur lefigaro.fr
L’État en fait-il assez
tin suspect de fraude, comme le précédent en
2016, qui avait vu l’héritier d’Omar Bongo
gage sur ces putschs jumeaux qui ne se ressem-
blent pas. Pris dans le piège africain, Emmanuel www.artsetvie.com
M 00108 - 831 - F: 3,40 E

pour lutter contre usurper sa réélection avec une avance en Macron voit ses menaces sur le Niger neutrali- Brochure sur simple demande au 01 64 14 52 97
la criminalité trompe-l’œil. À l’époque, malgré une mission sées par l’illusion d’une intervention contre les
liée à la drogue ? d’observation européenne aux premières lo- généraux du Gabon, quand bien même cède-
ges, Paris avait validé le déni de démocratie. raient-ils à la tentation de la dictature. ■
LAURENT CIPRIANI/AP
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 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO
2 POLITIQUE
Sans illusions ni connivence,
les oppositions face à Emmanuel Macron
Réunis à huis clos
par le chef
de l’État,
les présidents
de parti ont fait
part de leurs
réclamations.
CLAIRE CONRUYT
£@ClaireConruyt,
SOPHIE DE RAVINEL
£@S2RVNL
ET TRISTAN QUINAULT-MAUPOIL
£@TristanQM
EXÉCUTIF On l’appelle le « salon
des princes ». Une bien jolie pièce
nichée dans l’aile gauche de la
prestigieuse maison d’éducation de
la Légion d’honneur, pension pour
jeunes filles créée en 1805 par Na-
poléon Bonaparte. C’est là, en Sei-
ne-Saint-Denis, qu’Emmanuel
Macron a convié mercredi les pré-
sidents de partis représentés au
Parlement dans le cadre de sa
« grande initiative politique ». C’est
aussi là, pour l’anecdote, que se
réunissent habituellement les pro-
fesseurs de l’établissement lors des
fameux conseils de classe.
Pendant plusieurs heures, Em-
manuel Macron et ses adversaires
se sont assis à la même table sous
l’œil de l’Empereur et des grands
chanceliers de la Légion d’hon-
neur, dont les portraits trônent sur
les murs de pierre. Ils ont discuté à
huis clos des trois thèmes choisis
par le chef de l’État : l’internatio-
nal, la réforme des institutions et,
enfin, « comment faire nation ? ».
Les portables ont été interdits,
les collaborateurs étaient absents.
Les oppositions, bien que scepti-
ques quant à ce rendez-vous qu’el-
les soupçonnent être une pure opé-
ration de communication, se sont
préparées. « Rien que le fait qu’elles
ont accepté d’y participer, c’est bien
joué », s’enthousiasmait avant la
rencontre un proche du président.
“lesSichoses
vous voulez que
avancent,
alors prenez nos
propositions. Elles sont
ici, elles sont prêtes.
Arrêtons de tergiverser.
”
Agissons !
ÉRIC CIOTTI, PRÉSIDENT DE LR
« Il y a deux sujets essentiels : je
lui demanderai un geste significatif
pour le pouvoir d’achat des Fran-
çais (…) et la tenue d’un grand réfé-
rendum sur l’immigration », a ainsi
affirmé le président du Rassem-
blent national, Jordan Bardella,
sur BFMTV. De son côté, le patron
des Républicains, Éric Ciotti, a
consacré sa matinée à finir de
mettre au point les thèmes qu’il
comptait aborder, et appelé une
dernière fois les ténors du parti,
notamment les chefs de file des
députés et des sénateurs LR, Oli-
vier Marleix et Bruno Retailleau,
afin d’arriver « prêt ».
Lors de son introduction, Éric
Ciotti avait prévu de dénoncer une
« crise de la représentation démo-
cratique », estimant le référendum
comme seul outil pouvant remédier
à la « crise de confiance politique »
éprouvée par les Français, fait sa-
voir un proche. Le président LR
comptait également aborder des
« sujets particuliers » tels que la laï-
cité à l’école, la sécurité, la décen-
tralisation, la relation franco-ma-
rocaine et, bien sûr, l’immigration.
Vaste programme qui a d’ailleurs
fait dire au patron de la droite qu’à
ce rythme il ne serait pas étonnant
de « finir à 2 heures du matin ».
Au Cannet (Alpes-Maritimes), à
l’occasion de la rentrée des Répu-
blicains, dimanche, Éric Ciotti a
A
voulu lancer un message à Emma-
nuel Macron : LR, bien que respon-
sable, reste dans l’opposition. « Il
n’y aura aucune connivence, cet
après-midi », insiste son entourage.
Si Éric Ciotti a accepté l’invita-
tion du chef de l’État, c’est « pour
dire que la palabre a trop duré ! ».
Devant les militants, il avait préve-
nu : « Je dirai au président de la Ré-
publique : si vous voulez que les cho-
ses avancent, alors prenez nos
propositions. Elles sont ici, elles sont
prêtes. Arrêtons de tergiverser.
Agissons ! » À la veille de l’arrivée
du projet de loi sur l’immigration,
sur lequel la droite et l’exécutif pei-
nent à trouver un accord, voilà qui
est clair. Éric Ciotti comptait par
ailleurs aborder ce qui, jusqu’à pré-
sent, bloque les discussions : l’arti-
cle 3 du texte gouvernemental, qui
prévoit la régularisation des clan-
destins dans les « métiers en ten-
sion ». « On entend dire depuis quel-
ques jours que la majorité serait
prête à faire un pas, glisse un proche
du président LR. On a bon espoir
que ça bouge. »
L’espoir, en revanche, n’est pas
franchement de mise au sein de la
Nupes. Les quatre représentants
des partis de la gauche, Manuel
Bompard (LFI), Marine Tondelier
(EELV), Olivier Faure (PS) et Fabien
Roussel (PCF), sont arrivés de
concert à Saint-Denis. « Nous som-
mes convoqués sur un ordre du jour
très flou, sans même savoir si le pré-
sident répondra ou non », a regretté
le premier secrétaire socialiste. Pas
question pour autant de ne pas aller
« porter (leurs) convictions » devant
Emmanuel Macron. « À chaque fois
qu’il sera d’accord avec nos convic-
tions, nous serons prêts à avancer…
Mais selon nos premières indica-
tions, nous n’avons pas le sentiment
qu’il ait compris grand-chose. » « Si
son oreille droite fonctionne bien, a
jugé Faure, on a le sentiment que son
oreille gauche est en panne. »
Pas invités par le chef de l’État, les députés Liot
font malgré tout part de leurs propositions
La pilule ne passe pas.
Alors que mercredi a eu lieu
le rendez-vous fixé
par Emmanuel Macron
avec les présidents de parti
représentés au Parlement,
les députés du groupe Liot
(Libertés, indépendants,
outre-mer et territoires)
ne digèrent toujours pas le fait
de ne pas y avoir été conviés.
« Ça va laisser des traces,
les députés ne comprennent
pas », fait savoir un élu
au Figaro, regrettant de
n’avoir « aucun contact avec
l’Élysée ». Le chef de l’État
Numéro deux de LFI et député de Le convoi d’Emmanuel
Marseille, Manuel Bompard ne Macron arrive, mercredi,
à la Maison d’éducation
CONTRE-POINT
s’encombre pas de nuances. « On PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard
est là pour lui dire à quel point sa po- de la Légion d’honneur
litique fait du mal au pays, a-t-il à Saint-Denis, où
Avancer sur l’immigration,
le président a rencontré
prévenu avant d’entrer dans la salle
les dirigeants de tous
de réunion. Mais aussi pour lui ap-
jusqu’au référendum ?
les partis politiques
porter un certain nombre de propo- français. L. MARIN/AFP
sitions. » Quatorze d’entre elles
sont portées avec EELV et le PS. La
première, pour « apaiser le pays »,
C
étant de « suspendre la publication
des décrets d’application de la réfor- omme prévu, Mais du ministre Olivier Véran
me des retraites ». l’immigration fut un au président de la commission des
des sujets mis sur la table. lois, Sacha Houlié, tout un pan de la
Parce que LR et le RN le majorité entend s’opposer à toute
“direOnà estquellàpoint
pour lui souhaitaient ; parce qu’Emmanuel
Macron a aussi besoin d’avancer
sur ce sujet si important aux yeux
concession nouvelle à la droite.
C’est là que la question
de l’opinion entre en jeu. Auprès
sa politique fait du mal de l’opinion et si sensible dans le du président on fait remarquer
au pays. Mais aussi débat politique. Son gouvernement que 80 % des Français aussi veulent
pour lui apporter a depuis des mois un texte à faire une diminution « significative »
passer et pour lequel il n’a pas de l’immigration et que cette
un certain nombre encore de majorité. Et pour « faire proportion est nettement majoritaire
”
de propositions nation », il sait qu’il doit s’attaquer également dans l’électorat
MANUEL BOMPARD, NUMÉRO DEUX DE LFI
En désaccord, entre autres, sur
aux « ratés de l’intégration », une
expression qui lui permet de ne pas
faire de la crise des banlieues un
de gauche. Les conseillers élyséens
ne croient donc pas que l’« aile
gauche » de la majorité prenne
la proposition pour une « réforme effet direct de l’immigration tout le risque d’une rupture sur ce sujet.
en profondeur de la police nationa- en admettant un lien implicite. La question du référendum
le » avec « une analyse différente de Comment avancer ? « On ne est plus délicate. Macron veut en
ce qui s’est passé l’été dernier » lors s’interdit rien » : c’est la phrase organiser au cours de son mandat.
des émeutes, les communistes - que répétaient en boucle ministres « Le sans-tabou inclut donc cette
qui vantent encore « un mix éner- et proches du président au moment hypothèse », glisse-t-on. Mais le
gétique » en matière de nucléaire - où s’ouvraient les Rencontres chef de l’État préférait commencer
ont préféré produire leurs propres de Saint-Denis. Ne rien s’interdire, par des sujets moins délicats.
propositions au chef de l’État… La cela signifie examiner tout ce qui Le SNU (service national universel),
Nupes, en revanche, avait refusé permettrait un accord dépassant le par exemple. Dans le périmètre
de concert l’idée d’un dîner avan- cadre de la majorité. « Sans tabou », actuel de l’article 11, pas facile de
cée dans un premier temps par martèlent des conseillers trouver une bonne question relative
l’Élysée « pour ne pas partager un présidentiels. S’il prétend toujours à l’immigration. Et réviser
temps de convivialité avec Éric Ciotti à un discours équilibré, Macron la Constitution pour cela, comme
ou Marine Le Pen », indique un so- n’a pas lâché par hasard dans le propose LR, est plus aléatoire.
cialiste. Le plateau-repas de tra- le Point qu’il fallait « réduire Sur le sujet, l’exécutif espère encore
vail, en revanche, devait être ac- significativement l’immigration ». aboutir par la voie parlementaire.
cepté, à condition que certains ne L’adverbe est inédit dans sa Mais, même après les échanges
décident pas de quitter les lieux bouche, destiné à faire comprendre à la Légion d’honneur,
avant la fin de la réunion. L’hypo- à LR que le texte de Darmanin le chemin reste ardu.
thèse n’était pas totalement exclue pouvait être durci. Dans le huis clos
à leur arrivée. ■ de la Légion d’honneur, le chef
de l’État a donc pris bonne note des
exigences des oppositions de droite. Tout un pan
Mais depuis le début, chacun
le sait : le volet contrat de travail de la
pour les métiers en tension bloque
tout accord. LR fait de son retrait majorité
un préalable absolu. Officiellement, entend
prônait pourtant une alliance ses solutions pour faire face à l’exécutif ne veut pas le retirer.
avec ces élus centristes, ainsi « la grave crise démocratique Mais aimerait le faire oublier… s’opposer
qu’avec Les Républicains, que nous vivons ». Lesquelles « Le risque est de donner
en octobre dernier. vont d’« un choc le sentiment d’ouvrir un droit à toute
Le président de groupe de décentralisation » à la régularisation », reconnaît un concession
Bertrand Pancher veut malgré pour « donner du pouvoir aux proche du président. Tout l’enjeu
nouvelle
»
tout s’inviter à la table du territoires », à « une vaste des semaines à venir est donc
président. Il a pour cela rédigé réforme constitutionnelle » de régler ce casse-tête. Mais
un courrier à son attention, en passant par en macronie, les avis divergent.
à la droite
révélé par Le Parisien. « Vous « un renforcement des Certains plaident pour un abandon
n’avez pas souhaité nous prérogatives du Parlement ». pur et simple de ce volet.
convier à votre initiative du Il souhaite également recourir D’autres pour son report, le temps
30 août, nous le regrettons, au référendum d’initiative de trouver un accord sur le volet
car nous avons beaucoup partagée (RIP), et ce par fermeté, relatif aux expulsions.
de choses à vous dire le biais du Conseil national D’autres encore au remplacement
et redire », s’y émeut l’élu. de la refondation « s’il était d’un article de loi par une simple
Ce dernier évoque rénové ». D. C. circulaire administrative,
plus discrète et moins symbolique.
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO

4 POLITIQUE

Arménie : des élus défient le blocus

Un convoi a tenté mercredi de passer le checkpoint azéri qui interdit toute entrée sur le corridor de Latchine.
sieurs heures à pied pour un peu de
ÉLISABETH PIERSON £@zazpierson pain. Voilà huit mois que les hôpi-
ENVOYÉE SPÉCIALE DANS LE HAUT-KARABAKH
taux ont déprogrammé les opéra-
tions non urgentes, faute de mor-
HAUT-KARABAKH Derrière les phine. Face à ce drame à ciel
gyrophares, deux minibus serpen- ouvert, la France, seule, tente de
tent dans les montagnes verdoyan- donner de la voix. Devant les am-
tes du Syunik, dans le sud de l’Ar- bassadeurs réunis à Paris lundi,
ménie. À leur bord, la maire Emmanuel Macron a annoncé une
socialiste de Paris, Anne Hidalgo, nouvelle « initiative diplomatique »
discute bon train avec le Vendéen à venir pour « accroître la pres-
Bruno Retailleau, président des Ré- sion » internationale. Mais l’Euro-
publicains au Sénat. On aperçoit à pe, qui achète le gaz de Bakou, sui-
leurs côtés Xavier Bertrand, prési- vra-t-elle ? Mardi, le président
dent du conseil régional des Hauts- français s’est encore entretenu
de-France, mais aussi l’écologiste avec son homologue azerbaïdja-
Michèle Rubirola, première adjoin- nais, Ilham Aliev.
Ce mercredi, garés en file in-
dienne, les dix camions français

“dépasse
La cause arménienne
les clivages, et
sont à l’arrêt à l’entrée du corridor.
En contrebas, dans la vallée, se dé-
tache le checkpoint azéri installé
je m’en réjouis. Peut-on sur la frontière. La délégation des-
supporter une nouvelle cend. Le panache français eût sans
tentative d’épuration doute voulu qu’elle se confronte
ethnique, un siècle aux militaires azéris. Évoqué du-
rant le trajet, le projet a été écarté

”
après 1915 ?
BRUNO RETAILLEAU, SÉNATEUR LR
ET MEMBRE DE LA DÉLÉGATION
te au maire de Marseille. Quelques
kilomètres devant cette insolite dé-
légation, un convoi de dix camions
trace sa route vers le corridor de
Latchine. Chargés de générateurs
électriques et de nourriture infanti-
le, siglés des logos des villes de Pa-
ris, Marseille et Strasbourg, des ré-
gions Île-de-France, Hauts-de-
France, Occitanie ou encore Pays
de la Loire. Les collectivités veulent
témoigner leur soutien aux
120 000 Arméniens de l’Artsakh,
région située en Azerbaïdjan, mais
à population majoritairement ar-
ménienne, totalement coupée du
monde par un blocus azéri qui dure
depuis décembre. Par ce corridor,
où passent habituellement 90 % des
aliments importés, même les véhi-
cules de la Croix-Rouge sont désor-
mais bloqués.
Le convoi est parti tôt d’Erevan,
mercredi, pour arriver à Kornidzor
à la mi-journée. « Nous sommes
venus de tous bords politiques », se
félicite Anne Hidalgo, à la tête de
cette opération montée en moins
d’un mois. « Si ça ne passe pas, ce
sera pour les réfugiés coincés de ce
côté-ci de la frontière », ajoute la
maire EELV de Strasbourg, Jeanne
Xavier Bertrand,
Anne Hidalgo
et Bruno Retailleau, unis
pour soutenir la cause
arménienne. ALEXANDER
PATRIN/TASS/ABACA
» Lire
+ aussi PAGE 32
Barseghian. L’élue est visiblement
émue d’être sur la terre de ses an-
cêtres. Son arrière-grand-père fut
victime de la rafle des intellectuels,
le 24 avril 1915 à Istanbul. Son
épouse, Berdjouhi Barseghian, de-
viendra la première femme dépu-
tée en Arménie. « C’est un héritage
qui m’oblige », glisse l’écologiste.
« La cause arménienne dépasse
les clivages, et je m’en réjouis »,
renchérit Bruno Retailleau. La pré-
sence de ce convoi répond, pour le
sénateur LR, à une « fidélité fran-
çaise ». À des principes, d’abord.
« Peut-on supporter une nouvelle
tentative d’épuration ethnique, un
siècle après 1915 ? », interroge le
Vendéen. Fidélité aussi dans
« l’amitié multidisciplinaire entre la
France et l’Arménie, cette nation
sœur, comme disait Anatole Fran-
ce ». Époque où l’écrivain, au nom
des droits de l’homme, dénonça
ardemment le génocide arménien
aux côtés de Jean Jaurès, Georges
Clemenceau, Pierre Quillard et
Francis de Pressensé.
En Artsakh, les files s’allongent
devant les commerces. Les rayons
frais sont désormais vides. Privés
d’essence, les habitants font plu-
pour des raisons de sécurité. La
dernière visite officielle française a
en effet servi d’avertissement.
Après la venue de Laurent Wau-
quiez, en mars, le village voisin de
Tegh était attaqué dans la foulée.
« Les Azéris ont bombardé au mor-
tier dès le lendemain. Manière de
dire qu’ils sont chez eux », glisse un
membre de la délégation proche
du président d’Auvergne Rhône-
Alpes. Qu’importe, « nous sommes
ici pour témoigner de ce que nous
avons vu : la violation totale du droit
international et du cessez-le-feu de
2020 », déclare Anne Hidalgo sur
le retour vers Erevan, laissant der-
rière elle les camions blancs im-
mobilisés. Et, au-delà du corridor,
une population exsangue. ■

Élus LR chez Darmanin : un Le nucléaire crispe

maire réclame des sanctions
Dans une lettre adressée à Éric Ciotti, le maire de Neuilly-sur-Marne
pointe les députés Alexandre Vincendet et Virginie Duby-Muller.
EMMANUEL GALIERO
egaliero@lefigaro.fr
DROITE La participation d’élus LR à
la rentrée politique de Gérald Dar-
manin dimanche dernier à Tour-
coing, alors que Les Républicains
effectuaient leur propre rentrée le
même jour au Cannet, est une pilule
difficile à avaler à droite. Le maire
de Neuilly-sur-Marne, Zartoshte
Bakhtiari, la juge même suffisam-
ment amère pour presser Éric Ciotti
de réagir. Vice-président du comité
des maires LR et membre du bureau
politique, il estime qu’un tel affi-
chage ne peut être qu’une source de
confusion pour l’électorat de droite.
« Ces parlementaires s’expriment
encore au sein même de notre mou-
vement et en son nom. Je doute fort
que nous soyons face à un hasard,
mais plutôt que nous ayons là une
force organisée qui ne milite pas pour
que notre mouvement trace son pro-
pre chemin. Aussi, Monsieur le prési-
dent, je vous écris pour vous deman-
der d’exclure les parlementaires LR
concernés de nos instances », lit-on
dans cette missive où Zartoshte
Bakhtiari ajoute : « Je m’interroge
donc sur la loyauté de ces parlemen-
taires LR qui ont frayé avec ceux
auxquels nous sommes censés nous
opposer. Les électeurs n’ont pas élu
des députés LR face à des candidats
de la majorité pour finalement se re-
trouver avec de pâles copies… »
Loin de partager l’idée d’un rap-
prochement avec le pouvoir, le mai-
re francilien se dit plus proche de la
position de David Lisnard quand le
maire de Cannes défend la
« constance » comme clef de la
« confiance », ou du sénateur Bruno
Retailleau, partisan d’une « ligne
d’opposition d’intérêt général ». Il
fustige cette « réunion champêtre de
A
la présidentielle. « C’est là que le
message est brouillé. Nous allons
aborder des échéances importantes et
avant d’entrer dans le dur nous
aurons besoin de clarté pour être cré-
dibles », met-il en garde, en pointant
deux élus. « Je m’interroge d’autant
plus lorsque, parmi les parlementaires
concernés, nous retrouvons Monsieur
le député Alexandre Vincendet, prési-
dent de la fédération LR du Rhône ou
Madame le député Virginie Duby-
Muller qui plaident ardemment pour
un accord de gouvernement avec la
majorité et ses affidés. »
« Un sabotage
de l’intérieur »
Le maire ne cite que deux noms, sa-
chant que la deuxième parlemen-
taire de Haute-Savoie siège au sein
de la commission nationale d’in-
vestiture. Mais dimanche, à Tour-
coing, d’autres personnalités de
droite étaient invitées à débattre. Ce
fut le cas des sénateurs Stéphane Le
Rudulier (Bouches-du-Rhône),
Marc-Philippe Daubresse et Brigitte
Lherbier (Nord), mais aussi d’autres
élus locaux, tels la maire de Calais
Natacha Bouchart (DVD et ex-LR),
Sylvain Souvestre (Marseille 11e et
12e) ou encore le vice-président de
Paca, Ludovic Perney. On a même
retrouvé des alliés de la droite séna-
toriale, le centriste Hervé Marseille,
président de l’UDI, et son collègue,
le sénateur Loïc Hervé. « Darmanin
espérait démontrer sa capacité à
rassembler en une journée ce que
Borne n’avait pas réussi à faire en
100 jours », bruisse un participant
venu de la droite.
Mais pourquoi cibler seulement
deux députés ? « Je cite ceux qui se
font régulièrement entendre au sein du
parti sur cette idée de rapprochement.
J’y vois un sabotage de l’intérieur »,
répond le maire, alors qu’il a pris
s’était agi simplement de « donner la
contradiction » pour « s’opposer au
programme laxiste porté par la majo-
rité », il écrit que tous les LR seraient
« d’accord pour saluer une contribu-
tion au débat public ».
Convaincu d’exprimer un avis
« largement partagé » chez LR, Zar-
toshte Bakhtiari invite le président
Ciotti à être vigilant et ne manquera
pas de poser ce sujet brûlant sur la
table du prochain bureau politique.
« Si leur présence s’avérait être un
soutien à M. Darmanin, ce que je
crains fortement, je souhaite que le
parti Les Républicains prononce
l’exclusion à l’encontre de ceux qui
n’hésitent pas à trahir leurs électeurs
et leur famille politique. Nous avons
le devoir de ne pas céder aux décli-
nistes de la majorité et d’affirmer les
valeurs de notre parti gaulliste, dont,
j’en suis sûr, vous souhaitez défendre
les convictions et l’héritage »,
conclut-il. Et tant pis si Darmanin a
pu profiter du soutien de Nicolas
Sarkozy, car selon le jeune maire de
Neuilly-sur-Marne, l’avis de l’an-
cien président ne compte pas. « Ni-
colas Sarkozy envoie des cartes pos-
tales, mais il ne fait plus partie du jeu
politique des Républicains. Sa posi-
tion est purement personnelle. » ■
les Verts
Des activistes écolos appellent Greenpeace à
sortir d’une opposition « démodée » à l’atome.
CÉLESTINE GENTILHOMME
£@celestineghm
ENVIRONNEMENT Mieux vaut le
nucléaire que le charbon. C’est en
substance le message qu’ont fait pas-
ser de jeunes militants écologistes,
de cinq pays européens, dans un
courrier révélé par The Guardian et
adressé à Greenpeace. Emmenés par
celle qui s’inscrit dans les pas de Gre-
ta Thunberg, Ia Aanstoot, ils appel-
lent l’organisation à abandonner sa
campagne « démodée et non scientifi-
que » contre l’atome. « Votre antinu-
cléarisme sert plus les intérêts des
énergies fossiles que l’action climati-
que », défendent-ils, alors que l’Al-
lemagne a récemment relancé ses
centrales à charbon pour compenser
sa sortie du nucléaire.
Le débat s’ouvre bien plus timide-
ment dans l’Hexagone, où peu se ris-
quent encore à rompre totalement
avec la « tradition » au sein de la fa-
Zartoshte Bakhtiari,
mille écologiste. Il y a bien eu ce re-
le maire de Neuilly-
sur-Marne, alerte virement de l’ancienne ministre de
Éric Ciotti, le patron François Hollande Cécile Duflot, qui
des LR, sur la loyauté s’est récemment déclarée « agnosti-
des deux que » sur l’atome au micro de France
parlementaires. Inter. Un pas de géant pour celle qui
AURELIEN MORISSARD/AP avait négocié l’entrée au gouverne-
ment de son parti contre la fermetu-
re de la centrale de Fessenheim
(Haut-Rhin) ainsi que la réduction
de 50 % de la part du nucléaire à
l’horizon 2025.
Même chez les jeunes écolos,
l’ambiance n’est plus vraiment à
l’« antinucléarisme identitaire » de
leurs aînés. « Ce n’est pas un moteur
de l’engagement. La position contre
cette énergie reste très ancrée dans
nos valeurs mais elle se veut davanta-
ge pragmatique », explique Octave
Plessis, porte-parole des jeunes
EELV. Parmi les activistes qui gravi-
tent autour du Mouvement pour le
litants médiatiques comme Camille
Étienne ne prennent pas position sur le
nucléaire. Ce qui est en soi déjà un po-
sitionnement », analyse un responsa-
ble régional d’EELV.
Il en faut toutefois davantage pour
que le parti, encalminé dans un scé-
nario « 100 % renouvelables », ne
change son fusil d’épaule. « Il y a un
débat au sein du mouvement écologis-
te international, mais il faut l’avoir de
manière très sereine et objectivée »,
tempère la patronne du groupe à
l’Assemblée nationale, Cyrielle Châ-
telain. Car si la question titille les plus
jeunes, les Verts français ne sont pas
près d’entamer une conversion.
« On ne considère toujours pas que
laisser des déchets toxiques mortels
pour plusieurs milliers d’années soit
écolo », rétorque l’élue du Bas-Rhin,
Sandra Regol. D’autant que l’an-
cienne génération freine des quatre
fers à l’idée d’un possible change-
ment de doctrine.
« Un effet de panique »
L’ex-candidat écologiste à la prési-
dentielle Noël Mamère balaie ainsi ce
qu’il voit comme « un effet de panique
dans la crise climatique ». « Certains
se raccrochent à ce qui pourrait tech-
niquement nous sauver de l’inélucta-
ble, mais rester dans le nucléaire, ce
serait accepter que l’on ne change pas
de mode de vie. Et c’est impossible. »
Contacté par Le Figaro, Green-
peace n’exclut pas de son côté de
« mener un débat de fond » après la
réception du courrier. Tout en rap-
pelant que la position pro-nucléaire
reste « minoritaire » au sein de la
mouvance écologiste. Il n’empêche,
l’organisation a déjà été contrainte
par le passé de revoir ses plans. « Il y a
une dizaine d’années, on était pour une
fermeture immédiate des centrales.
Maintenant, on prône une sortie pro-
gressive », concède Nicolas Nace, en

soutien » à Gérald Darmanin qui fut soin, dans sa lettre, de faire la nuance climat, rares sont ceux à avancer charge de la campagne consacrée à la
ouvertement orientée, selon lui, vers entre débat et soutien politique. S’il leurs billes sur le sujet. « Certains mi- transition énergétique. ■
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO
6 L'ÉVÉNEMENT
LUDOVIC MARIN/AFP
La France
condamne
le coup d’État
militaire qui
est en cours au
Gabon (...) Nous
rappelons notre
attachement
à des processus
électoraux libres
et transparents
OLIVIER VÉRAN, PORTE-
PAROLE DU GOUVERNEMENT
L’influence française en Afrique fragilisée par la multiplication
des coups d’État
MAURITANIE
Dakar
SÉNÉGAL
GUINÉE
5 sept. 2021
Anciens mandats et colonies français...
... dont ayant connu des coups d’État depuis 2020
(date du dernier putsch)
BASES ET POINTS D’APPUI DE L’ARMÉE FRANÇAISE
Opérationnels
La chute d’une dynastie vermoulue, dont le long règne symbolisait la França
TANGUY BERTHEMET £@tanguyber
C’ÉTAIT en 2016. Sylvère, un
chauffeur de taxi de Libreville, en-
rageait. Ali Bongo venait d’être
réélu dans le sang à la présidence
du Gabon. « On veut plus des Bon-
go, disait-il en regardant les pal-
miers du Boulevard du bord de
mer. Un jour, on sifflera la fin de la
fête. » Sept ans plus tard, ce jour est
arrivé. À l’époque, une fois encore,
Ali Bongo venait juste de remporter
une élection. Le résultat avait été
vivement contesté par le principal
opposant, Albert Ondo Ossa. Mer-
credi, ce n’est pas le peuple qui est
venu à bout du régime, mais l’ar-
mée, et sans doute même la garde
présidentielle, la puissante « GR »
censée assurer sa sécurité.
Rien de bien nouveau. C’est un
scénario déjà vu en Guinée en
2020, puis au Niger en juillet der-
nier, deux des quatre États d’Afri-
que francophone, avec le Mali et le
Burkina Faso, où le pouvoir a été
brusquement balayé par l’armée.
Mais le putsch au Gabon revêt une
dimension symbolique plus puis-
sante, tant le régime gabonais,
« république héréditaire » imposée
depuis cinquante-six ans, appa-
raissait comme une sorte de reli-
A
Gabon : Ali Bongo balayé par
Le fils d’Omar Bongo, au pouvoir depuis 2009, a été renversé mercredi par des offi
LE TROISIÈME putsch africain de
l’année a emporté, mercredi ma-
tin, le président du Gabon Ali
Bongo. Les militaires ont pris le
pouvoir avec une sorte de facilité
qui n’a pas surpris grand monde.
« Cela ne réjouit personne mais ce
genre de régime ne pouvait partir
que comme cela », affirme Jean
Gaspard Ntoutoume Ayi, oppo-
sant de toujours.
Au beau milieu de la nuit, le
Centre gabonais des élections
avait donné Ali Bongo vainqueur,
avec 64,27 % des voix, de la pré-
sidentielle organisée dimanche.
L’heure et la précipitation mon-
trent le manque de sérénité du
pouvoir. Quelques heures plus
tard, douze militaires et un civil
apparaissent à la télévision. Dans
une chorégraphie devenue bana-
le, ils annoncent « mettre fin au
régime en place ». « À cet effet, les
» élections générales du 26 août
2023 ainsi que les résultats tron-
qués sont annulés », explique le
colonel Ulrich Manfoumbi, por-
te-parole du Comité pour la tran-
sition et la restauration des insti-
ALGÉRIE
Tessalit
Aguelal
Tombouctou Kidal
Gao NIGER
Gossi Ménaka 26 juillet 2023
MALI
Ouallam
24 mai 2021 Kamboinsin
Niamey
BURKINA FASO
30 sept. 2022
N’Djamena
BÉNIN
CÔTE TOGO
D’IVOIRE
CAMEROUN
Abidjan
Libreville GABON
30 août 2023
CONGO
Fermés entre 2020 et 2023
que, l’aboutissement le plus pur du
régime françafricain. « Ali Bongo a
été emporté précisément pour ne pas
avoir compris que les temps
n’étaient plus les mêmes », remar-
que un ancien diplomate.
« Monsieur fils » aura tout de
même tenu quatorze ans depuis
2009 et la mort de son père, Omar
Bongo, le fondateur de la dynastie.
Autour de son cercueil, dans la
grande salle du Palais du bord de
mer saturé de fleurs blanches,
s’étaient bousculés les dignitaires,
notamment Nicolas Sarkozy et son
prédécesseur, Jacques Chirac. « Ce
n’est pas seulement un homme, mais
une époque, que l’on enterre », as-
surait alors Michel Roussin, un
homme de l’ombre qui mesurait
ces mots.
Il savait parfaitement l’étrange
itinéraire de celui qui s’appelait
alors Albert Bongo. Cet ancien offi-
cier, agent des PTT pendant la co-
lonisation, a été couvé des années
durant par les réseaux de la Fran-
çafrique au sommet de sa puissan-
ce. L’homme est invité à Paris et
présenté à de Gaulle par Jacques
Foccart. « C’est bon. On le garde »,
aurait dit le Général après une brè-
ve entrevue. Le président Léon
Mba se meurt, et Albert Bongo, qui
a déjà gravi tous les échelons du
7 H -9 H
EUROPE 1 MATIN
Dimitri Pavlenko
Retrouvez l’Edito politique à 7h53 avec Alexis Brézet
et Vincent Trémolet de Villers du Figaro
Des Gabonais célèbrent
la prise du pouvoir
par les militaires
aux dépens d’Ali Bongo,
mercredi, à Port-Gentil.
GAETAN M-ANTCHOUWET
VIA REUTERS
Faya-Largeau
TCHAD
21 avril 2021
Abéché
RÉP. CENTRAFRICAINE
Bangui
500 km
Infographie
Omar Bongo, en 1989,
à Libreville, entouré
par sa famille,
dont ses enfants Ali
et Pascaline (à droite).
BOBBY HOLLAND/MPTV/
BUREAU233
tutions (CTRI), le nom la junte,
dénonçant « une gouvernance ir-
responsable » et annonçant la dis-
solution de toutes les institutions.
L’origine du coup ne fait pas
mystère bien longtemps. Le mes-
sage des putschistes a été diffusé
sur les écrans de la chaîne de té-
lévision Gabon 24, abritée au sein
même de la présidence. L’un des
responsables de la garde républi-
caine, la GR, les prétoriens du ré-
gime, figure d’ailleurs parmi les
militaires, son béret vert sur la
tête. Le prince déchu, Ali Bongo,
gouvernement, est prêt à prendre
la suite. En 1967, il devient le nou-
veau chef d’État. Intelligent et fin,
Bongo prend vite les choses en
mains pour le plus grand bonheur
des siens et de la France. Il ouvre
les portes du Gabon aux entrepri-
ses, aux agents et aux militaires
français. Il offre aussi une base ar-
rière pour les menées inavouables
de Paris au Biafra nigérian, en plei-
ne guerre civile, puis plus tard à
une tentative inepte de déstabilisa-
tion du Bénin. En échange, l’Élysée
ferme les yeux sur les turpitudes du
nouveau régime.
Car si Bongo, devenu Omar à
l’occasion d’une conversion inté-
ressée à l’islam, se montre bon di-
plomate et très adroit politique, sa
gestion économique est plus aléa-
toire. En dépit du choc pétrolier de
1973, qui a offert au petit Gabon des
64 ans, apparaît, lui, un rien ha-
gard, l’air de ne pas comprendre
la situation, dans une vidéo diffu-
sée sur les réseaux sociaux. Dans
un anglais hésitant il lance un ap-
pel aux « amis dans le monde en-
tier pour leur dire de faire du
bruit » « contre des gens qui (m’)
ont arrêté ». Un appel à l’aide
auquel personne ne répondra.
Dans la foulée ou presque, le
général Brice Clotaire Oligui
Nguema, le chef de la garde répu-
blicaine, explique au Monde que
le président a été « mis en retrai-
revenus inespérés, le pays ne se
développe guère. Omar Bongo gère
la manne à son habitude dans un
partage entre lui et Paris. La société
pétrolière Elf monte en puissance,
avec, dans son sillage, des réseaux
pas toujours bien reluisants. Les
fonds servent aussi à financer les
présidents amis ou les oppositions,
voire à écarter un chef d’État gê-
nant, au gré des besoins de l’Élysée.
Au fil des années et des rencon-
tres, Bongo se mue en une sorte de
pilier incontournable du système
français en Afrique, dont il
contrôle tous les rouages. Il traite
d’égal à égal avec son homologue
français et souvent même domine
les débats. Seulement, ses compa-
triotes n’en profitent que peu. Le
« miracle gabonais » attendu n’a
pas lieu, ou à l’envers. Le riche
émirat d’Afrique restera pauvre.
te », refusant de s’exprimer sur
ses intentions personnelles. « Il
jouit de tous ses droits. C’est un
Gabonais normal, comme tout le
monde », dit l’officier, même si le
président déchu a été placé en ré-
sidence surveillée avec son épou-
se et ses médecins. Il est à peine
15 heures et coup est entériné.
Reste à définir l’avenir.
Un monde népotique
Sur internet, tout juste rétabli
après avoir été suspendu samedi
soir, des vidéos circulent où l’on
Entre une corruption effrénée et
l’achat des opposants, le système
politique coûte très cher. Et der-
rière les acclamations de façade,
« papa Bongo » est très critiqué.
En 1990, la tentative de démocra-
tisation vire au désastre et à
l’émeute. Sous couvert d’une opé-
ration d’évacuation, Paris inter-
vient et sauve le trône de son allié.
“emporté
Ali Bongo a été
précisément
pour ne pas avoir
compris que les temps
n’étaient plus
”
les mêmes
UN ANCIEN DIPLOMATE
Une longue fin de règne s’ouvre
dès lors. Le pouvoir des Bongo
s’enfonce dans un népotisme com-
plet. Les amis, la famille et les en-
fants, légitimes ou non – il en aurait
eu 43 -, arrachent chaque morceau
du pays. Le scandale Elf ou celui
des biens mal acquis exposent les
entrailles du pouvoir, le patrimoine
du président étant estimé à
150 millions d’euros. La France, en
réaction, s’éloigne d’un Bongo dé-
sormais infréquentable. Le vieux
président s’enfonce dans une cer-
taine amertume et la maladie. C’est
d’ailleurs à Barcelone qu’il choisit
de se faire hospitaliser pour y mou-
rir en 2009.
La tragédie gabonaise, dans la-
quelle un Américain verrait sans
doute un triste Dallas, va pourtant
continuer. Ali Bongo, le fils, va
succéder à son père. Qu’importe
s’il n’a hérité ni du charme matois
de son père ni de ses réseaux. Il
s’impose lors d’une élection qui

un putsch
ciers de la garde républicaine.
voit le général Nguema acclamé
par ses troupes, porté en triom-
phe. « Oligui président », peut-on
entendre, façon de confirmer
l’implication du militaire et de la
GR dans le coup. Sur X (ancien-
nement Twitter), le CTRI a an-
noncé avoir promu à sa tête le gé-
néral Brice Clotaire Oligui
Nguema, commandant en chef de
la garde républicaine. Comme le
veut la « jurisprudence » des
putschs en Afrique de l’Ouest, il
est désigné chef de la transition.
Une réunion était en cours mer-
frique
n’en est pas vraiment une. Ceux
qui parient sur l’échec rapide de
cet inexpérimenté se trompent.
« Ali », comme il se fait appeler
dans l’espoir un peu vain de faire
oublier le lourd patronyme,
écarte la vieille garde paternelle
et impose ses gens. Il affirme
vouloir lancer une grande réfor-
me, mais rien ne se produit. La
« famille », plus que jamais, se
répartit les ressources et les pos-
tes. En 2016, Ali Bongo s’impose
officiellement une nouvelle fois
dans les urnes, contre Jean Ping,
qui n’est autre que son ex-beau-
frère. Mais la fraude est si mani-
feste que la foule descend dans la
rue. Bongo fait ouvrir le feu, la-
cérant au passage l’unique bon
point d’un régime certes klepto-
cratique, mais jusqu’alors relati-
vement peu violent.
Le second septennat, qui
s’annonce déjà complexe, est
vite marqué par la maladie. En
octobre 2018, Ali Bongo est frap-
pé par un AVC dont il ne se re-
mettra jamais totalement. « Il est
resté très marqué et très affai-
bli », note un proche. Certains
vont même jusqu’à douter de sa
capacité à gouverner, alors que
ses apparitions se font rares. Les
scandales, comme l’arrestation
de son directeur de cabinet ac-
cusé d’usurper le pouvoir,
n’aident pas. « Pour tous, ce
n’était pas Ali qui était aux com-
mandes, mais son épouse, ce qui
passait très mal », remarque
l’ancien diplomate. Dans ce
contexte, l’annonce de sa candi-
dature pour un troisième man-
dat est apparue incompréhensi-
ble. Et, paradoxalement, comme
l’annonce de l’inexorable chute
de la maison Bongo. ■
credi soir à Libreville, qui pour-
rait déboucher sur un discours à
la télévision dans les jours pro-
chains.
Les raisons de ce pronuncia-
miento restent mystérieuses,
mais tiennent sans doute à des
querelles internes au clan Bongo.
Une dispute brutale entre les
« grandes familles » et l’entoura-
ge présidentiel accusé de diriger
de facto le pays depuis le grave
AVC qui a atteint Ali Bongo en
2018, le laissant très affaibli. Une
révolution de palais plutôt qu’un
véritable putsch. Le parcours du
général Oligui Nguema plaide en
ce sens. L’homme, s’il est encore
jeune, n’est pas un inconnu mais
un homme du sérail. Originaire
du Haut-Ogooué, le fief des Bon-
go, il serait membre de la famille
par sa mère, une qualité dans ce
monde népotique. Cette proximi-
té lui avait d’ailleurs permis de
travailler pour Omar Bongo. Plu-
sieurs autres « jeunes » seraient à
ces côtés.
Par contraste, Noureddin Bon-
go-Valentin, le fils d’Ali, a été ar-
rêté avec au moins six conseillers
spéciaux du chef de l’État déchu,
tous accusés « de trahison envers
les institutions de l’État ». Ces
hommes, surnommés « la jeune
garde », sont accusés par l’oppo-
sition et la société civile d’être
devenus les véritables dirigeants
du pays. Ils concentraient les co-
lères attisées par un système pro-
fondément injuste depuis des dé-
cennies.
Les Gabonais, eux, s’interro-
gent moins et se réjouissent
ouvertement. Dans le quartier
populaire Plein-Ciel de Libre-
ville, une petite foule criait à
l’aube sa joie. « C’est la libéra-
tion ! », « Bongo dehors ! », ap-
plaudissant au passage des mili-
taires. À Port-Gentil, la capitale
économique, sur la place du Châ-
teau-d’eau située dans un quar-
tier populaire et bastion tradi-
tionnel de l’opposition, des
centaines de personnes ont
klaxonné en criant : « Le Gabon
est libéré. » ■ T. B.
Les dirigeants
internationaux
appellent à
préserver la paix
Le président de la Commission
de l’Union africaine, Moussa
Faki Mahamat, a « condamné
fermement la tentative de coup
d’État » mercredi, appelant
les putschistes à préserver la
sécurité d’Ali Bongo Ondimba. Le
président du Nigeria, également
à la tête de la Communauté
économique des États de l’Afrique
de l’Ouest, a souligné que « la
préservation de la gouvernance
démocratique en Afrique »
était une « priorité absolue ».
Le Commonwealth, que le Gabon
a rejointe l’an dernier, a appelé
à la préservation de la paix.
Le chef de la diplomatie de l’Union
européenne, Josep Borrell, a fait
savoir que l’UE « réagira aux
événements au Gabon de la
même manière qu’elle l’a fait
suite aux événements au Niger »,
annonçant par ailleurs que l’UE
imposera des sanctions à
l’encontre de la junte ayant pris
le pouvoir à Niamey il y a
quelques semaines. « Si cela
(la situation au Gabon, NDLR)
se confirme, il s’agit d’un nouveau
coup d’État militaire qui accroît
l’instabilité dans toute la région »
et qui constitue « un problème de
taille pour l’Europe », a-t-il ajouté.
Parmi les observateurs
géographiquement plus lointains,
la Maison-Blanche a dit « suivre
de très près » la situation.
La Chine a également appelé
à « garantir la sécurité d’Ali
Bongo » et la Russie a fait part
de sa « profonde préoccupation »
pour ce « pays ami ». M. B.
La diplomatie française désarçonnée
par l’« épidémie » de coups d’État en Afrique
ISABELLE LASSERRE £@ilasserre
POUR les diplomates français, c’est
une sorte de supplice de la « baignoi-
re ». À peine croient-ils pouvoir sor-
tir la tête de l’eau qu’un nouveau
putsch la leur replonge, plus brutale-
ment encore. En Afrique, un coup
d’État ne chasse pas l’autre mais
s’additionne au précédent. Déjà huit
en Afrique centrale et de l’ouest de-
puis 2020 ! Dans sa conférence aux
ambassadeurs lundi, Emmanuel Ma-
cron parlait d’une « épidémie de
putschs ». Depuis, un nouveau a été
rajouté à la liste. Il n’est pas tout à fait
de la même nature que celui du Niger
Un partisan
des putschistes en juillet, puisque Ali Bongo, succes-
au Niger brandit seur de son père, a été élu et réélu
un drapeau russe, dans des élections contestées,
lors d’une manifestation contrairement au président du Niger
près d’une base militaire Mohamed Bazoum.
française à Niamey, Mais il pourrait avoir les mêmes
le 11 août dernier. AFP conséquences pour la présence
Les français Eramet et TotalEnergies en alerte
MARGOT RUAULT £@MargotRuault
L’ALERTE aura, semble-t-il, été de
courte durée. L’une des deux prin-
cipales entreprises françaises ins-
tallées au Gabon, le géant des mi-
nes et de la métallurgie Eramet, a
annoncé mercredi matin suspen-
dre ses activités dans le pays. Il
s’agissait de « protéger la sécurité
de son personnel et l’intégrité de ses
installations ». Le groupe est le pre-
mier producteur mondial de man-
ganèse (qui représente environ
70 % de son résultat d’exploitation)
Malgré grâce à ses ressources gabonaises.
Ce métal est l’un des plus utilisés
son potentiel dans le monde ; il sert à la produc-
économique, tion d’acier, de batteries ou encore
le pays peine de piles. Eramet est présent au Ga-
bon au travers ses deux filiales, Co-
à traduire milog et Setrag. Ce qui fait de lui le
la richesse premier employeur privé du pays.
de ses L’annonce du gel des activités a fait
dévisser son action de plus de 16 %
ressources à la Bourse de Paris. En fin de jour-
en une née, le groupe assurait qu’il allait
croissance reprendre ses activités, qui com-
prennent aussi l’exploitation d’une
durable et ligne de train, dès jeudi matin.
inclusive
UNE NOTE DE LA
» « Compte tenu des informations dis-
ponibles ce soir sur les événements
BANQUE MONDIALE en cours au Gabon, le groupe a déci-
dé du redémarrage immédiat du
transport ferroviaire et la reprise
des activités d’extraction », indi-
quait Eramet mercredi soir.
L’autre grand groupe tricolore
implanté dans ce pays pétrolier
est TotalEnergies. La compagnie,
habituée aux situations de crise à
travers le monde, se dit mobilisée
pour assurer « la sécurité de ses
employés et de ses opérations ».
Présent depuis plus de 80 ans au
Gabon, TotalEnergies compte près
de 350 salariés et produit
L'ÉVÉNEMENT
française sur le continent. S’il s’ins-
talle dans la durée, le coup d’État ga-
bonais signifierait la chute d’un
« ami de la France », qu’Emmanuel
Macron était allé voir en mars, mal-
gré sa politique de désengagement et
de rupture avec la « Françafrique »
menée depuis 2017. Il installerait
aussi un nuage noir sur la base mili-
taire de la France, l’une des quatre
installations permanentes préposi-
tionnées sur le continent, avec ses
370 soldats. Enfin, il ferait peser une
menace sur la présence économique
de la France au Gabon, où sont ins-
tallées 80 entreprises nationales.
Paris a condamné le coup d’État,
souligné que le résultat des élections
n’avait pas encore été validé et de-
mandé le retrait des putschistes et le
retour à l’ordre constitutionnel. À
l’Élysée, on considère que ce nou-
veau putsch, comme les autres
d’ailleurs, n’a rien à voir avec la pré-
sence française. Mais les mêmes
causes produisant généralement les
mêmes effets, en raison de l’intensi-
té du sentiment antifrançais qui tra-
verse tout le continent, les événe-
ments gabonais sont un coup
supplémentaire porté à l’influence
de la France, dont les militaires ont
déjà dû quitter la République centra-
fricaine, le Mali et le Burkina Faso.
Accusée de néocolonialisme
même quand elle lutte contre les
groupes terroristes et amende sa
politique sur le continent, la France
est devenue une cible privilégiée,
qui sert à masquer les défaillances
des pouvoirs africains et à nourrir
les opérations russes de déstabilisa-
tion de l’Europe.
Au Niger, le président français a
choisi la fermeté : refus de reconnaî-
tre les autorités putschistes, exigence
d’un retour au pouvoir du président
Bazoum et rejet des injonctions de la
junte, qui exige le départ de l’ambas-
sadeur à Niamey et réclame le retrait
des militaires français. Un mois après
le coup d’État, sa position reste assez
isolée. Joe Biden, qui veut sauver sa
base militaire au Niger, ne voit pas
forcément d’inconvénients à dialo-
guer avec la junte. Les Européens re-
gardent en l’air en attendant que la
crise s’apaise. Les pays d’Afrique de
l’Ouest réunis traînent des pieds
pour intervenir militairement.
Même le Nigeria, dont l’armée, en
17 000 barils par jour. C’est une
goutte d’or noir par rapport aux
quelque 200 000 barils par jour
que le Français extrait au Nigeria,
ou encore à peine plus de 1 % par
rapport à la production totale de
pétrole du groupe. TotalEnergies
possède un réseau, modeste, de
45 stations-service à travers le
Gabon, soit une sur cent de son
parc africain. La société avait ven-
du, en 2021, des « actifs non opé-
rés » à Perenco Oil & Gas Gabon,
autre société française présente
dans le pays, qui n’a pas voulu
s’exprimer dans l’immédiat.
L’an dernier, la France a impor-
té 310 millions d’euros de produits
gabonais, dont l’essentiel (43 %)
sont des hydrocarbures, du bois
(31 %) et des minerais métalliques
(24 %). Elle a exporté pour
536 millions d’euros en 2022, en
hausse de 32 % par rapport à 2021.
Le poids de l’or noir
Le Gabon tire plus de la moitié de
ses recettes d’exportation de son
or noir. Il est le quatrième pro-
ducteur de pétrole d’Afrique sub-
saharienne, mais, à l’échelle
mondiale, il reste un petit acteur,
fournissant environ 0,2 % de la
production planétaire. En outre,
« aujourd’hui ses réserves se sont
pas mal épuisées », remarque Jac-
ques Percebois, directeur du
Centre de recherche en économie
et Droit de l’énergie (Creden).
Les ressources pétrolières conju-
guées à sa faible population -
2,3 millions d’habitants - lui ont
permis de figurer, sur le papier,
parmi les pays les plus riches du
continent, avec un PIB de
8 000 dollars par habitant. Le
sous-sol du pays, outre le man-
ganèse, est aussi doté de fer et
LE FIGARO jeudi 31 août 2023
7
cas d’opération, serait aux premières
loges. Seront-ils plus fermes avec le
Gabon ? Le coup d’État a été
condamné par l’Union africaine et
l’Union européenne. « Mais pas plus
au Gabon qu’au Niger ou au Mali, les
Français n’ont les leviers nécessaires
pour changer les choses », regrette un
ministre des Affaires étrangères
occidental.
Modèles alternatifs
L’influence de la Russie, en revan-
che, exercée par le groupe Wagner
et par le Kremlin, se renforce en ex-
ploitant le sentiment antifrançais.
En quelques années, les pays afri-
cains se sont libérés de leur carcan
français pour se mondialiser. Et ce
mouvement passe d’abord par Mos-
cou. Le mois dernier, Vladimir Pou-
tine a organisé un sommet des chefs
d’État africains. Et le récent sommet
des Brics en Afrique du Sud, qui a ac-
cueilli six nouveaux membres, est un
succès pour la Russie. « C’est un dé-
veloppement dangereux et sans doute
irréversible. Le fait que l’Égypte et
l’Éthiopie aient rejoint l’organisation
va entraîner les Africains à regarder
dans cette direction », poursuit le mi-
nistre occidental, qui rencontre les
chefs d’État du continent régulière-
ment. La Russie, pourtant, n’investit
guère dans les pays dans lesquels elle
s’installe. « Mais ce que les Africains
aiment en elle, c’est qu’elle est la
continuation de l’URSS, qui a soutenu
leurs indépendances, qu’elle apporte
une solution de force pour soutenir
leurs régimes, et qu’elle est l’alliée de
la Chine, le véritable patron sur le
continent. Les arguments sur l’attitu-
de néocoloniale de la Russie dans sa
zone d’influence ou sur les crimes
commis en Ukraine n’ont aucun im-
pact », poursuit le haut responsable.
Les putschs africains rappellent
aussi le discrédit dont souffre la dé-
mocratie, ainsi que le recul de l’in-
fluence occidentale dans le monde,
où les puissances autocrates impo-
sent leurs modèles alternatifs à des
populations tentées par les hommes
forts et les solutions militaires. En
s’ajoutant à la liste, le Gabon rend la
tâche de la France, qui tente de ré-
sister aux forces qui veulent la
chasser d’Afrique, encore plus dif-
ficile. D’autant que l’effet domino
n’est peut-être pas terminé. ■
d’uranium, mais ce potentiel est
resté largement sous-exploité.
Mais, « malgré son potentiel éco-
nomique, le pays peine à traduire la
richesse de ses ressources en une
croissance durable et inclusive »,
résume dans une note la Banque
mondiale.
Le pays est néanmoins parvenu
ces dernières années à diversifier
un peu son économie. La plus
grande partie de son territoire est
recouverte de forêt. Avec 22 mil-
lions d’hectares au total, dont
14,5 millions pour l’exploitation
forestière, d’après les chiffres de
l’Agence française de développe-
ment (AFD), l’industrie du bois
ainsi que ses exportations vers la
France progressent fortement de-
puis quatre ans. Des entreprises
françaises spécialisées en contre-
plaqué sont implantées dans le
pays, à l’image des groupes The-
bault, Arbor ou encore Joubert
Plywood. En 2021, la filière bois a
représenté 15 % des exportations
du pays.
Pour l’Hexagone, le Gabon re-
présente un marché modeste
(quelque 500 millions d’euros) de
produits agricoles (20 %), de biens
d’équipements (27 %) ou encore
de produits pharmaceutiques
(10 %). « L’impact sur la France en
termes de commerce ne devrait pas
être très significatif », rassure
Aroni Chaudhuri, économiste en
charge de la zone Afrique chez
l’assureur-crédit Coface. Le seul
point sensible serait une prise de
contrôle des activités économi-
ques stratégiques, comme les sites
extractifs par les militaires. Un
« scénario peu probable », juge
l’économiste. Le pouvoir, quel
A
qu’il soit, aura besoin des inves-
tisseurs étrangers. ■
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO

8 INTERNATIONAL
Bruxelles,
capitale
européenne
de l’insécurité
Les problèmes de santé mentale,
d’addiction et de violence
se concentrent aux abords
de la gare du Midi.
SOLENN PAULIC
BRUXELLES
BELGIQUE « Voir cela en 2023 dans
la capitale de l’Europe, ce n’est pas
possible ! » Willie, Bruxellois de
57 ans, fait le même constat dès
qu’il arrive de France à la gare du
Midi, la gare internationale de
Bruxelles : « la saleté » aux abords
de cette gare empruntée par
50 000 personnes chaque jour, et
l’impuissance face aux nombreu-
ses personnes en errance.
Cela fait plusieurs mois que la
capitale de l’UE fait l’objet de SOS
lancés par les associations sur la
dégradation à Bruxelles-Midi, pas
seulement pour des raisons d’in-
salubrité. En mai, l’association
Douche Flux, qui permet aux SDF
de se laver et de laver leurs affai-
res, a dû fermer temporairement
en raison d’attaques contre ses
travailleurs.
Problèmes de santé mentale,
addiction aux drogues, situations
irrégulières… Les différentes pro-
blématiques rencontrées par ces
personnes ont accru « les actes de
violence entre elles et envers les tra-
vailleurs sociaux », explique Benja-
min Brooke, son codirecteur.
Mi-août, c’est la présidente de la
SNCB, la société belge des chemins
de fer, Sophie Dutordoir, qui a de-
mandé à la région de Bruxelles-
Capitale, aux bourgmestres (mai-
res) des communes où se situe
cette gare (Bruxelles, Saint-Gilles
et Anderlecht) ainsi qu’au gouver-
nement fédéral d’Alexander De
Croo de prendre des mesures radi-
cales. Une opération de police a eu
lieu samedi, avec 56 arrestations à
la clé. Un plan d’action a aussi été
annoncé avec la désignation d’un
coordinateur à la gare du Midi.
Mais l’insécurité ne concerne pas
que « Midi », la gare du Nord, à
Schaerbeek, concentrant les mê-
mes problématiques.
La situation est aussi jugée inte-
nable par les commerçants du cen-
tre-ville et des comités de quar-
tiers, qui ont dénoncé la semaine
dernière le « nombre croissant de
réfugiés, sans-abri, mendiants,
personnes en errance » dans les
rues, les parcs et les métros. Tout
comme la hausse de « la consom-
mation et le trafic de crack », par-
fois devant des enfants.
Des agents de police Le président de l’association des
ont fait une descente, commerçants, Quentin Huet, est
liée à des actes excédé par les vols commis par les
de délinquance personnes en situation irrégulière
et d’incivilités, sans ressources, et attend que le
aux abords de la gare gouvernement fédéral « exécute les
de Bruxelles-Midi, ordres de quitter le territoire ». Il
samedi dernier.
veut aussi une « police de proximi-
N. MAETERLINCK/BELGA
VIA REUTERS CONNECT
té » et plus d’effectifs visibles.
Si le Covid a accru la précarité, la
crise aiguë de l’asile avec l’incapa-
cité de l’agence fédérale belge à
prendre déjà en charge 2 400 de-
mandeurs, a aggravé les choses,
explique le bourgmestre de
Schaerbeek du parti d’opposition
DéFi, Bernard Clerfayt.
À ce public en situation légale
s’ajoutent les migrants irréguliers
cherchant à rejoindre le Royaume-
Uni, qui restent aussi dans la rue.
Au total, 5 000 personnes seraient
sans hébergement. Pour le codi-
recteur de DoucheFlux, « le tout-
sécuritaire », à l’image de l’opéra-
tion de samedi, ne fait pourtant
qu’aggraver les choses, en « crimi-
nalisant les plus précaires » et en
repoussant « le problème de quel-
ques mètres ». Aucune mesure
structurelle n’a été prise depuis
“onÀestBruxelles-Midi,
entre Saint-
Gilles et Bruxelles,
et les trottoirs sont
à Anderlecht.
Les communes se
renvoient la balle
BENJAMIN BROOKE, CODIRECTEUR
DE L’ASSOCIATION DOUCHE FLUX
” fédéral ayant en charge la gestion
mai, ajoute-t-il, se désespérant
aussi du partage des compétences
entre les différents niveaux de
pouvoirs, une « lasagne institu-
tionnelle » parfois incohérente et
inefficace. « À Bruxelles-Midi, on
est entre Saint-Gilles et Bruxelles, et
les trottoirs sont à Anderlecht. Rien
que sur la propreté, les communes se
renvoient la balle », déplore Benja-
min Brooke.
Le maire de Schaerbeek recon-
naît la difficulté, la gestion des
sans-abri étant par exemple
confiée aux régions et celle des
migrants au fédéral, et appelle tout
le monde à « faire un effort », y
compris sur la propreté pour les
régions.
Pas facile non plus de s’y retrou-
ver en ce qui concerne la police, le
de la sécurité à l’intérieur de la gare
du Midi tandis que la police locale,
gérée par les communes, est char-
gée de celle des abords extérieurs.
Une police locale à laquelle il man-
querait plusieurs dizaines d’agents,
et dont l’embauche relève aussi de
prérogatives fédérales… ■

ZOOM
En Australie, un référendum à l’issue Russie : attaque de drones

incertaine sur la question aborigène

sur l’aéroport de Pskov
Une attaque de drones a visé
dans la nuit de mardi à
mercredi l’aéroport de Pskov,
dans le nord-ouest de la Russie,
Le 14 octobre, les Australiens se prononceront sur un projet de création d’une instance permettant endommageant ou détruisant

aux indigènes de conseiller le gouvernement sur leurs problématiques.

GREGORY PLESSE
SYDNEY
OCÉANIE Le 14 octobre, les Aus-
traliens voteront par référendum
afin d’établir une Voix aborigène,
ple : on n’obtient jamais de
meilleurs résultats que lorsque
ceux qui sont directement
concernés ont leur mot à dire lors
de l’élaboration d’une loi.
Concernant les Aborigènes, sans
doute l’un des peuples colonisés
sormais dans l’opposition, ont dé-
cidé de faire campagne pour le
non, arguant, entre autres, que
cette Voix est porteuse de divi-
sions. Ils peuvent en outre comp-
ter sur l’empire médiatique de
Rupert Murdoch, NewsCorp, qui
sociétaux. « L’inflation a un impact
lourd sur le pouvoir d’achat, la
banque centrale a relevé plus d’une
dizaine de fois son taux d’intérêt
directeur et de plus en plus d’Aus-
traliens ont du mal à se loger. Il y en
a donc une partie qui ne s’intéresse
plusieurs avions, selon les
autorités russes. « À 23 h 28 le
29 août, nous avons été informés
d’un incendie d’avions Il-76
de l’aviation cargo militaire »,
ont indiqué les secours
du ministère des Situations
d’urgence. Selon l’agence Tass,
quatre Il-76 ont été
endommagés, alors que Ria

« compatriotes,
Mes chers
destinée à conseiller le gouverne-
ment et le Parlement sur les pro-
blématiques concernant les indi-
gènes. Mais à quarante-cinq jours
ce que les du scrutin, l’issue apparaît très in-
Aborigènes certaine.
veulent pour « Mes chers compatriotes, ce que
les Aborigènes veulent pour leurs
leurs enfants, enfants, c’est ce que vous voulez
c’est ce que pour vos propres enfants : qu’ils
vous voulez soient en bonne santé, qu’ils aient
de bons résultats scolaires, qu’ils
pour vos obtiennent un emploi qui leur plaît
propres et qu’ils aient une vie bien remplie.
enfants : qu’ils (…) Le 14 octobre prochain, tous les
Australiens auront une chance qui
soient en n’arrive qu’une fois par génération
bonne santé, de rassembler notre pays et de le
qu’ils aient changer, en mieux. Votez oui ! » Le
premier ministre, Anthony Alba-
de bons nese, était très en verve mercredi,
résultats au moment d’annoncer, enfin, la
scolaires, date du prochain référendum.
Dans moins d’un mois et demi, les
qu’ils Australiens devront décider s’ils
obtiennent souhaitent modifier la Constitu-
un emploi qui tion, pour y intégrer une Voix
aborigène. Il s’agit d’une commis-
leur plaît et sion permanente, représentative
qu’ils aient des quelque 300 nations indigè-
une vie bien nes, qui sera amenée à conseiller
remplie »
ANTHONY ALBANESE,
le gouvernement et le Parlement
sur les politiques et lois les
concernant directement.
LE PREMIER MINISTRE
Pour le gouvernement, comme
AUSTRALIEN
pour les autres partisans de cette
réforme, à laquelle sont favorables
A
les plus durement opprimés, qui
ne représentent aujourd’hui plus
que 3 % de la population, les mar-
ges de progression sont immenses.
Surreprésentés dans les prisons
(30 % de la population carcérale),
ils sont également plus exposés au
chômage, à la pauvreté, au mal-
logement, à la déscolarisation.
Quant à leur espérance de vie, elle
est près de dix ans plus courte que
celle du reste de la population.
Au-delà des changements con-
crets que certains pensent que
cette Voix pourrait apporter, il y a
également derrière ce vote une di-
mension hautement symbolique,
puisque, en cas d’adoption, les
Aborigènes seront expressément
mentionnés dans la Constitution
comme les « Premiers peuples de
l’Australie ». Un pas de géant alors
qu’il y a moins de soixante ans, ils
n’étaient même pas pris en comp-
te dans le recensement.
Le travailliste Anthony Alba-
nese en a fait la priorité de son
mandat. C’est d’ailleurs la pre-
mière mesure qu’il a évoquée dès
le soir de sa victoire, en mai 2022.
À ce moment-là, 70 % des Aus-
traliens y étaient favorables. Mais
les derniers sondages, effectués
entre fin juillet et début août, ré-
vèlent que désormais, ils ne sont
plus que 44 % à 48 % à soutenir
cette réforme.
contrôle 70 % de la presse en cir-
culation en Australie, pour se faire
l’écho de la moindre de leurs pri-
ses de parole.
Double majorité
nécessaire
Même quand celles-ci, ont, selon
la députée indépendante Zali
Steggall, « des accents trumpiens
en jetant le discrédit sur nos institu-
tions ou les résultats électoraux »
ou ont un caractère mensonger.
Ainsi, depuis quelques semaines,
le camp du non assure que la dé-
claration d’Uluru, le texte fonda-
teur sur lequel repose cette propo-
sition de Voix aborigène, aurait un
agenda caché et contiendrait une
vingtaine de pages jamais rendues
publiques. En réalité, le texte en
question, adopté à l’unanimité en
2017 par plus de 200 leaders abori-
gènes, tient sur une seule page et
compte moins de 500 mots.
Kos Samaras, spécialiste en
stratégie politique, note égale-
ment que les partisans du oui, qui
rassemblent 35 000 volontaires
arpentant les marchés et les gares,
n’ont jusqu’à présent pas mené
une très bonne campagne. « Ils ne
sont pas parvenus à expliquer aux
Australiens en quoi cette réforme
sera bénéfique, non seulement pour
les Aborigènes, mais aussi pour
l’ensemble des Australiens », dit-il.
pas du tout au sujet et les autres es-
timent que ce n’est pas la priorité »,
commente-t-il.
L’autre difficulté est qu’en Aus-
tralie, un référendum nécessite
une double majorité pour être
adopté : au niveau national mais
aussi dans une majorité d’États.
Sur les quarante-quatre référen-
dums organisés depuis 1901, seu-
lement huit ont été adoptés. Pour
celui qui s’annonce, la victoire
semble assurée dans le Victoria et
en Tasmanie, le non devrait large-
ment l’emporter en Australie-Oc-
cidentale et dans le Queensland.
C’est la raison pour laquelle
Anthony Albanese a prononcé son
discours à Adelaide, capitale de
l’Australie-Méridionale, où com-
me en Nouvelle-Galles du Sud, les
opinions sont moins tranchées, et
où le résultat du vote sera crucial.
Son actuel leader, le travailliste
Peter Malinauskas, veut croire que
ses administrés sauront s’inscrire
dans l’histoire de son État. « Nous
fûmes les premiers dans le monde à
instaurer le suffrage universel, à
donner le droit de vote aux femmes,
les premiers à interdire la discrimi-
nation raciale, à décriminaliser
l’homosexualité, les premiers à ac-
corder des droits à la terre aux
Aborigènes. C’est ce qui nous ca-
ractérise : un éthos égalitaire et un
sens profond de la justice », rappel-
Novosti évoque deux avions.
Pskov, capitale de la région
éponyme frontalière de
l’Estonie, de la Lettonie et de la
Biélorussie, est située à 800 km
de la frontière ukrainienne.
EN BREF
Bangladesh : des milliers
de manifestants contre
les disparitions forcées
Des milliers de manifestants ont
défilé mercredi au Bangladesh
pour exiger des informations
sur le sort de centaines de
personnes soupçonnées d’avoir
été enlevées par les forces
de sécurité, en quinze ans
de pouvoir du premier
ministre Sheikh Hasina.
Iran : ouverture du procès
de l’avocat de Mahsa Amini
Le procès de l’avocat de Mahsa
Amini, la jeune Iranienne
dont le décès avait déclenché
un vaste mouvement de
contestation en septembre
2022, s’est ouvert à Téhéran
pour « propagande contre
la République islamique »,
a indiqué mercredi un média
local. S’il est condamné,
Me Nikbakht risque une peine

plus de 80 % des Aborigènes, Il faut dire que, entretemps, les Il relève que le contexte économi- le-t-il. Il reste six semaines à cha- d’emprisonnement
l’idée de cette Voix est assez sim- conservateurs de la coalition, dé- que se prête assez peu aux débats que camp pour convaincre. ■ de trois mois à un an.

SOCIÉTÉ
Le regard tourné vers la Chine, François
entame une visite inédite en Mongolie
Le pape, qui rêve de se rendre un jour à Pékin, va rencontrer l’une des plus petites Églises catholiques du monde.
JEAN-MARIE GUÉNOIS £@jmguenois
RELIGION C’est sans doute son
voyage le plus original. Le pape
François doit quitter Rome ce jeu-
di après-midi, pour se rendre en
Mongolie jusqu’à lundi. Il va y
rencontrer l’une des plus petites
Églises catholiques du monde, qui
détient cependant un des records
de croissance de toute la catholi-
cité actuelle.
Fondée en 1992 par trois mis-
sionnaires étrangers, sans un seul
baptisé mongol, elle comptait
14 catholiques locaux en 1995 et
cent fois plus trente ans plus tard.
Ce sont donc 1 394 catholiques
mongols, bien conscients du ca-
ractère inouï de la visite du chef
de l’Église catholique, qui vont
accueillir chaleureusement Fran-
çois dans la capitale, Oulan-Ba-
tor, réputée la plus froide au
monde. Ils représentent 0,04 %
de la population de cet ancien
pays communiste de 3,4 millions
d’habitants, bouddhiste à 53 %,
dont la superficie est trois fois su-
périeure à celle de la France.
Mais pourquoi le pape, à bientôt
87 ans, handicapé et qui aborde
l’une de ses rentrées les plus char-
gées, avec un synode décisif en
octobre, tient-il à passer une
vingtaine d’heures en avion pour
parcourir 16 500 kilomètres aller
et retour afin de ne rencontrer, fi-
nalement, qu’une petite paroisse
urbaine de 1 400 personnes per-
due non loin du désert de Gobi ?
« Chaque catholique
vaut un voyage »
Giorgio Marengo, le plus jeune
« grand
cardinal de l’Église catholique
(48 ans), missionnaire en Mongo-
lie depuis vingt ans et nommé à la
pourpre cardinalice l’an passé par
François, répond malicieuse-
ment : « C’est parce que notre
Église de Mongolie est la seule Égli-
se du monde où tous les catholiques
peuvent tenir sur la photo avec le
pape ! » Né dans le Piémont, ce
missionnaire passionné est un re-
ligieux membre de la Consolata,
une congrégation italienne fondée
au début du XXe siècle, spécialisée
dans l’accompagnement des jeu-
nes Églises. Cet ancien escrimeur,
qui maîtrise l’art de la répartie
claire et vive, pointe : « Pour
François, chaque catholique vaut
un voyage. »
De fait, le pape aime ces situa-
tions inclassables. Pour lui, elles
sont les plus significatives de
l’Église catholique. Il développera
cette idée dans son homélie de la
messe de dimanche, dans l’im-
mense complexe sportif Steppe
Arena de la capitale Oulan-Bator -
une ville qui concentre la moitié
de la population du pays et qu’il ne
N O UV E AU
LE FIGARO,
MAINTENANT
À LA TÉLÉVISION
Le pape François se rendra ce jeudi à Oulan-Bator, où l’attendent avec ferveur les 1 394 catholiques que compte la Mongolie. C’est la première
fois qu’un souverain pontife visite ce pays d’Asie centrale orientale. JOSEPH CAMPBELL/REUTERS
quittera pas durant tout son voya-
ge - comme lors de sa rencontre,
la veille, avec le clergé, six prê-
tres, dont deux mongols, dix-neuf
religieux, trente-trois religieuses,
Un pays qui suscite les convoitises des grandes puissances
SÉBASTIEN FALLETTI £@fallettiseb
CORRESPONDANT EN ASIE
OULAN-BATOR s’apprête à ac-
Trois fois cueillir un hôte de marque sans
précédent. À l’occasion de sa visite
en Mongolie, le pape François dé-
comme couvrira les bidonvilles de toiles et
la France, de peaux de bêtes couvrant les col-
la Mongolie lines enserrant le vieux centre à
l’architecture soviétique délabrée.
regorge La capitale du pays le moins
de riches densément peuplé du monde a vu
gisements sa population exploser depuis une
décennie, nourrie par des groupes
indispensa- de nomades venus planter leur
bles aux yourte à ses portes, en quête de
technologies confort moderne, tournant le dos
au rude mode de vie de la steppe.
de demain, Un rêve urbain porté par le boom
dont minier, qui s’est fracassé sur le ver-
le lithium, rouillage du monde pendant la
pandémie, isolant comme jamais le
le nickel ou pays de 3,2 millions d’habitants,
le cuivre » pris en étau entre ses deux impo-
sants voisins, la Chine et la Russie.
Un exode rural massif, venu noircir
le ciel azur d’une des capitales dé-
sormais les plus polluées du mon-
de, les feux des yourtes s’ajoutant
au nuage de CO craché par la cen-
trale au charbon plantée aux
abords de l’aéroport.
Découverte
& Patrimoine
trente-cinq catéchistes laïcs, dans
la cathédrale Saint-Pierre et
Saint-Paul construite en 2002. Le
pape devrait évoquer l’existence
« minoritaire », dans un message
En accueillant le pape, Ukhnaa-
giin Khürelsükh, le président de
cette jeune démocratie enclavée,
poursuit une stratégie de diversifi-
cation diplomatique pour faire
contrepoids à Pékin et Moscou, et
soutenir la relance économique in-
dispensable, alors que près d’un
quart des Mongols vit sous le seuil
de pauvreté. Après Emmanuel Ma-
cron, qui effectua un arrêt express
au retour du sommet du G7 en mai,
et une visite à Washington en juin,
du premier ministre Luvsannams-
rain Oyun-Erdene, reçu par la vi-
ce-présidente Kamala Harris, la
venue de François vient compléter
ce tableau de chasse diplomatique.
Une poursuite de la stratégie « du
troisième voisinage », visant à
multiplier tous azimuts les relations
diplomatiques à travers le monde
pour contrebalancer le poids de la
Chine, qui absorbe plus de 80 % des
exportations mongoles. Essentiel-
lement du charbon extrait des mi-
nes à ciel ouvert du Gobi, transpor-
té par camion à travers l’immense
désert couleur ocre.
Cet activisme lancé depuis une
décennie permet à la lointaine
« UB », le surnom de la capitale, de
se muer parfois en éphémère pla-
que tournante diplomatique, of-
Documentaires
Avec
à portée mondiale pour une Église
catholique en crise : l’exemple de
la naissance à partir de rien de
cette Église mongole pourrait
aider à convaincre les vieux pays
frant un lieu de médiation rare aux
adversaires les plus acharnés. La
Mongolie réussit ainsi l’exploit
d’entretenir des bonnes relations
avec les Corées du Nord et du Sud,
et fut un lieu de rencontre envisagé
pour un sommet entre Donald
Trump et Kim Jong-un. Depuis
l’invasion de l’Ukraine par la Rus-
sie, jamais explicitement condam-
née par Oulan-Bator, qui cultive
une russophilie ancienne pour
contenir l’emprise chinoise, la
Mongolie intéresse à nouveau les
services de renseignement améri-
cains. La CIA est en quête d’infor-
mation sur les échanges entre Mos-
cou et Pékin, et surveille tout
éventuel transit d’armements entre
les deux partenaires via la steppe.
Une croissance attendue
à plus de 5 %
Mais le riche sous-sol mongol est le
principal appât suscitant les
convoitises des grandes puissances
et le moteur d’une croissance at-
tendue à plus de 5 % cette année.
Ce pays trois fois grand comme la
France regorge de riches gisements
indispensables aux technologies de
demain, dont le lithium, le nickel
ou le cuivre, symbolisé par l’entrée
en production en mars de la mine
Canal 34 de la TNT
Île-de-France,
Canal 30 sur toutes
les boxes TV
LE FIGARO jeudi 31 août 2023
9
catholiques, dont les cathédrales
millénaires sont en partie vides,
qu’il est toujours possible, pour le
christianisme, de renaître de ses
cendres. Le thème du voyage
choisi par François tient d’ailleurs
en deux mots : « espérer ensem-
ble ». Dans ce pays lointain, le
christianisme est une vieille
connaissance. S’il est davantage
connu en Mongolie sous son jour
protestant évangélique et mor-
mon (2 % de la population), il était
reconnu par l’empire du grand
Gengis Khan mort en 1227.
Sur le plan diplomatique, em-
pêtré dans sa tentative de jouer
un rôle de médiateur de paix en-
tre l’Ukraine et la Russie, Fran-
çois devrait éviter d’entrer très
loin dans ce sujet explosif,
d’autant que la Mongolie fut un
pays frère de l’ancien bloc com-
muniste et reste proche de la
Russie. L’enjeu international de
ce déplacement est en revanche
la Chine voisine qui a toujours
une province mongole et où le
pape jésuite rêve encore de se po-
ser un jour. La partie reste diffici-
le, même depuis la Mongolie, ne
serait-ce qu’en vertu de la forte
présence bouddhiste, d’obédien-
ce tibétaine, dont le pape va ren-
contrer les responsables locaux,
ennemis jurés de Pékin. ■
géante d’Oyu Tolgoï, exploitée par
le géant Rio Tinto, un investisse-
ment chiffré à 15 milliards de dol-
lars. Washington vient de conclure
avec Oulan-Bator un accord de
coopération sur les terres rares en
vue de contrer la mainmise de Pé-
kin sur ce secteur stratégique. La
visite du président Macron visait
également à pousser les pions du
français Orano qui a découvert un
prometteur gisement d’uranium à
Zuuvch-Ovoo, en coentreprise
avec le groupe d’État Mon-Atom.
Mais la géographie rattrape le
pays de Gengis Khan, liant irrémé-
diablement son destin à l’empire du
Milieu, et à l’ancien grand frère so-
viétique. Car l’exportation des res-
sources énergétiques par voie ter-
restre passe par ces deux géants, la
Chine prenant toujours plus l’as-
cendant. Après le charbon du Gobi,
Pékin lorgne le potentiel gigantes-
que du désert en matière d’énergie
solaire, la Mongolie ayant le poten-
tiel de couvrir 63 % de la produc-
tion électrique chinoise, selon la
Banque asiatique de développe-
ment (BAD). « La Chine et la Mon-
golie doivent toujours fermement se
soutenir mutuellement », a affirmé
le président Xi Jinping en juin en
recevant Oyun-Erdene. ■
A
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO

10 SOCIÉTÉ

Trafic de drogue : ces quartiers sous la loi de

La vendetta des dealers gagne désormais les villes moyennes. L’État a beau multiplier les saisies et les arrestations, ce
JEAN-MARC LECLERC £@leclercjm
INSÉCURITÉ Pour le ministre de
l’Intérieur, Gérald Darmanin, la
lutte contre la drogue représente
« la mère des batailles ». Ses stu-
dieuses vacances ont été rythmées
par des faits divers sanglants. Ain-
si, mardi, un nouvel assassinat à
l’arme lourde dans une ZSP (zone
de sécurité prioritaire), à Béziers
(Hérault). Sur place, les enquêteurs
ont retrouvé une quarantaine de
douilles de calibre 9 mm et de
7,62 mm, la signature des kalach-
nikovs.
La mort de Fayed, un garçonnet
de 10 ans tué par une balle perdue
tirée par un dealer, lors d’un règle-
ment de comptes, le 21 août, à Nî-
mes (Gard), fut le point d’orgue de
cet été meurtrier. Les réseaux so-
ciaux ont largement diffusé les
images glaçantes de ces voyous en-
cagoulés brandissant leurs armes
de guerre et faisant régner la ter-
reur dans la capitale gardoise. Car
les riverains ont filmé la scène, se
cachant comme ils le pouvaient
pour échapper au pire, la peur au
ventre. Où était la police durant ces
minutes interminables, cette police
que l’on voit si présente autour des
bâtiments officiels à Paris et qui fait
cruellement défaut dans les zones
les plus exposées à la délinquance
en province ?
L’hôte de Beauvau a tenu à se
rendre sur place, aux côtés des Nî-
mois, le 25 août. Il a envoyé la
CRS 8, experte dans la lutte contre
les violences urbaines, afin de réta-
blir l’ordre, mais pour combien de
temps ? Il n’a pas hésité non plus à
pointer le rôle ambigu des usagers
de drogue dans cette affaire. « Si on
ne fumait pas son joint de cannabis,
si on ne prenait pas son rail de cocaï-
ne, s’il n’y avait pas de consomma-
tion, il n’y aurait pas d’offre ; il n’y
aurait donc pas de trafiquant », a-t-
il asséné.
Certains officiels peuvent tenter de
relativiser ces chiffres en expli-
quant que ces soubresauts sont
surtout l’illustration que la police
déstabilise le trafic en donnant des
coups de pied dans la fourmilière,
l’argument peine à convaincre.
Voilà vingt ans qu’il est servi lors-
que survient une vendetta. Or, rien
ne parvient à enrayer l’hécatombe.
Parfois, ce sont les préfets que l’on
sanctionne, comme Gilles Leclair,
ex-as de la PJ, démis de ses fonc-
tions par Nicolas Sarkozy pour
avoir déclaré, un brin fataliste : « Je
ne suis ni le sauveur ni Jésus
Christ. »
« Dès qu’un trafiquant disparaît,
les suivants se disputent sa dépouille
comme des hyènes affamées. Un
point de deal peut rapporter 60 000
euros voire plus par jour ! », rappelle
un officier de police chevronné. Le
stock d’armes à la disposition des
belligérants serait devenu inépui-
sable avec ce qui ruisselle de la
guerre en Ukraine. Un rustique fu-
sil-mitrailleur AK47 est passé de
2 500 euros l’unité en 2019 à
300 euros aujourd’hui.
L’État veut rendre coup pour
coup. Le dernier bilan annuel at-
teste déjà d’une mobilisation sans
précédent de ses services, notam-
ment sous l’égide de l’Ofast, l’of-
fice anti-stupéfiants qui structure
la riposte, avec ses 191 fonction-
naires spécialisés au niveau central
(ils seront 230 en 2027) et ses
475 agents dans les territoires.
L’an dernier, plus de
15 000 points de deal ont été dé-
mantelés, mais ils se renouvellent
comme repousse le chiendent. Et
plus de 37 510 trafiquants ont été
mis en cause, soit plus de 100 par
jour ! Malgré les moyens et les ef-
forts déployés, le vivier se recons-
titue toujours. C’est dire la puis-
sance de cette économie parallèle pour consommation de drogue doit Des policiers en mission nier, contre 54 tonnes en 2012 de 18 millions de Français ont déjà
qui fait vivre des quartiers entiers. pouvoir être « immédiat, par carte de sécurisation, (+ 15 % par rapport à 2021), 27 ton- fumé un joint, dont 5 millions dans
Pour Pierre-Marie Sève, le délé- bancaire ou en liquide », a affirmé le le 22 août, dans nes de cocaïne (+ 5 %), 1,4 tonne l’année. La cocaïne gagne aussi des
gué général de l’Institut pour la président le 26 juin dernier au quo- le quartier sensible d’héroïne (+ 8 %), 273 kilos d’am- adeptes, avec 2,1 millions de per-
justice, l’une des clés de la recon- tidien La Provence. Seuls 35 % de de Pissevin, à Nîmes, phétamines et méthamphétamines sonnes l’ayant déjà expérimentée,
quête est la fermeté de la réponse ces amendes sont effectivement
où un enfant de 10 ans
(+ 21 %), 1,5 million de comprimés dont 600 000 usagers dans l’année.

“disparaît,
Dès qu’un trafiquant pénale. Lui prône « le retour de
les suivants peines planchers, l’expulsion des
criminels étrangers, ou encore la fin
se disputent sa dépouille des innombrables aménagements
comme des hyènes de peine ». « Il faut tenir la chaîne
affamées. Un point de bout en bout, en réprimant le
trafic et en maintenant l’interdit
de deal peut rapporter pour l’usager », renchérit un an-
60 000 euros voire plus cien chef de la brigade des stups de
Paris.
réglées au bout de six mois. Le taux
remonte à la moitié environ en sa-
chant se montrant patient.
Les syndicats de policiers, qui
réclamaient ce type de procédure,
freinent aujourd’hui des quatre
fers lorsque l’hôte de l’Élysée évo-
que la fourniture de 5 000 termi-
naux de paiement aux agents de
voie publique pour faciliter l’en-
a été tué la veille
par une balle perdue d’ecstasy et de MDMA (+ 6 %).
tirée par un dealer. « Plus on cherche de la drogue, plus
NICOLAS TUCAT/AFP on en trouve. C’est dire le niveau
d’imprégnation dans la société », se
désole un commissaire de la sécu-
rité publique. Selon lui, « les com-
mandes sont désormais livrées à do-
micile, comme on apporte une pizza
chez le client ».
Les études de l’Observatoire
Attention, toutefois : si la diver-
sification des consommations pro-
gresse (le taux de substance psy-
choactive (THC) augmentant
également dans les produits),
l’OFDT met en exergue un fait im-
portant : « La baisse de tous les ni-
veaux d’usage de drogue chez les
jeunes de 17 ans. » Selon la Mission
interministérielle de lutte contre la

”
par jour
UN OFFICIER DE POLICE
Assez d’hypocrisie, en somme.
« C’est une responsabilité de cha-
cun, ce n’est pas qu’un travail de
policiers », a martelé le ministre.
Avec une certaine constance, puis-
que, le 5 avril, réagissant à une fu-
sillade qui venait de faire trois
morts à Marseille, il avait affirmé :
« En consommant de la drogue,
même de manière festive, on finance
les trafics. Quand on fume son can-
nabis ou qu’on prend son rail de
coke, on est un peu responsable des
règlements de comptes. » Des pro-
pos rares dans la bouche d’un res-
ponsable politique.
La situation invite cependant à la
plus extrême humilité tant le com-
bat est harassant. Depuis la visite
du ministre, un jeune de 18 ans est
mort par balle dans la nuit du 23 au
24 août à Nîmes, nouvelle illustra-
tion de la guerre locale entre trafi-
quants ; un adolescent de 15 ans a
aussi été poignardé en plein cen-
tre-ville, samedi dernier. La CRS 8
a, de son côté, interpellé, le
28 août, trois suspects sur un point
de deal de l’avenue Monseigneur-
Claverie. Deux majeurs et un mi-
neur, vraisemblablement venus
réapprovisionner leur coupable
commerce à ciel ouvert, comme si
la source de ces trafics était intaris-
sable.
Dans la Cité phocéenne, à une
centaine de kilomètres du chau-
dron nîmois, plus de 35 homicides
sont déjà attribués à la guerre des
gangs depuis janvier, sur fond de
trafic. En seulement huit mois. Le
record de 2021 (39 homicides sur
l’année complète) sera très certai-
A
Selon lui, « il faut faire vivre la
contraventionnalisation de l’usage
de stupéfiants ». Cette amende for-
faitaire, instaurée sous Macron,
s’est soldée par plus de 400 000 PV
dressés depuis septembre 2020. Le
paiement des amendes forfaitaires
À Bobigny, les magistrats veulent frapper les trafiquants au porte
PAULE GONZALÈS
pgonzales@lefigaro.fr
DANS UN DÉPARTEMENT gangrené
par le trafic de drogue, la juridiction
de Bobigny occupe le premier rang
national pour le taux de ses mis en
cause pour trafic. Deux chambres
correctionnelles y sont dédiées, et
une chambre de comparution im-
médiate accueille de très lourds dos-
siers. Pas moins d’une quinzaine
d’affaires sont jugées par semaine.
« Dans ce département, la moitié des
tentatives d’homicide sont liées au
trafic de stupéfiants », rapporte Éric
Mathais, procureur de la République
de Bobigny. Les 185 points de vente
répertoriés dans le département
aiguisent les appétits, car « les plus
importants peuvent rapporter entre
40 000 et 60 000 euros par jour »,
rappelle le magistrat. Même une cote
mal taillée - puisque tous ne rappor-
tent pas autant - permet d’évaluer
les recettes de la drogue à plusieurs
millions d’euros par jour.
«Jamais notre activité judiciaire n’a
été aussi intense, et toutes les villes du
département sont touchées. La raison
est forcément l’argent que le trafic gé-
nère et qui fait vivre des quartiers en-
caissement des sommes dues par
les contrevenants. Ils craignent ap-
paremment des tensions dans les
secteurs sensibles…
Dans le même temps, la police
montre les muscles sur les saisies :
128 tonnes de cannabis l’an der-
du travail pour ces délinquants», sou-
ligne un magistrat spécialiste de ce
contentieux. Les saisies financières
en témoignent : 25 millions d’euros
en 2022 sur le ressort, dont les deux
tiers sont liés au trafic de stupéfiants
et pour 39 millions d’avoirs criminels
saisis ou confisqués, selon le parquet.
« Nous sommes passés d’un commer-
ce artisanal à un traitement indus-
triel : saisir la marchandise n’a donc
pas grand intérêt, car elle sera rem-
français des drogues et des tendan-
ces addictives (OFDT) montrent
que la France figure parmi les pays
les plus touchés par la drogue en
Europe, avec près de 1,3 million
d’usagers réguliers de cannabis et
850 000 au quotidien. Au total, près
placée le lendemain. En revanche, les
flux financiers qui sortent des points
de deal sont forcément réinvestis. »
Or, comme Peimane Ghaleh Marz-
Le tribunal judiciaire ban, président du tribunal de Bobi-
de Bobigny occupe
le premier rang national gny, est le premier à le faire remar-
pour le taux de ses mis quer, « aucune des chambres qui
en cause pour trafic. traitent les affaires de drogue n’a de
Une quinzaine d’affaires dossiers de blanchiment ou de corrup-
y sont jugées tion en lien avec les stupéfiants. Nous
par semaine. ne pouvons nous contenter de nous at-
LUDOVIC MARIN/AFP taquer aux revendeurs ou aux gérants
drogue et les conduites addictives
(Mildeca, ex-Mildt), « en 2022,
15,6 % des jeunes sont des fumeurs
quotidiens de tabac (25,1 % en
2017) ; l’usage régulier de cannabis a
été quasiment divisé par deux, celui
de l’alcool est en baisse ; l’usage de
des points de deal. Il faut avoir des
mécanismes de lutte contre les stupé-
fiants à 360 degrés et s’attaquer à la
racine de ce contentieux qui est l’ar-
gent. » Le haut magistrat, qui veut
développer « une culture financière
au sein de la justice », a obtenu de la
Chancellerie la création de deux
nouveaux cabinets d’instruction
avec, après les Jeux olympiques de
2024, une chambre de jugement dé-
diée à l’argent sale. À Bobigny, dé-
sormais, trois seront spécialisés dans
le contentieux économique et finan-
cier et deux entièrement dévolus à
cette matière peu prisée des magis-
trats mais nerf de la guerre de com-
manditaires de plus en plus puissants
opérant souvent de l’étranger.
« Aujourd’hui, nos quatorze cabi-
nets d’instruction, et parmi eux les
trois juges d’instruction spécialisés en
cette matière, sont saisis d’autant de
dossiers de droit commun que leurs
collègues. La création de ces deux ca-
binets permettra de les dédier totale-
ment à ce contentieux, étant entendu
que la structuration même de la crimi-
nalité organisée en Seine-Saint-Denis
autour des trafics de stupéfiants, du
proxénétisme ou encore de l’aide au
séjour et autre, fait qu’une part im-
portante des dossiers à l’instruction

nement pulvérisé. Malgré les an- tiers. Il se révèle si juteux qu’une lour- relève de la criminalité organisée. »
nonces et les moyens déployés. de peine de prison n’est qu’un accident Cette année, les dossiers à l’instruc-

es kalachnikovs
vivier hyperviolent se régénère sans fin.
produits illicites autres que le can-
nabis diminue également. »
Pour le cannabis, les expérimen-
tations chez les élèves de troisième
sont passées de 23,9 % en 2010 à
9,1 % en 2021. On enregistre même
une baisse de 44 % entre 2018 et
2021 ! « Le cannabis est donc de
moins en moins populaire au fil des
générations nées depuis le milieu des
années 1980 », se félicite la Mildeca.
Une inflexion encourageante qui
dérange les tenants du discours le
plus permissif.
Dépénaliser l’usage de la
« weed », comme ils l’appellent ?
Certains en rêvent, espérant que
l’essor du CBD, ce dérivé du canna-
bis aux propriétés édulcorées, aide-
ra à banaliser la culture de la fumet-
te. La Cour de cassation, pour sa
part, incrimine sans complaisance
la conduite d’un véhicule « après
efeuille
tion sans mention de « bande orga-
nisée » et liée au trafic de stupéfiants
sont au nombre de 93 avec 428 mises
en examen. Ceux liés aux bandes or-
ganisées culminent à 205 pour
888 mises en examen.
« Blanchiment complexes »
Le but du président du tribunal est de
« travailler autant les dossiers d’at-
teinte à la probité que ceux de blanchi-
ment liés au trafic de stupéfiants en
permettant des codésignations de ju-
ges d’instruction spécialisés ». Une
politique pénale élaborée de concert
avec le parquet, qui voit là « une plus
grande opportunité d’identification
des flux d’argent en lien avec les
stupéfiants », souligne Éric Mathais.
Encore faudra-t-il que les moyens et
les enquêteurs suivent. Aujourd’hui,
seuls cinq enquêteurs sont en charge
de cette matière délicate. Or, « bien
des affaires sont d’une ampleur qui
mériterait la saisine de la juridiction
interrégionale spécialisée de Paris, qui
est trop submergée pour pouvoir le
faire », continue le procureur. Car,
comme le fait remarquer Claire Thé-
paut, coordinatrice du pôle de l’ins-
truction à Bobigny, « nous sommes
face à des mécanismes de blanchiment
particulièrement complexes qui font
souvent intervenir d’autres pans de la
délinquance. Nous avons des affaires
avoir fait usage d’une substance
classée comme stupéfiant, peu im-
portant la dose absorbée ».
« Ce ne sont pas les jeunes qui
poussent à la banalisation de ces
produits mais les 30 à 60 ans. Il y a
un effet générationnel évident », as-
sure un magistrat spécialisé. Selon
lui, « il ne faut rien céder et, face au
trafic, améliorer l’outil répressif,
notamment le renseignement poli-
cier dans les quartiers ».
En Allemagne, les sociaux-démo-
crates ont mis le doigt dans l’engre-
nage de la dépénalisation en présen-
tant, le 17 août dernier, un projet de
loi permettant l’usage du cannabis
récréatif. L’Espagne avait, pour sa
part, tenté la dépénalisation légale
dans les années 1980. Ce fut un nau-
frage. La banalisation des stupé-
fiants avait favorisé le passage des
drogues douces aux drogues dures.
“de Ilbout
faut tenir la chaîne
en bout, Avignon, Nîmes, Béziers… Comment
en réprimant le trafic et
en maintenant l’interdit
”
pour l’usager
UN ANCIEN CHEF DE LA BRIGADE
DES STUPS DE PARIS
En dix ans, le nombre de morts par
surdose avait quasiment décuplé,
passant de 93 décès à plus de 800 !
Sans parler des contaminations par
le VIH. Les mêmes socialistes espa-
gnols avaient donc battu en retraite,
en votant la loi Corcuera, le 21 fé-
vrier 1992.
Quid de la prévention dans
l’Hexagone ? Elle n’a certes pas le
même écho dans la presse que le
« deDessaisies
crépitement des kalachnikovs,
mais elle suit son chemin. Au plan
national de mobilisation contre les
addictions 2018-2022 et ses mil-
lions d’euros dépensés a succédé
celui de 2023-2027, avec à la clé
campagnes de prévention, de sou-
tien aux associations, aux familles,
aux collectivités locales.
Le patron du Syndicat des com-
missaires de la police nationale,
David Le Bars, a soutenu, le
25 août, sur Franceinfo, l’action de
Gérald Darmanin. Ce jour-là, il a
aussi brisé un tabou, regrettant
l’absence, dans le discours du mi-
nistre, du « volet international »,
qui est pourtant « la source du pro-
blème » : « On sait bien que 80 % de
la production mondiale de cannabis
vient du Maroc, ça ne peut pas être
en dehors du dispositif de lutte
contre les stupéfiants », a-t-il affir-
mé. Un constat largement partagé
par les policiers qui suivent sans
relâche ce dossier. ■
où l’on voit apparaître les sociétés de
textile chinoises d’Aubervilliers. Ces
dernières ont besoin d’espèces pour
payer, par exemple, au noir leurs sala-
riés, tandis que les trafiquants ont be-
soin de transformer l’argent de la dro-
gue en flux monétaires indétectables.
Entre les deux, il y a aura des vire-
ments sur des comptes bidon à l’étran-
ger par l’intermédiaire de sociétés tout
aussi bidon. Les équipes sont donc
multiples. Et le temps, par exemple,
que l’Urssaf remonte aux sociétés - il
faut une petite année -, des millions
d’euros ont été blanchis. Nous soup-
çonnons des phénomènes de blanchi-
ment tellement massifs qu’il paraît
plus lucratif d’être blanchisseur que
trafiquant ! » « L’époque où l’argent de
la drogue était investi dans un kebab
avant de disparaître ou de se retrouver
sur des comptes en banque gonflés à
bloc est désormais loin, sourit un bon
connaisseur de ces dossiers. Tout part
à l’étranger. » Se pose alors la ques-
tion de la coopération internationale.
Reste également le sujet de la
corruption, aujourd’hui impossible
à estimer. « Nous ne savons pas
comment les circuits de blanchiment
sont facilités au sein des services pu-
blics départementaux et municipaux,
car ici tout le monde se connaît de-
puis l’enfance », souffle un spécia-
liste du « 93 ». ■
La police a bouclé le périmètre de la fusillade qui a fait un mort et un blessé, mercredi, à Béziers.
le narcobanditisme marseillais contamine le Sud
GUILLAUME MOLLARET
£@Newsdusud
NÎMES
LA MORT, fin août, de Fayed Hali-
fa, un enfant de 10 ans, cible inno-
cente d’un tireur lourdement
armé au service du narcobandi-
tisme, suivie d’un règlement de
comptes mortel trois jours plus
tard dans le même quartier de
records
sont
Nîmes (Gard), jettent une lumière
crue sur les méthodes des trafi-
quants de drogue pour la conser-
vation de leur territoire. Si le deal
régulièrement n’est pas une nouveauté dans ces
battus. Pour quartiers, la défense et l’attaque
autant, les prix des hauts lieux de vente se « pro-
fessionnalisent » dans des villes
de vente de la moyennes, où l’usage d’armes à
drogue au détail feu alimente régulièrement la
n’augmentent chronique des faits divers.
« Ce qui a évolué depuis quelques
pas. Cela veut années, au-delà de l’implantation
dire que l’offre d’importants points de vente, c’est
est pléthorique que l’aire d’influence de l’école
marseillaise du narcobanditisme,
et que avec des équipes structurées et des
les trafiquants alliances pour la fourniture ou la sé-
savent trouver curisation de ces réseaux, s’est peu
à peu étendue aux villes alentour »,
des alternatives. explique Philippe Frizon, direc-
L’accès teur adjoint de la police judiciaire
à la drogue pour la zone sud, qui s’étend de
Nice à Toulouse et remonte jus-
demeure qu’au sud de Lyon.
»
facile Au gré des opérations de dé-
YANN BISIOU, SPÉCIALISTE mantèlement des réseaux - les sai-
DU DROIT DES DROGUES sies de résine de cannabis et d’her-
be ont augmenté de 15 % en 2022
par rapport à 2021 -, les chefs lo-
caux ou leurs lieutenants croisent
en prison leurs homologues de
Marseille, de Lyon ou de région
parisienne disposant de « métho-
des » de sécurisation de leurs
points de vente malgré leur incar-
cération.
Comme des métastases, les pro-
cédés en cours à Marseille - où l’on
dénombre une trentaine de morts
liés au narcobanditisme depuis le
début de l’année - se répandent
dans les villes à proximité. Les car-
tes mises en ligne en juillet par le
service statistique du ministère de
l’Intérieur montrent ainsi une
impressionnante densité et conti-
nuité urbaine d’infractions liées à
l’usage et au trafic de stupéfiant
Les métastases du trafic de drogue
marseillais gangrènent
le sud de la France
GARD
TARN
Avignon
Nîmes
Montpellier Arles BOUCHES-DU-RHÔNE
HÉRAULT
A9
N5
68
Béziers Sète
Toulouse Agde
Mer Méditerranée
AUDE Espagne, Maroc
TOMASELLI ANTOINE/PHOTOPQR/LA PROVENCE/MAXPPP
dans cette région, attestation du
travail effectué par les forces de
l’ordre… qui demeure toutefois
insuffisant.
« Des records de saisies sont ré-
gulièrement battus. Rien que celles
de l’an dernier sont tout à fait
conséquentes. Pour autant, d’après
les chiffres mêmes du ministère de
l’Intérieur, les prix de vente de la
drogue au détail n’augmentent pas.
Cela veut dire que l’offre est plétho-
rique et que les trafiquants savent
trouver des alternatives. L’accès à
la drogue demeure facile », analyse
Yann Bisiou, maître de conféren-
ces à l’université Paul-Valéry de
Montpellier, spécialiste du droit
des drogues.
D es équipes chargées
de tuer ou d’intimider
C’est notamment en prison qu’il
faut chercher la racine des liens
noués entre les chefs locaux de
Nîmes ou Avignon avec les pontes
du trafic de stupéfiants marseillais.
« Des écoutes et la saisie de livres de
comptes des points de vente ont
permis de mettre ces liens en évi-
dence », détaille un policier. À Nî-
mes, en 2020 et 2021, le démantè-
lement de réseaux a permis
d’incarcérer plusieurs responsa-
bles présumés. Mais même en pri-
son, les gérants entendent conser-
ver le contrôle des points de vente
qu’ils ont mis en place alors que
des concurrents présents dans la
même ville cherchent à les affaiblir
par la violence.
« Les équipes chargées de tuer ou
d’intimider sont rémunérées de dif-
férentes manières », détaille Phi-
lippe Frizon. « Ce peut être à la
mission par contrat, avec un paie-
ment au résultat ; ou bien les gé-
rants procèdent par l’échange de
parts dans le trafic avec, parfois, un
passage par le même fournisseur
en Espagne ou au Maroc. Certains
Marseillais se mettent également au
vert chez des partenaires, dans le
Gard et dans le Vaucluse, car ils
sentent leur vie en danger. Des
membres importants de clans mar-
seillais ont ainsi été arrêtés ces der-
nières années dans des petites com-
munes de départements voisins des
Bouches-du-Rhône, voire un peu
plus loin », enchaîne le directeur
Valence
DRÔME
ALPES-
DE-HAUTE-
VAUCLUSE PROVENCE
A7
A8 Nice, Italie
VAR
A50
Marseille
Toulon
20 km Infographie
LE FIGARO jeudi 31 août 2023
SOCIÉTÉ 11
adjoint de la PJ pour le sud de la
France.
Fin 2021, des trafiquants mar-
seillais, qui étaient en relation avec
des homologues nîmois « des
quartiers du Mas de Mingue et du
Chemin-Bas d’Avignon », ont no-
tamment été arrêtés simultané-
ment dans le Gard mais aussi dans
la région toulousaine, où ils
avaient d’autres attaches. Les po-
liciers constatent ainsi que « des
familles ennemies marseillaises
poursuivent leur guerre sur
d’autres territoires où, localement,
chacun est associé à des familles de
trafiquants, elles aussi concurren-
tes. On l’a constaté à Avignon, à
Toulon… Il n’y a pas de hasard »,
détaille encore un policier décri-
vant ainsi l’essaimage des métho-
des de ces organisations criminel-
les.
Sur le plan opérationnel, le pro-
cessus est relativement simple. Il
associe des malfrats extérieurs à
des locaux qui connaissent le ter-
rain… Une action de violence ré-
pondant généralement à une
autre. « La fusillade, qui a fait un
blessé dans la nuit de samedi à di-
manche dans le quartier du Mas de
Mingue à Nîmes, ne visait sans dou-
te pas un individu en particulier.
Mais dans la mesure où des moyens
de police ont été placés sur le quar-
tier concurrent de Pissevin après la
mort de deux personnes dans la
même semaine, il faut sans doute
entendre ces rafales comme un
message que les gérants du point de
deal entendent ne pas se montrer
affaiblis pour autant », analyse un
enquêteur local.
Livraisons à domicile
Parce que la violence en cours sur
les points de deal peut nécessaire-
ment faire peur aux consomma-
teurs, les dealers ont en outre mis
en œuvre des moyens de livraison
à domicile. Des « Uber shit » per-
mettant d’assurer la continuité de
service alors que les « fours »,
comme on appelle certains points
de deal, servent à l’apprivoise-
ment individuel mais aussi « de
hub pour des personnes qui vont
ensuite revendre la marchandise à
leur entourage dans des villes alen-
tour », avance Yann Bisiou.
De fait, constate l’enseignant-
chercheur, si les plus importants
lieux de trafics demeurent dans les
grands centres urbains, « on assis-
te depuis une dizaine d’années à un
développement de la consommation
dans les villes moyennes et les peti-
tes villes. Dans l’Hérault, le bassin
de Thau, qui comprend notamment
les villes de Sète et d’Agde, est une
région où l’on compte autant de
problèmes de consommation qu’à
Montpellier (septième ville de
France, NDLR) située à quelques
dizaines de kilomètres. »
Un contexte favorisé par des fa-
cilités logistiques liées la proximité
des ports de la Méditerranée et de
l’autoroute A9, par laquelle re-
monte la drogue en provenance
d’Espagne et du Maroc. ■
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO
12 SCIENCES
Des milliers d’espèces trouvent refuge
dans les sites du Patrimoine de l’Unesco
L’organisation internationale a dressé l’inventaire de la biodiversité dans 250 espaces naturels classés.
DELPHINE CHAYET
dchayet@lefigaro.fr
ENVIRONNEMENT Grande Bar-
rière de corail en Australie, terres
et mers australes françaises, delta
du Saloum au Sénégal : de nom-
breux sites du Patrimoine mondial
de l’Unesco, classés pour leur in-
térêt culturel ou naturel excep-
tionnel, sont aussi des refuges de
biodiversité.
Pour la première fois, l’organi-
sation internationale a recensé
l’ensemble des espèces animales
et végétales qui peuplent ces espa-
ces distingués dans le cadre de la
convention pour la protection du
patrimoine mondial de 1972. Une
démarche qui vise à mettre en lu-
mière leur contribution sans équi-
valent à la protection du vivant, et
sensibiliser les États à la nécessité
de mieux les protéger.
100 000 espèces
d’animaux et de plantes
Alors qu’ils couvrent moins de 1 %
de la surface de la planète (près de
3,5 millions de kilomètres carrés),
les sites naturels classés Patrimoi-
ne mondial abritent en effet plus
de 30 000 espèces de mammifè-
res, d’oiseaux, de poissons, de
reptiles et d’amphibiens, ainsi que
75 000 variétés de plantes. « Cela
représente un cinquième de la
richesse mondiale des espèces car-
tographiées », souligne le directeur
du Patrimoine mondial de l’Unesco,
Lazare Eloundou Assomo. Vingt
mille d’entre elles sont menacées
de disparition à l’échelle du globe,
certaines figurant parmi les plus
en danger au monde. C’est le cas
du rhinocéros unicorne de Java,
dont les 60 derniers spécimens vi-
vent dans le parc national d’Ujung
Kulon (Indonésie), et de la vaquita
- le plus petit cétacé au monde -
proche de l’extinction dans le gol-
fe de Californie, au Mexique. Les
sites du Patrimoine mondial hé-
bergent par ailleurs un tiers des
éléphants, des tigres et des pan-
das, mais aussi 40 % des manchots
royaux et la moitié de la popula-
tion d’albatros, famille d’oiseaux
marins la plus menacée au monde.
La cartographie a été réalisée
avec l’aide de scientifiques de
l’Union internationale pour la
Les canicules marines épargnent les poissons des profondeurs
Pour certaines espèces démersales, les hécatombes dues aux vagues de chaleur marines sont l’exception et non la règle.
ANNE-LAURE FRÉMONT
alfremont@lefigaro.fr
OCÉANS À l’instar des épisodes de
canicule « terrestres », les vagues
de chaleur marines se multiplient
à l’aune du réchauffement clima-
tique. Blanchiment des coraux,
disparition des algues et des pois-
sons de récif, déplacement d’es-
pèces sur des centaines de kilo-
mètres… l’impact de ces
phénomènes sur les écosystèmes
côtiers suscite l’inquiétude. Mais
leurs conséquences sur les espèces
vivant dans les profondeurs res-
tent méconnues.
Dans une étude publiée mer-
credi dans la revue scientifique
Nature, une équipe internationale
de chercheurs s’est penchée sur
les effets de ces canicules marines
sur les espèces démersales, autre-
ment dit les poissons vivant juste
au-dessus du fond des océans
(contrairement aux espèces péla-
giques, qui évoluent près de la
surface, comme les harengs ou les
1
anchois). Parmi elles, on retrouve
de nombreuses espèces pêchées
comme le cabillaud, le colin ou la
sole.
A
« Pour mener à bien nos travaux,
nous avons recueilli des estimations
Les sites du Patrimoine mondial de l’Unesco sauvegardent certaines des espèces les plus menacées de la planète
N o m b r e e s ti m é ~15 000 ~80 ~1 800
d 'i n d i v i d u s d a n s l a n a t u r e ~150
~10
P o u r c e n t a g e d a n s l e s s it e s
d u P a t ri m o i n e m o n d i a l
d e l’ U n e s c o
Grand
Orang-outan 30 %
20 % Gazelle dama >50 % panda
de Sumatra
Vaquita 100 % Rhinocéros
CHINE
de Sumatra
NIGER S a n c t u a ir e d u Sichuan
MEXIQUE R é s e r v e s n a t u r e ll e s
Îl e s e t a ir e s p r o t é g é e s
>60 %
d e l'Aïr et du Ténéré
d u golfe de Californie
RÉPUBLIQUE OUGANDA INDONÉSIE
DÉM. DU CONGO
~200 F orêt P a t ri m o i n e d e s INDONÉSIE
P a r c n a ti o n a l d e s Virunga i m p é n é tr a bl e f o r ê t s t r o p ic al e s P a r c n a ti o n a l
ÉQUATEUR
d e Bwindi o m b r o p h il e s d ’ Ujung Kulon
Îles Galapagos d e Sumatra
~1 000 ~60
Iguane rose
100 %
Gorille
>80 % Rhinocéros
de montagne 100 %
de Java
Source : Unesco Photos : Matthijs Kuijpers, Alamy
Infographie
conservation de la nature (UICN)
et d’universitaires à partir de don-
nées amassées depuis cinquante
« augmen-
Chaque
ou de poissons, sont des lieux de
reproduction, d’alimentation et de
repos pour ces espèces - cette
l’Unesco. La Grande Barrière de
corail et les écosystèmes des ré-
gions polaires sont particulière-
Alors que les États se sont en-
gagés, par l’accord de Kunming-
Montréal adopté en décembre
ans dans les 250 sites « naturels » singularité a d’ailleurs souvent jus- ment exposés. Le réchauffement et 2022, à mettre fin à l’extinction
du Patrimoine mondial. « Même si
tation de tifié leur classement par l’Unesco. son cortège d’épisodes météorolo- des espèces d’ici à 2050, l’Unesco
elle est moins documentée, la biodi- température giques extrêmes s’ajoutent aux les invite à mettre l’accent sur les
versité est aussi présente dans les si- de 1 °C pourrait Conflits armés, braconnage, autres pressions humaines : sites du patrimoine mondial. « Il
tes culturels puisque 20 % d’entre déforestation... conflits armés (par exemple dans faut aller plus loin dans les mesures
eux sont situés dans des zones
doubler Pourtant, un tiers de ces sites, que le parc des Virunga, où vivent les de protection et renforcer les inves-
considérées par l’UICN comme es- le nombre les États se sont engagés à mainte- derniers gorilles des montagnes), tissements », plaide Lazare Eloun-
sentielles pour le vivant », relève d’espèces nir en bon état de conservation, braconnage, espèces envahis- dou Assomo, qui appelle notam-
Lazare Eloundou Assomo. Forêts sont aujourd’hui dans une si- santes, déforestation des forêts ment les gestionnaires des sites à
de cactus colonnaires, déserts ari-
soumises à tuation critique ou inquiétante, se- tropicales, expansion agricole, évaluer les conséquences futures
des, forêts tropicales ou tempé- des conditions lon une étude publiée en 2020 par projets d’infrastructures, etc. « Le du réchauffement climatique pour
rées, îles des régions polaires, gla- climatiques l’UICN. Le réchauffement lac Turkana, au Kenya, est mieux s’y préparer. Parallèle-
ciers, rivières, lacs, zones
humides… À peu près tous les éco-
systèmes terrestres, certains enco-
dangereuses
L’UNESCO
» climatique est aujourd’hui la pre-
mière menace pesant sur le pa-
trimoine mondial. « Chaque aug-
par exemple mis en péril par
des projets de barrage, tandis que
le parc américain des Everglades est
ment, l’organisation internatio-
nale a lancé plusieurs programmes
de recherche visant notamment à
re intacts, sont représentés. Cer- mentation de température de 1 °C soumis à l’agriculture intensive et améliorer la résilience des récifs
tains de ces paysages, situés le long pourrait doubler le nombre d’espè- aux espèces envahissantes », illus- coralliens ou encore à préciser la
de voie de migration d’oiseaux, de ces soumises à des conditions cli- tre Guy Debonnet, chef de l’unité cartographie des espèces marines
papillons, de mammifères marins matiques dangereuses », souligne patrimoine naturel à l’Unesco. grâce à l’ADN environnemental. ■
quotidiennes historiques de la tem- fond aux températures historiques l'Atlantique Nord-Ouest, « d’im- effets négatifs de ces canicules
pérature du fond marin dans les ré- de la mer, nous n’avons trouvé portants gains de biomasse ont au marines sont surestimés ? Alexa
gions où nous avons effectué des aucun effet des vagues de chaleur contraire été relevés ». Si aucune Fredston est la première à rap-
relevés au chalut de fond », expli- marines sur la biomasse des pois- explication évidente ne s’impose, peler que ses travaux ne concer-
que l'auteur principale de l’étude, sons ou la composition des commu- plusieurs hypothèses peuvent être nent pas les écosystèmes les plus
Alexa Fredston, du département nautés présentes », relève Alexa L’étude s’est penchée avancées, « comme la mobilité des fragiles tels que les récifs coral-
des sciences océaniques de l’uni- Fredston. Les chercheurs obser- sur les effets des espèces là où les températures se- liens et que « la vulnérabilité des
canicules marines sur
versité de Californie, à Santa Cruz. vent certes d’importantes baisses raient moindres lors de ces épisodes autres poissons aux vagues de cha-
les espèces démersales,
On parle de « vague de chaleur de population de poissons à la autrement dit les de chaleur », note Bastien Mérigot, leur marines doit faire l’objet d’une
marine » lorsque, pendant au suite de la vague de chaleur ma- poissons vivant juste maître de conférences à l’univer- étude plus approfondie ».
moins cinq jours, la température rine de 2014-2016 dans le golfe de au-dessus du fond sité de Montpellier, qui a participé L’océanographe Jean-Pierre
de l’eau à une période donnée est l’Alaska ; mais ce genre d’événe- des océans, comme le à l’étude. Gattuso rappelait récemment
plus élevée que 95 % des jours de ments « constituait l’exception et cabillaud (ci-dessous), Les auteurs n’ont en outre pas l’exemple de la mer Méditerranée,
cette période, précise-t-elle. Ces non la règle ». D’ailleurs, à la suite le colin ou la sole. observé de corrélation significati- « qui a connu l’an dernier une va-
canicules, qui résultent de « l’in- de la canicule marine de 2012 dans PETER PROKOSCH/GRIDA.NO ve entre ces canicules marines et gue de chaleur spectaculaire de
teraction de nombreux processus, la remontée vers le nord d’espèces 134 jours » de mai à septembre,
dont le transfert de chaleur de l’air plutôt habituées aux eaux chaudes entraînant une surmortalité de
à la mer », pourraient être 20 à (phénomène de « tropicalisa- coraux, de gorgones, d’oursins et
50 fois plus fréquentes d’ici à la fin tion »). « Notre étude suggère que de mollusques. « Pour ces espèces,
du siècle, préviennent les scienti- ces processus ne se produisent pas l’impact négatif n’a pas été suréva-
fiques du Giec. systématiquement dans l’année qui lué », estime Bastien Mérigot,
suit une vague de chaleur marine, également chercheur à l’UMR
Des tropiques à l’Arctique explique Alexa Fredston. Mais Marbec, une unité de recherche
Leurs auteurs de cette publication d’autres études nous ont appris que sur la biodiversité marine. Il rap-
ont ainsi scruté les effets de dans certaines régions au moins la pelle que ce sont des espèces
248 vagues de chaleur survenues tropicalisation et la déboréalisation fixées à un support ou à faible mo-
entre 1993 et 2019, en analysant (disparition des espèces préférant bilité, qui ne sont donc pas expo-
plus de 82 000 échantillons préle- les eaux froides) se produisent dans sées de la même manière que les
vés au chalut lors de précédentes les communautés de poissons dé- poissons démersaux aux hausses
études scientifiques, dans des mersaux au cours de décennies de de température des eaux. D’où
eaux allant jusqu’à 450 mètres de réchauffement. » Sur des temps l’importance d’approfondir les
profondeur. Ils se concentrent sur plus longs de bouleversement cli- connaissances sur l’impact de ces
une zone allant des tropiques à matique, donc. canicules marines, afin de mieux
l’Arctique. Et « en comparant les À la lecture de cette étude, doit- préserver les écosystèmes les plus
relevés scientifiques des poissons de on pour autant considérer que les vulnérables. ■

SPORT
Caroline
Garcia,
la désillusion
de trop
Battue dès le 1er tour de l’US Open,
la numéro 1 française est le fantôme
de la joueuse flamboyante de 2022.
ROMAIN SCHNEIDER
rschneider@lefigaro.fr
TENNIS Cette fois, elle n’a pas eu la
force de trouver les mots pour évo-
quer ses maux. Après sa défaite dès
son entrée en lice à New York en
70 minutes contre l’inconnue
chinoise Yafan Wang, 114e mon-
diale, la demi-finaliste sortante a fait
l’impasse sur sa conférence de pres-
se, mardi. Face à une joueuse habi-
tuée au circuit secondaire, mais en
pleine confiance (27 succès sur ses
30 derniers matchs), la Lyonnaise a
accumulé les fautes directes (34 au
total, contre seulement 11 à son ad-
versaire), notamment en retour de
service, et a offert le match à son ad-
versaire sur une sixième double fau-
te. Un an après avoir joué le meilleur
tennis de sa vie durant une quinzai-
ne américaine de rêve, la 7e mondia-
le, plus que jamais dans le doute, a
vécu un véritable cauchemar, mar-
di. Un de plus, un de trop en 2023. À
Wimbledon, après une défaite frus-
trante au 3e tour au bout du suspen-
se, elle avait joliment résumé, les
yeux rougis : « Le sport, c’est un re-
flet de la vie. Tu fais les efforts, tu tra-
vailles dur, mais ça ne paie pas tout de
suite. Il faut être patient. On a l’habi-
tude mais on ne s’y fait pas. Le tennis
me fait vivre mes plus belles et mes pi-
Le squash, éternel oublié des Jeux olympiques
Alors que se déroulent les Internationaux de France, la discipline s’interroge sur son absence aux JO de 2024.
CÉDRIC CALLIER ccallier@lefigaro.fr
SQUASH C’est l’histoire d’un sport,
le squash, sans cesse éconduit par
l’olympisme. Comme un Roméo ra-
quette en main qui tente de séduire
sa Juliette aux anneaux multicolores,
sans jamais parvenir à trouver le
chemin de son cœur. Qui, il faut bien
le dire, ne bat pas uniquement par
amour du sport, mais dont les palpi-
tations se veulent aussi économiques
et politiques. Ainsi, à quatre reprises,
ce sport né au XIXe siècle en Angle-
terre a tenté sa chance. Avant de se
voir préférer l’escalade, le surf, le
golf ou encore le skate-board. Même
Paris 2024 lui a claqué la porte au nez
au profit de la breakdance.
Pourtant, ces dernières années, la
France a brillé sur les différents
courts vitrés avec des champions tels
que Thierry Lincou (numéro 1 mon-
dial et champion du monde en 2004)
et Grégory Gaultier (également nu-
méro 1 mondial et champion du
monde en 2015) chez les hommes, et
Camille Serme (numéro 2 mondiale
en 2017) chez les femmes. Cette der-
nière avait d’ailleurs plaidé la cause
res émotions. C’est une relation
d’amour et de haine en permanence. Il
y a des moments où on s’aime plus que
d’autres. L’an dernier, j’ai réussi à
faire des grandes choses. Cette année,
ça ne tourne pas en ma faveur, mais
ça tournera un jour ou l’autre. »
Le retour des beaux jours atten-
dra… Cette saison, les « flying
Caro », ses traditionnelles célébra-
tions après ses victoires, se font
beaucoup trop rares. À New York,
en 2023, c’est plutôt « crashing
Caro ». Un ultime couac en Grand
Chelem. Battue dès les huitièmes de
finale de l’Open d’Australie (7-6,
6-4) par la Polonaise Magda Linette,
alors 45e joueuse mondiale, la leader
du tennis tricolore a disparu dès le
2e tour de Roland-Garros et au 3e de
Wimbledon. Des résultats indignes
de son statut et de son talent.
Un fiasco sur terre battue
cette année
Après un début de saison mitigé, sa
saison sur terre battue a viré au
fiasco. Après sa défaite à Rome, dès
les seizièmes de finale, face à la 100e
joueuse mondiale Camila Osorio, la
Rhodanienne confiait vivre « un
cauchemar » sur le court. À Roland-
Garros, sous pression et en manque
de confiance, c’est presque « logi-
quement » qu’elle avait pris la porte
face à la Russe Anna Blinkova (4-6,
de son sport auprès de Paris 2024, en
vain. Et non sans une certaine in-
compréhension. « À l’époque, se sou-
vient-elle, je représentais les joueurs
« unSi onpeucreuse
avec Victor Crouin (l’actuel numéro 1
français) et nous avions présenté le
projet devant le comité. Nous n’avions
eu que de bons échos, ce qui faisait que
nous y avions vraiment cru avant que
le verdict ne vienne nous assommer.
Cela avait été dur à accepter. Même si,
très vite, je m’étais dit : “OK, ils ne
veulent pas de nous, mais nous
n’avons pas besoin d’eux pour exis-
ter.” »
Ainsi, cette semaine, dans son
nouveau rôle d’ambassadrice, Ca-
mille Serme vit au quotidien la pre-
mière édition du Paris Squash, dont
les finales se tiendront ce samedi
soir sur l’esplanade du Palais de To-
kyo, avec vue sur la tour Eiffel. Un
cadre qui n’aurait pas dépareillé lors
des JO 2024. Mais qui n’a pas réussi à
séduire les décideurs. Pour des rai-
sons parfois surprenantes. Comme
le manque d’universalité supposée
d’un sport pratiqué dans 190 pays.
« Le squash est surtout pratiqué en
Europe, en Égypte et dans les pays
dits du Commonwealth comme l’Aus-
Caroline Garcia, 6-3, 7-5). Pour stopper l’hémor-
lors de son match contre ragie, elle avait auparavant rappelé à
la Chinoise Yafan Wang, ses côtés Bertrand Perret, le coach
mardi, à New York. avec qui elle avait retrouvé les som-
CHRYSLENE CAILLAUD/
mets l’an dernier, avant que leur
PANORAMIC
collaboration ne s’arrête juste avant
le Masters 2022. Mais il n’y a pas eu
d’« effet Perret ». Le printemps fut
morose, l’été est meurtrier.
Sur les cinq tournois disputés de-
puis Wimbledon, c’est la quatrième
Fils s’offre une grande première,
Monfils prolonge le spectacle
Huit Français (Adrian en 2023. Son prochain rival,
Mannarino, Titouan la veille de son anniversaire,
Droguet, Benjamin Bonzi, sera le Russe Andrey
Hugo Gaston, Gaël Monfils, Rublev (tête de série n° 8).
Arthur Fils, Arthur Arthur Fils (19 ans, 48e) a,
Rinderknech et Clara Burel) lui, résisté à des crampes
ont franchi le cap du 1er tour (dans le 4e set), puisé dans
de l’US Open. Gaël Monfils ses réserves, profité
(36 ans, 162e mondial) de l’ambiance pour dominer
a trouvé l’énergie pour le Néerlandais Tallon
écarter le Japonais Taro Griekspoor (n° 24) 4-6, 6-3,
Daniel 4-6, 6-4, 6-2, 7-6 5-7, 6-4, 7-5 et décrocher
(7/4), synonyme de son premier succès
deuxième victoire en Grand en tournoi majeur. Son
Chelem cette année, lui qui prochain adversaire sera
n’a remporté que 9 matchs l’Italien Matteo Arnaldi (61e).
tralie, la Nouvelle-Zélande ou le Ca-
nada, explique Julien Muller, le pré-
sident de la Fédération française. Il y
a une belle dynamique aux États-
Unis aussi. Mais il faudrait que nous
soyons plus présents en Asie et en
Afrique puisqu’au sein du CIO, tous
les pays votent. Nous travaillons pour
sur certaines nous ouvrir plus à ces pays-là. »
disciplines
qui sont Une chance aux JO
de Los Angeles
aujourd’hui Avant d’ajouter, plus pragmatique :
olympiques, « Maintenant, on ne va pas se mentir
je ne suis pas non plus, si on creuse un peu sur cer-
taines disciplines qui sont aujourd’hui
convaincu olympiques, je ne suis pas convaincu
que leur que leur universalité soit plus établie
universalité que la nôtre. Mais derrière, il y a aussi
des considérations économiques qui
soit plus font que certaines disciplines y sont.
établie que Certains pays ou partenaires sont plus
la nôtre »
JULIEN MULLER,
influents que d’autres. C’est à nous de
développer notre influence pour opti-
miser nos chances d’y être un jour. »
PRÉSIDENT
DE LA FÉDÉRATION Une chance qui pourrait intervenir
FRANÇAISE DE SQUASH en 2028 à Los Angeles vu l’essor que
connaît le squash aux États-Unis ces
dernières années, ce qui pourrait
mettre fin à cette incongruité de ne
jamais l’avoir vu intégrer le pro-
fois qu’elle s’incline dès le 1er tour…
Elle a notamment disparu d’entrée il
y a deux semaines à Cincinnati, où
elle était tenante du titre. La joueuse
la mieux classée qu’elle ait réussi à
battre cette saison reste Petra Martic
(28e), le 3 janvier. La numéro 1 fran-
çaise s’accroche toujours à son jeu
offensif mais rien ne se passe comme
prévu.
Regard hagard, mâchoire serrée,
elle n’en finit plus de traîner son
spleen tennistique : « Elle pratique
un tennis à haut risque. Avec elle, le
“ça passe ou ça casse” a du sens,
nous confie l’ancien DTN Arnaud Di
Pasquale. Quand ça passe, c’est fan-
tastique, bien sûr, mais on ne peut pas
jouer son meilleur tennis tout le
temps. Ce n’est pas possible. En ce
moment, son jeu manque de
construction. La difficulté, c’est d’ac-
cepter de gagner en jouant mal et
parfois adapter son style de jeu dans
les moments délicats. Elle a choisi de
mettre de côté un plan B, il lui faudrait
peut-être un plan A’ qui serait proche
du plan A et qui lui permettrait de do-
miner des joueuses qui sont largement
à sa portée. Sa position de retour lui a
par exemple permis de gagner des
grands matchs quand elle était dans
les meilleures dispositions. Mais
quand elle est un peu moins, il fau-
gramme olympique. « Le squash est
un sport magnifique, qui a toute sa
place aux Jeux et n’a rien à envier à
beaucoup d’autres disciplines, rap-
pelle Julien Muller. Mais on sait com-
ment fonctionne le système olympique,
dont le spectre des exigences dépasse
le simple cadre de l’aspect sportif et, à
ce titre, le squash a des faiblesses, sur
lesquelles nous travaillons sans réussir
à convaincre pour le moment. » Avec
20 000 licenciés en France, à 70 %
masculin, le squash souffre dans
l’Hexagone d’un manque de structu-
res, parfois, et d’une base de prati-
quants se situant plutôt dans la tran-
che d’âge des 30-45 ans. D’où une
image moins jeune que le skate ou
l’escalade par exemple, mais aussi
que le padel, qui pourrait bien l’éloi-
gner encore un peu plus de l’olym-
pisme au vu de sa popularité gran-
dissante.
Même si, pour l’instant, Julien
Muller y voit plus une opportunité
qu’un sérieux rival au sein des sports
de raquette. « Le padel peut être un
concurrent de taille mais je préfère
avoir un regard positif sur son essor
en me disant que les deux sports peu-
vent être complémentaires. » ■
LE FIGARO jeudi 31 août 2023
13
drait qu’elle varie parfois en accep-
tant l’échange. »
La Française semble plus que ja-
mais paralysée par le poids des at-
tentes que sa magnifique deuxième
partie de saison 2022 avait suscité et
qui l’avait vue passer de la 76e à la
4e place mondiale après son triom-
phe au Masters à Fort Worth, au
Texas, à l’automne, son plus beau ti-
tre à ce jour. À 29 ans, Caroline Gar-
cia vit un mauvais remake de 2018.
Après une fin de saison canon en
2017, elle n’avait pas su enchaîner
les mois suivants. Il faut dire que des
pépins physiques l’avaient stoppée
dans son élan. En 2023, son corps
tient le choc, c’est la tête qui ne suit
plus… Plus dure sera la chute. Elle
pourrait quitter le top 10 après la fin
de l’US Open. Mais, surtout, l’ac-
tuelle 22e à la Race (classement sur
l’année), tenante du titre du Mas-
ters, a de fortes chances de ne pas
pouvoir défendre sa couronne et ses
points cet automne (il faut faire par-
tie des huit meilleures)… Ça va vite
dans un sens comme dans l’autre. Ça
peut repartir. Je suis persuadé qu’elle
a encore quelques belles années de-
vant elle, assure Arnaud Di Pasquale.
Elle va rebondir. » C’est tout ce que le
tennis français en manque cruel de
leader peut espérer. ■
ZOOM
Solitaire du Figaro Paprec :
verdict de la première
étape à Kinsale ce jeudi
Après 610 milles avalés depuis
Caen-Ouistreham, les 32 marins
sont attendus ce jeudi matin à
Kinsale en Irlande. Et les cadors
seront aux bonnes places. Un
temps en tête, les skippers ayant
opté pour la route directe ont vu
fondre leur avance. C’est bien à
l’Ouest que se trouvait le salut.
Même si une longue période de
calme asticotait les impatiences
mercredi après-midi, Corentin
Horeau (Banque Populaire)
en convenait : « Pour l’instant,
il faut combiner avec le vent
faiblard qu’il y a. Je suis satisfait
de ma position avec les petits
camarades. Je vais essayer de
faire du mieux possible comme
d’habitude. Il risque d’y avoir du
vent au Fastnet que l’on va passer
de nuit. Pour une arrivée au petit
jour sous spi. Il va falloir
se méfier. » Dans la soirée
de mercredi, en effet, un front
créant des vents puissants
de sud-ouest était annoncé avec
des rafales à plus de 30 nœuds
avant de contourner
l’emblématique phare
du Fastnet. L’ultime bord
de 40 milles vers la renommée
devant s’effectuer sous spi. S. M.
A
Jeudi 31 Août 2023 le figaro

14 LE CARNET DU JOUR
On nous prie de faire part Mme Philippe Boulanger, Brigitte de Prandières,
Les annonces sont reçues deuils du rappel à Dieu du

comte Jean-François
sa sœur,
M. et Mme Michel Boulanger,
M. Olivier de Montalent,
son épouse,

Quentin et Anne de Prandières,

avec justiication d’identité
du lundi au vendredi
de 9h à 13h et de 14h à 18h
(excepté les jours fériés)
et tous les dimanches
de 9h à 13h.
Elles doivent nous parvenir
avant 16 h 30
pour toutes nos éditions
du lendemain,
avant 13 h les dimanches.
Courriel
carnetdujour@media.figaro.fr
Téléphone
Le Seigneur a accueilli
dans Sa Paix et Sa Lumière
Mme Elisabeth ARMINJON
décédée le 28 août 2023,
à Châteaumeillant,
dans sa 78e année.
De la part de :
M. et Mme Sylvestre
Regnault de la Mothe,
M. et Mme Pierre
Regnault de la Mothe,
ses fils et belles-filles,
Agathe, Diane, Apolline, Inès,
Mathilde, Louis et Victoire,
ses petits-enfants,
M. Xavier
Regnault de la Mothe
et ses frères et sœur.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le samedi 2 septembre 2023,
à 15 heures,
en l'église du Vilhain (Allier).
Mme Caroline
Robertson-Augé,
de FEYDEAU
de SAINT-CHRISTOPHE
le 25 août 2023,
à l'âge de 81 ans, à Lyon, muni
des sacrements de l'Église.
De la part de
la comtesse Jean-François
de Feydeau
de Saint-Christophe,
née Françoise
de Noblet d'Anglure,
son épouse,
Mlle Mathilde de Feydeau
de Saint-Christophe,
le comte et la comtesse
Antoine de Feydeau
de Saint-Christophe,
le comte Grégoire de Feydeau
de Saint-Christophe,
ses enfants,
Alban, Hugues, Étienne,
Florentine, Inès et Joseph,
ses petits-enfants.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-Pothin, à Lyon (6e),
le vendredi 1er septembre,
à 13 heures,
suivie de l'inhumation
au cimetière de Loyasse,
à Lyon.
M. et Mme
Marc Desjonquères,
Mme Sybille de Montalent,
ses enfants,
ses petits-enfants
et ses arrière-petits-enfants,
en union avec Christiane (†),
née Gauche, son épouse,
vous font part
du rappel à Dieu de
Guy, baron de MONTALENT
le 28 août 2023.
La messe d'À Dieu
sera célébrée
le vendredi 1er septembre,
à 15 heures, en la collégiale
Notre-Dame-et-Saint-Laurent
d'Eu (Seine-Maritime).
Herminie Courier de Méré,
sa fille,
et son fiancé
José-Elias Marte Veras,
le marquis (†) et la marquise (†)
de Noblet d'Anglure,
le comte (†) et la comtesse (†)
Daniel de La Mure,
le marquis (†) et la marquise (†)
En vente
Sigolène de Prandières,
Tanguy et Maud de Prandières, vendredi 1er
et samedi 2 septembre
ses enfants,
Niels, Astrid, Iris, Hugo
et Mahé,
ses petits-enfants,
avec votre Figaro
ont la tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Régis de PRANDIÈRES
le 26 août 2023.
La cérémonie religieuse
aura lieu
le vendredi 1er septembre,
à 10 h 30, en la basilique
Saint-Martin-d'Ainay,
Lyon (2e).
Dode Renard Laurant,
Gustave, Garance, Joséphine,
Quentin et Anne-Sophie
Renard,
Marin, Paul, Noémie, Alice,
Alexis Renard,
Charlotte, Naia,
En couverture
ses enfants et petits-enfants,

ont la tristesse
Le témoignage choc d’un
professeur des écoles
d'Imécourt,
M. et Mme Grégoire Augé, le marquis (†) et la marquise de vous faire part
01 56 52 27 27 M. et Mme Bertrand Augé,
ses neveux et nièce,
L'ingénieur général
de l'armement et Mme (†)
Alain Journeau,
de Noblet d'Anglure,
le comte (†) et la comtesse
du rappel à Dieu de

M. (†) et Mme (†) Gontran de Noblet d'Anglure, Charlotte RENARD

sur notre site ont la douleur
Pierre Cazenave, M. et Mme
de faire part du décès de Jacques Courier de Méré, le 26 août 2023, à Reims.

carnetdujour.lefigaro.fr
Tarif de la ligne € TTC :
Du lundi au jeudi
26 € jusqu’à 25 lignes
M. Sylvain AUGÉ de MANET
survenu le 24 août 2023,
à l'âge de 51 ans,
à Mons (Belgique).
Les obsèques auront lieu
dans l'intimité familiale
au cimetière de Port-Vendres
(Pyrénées-Orientales).
M. et Mme Joseph Virlet
ont la tristesse
de vous faire part du décès,
à Versailles, de
Mlle Brigitte JOURNEAU
agrégée de l'Université,
docteur ès lettres,
professeur des Universités,
fondateur et ancien directeur
du département
Henry Courier de Méré,
Marie-Françoise
Courier de Méré,
ses frères et sœurs,
beaux-frères et belles-sœurs,
tous ses neveux et nièces
ont la profonde tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Reportage
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-André de Reims,
le vendredi 1er septembre,
à 10 h 30, suivie
Aux sources
de l'inhumation à 14 h 30,
au cimetière de Fismes. du rugby français

24 € à partir de 26 lignes
Vendredi ou samedi
des Études ibériques
et latino-américaines
de l'université
Françoise
de NOBLET d'ANGLURE
Mme Alain COURIER de MÉRÉ
Paris (15e). Tourisme
29 € jusqu’à 25 lignes
Mme Jacques Chevalier,

Michèle Chevalier,
de Cergy-Pontoise,

survenu le 27 août 2023, le 27 août 2023,

Paul Salvert,
Denise Salvert, Au Maroc,
27 € à partir de 26 lignes
Réduction à nos abonnés :
sa fille,
et sa famille
dans sa 91e année. dans sa 96e année.

nous consulter
Les lignes comportant des
caractères gras sont facturées
sur la base de deux lignes ;
les effets de composition
sont payants ;
chaque texte doit comporter
un minimum de 10 lignes.
ont la profonde tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
M. Jacques CHEVALIER
chevalier
de la Légion d'honneur,
croix de guerre 1939-1945,
croix de guerre des TOE,
le 28 août 2023, à Paris.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Notre-Dame-de-Grâce-
de-Passy, Paris (16e),
le mardi 5 septembre, à 10 h 30.
Jacqueline Deubel,
son épouse,
La cérémonie religieuse
aura lieu ce jeudi 31 août,
à 11 heures, en la chapelle
de la Maison Saint-Louis,
à Versailles,
24 bis, rue du Maréchal-Joffre,
suivie de l'inhumation au
cimetière de Glageon (Nord).
Cet avis tient lieu de faire-part.
Le Havre (Seine-Maritime).
Mme Dominique Jurbert,
son épouse,
M. Jean-Charles Jurbert,
son fils,
et son épouse Mathilde
ainsi que toute la famille
ont le regret
La cérémonie religieuse
sera célébrée
ce jeudi 31 août, à 10 heures,
au couvent Saint-François,
78, passage de la Morcille,
à Villié-Morgon (Rhône),
suivie de l'inhumation
au cimetière de Coligny (Ain).
Elle repose
à la chambre funéraire,
177, avenue Berthelot,
à Lyon (7e).
Marie-Anne Octernaud,
son épouse,
ses enfants et petits-enfants
ainsi que toute sa famille
ont la profonde tristesse
de vous faire part du décès de
Bernard Salvert,
Marie-Claude Peri,
Nicole Alessandri,
les mystères de Tanger
leurs conjoints
et leurs enfants
ont la douleur
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Suzanne SALVERT
le 27 août 2023,
à l'âge de 106 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le vendredi 1er septembre,
à 14 h 30, en l'église
Saint-Lambert-de-Vaugirard,
Paris (15e).
L'inhumation aura lieu
dans le caveau familial,
au cimetière
de Belleville-en-Beaujolais

Naissances, Commémoration,
Delphine et Cyril,
ses enfants,
ses petits-enfants,
de vous annoncer le décès de

M. Thierry JURBERT
Michel OCTERNAUD
(Rhône).
Belle à tout âge
Les meilleurs soins,
Adoptions, Signatures, Sophie Medici, le 26 août 2023.
Baptêmes, Départsen sa sœur, le dimanche 27 août 2023,
Fiançailles, retraite, à l'âge de 70 ans.
les meilleures techniques
La cérémonie religieuse
Vœux, ont l'immense tristesse sera célébrée Odile de Tcherepakhine,
Mariages,
de vous faire part du décès de La cérémonie religieuse le vendredi 1er septembre, son épouse,
Anniversaires, Deuils, aura lieu Alexandra de Tcherepakhine,
à 15 heures, en l'église
Centenaires, Condoléances, Vincent DEUBEL le vendredi 1er septembre 2023, sa fille,
Saint-Denis de Senlisse
FêtedesMères, Remerciements, à 14 h 30, en l'église Alexandre Podvin,

Cover story
(Yvelines).
FêtedesPères, Souvenirs, survenu le 28 août 2023, Saint-Denis de Sainte-Adresse. son petit-fils,
à l'âge de 75 ans. 29, rue des Potiers,
Saint-Valentin, Messeset
28410 Boutigny-Prouais. ont la douleur

Monica Bellucci
Noces, anniversaires, Une cérémonie sera célébrée de faire part du décès de
Communica- Officesreligieux, le mardi 5 septembre, Crépy-en-Valois, Rouville
tionsdiverses, Gérard de TCHEREPAKHINE
Confidences d’une passionnée
Prised’habit, à 11 heures, en la cathédrale (Oise).
Conférences, Jubilé, Saint-Gatien de Tours.
Thèses, Mme Georges Lécallier, M. Pierre Arizzoli-Clémentel, survenu le 24 août 2023.
Jubilésacerdotal,
Cet avis tient lieu de faire-part. son épouse, président,
Portesouvertes, Ordination, La cérémonie religieuse
Distinctions, Laurence (†), Fabienne, Mme Jean-Bernard Raimond,

Mode
Vœux Adeline, Dorothée, vice-présidente, sera célébrée en l'église
Nominations, monastiques. Sylvie, Joëlle, et les membres Notre-Dame-de-l'Assomption,
Nancy. ses filles, du conseil d'administration de 88, rue de l'Assomption,
à Paris (16e),
Marie-Hélène Ferrier,
son épouse adorée,
ainsi que leurs conjoints,
ses quatorze petits-enfants France-Italie ce jeudi 31 août 2023, à 14 h 30.
Les tendances fortes
Reprise des annonces sur :
Thomas Ferrier,
son fils,
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
ont la grande tristesse
de faire part du décès de messes de la rentrée
et toute la famille
carnetdujour.lefigaro.fr Georges LÉCALLIER et anniversaires
Les éditions du Figaro
ont l'immense tristesse Isabella PALUMBO FOSSATI
www.dansnoscoeurs.fr de vous faire part du décès survenu le mardi 29 août 2023, universitaire,
le 25 août 2023, de à l'âge de 92 ans. historienne de Venise, Pour le premier anniversaire
membre du rappel à Dieu de
Jean-Pierre FERRIER La cérémonie religieuse du conseil d'administration
ENS UIm (S) 1959, sera célébrée de l'association, Marie Emmanuelle
mathématicien, le mardi 5 septembre, à 10 h 30, FERRY de KOENIGSWARTER
Tél Abonnements : professeur émérite en l'église Saint-Denis
à l'université Henri-Poincaré de Crépy-en-Valois. épouse de une messe sera célébrée
01 70 37 31 70 de Nancy.
11, rue Parmentier,
M. Jean-Michel Casa,
ambassadeur de France
le samedi 2 septembre 2023,
à 18 h 30, en l'église
Cet avis tient lieu de faire-part. 92200 Neuilly-sur-Seine. auprès du royaume d'Espagne. Saint-Louis-en-l'Île, Paris (4e).

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L’Ultra-Trail du Mont-Blanc,
un mythe à l’épreuve des critiques
Gilles Festor
gfestor@lefigaro.fr
n vent de fronde souffle sur la val-
U
lée de Chamonix. La bise est appa-
rue il y a une quinzaine de jours
lorsque Kilian Jornet a lancé un
appel qui a eu l’effet d’une petite
bombe dans le milieu de l’ultra-
trail. Le plus célèbre coureur de
course de longue distance en milieu naturel a dé-
noncé sur les réseaux sociaux le partenariat entre
l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, rebaptisé Dacia UTMB,
et le constructeur automobile. Un sacrilège, selon
lui. « Les endroits où l’on pratique nos activités chan-
gent drastiquement du fait du changement climatique
et de la pollution. La vallée de Chamonix a un énorme
problème de pollution de l’air par des particules, alors
que ses glaciers et ses écosystèmes se détruisent rapi-
dement », a alerté le quadruple vainqueur de
l’épreuve, signataire de la pétition lancée par
The Green Runners, une association d’athlètes sou-
cieux de la cause environnementale. « Honte à vous,
UTMB, pour la promotion de l’enfer qu’ils (Dacia,
NDLR) ont déclenché », s’est insurgé le collectif dans
une lettre ouverte aux organisateurs. « Je ne partici-
perai certainement plus à une course UTMB tant qu’ils
auront un sponsor aussi carboné », a renchéri le Bri-
tannique Damian Hall, autre figure charismatique de
la discipline. « Il est très décevant de voir des équipes
et des événements sportifs s’associer à des entreprises
dont les activités sont entièrement capitalistiques et
destructrices de l’environnement. Dissocions les deux
choses et utilisons le sport comme une voix pour la
protection et non la destruction ! », regrette son com-
patriote Andy Symonds.
« Ouverts au dialogue »
Déjà pointée du doigt pour son impact environne-
mental dans la vallée de Chamonix, la plus prestigieu-
se des épreuves d’ultratrail s’offre une polémique
bien malvenue au moment de fêter ses 20 bougies.
« Ce naming tombe mal, surtout lorsqu’on prétend être
une épreuve écoresponsable. Les organisateurs doivent
choisir leurs sponsors rigoureusement, et ce n’était cer-
tainement pas le plus approprié », résume Jean-Philip-
pe Lefief, auteur de La Folle Histoire du trail (Éditions
Paulsen). Les organisateurs ont pris contact avec les
frondeurs, même s’il n’est pas question de remettre
en cause le nouveau partenariat. « C’est notre com-
munauté qui s’adresse à nous, nous l’entendons, nous
l’écoutons et nous sommes plus que jamais ouverts au
dialogue », répond au Figaro Frédéric Lénart, direc-
teur général de l’UTMB Group. « Notre enjeu commun
réside dans le fait de contribuer, avec nos moyens, à ré-
duire l’impact de la pratique du trail running à travers le
monde, et le rôle que nous devons jouer. Le lien est dé-
sormais créé et sera maintenu à l’avenir pour que nous
puissions continuer à échanger et à avancer ensemble
dans une même direction », ajoute le responsable. Qui
défend le mariage avec Dacia : « La marque propose
des véhicules légers, robustes et sobres ; des véhicules
accessibles au plus grand nombre dans lesquels seul
l’essentiel a été conservé. Dans ce sens, nous considé-
rons que les valeurs de cette marque sont parfaitement
compatibles avec celles du trail running et de l’UTMB. »
La colère de quelques grands noms des courses
ENQUÊTECHAMPS LIBRES
Ce vendredi, d’ultrafond n’empêchera pas l’UTMB, fondé en
2003 par un couple de disquaires chamoniards, Ca-
2 300 ultratraileurs
therine et Michel Poletti, et une poignée d’amis, de
surfer, cette année encore, sur la vague du succès.
Plus que jamais, on vient des quatre coins de la pla-
partiront à l’assaut de nète (118 nationalités en 2022) dans la capitale mon-
diale de l’alpinisme pour tenter de venir à bout de
l’UTMB sur un parcours cette épreuve : une boucle de 172,9 km et 10 053 mè-
tres de dénivelé. Tracé sur les sentiers autour du
de 172,9 km et 10 053 m Mont-Blanc, le parcours sillonne trois pays voisins,
la France, l’Italie et la Suisse. Les meilleurs boucle-
de dénivelé positif ront ce morceau de bravoure en une vingtaine
d’heures (record en 2022, établi par Killian Jornet en
à travers trois pays 19 h 49 min 30 s), d’une traite et sans fermer l’œil
évidemment, en s’arrêtant quand même pour ava-
(France, Italie et Suisse). ler quelque nourriture aux ravitaillements. Loin
derrière, les anonymes devront franchir la ligne
Référence mondiale
d’arrivée avant 46 h 30, les pieds couverts d’ampou-
les, les jambes dures comme du bois après avoir sur-
monté les hallucinations nées de la fatigue extrême.
d’une discipline en plein Au bout de cet effort ultime, une récompense : le fa-
meux tee-shirt de « finisher », que certains enca-
essor, la course, qui fête drent dans leur salon.
ses 20 ans, n’a jamais Un pilier de l’économie locale
« C’est une course pionnière, une épreuve que la plupart
autant fasciné, même des ultratraileurs rêvent tous un jour de faire parce qu’il
y a Chamonix, un nom mythique, le Mont-Blanc et les
si de plus en plus de voix glaciers dans trois pays. Sur le papier, son profil n’est
pas le plus difficile au monde, mais c’est la plus relevée,
s’élèvent contre
car les meilleurs spécialistes poussent les machines au
maximum pour s’imposer », éclaire François D’Haene
qui détient le record de victoires avec Jornet chez les
sa marchandisation hommes. Victime d’une fracture de la jambe droite en
novembre dernier, le Français ne sera pas au départ,
et la perte tout comme Jornet, blessé au sacrum, ou Xavier
Thévenard, triple vainqueur pas encore remis de la
de son esprit originel. maladie de Lyme. « C’est la plus grande célébration de
l’année du monde de l’ultratrail dans un décor excep-
tionnel », glisse Courtney Dauwalter, double lauréate
(en 2019 et 2021), qui sera, elle, de la partie.
Les organisateurs ont, cette année encore, croulé
sous les demandes d’inscription : 25 500 au total, soit
deux fois plus que le nombre de dossards répartis dans
les huit courses organisées tout au long de la semaine,
la plus célèbre d’entre elles étant l’UTMB (2 300 parti-
cipants environ). Il y a deux décennies, ils n’étaient
que 722 (dont 63 femmes) à s’être élancés lors de
l’édition inaugurale, disputée dans des conditions
dantesques. Soixante-sept athlètes seulement avaient
vu l’arrivée à Chamonix après avoir résisté au froid,
aux bourrasques et à la pluie transformant les sentiers
en ruisseaux. « Les conditions exécrables ont probable-
ment permis une accélération du développement de la
course en la rendant encore plus héroïque », confie
Catherine Poletti, la présidente de l’UTMB Group.
Malgré le déchaînement du ciel, l’épreuve était née
sous une bonne étoile : 1 400 concurrents se sont
pressés au départ en 2004, et 2 000 douze mois plus
tard. « En 2006, nous avions tellement de demandes
qu’il a fallu créer une nouvelle course, la CCC. En 2008,
Si on est en désaccord avec le chemin
pris par l’UTMB, on n’y participe pas,
il y a des milliers d’autres courses ailleurs.
Cette évolution paraît inéluctable » Unis, l’UTMB a acquis le surnom de « Super Bowl de
JEAN-PHILIPPE LEFIEF, AUTEUR DE « LA FOLLE HISTOIRE DU TRAIL » (ÉDITIONS PAULSEN)
LE FIGARO jeudi 31 août 2023
15
À Chamonix,
lors de la 19e édition de
l’Ultra-Trail du Mont-Blanc,
le 27 août 2022.
ZOOM/PRESSE SPORTS
les inscriptions sur les deux épreuves ont été complètes
en huit et neuf minutes », se souvient la dirigeante.
Depuis, l’événement n’a cessé de grandir, à l’ima-
ge d’une discipline qui affiche une croissance an-
nuelle de 15 % du nombre de ses pratiquants dans le
monde depuis le milieu des années 1990. Quelque
2 500 bénévoles, dix fois plus qu’en 2003, et
500 prestataires assurent aujourd’hui l’encadre-
ment. Une énorme machine logistique. « L’organisa-
tion sans faille est devenue un modèle partout dans le
monde », reconnaît Jean-Philippe Lefief. L’événe-
ment, qui attire 100 000 spectateurs le long des sen-
tiers, est devenu un pilier de l’économie locale en gé-
nérant 23 millions d’euros de retombées sur
18 communes alors que l’activité de l’alpinisme a
perdu de sa dynamique.
En 2021, l’UTMB Group a franchi un nouveau cap
en créant, avec le géant américain Ironman (organi-
sateur des plus grands triathlons de la planète), un
circuit mondial, les UTMB World Series. Pour maxi-
miser ses chances d’être tiré au sort et obtenir un
dossard à l’UTMB (on peut parfois attendre plusieurs
années avant d’avoir sa chance), il faut acquérir des
points, appelés les Running Stones, dans une ou plu-
sieurs des 36 épreuves disséminées sur les cinq conti-
nents. L’organisation a aussi adopté certains codes
du sport professionnel en récompensant, depuis
2019, ses lauréats d’une somme de 10 000 euros.
« Il n’est pas question de faire du profit »
Cette évolution fait grincer des dents dans les rangs
des puristes, qui regrettent l’effacement de l’esprit
originel. « La discipline est née dans la tête de post-
soixante-huitards américains. L’idée était d’abattre
les murs des stades et de s’affranchir des règles tradi-
tionnelles de l’athlétisme en se retrouvant dans la na-
ture, rappelle Jean-Philippe Lefief. Aux États-Unis,
où les épreuves sont réservées à des élites, alors que
l’UTMB se veut une course populaire de masse, ils ont
tiré un trait sur le business dès le départ. Il n’est pas
question de faire du profit et, s’il y en a, il est réinvesti
dans l’épreuve », explique l’auteur aux dix partici-
pations à l’UTMB. « L’esprit trail ? Qu’est-ce que
c’est exactement ? L’expression a été galvaudée. Fai-
re du business, c’est le cœur de métier d’une entrepri-
se, et ce n’est pas un gros mot. On peut en faire en
conservant des valeurs. Nous nous sommes toujours
considérés comme des artisans plus que comme des
industriels », se défend Catherine Poletti, approchée
par plusieurs géants du sport outdoor pour céder
l’entreprise familiale. « On a gentiment dit non »,
tranche la dirigeante.
« Cela reste une grande course et une immense fête,
où tous les passionnés du monde entier se retrouvent.
L’âme du trail est encore présente, mais on est quand
même loin de l’esprit aventureux des débuts. Peut-on
reprocher cela aux organisateurs ? Si ce sport est de-
venu aussi populaire dans le monde, c’est aussi grâce
à eux, car la pratique a décollé à partir de 2003, re-
connaît Jean-Philippe Lefief, qui constate une mar-
chandisation globale de cette discipline, née dans les
années 1970. « Elle suit le même chemin que le VTT et
le triathlon. Il faut forcément répondre à une demande
qui explose. Et, si on est en désaccord avec le chemin
pris par l’UTMB, on n’y participe pas, il y a des milliers
d’autres courses ailleurs. Cette évolution paraît iné-
luctable. » Elle semble même déjà actée : aux États-
l’ultratrail ». Quand la grand-messe de la NFL, du
A
sport spectacle et de la consommation s’invite dans
les montagnes… ■
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO
16 CHAMPS LIBRES
DÉBATS
Le « préférendum », un nouveau recul
des pouvoirs du Parlement et du peuple ?
inistre « chargé
M du Renouveau
démocratique » (sic),
Olivier Véran vient
d’évoquer dans
la presse ce qu’il a
nommé le « préférendum ». Ce
nouvel avatar de la démocratie selon
Emmanuel Macron, plus proche
de la démocratie participative que de
la démocratie directe, tourne un peu
plus la page de l’approche gaullienne
du référendum, en éliminant
de fait l’engagement de responsabilité
politique originellement inhérente à
ce dernier. Certes, l’idée de découpler
le référendum de l’article 11
et la responsabilité politique
du président n’est pas nouvelle :
lorsqu’il élargit en 1995
le champ de l’article 11,
Jacques Chirac annonce
un usage plus fréquent,
mais ajoute que
le corollaire est d’écarter
la responsabilité politique.
Reste que depuis
le vote de 2005,
le référendum,
conçu par de Gaulle
comme le moyen
de faire du peuple
le juge ultime
de la légitimité
du chef de l’État,
est devenu le grand
absent de la vie
politique française.
CHRISTOPHE BOUTIN À cette consultation
ET FRÉDÉRIC ROUVILLOIS directe du souverain,
Emmanuel Macron
Loin d’être un progrès démocratique, a toujours préféré
le « préférendum » proposé par Olivier Véran ces panels triés
diluerait la responsabilité politique du chef et « éclairés »
de l’État tout en dépossédant le peuple de la démocratie
participative
et le Parlement de leur pouvoir décisionnaire,
qui en sont autant
analysent les deux professeurs agrégés de travestissements
de droit public*. - mais on mesure,
La démographie française à l’horizon 2070 :
vers une double rupture anthropologique
epuis 1980, vingt-neuf
D lois de portée
variable ont traité
de l’immigration.
Dans l’attente
de la prochaine,
ce bricolage restera sans effet tant
qu’il ne sera pas précédé d’un débat,
prenant appui sur des chiffres
et sur des projections
démographiques, condition
indispensable pour que la raison
l’emporte sur la passion et l’esprit
de responsabilité sur la posture
médiatique. Or rien n’a été fait pour
combler les lacunes de notre appareil
statistique. On n’enregistre
ni les entrées ni les sorties
du territoire, contrairement à ce que
font les pays nordiques qui tiennent
un registre de leur population,
et l’on se refuse à collecter
des données qui permettraient
d’agir sur l’origine, la répartition et
l’intégration des migrants. Personne
ne peut avancer de chiffre précis sur
l’immigration clandestine que l’on
approche par un biais assez grossier,
les bénéficiaires de l’aide médicale
de l’État (380 000 en 2021). Au sein
de l’Union européenne, la liberté
DESSINS : FABIEN CLAIREFOND
de circulation étant la règle,
les mouvements de population
qui se produisent ne sont pas
comptabilisés. Faut-il alors s’étonner
que fleurissent, dans un sens ou dans
l’autre, des jugements aussi excessifs
qu’invérifiables ? L’ignorance est
la première source des fantasmes.
Quand proposera-
t-on aux citoyens
PIERRE ALBERTINI une réflexion sans
tabous ni préjugés,
Alors qu’une nouvelle loi immigration quand les traitera-
sera prochainement débattue au Parlement, t-on en adultes et
les travaux de l’Insee devraient non en assistés ?
alerter le gouvernement sur l’ampleur Une projection
démographique
des bouleversements démographiques sur la longue
A
qui attendent la France, explique le professeur durée est
émérite à l’université de Rouen Normandie*. indispensable.
il est vrai, la difficulté
qu’il y a à engager une procédure
référendaire quand on dispose d’une
des plus faibles légitimités politiques
de l’histoire de la Ve République.
Le préférendum véranesque
prétend donc apporter une solution,
sans que l’on sache précisément s’il
s’agira par ce biais d’adopter des lois
ou simplement d’exprimer des avis.
Faute d’une cartographie exacte
des méandres de la pensée véranienne,
rien n’assure que son idée
de préférendum s’intègre
dans le cadre de la Constitution et se
ramène à une variation sur l’article 11.
Peut-être songe-t-il en effet,
comme semble le laisser entendre
le néologisme « préférendum »,
à une procédure dotée d’une valeur
consultative, et non décisionnelle :
auquel cas il s’agirait de demander
aux Français de donner leur avis,
et non d’adopter directement une loi.
De fait, juridiquement,
aucun texte n’interdit aux pouvoirs
publics de consulter nos concitoyens,
à n’importe quel moment et
sur n’importe quelle question, tout en
les avertissant que cette consultation
n’aura pas de valeur normative.
On leur demanderait ainsi quelle
solution aurait, le cas échéant,
leur préférence : et une fois passé le
préférendum, c’est au gouvernement
qu’il reviendrait d’accommoder
les restes : soit pour les cuisiner à sa
propre sauce en se prévalant de l’appui
direct du peuple. Soit pour les jeter
au rebut, en expliquant que les chiffres
ne sont pas suffisamment probants,
ou que, dans l’état actuel du droit,
il serait impossible d’aller aussi loin
que le souhaite la majorité des votants
sans se heurter au veto des juges
et aux principes de l’État de droit.
Un tel mécanisme correspondrait
parfaitement à la logique
des « conventions citoyennes »
C’est ce travail éclairant qu’a réalisé d’observer que la proportion
l’Insee (« Population et sociétés »,
février 2022). Il aboutit à l’horizon
2070 à une prévision de 68 millions
d’habitants, soit un niveau identique
à l’actuel. Les paramètres sur
lesquels il se fonde sont les suivants :
une fécondité maintenue à 1,8 enfant
par femme, une augmentation
des décès due au vieillissement
continu de la population, un solde
migratoire positif du même ordre
qu’aujourd’hui. Entre une hypothèse
basse (64 millions) et une hypothèse
haute (72 millions), la conclusion
la plus évidente est bien
le vieillissement de notre population : Portant sur de vastes échantillons,
la tranche des plus de 65 ans sera
« La diminution du noyau intégrateur
rendra plus difficiles encore l’insertion de 60 ans,
des nouveaux migrants et l’édification
d’une communauté de citoyens
nettement plus nombreuse (29 %)
que celle des moins de 20 ans (20 %).
Le solde naturel qui mesure
la différence entre naissances
et décès, déjà au plus bas
aujourd’hui (56 000 en 2022),
deviendra négatif à compter de 2035,
dans un peu plus de dix ans.
Seul l’excédent migratoire permettra,
dans un demi-siècle, le maintien
de sa population. C’est cette double
rupture anthropologique que
subira le pays. Outre la modification
de la pyramide des âges que montre
la projection de l’Insee, l’origine
géographique des entrants fera
également subir à la société
de fortes corrections.
Faute de statistiques ethniques,
réservées à de rares chercheurs,
comment évaluer la structure
de la population actuelle et
les effets du flux migratoire à venir ? va sensiblement affecter.
Certains démographes se contentent
parfois présentées comme une forme
de « démocratie augmentée ».
Si, en revanche, on suit
la procédure de l’article 11,
alors il s’agirait bien de référendums
décisionnels : mais tout est dans
ce pluriel. Pour de Gaulle, en effet,
le référendum consistait à poser, face
à une situation institutionnellement
bloquée, la question de confiance
au peuple ; le préférendum, lui,
se contente de demander à ce même
peuple d’exprimer des choix sur
plusieurs sujets – le SNU, la fin de vie,
l’immigration, la décentralisation
et plus si affinités. Ce faisant,
« Pour qu’il y ait responsabilité,
il faut qu’il y ait une réponse claire
à une question simple. Or, l’objectif
du « préférendum» est d’éviter cela
il entraîne d’abord une dépossession
du Parlement, parfaitement à même
de trancher de ces sujets – ce qui va répondraient négativement
de pair avec l’idée d’un débat
organisé hors enceinte parlementaire
entre le président et les chefs
de partis. Mais il va plus loin.
Des référendums multiples sont
certes parfaitement envisageables
– comme le prouve l’exemple
de la Suisse, organisant le même jour de l’histoire, mais aussi du peuple
plusieurs consultations, sauf qu’il
s’agit ici de questions
que le peuple se pose à lui-même,
non d’un bouquet garni composé
par le gouvernement dans un but
et selon une stratégie déterminés.
Néanmoins, cette multiplicité
obère par définition toute possibilité qu’il impliquera toujours. ■
d’engager une responsabilité
politique. La diversité des sujets,
parfois bien peu fondamentaux,
montre qu’il ne s’agit pas de faire
un choix de société crucial – sauf
d’étrangers résidant
en France demeure stable
mais leur présentation sous-estime
délibérément l’ampleur et
la perception de l’immigration.
Comme les récentes émeutes
l’ont montré douloureusement,
une carte d’identité française
ne suffit pas à faire de son détenteur
un citoyen attaché à notre pays.
Les enquêtes « Trajectoire
et origines » conduites par l’Insee
et l’Ined en 2008-2009 puis
en 2019-2020 fournissent cependant
une base d’analyse assez complète.
elles nous apprennent ainsi
que 32 %
de la population
de moins
soit 16 millions
sur 50 millions,
» ont une origine
immigrée, totale
ou partielle,
sur trois générations,
et que la provenance géographique
des migrants a beaucoup changé :
majoritairement européenne
au départ, elle est aujourd’hui
principalement africaine.
Cette inversion est encore plus
sensible chez les plus jeunes.
Si l’on s’accorde sur ces données
objectives, la population « native »
ou « de souche », ne comptant
aucun ascendant immigré
du fils au grand-père, représente
environ 46 millions, celle ayant
une origine immigrée, totale
ou partielle, environ 22 millions,
dont 60 % de provenance
extra-européenne, selon l’Insee.
C’est cette répartition que l’excédent
migratoire, source essentielle
puis exclusive de croissance
démographique à partir de 2035,
Les recensements partiels récents
à en dissimuler un dans le maquis
des propositions pour éviter
que les débats ne se focalisent
sur lui. Et même dans l’hypothèse
où ce choix crucial existerait,
et où l’option présentée comme
souhaitable serait rejetée, sa place
au milieu d’autres questions suffirait
à dégager les partisans de cette
dernière de toute responsabilité
politique. Pour qu’il y ait
responsabilité, il faut, comme
son nom l’indique, qu’il y ait une
réponse claire à une question simple.
Or, l’objectif du préférendum
est d’éviter cela.
Avec ce dernier,
on aurait ainsi
une apparence
de renouveau
démocratique,
mais sans
» le moindre risque :
ni au départ,
ni à l’arrivée,
et ce même dans l’hypothèse
très improbable où les électeurs
à toutes les questions posées.
Au total, le coup du génie de cette
poudre de perlimpinpin est donc
de faire prendre pour une avancée
démocratique ce qui constituerait
en réalité un recul des pouvoirs
du Parlement, complètement évincé
lui-même : tout comme la mauvaise
monnaie chasse la bonne, ce pseudo-
référendum consultatif à choix
multiples aurait pour principale
conséquence de neutraliser
le véritable référendum à question
unique et la responsabilité politique
*Christophe Boutin et Frédéric Rouvillois
ont notamment publié « Le Référendum,
ou comment redonner le pouvoir
au peuple » (Éditions de la Nouvelle
Librairie, 2023).
le situent autour de 160 000
à 180 000 personnes par an.
Mais la prise en compte des entrées
clandestines, dont les mineurs isolés,
des déboutés du droit d’asile
demeurant en France et des Français
quittant le territoire national,
conduit à un apport annuel
d’étrangers plus élevé, de l’ordre
de 250 000, dont l’origine
géographique n’est pas indifférente.
Les principales sources
de l’immigration sont désormais
le Maghreb, les pays subsahariens,
la Turquie et le Moyen-Orient (60 %),
la provenance européenne est
nettement minoritaire (30 %)
et celle du reste du monde
(Amérique, Asie) demeure marginale
(10 %). Dès lors, un calcul
mathématique simple confirme
la baisse inexorable des Français
de souche et la hausse corrélative
des immigrés qui se retrouveront
peu ou prou à égalité en 2070.
De cet apport extérieur, les migrants
du Sud constitueront de loin
la part la plus importante
au point d’approcher un tiers
de la population totale
et même de devenir majoritaires
dans quelques départements,
tels la Seine-Saint-Denis.
Le mérite de cette projection
est de nous faire comprendre
que notre avenir démographique
se joue maintenant. En 2070,
dans une France où la proportion
d’actifs sera moindre, le financement
de la protection sociale
et des investissements sera
problématique. La diminution
du noyau intégrateur rendra plus
difficiles encore l’insertion
des nouveaux migrants
et l’édification d’une communauté
de citoyens. Quel gouvernement
aura le courage de relever
ces défis majeurs ? ■
* Pierre Albertini est ancien député
et ancien maire.

CHRONIQUE
Luc Ferry
luc.ferry@yahoo.fr
www.lucferry.fr
@ 100 000 citations
et proverbes sur evene.fr
31 août 1867 : mort de Charles Baudelaire.
STEFANO BIANCHETTI/BRIDGEMAN IMAGES
ANALYSE
Julian Colling
Dassault Médias
(actionnaire à plus de 95 %)
14, boulevard Haussmann
75009 Paris
Président-directeur général
Charles Edelstenne
Administrateurs
Thierry Dassault,
Olivier Costa de Beauregard,
Benoît Habert,
Rudi Roussillon
Sur l’Ukraine, Sarkozy a largement raison
ritiqué, voire insulté pour
C
ses propos sur la guerre
en Ukraine par tout
ce que le pays compte
de grandes consciences
morales (et Dieu sait
qu’il n’en manque pas…), Nicolas
Sarkozy n’en a pas moins dit,
dans son entretien accordé au Figaro
Magazine, un certain nombre
de vérités avec une liberté de ton
qui tranche sur le conformisme
ambiant. Pour commencer, il a bien
sûr rappelé que l’agression russe
violait le droit international mais que
pour autant, si on voulait sortir
d’un conflit qui s’annonce aussi
interminable que meurtrier,
il fallait comprendre trois choses.
ENTRE GUILLEMETS
Charles Baudelaire,
dans Curiosités esthétiques :
Comme l’imagination
a créé le monde,
elle le gouverne»
Avec ses obsèques en catimini, le Kremlin
a voulu refermer la parenthèse Prigojine
uelle tristesse !
Q
Evgueni Viktorovitch
« n’est plus. Je ne
voulais pas croire à ce
cauchemar », déclare
l’un des premiers
visiteurs, mercredi,
de la tombe
fraîchement creusée. Devant les caméras
présentes à l’ouverture du petit cimetière
pétersbourgeois, où a été enterré en
catimini l’ancien boss de Wagner, le jeune
sympathisant de Wagner ne peut retenir
son émotion. « La perte d’une telle
personne est la perte pour nous tous d’une
partie de nous-mêmes », ajoute-t-il. Un
avis que le pouvoir en Russie ne partage
visiblement pas…
Le personnage Prigojine, élément
perturbateur le plus fulgurant du système
russe depuis bien longtemps, a été
définitivement rayé de la carte. Son
chapitre a été clos d’une manière presque
aussi brusque que sa mort, le 23 août, dans
le crash de son jet privé. Le régime semble
désormais vouloir effacer son héritage
au plus vite, liquider la « légende » noire
qu’il s’était construite grâce à une
communication choc. Mardi soir, une
immense présence policière cadenassait
les allées du cimetière, empêchant
tout accès, rassemblement de soutien
ou opération hostile de « wagnériens »
autour de sa tombe.
Coup de grâce à la télévision : deux
des trois principales chaînes
gouvernementales du pays n’ont même
pas mentionné l’événement. Sur Rossiya 1,
son enterrement n’est brièvement apparu
qu’à la… 40e minute du journal du soir.
Prigojine repose désormais en périphérie
de Saint-Pétersbourg, aux côtés de son
père Viktor Prigojine. Sur sa modeste
SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions Jacques-Olivier Martin (directeur
(société éditrice) Alexis Brézet de la rédaction du Figaro.fr),
14, boulevard Haussmann
Étienne de Montety (Figaro
75009 Paris
Littéraire), Bertrand de Saint-
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Vincent (Culture, Télévision),
Président Gaëtan de Capèle (Économie),
Charles Edelstenne Yves Thréard (Enquêtes,
Laurence de Charette
Opérations spéciales, Sports,
(pôle audiovisuel), Anne-Sophie
Sciences), Vincent Trémolet
Directeur général, von Claer (Style, Art de vivre, F),
de Villers (Politique, Société,
directeur de la publication Philippe Gélie (International),
Débats Opinions)
Marc Feuillée Anne Huet-Wuillème (Édition,
Photo, Révision, DA),
OPINIONS CHAMPS LIBRES
D’abord que l’Ukraine est
à l’évidence un pont entre la Russie
et l’Europe occidentale. À l’est,
les communautés russophones
et russophiles sont nombreuses
et plus on va vers l’ouest, plus on
se rapproche de la Pologne et plus
on est pro-américain. Tant par son
histoire, sa géographie et sa diversité
culturelle explosive, l’Ukraine
n’a vocation à entrer ni dans l’Otan
ni dans l’UE. Dire le contraire,
c’est non seulement lui faire miroiter
des fausses promesses, mais
c’est prendre le risque, comme l’a
démontré la guerre civile du Donbass,
de la déchirer.
Il a ajouté ensuite qu’aucune solution
n’était possible par la guerre : il est
tombe, aucune couronne funéraire
venant d’un quelconque membre de
l’establishment. Pas un seul hiérarque
n’a fait le déplacement à l’enterrement,
où seule une trentaine de proches avaient
eu le droit de se rassembler.
Pourtant, Prigojine, fait « héros
de la Russie » par Vladimir Poutine, avait
théoriquement droit à des funérailles avec
les honneurs, accompagnées d’un cortège
en armes, d’une fanfare et de trois coups
de canon. Il n’en fut rien. Comme le
glissait la journaliste Farida Roustamova,
« Prigojine était détesté par les élites qu’un phénomène
et les services, qui le voyaient
comme une menace à la sécurité
nationale »
TATIANA STANOVAÏA, LA FONDATRICE DU CABINET R.POLITIK
le président russe aurait pu retirer,
en secret, son titre à celui qui était devenu
un traître après sa mutinerie du 24 juin.
Cette issue vite expédiée ne surprend
pas les connaisseurs du système russe.
« Le régime prend ses distances, cela
confirme que Prigojine n’était pas vu comme
un homme d’État, analyse la fondatrice
du cabinet R.Politik, Tatiana Stanovaïa.
Il était avant tout - et Poutine l’a martelé
lors de sa réaction à sa mort - un
“businessman”, quelqu’un qui agissait
pour ses intérêts privés, pas ceux de l’État.
L’idée de Wagner avait simplement été
acceptée, non pas imaginée, par Poutine. »
Peu importe que la société paramilitaire
créée en 2014 ait concrètement aidé
les opérations russes en Ukraine. À la
télévision, meilleur baromètre de la ligne
décidée au Kremlin, le rôle en Ukraine
et l’héritage de Prigojine sont depuis
Directeur artistique
Pierre Bayle
Rédacteur en chef
Frédéric Picard (Web)
Directeur délégué
du pôle news
Bertrand Gié
Éditeurs
Robert Mergui
Anne Pican
désormais évident que malgré
les dizaines de milliards déversés par
les États-Unis pour armer l’Ukraine, sa
contre-offensive patine, de sorte qu’au
final une négociation s’imposera, si du
moins on veut éviter une catastrophe,
hélas encore possible. Non seulement
la Russie est la deuxième puissance
nucléaire mondiale mais,
politiquement, Poutine ne reculera
jamais. Au reste, pour l’Ukraine,
un après-Poutine serait pire encore.
Mais allons plus loin : supposons même
que l’Ukraine gagne ce conflit, qu’elle
parvienne à restaurer son intégrité
territoriale y compris en Crimée, reste
que la guerre qui sévit dans le Donbass
depuis 2015, faute d’une application
des accords de Minsk, ne serait pas
éteinte. Comme l’a dit Edgar Morin,
un intellectuel peu suspect d’être
un pro-Poutine d’extrême droite, la
Crimée est à 85 % peuplée de Russes de
sorte qu’au lieu de vouloir la récupérer
à tout prix par les armes, il faudra bien
se résoudre un jour, comme le propose
Sarkozy, à y organiser des élections
libres, supervisées par l’UE.
De toute évidence cette guerre
plombe l’Europe alors qu’elle bénéficie
aux États-Unis, mais paradoxalement
aussi à Poutine. Les États-Unis en sont
les grands gagnants : ils vendent leurs
centrales nucléaires à la Pologne,
des F35 à l’Allemagne, le blé
du Middle-West et le pétrole de schiste
au monde entier, le conflit ayant
au passage permis à Biden de sauver les
midterms, de reconstituer l’Otan dont
Macron disait pourtant il y a peu qu’elle
était « en état de mort cérébrale »
et d’apparaître à 81 ans comme
le leader incontestable du monde libre !
Pendant ce temps-là Poutine, soutenu
comme jamais par son peuple, apparaît
quelque temps dévalorisés, dénigrés.
Sa rébellion avortée est passée par là.
Dans les rues de Moscou, beaucoup
disent avoir perdu de la sympathie pour lui
après sa mutinerie, un « coup de couteau »
dans le dos du gouvernement.
« Sans théoriser sur qui a décidé de son
élimination, pour Vladimir Poutine, qui ne
s’y est pas opposé, le sort de Prigojine
importait peu, estime Stanovaïa. Le plus
important pour lui reste les institutions,
l’État. Prigojine était détesté par les élites
et les services, qui le voyaient comme une
menace à la sécurité
nationale. Rappelons
comme Prigojine est
exceptionnel en Russie.
Sa fin abrupte faisait peu
de doutes. Désormais,
tout va rentrer dans
l’ordre : Poutine et le
Kremlin ont repris le contrôle, ce qui était
espéré par les élites. »
« Prigojine ? C’est qui ? », écrit, un brin
désabusé, le commentateur pro-Kremlin
Sergueï Markov, qui regrette le traitement
réservé à ce « vrai patriote ». À travers
la Russie, des mémoriaux de fortune ont
essaimé un peu partout à la mémoire
du chef et de son soldat numéro un,
Dmitri Outkine. « J’aurais tellement aimé
qu’ils aillent jusqu’au bout le 24 juin…
et qu’ils s’entretuent avec le régime ! »,
souffle une jeune Moscovite opposée
à Poutine et à la guerre en Ukraine.
Cette popularité résiduelle ne semble
toutefois pas de nature à déstabiliser
l’édifice russe, en amont des
présidentielles de mars 2024. Désormais,
Wagner devrait rapidement être
démantelé. Une issue prévisible, sans
doute. Peu avant la mort de Prigojine,
FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy
9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 93290 Tremblay-en-France
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direction.redaction@lefigaro.fr le numéro FI/011/001. Eutrophisation : Ptot 0.002 kg/tonne de papier.
LE FIGARO jeudi 31 août 2023
17
comme l’autre gagnant d’un conflit qui
lui permet hélas de fédérer autour de
lui tous les ennemis de la démocratie.
Entre autres : la Chine, l’Inde, la Corée
du Nord, l’Iran, mais aussi une bonne
vingtaine de pays d’Afrique qui, animés
par la haine des anciens colonisateurs,
se précipitent comme on le voit
au Niger dans les bras de la Russie.
Empêtrée dans ses divisions sous une
fausse apparence d’unité (pour ne rien
dire des autres, la Pologne et la France
sont tout sauf sur la même ligne…),
minée par l’inflation, l’UE devenue
bêtement atlantiste s’avère incapable
de proposer un plan de paix.
On rêverait d’un de Gaulle, voire
d’un Védrine, mais encensant
Hollande, François Heisbourg se dit
dans L’Express « en état de sidération »
devant les « apparentements terribles
de l’ancien président avec les extrêmes »
(on en frémit d’horreur…). Pour faire
bonne mesure, il laisse entendre
qu’il aurait été payé par les Russes,
des « suites judiciaires » étant possibles.
Plutôt qu’insulter Sarkozy de
manière aussi vulgaire, on aurait aimé
un débat argumenté, mais il est vrai
que l’insulte prend toujours place
quand l’argumentation fait défaut.
Par contraste, on lira l’article de Gérard
Araud publié dans Le Point qui, bien
que partiellement en désaccord avec
Sarkozy, lui donne malgré tout raison
sur l’essentiel, une discussion courtoise
et intelligente qui tranche avec les
invectives de ceux qui considèrent
depuis leur canapé que plaider pour
la paix est forcément « munichois »
et que les centaines de milliers de morts
que cette guerre imbécile a déjà causés
sans le moindre résultat utile doivent
nous inciter à continuer dans l’escalade
insensée de l’armement et de la mort.
le général Younous-bek Yevkourov,
l’un des médiateurs face à Prigojine
lors de la mutinerie, avait été envoyé
en Libye organiser la reprise en main
du portefeuille de Wagner sur place.
En guise d’héritage, restent les chaînes
Telegram loyales à Prigojine, qui
continueront pendant quelques semaines
de publier des photos récentes
de leur héros défunt, en République
centrafricaine ou au Mali.
VOX
...religion
Soupçonnée parce que
catholique : « La famille
d’Émile est victime
du bannissement de la foi
dans notre société. »
Une tribune du journaliste
Marc Eynaud.
Ce soir à 20h sur le site
du Figaro, présenté par
Alexandre Devecchio
FR
Ce journal
se compose de :
Édition nationale
1er cahier 18 pages
Cahier 2 Économie
8 pages
Cahier 3 Le Figaro
et vous 8 pages
Cahier 4 Littéraire
8 pages
A
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO
18
Frédéric Picard
fpicard@lefigaro.fr
es meilleurs joueurs mondiaux de padel
L vont s’affronter à Roland-Garros du 3 au 10
septembre prochain. C’est l’occasion de
mieux connaître ce sport qui, ces dernières
années, enregistre un engouement certain.
LE FIGARO.- Pensez-vous que le padel va devenir
le sport de loisir le plus important de France ?
José Manuel ESCOÍN CANO. - Absolument. J’ai la
conviction profonde que, dans moins de cinq ans,
le padel deviendra l’un des sports de loisirs domi-
nants en France, rassemblant au moins 1 million
de pratiquants.
Présentez-nous ce sport…
Le padel est un sport de raquette inventé en 1969
par un Mexicain fortuné. On joue en double sur un
court aux dimensions réduites (20 m × 10 m), en-
touré de vitres et de grillages. Les règles permet-
tent d’utiliser les vitres, à la manière du squash, et
la balle reste en jeu tant qu’elle n’a pas touché le
sol deux fois. On compte les points comme au
tennis : 15, 30, 40 et jeu. Une partie se joue en
deux sets gagnants.
Depuis quelques années, ce sport rencontre
un franc succès.
Absolument, et plus précisément depuis ces deux
dernières années, le padel a connu une croissance
exceptionnelle. On compte actuellement près de
25 millions de joueurs dans 90 pays et on prévoit
une expansion significative, notamment au
Royaume-Uni, en Allemagne, aux États-Unis, au
Moyen-Orient et en Asie. Selon le rapport De-
loitte, paru en juin dernier, le nombre de courts
de padel dans le monde pourrait doubler, pour
atteindre 85 000 d’ici à 2026, contre environ
40 000 actuellement.
Pourquoi un tel engouement ?
Pour le décrire avec un clin d’œil à une publicité
bien connue, je dirais que le padel est convivial
comme le tennis, son jeu ressemble au tennis…
mais ce n’est pas du tennis. Au padel, on s’amé-
liore et s’amuse tout le temps et à tout âge.
D’ailleurs, Arnaud Di Pasquale, responsable du
développement du padel au sein de la Fédération
française de tennis (FFT), le souligne très bien :
«Tout le monde peut rapidement s’amuser et a tou-
jours l’impression de pouvoir progresser. »
Le padel dépend de la Fédération française
de tennis ?
Les pratiquants peuvent, en effet, depuis un an, se
procurer une licence dédiée. Nous comptons déjà
quelque 36 000 adhérents et, pour la licence mul-
DU 2 AU 17
SEPTEMBRE
2023
CCI PYRÉNÉES
ORIENTALES
PERPINYÀ MEDITERRÀNIA METRÒPOLI
AVEC LA PARTICIPATION
DU MINISTÈRE DE LA CULTURE.
AVEC LE GÉNÉREUX SOUTIEN
A
D’ALINE FORIEL-DESTEZET
José Manuel Escoín Cano :
« Le padel connaît
une croissance exceptionnelle »
Ce sport de raquette
compte près de 25 millions
de joueurs dans 90 pays.
Décryptage d’un succès
avec le président
d’un des plus grands clubs
français de la discipline.
Kurdistan iranien, 26 octobre 2022 (détail)
© Photographe anonyme / AFP
tiraquettes (tennis et padel), nous avons quelque
130 000 cartes. Je ne suis pas un optimiste utopi-
que si je vous dis que, bientôt, nous serons
500 000 pratiquants et que, dans moins de deux
ans, nous devrions atteindre le million.
Quel est le concept de Casa Padel,
club dont vous présidez aux destinées…
Casa Padel Uno, le plus grand club de padel indoor
(courts couverts) en France avec plus de 1 000 li-
cenciés, va bien au-delà d’un simple club, c’est un
lieu de vie que j’ai créé avec l’aide d’amis et de par-
tenaires en juillet 2017.
« convivial
Le padel est
comme
le tennis, son jeu
ressemble
au tennis…
mais ce n’est pas
du tennis.
Au padel,
on s’améliore
et s’amuse
tout le temps
et à tout âge »
JOSÉ MANUEL ESCOIN CANO
RENCONTRE
« J’ai la conviction
profonde que,
dans moins
de cinq ans, le padel
FRANCK BINISTI/CASA PADEL
deviendra l’un
des sports de loisirs
dominants en France,
rassemblant
au moins 1 million
de pratiquants. »
Face à l’ampleur du phénomène,
de nombreux clubs de tennis se diversifient
et installent des pistes de padel…
lIs ne sont pas les seuls. Les centres de foot à 5,
comme Five et UrbanSoccer, diversifient aussi
leurs activités avec 4Padel et UrbanPadel. Ce qui
compte aujourd’hui, c’est que la croissance conti-
nue et qu’il y ait de plus en plus de complexes.
Zinédine Zidane, Tony Parker, Zlatan Ibrahimovic
ou Teddy Riner investissent dans le padel. Êtes-vous
aussi associé avec une ou plusieurs personnalités ?
Je suis entouré de personnalités qui viennent
d’horizons différents dont la vision et l’expertise
sont des atouts majeurs pour la croissance de notre
groupe. Parmi elles, Cyril Hanouna, un des princi-
paux investisseurs, nous apporte son regard pointu
sur la compétition en tant que 130e joueur français.
Nos voisins européens ont massivement investi
dans le padel. Sommes-nous en retard ?
En retard, oui. Mais, par rapport à des pays euro-
péens comme l’Allemagne, nous sommes en avan-
ce. On sait que la demande est là. Globalement, les
taux d’occupation des courts sont en hausse d’en-
viron 25 % au premier semestre 2023. En France, il
manque des installations, c’est une évidence. Il
faut donc investir. J’espère que, tout comme nous,
d’autres auront la volonté d’ouvrir une série de
centres, à la fois en gestion directe et en franchise,
dans toute la France. Imaginez que nous offrons un
peu plus de 1 500 courts de padel alors que l’Italie
en propose plus de 8 000 et l’Espagne au-delà de
12 000. Le rapport, dont je parlais il y a un instant,
indique que le secteur du padel va croître pour at-
teindre 6 milliards d’euros en 2026.
Par ailleurs, en parallèle de cette croissance expo-
nentielle, je suis fermement convaincu que l’ave-
nir du padel passe aussi par l’inclusion. Des tour-
nois de bienfaisance, visant notamment à collecter
des dons pour la lutte contre le cancer pédiatrique
(Princesse Margot et une Jonquille contre le can-
cer), sont organisés. Les premiers tournois de pa-
del destinés aux sourds et malentendants sont éga-
lement prévus, ainsi que des compétitions de padel
en fauteuil roulant.
Le padel ne sera pas présenté
aux Jeux olympiques de 2024 à Paris ?
Non, mais le programme olympique est en perpé-
tuelle évolution. Lors des éditions précédentes, le
BMX, le rugby à 7 ou le skateboard ont fait leur en-
trée. En juin dernier, le padel sera représenté aux
Jeux européens à Cracovie. Fort de nos 25 millions
de pratiquants, c’est une première étape avant une
éventuelle intégration au programme olympique.
Je pense que nous serons, au plus tard, aux Jeux de
Brisbane en 2032…
Un dernier mot sur le Greenweez Paris Major,
qui se déroule à Roland-Garros
du 3 au 10 septembre…
Recevoir l’élite mondiale à Roland-Garros est une
vitrine extraordinaire pour notre sport et je salue
l’initiative de Gilles Moretton, président de la FFT,
qui a décidé de proposer les places à des tarifs très
attractifs. On pourra être au bord du terrain pour
moins de 30 euros. De plus, les matchs seront re-
transmis sur Canal+ qui a acquis les droits du cir-
cuit professionnel du Premier Padel et du World
Padel Tour. Nous attendons énormément de mon-
de durant cette semaine et je suis ravi de savoir
que, déjà, les demi-finales et les finales se joueront
à guichets fermés. ■
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO - N° 24 579 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

> FOCUS
lefigaro.fr/economie IMMOBILIER :
6,1 MILLIARDS
DE PERTES
GAZ RENTRÉE POUR COUNTRY
L’EUROPE N’A JAMAIS LES MARQUES MISENT GARDEN
AUTANT ACHETÉ DE GNL SUR LES ENFANTS La crise immobilière ne faiblit pas en
À LA RUSSIE PAGE 22 INFLUENCEURS PAGE 26 Chine. Le promoteur immobilier
Country Garden vient ainsi d’annon-
cer une perte de 6,1 milliards d’euros
(48,9 milliards de yuans) sur les six

L’État s’attaque aux

premiers mois de l’année. Il y a un an,
il avait dégagé 77 millions d’euros de
résultat net positif.
Outre cette perte abyssale, Country

faiblesses des PME à l’export

Garden a été incapable, début août,
de rembourser les intérêts de deux
emprunts. S’il n’y parvient pas d’ici
début septembre, soit trente jours
après la première date de rembour-
Le ministre délégué au Commerce extérieur et à l’Attractivité annonce ce jeudi sement, le groupe sera formellement
en défaut de paiement. Plus délicat
treize mesures de soutien. Il vise 200 000 entreprises exportatrices à horizon 2030. encore, Country Garden doit encore
s’acquitter du paiement d’une obliga-
La compétitivité française s’amé- développe dans l’industrie ne la aujourd’hui, est le résultat de trente tractivité, Olivier Becht, qui an- tion de 500 millions d’euros (3,9 mil-
liore lentement. La politique de mettent pas dans une situation années de désindustrialisation. Ce nonce ce jeudi un plan export de liards de yuans) dans quelques jours.
l’offre menée par le gouvernement confortable : ses parts de marché à qu’on ne fabrique plus en France, on 125 millions d’euros. Ce dernier
Country Garden « a déjà fait de son
depuis maintenant six ans donne l’international ont du mal à se re- ne le vend plus à l’étranger et on l’im- prévoit notamment d’inciter les
mieux » pour s’acquitter de ses obli-
certes des effets. Mais le retard pris dresser et sa balance commerciale porte. Cela appauvrit le pays », ex- PME, encore trop peu nombreuses à
par la France depuis trente ans ainsi tombe chaque année un peu plus plique au Figaro le ministre délégué exporter, à avoir le réflexe de se
gations, a averti mercredi l’entrepri-
que la concurrence accrue qui se dans le rouge. « Notre situation, au Commerce extérieur et à l’At- tourner vers l’international. se, évoquant « une pression de plus
en plus forte sur ses liquidités ». Offi-
èOLIVIER BECHT : « QUAND ON IMPORTE PLUS QUE L’ON EXPORTE, C’EST LE PAYS ENTIER QU’ON APPAUVRIT » PAGES 20 ET 21 ciellement, le promoteur immobilier
doit assumer une dette de 150 mil-
liards d’euros. Bloomberg l’évalue
pour sa part à 176 milliards d’euros.
Le renouveau
JUAN ANTONIO/PHOTO GALLERY/STOCK ADOBE, HANDOUT/CABINET PUBLIC RELATIONS OFFICE/JIJI PRESS/AFP

La faillite de Country Garden pourrait

avoir des conséquences importan-

spectaculaire tes sur le système financier chinois

dans son ensemble. Il n’est pas cer-

de la tain qu’il puisse supporter une nou-

velle faillite de grande ampleur, deux
ans après celle du promoteur Ever-
croisière grande. La cotation de ce dernier à la
Bourse de Hongkong vient d’ailleurs
Après avoir été de reprendre lundi 28 août. Elle avait
été suspendue depuis mars 2022, à
touchée de plein fouet la suite de la divulgation de ses très
par le Covid, grandes difficultés financières. Au
terme de cette première séance, le
la croisière revit. titre Evergrande a chuté de près de
Le niveau de 80 %. Sa capitalisation se situe dé-
sormais aux alentours de 550 mil-
fréquentation de 2019 lions d’euros, quand elle atteignait
devrait être dépassé près de 50 milliards d’euros à son
plus haut en 2017. La dette d’Ever-
cette année. L’arrière- grande est, il est vrai, plus importan-
saison s’annonce te encore que celle de Country Gar-
excellente. L’industrie den, à environ 280 milliards d’euros.
Les autorités chinoises ont récem-
doit néanmoins faire ment dévoilé des mesures de sou-
des efforts pour verdir tien au crédit afin de venir en aide au
secteur immobilier.
ses paquebots. E. E.
PAGE 23

le PLUS du L'HISTOIRE Facture salée après

FIGARO ÉCO
Quand le premier ministre japonais la panne du contrôle
BREXIT
Londres n’en finit savoure le poisson de Fukushima aérien britannique
pas de différer des

P
our un Japonais, manger pour refroidir les réacteurs endommagés Les compagnies aériennes Walsh. Plus de 1 500 vols au
contrôles sanitaires du poisson est évidemment par le tsunami de 2011 de la centrale de desservant les aéroports bri- départ et à l’arrivée du
aux frontières PAGE 21 très commun. Fumio Kishida, Fukushima, dans le nord-est du Japon. Une tanniques devraient subir une Royaume-Uni, soit plus d’un
le premier ministre japonais, opération que l’AIEA (l’Agence internationale facture de près de 100 mil- quart du total, ont dû être an-
s’est pourtant mis en scène de l’énergie atomique) considère comme lions de livres (116 millions nulés lundi, et encore 345
LA SÉANCE en mangeant du poisson. Mais il s’agit sans danger. Mais cela n’a pas empêché d’euros) après la panne géan- mardi, après un bug qui aurait
DU MERCREDI 30 AOÛT 2023 d’un poisson particulier, puisqu’il a été une réaction très hostile de la Chine, te du contrôle aérien qui a en- été entraîné par une « donnée
CAC 40 péché à proximité de la centrale nucléaire qui a suspendu toutes ses importations de traîné l’annulation de près de inhabituelle » introduite dans
7364,40 -0,12% de Fukushima. Une vidéo diffusée produits de la mer en provenance du Japon. 2 000 vols, lundi et mardi. le système au sein d’un plan
sur les réseaux sociaux a montré le chef L’ambassade japonaise à Pékin a été la cible Cette estimation de l’Associa- de vol déposé par une com-
DOW JONES du gouvernement japonais dégustant de jets de briques et d’œufs, et Tokyo tion internationale du trans- pagnie.
34907,48 +0,16% de la sole, du porc, du riz, des légumes a appelé ses ressortissants sur place port aérien (Iata) inclut les Plusieurs dizaines, voire des
et des fruits de Fukushima. Et déclarant : à s’abstenir de parler fort en japonais. coûts liés aux frais d’assistan- centaines de milliers de pas-
ONCE D’OR « C’est très bon. » Fumio Kishida a donc ce aux passagers et aux per- sagers se sont retrouvés coin-
turbations des plans de vol cés à l’étranger après cette
1938,35 (1923,50) Cette mise en essayé de rassurer
des équipages et des avions. panne, la plus importante de-
scène envoie un les pécheurs japonais,
PÉTROLE (Brent) Selon son président, Willie puis près d’une décennie, se-
message politique inquiets de longue Walsh, ancien patron de Bri- lon le ministre des Transports
85,490 (85,510) fort. Le Japon date quant aux tish Airways, cette addition britannique, Mark Harper. La
EUROSTOXX 50 a commencé la conséquences du feu ne devrait pas revenir aux compagnie easyJet a affrété
4317,83 -0,20% semaine dernière vert donné aux rejets compagnies. Le premier mi- mercredi cinq vols supplé-
à rejeter dans en mer. Il devait nistre britannique, Rishi Su- mentaires pour rapatrier les
FOOTSIE l’océan Pacifique également se rendre nak, a, au contraire, insisté vacanciers bloqués en Espa-
7473,67 +0,12% l’eau contenant jeudi sur le principal sur le fait qu’elles devaient gne, au Portugal, en Tunisie
du tritium marché aux poissons « remplir leurs devoirs » envers ou en Grèce. De son côté,
NASDAQ (hydrogène du pays, à Tokyo, leurs passagers. « C’est très Ryanair avait dû annuler
15456,55 +0,52% radioactif) issue afin de rencontrer injuste parce que l’organisme 250 vols lundi et 70 mardi, à
des injections des acteurs de cette du contrôle aérien, qui était au l’issue de cette panne « inac-
NIKKEI nécessaires filière. ■ E. E. cœur de ce raté, ne paiera pas ceptable », selon son patron,
A

32333,46 +0,33% un penny », a déploré Willie Michael O’Leary.

 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO
20 L'ÉVÉNEMENT
La lente amélioration de la compétitivité fr
Malgré la baisse de l’impôt sur les sociétés, les entreprises restent entravées par une taxation et un coût du
LOUISE DARBON £@louise_dbn
COMPÉTITIVITÉ Peut mieux faire.
Si elle a certes repris un peu de poil
de la bête depuis la crise sanitaire, la
France suit une tendance peu dyna-
mique en matière de compétitivité.
Une situation qui préoccupe suffi-
samment le gouvernement pour
qu’il s’y attaque en lançant cette se-
maine un nouveau plan export, dé-
voilé par le ministre du Commerce
extérieur, Olivier Becht, au Figaro
ce jeudi (Lire ci-dessous).
Depuis les années 2000, « la
France perd structurellement des
parts de marché par rapport à ses
voisins européens », indique Olivier
Redoules, directeur des études de
l’institut Rexecode. « Quand, au
début des années 2000, la France
enregistrait 17 % des parts de mar-
ché à l’export de la zone euro, elle est
tombée à 12 % », précise-t-il.
De plus, la France enregistre en
2022, un déficit commercial re-
cord. À 164 milliards d’euros, il
équivaut à 4 % de notre richesse
nationale. Soit le pire que le pays ait
connu depuis 1948, mais aussi le
plus haut de la zone euro, sachant
que l’Allemagne enregistre, elle,
un excédent de 82 milliards
d’euros. La situation devrait néan-
moins s’améliorer en 2023, notam-
ment« parce que les prix énergéti-
ques ont baissé, la France exporte de
nouveau de l’électricité, et on obser-
ve un mieux du côté des biens indus-
triels et des services, que ce soit dans
le tourisme ou les services finan-
ciers » selon l’économiste de Rexe-
code. Un mieux à prendre néan-
moins avec des pincettes, car
« quand bien même on s’oriente vers
100 milliards de déficit, cela reste-
rait largement supérieur aux 57 mil-
liards enregistrés en 2019 ».
Si la France montre de discrets
signaux d’amélioration et qu’« elle
a bénéficié du redressement euro-
péen post-Covid, elle y a néanmoins
Olivier Becht : « Quand on importe
plus que l’on exporte, c’est le pays
entier qu’on appauvrit »
PROPOS RECUEILLIS PAR
MARIE VISOT £@MarieVisot
Olivier Becht est ministre délégué
au Commerce extérieur et à l’At-
tractivité. Il dévoile au Figaro le
nouveau plan du gouvernement
Osez l’export.
LE FIGARO.-Les entreprises
françaises affirment qu’elles ont
encore des dizaines de milliards
d’euros d’écart de compétitivité
avec l’Allemagne. Est-ce ce qui
explique aujourd’hui
nos difficultés à exporter ?
Olivier BECHT.- La France peut et
doit redevenir une grande puis-
sance exportatrice et commercia-
le. Nous l’avons été dans le passé,
il n’y a aucune fatalité à ce que
nous ne le redevenions pas. La
France ne peut pas se résoudre à
des déficits commerciaux chroni-
ques. Quand on importe plus que
l’on exporte, c’est le pays entier
qu’on appauvrit. Il faut arrêter
cela, c’est aussi une question de
souveraineté. Nous fabriquons les
meilleurs produits du monde :
SOLDE DE LA BALANCE COMMERCIALE, en milliards d'euros
Allemagne
200
100 157
0 la France de peser à l’internatio-
-100
-89 France
-200
A
2011 12 13 14 15 16 17
Source : Eurostat
Exportations : malgré une amélioration
l'an dernier, la France perd du terrain
PART DE LA FRANCE DANS LES EXPORTATIONS DE LA ZONE EURO, EN %
18 17 %
16
14
12
10
0 pagne ou des Pays-
2000 02 04 06 08 10 12 14 16 18 20 2022
Source : Eurostat
Un coût du travail parmi les plus élevés
NIVEAU DU COÛT DE L'HEURE DE TRAVAIL EN EUROS
AU 3E TRIMESTRE 2022
41,8
39,8 39,9
34,2
28,7
23,1
Espagne Italie Zone euro Allemagne Pays-Bas France Belgique
Source : Eurostat, calcul Rexecode, janvier 2023
Une pression fiscale parmi les plus fortes
POIDS DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN % DU PIB, EN 2021
France
Belgique
Italie
Allemagne 42,4 %
Zone euro
42,2 %
Pays-Bas 40,2 %
Espagne 39 %
Source : Eurostat Infographie
trains, avions, paquebots, phar-
macie, cosmétique, chimie, fro-
mages, céréales, construction de
route, d’hôtels, de satellites… Il y a
une excellence française, il faut
qu’elle émerge encore davantage.
C’est bien pour cela que nous
avons considérablement réduit
l’écart de compétitivité avec l’Al-
lemagne depuis six ans. Nous
« excellence
Il y a une avons baissé les charges pour les
entreprises et les impôts de pro-
duction – que nous continuerons à
française, baisser d’ici la fin du quinquennat.
il faut qu’elle
Pour autant, nous n’avons pas
émerge assez d’entreprises exportatrices
encore
et notre déficit commercial
»
davantage continue de se creuser…
Le succès de nos grands groupes
OLIVIER BECHT
ne suffit pas, c’est vrai, à drainer
suffisamment de PME à l’export.
Et puis, nous importons encore
beaucoup d’énergie, ce qui
contribue considérablement à la
dégradation de notre balance
commerciale. Il faut réduire notre
dépendance énergétique : cela
passe par l’augmentation de notre
capacité nucléaire et le dévelop-
pement des énergies renouvela-
ble. Nous avons entamé cette
transition nécessaire. Notre situa-
tion aujourd’hui, c’est également
le résultat de trente années de dé-
sindustrialisation. Ce qu’on ne fa-
brique plus en France, on ne le
vend plus à l’étranger et on l’im-
82
porte. C’est la double peine.
Il n’y a pas de volonté des PME
d’aller à l’international ?
La France a longtemps été gâtée
-191 par la géographie et par l’histoire.
Nous n’avons donc pas eu la
18 19 20 21 2022
culture de la nécessité. Il faut que
Infographie cela change, car le contexte a
laissé des plumes et accuse une perte nombreuses réformes - de la loi in-
de part de marché par rapport à dustrie verte au plan export. Mais le
2019 », explique le directeur des retard français demeure consi-
études de Rexecode. En dérable, notamment vis-
2022, la part française à-vis de l’Allemagne
- 56
dans les exportations qui, quand son voi-
européennes a en ef- sin outre-Rhin se
fet augmenté, mais détournait de l’in-
elle reste inférieure dustrie, investis-
12,4 % de 0,9 point à son milliards d’euros sait massivement
niveau de 2019. À la Déficit commercial dans le secteur.
différence de ses de la France Pour preuve :
voisins qui - à l’ins- au 1er semestre alors que la part de
tar de l’Italie, de l’Es- 2023 l’industrie dans le
PIB allemand atteint
98
Bas -, parviennent à 22 %, elle n’est que de
conserver ou à gagner 12,4 % en France.
du terrain sur l’ex-
portation. Concurrence
L’état du com- chinoise
milliards d’euros
merce extérieur et La nécessité de
Excédent
43,6 la compétitivité rattrapage se fait
étant intrinsèque- commercial d’autant plus
ment liés, cette der- de l’Allemagne pressante que la
nière a devant elle au 1er semestre concurrence mon-
une large marge 2023 diale se durcit. Et me-
d’amélioration. Et pour- nace les secteurs les plus
tant, de nombreuses réformes florissants de l’économie
ont été engagées pour améliorer ce française, de la chimie à l’aéronau-
facteur de la réussite économique tique, en passant par le secteur
française. Non sans résultats. Ainsi, automobile. Ce dernier se voit en
après des dizaines d’années effet concurrencé directement par
d’abandon, le secteur industriel la Chine. Le ministre de l’Économie,
français se voit aujourd’hui remis Bruno Le Maire, lui-même, l’a
sur le devant de la scène, et objet de constaté lors d’un voyage récent en
47 %
46 %
43,6 %
« Nos PME et nos artisans sera-t-il différent
ne vont pas à l’export parce qu’ils des précédents ?
considèrent que c’est un risque. La stratégie du gouvernement en
Alors qu’au contraire,
matière de commerce extérieur,
c’est de ne pas exporter dite « stratégie de Roubaix » de-
qui est en réalité un risque »,
puis février 2018, a permis de
assure Olivier Becht.
SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO
structurer la Team France export
et le guichet unique. Cela donne
des résultats : 94 % des entrepri-
évolué. Et puis nos PME et nos ar- ses qui sont accompagnées se
tisans ne vont pas à l’export parce maintiennent à l’export et font ra-
qu’ils considèrent que c’est un pidement plus de 150 000 euros de
risque. Alors qu’au contraire, chiffre d’affaires supplémentaires.
c’est de ne pas exporter qui est en Tout système est perfectible, mais
réalité un risque. Dans le monde il y a aujourd’hui un écosystème
de chocs dans lequel on vit, nous et une combinaison de talents au
l’avons bien vu ces dernières an- service des entreprises.
nées, si on dépend d’un seul mar- Après ce dernier plan qui se vou-
ché, tout bouleversement peut lait structurel, et mettait de l’or-
mettre en péril une entreprise. dre dans les acteurs, on s’attaque
Les PME allemandes diversifient maintenant à une partie sensible :
les risques et sont donc moins fra- changer les habitudes des PME et
giles. J’ajoute que derrière le be- préparer l’avenir. Dans une PME,
soin d’exporter, il y a la bataille le chef d’entreprise est au four et
pour l’emploi et le pouvoir au moulin, il n’a pas les ressources
d’achat. L’ambition est à la fois à consacrer à l’export. Nous allons
géopolitique, avec la capacité de les lui donner, en créant le Volon-
tariat territorial export (VTE) ciblé
nal, et économique avec un ob- sur l’export – sur le modèle du
jectif de stabilité des PME et de Volontariat international en en-
création d’emplois. treprise (VIE). Il pourra ainsi bé-
néficier du soutien de l’État pour
Vous annoncez donc un nouveau embaucher un jeune, bien formé
plan de soutien à l’export pour les et dédié à l’export. Nous allons
entreprises françaises. En quoi aussi mettre en place l’Académie
Chine, comme il en faisait part aux
patrons réunis lors des Rencontres
du Medef, le 29 août. « Je suis allé
voir l’entreprise BYD, leur a-t-il ra-
conté. Je vois un magnifique véhicule
avec un design formidable (parce
qu’ils ont piqué un designer euro-
péen), avec une capacité d’accéléra-
tion de 0 à 100 km/h de 3,5 secondes,
un intérieur tout à fait correct et qua-
tre places. Je demande le prix. On me
répond : ces technologies meilleures
que les vôtres, on va les mettre sur le
marché à 25 000 euros. C’est moins
cher qu’une e-208 (le modèle 208
électrique de Renault, NDLR) ».
Une réalité nouvelle, qui souligne la
perte de vitesse du marché automo-
bile européen, porté par la France et
l’Allemagne.
Et pourtant, le même Bruno
Le Maire rappelait devant le patro-
nat français les gros efforts engagés
par l’État depuis 2017 pour soutenir
les entreprises, en allégeant notam-
ment le poids de la fiscalité, sempi-
ternel sujet de récrimination des
patrons. De 33,3 % il y a six ans, le
taux d’impôts sur les sociétés est
passé à 25 % aujourd’hui, pour des
recettes fiscales passant de 35 à
60 milliards d’euros. Une stratégie
gagnante donc. Et pourtant, le re-
port de la suppression (promise
pour 2024) de la CVAE, un impôt de
de l’export, qui formera, via une
plateforme dédiée, des cadres sur
les sujets internationaux. Et je
souhaite lancer dès cet automne
une vaste opération de porte-à-
porte auprès des entreprises par la
Team France. Il n’y a aujourd’hui
pas de démarche proactive pour
identifier et rencontrer les PME
qui n’exportent pas alors qu’elles
le pourraient.
Vous disiez aussi qu’il faut
préparer l’avenir…
Il faut accompagner plus d’entre-
prises sur les salons et les y aider
davantage financièrement. Nous
allons aussi donner de la visibilité
aux entreprises sur les platefor-
mes de commerce en ligne, car
80 % du commerce passe par in-
ternet. Préparer l’avenir, c’est
aussi faire en sorte que toutes les
entreprises accompagnées par le
programme France 2030 le soient
également du point de vue de
l’export.
Au total, ce plan comprend
treize mesures. À combien
le chiffrez-vous ?
L’ensemble des mesures, ce sont
125 millions d’euros. Mais son ef-
ficacité ne peut pas se mesurer à
son montant : une grande partie
 LE FIGARO jeudi 31 août 2023

ÉCONOMIE ÉCONOMIE 21

ançaise Londres reporte encore

travail trop élevés.
production, à 2027 repousse encore
l’allégement d’une pression fiscale
toujours très lourde.
Produits trop chers
Mais si les efforts engagés ont certes
été nombreux ces dernières an-
nées, pour réindustrialiser ou en-
core financer l’innovation, le che-
min à parcourir est encore long. Car
les entraves demeurent. Ainsi du
coût du travail, toujours bien plus
élevé dans l’Hexagone que chez ses
voisins : quand une heure de travail
coûte 41,80 euros en France, elle est
de 23,10 euros en Espagne et de
28,70 euros en Italie, pour une
moyenne européenne
34,20 euros. Ou encore du prix des
produits « made in France » qui,
s’ils sont loués pour leur qualité,
bénéficiant d’une bonne compéti-
tivité hors prix, sont jugés trop
chers par les importateurs, selon
une enquête de Rexecode.
À l’heure où le pays s’engage
pour la compétitivité de ses entre-
prises, il doit aussi, selon Olivier
Redoules, « davantage raisonner en
termes de marché mondial et adapter
son terreau en matière de fiscalité, de
prix de l’électricité ou encore de
compétences, pour que ses jeunes
pousses puissent grandir et faire la
différence ». ■
LES 13
MESURES
DU PLAN
EXPORT
■ Création du
« volontariat territorial de
l’export », avec une aide
à l’embauche pour le
recrutement d’un jeune,
en France, dédié à l’export.
■ Le VIE (volontariat
à international en
entreprise) encouragé
pour les jeunes issus
de quartiers prioritaires.
■ 5 000 entreprises par an
sur les salons
internationaux grâce
à une meilleure prise
en charge de leur coût.
■ Faire connaître l’offre
des PME françaises
grâce à des e-vitrines
sectorielles.
■ Proposer
un accompagnement
à l’export sur mesure
à 1 000 PME soutenues
par le plan France 2030.
■ Faire bénéficier
200 PME-ETI à fort
potentiel à l’export d’un
accompagnement intensif
« Booster » pris en charge
à 60 % par l’État.
■ Démarchage
systématique par l’État
des entreprises pour
les convaincre d’exporter.
■ Création de L’Académie
de l’export, pour former
les entrepreneurs.
■ Créer une marque pour
valoriser et renforcer
l’image des produits
français à l’international.
■ Mieux utiliser
les accords commerciaux
de l’Union européenne
pour investir de nouveaux
marchés.
ses contrôles post-Brexit
Par crainte d’aggraver l’inflation, le gouvernement britannique diffère
pour la cinquième fois des inspections sanitaires aux frontières.
ARNAUD DE LA GRANGE
£@arnodelagrange
CORRESPONDANT À LONDRES
EUROPE C’est la cinquième fois
que le gouvernement britannique
reporte la mise en œuvre de ses
contrôles sanitaires frontaliers
post-Brexit. En pleine bataille
contre l’inflation, il a dû admettre
que le nouveau régime ferait
grimper les prix. Au-delà des dis-
cours, il reconnaît ainsi de maniè-
re implicite l’impact de la sortie de
l’UE sur l’économie britannique.
Les formalités administratives
sur les importations de produits
alimentaires et frais provenant de
l’Union européenne, qui devaient
être mises en place pour la fin oc-
tobre, n’entreront en vigueur
qu’en janvier prochain. « Après
avoir écouté les points de vue du
secteur, le gouvernement a accepté
un délai de trois mois » pour ces
certificats sanitaires et phytosani-
taires ainsi que pour les contrôles
douaniers complets pour certai-
nes marchandises provenant d’Ir-
lande du Nord. Les contrôles phy-
siques, prévus pour janvier, ne
seront quant à eux mis en œuvre
qu’en avril 2024.
Les entreprises avaient deman-
dé un délai supplémentaire pour
se préparer et le Trésor avait aler-
té sur les risques d’impact sur
l’inflation globale. Tout en recon-
naissant cet effet, le gouverne-
ment l’a toutefois minimisé en es-
timant qu’il augmenterait le taux
de moins de 0,2 % sur trois ans.
Même si elle a freiné cet été, prin-
cipalement grâce au repli des prix
de l’énergie, l’inflation au Royau-
me-Uni reste la plus élevée des
pays du G7, à 6,8 % en juillet. Et
pour les produits alimentaires,
elle atteint plus de 19 %. Patron de
la Cold Chain Federation, qui re-
présente l’industrie logistique des
produits réfrigérés, Shane Bren-
nan a salué une « décision raison-
nable ». « Ces contrôles liés au
Brexit alimenteront l’inflation des
prix des denrées alimentaires quel
que soit le moment où ils seront in-
troduits. Et plus ils seront retardés,
mieux ce sera », a-t-il ajouté.
Les contrôles post-Brexit sur les
produits animaux et végétaux
auraient dû commencer en 2021,
après la sortie effective du pays de
l’UE. Ils n’ont cessé d’être repous-
sés. En revanche, dans l’autre
sens, des contrôles complets ont
été mis en place sur les exporta-
tions britanniques à destination de
l’UE depuis le début de l’année. Et
ce au grand au dam des fermiers
britanniques, qui estiment ne plus
pouvoir faire jeu égal avec leurs
homologues continentaux.
Le gouvernement vante une
nouvelle stratégie frontalière, ap-
pelée « Modèle opérationnel ci-
ble » (TOM, en anglais), qui va
permettre, grâce à la technologie,
de réduire la « paperasse » et de
faire de cette frontière « la plus ef-
ficace du monde ». Il s’agit notam-
ment de simplifier la saisie ou le
partage des données et d’utiliser
des scellés douaniers « intelli-
gents » ou des traceurs GPS. Avec
ces améliorations, Londres estime
que les coûts pour les entreprises
vont être réduits de 520 millions
de livres.
« Gâchis chaotique »
Un responsable des chambres de
commerce britanniques, William
Bain, s’est félicité de cette simpli-
fication, alors que les entreprises
« se préparent à la difficile transi-
tion vers un système commercial
numérique ». Tout en avertissant
le gouvernement que les nou-
veaux systèmes devront être opé-
rationnels dans les délais désor-
mais fixés. L’opposition travail-
liste ne se prive pas de dénoncer
un « gâchis chaotique » sur ce su-
jet des dispositions post-Brexit.
Et accuse le gouvernement de gé-
nérer « une énorme incertitude » En juillet dernier,
pour les entreprises avec ces les contrôles
changements et retards répétés. mis en place
Début août, le gouvernement sur les exportations
avait reculé sur une autre disposi- britanniques
tion post-Brexit. Il a ainsi décidé à destination de l’UE
de prolonger indéfiniment la vali- avaient provoqué
d’impressionnantes files
dité du marquage « CE » dans le d’attente en direction
pays pour toute une série de pro- du port de Douvres.
duits, plutôt que d’imposer la MATTHEWS ANDREW/
marque « UKCA » spécifique au
PA PHOTOS/ABACA
Royaume-Uni, comme cela avait
été initialement envisagé. Là en-
core, la pression des secteurs éco-
nomiques était forte. Une majori-
té des entreprises britanniques
voulait conserver le marquage
« liés
CE, qui atteste que le produit res- Ces contrôles
pecte les exigences réglementai- au Brexit
res européennes.
Le contexte économique com- alimenteront
me politique met le gouvernement l’inflation
sous forte pression. Il s’est engagé
à réduire de moitié l’inflation,
des prix
alors que la BoE a relevé ses taux des denrées
d’intérêt quatorze fois d’affilée alimentaires
depuis décembre 2021. L’écono- quel que soit
mie britannique a évité pour
l’heure la récession mais les in- le moment
quiétudes concernant un ralentis- où ils seront
sement se sont accrues la semaine introduits.
dernière, lorsqu’une mesure de
l’activité commerciale en août est Et plus
tombée à son plus bas niveau de- ils seront
puis janvier 2021. La « crise du retardés,
coût de la vie » qui affecte dure-
ment les ménages défavorisés res- mieux
te l’un des grands défis que doit
relever le premier ministre Rishi
ce sera »
SHANE BRENNAN,
Sunak avant les élections de l’an PATRON DE LA COLD
prochain. ■ CHAIN FEDERATION

Les ventes de voitures en Europe encore

du travail repose sur l’humain.
C’est cela qui peut donner une
vraie dynamique. Une dynami-
que qui a d’ailleurs déjà com-
mencé : nous ne comptions que
120 000 entreprises exportatrices
il y a quelques années, elles sont
150 000 aujourd’hui. Je fixe l’ob-
jectif qu’elles soient 200 000 à
horizon 2030. Il n’y a pas de rai-
son que nous ne fassions pas aussi
bien que les Italiens ! Et à mesure
que nous réduirons notre dépen-
dance aux énergies fossiles et que
nous réindustrialiserons, nous
réduirons notre déficit commer-
cial, jusqu’à ce que la balance re-
vienne en territoire positif. Je
inférieures de 22 % à celles de 2019
Le marché européen se redresse très progressivement. Sur sept mois,
les voitures 100 % électriques ont atteint 13 % des ventes. Tesla bondit.
■ Faciliter la participation
des entreprises françaises
dans les grands projets
et leurs échanges avec les
acheteurs internationaux.
+ 184,6 %
■ Dématérialiser
les procédures
de financement du
commerce international.
■ Moderniser
les financements exports
proposés aux PME,
en particulier pour
les projets de transition
VALERIE COLLET £@V_Collet
AUTOMOBILE Le marché automo-
bile européen, en convalescence
après trois ans de crise liée au Co-
vid, aux pénuries de composants et
aux difficultés logistiques, se re-
dresse progressivement. Juillet
marque le douzième mois de haus-
se consécutive des ventes. Au cours
Progression des sept premiers mois de l’année,
les ventes de voitures dans l’Union
des ventes de Tesla
européenne ont augmenté de
en Europe avec
17,6 %, comparé à la même période
152 270 véhicules
contre seulement l’an passé, totalisant 6,3 millions
d’unités. Mais, malgré les signes de
53 500 sur sept mois
en 2022 reprise, les volumes restent encore
inférieurs de 22 % à ceux de 2019.
La plupart des marchés ont en-
registré des hausses à deux chiffres
au cours de cette période de sept
(+ 20,9 %), France (+ 15,8 %) et Al-
lemagne (+ 13,6 %).
Pour les ventes du seul mois de
juillet, la part de marché des voitu-
res électriques à batterie a atteint
13,6 % (contre 9,8 % le même mois
de l’année précédente). Les voitu-
res hybrides non rechargeables
sont restées le deuxième choix des
acheteurs, derrière les thermiques,
avec plus d’un quart du marché.
Les hybrides rechargeables sem-
blent durablement distancées,
avec une part de marché stable à
7,9 % en juillet.
50 % des ventes
sont des thermiques
Les motorisations thermiques, es-
sence et diesel, font de la résistan-
ce : elles ont représenté la moitié
des ventes de voitures neuves. Le
tombée à 14,1 %, contre 17,9 % en
juillet de l’année dernière. Et cela
malgré une croissance en Allema-
gne (+ 2,7 %) et sur les marchés
d’Europe centrale et orientale, en
particulier en Slovaquie (+ 36,1 %)
et en Roumanie (+ 19,8 %).
Sur sept mois, Tesla est la mar-
que dont la croissance est la plus
spectaculaire en Europe : + 184,6 %
avec 152 270 ventes contre seule-
ment 53 500 sur sept mois en 2022.
Son usine de Berlin, entrée en ser-
vice en avril 2022, a porté ses fruits.
Au sein du groupe Stellantis, dont
les ventes progressent de 4,6 % en
comparant les sept premiers mois
de 2023 à ceux de 2022, les marques
Fiat et Citroën sont en recul de
3,2 %. Le groupe Renault gagne
quant à lui 23,1 % par rapport à
2022. Volkswagen aussi voit ses
A

suis persuadé que nous pouvons écologique. mois, y compris les quatre plus diesel continue à décliner (- 9,1 % ventes grimper de 23,4 % à
y arriver. ■ grands : Espagne (+ 21,9 %), Italie en juillet) : sa part de marché est 1,65 million de véhicules. ■
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO

22 ÉCONOMIE
ARMELLE BOHINEUST
abohineust@lefigaro.fr

ÉNERGIE L’Union européenne est

loin d’avoir mis fin à ses achats de
gaz russe, contrairement à une idée
répandue. Malgré l’invasion de
l’Ukraine, l’Europe ne sanctionne
pas le gaz en provenance de Mos-
cou, tout en cherchant à se libérer
de sa dépendance aux hydrocar-
bures russes. Le Kremlin a, de son
côté, stoppé une partie de ses li-
vraisons et les gazoducs Nord
Stream ont été sabotés. Résultat :
les livraisons de la Russie à l’UE par
tubes ont fondu.
Mais les achats par l’UE de gaz
naturel liquéfié (GNL) russe, trans-
porté par bateau, ont, à l’inverse,
bondi. Ils sont en hausse de 40 %
sur les sept premiers mois de l’an- Le pétrolier Sun Arrows
née, par rapport à la même période charge sa cargaison de gaz
de 2021, soit avant l’invasion, indi- naturel liquéfié, dans le port
quent les données du cabinet Kpler, de Prigorodnoye, en Russie,
relayés par l’ONG dédiée au déve- le 29 octobre 2021.

loppement durable Global Witness.
La Belgique, dont le port de Zee-
bruges est un haut lieu du transbor-
dement du GNL entre navires-ci-
ternes de l’Arctique et méthaniers
ordinaires, ainsi que l’Espagne,
sont devenus respectivement les
deuxième et troisième acheteurs de
GNL russe, derrière la Chine. L’UE
réalise 16 % de ses achats de GNL
auprès de Moscou, ce qui fait de la
Russie son deuxième fournisseur de
ce combustible liquide après les
États-Unis. En résumé, la moitié
des achats de gaz russe par l’UE
pour l’année 2023 concernera du
GNL (environ 42 millions de mètres
cubes), calcule l’économiste spé-
cialisé Thierry Bros.
Une évolution surprenante alors
que l’UE entend stopper sa dépen-
dance aux hydrocarbures russes
d’ici à 2027. Mais Bruxelles s’est
opposée tardivement au GNL. En
mars 2023, la commissaire euro-
péenne à l’Énergie, Kadri Simson,
a exhorté les États membres et les
entreprises à cesser d’acheter du
GNL russe. La ministre espagnole
de l’Énergie, Teresa Ribera, dont le
gouvernement préside actuelle-
ment pour six mois l’Union euro-
péenne, a demandé aux acheteurs
espagnols de ne pas signer de nou-
veaux contrats de GNL russe, qua-
lifiant la situation d’« absurde ».
Sur l’ensemble de l’année 2023,
les achats de GNL russe par l’UE
devraient atteindre 5,3 milliards
d’euros, estime Global Witness. Il
est incroyable « que des pays de
l’UE aient travaillé si dur pour se se-
vrer du gaz russe acheminé par ga-
AP
L’Europe dépend plus que jamais
du gaz naturel liquéfié russe
Depuis l’invasion de l’Ukraine, les importations de l’Union européenne par gazoduc
se sont réduites mais ses achats de GNL à Moscou ont bondi.
zoduc » pour le remplacer par du Les ventes de GNL russe ali- au premier semestre 2023, contre
Livraisons records de gaz russe par bateau gaz « transporté par bateau », s’in- mentent beaucoup moins le trésor 24 milliards d’euros au premier
IMPORTATIONS DE GAZ NATUREL LIQUÉFIÉ (GNL) RUSSE, surge Jonathan Noronha-Gant, de guerre de Vladimir Poutine que semestre 2022.
de janvier à juillet, en millions de m3 l’un des responsables de l’ONG. les exportations de gaz non liqui- Avec des réservoirs pleins à
Shell et TotalEnergies continuent de. Pour des raisons historiques, le 90 % dans l’Union européenne,
20 à vendre du GNL russe, déplore GNL est en effet « nettement moins l’hiver à venir ne suscite pas d’in-
Global Witness. TotalEnergies est taxé que le gaz expédié par gazo- quiétude forte. Mais « on a un
Pays actionnaire, aux côtés du chinois duc. Il rapporte environ quatre fois marché mondial fragile », parce
importateurs CNPC et de la compagnie russe No- moins à l’État russe », souligne que jusqu’en 2026 il n’y aura « pas
15 vatek, majoritaire, de la coentre- Thierry Bros. d’augmentation de capacité de
prise Yamal LNG. Celle-ci exploite production majeure » dans le GNL,
Autres des usines géantes de liquéfaction Marché mondial fragile a estimé mardi le PDG de TotalE-
au nord de la Sibérie. La compagnie La dépendance au GNL russe fra- nergies, Patrick Pouyanné.
Finlande
10 pétrolière française, qui détient gilise l’équilibre énergétique de Et l’offre est impactée par les
Portugal 20 % de Yamal LNG, assure veiller l’Union européenne. Le prési- grèves en Australie sur des sites de
Grèce au « strict respect des sanctions dent Vladimir Poutine pourrait production ou par le recul des li-
européennes ». Dans l’immédiat, il stopper les expéditions comme il vraisons en provenance de Norvè-
Pays-Bas lui serait difficile de sortir de la l’a déjà fait pour une partie des ge, tombées à un niveau faible en
5
France coentreprise sans risquer de très livraisons par gazoducs. Ce qui a raison de travaux de maintenance.
Belgique grosses amendes infligées par Mos- d’ailleurs lourdement fait chuter De quoi ajouter à l’incertitude sur
cou. Et, si elle y parvenait, sa les profits du géant public Gaz- l’évolution des cours du gaz en
Espagne quote-part de cargaisons de GNL prom. Celui-ci a annoncé mardi Europe, qui avait bondi à plus de
0
continuerait à être expédiée, mais une division par plus de huit de 330 euros par mégawattheure
2021 2022 2023 plutôt vers l’Asie que vers l’Europe, son bénéfice net, à 2,8 milliards l’été dernier et est retombé depuis
Source : FT/Global Witness, Kpler Infographie assure un proche du groupe. d’euros (296 milliards de roubles) à près de 35 euros. ■

Air France et Airbus veulent s’allier dans la maintenance

La compagnie et l’avionneur sont prêts à créer une coentreprise pour entretenir des équipements de l’A350.
JEAN-YVES GUÉRIN £@jyguerin
TRANSPORT Air France et Airbus
veulent faire un bout de chemin en-
semble. Selon nos informations, la
compagnie aérienne française et
l’avionneur européen ont l’inten-
tion de créer une coentreprise à
50/50. Son objet ? Assurer une par-
tie de la maintenance des A350, un
des best-sellers d’Airbus. La bran-
che industrielle d’Air France et
l’éternel concurrent de Boeing veu-
lent avancer vite sur ce projet bap-
tisé Cyrus. Le temps de notifier
l’opération à la Commission euro-
péenne et d’obtenir l’aval des auto-
rités de la concurrence, les deux
groupes aimeraient que cette entité
soit opérationnelle début 2024.
C’est que le marché n’est pas
anecdotique : depuis son lancement
au début des années 2010, 550 A350
ont été livrés à une multitude de
transporteurs aériens (Air China,
Delta Airlines, Air France…). En
outre, près de 1 030 commandes ont
été passées. Attention, cette joint-
venture n’a pas pour intention de
gérer l’entretien des moteurs, de la
compagnie tricolore a une division
qui entretient et répare ses propres
appareils, mais aussi ceux d’autres
transporteurs aériens. Sur les 14
milliards d’euros de chiffre d’affai-
res réalisés par Air France-KLM au
premier semestre, plus de 1 mil-
liard a été apporté par cette bran-
che industrielle. Avec, à la clé, une
marge d’exploitation de 4,4 %. De
son côté, quand Airbus vend des
avions à des compagnies, il leur
propose de gérer la maintenance.
Une activité qu’il confie à des sous-
traitants en leur apportant son sa-
voir-faire technique.
Une palette de services
élargie
Il n’empêche, l’alliance entre un
avionneur et une compagnie aé-
rienne qui vont apporter des
compétences différentes est assez
inédite. Et en mettant leurs forces
en commun sur l’A350, les deux
groupes fondent de grandes am-
bitions : aujourd’hui, c’est la di-
vision industrielle de Lufthansa
qui est leader de la maintenance
des équipements de l’A350 avec
40 % de part de marché. Elle de-
vance Air France et Airbus qui
s’arrogent 20 % chacun. À eux
deux, ils vont donc atteindre le
même niveau que la compagnie
allemande. Et ils comptent bien
aller plus haut.
Le plan pour y parvenir ? Regar-
der sur quel type d’équipement Air
France est meilleur en maintenance
qu’Airbus et vice-versa. Et spéciali-
ser chacune des deux équipes sur les
domaines où son offre sera la plus
compétitive. Avec ces savoir-faire
étendus, la joint-venture devrait
aussi offrir une palette de services
élargie aux compagnies clientes ou
prospects. Autre avantage escomp-
té, des synergies génératrices
d’économies. Ainsi, pour optimiser
les coûts logistiques, c’est plutôt
Airbus qui s’occupera de l’achemi-
nement des pièces en Asie-Pacifi-
que et Air France ailleurs. Plus gros,
le nouvel acteur escompte aussi
acheter moins cher certains équi-
pements. Air France estime, pour
ce qui le concerne, que ses gains sur
les coûts pourraient dépasser les
100 millions de dollars en dix ans.
Du côté du transporteur bleu-
blanc-rouge, cette volonté d’aller
de l’avant constitue une bonne
nouvelle : c’est le premier projet de
développement depuis bien long-
temps. Suppressions de 7 500 pos-
tes au sein de la compagnie, recapi-
talisation… le groupe qui a cumulé
plus de 10 milliards de pertes pen-
dant les deux annus horribilis de la
pandémie (2020, 2021) a subi un
choc sans précédent.
Projet mobilisateur
Même s’il est sorti de l’œil du cyclo-
ne et a renoué avec les bénéfices
(260 millions au premier semestre
2023), il ressent toujours les consé-
quences du Covid : au troisième tri-
mestre, l’offre de sièges reste infé-
rieure d’à peu près 5 % à ce qu’elle
était en 2019. La dernière année a
surtout été rythmée par des opéra-
tions financières qui ont permis à
L’Airbus A350
d’Air France, le 18 juillet,
sur le tarmac
de l’aéroport Roissy-
Charles-de-Gaulle
(Val-d’Oise).
BERTRAND GUAY/AFP
Air France-KLM de retrouver sa li-
berté de manœuvre en remboursant
ses prêts d’État et en restaurant son
bilan. Indispensable mais pas forcé-
ment mobilisateur. Avec le projet
Cyrus, Air France reparle de crois-
sance d’activité. Tout cela sans ris-
ques pour ses personnels de mainte-
nance basés en Île-de-France :
qu’ils travaillent sur le site de Ville-
neuve-le-Roi ou de Roissy, leurs
conditions de travail (horaires,
rythmes…) resteront les mêmes.
Côté Airbus, ce partenariat inter-
vient dans un contexte moins cha-
huté. Dès 2021, le groupe affichait
un profit record de 4,2 milliards.
Aujourd’hui, il est le premier avi-
onneur mondial civil devant
Boeing, qu’il s’agisse de l’épaisseur
de son carnet de commandes ou de
ses livraisons d’appareils. Mais s’il
est d’abord et avant tout un fabri-
cant d’avions, Airbus ne cache pas
son intention de pousser ses pions
dans les services.
En 2022, quand sa branche avia-
tion commerciale a fait un chiffre
d’affaires de 41 milliards d’euros,
3,1 milliards venaient des services.
La coentreprise avec Air France

550
carlingue ou des sièges de ces appa-
reils. Elle se concentrera sur la révi-
sion ou la réparation des équipe-
ments de ce long-courrier.
Essentiellement des éléments mé-
caniques et électroniques comme
des calculateurs de bord.
A
Preuve qu’il s’agit d’une alliance s’inscrit dans cette logique.
où chacun des partenaires a le D’ailleurs, il se murmure que si Cy-
même poids, cette société serait di- rus fonctionne bien, les deux grou-
rigée par deux patrons (un nommé pes pourraient envisager d’élargir
par Air France et un par Airbus). leur coopération à la maintenance
A350 Sur les douze collaborateurs du QG, d’un autre appareil d’Airbus :
ont été livrés qui se trouvera à Orly, six seront l’A220. Contactés, Airbus et Air

Air France et Airbus ne partent dans le monde détachés de la compagnie aérienne France n’ont souhaité réagir sur
pas de zéro dans la maintenance : la et six autres de l’avionneur. aucun de ces points. ■

ENTREPRISES
Après l’escale Covid, la croisière redémarre
Malgré les critiques, le secteur prévoit de dépasser ses niveaux d’activité d’avant-pandémie cette année.
MATHILDE VISSEYRIAS
£@MVisseyrias
TOURISME Réputée pour être
polluante, en plus d’incarner un
tourisme de masse, la croisière
attire pourtant les foules. Restées
à quai pendant des mois à cause
du Covid, des centaines de pa-
quebots, véritables villes flottan-
tes, ont refait le plein cet été.
Comme si cela ne suffisait pas, ils
se préparent à vivre une très
bonne arrière-saison. « Je vais
pulvériser mes objectifs de la sai-
son, lance Patrick Pourbaix, di-
recteur général de MSC Croisiè-
res France. L’été a été très bon
grâce aux familles, avec un volu-
me d’affaires supérieur au record
de 2019. Mais les Français retrou-
vent leurs habitudes de réserva-
tions d’avant-Covid : ils sont plus
nombreux à partir en septembre et
en octobre qu’en juillet et août. »
Pierre Pelissier, président de
Croisieres.fr, agence de voyages
en ligne spécialisée dans les croi-
sières, se frotte les mains. « Les
croisières que nous vendons pour
des départs en septembre, octobre
et même novembre sont pleines,
constate le professionnel. Avant
le Covid, déjà, l’arrière-saison
avait le vent en poupe. La tendan-
ce s’amplifie. » La période cumu-
le les avantages : la météo est
plus agréable, les prix moins éle-
vés et les bateaux moins pleins,
car les cabines sont occupées par
des couples et non plus des fa-
milles avec enfants.
À cause de l’envolée des prix
des billets d’avion, les Français
plébiscitent cette année les croi-
sières en Méditerranée (Corse,
Grèce, Malte, Ibiza…) plutôt que
les Caraïbes. Les départs se font
de Marseille surtout et dans une
moindre mesure Barcelone et Gè-
nes. Cet été, Croisieres.fr a vendu
des circuits d’une semaine à par-
tir de 3 000 euros la cabine (avec
balcon), et jusqu’à 30 000 euros
pour les plus chères. En arrière-
saison, les premiers prix com-
mencent à 2 000 euros.
Défis écologiques
Ce retour en grâce de la croisière
est inespéré. Il y a encore quelques
mois, l’industrie tournait au ra-
lenti, alors que les voyages avaient
repris à marche forcée. Remettre
en route les bateaux a pris du
temps. Le souvenir du Diamond
Princess, en quarantaine au large
du Japon début 2020, continuait
de faire du tort à la profession.
Même si, depuis, des protocoles
sanitaires stricts avaient été mis
en place. Il a fallu attendre janvier
pour que la demande retrouve des
couleurs. « C’était une surprise,
reconnaît Patrick Pourbaix. Les
clients sont revenus massivement.
Comme avant le Covid, ils ont ré-
servé quatre à six mois à l’avance
leur croisière. Je crois que nous
avons profité d’un rapport qualité-
prix imbattable. Nos prix ont re-
trouvé leur niveau de 2019, alors
qu’ils ont terriblement augmenté
partout ailleurs (hôtel, location sai-
sonnière, restaurant…). » En plus,
de nombreux bateaux sortent à
peine des chantiers : ils sont flam-
bant neufs.
L’Association internationale des
compagnies de croisières (Clia)
n’hésite plus à donner des prévi-
sions optimistes. En 2022, elle
n’avait retrouvé que 60 % des ni-
veaux d’activité de 2019. « Nous
pensons dépasser le record de fré-
quentation de 2019, qui était de
29,7 millions de passagers au ni-
veau mondial. Notre projection est
de 31,5 millions de passagers pour
l’ensemble de 2023 », chiffre Ma-
rie-Caroline Laurent, directrice
de Clia Europe. En plus des habi-
tués qui reviennent, la croisière
attire de nouveaux venus. Les
croisiéristes restent principale-
ment des familles (parents, en-
fants, grands-parents). Mais on
voit arriver une clientèle plus jeu-
ne, notamment des millennials,
venant entre amis. Soucieuse de
contrôler son budget vacances,
elle est attirée par les formules
tout compris que proposent les
compagnies. Elle plébiscite aussi
11
paquebots
les excursions, qui sont de plus en
plus variées (sorties à la journée à
vélo, randonnées, descentes en
kayak…). « La clientèle n’a jamais
été aussi jeune, constate Marie-
sur 350 navires Caroline Laurent. L’âge moyen est
de toutes tailles, descendu autour de 42 ans. »
à l’échelle de la planète, Malgré cette reprise, l’industrie
sont actuellement reste sous le feu des critiques pour
propulsés au GNL la pollution (de l’air, de l’eau et du
(gaz naturel liquéfié) paysage) causée par ses paquebots
et 38 entreront
en service d’ici à 2028
XXL, capables d’accueillir plu-
sieurs milliers de passagers. Plus
que jamais, elle doit prouver
qu’elle fait tout pour « verdir » ses
bateaux. C’est une question de
survie. Sans cela, elle ne sera pas
capable d’attirer les nouvelles gé-
nérations, de plus en plus sensibles
à un tourisme durable. Elle peinera
également à faire escale dans les
ports. Chaque nouveau bateau
Le navire de croisière pollue moins que le précédent.
MSC Euribia arrive Onze paquebots (sur 350 navires
au port de Kiel de toutes tailles, à l’échelle de la
(Allemagne), le 10 juin. planète) sont actuellement pro-
MARKUS SCHOLZ/DPA pulsés au GNL et 38 entreront en
PICTURE-ALLIANCE VIA AFP service d’ici à 2028. Sept navires
Le succès croissant de la location de bateaux, avec ou sans skipper
Des vacances sur l’eau, en petit co-
mité, en famille ou entre amis. La
formule séduit de plus en plus,
grâce à la location de bateaux (voi-
lier, catamaran…). À la journée ou
à la semaine, avec ou sans skipper
DREAM YACHT
et cuisinier, les vacanciers n’ont
jamais été aussi nombreux à pren-
dre la mer.
Dream Yacht, leader mondial de
Depuis la location de bateaux, a fait voya-
ger près de 51 000 personnes cet
la fin été, sur l’un des 830 bateaux qu’il
du Covid, gère. Des Européens, comme des
50 % de notre Américains. La plupart des clients
ont opté pour la Méditerranée, mais
clientèle la demande a doublé pour la Poly-
n’y connaît nésie et la progression est à deux
rien à la chiffres pour la Martinique. Les
Français ont plébiscité la Corse, la
navigation Côte d’Azur, l’Italie, mais aussi les
en mer. Antilles et les Seychelles.
Nous gagnons « En juillet et août, le taux de rem-
plissage est de 85 % et même de 95 %
des parts dans la Méditerranée, constate Loïc
de marché Bonnet, président fondateur de
sur des clubs Dream Yacht. Nous sommes très sa-
tisfaits, d’autant que septembre
de vacances s’annonce record. Pour l’arrière-
et des hôtels
LOÏC BONNET,
» saison comme cet été, on voit le
grand retour des Américains en Mé-
PRÉSIDENT FONDATEUR diterranée. »
DE DREAM YACHT Passionné de nautisme et de
voyages, cet entrepreneur, qui a
commencé sa carrière dans le jour-
en commande seront capables
d’utiliser le méthanol vert. « De
nombreux tests sont en cours pour
augmenter l’utilisation du biodiesel
dans les navires existants », ajoute
la directrice de Clia Europe. En
juillet, le croisiériste de luxe Po-
nant a dévoilé un nouveau navire à
zéro émission de gaz à effet de ser-
re, qui doit prendre la mer en
2030. Son mix énergétique combi-
“deDans l’intérêt
tout le monde, nous
voulons contribuer
à un tourisme
”
raisonné
MARIE-CAROLINE LAURENT,
DIRECTRICE DE CLIA EUROPE
ne propulsion à la voile, énergie
solaire, bio-GNL, carburants de
synthèse et hydrogène liquide, as-
sociés à un système très innovant
de piles à combustible.
Dans l’ensemble, le secteur a
promis de réduire l’intensité de
ses émissions de CO2 de 40 % en
nalisme, a lancé Dream Yacht (de-
puis racheté par Beneteau et le
fonds tchèque PPF) en 2000.
Vacances tout compris
Il a constaté une démocratisation de
ses services depuis une dizaine
d’années puis l’arrivée d’une clien-
tèle n’y connaissant rien au nautis-
me. « La formule propose une expé-
rience exceptionnelle pour des
vacances tout compris, pense le diri-
geant. En haute saison, il faut comp-
ter à partir de 12 000 euros pour louer
Cet été, 50 000 personnes ont voyagé sur l’un des 830 bateaux
du leader mondial de la location, Dream Yacht. DREAM YACHT
2030 (par rapport à 2008) et d’at-
teindre la neutralité carbone en
2050. MSC Croisières, leader
européen et numéro trois mon-
dial, a déjà baissé de 35 % ses
émissions de CO2, grâce à de mul-
tiples changements : réduction de
la vitesse, itinéraires plus courts,
optimisation de la consommation
énergétique à bord…
Les armateurs ont par ailleurs
engagé des discussions avec les
autorités portuaires, afin de bran-
cher leurs bateaux à quai et pou-
voir ainsi éteindre les moteurs.
Onze ports en Europe sont équipés
de ces branchements électriques
(Gènes, Hambourg…). Marseille se
prépare pour 2025.
Cela ne suffit pourtant pas à
contenir la pression de nom-
breux habitants et élus. Le mois
dernier, le conseil communal
d’Amsterdam a adopté une mo-
tion visant la fermeture d’un im-
portant terminal de bateaux de
croisière dans son centre-ville.
« Les croisières polluantes ne cor-
respondent pas aux ambitions du-
rables de notre ville », a déclaré la
un catamaran (avec skipper), capa-
ble d’accueillir huit personnes. De-
puis la fin du Covid, 50 % de notre
clientèle n’y connaît rien à la naviga-
tion en mer. Nous gagnons des parts
de marché sur des clubs de vacances
et des hôtels. »
Cet été, Dream Yacht a innové,
en renforçant son offre de croisières
à la cabine (les vacanciers se
contentent de louer une cabine et
pas tout le bateau), avec des prix à
partir de 750 euros par personne,
une semaine au départ de Dubro-
LE FIGARO jeudi 31 août 2023
23
formation de centre libéral D66,
à l’origine de la motion, qui diri-
ge la ville aux côtés des sociaux-
démocrates et des écologistes. À
la suite d’un accord signé en
2018 entre la ville et les autorités
portuaires, Barcelone va fermer
son port le plus proche du cen-
tre-ville. Les bateaux de croisiè-
re seront redirigés vers le Moll
Adossat, un port plus excentré.
Les compagnies de croisières
sont par ailleurs priées de mieux
organiser les flux de passagers
dans les villes où elles font des
haltes. « Dans l’intérêt de tout le
monde, nous voulons contribuer à
un tourisme raisonné, assure Ma-
rie-Caroline Laurent. Pour résou-
dre l’engorgement des Ramblas à
Barcelone, nous avons désormais
plusieurs points de dépose des pas-
sagers dans la ville. » En partena-
riat avec le ministère de la Cultu-
re grec à Athènes, la Clia a
également mis en place cet été
des actions pour mieux coordon-
ner les arrivées à l’Acropole. Des
gages de bonne conduite indis-
pensables pour assurer l’avenir. ■
vnik. De nouveaux itinéraires se-
ront lancés l’été prochain, au dé-
part de Corfou et de Naples.
En plus de vendre des croisières à
la semaine, Dream Yacht propose
des sorties à la journée, que les in-
ternautes réservent sur la platefor-
me de location de sa filiale SamBoat.
La formule qui concerne surtout des
bateaux à moteur, est elle aussi en
vogue. SamBoat a vu ses réserva-
tions bondir de 45 % fin août, suite à
la canicule. Dans la même veine,
son concurrent Click & Boat, qui
référence 50 000 bateaux, annonce
un chiffre d’affaires en hausse de
40 % depuis le début de l’année.
« Dans un marché mondial en crois-
sance de 6 % à 8 % par an, la location
en ligne gagne des parts de mar-
ché », précise Édouard Gorioux, co-
président de Click & Boat.
Dream Yacht table pour sa part
sur une croissance de l’ordre de
20 % de son chiffre d’affaires en
2023. « La location représente envi-
ron 50 % de notre activité, précise
Loïc Bonnet. Le reste provient de la
vente de bateaux à des investisseurs
plaisanciers, que nous gérons ensuite
pour leur compte. » En raison de la
très forte augmentation des prix des
bateaux et des taux d’intérêt, cette
A
activité s’est complexifiée ces der-
niers mois ■ M. V.
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO
24 ENTREPRISES
Free profite de sa stratégie tarifaire
L’opérateur télécoms a gagné près de 130 000 abonnés net sur mobile grâce à des prix bloqués jusqu’à 2027.
LUCAS MEDIAVILLA £@Lucas_Medv
TÉLÉCOMS Qu’il semble loin le
temps où Iliad accusait une hé-
morragie d’abonnés à la fois sur le
fixe et le mobile. À la lumière des
résultats semestriels publiés ce
mercredi, l’opérateur télécoms
détenu par Xavier Niel continue de
surfer sur une bonne dynamique
commerciale. Dans l’Hexagone, sa
marque Free connaît une hausse de
7,7 % de ses ventes, à 1,4 milliard
d’euros sur le trimestre par rapport
à l’an passé. Sur le semestre, l’en-
treprise atteint quasi les 3 milliards
d’euros, là encore en hausse de
7,7 % sur un an, la plus nette pro-
gression depuis cinq ans. « C’est
une croissance qui n’est pas tirée
artificiellement par des hausses de
prix : nous sommes le seul opérateur
à ne pas en avoir fait », insistait ce
mercredi le directeur général d’Il-
iad, Thomas Reynaud, lors d’une
conférence de presse.
Dans un contexte d’inflation qui
impacte le pouvoir d’achat des mé-
nages, l’opérateur télécoms a en ef-
fet pris la décision de bloquer le ta-
rif de ses forfaits mobiles à 2 euros
et à 19,99 euros par mois jusqu’à
2027. Et ce alors que ses concur-
rents (Orange, Bouygues Telecom,
SFR) ont augmenté leurs prix. Free
a également joué la carte du bou-
clier inflation durant l’été en aug-
mentant le volume de data disponi-
ble aussi bien pour son « Booster »
(option du forfait à 2 euros) que
pour le forfait Free 5G (19,99 euros)
Les start-up industrielles
face au casse-tête
du financement
Le gouvernement mise aussi sur elles
pour la réindustrialisation de la France.
FLORA MORAGLIA
INNOVATION « Il y a dix ans, je
n’aurais sans doute pas fait le
choix de lancer mon projet en
France. Mais, aujourd’hui, les ins-
titutions en ont fait un creuset ex-
ceptionnel, notamment pour soute-
nir des projets deeptech (basés sur
une rupture technologique déve-
loppée en lien avec la recherche,
NDLR) », raconte Sarah Lamai-
son, CEO et cofondatrice de la
start-up française Dioxycle, qui
développe une technologie indus-
trielle de rupture recyclant les
émissions de carbone en les
transformant en produits chimi-
ques durables. Ingénieur de for-
mation, Sarah Lamaison a effec-
tué des études doctorales et
postdoctorales sur la conversion
du CO2 au Collège de France et à
l’Université de Stanford aux
États-Unis, et a lancé sa start-up
en France avec David Wakerley,
ingénieur britannique.
Dioxycle n’est pas un cas isolé :
la France compte plus de
2 000 greentechs (start-up de
l’environnement), dont 47 % ont
des enjeux industriels. Elles
étaient 800 en 2021. Nombre
d’entre elles sont des deeptechs.
Ces nouvelles entreprises sont un
vivier crucial alors que le gouver-
nement mise sur les start-up, et
pas uniquement sur les entrepri-
ses installées, pour réindustriali-
ser la France. « Nous sommes
aujourd’hui à un moment clé où la
réindustrialisation de la France est
en lien direct avec les questions cli-
matiques. La France est sans doute
passée en partie à côté de l’ère du
numérique, c’est pourquoi elle se
doit d’être au rendez-vous sur le
sujet de la réindustrialisation »,
souligne Paul-François Fournier,
A
directeur exécutif de la direction
de l’innovation de Bpifrance. Sa-
sans toucher aux prix. Cette straté-
gie, combinée à la simplicité des
offres, lui a permis de se position-
ner comme leader des recru-
tements, avec 128 000 nouveaux
abonnés net sur le mobile sur le
dernier trimestre. Le groupe profite
également de ses investissements
dans la fibre avec un gain de
205 000 abonnés, portant son total
à 5 millions de clients. « Nous pro-
cédons à près de 15 000 raccorde-
ments par jour, et comptons désor-
mais sept abonnés fixes sur dix à la
chant que le secteur industriel re-
présente aujourd’hui 10 % du PIB
en France contre 24 % en 1980.
Début février, Emmanuel Ma-
cron a demandé à la French Tech
de contribuer à l’effort de réin-
dustrialisation du pays avec
l’ouverture de 100 sites d’ici à
2025. Start Industrie, la petite
sœur de France Industrie (fédéra-
tion de l’industrie), a dénombré
de son côté 35 ouvertures de sites
par des start-up en 2022.
Accélérer les procédures
administratives
En parallèle, la loi Industrie verte
adoptée fin juillet 2023 permet
l’accélération des procédures ad-
ministratives pour la réindustria-
lisation. « La facilitation des im-
plantations industrielles portée par
cette loi est très importante pour
nous. Une start-up, même indus-
trielle, vit dans une chronologie qui
est de l’ordre du mois. La rapidité
est une clé du succès - et c’est ce qui
fait la force même des start-up.
Faire face à des bureaucraties, des
blocages potentiels de plusieurs
mois, voire années, est l’ennemi
même de la start-up : elle doit avoir
des réponses rapidement, pour
prendre des décisions rapidement,
pour conquérir les marchés rapide-
ment », réagit Romain Moulin co-
fondateur et CEO d’Exotec, four-
nisseur de solutions robotiques
pour les entrepôts et la première
licorne industrielle française.
L’Hexagone a des progrès à faire
en la matière. « Le temps des en-
treprises, imposé par l’évolution
rapide du marché et le positionne-
ment de la concurrence asiatique et
américaine, est rarement en phase
avec celui de l’administration en
charge des aides publiques », alerte
Thibault Tallieu, directeur marke-
ting et communication de EODev,
start-up française qui développe
des générateurs à hydrogène.
Le directeur général fibre, c’est le meilleur taux » parmi
d’Iliad, Thomas la concurrence, indiquait ce mer-
Reynaud, lors credi le directeur général de Free,
de l’inauguration Nicolas Thomas.
de la 200e boutique Au total, Free compte désormais
Free, le Big Bang Store,
plus de 21,8 millions d’abonnés
à Paris, le 22 mai.
ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
dans l’Hexagone. S’il n’augmente
pas les prix de ses forfaits, l’opéra-
teur bénéficie néanmoins d’une
augmentation importante de son
revenu moyen par abonné (+ 3,6 %
sur le fixe, 4,5 % sur le mobile), lié à
la migration progressive des abon-
nés vers les forfaits à 19,99 euros
Sur la ligne
d’assemblage du GEH2,
le groupe électro-
hydrogène zéro
émission développé par
EODev, à Montlhéry,
dans la région
parisienne.
Avec France 2030, le plan qui
vise à la création de nouvelles fi-
lières industrielles et technologi-
ques, l’État s’est également donné
des moyens financiers. Le mon-
tant accordé s’élève à hauteur de
« sommes
54 milliards d’euros sur cinq ans,
Nous incluant 3 milliards pour investir
dans les start-up et les licornes de
un
demain. Bpifrance, qui investit
levier pour aux côtés d’acteurs privés, joue un
les start-up rôle clé dans cet écosystème.
« Nous sommes un levier pour les
industrielles,
start-up industrielles, à travers des
à travers prêts, des subventions, de l’inves-
des prêts, des tissement direct en fonds propres,
et en participant à des fonds d’in-
subventions,
vestissement. Le but est qu’un euro
de l’investis- public devienne trois ou quatre
sement direct euros du privé », illustre Paul-
en fonds François Fournier.
propres, et Baisse des levées de fonds
en participant au premier semestre
à des fonds Mais le financement reste malgré
tout une difficulté pour les start-
d’investis- up industrielles. Au premier se-
sement. Le mestre de l’année 2023, les levées
but est qu’un de fonds des start-up ont dimi-
nué de moitié par rapport au
euro public premier semestre 2022, tous
devienne secteurs confondus. Les jeunes
trois ou pousses françaises ont levé
4,3 milliards d’euros, selon le ba-
quatre euros romètre EY dévoilé en juillet der-
du privé »
PAUL-FRANÇOIS
nier. Pour l’instant, les start-up
industrielles ne sont pas trop pé-
FOURNIER, nalisées. Celles qui avaient levé
DIRECTEUR EXÉCUTIF des fonds en 2022 ont le temps de
DE LA DIRECTION voir venir. Et certaines utilisent
DE L’INNOVATION
DE BPIFRANCE une autre option : elles rejoignent
de plus grandes entreprises, en
étant totalement ou partiellement
rachetées.
En France, le résultat opérationnel
de Free atteint ainsi 1,6 milliard
d’euros au premier semestre, en lé-
gère hausse de 1,7 % sur un an. La
trésorerie opérationnelle est en
baisse de 13 % à cause d’investisse-
ments toujours importants. Le grou-
pe s’attend toutefois à une détente
sur sa facture d’énergie en 2024,
d’une part grâce à une meilleure
couverture des prix, mais aussi grâ-
ce à des actions sur l’efficacité éner-
gétique ainsi que des contrats
d’achats d’électricité renouvelable
passés avec les énergéticiens.
Au-delà de la France, Iliad bénéfi-
cie des performances de ses positions
en Italie et en Pologne, avec des re-
venus respectivement en hausse de
12,2 %, à 252 millions d’euros, et de
17,9 %, à plus de 1 milliard d’euros.
En Italie, dernier pays ouvert par le
groupe de Xavier Niel, le groupe re-
crute encore massivement des
abonnés mobiles, la hausse étant
bien plus modeste sur la fibre, tech-
nologie où le pays transalpin est en
retard. Fort d’un endettement plus
sur le mobile, et le succès sur le fixe contenu que ses concurrents, ainsi
des Freebox Delta et Pop, plus chè- que d’un bon niveau de liquidités, Il-
res que la Freebox Révolution. iad continue de se dire à l’affût d’op-
portunités de consolidation. Encore
Le coût de l’énergie faut-il qu’elles se manifestent. Inter-
contraint les marges
rogé sur l’éventualité d’une opéra-
Cette dynamique commerciale tion en France, vu les difficultés de
compense en partie une inflation son concurrent Altice (SFR), Thomas
toujours galopante des prix de Reynaud s’est montré prudent : « Ce
l’énergie qui contraignent les mar- qui est sûr, c’est que Free ne sera ja-
ges du groupe. « Une grosse partie de mais à vendre. Si on a la possibilité de
la croissance est absorbée par la grandir et que nos concurrents sou-
hausse des coûts », souligne Nicolas haitent se vendre… Mais il n’y a pas de
Jaeger, directeur financier d’Iliad. sujet actuellement. » ■
EN BREF
LES OPÉRATEURS
DU SAMU EN GRÈVE
£ Des représentants des assistants
de régulation médicale (ARM),
opérateurs du Samu en grève
dans les trois quarts du territoire
pour réclamer notamment
une revalorisation salariale,
appellent à se rassembler
le 7 septembre devant le ministère
de la Santé. Commencée
le 3 juillet, la grève se voit peu,
car les ARM grévistes sont,
EMMANUEL DUNAND/AFP
comme beaucoup de soignants,
généralement assignés
par l’administration.
RÉINDUSTRILISATION
DES FONDERIES
DU POITOU
« Il existe tout un système de sou-
tien aux start-up via la Caisse des £ Un an après la fermeture du site
dépôts ou Bpifrance, mais l’aide pu- des Fonderies du Poitou,
blique doit surtout être renforcée le tribunal de commerce de Paris
pour les phases d’accélération des vient de rendre sa décision.
entreprises au bout de quelques an- Lhyfe, producteur et fournisseur
d’hydrogène vert, et TSE,
nées d’existence », avertit Thibault
Tallieu, de EODev. C’est à ce mo- producteur indépendant français
ment-là que les start-up ont le plus d’énergie solaire,
vont réindustrialiser le site avec
besoin d’argent. Et c’est particu-
lièrement vrai pour celles de l’in- notamment l’installation d’un
dustrie, qui doivent disposer des parc de panneaux photovoltaïques
fonds pour construire et roder et une unité de production
d’hydrogène vert, avec le soutien
leurs usines..
Aujourd’hui, les start-up in- de la région Nouvelle Aquitaine.
dustrielles françaises sont la plu- Un investissement, à termes,
part très jeunes. Elles sont en pha- de plusieurs centaines de millions
d’euros pour la création
se d’amorçage ou viennent de
réaliser une levée de fonds en sé- de 250 à 300 emplois.
rie A (première levée d’importan-
ce après l’amorçage). Mais il faut VINCENT GIRET REJOINT
préparer l’avenir. « Une grande
partie de ces entreprises est en LES ÉCHOS-LE PARISIEN
phase de pré-industrialisation, le £ Selon nos informations,
potentiel à venir est considérable. le directeur de l’information
Ces start-up seront à l’origine de et des sports de Radio France,
l’ouverture de nombreuses usines dont le départ a été annoncé
dans l’ensemble de l’Hexagone mercredi soir par la Maison
dans les prochaines années. Beau- ronde, a été recruté par le
coup a déjà été fait par l’État - via groupe Les Échos-Le Parisien.
France 2030 notamment -, mais Vincent Giret va participer
l’accompagnement sur mesure doit à la conception de projets
être renforcé pour faciliter la de diversification consacrés
concrétisation des projets portés au développement durable.
par les start-up industrielles », in- Il sera notamment chargé
siste Jean-Philippe Thierry, di-
recteur de Start Industrie.
de la création d’un média
numérique centré sur
« Aujourd’hui, l’écosystème des la transition écologique.
start-up industrielles existe en
France. Mais il n’est pas totalement
» Évincée de
abouti, notamment du fait des fi-
nancements privés plus modestes
+@ la Commission européenne,
l’économiste Fiona Scott
qu’ailleurs », conclut Sarah La- Morton s’en prend à la France
maison, de Dioxycle. ■ www.lefigaro.fr/economie
 LE FIGARO jeudi 31 août 2023

ENTREPRISES 25

La fête
est finie
pour les Spac
en Bourse
Plusieurs de ces véhicules financiers
ont été liquidés et aucun lancement
n’a eu lieu en France cette année.
banquiers Jean-Pierre Mustier et
HERVÉ ROUSSEAU Diego De Giorgi ainsi que Tikehau
hrousseau@lefigaro.fr
Capital - a décidé de jeter l’éponge
mi-avril. Introduit au printemps
MARCHÉS Le vent a tourné : les 2021 à la Bourse d’Amsterdam, Pe-
Spac (Special Purpose Acquisition gasus Europe avait levé le montant
Company) ont pratiquement dispa- record de 483 millions d’euros, qui
ru des radars. Ils avaient enflammé ont été intégralement rendus aux
Wall Street dès 2020, avant de investisseurs. Pegasus Europe visait
conquérir l’Europe un an plus tard. essentiellement le rachat de sociétés
Aujourd’hui, le soufflé est retombé. de services financiers, d’asset ma-
Cette année, personne ne s’est lan- nagers, de courtiers, de spécialistes Faute d’avoir trouvé des Spac est particulièrement sé- Street a été pris d’une véritable fré- venus au bout du processus en
cé dans l’aventure en France et des paiements ou encore de fintech. la cible idéale au terme duisante. Ils permettent en effet nésie pour les Spac en 2021 et 2022. France.
l’avenir semble sérieusement com- En deux ans, « une cinquantaine de de leur période d’investir aux côtés de partenaires Au point que le passage par ce véhi- Pegasus Entrepreneurs, lancé par
promis pour ces véhicules hybrides, dossiers ont été examinés, dont une d’investissement, de renom (les sponsors) qui appor- cule était devenu la voie la plus cou- les mêmes sponsors que Pegasus
qui se cotent en Bourse et lèvent des dizaine de façon active et moins de plusieurs Spac tent des fonds, mettent en jeu leur rante pour entrer en Bourse aux Europe, a permis l’entrée en Bourse
fonds sur les marchés financiers, cinq de manière très approfondie », ont été contraints réputation et fournissent leur ex- États-Unis. « La machine s’était lit- en juillet 2022 de FL Entertainment,
avec pour objectif de racheter dans explique une source proche des ini- de rembourser leurs pertise. Pour l’entreprise rachetée, téralement emballée », estime John la société qui regroupe les activités
investisseurs, comme
un délai donné (généralement de tiateurs du Spac. Sans que cela ne le Spac offre également de nom- Plassard, spécialiste en investisse- de divertissement du groupe de Sté-
le prévoit le système.
deux ans) des sociétés non cotées soit conclusif. IQONCEPT/STOCK ADOBE
breux avantages. Il permet d’entrer ment à la banque Mirabaud. À Wall phane Courbit. 2MX Organic, créé
pour leur ouvrir ensuite les portes en Bourse dans un délai record, sans Street au plus fort de l’euphorie lors en décembre 2020 par le banquier
de la Bourse. Preuve supplémentai- Déséquilibre entre passer par le long et coûteux pro- de l’année 2021, plus de 600 Spac se Matthieu Pigasse et les hommes
re, plusieurs Spac, lancés en grande sponsors et investisseurs cessus d’une introduction classi- sont cotés. « Plus de 1 000 Spac d’affaires Xavier Niel et Moez-
pompe, se sont retirés sur la pointe «Après avoir prospecté activement que. En pratique, le Spac, entité co- étaient ainsi simultanément à la re- Alexandre Zouari, a fusionné avec
des pieds, après être arrivés au ter- pendant deux ans, ces Spac n’ont pas tée en Bourse, lève des fonds qu’il cherche d’une cible, note de son côté les activités de distribution du grou-
me de leur période d’investisse- trouvé d’entreprise cible de qualité et conserve sous forme de liquidités, Pierre Troussel chez Société géné- pe coopératif agricole InVivo, pour
ment. Faute d’avoir trouvé la cible suffisamment créatrice de valeur », le temps de trouver une société à rale. Un nombre colossal, même à donner naissance à Teract, entré sur
idéale, ils ont été contraints de
rembourser leurs investisseurs,
comme le prévoit le système.
résume Pierre Troussel, corespon-
sable des marchés de capitaux ac-
tions France, Belgique et Luxem-
« (au
En 2021
plus fort
avaler. Une fois l’acquisition réali-
sée, le Spac fusionne avec sa cible
(c’est le despacking). La nouvelle
l’échelle du marché américain. » Aux
États-Unis, bon nombre de ces Spac
ont été peu regardants sur la qualité
Euronext Paris au mois d’août der-
nier. Toujours à l’été 2022, le Spac
I2PO, créé par la famille Pinault,
Dee Tech, le Spac dédié aux tech- bourg chez Société générale. « Ils de l’euphorie, entité poursuit ensuite son parcours de leur cible, et ont ensuite réalisé Matthieu Pigasse et Iris Knobloch, a
nologies conduit par Marc Menacé, ont donc préféré rendre les fonds aux NDLR), plus en Bourse, comme n’importe quelle des parcours catastrophiques en porté Deezer en Bourse.
le cofondateur de France Digitale, investisseurs qui leur avaient fait autre société cotée. Si les actionnai- Bourse. Depuis son pic du mois de En mai dernier, EureKing, un
avait tenté de racheter Colis Privé, confiance plutôt que de réaliser une de 1 000 Spac res ne souhaitent pas poursuivre février 2021, l’indice De-Spac, me- Spac dédié à la santé, qui avait levé
finalement tombé dans l’escarcelle acquisition. C’est une issue tout à fait étaient l’aventure avec la société sélection- surant la performance des sociétés 150 millions d’euros en mai 2021, a
de CMA CGM. Il a jeté l’éponge honorable », ajoute ce spécialiste simultanément née, ils ont également la possibilité entrées en Bourse par l’intermé- trouvé sa cible : Skyepharma, un
avant l’été. Accor Aquisition Com- des levées de fonds. de récupérer leurs billes. diaire d’un Spac, a perdu plus de spécialiste des biomédicaments va-
pany (300 millions d’euros levés), a « Les sponsors (ceux qui sont à à la recherche La médaille a toutefois un revers. 80 % ! lorisé environ 115 millions d’euros.
décidé de mettre un terme à l’aven- l’origine du projet, NDLR) s’étaient d’une cible. « Lorsque l’échéance approche, la EureKing qui n’avait pas épuisé ses
ture au printemps et a été radié de la engagés à investir bien au-delà de Un nombre tentation est grande pour les promo- Un retournement lié à la ressources s’est ensuite offert début
cote le 12 juin dernier. Ce Spac de- leur mise de départ, leurs intérêts teurs de Spac de réaliser une acquisi- hausse des taux d’intérêt août la biotech SCTbio pour environ
vait permettre au géant hôtelier de étaient ainsi parfaitement alignés colossal, tion dans la précipitation, en se mon- Avec le virage opéré par les ban- 17,5 millions d’euros. De son côté,
se développer dans des domaines avec ceux des autres investisseurs » même trant moins exigeant sur la cible », ques centrales et la remontée des Arverne Group, spécialiste de la
connexes à l’hôtellerie (événemen- ajoute une source proche de Pega- à l’échelle estime Pierre Troussel chez Société taux d’intérêt, les liquidités ont géothermie et de l’extraction de li-
tiel, bien-être, coworking…). Lors sus Europe. Pour les sponsors, la générale. L’autre grand reproche commencé à manquer. La guerre thium bas carbone pour les batte-
de l’assemblée générale des action- décision de mettre un terme à du marché adressé aux Spac est le déséquilibre en Ukraine a encore davantage ries automobiles, a fusionné en juin
naires d’Accor en mai dernier, le
patron du groupe, Sébastien Bazin,
l’aventure est loin d’être neutre. Ils
assument seuls l’ensemble des
américain
PIERRE TROUSSEL,
» entre les sponsors, qui sont à l’ori-
gine du projet, et les autres inves-
grippé la machine. Résultat, les
Spac semblent aujourd’hui en voie
avec le Spac Transition, lancé par le
fondateur de Direct Énergie, Xavier
a constaté que le Spac « n’avait pas coûts liés à la mise en Bourse du CORESPONSABLE DES tisseurs. Les sponsors récupèrent de disparition. Caïtucoli, l’ancien banquier d’affai-
trouvé chaussure à son pied ». « La Spac puis à la recherche d’une cible. MARCHÉS DE CAPITAUX généralement 20 % de la société fi- L’Europe s’est toutefois tenue res Erik Maris, et le fonds Eiffel.
chaussure était soit trop grande soit Pour Pegasus Europe, ils seraient de ACTIONS FRANCE, nale pour une mise réduite. loin des excès de Wall Street. Les La source des Spac est toutefois
BELGIQUE ET
trop chère » a-t-il alors expliqué. leur poche « d’environ 12 millions LUXEMBOURG CHEZ
Le système a parfaitement fonc- projets y ont été bien moins nom- aujourd’hui tarie en Europe… jus-
Après deux ans de recherche in- d’euros », selon une source. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE tionné lorsque l’argent coulait à breux et souvent mieux ficelés. qu’à nouvel ordre. En effet, les Spac
fructueuse d’une cible, Pegasus Eu- À chaque fois, en revanche, les flots avec les politiques ultragéné- Les garde-fous sont aussi plus ne sont pas nécessairement morts.
rope, le plus important et certaine- investisseurs récupèrent leur mise. reuses menées par les banques cen- nombreux. Ainsi, à Paris, l’inves- « Il s’agit d’un instrument parmi
ment le plus prometteur Spac C’est d’ailleurs l’un des grands trales. Les Spac ont également pro- tissement dans les Spac est réservé d’autres de financement des entre-
d’initiative française - lancé en avril avantages des Spac par rapport à fité de l’engouement pour les aux professionnels. En dépit d’un prises. Mais ils vont certainement
2021 par le holding de la famille Ar- une introduction en Bourse classi- sociétés technologiques déclenché contexte devenu moins favorable, devoir se réinventer », conclut un
nault (Financière Agache), par les que. À première vue, la proposition par la pandémie de Covid-19. Wall certains Spac sont d’ailleurs par- financier.

LA SÉANCE DU MERCREDI 30 AOÛT LA VALEUR DU JOUR hrousseau@lefigaro.fr

LE CAC JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12

AIR LIQUIDE ........................... 166,24

AIRBUS ..............................................133,84
+0,43 167,16
+0,97 134,22
165,36
131,6
0,111
0,075
+25,56
+20,55
LVMH ..............................................804
MICHELIN ..............................................
28,9
-0,74
-0,52
815
29,21
796,4
28,75
0,056
0,114
+18,25
+11,22
UBS commence à avaler les
ALSTOM ..............................................25,45
ARCELORMITTAL SA ........................... 24,595
AXA .............................................. 27,87
-1,24 25,85
-0,3
-0,21
24,795
28,275
25,21
24,575
27,86
0,178
0,113
0,105
+11,52
+0,08
+6,97
ORANGE ..............................................10,37
PERNOD RICARD ...........................
PUBLICIS GROUPE SA .....................
194,3
72,82
0
-0,69
+0,3
10,416
196,85
73,22
10,358
193,35
72,62
0,086
0,142
0,073
+11,73
+5,74
+22,55
activités marchés de Credit Suisse
BNP PARIBAS ACT.A ........................... 59,88 -0,03 60,69 59,88 0,189 +12,45 RENAULT ..............................................37,215 -0,29 37,675 37,17 0,179 +18,99
BOUYGUES .............................................. 31,83 +0,32 31,89 31,61 0,123 +13,52 SAFRAN ..............................................148,88 +0,38 149,46 146,9 0,072 +27,33 La fusion entre UBS et Credit Suisse clients et affaires vers UBS concerne
CAPGEMINI ..............................................
171,35 +1,48 172,1 168,65 0,173 +9,87 SAINT GOBAIN ........................... 59,64 +0,45 59,85 59,06 0,147 +30,65
entre dans sa phase active. Credit uniquement les activités de marché,
CARREFOUR ..............................................17,53 +0,72 17,695 17,28 0,402 +12,08 SANOFI ..............................................99,2 -0,47 99,85 98,8 0,065 +10,42
CREDIT AGRICOLE ...........................11,702 +0,03 11,824 11,702 0,112 +19,03 SCHNEIDER ELECTRIC ..................... 159,86 -0,36 161,46 158,82 0,079 +22,29 Suisse, absorbé en juin par son grand qui englobent notamment ses activités
DANONE ..............................................53,96 +0,54 54,26 53,65 0,103 +9,61 SOCIETE GENERALE ........................... 26,37 -0,04 26,63 26,36 0,235 +12,31 frère helvétique pour éviter la faillite, de courtage, et non les autres divisions
DASSAULT SYSTEMES ........................... 36,65 +0,08 36,72 36,285 0,057 +9,42 STELLANTIS NV ........................... 17,166 -0,29 17,338 17,104 0,048 +29,36 va en effet commencer à confier une de la banque.
EDENRED ..............................................58,84
ENGIE .............................................. 14,888
-0,24 59,16
-0,96 15,074
58,78
14,796
0,087
0,117
+15,64
+11,2
STMICROELECTRONICS .....................
TELEPERFORMANCE ...........................
43,67
125,2
-1,01
+0,6
44,16
125,45
43,345
123,05
0,126
0,382
+32,35
-43,78 CLÔTURE partie de ses activités de marchés, lo-
gées au sein de sa division banque
UBS doit dévoiler ce jeudi ses pre-
miers résultats trimestriels depuis le
ESSILORLUXOTTICA ........................... 174,74 -0,94 176,68 174 0,07 +3,27 THALES ..............................................134,05 +0,19 134,6 133,5 0,077 +12,36 DU CAC 40 d’investissement, à UBS. Dans un rachat précipité de son rival Credit

- 0,12 %
EUROFINS SCIENT. ...........................56,22 -0,85 57 56,06 0,159 -16,16 TOTALENERGIES ...........................57,94 +0,14 58,33 57,68 0,132 -1,21
HERMES INTL ........................... 1931,4 -0,33 1951 1905,8 0,036 +33,66 UNIBAIL-RODAMCO-WE ..................... 48,76 -0,04 49,14 48,36 0,161 +0,27 courrier adressé à ses clients, l’établis- Suisse. Outre les chiffres du deuxième
KERING ..............................................498,3 -0,14 502,2 492,8 0,074 +4,79 VEOLIA ENVIRON. ........................... 28,39 -0,32 28,53 28,22 0,168 +18,29 sement, ex-numéro deux du secteur trimestre, dont la publication a été re-
L'OREAL ..............................................410,1 +0,23 411,35 404,75 0,033 +22,93 VINCI .............................................. 103,48 -0,29 104,24 102,36 0,086 +10,92 bancaire helvétique, explique qu’à tardée de plus d’un mois en raison de la
LEGRAND ..............................................91,28 +0,09 91,74 90,84 0,066 +21,1 WORLDLINE ..............................................
30,27 +0,53 30,63 29,93 0,165 -17,14 à 7 364,40 points
compter du 22 septembre prochain, complexité de l’opération, les investis-
les nouvelles affaires seront confiées seurs passeront le rapport au peigne
LES DEVISES MONNAIE 1 EURO=
LʼOR VEILLE 31/12 en priorité aux entités d’UBS. « Alors
que nous avançons dans le parcours
fin, à la recherche d’indications sur la
manière dont se déroule le plus grand
AUSTRALIE ................................................................................
DOLLAR AUSTRALIEN 1,6814 AUD
Cotation quotidienne assurée par Or en Cash
CANADA ................................................................................
DOLLAR CANADIEN 1,4764 CAD https://www.orencash.fr/investissement/ de l’intégration, nous sommes en train sauvetage bancaire depuis la crise fi-
GDE BRETAGNE ................................................................................
LIVRE STERLING 0,8592 GBP de renforcer et de rationaliser l’offre nancière mondiale il y a une quinzaine
Lingot 1KG ................................. 57 274,9€ +4,47 %
HONG KONG ................................................................................
DOLLAR DE HONG KONG 8,5427 HKD Lingot 100g ................................. 5 738,39€ -0,91 %
JAPON ................................................................................
YEN 159,15 JPY Lingot 50g ................................. 2 875,2€ -2 %
pour les activités combinées de mar- d’années. Pour éviter une faillite de
SUISSE ................................................................................
FRANC SUISSE 0,9568 CHF 1 793,51€
Lingot ONCE (31,10g) ................................. -2,05 % ché globaux », a expliqué Credit Suis- Credit Suisse, UBS avait accepté fin
ETATS-UNIS ................................................................................
DOLLAR 1,0886 USD Lingot 10g ................................. 583,94€ -2,36 %
TUNISIE ................................................................................
DINAR TUNISIEN 3,3425 TND Lingot 2,5g ................................. 153,91€ -5,02 %
se. « En conséquence, à compter du mars de racheter son ancienne
MAROC ................................................................................
DIHRAM 11,103 MAD 2OFr NAPOLÉON .................................357,53€ +4,25 % 22 septembre, nous nous concentre- concurrente sous la pression des auto-
TURQUIE ................................................................................
NOUVELLE LIVRE TURQUE 29,119 TRY 20Fr SUISSE ................................. 353,54€ +4,3 % rons sur la consolidation de la nouvelle rités suisses au terme d’un long week-
EGYPTE ................................................................................
LIVRE EGYPTIENNE 33,3882 EGP SOUVERAIN ................................. 446,99€ +4,94 %
KRUGGERAND ................................. 1 905,91€ +2,03 % activité clientèle à travers les entités end de négociations. Le titre UBS a gri-
A

CHINE ................................................................................
YUAN 7,9347 CNY
50 PESOS ................................. 2 275,45€ +4,33 %
INDE ................................................................................
ROUPIE 90,0188 INR 10 DOLLARS ................................. 930,44€ +3,96 % légales d’UBS », précise la banque. gnoté 0,41 % mercredi, à 22,16 francs
ALGERIE ................................................................................
DINAR ALGERIEN 147,3344 DZD 20 DOLLARS ................................. 1 861,88€ +4,08 % Cette décision de diriger ses nouveaux suisses. ■
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO
26 MÉDIAS et PUBLICITÉ
Fournitures scolaires : les enfants
influenceurs, mine d’or des marques
À l’approche de la rentrée des classes, Oxford, Maped ou Bureau Vallée multiplient les partenariats avec de très
jeunes créateurs de contenus afin de promouvoir leurs produits auprès d’un public d’écoliers et de collégiens.
SALOMÉ FERRARIS
£@salomasferraris
INFLUENCE « Celui-là, il est trop
mignon. Ça va me donner envie
d’apprendre. » Devant une myriade
de cahiers colorés, Lili, 15 ans et
1 million d’abonnés sur YouTube,
hésite sur le modèle de calepin
qu’elle choisira pour son passage en
seconde. Face caméra, la future ly-
céenne vante inlassablement les
mérites des produits de son sponsor
du jour, Oxford. « Grâce à l’appli-
cation Scribzee (éditée par Oxford,
NDLR), tu vas pouvoir scanner tes
notes écrites en classe. C’est beau-
coup plus simple de s’y retrouver »,
détaille-t-elle à son jeune public
d’un ton faussement enjoué. En
collaborant avec l’influenceuse,
l’enseigne de papeterie s’offre une
belle visibilité : la vidéo a été vue
236 000 fois en quinze jours.
Chaque été, c’est la même ren-
gaine. Les vidéos dédiées à la ren-
trée des classes pullulent sur les
comptes des collégiens et lycéens
influenceurs, YouTube et TikTok
en tête. Le principe est simple :
montrer ses achats de fournitures
scolaires à ses abonnés. À l’origine,
ces contenus n’avaient aucune
portée commerciale. Mais les en-
treprises spécialisées ont rapide-
ment flairé le bon filon et n’hési-
tent plus à solliciter les jeunes stars
d’internet pour que ces derniers
fassent leur publicité.
Certaines marques misent sur
l’envoi de produits en espérant
être mentionnées en retour dans
un des contenus de l’influenceur.
D’autres invitent des youtubeurs à
des événements. Mais la plupart
des enseignes se tournent vers des
partenariats rémunérés, aussi ap-
pelés sponsoring.
Bureau Vallée et Cultura, qui
n’ont pas souhaité répondre à nos
sollicitations, sont particulièrement
LE BIG BANG FIGARO DE LA SANTÉ 2023
UN ÉVÈNEMENT EN DIRECT SUR LEFIGARO.FR
Trois matinées pour décrypter l’avenir de la santé :
L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Plus d’informations sur : www.lefigaro.fr/bigbangsante
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
A
présents sur le créneau du sponso-
ring. Maped n’est pas en reste : la
marque déclare que 20 % de ses
partenariats sont signés avec des
influenceurs de moins de 18 ans.
Aussi efficace
qu’un spot publicitaire
Depuis trois ans, Maped travaille
avec Studio Bubble Tea, suivi par
1,8 million d’abonnés sur YouTube.
Kalys et Athéna, respectivement
âgées de 15 et 11 ans, sont ainsi fil-
mées en magasin, armées de la fa-
meuse liste de fournitures scolai-
res, et remplissent leur chariot
d’une ribambelle de ciseaux, taille-
crayons, gommes et compas de la
marque. Les six vidéos publiées en
collaboration avec l’entreprise cu-
mulent plus de 3 millions de vues.
Les contenus sur YouTube ou
Instagram sont aussi efficaces
6 DÉCEMBRE
L’HÔPITAL DE DEMAIN
7 DÉCEMBRE
8 DÉCEMBRE
LA SANTÉ DES FEMMES
@BigBangFigaro
En partenariat avec
qu’un spot publicitaire, sinon plus.
Avec 1 ou 2 millions d’abonnés au
compteur, ces créateurs mineurs
sont considérés comme des micro-
influenceurs. « Les marques ne se
contentent pas d’un nombre de vues.
Elles veulent des clics, des likes, des
commentaires », souligne Nisrine
Boussarhane, consultante influen-
ce pour l’agence Otta. Les commu-
nautés de niche - comme celles des
enfants youtubeurs - sont généra-
lement plus engagées et, donc,
plus à l’écoute des recommanda-
tions. Résultat ? La trousse en for-
me de glace choisie par Swan
(6 millions d’abonnés) dans une
vidéo en partenariat avec Bureau
Vallée est en rupture de stock dans
tous les magasins du groupe.
Les marques espèrent plus parti-
culièrement séduire les écoliers, qui
représentent la majorité de
« des
ainsi que le rappelle la loi adoptée
en juin dernier qui encadre l’in-
fluence commerciale. Mais selon les
observations du Figaro, les créa-
teurs de contenus « rentrée des
classes » sont loin de tous respecter
ce texte de loi. Et il n’est pas certain
que ce jeune public soit armé pour
comprendre qu’il fait face à des pu-
blicités qui ne disent pas clairement
leur nom.
Une loi datant d’octobre 2020
encadre par ailleurs le travail des
influenceurs mineurs. Désormais,
leurs parents doivent obtenir une
autorisation préfectorale si ces acti-
LIGHTFIELD STUDIOS/STOCK.ADOBE.COM
vités dégagent un certain seuil de
revenus. Les horaires de travail
doivent être encadrés, et l’argent
bloqué jusqu’à la majorité de l’en-
fant. Des grilles salariales doivent
également être respectées. « Nous
passons par un agent qui vérifie que
les jeunes disposent des autorisations
exigées par la loi », précise Catheri-
ne Barthe, chargée de la communi-
cation digitale au sein du groupe
Hamelin, propriétaire d’Oxford.
Mais ces pratiques sont loin
Les vidéos sponsorisées l’audience des chaînes des jeunes d’être généralisées. « Toutes les
sont censées être influenceurs. « Les enfants sont une agences de talents n’exigent pas
clairement signalées cible précieuse, rebondit la consul- forcément ces autorisations. Nous
comme telles, et les tante. Ils sont à la fois acheteurs avons parfois perdu des contrats
parents des influenceurs parce qu’ils peuvent avoir de l’argent importants, puisque certaines mar-
mineurs doivent obtenir de poche, prescripteurs en influen- ques préfèrent économiser plutôt
une autorisation
çant les achats de leurs parents, et ce qu’être dans la légalité », déplore
préfectorale au-delà
d’un certain seuil sont des futurs consommateurs. Les Alexia Pereira, responsable pôle
de revenus. préférences de marques se dévelop- influence chez Just Go Agency.
pent dès le plus jeune âge. » Les vi- Pour les enfants influenceurs, la
déos sponsorisées sont censées être route vers le droit du travail est
clairement signalées comme telles, encore longue. ■
Caroline Fontaine prend
la tête du syndicat de la pub
L’AACC a nommé comme déléguée générale
la directrice de la communication de la ville de Paris.
leversés par la transition numéri-
CHLOÉ WOITIER £@W_Chloe que, qui a démultiplié le nombre
de créations publicitaires atten-
COMMUNICATION L’Association dues par leurs clients. « Aupara-
des agences conseils en communi- vant, une campagne publicitaire
cation (AACC) a un nouveau visa- comprenait un film télé, un spot ra-
ge. Cinq mois après le départ de sa dio et quelques affiches. Aujour-
déléguée générale Marie-Pierre d’hui, vous devez fournir jusqu’à
Bordet, qui avait occupé ce poste 350 items » pour l’ensemble des
durant dix-sept ans, le syndicat canaux numériques d’un client, et
professionnel des agences de pu- ce alors que les niveaux de rému-
blicité annonce au Figaro avoir nération baissent, rappelle Bertille
choisi Caroline Fontaine pour lui Toledano. Autre défi pour le sec-
succéder. Elle prendra ses fonc- teur, la concurrence féroce des ca-
tions lundi 4 septembre. binets de conseil. « Il nous faut
Directrice de la communication réorganiser le syndicat avec un dé-
La valeur
métiers
de la ville de Paris depuis 2017, et
forte d’une carrière de plus de
quinze ans chez Air France, « Ca-
légué général qui nous aide à porter
notre feuille de route. Nos combats
doivent être une force de progrès
de la création
publicitaire
roline Fontaine a montré qu’elle
respectait le travail des agences.
pour nos métiers », poursuit-elle.
Changer les imaginaires
n’est pas assez
Elle dispose aussi de la connaissan-
ce des institutions publiques et elle Pour défendre ses savoir-faire, la
reconnue. saura traiter avec nos ministères de filiale a produit des études démon-
tutelle, la Culture et l’Économie », trant que plus les campagnes de
Ils mêlent des
méthodologies
salue Bertille Toledano, présidente communication sont audacieuses
de l’agence BETC et coprésidente plus fort est leur impact sur les
et une du syndicat aux côtés de David consommateurs. L’AACC estime
expertise Laclabart (président d’Austra- aussi que les agences de pub sont
lie.GAD). « La valeur des métiers de en bonne place pour accompagner
précise avec la création publicitaire n’est pas as- la transition écologique, et chan-
la capacité sez reconnue. Ils mêlent des métho- ger les imaginaires collectifs
à analyser l’air dologies et une expertise précise autour de la voiture électrique ou
du temps »
CAROLINE FONTAINE,
avec la capacité à analyser l’air du
temps. Leurs messages sont capa-
bles d’accompagner la transforma-
de la consommation de l’eau… Or
cette créativité nécessite du
temps.
DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE tion des comportements. Et ils Autre combat du syndicat, ren-
DE L’AACC
nourrissent tout un écosystème de forcer l’attractivité des métiers de
création. Bien des réalisateurs ou la publicité, bien souvent dénigrés
des photographes ont débuté dans ou mal connus. « C’est à nous d’al-
la publicité », déclare la nouvelle ler à la rencontre des jeunes et de
déléguée générale au Figaro. sortir de Paris. Nous avons besoin
Depuis qu’ils ont été portés à la d’imaginaires variés » et représen-
présidence de l’AACC après la dé- tatifs de l’ensemble de la popula-
mission de Laurent Habib en 2020, tion du pays, souligne David La-
Bertille Toledano et David Lacla- clabart. Reste la problématique de
bart mènent un chantier de mo- la rémunération, qui détourne les
dernisation de ce syndicat. Les meilleurs talents vers les cabinets
métiers de la publicité ont été bou- de conseil et d’audit. ■
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO - N° 24 579 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr
PIERRE ARDITI
ET MURIEL ROBIN
SE METTENT
CHRISTOFLE ; KARINE LE OUAY / DIVERGENCE POUR LE FIGARO ; JACK TRIBECA / BESTIMAGE / FTV ; JAMES HOGG
À TABLE
DANS « LAPIN », COMÉDIE
DOUCE-AMÈRE DE SAMUEL
BENCHETRIT, LES DEUX ACTEURS
ÉCHANGENT SUR LEURS VIES,
LEURS AMOURS, LEUR MÉTIER.
ULTIME CONFESSION
AVANT LEUR PREMIÈRE
RENCONTRE SUR LA SCÈNE
DU THÉÂTRE ÉDOUARD-VII. PAGE 28
Christofle
ALEXANDER SODDY : LE JEUNE CHEF « OLD SCHOOL » DU LYRIQUE
●
FIGURE DE LA RENTRÉE À 40 ANS, LE BRITANNIQUE, PASSÉ PAR LA VOIE ROYALE EN TANT QUE CHEF DE CHANT, REMPLACE DUDAMEL DANS « LOHENGRIN » À BASTILLE.
●
THIERRY HILLÉRITEAU £@thilleriteau
l s’excuse en français. « J’ai ap-
I pris votre langue à l’école, ça re-
monte à quelques années. »
Alexander Soddy a de bons res-
tes. Mais le jeune Britannique de
40 ans préfère rester modeste. Dans
trois semaines, il dirigera Lohengrin
depuis la fosse de l’Opéra Bastille. Un
événement ! La production verra la
première mise en scène, pour l’Opéra
de Paris, de l’indomptable Kirill Sere-
brennikov. Le cinéaste russe dissident
connaît la musique. Pas seulement
parce qu’il a consacré son dernier opus
TÉLÉVISION
« LE GRAND ÉCHIQUIER »
EN HOMMAGE À LA COMBATIVITÉ
DE L’ARMÉNIE PAGE 32
à La Femme de Tchaïkovski. Mais aussi
parce que ce Lohengrin constituera sa
neuvième mise en scène d’opéra.
N’empêche. Sa relecture du chevalier
au cygne revisité par Wagner est at-
tendue comme le loup blanc. Et Soddy
aussi. Car celui qui faisait en janvier ses
propres débuts à l’Opéra de Paris (cet-
te fois-ci à Garnier) dans Peter Grimes,
de Benjamin Britten, n’a été appelé sur
cette nouvelle production que dans le
courant de l’été. Pour remplacer Gus-
tavo Dudamel, parti avec fracas de la
« grande boutique » en mai. « D’ordi-
naire, je commence à discuter avec les
metteurs en scène des années avant le
spectacle. Là, il a fallu prendre le train en
marche. Mais Kirill est une personne
d’une grande intelligence et ouverte, qui
a un respect infini de la musique, assure-
t-il. Je n’ai donc aucun mal à assumer
pleinement mon rôle : celui de défenseur
du compositeur et de sa musique. »
Et ce compositeur, Soddy le connaît
bien. L’un de ses aïeuls, le Prix Nobel
de chimie Frederick Soddy, était un
spécialiste de l’atome. Lui les a cro-
chus, avec le maître de Bayreuth. Celui
qui aborda son premier Wagner en
tant que pianiste répétiteur à l’âge de
21 ans (d’abord pour le National Opera
Studio de Londres, puis pour l’Opéra
de Hambourg, où il fut engagé en 2005
comme assistant de Simone Young),
GOLF
COMPORTA AU PORTUGAL,
LE NOUVEL ELDORADO
DU SWING PAGE 31
fut de 2013 à 2015 l’assistant d’un autre
Kirill (Petrenko), sur les nouvelles
productions du Ring au prestigieux
Festival de Bayreuth. « À ce titre, j’ai
eu maintes fois l’occasion d’être dans la
fosse de ce temple wagnérien. L’on y
apprend énormément sur le compositeur
en prenant la mesure du lieu et de son
acoustique », explique-t-il.
Pas de quoi, certes, minimiser la
pression qui pèsera sur ses épaules le
soir de la première, le 23 septembre.
Même s’il reconnaît avoir « senti une
vraie connexion avec l’orchestre et le
chœur de l’Opéra sur Peter Grimes ».
Surtout, celui qui depuis 2016 préside
aux destinées de l’orchestre de l’Opéra
BRILLANT
RETOUR
DE LA
CRÉATRICE
AURÉLIE
BIDERMAN
PAGE 30
de Mannheim, en Allemagne, a le lyri-
que chevillé au coude. « Je suis de la
vieille école », fait observer le natif
d’Oxford. Celle des chefs d’opéra passés
à la direction après avoir d’abord été
pianistes répétiteurs puis assistants. Qui
aiment et connaissent la voix, et ont,
par leur parcours, une connaissance
très large du répertoire et une grande
adaptabilité. Autant de qualités qui lui
permettent aujourd’hui, malgré son
jeune âge, d’être l’un des invités privi-
légiés de l’Opéra de Vienne (où il vit
d’ailleurs avec sa famille), qu’il retrou-
vera dès le mois prochain pour Otello,
avant d’y enchaîner jusqu’en avril Elek-
A
tra, Hansel et Gretel et Carmen. ■
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO
28 L'ÉVÉNEMENT
PROPOS RECUEILLIS PAR
NATHALIE SIMON nsimon@lefigaro.fr
M
uriel Robin et Pierre
Arditi jouent pour la
première fois ensemble
Lapin, une comédie
douce-amère, écrite et
mise en scène par Samuel Benchetrit. Le
lundi, jour de relâche au théâtre,
« Mumu » a l’habitude de dîner chez
« Pierrot ». Ils échangent des nouvelles
de leurs conjoints respectifs, Anne
(Le Nen) et Évelyne (Bouix), leur santé,
leurs parcours et leurs projets. Un soir,
ils comprennent qu’ils ne sont pas seuls.
À partir du 21 septembre au Théâtre
Édouard-VII, à Paris. Confidences.
LE FIGARO. - Étonnamment, vous
n’aviez jamais joué au théâtre ensemble.
Muriel ROBIN. - Oui, pourtant l’année
prochaine, cela fera quarante ans que
nous nous connaissons. En 1985, je pas-
sais au « Théâtre de Bouvard » sur An-
tenne 2. Pierre a été invité à jouer un
sketch avec moi et Catherine Blanchard.
On s’est tout de suite entendus. Ensuite,
dans une autre émission, Pierre a donné
ses trois coups de cœur : Soulages, je ne
sais plus qui, et Muriel Robin. C’est
l’apogée de ma vie ! Je n’avais rien fait à
part le Conservatoire (avec Michel Bou-
quet comme professeur, NDLR).
Pierre ARDITI. - Quand je l’ai repérée,
elle n’était pas du tout connue. Cette fille
est exceptionnelle, elle fait des choses
que les autres ne font pas. Elle n’a pas eu
besoin de moi pour exploser. On a failli
jouer ensemble, mais ça ne s’est pas fait.
Samuel Benchetrit a écrit la pièce
sur mesure. Vous reconnaissez-vous
dans ces doubles ?
M. R. - C’est nous et pas nous. Le public
se demandera ce qui est vrai ce qui est
faux… Chacun y trouvera sa réponse. À
travers mon personnage, Samuel Ben-
chetrit aborde une intimité qui est très
proche de moi. La pièce pose la question
de savoir ce qu’est un acteur. Il inter-
prète un personnage. Si ce personnage,
c’est vous, vous n’interprétez plus rien,
et tout le monde peut le faire. Un acteur
c’est quelqu’un qui dit d’autres mots.
Pour donner une image, si on ne récom-
pense un acteur que parce qu’il a bien
incarné son personnage, celui qui joue
son propre rôle ne mérite rien. Sauf que
non, parce qu’on va bien travailler…
Mais même là, on est dans un truc…
(Muriel Robin s’esclaffe.)
P. A. - On jouera avec ce qu’on imagine
de nous. Je ne crois pas au dédouble-
ment de l’acteur, contrairement à Dide-
rot. On passe sa vie à jouer des petits
morceaux de soi qu’on met au service
d’un autre qui nous serait étranger et qui
est en réalité un cousin germain ou une
cousine germaine. Je suis un acteur sta-
nislavskien, on m’a appris à me servir
de moi pour jouer les autres. Qu’est-ce
qu’il y aura de nous dans Lapin, je n’en
sais rien !
Il y a pourtant des points communs
entre vos personnages et vous.
Muriel se fait insulter par un chauffeur
de taxi homophobe, c’est arrivé…
P. A. - Moi qui rêve que ma mère est
morte, ça m’est arrivé aussi.
M. R. - Il y a un vertige dans tout cela, on
s’appellerait Myriam et Pierre-Henri,
l’histoire du taxi et celle avec sa maman
fonctionneraient aussi. Le public n’a pas
besoin de savoir que c’est vrai. Suis-je
montée dans ce taxi ? Ai-je voulu
d’autres rôles ? J’en ai parlé un peu, mais
pas tant que ça. (Elle rit.) Maintenant
que je suis guérie (L’actrice a fait un
burn-out il y a quelques années), il faut
bien que j’en parle…
Dans la pièce, vous regrettez
de ne pas avoir joué, vous, Muriel,
Marie-Antoinette, et vous, Pierre,
Cyrano ou le roi Lear. Dans la réalité,
vous n’avez pas joué ces rôles ?
M. R. - Non.
P. A. - Cyrano, non, le roi Lear, on me
l’a proposé au moins dix fois.
M. R. - De Gaulle, non ?
P. A. - Non, ah si, assis !
M. R. - C’est ça la force de cette pièce.
On rit ou pas…
P. A. - On est sur des sables mouvants.
On croit qu’on va sur une piste, mais
cette piste en ouvre une autre. On passe
par des chemins de traverse et, au bout
d’un moment, ça nous raconte sans
doute. En partie en tout cas.
Le public joue un rôle à part entière dans
la pièce. Que représente-t-il pour vous ?
P. A. - Michel Bouquet disait que le pu-
blic ne vient pas pour nous voir jouer,
mais pour jouer avec nous. C’est vrai.
C’est à travers son regard qu’on existe
A
ou pas. Un théâtre sans public, ça
n’existe pas.
MURIEL ROBIN
ET PIERRE ARDITI
« AU THÉÂTRE,C’EST
LE PUBLIC QUI DOIT
RIRE, PAS NOUS »
M. R. - La musique existe sans public.
AU THÉÂTRE
ÉDOUARD-VII, À PARIS,
P. A. - La musique, la peinture… J’ai un
père et un fils peintres, on va les voir ou
pas, on achète ou pas leurs tableaux,
« quiAvecse «passe
mais ils ont fait leur œuvre. Nous, sans
LES COMÉDIENS public, on se sent complètement orphe-
lins, infirmes.
TERMINENT M. R. - On s’assèche peut-être. Pas moi,
je ne suis pas particulièrement quel-
LES RÉPÉTITIONS qu’un qui a vraiment besoin de la scène,
mais pour certains, c’est vital. Pierre, toi
tu en as besoin et envie.
DE « LAPIN », UNE PIÈCE P. A. - Moi, si je n’ai pas de théâtre, il y a
quelque chose qui m’empêche de vivre.
QUE SAMUEL BENCHETRIT Après, avec l’âge, je cumule moins tout
de même, c’est fatigant… Mais ma vie
A ÉCRITE POUR EUX. c’est le théâtre. Je ne peux pas dire que je
n’aime pas le cinéma. Au théâtre, l’ac-
L’OCCASION teur est un roi, au cinéma, c’est un pion,
même quand c’est Anthony Hopkins.
DE LES RÉUNIR Dans la pièce, Pierre travaille
beaucoup et Muriel crée tous les dix ans.
POUR UNE RENCONTRE Cela vous convient ?
OÙ CHACUN
M. R. - Moi, j’aurais bien fait un ou deux
films par an. J’ai été seule sur scène par-
ce que je n’avais pas d’autre projet. C’est
« pas
CONFIE SES JOIES un accident, un accident magnifique.
Merci la vie. Mais en trente ans, je n’ai
ET SES REGRETS, pas eu de propositions au théâtre.
P. A. - (Surpris.) Tu n’as pas eu de pro-
positions ?
TANT PROFESSIONNELS M. R. - Non, au cinéma non plus. Un peu
à la télévision ces dernières années. Je
QUE PRIVÉS. n’ai pas eu à m’interroger : je la joue, la
reine de Ruy Blas ? On ne m’a proposé
que de grosses comédies. On pourrait
penser que, le signal que j’envoie, c’est
faire de la gaudriole, mais non. Être drô-
le, ce n’est pas une fin en soi. Il y a aussi
un âge pour tout. À 30 ans, j’aurais bien
fait claquer des portes au boulevard avec
Maillan. Avec Lapin, qui se passe entre
deux avec du texte, du jeu, de la comé-
die mais pas en force, je suis au bon en-
Muriel Robin et Pierre Arditi,
le 13 juillet dernier,
au Théâtre Edouard-VII, à Paris.
droit. Le one-man-show, c’est fini, je
n’en ferai plus. J’ai envie d’épaisseur, de
rôles sur du temps… Et puis d’être avec
d’autres. C’est pour cette raison que j’ai
choisi le meilleur acteur français, Pierre
Arditi !
P. A. - Nous nous sommes choisis. En
plus, on est très clients l’un de l’autre.
On doit faire attention sur scène, c’est le
public qui doit rire, pas nous.
La pièce parle de l’état d’acteur…
M. R. - J’aime beaucoup quand Samuel
parle des acteurs et parler d’eux en di-
rect.
P. A. - Ce n’est pas normal d’être un ac-
teur. En même temps, ce n’est pas lui
qui meurt, c’est le personnage. C’est ça
qui est beau. Quand le personnage se re-
lève, le public applaudit. On joue com-
me les enfants jouent.
Est-ce une façon de ne pas grandir ?
M. R. et P. A. - (En chœur.) On veut
continuer à être des enfants.
P. A. - À mon âge, je ne peux plus en
avoir malheureusement, c’est un des
regrets de ma vie. Je n’ai eu qu’un seul
enfant. J’ai élevé la fille de ma femme,
c’est déjà pas mal, mais j’aurais adoré…
Je ne peux plus voir un petit enfant sans
être déchiré. Un jour, je vais écrire sur le
regard qu’un vieil enfant comme moi
peut avoir sur les petits.
M. R. - Ça me parle, j’aurais adoré être
grand-mère. Quand je vois ces grands-
mères qui soupirent, j’ai envie de leur
dire, mais c’est merveilleux de voir vivre
ces bouts de chou. C’est pour cette part
d’enfance que nous faisons ce métier.
Pierre vous avez reçu un Molière,
pas Muriel…
P. A. - Le Molière du meilleur acteur
dans un second rôle, en cinquante-cinq
ans de métier ! J’ai quand même eu deux
César.
M. R. - (En soupirant.) Ils l’ont fait à An-
nie Girardot, alors… Ils ne veulent pas
me le donner. Au bout de six ou sept no-
minations, ça m’a atteint. Valérie
KARINE LE OUAY/DIVERGENCE POUR LE FIGARO
Lemercier l’a eu trois fois. Je me dis :
« Ils ne cochent pas ma case. » Ça a dé-
clenché un manque de confiance en
moi. Je ne suis pas très solide, j’ai plon-
gé. J’ai un Emmy Award (pour Marie
Besnard, l’empoisonneuse, un téléfilm en
2006), ce n’est pas si mal. Aujourd’hui,
tout va bien. Je ne les aime pas beau-
coup, ces Molières.
P. A. - Je ne suis pas certain de rester
dans l’académie des Molières. Je pensais
que tu en avais au moins un, c’est dé-
ment ! Je ne l’ai jamais eu comme
meilleur acteur. Certains de mes grands
aînés l’ont eu plusieurs fois, Michel
Aumont, Michel Bouquet… Très bien,
l’avoir sept fois, est-ce bien raison-
nable ?
Lapin »,
entre
Êtes-vous faciles à diriger ?
M. R. - Je dirais oui, j’adore être au ser-
vice de, ce que je n’ai pas seule en scène.
P. A. - Je suis très facile à diriger à partir
deux avec du texte,
du jeu, de la comédie
du moment où le metteur en scène
auquel j’ai affaire en sait autant que moi.
mais pas en force,
je suis au bon endroit.
S’il en sait moins que moi, je ne suis plus
du tout facile à diriger. Il y a deux caté-
Le one-man-show,
gories d’acteurs. Ceux à qui on demande
de faire quelque chose, qui le font hon-
nêtement et qui quand ça ne va pas, une
c’est fini, je n’en ferai
plus. J’ai envie fois qu’ils l’ont fait, disent : « Écoute, ça
ne va pas, peut-on le faire autrement ? »
d’épaisseur, de rôles
sur du temps…
Quand le metteur en scène est intelli-
gent, il accepte. Et les acteurs, qui, au
Et puis d’être départ, disent : « Non, je ne peux pas le
faire comme ça, ça ne va pas… », ce sont
avec d’autres
MURIEL ROBIN
des cons. Nous appartenons à la premiè-
re catégorie.
Pierre, vous dites que le metteur
en scène doit poser sur vous
un regard unique.
Moi, si je n’ai
de théâtre,
P. A. - J’ai eu cette chance de rencontrer
Alain Resnais qui m’a regardé comme
un objet précieux. Je le suis donc deve-
il y a quelque chose
qui m’empêche
nu. C’est enfantin de vous faire douter
de vous. Si les gens savaient à quel point
de vivre. Après,
on peut être fragiles y compris à nos
âges, ils n’oseraient plus bouger un cil.
avec l’âge, je cumule
moins tout de même,
Qui vous a regardée de façon unique,
Muriel ?
c’est fatigant…
Mais ma vie
M. R. - Celui qui ne m’a jamais lâchée,
c’est Michel Bouquet. Je ne travaillais
c’est le théâtre
PIERRE ARDITI
» pas avec lui, mais je l’avais comme re-
père. Je le voyais pour un peu sentir que
j’étais intéressante. Si on te regarde
comme quelqu’un de précieux, tu de-
viens précieuse. Je peux devenir une
beauté fatale !
P. A. - Mais tu l’es, tu l’es ! ■
Lapin, à partir du 21 septembre au Théâtre
Édouard-VII, Paris (9e). Tél. : 01 47 42 59 92.

CULTURE
AU FESTIVAL DE LUCERNE, TOUS LES ORCHESTRES
NE PRENNENT PAS LA MÊME HAUTEUR
MAGNIFIQUE CONCERTGEBOUW ET SYMPHONIQUE DE BOSTON UN PEU TROP RELÂCHÉ… NOS IMPRESSIONS APRÈS QUELQUES JOURS DANS CE GRAND RENDEZ-VOUS.
CHRISTIAN MERLIN
ENVOYÉ SPÉCIAL À LUCERNE (SUISSE)
ette fois, nous n’aurons pas
C entendu l’Orchestre du Fes-
tival de Lucerne autrement
que grâce à Arte, où il est
toujours disponible. On y
voit Paavo Järvi sauver le concert
d’ouverture en remplaçant au pied levé
Riccardo Chailly, dont les apparitions
sont rendues de plus en plus aléatoires
par une santé fragile. Encore un défi
pour le directeur, Michael Haefliger, qui
pourra se vanter, lorsqu’il quittera ses
fonctions en 2025, d’avoir créé là une
institution solide, survivant aux deux
géants à qui il avait donné pour mission
de la mettre en orbite en 2003 : Claudio
Abbado et Pierre Boulez. Mais Lucerne,
dans la divine salle du KKL de Jean Nou-
vel, ce sont aussi les meilleures forma-
tions du monde qui défilent pendant un
mois.
C’est avec un sourire jusqu’aux
oreilles que nous avons quitté le KKL
après le concert d’Ivan Fischer et du
Concertgebouw d’Amsterdam. D’abord
parce que ce glorieux orchestre s’est
montré en très bonne forme malgré des
années difficiles. Malgré aussi l’absence
des Konzertmeister titulaires, suppléés
par un remarquable premier violon in-
vité, Sarah Christian, leader aussi solide
que rayonnante. On n’oubliera pas leur
interprétation de la Symphonie no 7 de
Mahler. On sait depuis longtemps
qu’Ivan Fischer est un mahlérien né ; on
sait aussi que le Concertgebouw a la plus
longue tradition mahlérienne, ayant été
le premier orchestre à faire bon accueil
au compositeur de son vivant. Mais ce
n’est pas tout.
Fischer a une approche personnelle
de cette musique, dont il ne souligne ni
le côté spectaculaire ni la modernité
viennoise ou le pathos : c’est sa sensibi-
lité juive d’Europe centrale qu’il expri-
me, comme un monde d’hier. Et cela va
comme un gant à la Septième, qui est
sans doute sa plus énigmatique, avec
son architecture désarçonnante. Fis-
cher réussit l’impossible : souligner les
contrastes avec gourmandise tout en
gardant une trajectoire cohérente du
début à la fin. La poésie des musiques
nocturnes est d’autant plus savoureuse
que la sentimentalité laisse entendre
une pointe d’ironie. Quant au finale,
LA GAIE PEINTURE D’HENRI-EDMOND CROSS SOUS LE SOLEIL DU VAR
AU CONTACT DE LA MÉDITERRANÉE, LA PEINTURE DU NÉO-IMPRESSIONNISTE SE MUE EN UN ART SOLAIRE ET SENSUEL.
LE MUSÉE DE L’ANNONCIADE, À SAINT-TROPEZ, LUI CONSACRE UNE EXPOSITION JUSQU’EN NOVEMBRE.
SIMON CHERNER £@SimonCherner
e faune se trémousse d’un pas
L léger dans une clairière en
fleurs. Sourire aux lèvres, la
créature aux oreilles de bouc
s’apprête à goûter aux fruits
gonflés d’une grappe de raisin ; à ses cô-
tés, deux femmes nues batifolent au so-
leil. Au loin, entraperçue derrière les
troncs tors de quelques arbres, s’étire la
mer. Quiétude et innocence bercent ce
monde d’une langueur édénique. Est-ce
l’âge d’or chanté par Ovide ? Non. C’est
le Var, vers 1905. Ou, du moins, est-ce
ainsi que le réenchantait, sur place, Hen-
ri-Edmond Cross (1856-1910). Le patro-
nyme anglais cache un artiste français
méconnu. Né Delacroix, à Douai, sans
être de la famille du roi des romantiques,
le jeune homme devient peintre et
s’émancipe aussitôt de son auguste ho-
monyme. Installé à Paris, il transforme
son nom, lorgne vers le réalisme, cher-
che son style et le trouve dans la division
des tons et des couleurs chère au néo-
impressionnisme et à son ami Paul Si-
gnac. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Elle
vire de bord. Direction plein sud. En
1891, le médecin de Cross lui prescrit le
climat de la Méditerranée. Le peintre de
35 ans est souffreteux – un cancer le dé-
vorera près de vingt ans plus tard. Il ins-
talle sa palette et sa famille à Cabasson,
près du Lavandou, l’année de la mort de
Georges Seurat, le père du pointillisme.
dont on se demande toujours s’il faut le
prendre au sérieux ou pas, il n’est plus
kitsch si l’on en fait ressortir le second
degré. C’est la première fois que nous
sortons d’une exécution de la Septième
de Mahler sans perplexité.
Sonorité élégante
Lucerne rapproche les continents.
Après la Vieille Europe, l’une des plus
anciennes institutions symphoniques
américaines : le Boston Symphony, à
dix jours de sa venue à Paris. Rien à voir
avec la belle machine trop brillante du
Met de New York entendu à l’orée de
l’été. Les Bostoniens ont gardé une so-
norité élégante, qui ne cherche pas à en
mettre plein la vue. En revanche, on
sort de leurs deux concerts à Lucerne
avec plus de questions que de réponses.
Ce n’est pas seulement dû au choix de
musiques américaines dites « contem-
poraines », qui nous semblent aller dans
Henri-Edmond Cross se révèle dans
son exil méditerranéen. Le sable et la mer
clapotante sont à 500 mètres de sa mai-
son. À Saint-Tropez, le murmure du port
est plus proche encore du Musée de l’An-
nonciade. L’ancienne chapelle célèbre
jusqu’au 14 novembre la période varoise
de Cross, la plus féconde de sa carrière
picturale. L’illumination n’est pas immé-
diate. Une vapeur terne flotte sur ses
premières toiles, peintes au début des
années 1890. La sécheresse guette sa Pla-
ge de la Vignasse, couverte de taillis et
d’arbustes crépus, pendant que son dip-
Ivan Fischer à la tête
du Concertgebouw
d’Amsterdam, le 28 août,
au Festival de Lucerne.
PATRICK HÜRLIMANN/
LUCERNE FESTIVAL
Toulon, matinée d’hiver, 1906-1907,
par Henri-Edmond Cross.
COLLECTION PARTICULIÈRE/
PHOTO : CHARLES MASLARD
le sens d’un consensus peu exigeant : les
Four Black American Dances de Carlos
Simon ne nous épargnent aucun cliché
et le Concerto pour violon no 2 de John
Williams est d’un ennui rare, malgré le
talent immense et le son envoûtant
d’Anne-Sophie Mutter, pour qui il a été
écrit. Cette facilité est sans doute un air
du temps.
Ce qui nous interroge surtout, c’est
l’évolution du directeur musical Andris
Nelsons. Ce quadragénaire à la belle
personnalité semble pris d’une frénésie
d’engagements. Directeur musical à
Boston et Leipzig, invité à Vienne, Ber-
lin et Salzbourg, il ne s’arrête jamais.
Répète-t-il assez ? Est-il possible de
maintenir fraîcheur et nécessité inté-
rieure à cette cadence ? Ce maestro
bienveillant, qui préfère laisser jouer
plutôt que contraindre, donne de plus
en plus l’impression, lorsqu’il entre en
scène, d’être en pyjama et de venir de se
tyque La Ferme, décliné un matin puis un
soir de 1893, vante sans éclat les vertus
du travail champêtre. Sa lumière est ap-
pliquée ; ses soleils sont froids. Cela exsu-
de Seurat. La mer, néanmoins, s’est déjà
rendue omniprésente. Elle est toujours
là, quelque part, en embuscade dans le
fond des compositions, scintillante, im-
périeuse. Emballé par le charme des cri-
ques inhabitées de la Côte d’Azur, Henri-
Edmond Cross lâche peu à peu la bride à
l’austérité néo-impressionniste. La dis-
cipline du mouvement s’alanguit dans la
quiétude du littoral. Bercé par les cares-
ses de l’écume et du soleil, l’artiste laisse
ses pinceaux glisser du côté d’une volup-
té qu’il s’était jusqu’alors interdite. Des
empâtements onctueux succèdent aux
touches mathématisées, aux calculs
pointilleux. Oui, il peut y avoir de la vie
dans un tableau.
Décivilisation panthéiste
L’historienne de l’art Marina Ferretti,
commissaire de l’exposition présentée
au Musée de l’Annonciade, parle d’une
« montée en couleurs ». Allons plus loin.
Cross redécouvre sa palette. Adieu la
trempette : voilà le grand large. Ses ors,
ses mauves, ses grenats reviennent à la
vie à la lumière du Var. Son Paysage aux
chèvres, en 1895, est une sonate enroulée
entre le saphir d’une frondaison et la la-
vande des bêtes. L’année suivante, le
peintre, inspiré par une pièce à l’antique
d’Édouard Dujardin, métamorphose
une baie méridionale en côte du Pélo-
LE FIGARO jeudi 31 août 2023
29
réveiller. Cela donne des concerts cha-
leureux mais parfois nonchalants. La
précision n’est pas sa priorité, il préfère
que la musique raconte une histoire. Il
ne s’en prive pas dans un Petrouchka
très imagé, dans le style populaire russe,
au risque d’un son d’orchestre un peu
gras et d’effets appuyés. Mort et transfi-
guration convient beaucoup mieux à ce
straussien incontestable, mais La Valse
de Ravel abuse de fluctuations de tempo
au détriment d’une tension qui ne de-
vrait pas nous lâcher. On ne retrouve
que sporadiquement le sentiment d’ur-
gence qui caractérisait le jeune Nelsons.
Allez, une bonne résolution : apprendre
à dire non ! Après tout, rien ne l’oblige à
diriger tous les jours… ■
Jusqu’au 10 septembre.
www.lucernefestival.ch
Orchestre symphonique de Boston,
en concert à la Philharmonie de Paris
le 8 septembre.
ponnèse pour broder une Nocturne peu-
plée d’apparitions en tunique. C’est une
symphonie de bleu et de vent. Prêt
d’une collection particulière, Toulon,
matinée d’hiver, est quant à elle une Im-
pression soleil levant qu’on aurait passée
au tamis, ou transformée en une cha-
toyante marqueterie.
Mais tisser mille variations de mer ne
suffit pas. Cross se pique d’admiration
pour Nietzsche, démiurge dolent dans
lequel il se reconnaît. Le peintre dévore
Le Gai savoir, rêve de réaliser un portrait
du penseur et épouse son idéal de liberté
sans entraves. La peinture de Cross glisse
dans une décivilisation panthéiste - ten-
dance solaire. Des nageurs virils et de vi-
goureuses athlètes, au repos ou saisies
dans le plaisir d’un plongeon – comme
dans La Joyeuse Baignade - allument les
toiles de ses dernières années. L’exalta-
tion des corps plantés en pleine nature et
des chairs sensuelles s’accroît à mesure
que lui-même dépérit. Il esquisse des
nymphes joueuses et des naïades calli-
pyges. Elles feraient rougir les Poseuses
de Seurat. Dans La Forêt, deux odalisques
échangent un baiser au cœur de leur bos-
quet. Son faune de grand format surgit de
ce pétillement final. Il est l’un des ultimes
témoins de cette gaie peinture, cueillie
par Henri-Edmond Cross sur les rivages
de la Méditerranée. ■
« Henri-Edmond Cross dans la lumière du Var,
“le plus beau pays du monde” », jusqu’au
A
14 novembre, au Musée de l’Annonciade,
Saint-Tropez (83). Tél. : 04 94 17 84 10.
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO

30 STYLE
ÉLODIE BAËRD ebaerd@lefigaro.fr

ous l’avions laissée il y a cinq

N ans, naviguant entre Paris et

New York, et entre la fan-
taisie et la joaillerie. A l’épo-
que, la fondatrice de la mar-
que de bijoux portant son nom, dont les
filles s’arrachaient (et s’arrachent encore)
les colliers tressés de coton et les manchet-
tes de dentelle trempée dans l’or, supervi-
se toujours les créations de l’entreprise
mais, en prise à des difficultés financières,
elle a vendu ses parts, deux ans plus tôt, à
un fond familial dirigé par l’entrepreneur
Jean-Paul Bize. Ce fut alors, en 2016, l’oc-
casion de donner un nouveau souffle aux
collections Aurélie Bidermann, et de deve-
nir directrice artistique du joaillier Poiray,
appartenant au même fonds. « J’ai long-
temps vécu un mois sur deux à New York,
ma fille était scolarisée dans les deux villes,
se souvient-elle. C’était un rêve avec le
meilleur des deux mondes : l’énergie inspi-
rante et le melting-pot de Manhattan, où
tout semble possible et où je côtoyais des
gens différents, et la beauté omniprésente de
Paris, où j’ai mes racines et des amitiés pro-
fondes. » Mais le partenariat a tourné
court, sa fille a grandi et le Covid est passé
par là. « Mademoiselle Aurélie Bider-
mann » s’est donc fixée à Paris, a perdu
l’usage commercial de son nom (comme
Ines de la Fressange à une autre époque,
d’où le « Mademoiselle ») et a commencé à
travailler dans l’ombre pour des joailliers
et des marques de bijou fantaisie.

“donnée
La seule consigne

CHRISTOFLE
par Christofle était
de rester dans l’héritage 1 2
de cette institution.

AURÉLIE AUX MAINS D’ARGENT

Je m’en suis imprégnée,
mais le motif retenu,
rond et dodu, est

”
complètement nouveau
MADEMOISELLE AURÉLIE BIDERMANN
Elle revient aujourd’hui dans la lumière
grâce à Christofle, et une collection en ar-
gent, comptant une vingtaine de créations
(bijoux et objets de décoration). « Il y a un
an et demi, j’ai rencontré leur présidente,
Émilie Metge, qui m’a proposé d’imaginer
des bijoux. De mon côté, je rêvais depuis
longtemps de dessiner pour les arts de la ta-
ble », raconte la quadragénaire, qui a gran-
di dans une famille d’esthètes et de collec-
tionneurs qui passe ses week-ends aux
puces et dans les galeries. Le résultat est
donc la ligne Babylone, en clin d’œil aux
fameux jardins suspendus, mais aussi au
6e arrondissement de Paris, qui lui est
cher. Le motif tressé habille le socle d’une
coupe ou d’une timbale, mais forme aussi
une manchette et des bagues.
« La seule consigne donnée par Christofle
était de rester dans l’héritage de cette insti-
tution, reprend-elle. J’ai visité la manufac-
ture installée depuis 1970 à Yainville, près de
APRÈS AVOIR QUITTÉ IL Y A CINQ ANS LA DIRECTION ARTISTIQUE DE POIRAY ET DE LA MARQUE DE BIJOUX AURÉLIE BIDERMANN QU’ELLE
FONDA EN 2004, LA CRÉATRICE REVIENT SOUS LES PROJECTEURS AVEC UNE COLLECTION POUR CHRISTOFLE.
Rouen, qui dispose d’un conservatoire. Je
m’en suis imprégnée, mais le motif retenu,
3 rond, généreux, dodu, comme je sais faire,
est complètement nouveau. » Il rappelle la
luxuriance des jardins antiques et la gour-
mandise d’une brioche tressée. Il se prête
très naturellement à toutes les déclinai-
sons, du lourd bougeoir à l’aérien anneau
d’oreille, de la délicieuse frise d’assiette à la
manchette statutaire. Celle qui aime voya-
ger - « Ça entretient la curiosité » - autant
que recevoir - « Autour de grandes et belles
1. « Mademoiselle Aurélie Bidermann »
portant les manchettes qu’elle a dessinées
pour Christofle. 2. La collection Babylone
comprend notamment des bagues
(à partir de 390€) et de la porcelaine
(à partir de 115€).
3. Timbale en métal argenté, 295 €.
tables » - n’a rien perdu de sa patte, qu’on
retrouve dans ces formes opulentes et
joyeuses, se prêtant à l’accumulation.
« Il ne s’agit pas d’une capsule, cette nou-
velle collection va entrer dans notre catalo-
gue et est vouée à être enrichie, précise-t-
on chez Christofle. Dans la foulée des lignes
Pompon et Patte de lion il y a quelques mois,
Babylone est l’occasion de reprendre la pa-
role sur le bijou, segment qui a très bien
marché il y a une quinzaine d’années, mais
s’est un peu essoufflé. » Christofle perpétue
aussi sa longue tradition de collaboration
avec des artistes et des designers captant
l’air du temps, de Cocteau à Gio Ponti et
d’Andrée Putman à Marcel Wanders. Une
fois n’est pas coutume, glisse-t-on en in-
terne, la création et le service commercial
sont parfaitement alignés sur ce projet.
Outre raviver le désir et le design, la
maison se trouve face à un autre défi, de
fabrication celui-là. Depuis plus d’un de-
mi-siècle, la manufacture de Normandie
façonne couverts et grosse orfèvrerie, ainsi
que les commandes sur mesure exécutées
à la main par des meilleurs ouvriers de
France. Beaucoup d’artisans issus de fa-
milles du coin se succèdent de génération
en génération, mais la relève se raréfie,
d’autant qu’il n’y a plus de formation en
orfèvrerie en France aujourd’hui, sauf en
interne. Cela pourrait revenir, et puis
Christofle participe à des salons de métiers
à destination des étudiants, comme l’évé-
nement Les De(ux)mains du luxe, à Paris,
en décembre dernier. En attendant, il ne
fait pas de doute que des produits aussi dé-
sirables que ceux dessinés par « Mademoi-
selle Aurélie Bidermann » devraient moti-
ver les artisans et susciter des vocations. ■

CHRISTOFLE, me la touche-à-tout Alice Moireau ou

la modeuse Clara Cornet.
Le service du patrimoine est lui aussi

RETOUR VERS LE FUTUR mobilisé à chaque réflexion sur les col-

ELSA CAU
Quel est le point commun entre l’Opéra
Garnier à Paris, Notre-Dame de la Gar-
de à Marseille, les masques des Gueules
cassées et Le Normandie ? Christofle.
Entre Louis-Philippe et Napoléon III ?
Entre Alphonse Mucha, Paul Follot,
Jean Cocteau, Gio Ponti et Andrée Put-
man ? Toujours Christofle. « Charles
Christofle est le premier à avoir démo-
cratisé le luxe, sourit Émilie Metge, pré-
sidente de la maison. Cet industriel, vi-
sionnaire, a eu l’idée de rendre accessible
à tous ce qui ne l’était que pour la nob-
lesse. Il était tout simplement le m’as-tu-
vu de l’époque. » S’ensuivent les Expo-
sitions universelles et l’essor du secteur
des arts de la table. Timbales, cuillères
de baptême, ménagères de noces jalon-
nent ainsi l’existence des Français de-
puis toujours. Une saveur de madeleine
de Proust intrinsèque à la marque, véri-
table monument du luxe français. « Le
luxe, c’est le produit pérenne, qui se ré-
pare et se transmet, martèle Émilie
Metge. Nous sommes durable par essen-
ce. Pas besoin de storytelling : les vraies
histoires sont celles qui donnent naturel-
lement du sens. »
La maison survit aux soubresauts de
l’histoire et aux évolutions industrielles
A
Christofle s’élèvent à 30 % du chiffre
d’affaires. Les attentats de 2001 ont en-
suite raison des espoirs de relance de
l’entreprise qui est revendue à un fonds
saoudien. En 2012, le groupe Chalhoub,
empire de la distribution de luxe au
Moyen-Orient, rachète Christofle, une
vieille dame un peu oubliée.
Réenchanter le patrimoine
Il y a bientôt trois ans, intervient alors
la stratégie dite « rétrofuturiste » de
Émilie Metge et ses équipes. « Aupara-
vant, l’accent était mis sur le produit,
rappelle-t-elle. Avec le retour des arts
de la table, il était important de revoir
l’identité de la marque, de donner un axe
de modernité à la stratégie, de narrer
son histoire dont les jeunes générations
sont friandes. Le rétrofuturisme, c’est
avoir une conscience patrimoniale, un
savoir-faire artisanal et français, tout
en étant créatifs et modernes. » Résul-
tat : 52 % de croissance en deux ans,
une problématique de désirabilité rem-
placée par celle d’une demande dou-
blée et impatiente. Et pour cause, une
cuillère Christofle fait intervenir cin-
quante artisans.
« Le temps long du luxe prend tout
son sens. Mais nos ateliers sont très sol-
licités, glisse la jeune PDG. Aupara-
vant, nous avions un mois d’attente
lections à venir. Les 70 000 numéros
d’inventaire conservés ne sont pas
seulement chouchoutés et prêtés dans
les expositions du monde entier, mais
servent aussi de base de réflexion à
cette nouvelle stratégie, de la réédition
de la collection Art nouveau Gallia à la
réinterprétation des collections histo-
Le spécialiste riques pour faire du neuf, ou encore la
français création d’objets insolites contempo-
de l’argenterie rains - comme la boîte à sneakers. « La
propose désormais même année, nous avons sorti la collec-
en boutique des tion Vintage et celle des NFT », souligne
pièces de seconde
Caroline Radenac, responsable du pa-
main (ci-contre),
sans délaisser les trimoine de Christofle. « Le rythme des
créations dans l’air lancements est plus soutenu, confirme
du temps. Dernière Marie Beaussier, directrice de l’offre et
en date, une boîte des produits. Sans compter que nous
à sneakers en avons revu notre identité avec l’aide de
métal argenté Ramdane Touhami : image, packaging,
(3 500 €, logo, concept de boutique, rééditions… »
ci-dessous). Et maintenant ? Deux cents bougies
CHRISTOFLE à souffler en 2030, le désir d’être da-
vantage implanté en Asie où la mai-
son bénéficie d’un pic de demandes
de la part du triangle Corée-Chi-
ne-Japon… « Qui dit dévelop-
pement, dit savoir-faire. Nous
avons l’intention de
construire une école Chris-
à réfléchir à la collection Vintage. » Le tofle. Pour cela, il faut aussi
principe : acquérir en seconde main promouvoir le plus possible
des pièces anciennes, les nettoyer, les les métiers de la main et
restaurer, les certifier et les revendre à leurs attraits. Et encore pé-
un prix moins élevé que le neuf. L’ob- renniser des métiers comme
jectif est d’atteindre une clientèle plus le polissage. Le poli miroir,
jeune et moins fortunée, portée par extrêmement brillant, est une

jusqu’à la guerre du Golfe et l’effondre- pour une ménagère. Maintenant, c’est une direction artistique moderne et de nos marques de fabrique »,
ment du secteur. En 1993, les pertes de six mois de délai. Ce qui nous a poussés des ambassadrices dynamiques com- rappelle la PDG. ■

À moins d’un kilomètre
de l’océan Atlantique
le Dunas Golf Club s’étire
entre ajoncs, pins d’Alep
et dunes.
COMPORTA JOUE LA CARTE DU GOLF
ACCUEILLANT CHAQUE ANNÉE
UN PUBLIC DE PLUS EN PLUS
NOMBREUX, CETTE DESTINATION
BRANCHÉE AU SUD
DE LISBONNE NE CESSE DE
SE DÉVELOPPER, NOTAMMENT
EN OUVRANT DE NOUVEAUX
PARCOURS. REVUE DE DÉTAIL.
ALYETTE DEBRAY-MAUDUY
adebray@lefigaro.fr
ENVOYÉE SPÉCIALE À COMPORTA
es étendues de chênes-liè-
D ges, des pins maritimes à
perte de vue, des dunes.
Des maisons au luxe dis-
cret, cachées dans cette
nature vierge de toute nuisance. À
quelques encablures, l’océan et ses
plages, à l’état sauvage. Voilà ce qui a
fait la renommée de Comporta, depuis
que la famille Espirito Santo a lancé la
destination dans les années 1950. Le
temps a passé et cette presqu’île de
15 kilomètres de long et à peine 2 kilo-
mètres de large au sud de Lisbonne, re-
fuge de happy few en quête d’authen-
ticité, n’a cessé de faire rêver. À tel
point qu’aujourd’hui la destination n’a
plus rien de confidentielle. On y croise
des touristes du monde entier - « cet
été, nous avons vu arriver beaucoup
d’Américains, de Canadiens, d’Ita-
liens », confie Adrien Neves, un enfant
du pays, gérant de Gomes-Casa de
Vinhos & Petiscos, un restaurant en
vue du petit village de Comporta. Çà et
là, complexes hôteliers et condomi-
niums de luxe se construisent à tour de
bras. Heureusement, ces derniers res-
pectent l’esprit bohème chic des lieux
- bâtiments en bois, avec peu d’étages,
noyés dans la nature et respectueux de
l’environnement. « Deux projets sont
en cours de construction en front de mer,
sur des zones classées réserves naturel-
les, dont l’un lancé par la famille Ortega,
propriétaire de Zara. C’est du jamais
vu », remarque Adrien Neves.
Stimulé par cet essor touristique, le
golf s’est lui aussi développé sur la pé-
ninsule. Plusieurs parcours ont ouvert
ou sont en passe d’ouvrir leurs portes,
venant ainsi s’ajouter au Troia Golf
Club, le tracé historique de Comporta,
un links dessiné par Robert Trent Jones
en 1979, dans les pins, le long d’une
plage de sable blanc. Considéré par les
aficionados comme l’un des plus beaux
parcours du pays - Trent Jones ayant
déclaré à propos du trou numéro 3 qu’il
était l’un des plus beaux qu’il ait imagi-
né -, il a été le théâtre de l’Open du
Portugal en 1983.
Esprit links
Aujourd’hui, à quelques kilomètres, le
tout nouveau Dunas Golf Course vient
rivaliser avec son aîné. Planté au cœur
d’un domaine de 1 000 hectares, celui-
ci a mis plus de quinze ans à sortir de
terre. Initié en 2007 par le groupe Espi-
rito Santo, le projet a été repris en 2019
par Vanguard Properties, un géant de
l’immobilier, propriété du Français
Claude Berda et du Portugais José Car-
doso Botelho. L’architecte écossais Da-
vid McLay Kidd, spécialiste des links
LE FIGARO jeudi 31 août 2023
STYLE 31
CARNET DE ROUTE
Y ALLER
S’envoler pour Lisbonne depuis
Paris avec la TAP Portugal,
Air France, Transavia, easyJet,
Vueling, Ryanair… Certaines
compagnies proposent aussi
des départs depuis la province.
Il faut ensuite compter
une bonne heure de route
pour rejoindre Comporta.
DORMIR
À l’AlmaLusa, cet hôtel 4 étoiles
+
a ouvert l’hiver dernier en plein
centre du village de Comporta.
Il offre 22 chambres et 31 suites
décorées d’artisanat local.
Mention spéciale pour son
rooftop où l’on déguste des
tapas en profitant d’une vue
panoramique sur les rizières,
et sa situation, idéale pour
découvrir les ruelles du village
DUNAS GOLF COURSE
(à partir de 180 € la chambre
double, almalusahotels.com).
HÔTEL ALMALUSA
autonomie totale en électricité, jusqu’à
la recharge des voiturettes. Enfin, le
centre de traitement de l’eau installé
sur la propriété permettra, à terme, de
SE RESTAURER
Chez Gomes Casa de vinhos
subvenir à tous les besoins du resort.
Côté green, la presqu’île est-elle en
& petiscos, toujours à
Comporta. Tenu par un Français,
passe de devenir une véritable destina- Adrien Neves, revenu s’installer
À moins d’un kilomètre
tion golfique comme Cascais, près de
Lisbonne, ou Faro, en Algarve ? Tout le
dans le village de sa famille,
on y dîne les pieds dans l’herbe
de l’océan Atlantique
le Dunas Golf Club s’étire entre
laisse à penser. À dix minutes du Dunas ou dans une chaleureuse salle
Golf Club, entre Comporta et Melides - intérieure. Il propose des tapas
ajoncs, pins d’Alep le nouveau spot de l’Alentejo - le Do- avec les produits de l’épicerie
et dunes.
maine de Costa Terra offre déjà un tra-
cé signé par le champion américain
éponyme et a développé une
jolie carte à base de produits
Tom Fazio. Celui-ci est ultra-privé, locaux - poissons, riz, fromage…
traduisez réservé aux propriétaires de (Résa : +351 265 497 748).
l’une des 300 villas dans ce luxueux
condominium. Quant au golf de Pin- JOUER
heirinho, à Melides, un tracé à l’améri- - Troia Golf, 102 € le green fee.
caine dessiné par l’architecte du pays troiaresort.pt
Jorge Santana da Silva, il ouvrira ses - Dunas Golf Club, 175 €
Premier golf de la destination Comporta, le links de Troia, dessiné par Robert Trent
Jones en 1979, est réputé comme l’un des plus beaux parcours du Portugal. TROÏA GOLF
anglo-saxons - à qui l’on doit le Castle
Course à St. Andrews - est alors revenu
18-trous fin 2023 ou début 2024, lui
aussi au cœur d’un complexe haut de
gamme. À suivre. ■
le green fee avec la voiturette
et les balles de practice.
comporta.com
sur place terminer la construction de
son 18-trous. Ouvert depuis le mois de
juin, celui-ci s’étale dans un paysage Présenté par Claire Chazal et André Manoukian
typique de la région, au milieu des du-
Le grand échiquier
nes, des ajoncs et des pins d’Alep. Avec
ses fairways ondulant comme une va-
gue, ponctués de profonds bunkers et
de vastes étendues de sable naturelles,
ce 18-trous n’a rien à envier aux
spécial Arménie
meilleurs tracés de bord de mer. Le
sens du détail est ici poussé à l’extrê-
me, l’esprit links se retrouvant jusqu’à
la graminée plantée sur les fairways, la
fétuque. « Nous sommes les seuls à uti-
liser cette variété de gazon au Portu-
gal », précise Rodrigo Ulrich, le direc- Avec la participation de Jean-Christophe Buisson
teur du golf. Quant à l’Atlantique, il est
à moins d’un kilomètre. On ne le voit
pas club en main, mais on peut l’aper-
cevoir en grimpant sur le promontoire
à la sortie du green du trou numéro 13.
Selon le vent, il arrive aussi de l’enten-
dre gronder, au loin. À cela il faut ajou-
ter un service 5 étoiles digne des plus
grands clubs européens : accueil sur le
parking et prise en charge du sac, net-
toyage des clubs après la partie, voitu-
rette équipée de GPS, bar ambulant sur
le parcours… Et cela sans compter sur
les six aires de départ adaptées au ni-
veau de tous les joueurs.
Écoresponsable
Dans les deux ans à venir, ce resort
baptisé « Terras da Comporta » comp-
tera également un hôtel, une bonne
trentaine d’activités sportives (voile,
paddle, vélo, ski nautique, beach-vol-
ley…), un hôpital privé, une école et un
autre 18-trous, Torre Golf Course. À
moins de 10 kilomètres du Dunas Golf
Club, aux portes du village de Compor-
ta, son ouverture est d’ores et déjà très
attendue, car il s’agira là du premier
parcours dessiné par le champion es-
pagnol Sergio Garcia. « Dans l’esprit de
© Jack Tribeca - Bestimage
la presqu’île, ce resort a pour ambition
de devenir l’un des plus écoresponsables
d’Europe, ajoute Rodrigo Ulrich, le di-
recteur du golf. Cette promesse n’a rien
d’un argument marketing, elle reflète les LE 31 AOÛT
convictions profondes des propriétaires
du groupe Vanguard. » Le parcours est
SUR
ainsi entretenu sans produits phytosa-
nitaires et tondu avec des machines
électriques. Les toits des bâtiments tels
A
le club-house sont quant à eux équipés En partenariat avec
de panneaux solaires, assurant une
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO

32 TÉLÉVISION
« LE GRAND ÉCHIQUIER » HOMMAGE À L’ARMÉNIE LIBRE
CLAIRE CHAZAL ET ANDRÉ MANOUKIAN PRÉSENTENT UNE ÉMISSION
SPÉCIALE, EN PARTENARIAT AVEC « LE FIGARO MAGAZINE », POUR
ÉVOQUER LA COMBATIVITÉ D’UN PAYS VICTIME DU GÉNOCIDE DE
1915 ET AUJOURD’HUI MENACÉ PAR LA TURQUIE ET L’AZERBAÏDJAN.
BLAISE DE CHABALIER £@dechab
aussi par une joie et un enthousiasme
inouïs qui permettent malgré tout la rési-
lience. Ainsi se laisse-t-on transporter
u commencement était l’Ar- d’émotion en écoutant la soprano armé-

A ménie. « France Télévisions a

tenu à rendre hommage à ce
pays du Caucase entre l’Eu-
rope et l’Asie, qui fut l’une des
premières civilisations chrétiennes et dont
le destin est jalonné de drames. » D’em-
blée, Claire Chazal donne le ton de cette
nienne Ruzan Mantashyan interpréter
avec maestria l’Ave Maria de Charles Az-
navour. L’occasion pour Nicolas, le fils du
chanteur décédé en 2018, d’évoquer son
père. « Les liens entre la France et l’Armé-
nie, la langue, la culture française, ça lui
tenait vraiment à cœur », confie-t-il.
émission spéciale du « Grand Échi-
quier » qu’elle coprésente avec le pianis- « Danger d’épuration ethnique »
te et animateur de télévision d’origine Cette relation privilégiée entre les deux
arménienne André Manoukian. Cette pays est au centre des discussions des in-
soirée hors norme du seul fait qu’elle est vités qui appartiennent à la diaspora et
consacrée à un pays dont on parle très évoquent les souvenirs de leurs parents
peu sur le petit écran, est réalisée en par- ou grands-parents rescapés des massa-
tenariat avec Le Figaro Magazine. Ceci cres perpétrés par les autorités turques au
sous l’impulsion de Jean-Christophe début du siècle dernier. Les échanges
Buisson, son directeur adjoint de la sont éclairés par l’historien Tigrane Yé-
rédaction. Avec l’écrivain Sylvain Tes- gavian. Parmi les personnalités présentes
son également présent sur le plateau, le citons les humoristes Pascal Légitimus et
journaliste ne cesse Mathieu Madénian, la
d’alerter au fil de repor- violoncelliste Astrig Si-
tages et chroniques sur ranossian, le violoniste
la situation alarmante
de l’Artsakh (Haut- ○○○◐
21.10 Sergey Khatchatryan, les
chanteurs Hélène Ségara
Karabakh). Cette terre et Patrick Fiori ou encore
historiquement arménienne est en effet le comédien Simon Abkarian. Ce dernier André Manoukian et Claire Chazal prète, sous les ors de Versailles, sa chan- ethnique comme il y a cent ans », alerte
victime actuellement d’un blocus féroce a incarné dans L’Armée du crime (2009), (au centre), entourés d’une partie son poignante intitulée Aux souvenirs que Jean-Christophe Buisson. Ce à quoi Syl-
organisé par l’Azerbaïdjan, qui met en film réalisé par Robert Guédiguian, éga- de leurs invités : Christina Galstian, nous sommes. vain Tesson ajoute : « Nous aimons ce pays
péril la vie de ses 120 000 habitants. lement présent ce soir, le poète et résis- Mathieu Madénian, Simon Abkarian, Sur le drame en cours depuis l’attaque parce que nous voyons en lui un éclat de ce
Jean-Christophe Buisson, Sylvain
Au fil d’un programme enregistré au tant communiste Missak Manouchian, en septembre 2020 de l’Artsakh par que nous fûmes, nous autres Européens de
Tesson (de gauche à droite).
château de Versailles, placé sous le signe fusillé par les nazis avec ses camarades de JACK TRIBECA/BESTIMAGE/FTV
l’Azerbaïdjan, avec l’appui de la Turquie, l’Ouest. Un éclat qui est projeté au seuil de
de la musique et de la chanson, avec les « l’Affiche rouge ». Cet intellectuel était qui fit des milliers de morts civils, Jean- l’Orient. Et nous ferions bien de considérer
musiciens de l’orchestre de l’Opéra aussi un rescapé, alors qu’il avait 9 ans, Christophe Buisson et Sylvain Tesson ont ce tout petit pays si lointain comme quelque
royal, l’âme arménienne apparaît. Tra- du génocide de 1915. Et c’est en hommage décidé de témoigner inlassablement. chose de beaucoup plus proche de nous que
versée par la souffrance, celle d’un peu- à ce héros qui entrera au Panthéon le « L’Artsakh et l’Arménie sont en danger de nous ne le sommes nous-mêmes. Nous qui
ple décimé lors du génocide de 1915, mais 21 février 2024 que Patrick Bruel inter- + » Lire aussi PAGE 4 mort, à nouveau en danger d’épuration avons oublié qui nous étions. » ■

« ONE PIECE », EN CHAIR ET EN OS

L’ADAPTATION EN PRISES DE VUES RÉELLES DU MANGA, VENDU À PLUS DE 500 MILLIONS D’EXEMPLAIRES, EST UNE VRAIE RÉUSSITE.
vendue à plus de 500 millions d’exem-
JULIA BAUDIN £@BaudinJ plaires à travers le monde, compte 105
tomes. Les huit épisodes de la série re-
etflix relève le pari très ris- prennent les douze premiers, soit l’in-
« la meilleure adaptation live action de nais. De ses prémices à sa mise en ligne
tous les temps ». sur la plateforme Netflix, le projet aura
La participation très active de duré sept ans.
l’auteur du manga One Piece, Eiichiro Mais le résultat est là. Un casting

N qué d’adapter le manga

culte d’Eiichiro Oda, One
Piece, en prises de vues
réelles. Non que la platefor-
tégralité de l’Arc East Blue. De quoi po-
ser les bases d’un récit qui, s’il
convainc, pourrait donner lieu à de
multiples saisons.
Oda, au développement du projet n’y
est pas étrangère. Le célèbre dessinateur
a suivi chaque étape de la production…
« Le manga avait déjà fait l’objet
5 étoiles majoritairement composé de
jeunes recrues. Une mythologie foison-
nante. Une mise en scène on ne peut
plus spectaculaire. Une impertinence
COURTESY OF NETFLIX 2023

me ne soit pas dans la capacité d’y par-
venir. Elle en a les moyens et s’est ad-
joint les services d’un jeune créateur de
talent, Steven Maeda. Mais elle s’atta-
que ici à l’une des aventures de pirates
les plus populaires au monde, celle de
Monkey D. Luffy (incarné par Iñaki Go-
doy), déterminé, avec l’aide de sa ban-
Netflix s’attaque à l’une des aventures de de copains, les Straw Hats, à trouver
de pirates les plus populaires au monde, le One Piece, sorte de super Graal, et à
celle de Monkey D. Luffy (Iñaki Godoy). devenir le roi des pirates. L’œuvre,
Participation très active
du mangaka Eiichiro Oda
Des avant-premières ont été organi-
sées ces derniers jours dont il ressort
que les adeptes, même les plus poin-
tilleux, sont contents. Beaucoup s’ac-
cordent à dire qu’après les franche-
ment décevantes Full Metal Alchemist,
Dragon Ball Evolution, Cowboy Bebop et
Death Note, celle-ci s’impose comme
d’une adaptation en série d’animation. délicieuse. Et cet humour fantastique,
Un travail colossal, mais dont les marque de fabrique de la bande dessi-
contraintes étaient moindres à de nom- née d’origine, auquel elle doit une
breux égards. Une série en prises de vues grande partie de son succès. Entre récit
réelles est beaucoup plus compliquée à homérique, légende arthurienne, conte
mettre en œuvre. Il faut trouver les bons pour enfants et delirium asiatique, la
comédiens, réaliser les bons dé- série divertit mais pas seule-
cors, imaginer la musique, sans ment. Sur fond de folle aventu-
parler de la gestuelle, si impor- re, elle parle aussi de courage,
tante… », explique-t-il dans les d’amitié, de loyauté, de bien-
colonnes d’un magazine japo- ○○○○ veillance et d’optimisme. ■

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé SU DO KU

1 2 3 4 5 6 7 8 GRILLE 4470 MOYEN GRILLE 4471 CHAMPION
PROBLÈME N° 6384
HORIZONTALEMENT 1
1. B o u l o n n e s u r m e r . - 2. P u r e fi c t i o n . - 3. P r o t e c t e u r 5 3 8 4 3 6
r i g i d e . F o r m e d e s u n i v e r s ti a ri e s . - 4. D o m i n e l ’ é c h i q u i e r . 2
N e s e f a ti p l u s a t t e n d r e . - 5. R a i s o n n e n t p a r l ’ a b s u r d e . 3 2 7 5 7 6 2
- 6. O c c u p a d e s o c c u p é s . F e r m e s . - 7. M o t d ’ a b s e n c e . 3
S o n o u l u m i è r e . - 8. C e n t r e d r a m a t i q u e . T r è s c u l o t t é o u
4
8 2 7 1 3 6 3 8 9
t r è s d é s h a b i l l é . - 9. F e m m e d e c h a m b r e . L e t t r e e n r è g l e .
- 10. E l l e e s t a u p l u s b a s d e l ’ é c h e l l e I. l e s t à d e u x d o i g t s 7 8 1 3 4 9 2
d e p a r e s s e r t o u t e l a j o u r n é e . - 11. E l l e s b o u ff e n t e n c o u p 5
d e v e n t . - 12. A t t e i n t l e d o y e n q u i a p e r d u s e s f a c u tl é s . 4 3 2 9 2 7 8 3
6
VERTICALEMENT
1. P o u r r o n t ê t r e d é l i v r é s d u m a l . - 2. P o r t e p r é j u d i c e . - 3.
7 8 4 3 4 1
S u r n o m d e l a g u i l l o t i n e . É c l a ri e a u c a f é . - 4. V i v e , c e l l e d e 8
J u d a s . F i l s d ’ É c o s s e . S e m e t e n c o n d ti i o n . - 5. A p e u t - ê t r e 6 9 2 3 5
f a i l l i e n m o u r ri . T e r m e h o l l y w o o d i e n . P o i n t c r ti i q u e . - 6. 9
E x tr ê m e p o n c t i o n r é f o r m é e . A la c o n fi a n c e tr a n q u i l le . 7 1 5 9 3 8 4 1
I l e s t p l u s o u m o i n s , e n u n s e n s . - 7. V a f a ri e u n d é g a g e - 10
m e n t . E m p l o y é a u s e r v i c e d u c h i ff r e . - 8. U n e s a n s r i e n . 4 2 1 6 4 8
11
12
SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT MOTS À MOT
En regroupant et en mélangeant les lettres des
MOTS À CASER deux mots de trois lettres proposés, composez
E R A F L U R E C E P I 9 3 4 6 5 1 2 8 7 3 5 6 7 9 4 2 1 8 un troisième mot de six lettres.
SOLUTION DU N°4468

SOLUTION DU N°4469

SOLUTION DU PROBLÈME N° 6383 L E V R E E N D O RM A N

T 7 2 5 9 4 8 6 1 3 1 4 7 3 8 2 9 5 6
U S E S O T A L I E N E
R 6 1 8 3 7 2 5 4 9 8 9 2 5 6 1 7 3 4
HORIZONTALEMENT 1. G a s t r ti e . - 2. U r c é o l é s . - 3. E r r e s . T c . - 4. R i a . A n e l . - 5. R e b a i s s a . - 6. O r b ti e .
- 7. Y a l e . O P A . - 8. E u s . A G . - 9. U s . L u i g i . - 10. S u r e t t e s . - 11. È r e . R o o m . - 12. S e r v a n t e .
C O N T E N A
U N I R C R
N T
E U
S U
S E
E
R
D
E
I
P
5
1
8
9
3
6
2
8
1
3
4
7
7
4
9
2
6
5
5
4
3
7
9
1
1
8
2
3
6
9
8
6
4
2
7
5
SUD+BAR=B
2 4 7 5 9 6 1 3 8 2 6 8 4 7 5 3 9 1
VERTICALEMENT 1. G u e r r o y e u s e s . - 2. A r r i é r a . S û r e . - 3. S c r a b b l e . R E R . - 4. T e e . A ï e u l e . - 5. R o s a ti .
B A R I L
R N
D
P O L E
E R
A
A T E
U T R E
T
A
S 4 6 1 7 8 9 3 5 2 9 8 4 6 5 3 1 7 2
HAN+CE T = N
A

S u t r a . - 6.I l . N S E O .It o n . - 7. T ê t e s . P a g e o t . - 8. E s c l a v a g i s m e . E C O L I E R E C E R T E S 8 5 2 4 6 3 9 7 1 7 1 3 2 4 8 5 6 9
R E C E N T P M E E C H E 3 7 9 1 2 5 8 6 4 6 2 5 9 1 7 4 8 3 TAS+COR= O

31_08_23_P2 7 07/08/2023 09:49

 LE FIGARO jeudi 31 août 2023

TÉLÉVISION Tous les programmes

dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag MÉTÉO PAR 33
ÉPHÉMÉRIDE St-Aristide
À LA DEMANDE Soleil : Lever 07h06 - Coucher 20h35 - Lune croissante

21.10 21.10 21.10 MATIN

hor : Ragnarok Le grand échiquier J’ai menti Babylon Berlin 12
F 
  a n t a s t iq u e M a g a z in e S  BCDEFD e 40
12
11 9 10
13 13
11 12
16
14 12 12
12
12
15 13 12
12

 é a l .  a i k  a ti ti  
 v e c P ré s .  ! ;!   n d r # :%$ - F r 
 .a i s $%  /  234 A v e c Déjà quatre saisons de « Babylon
  w o r  e n d a n    ! ,% 
< .(#+! #% =%#" C !! 7$  %

0  u d r e “  o n Berlin » donnent au spectateur un 30 11

s ­ ! "#o l a t $% & s g a a r "  '$  C e t t  o ri # "#"# & !#% (é - c o m p a *%$% >r a c t u r e n  ! ($t  " % aperçu du Berlin des années 30 à 15
12
p r i s $%% " % (!%­ !$%t a i n e , s e n t  ! + + !u r !!   >o n t d e m e u r  $!# " ! +$%+ " travers les yeux de Gereon Rath, 11
 $)!*# " ( t +( & % o u r n o i ! >o r c  " $% ( (! % +o m p a g n i e P a y  )  =%v o l o n t a ri e m e n   ! "#- un policier traumatisé par la guerre 16 12
" +($%   !$(($s  &  !, " %$) 8  t is t e s . c l e n c h e n  % >  Hr a y #  ! "#+"%t mais décidé à combattre le crime, 16 17
" (e n d r  ! ($ " "c a m p e t t  % et Lotte Ritter, sa jeune collabo- 17
23.30 Esprits criminels. Série. 23.15 L’un dans l’autre. Film. Comédie. 16
e m p o r t a n  % (#+ 8 +o l l i e r . ratrice, issue d’un milieu pauvre. 13
Policière. Un plat qui se mange froid. Avec Stéphane De Groodt, Louise 19 17
La série, qui met en lumière les
Avec Joe Mantegna, A.J. Cook. Bourgoin, Aure Atika. 23.17 La France en vrai. Documentaire.
diférences de classes abyssales 18 50
entre les privilégiés décadents et
les classes populaires, laisse voir 17
la montée des totalitarismes où, APRÈS-MIDI
pendant que les uns s’amusent
21.09 20.55 21.10 dans les boîtes de nuit, les autres
40
18
Slow Horses he Paradise Cruella préparent le renversement du
régime dans la rue. À mesure 17
S   a m a t iq u e S   a m a t iq u e F 
 G o m é d ie 16 17 19
que les saisons s’écoulent,
20 18
un groupuscule en particulier
19 21
commence à prendre de l’ampleur, 19
dont les adeptes arborent 22 19 20
19
un brassard à croix gammée. 23
22 22 22
23

ˆ-
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0 .a i s $% /< & ?2?4 v e c 
 é a l .  r * ˆ!!( 1 20 26
G a r “ 5!"%  6r i s t % .c $ '$ ˜$%% @%" =%#" 7 a r a d i s e A v t
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."   é r i e u s e m e n  )!#  c $%%A % (ti  é v o l u t $% " 8 "% ! %%# J
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v i v a n t  7) $++ ( "!!  ! n o u v  8 a y $% (o p o s e n  " %$ - $(!%   é s $!  &  >a ri  % %$
28 26
" 8 % 9%%% & ! +$%+! $%   v e a u t # %t r o u v )! !!  e s t o n "% ! %9e r  " ! $"   >a ti
30
˜" :$$"“ # !   &* a g e s . c o n t %   (ti  %t r i g u e s . r e m a r   ( % +é a t r i c  %l u e n t e . 25 26
27 26
22.34 La Cour des miracles. Film. 00.30 L’homme de la chambre 301. 23.35 Recherche appartement ou
JOEL SAGET/AFP

Comédie. Avec Rachida Brakni. Inédit. Série. Dramatique. Saison 1 (3 et 4/6). maison. Téléréalité. Spéciale 1er achat. 29 60
25

T (en °c)

19.36 Animaux à adopter. Doc. 20.05 C’est la famille. Série. 20.15 Burger Quiz. Jeu. 18.30
VW XYZZ [\
<-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40

21.09 S.W.A.T. 21.05 L’énigme 21.15 L’enquête corse

Série. Policière. EU. 2022. Saison 5. Jean-Jacques Goldman Film. Comédie. Fra. 2004. Réal. : Alain Magazine. Jean-Baptiste
Boursier (notre photo), ALGER 22/27 AMSTERDAM 13/19 ATHÈNES 23/32
Avec Shemar Moore. Le loup solitaire. Doc. Fra. 2021. 1h49. Depuis les années Berbérian. 1h26. Avec Christian Cla- 20/25 18/24 14/17
présentateur de la matinale BARCELONE BELGRADE BERLIN
Inédit. Le cambriolage d’une maison 1980, Jean-Jacques Goldman s’est vier, Jean Reno. Un détective parisien de LCI. Interviewé par Nicolas
a tourné au carnage. Les proprié- construit une carrière musicale exem- est chargé de retrouver un Corse, qui BERNE 11/19 BRUXELLES 10/18 BUDAPEST 15/24
Vollaire et Sarah Lecœuvre.
taires et leur ils ont été torturés puis plaire, qui lui vaut d’être un des artistes vient d’hériter. Mais ce qui devait être COPENHAGUE 14/16 DUBLIN 13/17 LISBONNE 19/28
assassinés. La seule survivante, une les plus appréciés des Français. une promenade de santé se trans- 19.00 ]^_`a_`b_ LONDRES 11/16 MADRID 16/30 PRAGUE 14/19
illette, n’a rien vu. forme en enquête éprouvante. _` ec_df_dghi`j_ . Présenté par RABAT 19/24 ROME 18/28 TUNIS 22/29
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20.05 Chine, terre sauvage. Doc. 19.30 Vintage Mecanic. 20.20 C’est un complot ! ancien ministre de l’Économie, 16/20 15/24 14/22 14/27 17/27 16/27
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21.00 Des trains ancien président 16/23 16/24
pas comme les autres 21.10 Vintage Mecanic 20.50 Le ciel des hommes 18/30
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Argentine du sud - Argentine du nord. Documentaire. Fra. 2023. 1h10. Documentaire. EU. 2019. (1 à 3/3). 15/29 18/27 18/23 20/26 18/28 21/28
Documentaire. Fra. 2023. De la Pata- Fiat Dino. Inédit. Grâce à son réseau, Depuis toujours, la voûte céleste
gonie aux glaciers du sud, Philippe François est tombé sur une pépite : suscite des interrogations. Entre
Gougler parcourt l’Argentine en train, une Fiat Dino, véhicule phare de l’His- croyances et science, quels rapports
à la découverte de la culture et des toire automobile, une sportive rare. l’homme entretient-il avec les cieux ? lachainemeteo.com
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22.35 Vintage Mecanic. 23.30 Les derniers jours de Toutân-
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MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°3613

MAL BÊTE CAPITALE APRÈS LE OUVRIERS CHANGEA GROUPE DE INGRÉ- GIBIERS ÉMACIÉ
DÉTERMINÉ CURIEUSE NORD- PRÉPARA- STRUCTU- TOUR À SARDINES D’INDIENS ESTONIEN
NU GREC DE LA SOIE DIENT DE
ISSUE SE- AFRICAINE TION DES RES DU TOUR L’OSSO- MONT DE
TUBES DE CRÈTE DU PEAUX PAPIER BANDE DOUZE GREFFÉES
VERRE CHÂTEAU PRESSERA MÉTIS EXAUCER ENLACÉ D’ÉTOFFE BUCO À ROME THESSALIE
À VOIX GRANDS
NUES PRINCIPES
À MOITIÉ RACCORD
GÂTEUX DU MOULIN
HABITANT BOULE-
DE BEAUNE VERSANT
BIEN ACROBATE
TEMPÉRER POILU
BOTTIN OBJET
TORCHONS BIZARRE
ET SER- ABRI SUR
VIETTES LE PERRON
CHEF DE CAPTERA AU- ÉVOLUE C’EST
DIVISIONS L’ATTEN- DESSUS DU EN MER UN VAIN-
FAIRE SON TION DO EN BOUCHE QUEUR EN
TEMPS RÉFUTE DISTANCÉE UN COIN PUISSANCE
COPIES CRISES APPELA
EN FACE BRUYAM-
COUPE BROSSE MENT SA
DE JEAN D’ORFÈVRE BICHE
BADAUDS PROPRE LÉGUME
AU BORD ET PAS- À L’ÂNE ORGANISA- ARGILE UNE
DE LA SANTS S’Y TION DE ROUGE OU PÉRIODE
COMBE CACHÉE LA SANTÉ À LUI JAUNE GLACIAIRE
CROISENT
COMME UN PAIN SOCIÉTÉ SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT
NAVIRE GRILLÉ ÉTAT- ANONYME
VIDE MAJOR E V S B U Q T Q M A H A M
BAS DE ABRÉGÉ A P A I S A R A S T A F A R I E N S I M P I E
APPRIS GAMME DÉCILITRE
E N S E L L U R E T E R A G L I S S E M E N T
QUI O R G E I O N I E N N I M B E E A A R U N I
CHANT BOÎTE OÙ UNE PETITE APPORTE
LATIN DE HÉLAS ON BOUTEILLE DU D E R A N G E E O P I N I O N T I C A R E S
LOUANGE DANSE PEU
NOUVEAU C U L A S S E N A T A L E L I T E O R N E E S
M I C M O S C O U P R E T R I C H E S S E
POUR
A

ÉTABLIR R E Q U E T E S E I S E N S T E I N H
CINÉASTE
AMÉRICAIN LA COMPA- N U I T N E F R E V E S U R I N E
RAISON S T E E X T R E M E A U X R E E L S

31_08_23_P1 3611 07/08/2023 09:49

 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO

34
Thorin, issu d’une espèce néanderta-
lienne jusqu’ici non identifiée. Les ana-
lyses génétiques révèlent qu’elle ne
se serait ni mélangée avec la population
de Neandertal, ni avec celle d’Homo
Sapiens. Ce qui soulève une question de
grande ampleur : comment meurent les

LUDOVIC SLIMAK hommes ? La réponse ne restera proba-

blement qu’esquisse mais une chose est
sûre : Neandertal est un miroir permet-
tant de mieux nous comprendre. « Mais

ARCHÉOLOGUE nous ne l’avons pas compris », tempête

Ludovic Slimak. Tandis que les Anglo-
Saxons ont eu tendance à le considérer
comme un être inférieur, les pays latins

HORS NORME l’ont célébré à outrance. Allant jusqu’à se

projeter en lui. « Des sentiments ont
été mis au centre de notre relation avec
Neandertal. Nous n’avons pu envisager
qu’il puisse être pleinement humain,
conscient et créatif, sans être ce que nous
PORTRAIT SES DÉCOUVERTES sommes. » Aussi a-t-on vu une statue de
cire du Musée de l’homme de Neandertal
ONT BOULEVERSÉ allemand affublée d’un costume gris et
LA CHRONOLOGIE de baskets blanches, entre autres.

FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO

À travers deux ouvrages écrits pour le
DE LA PRÉHISTOIRE. POUR plus grand nombre, Ludovic Slimak a
fait de la narration de ses travaux de re-
CE PASSIONNÉ DE NEANDERTAL, cherche un prétexte à la diffusion d’un
L’ARCHÉOLOGIE EST AVANT TOUT message universel. Celui d’oser penser
hors des clous. « Envisager l’impossi-
UN MOYEN DE PENSER ble », dit-il. Un mantra propre à la scien-
ce qui, ces dernières années, a vécu un
LA NATURE HUMAINE. « coup d’État de la technique et de l’ingé-
nierie sur la pensée ». Analyses biomolé-
1979. Et qui suit la parution, en 2022, de léoanthropologue Clément Zanolli. « Lu- « Mon enfance y est certainement pour culaires, génétiques, statistiques… Pour
Dorian Grelier Neandertal nu, le récit de vie d’un cher- dovic avait en sa possession les objets et les quelque chose », suppose Ludovic Sli- lui, il s’agit d’outils que la science doit
dgrelier@lefigaro.fr cheur en quête de sens. « En un an et intuitions menant à de telles conclusions, mak. Trois abandons successifs : celui de utiliser pour construire une réflexion, et
demi, quatre publications dans des revues explique le spécialiste de l’étude de la son père, après la séparation de ses pa- non pour résumer l’état de la connais-
internationales et deux livres m’ont per- structure dentaire des primates fossiles et rents, puis de sa mère, partie reprendre sance, de nature incertaine. En somme,
mis d’offrir une réécriture totale de l’his- actuels. Il n’attendait qu’un faisceau des études à la Sorbonne, et de ses il faut convoquer le verbe, admettre que
toire de Neandertal et d’Homo sapiens », d’analyses pour confirmer cela. En l’oc- grands-parents, des Pyrénéens chez qui son travail puisse être remis en question
a terre s’effrite au rythme confie l’archéologue. Une réécriture currence, toutes les dents étaient néander- il vit jusqu’à l’âge de 3 ans, le poussent à et se confronter à l’inconnu. Ce, à l’ima-

L
du marteau-piqueur. Ce
jour-là, rue Soufflot, des
travaux sont en cours
pour mettre à nu des
canalisations. C’est ici,
au pied de sa maison
d’édition parisienne, que
nous avons rendez-vous avec Ludovic
Slimak. Les cheveux et la barbe en ba-
taille, il a quitté son chantier archéologi-
que de la Drôme et parcouru près de 600
kilomètres pour présenter son deuxième
livre, Le Dernier Néandertalien (Odile Ja-
cob). Un ouvrage qui recèle les secrets de
la découverte, en 2015, des premiers
vestiges d’un corps néandertalien depuis
qu’il doit à trente ans de travail de
fouilles et d’analyses de silex et de maté-
riel humain fossile sur le site de la grotte
Mandrin, à Malataverne (Drôme).
En février 2022, après avoir émis des
hypothèses à la suite d’une « étude com-
parative transméditerranéenne d’objets
artisanaux », Ludovic Slimak est en me-
sure de l’affirmer : la plus ancienne arri-
vée des populations sapiens sur le sol
européen date d’il y a 54 000 ans, soit
près de 12 000 ans plus tôt que ce que l’on
pensait jusqu’alors. Coup de théâtre dans
le monde scientifique. La thèse est étayée
par l’analyse de neuf dents extraites de la
grotte Mandrin, confiées en 2018 au pa-
taliennes, sauf une. Elle présentait des
morphologies liées au Sapiens archaïque. »
« Vivre dehors et creuser »
Sachant que Thorin, le Néandertalien dé-
couvert en 2015 - ainsi nommé en hom-
mage à Tolkien - est âgé de quelque
45 000 ans, Ludovic Slimak détient alors
la preuve que les humains modernes ont
bel et bien coexisté avec les populations
néandertaliennes en Europe continenta-
le. La chronologie de la préhistoire s’en
trouve bouleversée. L’abbé Breuil, pion-
nier en la matière, en serait stupéfait.
Comment en vient-on à se passionner
pour nos lointains aïeux et cousins ?
s’interroger sur ses origines et son envi-
ronnement. Quand on lui demande ce
qu’il veut faire plus tard, l’enfant ré-
pond : « Vivre dehors et creuser. » Un ar-
chéologue est né. Enfin presque. Collé-
gien rebelle, il refuse de fréquenter
les bancs de l’école et décide, à 14 ans, de
devenir forestier. Quatre ans plus tard, il
rebrousse chemin. Le voici étudiant en
archéologie à l’université Aix-Marseille.
Pour financer ses études, Ludovic Slimak
joue de la cornemuse dans les rues de la
Cité phocéenne. Il va même jusqu’à
monter un groupe de rock celtique,
Kaïna, avec quatre amis. L’argent perçu
des contrats signés lui permet de finan-
cer son doctorat.
De l’équateur au cercle polaire, il en-
chaîne les missions mais garde un pied-
à-terre : la grotte Mandrin, que son équi-
pe et lui fouillent depuis 1991. Un lieu
désormais marqué par la découverte de
ge de personnages comme l’astrophysi-
cien Avi Loeb, controversé pour ses re-
cherches en intelligence extraterrestre.
Cet état d’esprit, notre chercheur tâ-
che de le partager avec l’ensemble de ses
collègues, parmi lesquels Clément
Zanolli, qui aime à le définir comme
quelqu’un de « méticuleux, un brin fan-
tasque », Laure Metz, sa compagne, tra-
céologue ayant contribué à montrer que
la technologie des arcs et des flèches se-
rait apparue il y a 54 000 ans avec
Sapiens, mais aussi ses deux enfants de 6
et 9 ans. Sans oublier ses lecteurs. À qui il
souhaite donner l’envie de comprendre
leur nature autrement qu’avec des re-
gards prisonniers d’eux-mêmes. « On
me présente souvent comme paléoanthro-
pologue, souligne-t-il. Ce qui ne fait que
mettre un mot complexe sur une case, non
pas une réalité. Le plus simple est de me
définir comme penseur. » ■

UN DERNIER MOT Par Étienne de Montety

edemontety@lefigaro.fr

État [é-ta] n. m.
Autorité qui peut se trouver à en manquer.
e Gabon vient de vivre un coup d’État.

L Le mot vient du latin status, qui signifie action de se tenir. Justement

les informations font état d’une situation préoccupante : depuis quelques heures,

La nature est
l’État gabonais ne tient plus guère, et celui d’Ali Bongo n’est guère meilleur.
Pour tout dire, le président doit être dans tous ses états.
On le sait, l’état des lieux de la situation au Gabon n’est guère brillant : pays riche,
population pauvre. Et des tas de problèmes, dont beaucoup à imputer à ceci :

notre meilleur
depuis plus d’un demi-siècle, une même famille est au pouvoir. Elle forme un État
dans l’État, indifférente à ceux de l’âme et se moquant que celui de grâce soit passé
pour elle depuis longtemps.
Pour le moment au Gabon c’est le choc, qui a aussi son état.

guide.
Quant à la France, elle réagit avec prudence : d’un côté, il y a un état fragilisé,
soudain privé de sûreté, de l’autre un état-major ; et pour elle, beaucoup à perdre.
Appelons ça un coût d’étau. ■

FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ

Aux Invalides, trois jours de cinéma
au profit des soldats blessés
PICASA/ATLANTIS-STOCK.ADOBE.COM

Dans le cadre du traditionnel festival de Cinéma en plein

air, organisé dans la cour d’honneur des Invalides,
à Paris, le général Christophe Abad, gouverneur
militaire de Paris, avec Rachida Dati, la maire
du 7e arrondissement, s’associent pour la projection
de plusieurs films. Seront présentés successivement :
ce jeudi, à 20 h 30, Capitaine Conan, en présence
de l’acteur Philippe Torreton ; ce vendredi, à la même
heure, La Chambre des officiers, film tiré du roman
de Marc Dugain ; puis Les Trois Mousquetaires, de Martin
Bourboulon, lors d’une soirée exceptionnelle, samedi. Cet événement caritatif
est organisé au profit des soldats blessés et des familles endeuillées
des armées. Le billet d’entrée donne également accès à l’exposition en plein air
« Les Invalides, lieu de soin et d’accompagnement des militaires blessés ».
Voyages au cœur de la nature
Emmanuel Carrère fait son entrée dans la collection « Quarto »
Amatera, labellisé ATR (Agir pour un Tourisme Responsable) « Quarto » est une collection de Gallimard que l’on qualifie parfois d’antichambre
de la « Pléiade ». Emmanuel Carrère y fera son entrée avec cinq romans
www.amatera-voyages.com (La Moustache, L’Adversaire, D’autres vies que la mienne…), nombre d’articles
et de documents personnels. Le volume Vers le réel. Œuvres choisies,
A

avec une longue présentation de l’auteur, tente de rendre compte d’une œuvre
protéiforme. Parution le 5 octobre.
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO - N° 24579 - Cahier N° 4 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

lefigaro.fr/livres

HISTOIRE DOMINIQUE BARBÉRIS

EMMANUEL DE WARESQUIEL : LES SECRETS D’UNE FRANÇAISE
DES RÉVÉLATIONS DANS LE CAMEROUN
SUR LA DU BARRY PAGE 7 DES ANNÉES 1950 PAGE 4

Écrivains et éditeurs :
ARMAND COLIN - ACTES SUD - ALBIN MICHEL - ALLARY - ALLIA ALMA EDITEUR- ANNE CARRIERE- ANNE et
ARNAUD (LABORY)- ARCHIPEL - ARLEA- ARTHAUD- AU DIABLE VAUVERT- AUBE- AUTREMENT- BALLAND-
BARTILLAT - BAYARD - BELFOND - BELIN- BELLES LETTRES- BLEU AUTOUR- BOUQUINS- BOURGOIS- BUCHET
CHASTEL- CALMANN LEVY- CHERCHE MIDI- DARGAUD- DE FALLOIS- DELCOURT- DENOEL- EDITIONS DES

je t’aime,
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dossier En cette rentrée littéraire, plusieurs romans prennent pour sujet le monde rêvé et redouté de l’édition.
Et deux livres rendent hommage à l’une de ses figures disparue il y a dix ans : Jean-Marc Roberts. PAGES 2 ET 3

Un solitaire d’aujourd’hui RACHID

D
ANS les jardins du Palais-
Royal à Paris, on peut lire
cette inscription sur un petit
canon : « Je ne compte que les
heures heureuses. » Pascal
Quignard ne procède pas autrement.
C’est à elles qu’il consacre un nouveau
volume de Dernier royaume, ce havre de
paix et de langueur méditative, où, com-
me à son habitude depuis vingt ans
(Les Ombres errantes ont reçu le prix
Goncourt en 2002), il se fait philosophe,
historien, poète.
du jardin, après la faute. Et tout ce qui
s’ensuit pour sa condition. Et de nous ap-
prendre que de savants esprits ont jadis
daté la création du monde : un mardi
22 mars, ainsi que la faute d’Ève : le
25 mars, jour qui sera celui de l’annonce
faite à Marie - la nouvelle Ève. Hommes
de peu de foi.
LA CHRONIQUE
d’Étienne
2017, à l’âge de 61 ans. Les souvenirs de
vacances, de bains de mer et de marches,
BENZINE
partout en Europe où les ont conduits
l’amitié et la curiosité, nourrissent un
propos sans mélancolie. Avec une visite
fantomatique à Versailles en compagnie
du président Mitterrand (« Il avait un des-
tin d’évadé », écrit Quignard) pour rêver
avec lui à un festival de musique baroque
dont auront raison les logiques politiques
et administratives, Emmanuèle Bernheim
est une des rares concessions de ce livre à
la biographie et au temps présent.
© Bénédicte Roscot

Il serait vain de définir cette œuvre qui
tient du journal, du récit, du recueil de ré-
flexions. L’ensemble, caractérisé par une
ascèse intellectuelle et stylistique, est sans
équivalent aujourd’hui.
Au fil des mots, des pages, Quignard ra-
conte et surprend. De Thérèse d’Avila, il
écrit : « Elle mourut l’un des dix jours qui
n’existèrent pas » avant de s’expliquer sur
ce qui pourrait n’être qu’une figure para-
doxale : ce sont ces jours que le passage du
calendrier julien au grégorien fit comme
disparaître… Méditant ce qu’il lit et ce
qu’il écrit, il commence par démonter les
mots, « solennel », où se mêlent seuls et
annuels. « Cendrillon » : la fille des cen-
dres. C’est la première étape, la suivante
ouvre à l’érudition. « Hora », l’heure,
c’est ce qui fait sortir du jardin (hortus) : le
temps commence à la sortie de l’homme
de Montety
Enfin il peut s’abandonner à la grande rê-
verie, née de ses observations toujours
admirablement exprimées : « La marée
deux fois par jour forme quatre mouvements
puissants de l’eau autour des roches. Sonate
à quatre temps plus ancienne que toutes les
formes de la vie qui les a retenus. Un temps
fort qui se retire, suivi d’un temps fort qui
commence son surgir. C’est la première for-
mule qui rythme la formation des formes. »
Les heures heureuses forment ainsi sous sa
plume une sorte de plénitude qui dépasse
de loin l’état du cœur. En font partie les
moments d’amitié avec feu l’écrivain Em-
manuèle Bernheim, nonobstant le cha-
grin : l’auteur de Sa femme est morte, en
Qui s’en étonnera, l’auteur de Tous les
matins du monde préfère le commerce de
La Rochefoucauld, Mme de Sablé, Pascal,
de leurs maximes, leurs lettres et leurs
pensées : à l’ère de Facebook et de Game of
Thrones, Quignard reste un solitaire secret
et au savoir insolite. Pour le plaisir d’un
lecteur apaisé par cette prose puissante et
RENTRÉE LITTÉRAIRE
calme comme la vague, ses passions qui
sont souvent des lectures, ressortissent à
l’éternité, seule mesure acceptable aux Un hommage à nos pères,
yeux de celui qui écrivit
naguère : « J’espère être lu une ode magniique aux absents.
en 1640. » ■
Le roman incontournable
de la rentrée.
LES HEURES HEUREUSES
De Pascal Quignard,
Albin Michel,
232 p., 19, 90 €.
Seuil
A
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO

2 HISTOIRE DE 120 PRIX GONCOURT

Parler de l’édition, c’est, forcément, évoquer les Goncourt. Les
historiens Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti ont eu la belle
idée de se pencher sur le palmarès du prestigieux prix littéraire.
Dans 120 ans de prix Goncourt, ils dressent, année par année,
le panorama de cette récompense attendue chaque saison depuis
1903. C’est fascinant, savoureux, bien informé et bien raconté :
L'ÉVÉNEMENT on y trouve l’histoire des listes, des auteurs éliminés à chaque
tour, les scandales, les polémiques, les surprises…
Littéraire Parution le 28 septembre, aux Éditions Omnibus-Perrin.

Jean-Marc Roberts,
portrait d’un flamboyant
THIERRY CLERMONT Alexakis, qui voyait en lui un « frère ges, à savoir l’évocation du père
tclermont@lefigaro.fr français », « un petit garçon courant absent dans Mon père américain, et L’ÉDITEUR

J
derrière un camion de déména- le portrait de sa mère, « Peggy », De Capucine Ruat,
EAN-MARC est un illu- gement », Jean-Louis Fournier comédienne italienne dont il a hé-

«
sionniste et un impres-
sionniste de son temps. »
Sans doute, l’éditrice et
romancière Capucine
Ruat a trouvé la bonne formule
pour résumer celui qui fut Jean-
Marc Roberts, disparu en 2013 à
58 ans, emporté par le cancer. Dans
son oraison, baptisée sobrement
L’Éditeur, celle qui a travaillé chez
Stock pendant une douzaine d’an-
nées aux côtés de celui qui avait
fondé la collection « La Bleue » il y a
bientôt trente ans nous brosse un
portrait de Jean-Marc Roberts en
(auteur du best-seller Où on va,
papa ? en 2008), Philippe Claudel,
Hervé Guibert, Christine Angot,
dont il publie L’Inceste avec succès
et fracas, Simonetta Greggio, Luc
Lang, Franck Maubert… Sans
oublier le sulfureux Belle et bête de
Marcela Iacub, son chant du cygne
éditorial, deux ans après avoir pris
la défense de son ami François-Ma-
rie Banier empêtré dans l’affaire
Bettencourt (François-Marie).
Ajoutons à la liste les 1 500 pages in-
times de Marie Billetdoux (C’est en-
core moi qui vous écris).
Phébus,
rité le goût de la mise en scène (Une 272 p., 19,50 €.
petite femme). Roberts aimait le
contre-courant, les chemins de
traverse, les crochets, non par pro-
vocation mais par goût. Pour ses li-
vres, et ceux qu’il aimait. Il disait :
« J’écris pour me faire peur et faire
peur aux autres. »
Quelques semaines avant sa
mort, il confiait à Capucine Ruat,
créatrice du prix Blù Jean-Marc
Roberts : « Un livre, ça doit me don-
ner envie d’écrire et de vivre. J’aime
les livres qui dérangent (…). J’adore
moi-même déranger. Je dirais même

L’édition,
courts chapitres enlevés, pour la que j’adore énerver, surtout ce mi-
plupart pris sur le vif. Depuis le jeu- lieu. Il y a beaucoup trop d’héritiers,
ne homme impétueux qui publie
son premier roman, Samedi, di-
manche et fêtes, à 18 ans à peine,
“donner
Un livre, ça doit me
envie d’écrire
de rapaces et d’imbéciles. »
Les principaux auteurs édités par
Roberts, du moins les vivants, on
« JE VOUS AI LU
CETTE NUIT »
Collectif dirigé
et de vivre. J’aime les par Capucine Ruat,
jusqu’à l’éditeur vedette des der- les retrouve dans un ouvrage col-

un drôle
nières années, en passant par ses livres qui dérangent. lectif, chacun y allant de sa contri- Albin Michel,
amitiés, ses obsessions, sa mère J’adore moi-même bution élogieuse, ponctuée de sou- 252 p., 20,90 €.
fantasque, et son mentor, le grand venirs. On y retrouve entre autres En librairie

Jean Cayrol, et les coulisses du
monde de l’édition.
Se déroulent ainsi une vie et une
”
déranger le 20 septembre.
JEAN-MARC ROBERTS
Patrick Modiano, Laurence Tar-
dieu, Brigitte Giraud, la future Gon-
Dans le même temps, Roberts court qu’il avait découverte, Éric

carrière menées tambour battant,
ponctuées de succès et de coups
d’éclat, où on le voit passer éditeur
chez Julliard, puis au Seuil, chez
Fayard, et enfin chez Stock, où il
débarque en 1998. Parmi ses
auteurs : Patrick Modiano, Erik Or-
senna, son ami de toujours Vassilis
publie une bonne vingtaine de li-
vres, dont Affaires étrangères, ré-
compensé par le Renaudot en 1979,
et écrit des scénarios pour
Granier-Deferre, qui adapte plu-
sieurs de ses romans. Capucine
Ruat y revient, commentant à juste
titre deux de ses meilleurs ouvra-
de monde
Reinhardt, François Taillandier.
Une contribution collégiale d’où se
détachent les témoignages d’Éric
Faye, d’Erik Orsenna, de Philippe
Claudel, qui, dès 2013, l’avait célé-
bré dans Jean-Bark, et de Didier
Barbelivien (« Il avait la dent dure et
la sincérité effrayante »). ■

dossier Plusieurs récits

Un auteur au bout du rouleau et des romans à clé
CHRISTIAN AUTHIER vie commune. Un procédé « aussi ne font rien, attendent, boivent, nous entraînent

U
N ÉCRIVAIN au bout
du rouleau se lan-
çant dans un nou-
veau roman que l’on
voit se construire au
fil des chapitres : Tout ce qui
manque ne se distingue pas par
l’originalité du motif initial. Ce
sont le style, le regard, l’art et la
manière de Florent Oiseau qui
font le prix de son cinquième ro-
man. Dès les premières pages, on
est saisi par la poésie du quotidien
distillée par l’auteur de Je vais
m’y mettre, par exemple quand il
décrit son antihéros « attaché à la
ville et ses propositions, au bruit,
au mouvement, à l’agitation, aux
comptoirs de café sur lesquels on
évoque des choses qui nous dépas-
sent, aux banquettes arrière des
taxis qui savent tout, aux lumières
encore allumées tard dans la nuit,
peu louable qu’un chantage au
suicide », mais notre homme ne
sait faire que cela, écrire, malgré
l’« anonymat critique et médiati-
que », les vanités et les médiocri-
tés du monde de l’édition.
Une compagnie
de personnages que
l’on rechigne à qualifier
de secondaires
Au passage, Florent Oiseau
nous offre un savoureux tableau
du milieu des lettres au sein du-
quel « les écrivains rationnels, les
mathématiciens du récit, les
amoureux du plan, des fiches,
ceux animés par des convictions,
font toujours d’excellents com-
merciaux ». Le récit hilarant
d’un salon littéraire vaut égale-
dans les coulisses
regardent au loin dans le passé, et, TOUT CE
tout autour de ces fantômes, des QUI MANQUE
femmes comme des forteresses. » De Florent Oiseau,
Auprès de Laurentis s’agrège ain-
si une compagnie de personnages
Allary Éditions,
244 p., 18,90 €. du milieu littéraire.
que l’on rechigne à qualifier de
secondaires. Voici une galeriste
sexagénaire ayant fui Paris, un
commandant de gendarmerie
lecteur de Rebatet, une touchante
vieille paysanne, un ex-truand
surnommé « La Gâchette »…
Dans ces pas de côté, on n’oublie
pas le chien errant, autre fil rouge
d’un roman qui dévoile, derrière
le prétexte de l’amour perdu à re-
conquérir, son cœur secret.
Car au terme de sa quête, l’or-
phelin Laurentis retrouve le sou-
venir de ses parents et découvre
« combien il avait été important de
revenir. D’être près d’eux, dans
leur dernière demeure, de respirer
leur air. » Cet amour capable de
ULF ANDERSEN / AURIMAGES

aux murmures sous les toits ».
Laurentis va pourtant abandon-
ner Paris pour se réfugier dans un
petit village de Dordogne où il
n’était pas revenu depuis la mort
de son père dix ans plus tôt. L’ob-
jet de la retraite ? Écrire donc un
roman afin de récupérer Ana qui
l’a quitté après quinze années de
ment le détour. Cependant,
l’humour et la satire se mêlent,
avec autant de naturel que de
grâce, à une mélancolie sans os-
tentation rappelant le Blondin de
Monsieur Jadis.
À un moment, Florent Oiseau
révèle sa méthode : « Donner vie à
des personnages qui ne vivent pas,
résister au temps et aux décep-
tions de la vie, cette présence des
absents soufflant au fils des se-
crets devenus des pages sont fi-
nalement ce que l’écrivain avait
eu de meilleur. À son tour, Flo-
rent Oiseau signe son plus beau
livre, qui fait naître une émotion
rare. ■

Les tribulations d’un éditeur aux abois LE LIVRE

DE LA RENTRÉE
De Luc Chomarat,
et Le Dernier Thriller norvégien, ont cul féministe, évidemment, je ne vais bouteille, Luc connaît quelques Luc Chomarat s’amuse follement La Manufacture
LAURENCE CARACALLA

I
L N’EST PAS LE PREMIER, et
sûrement pas le dernier, à
évoquer ce drôle de monde,
vénéré parfois, conspué sou-
vent, celui du milieu littéraire.
Mais, on le sait depuis un certain
temps maintenant, Luc Chomarat
n’est pas tout à fait un romancier
comme les autres. Il dézingue avec
malice, déboulonne les clichés,
prend un plaisir fou à nous déso-
rienter. On pourrait presque lui en
vouloir de nous manipuler ainsi.
Mais grâce à ces pages hilarantes, il
lui sera beaucoup pardonné.
A
déjà fait connaissance avec son hé-
ros, Delafeuille, éditeur charmant,
déconnecté, d’un autre temps.
Quand une nouvelle directrice
commerciale atterrit dans la mai-
son d’édition dans laquelle il tente
péniblement de publier des livres
de qualité, c’est le branle-bas de
combat. La dame veut vendre, De-
lafeuille a un peu oublié de quoi il
retourne. Pas de temps à perdre, il
doit trouver le livre de la rentrée,
et pas n’importe lequel. Une ro-
mancière, ce serait quand même
mieux, « les femmes qui en ont
marre, c’est toujours une bonne
pas vous apprendre votre métier. »
Coups de bec et causticité
La dame a l’air de s’y connaître en
bons vieux best-sellers. Dela-
feuille, à vrai dire, un peu moins.
Mais s’il veut garder sa place, il
doit s’y mettre. Rien ne lui sera
épargné. Pas même la lecture d’un
manuscrit pitoyable, composé de
SMS indigents, écrit par un gamin
à peine sorti de l’adolescence, per-
suadé, bien sûr, d’avoir commis un
chef-d’œuvre. Pauvre Delafeuille !
Il lui faut peut-être prendre l’air et
le voilà parti chez l’un de ses pou-
succès. Luc est surtout le mari de
Delphine, la femme parfaite. Belle,
intelligente, discrète et raffinée.
Elle est aussi une mère dévouée.
N’en jetez plus. Un vrai personna-
ge de fiction.
Qui, dans la vraie vie, peut pré-
parer un dîner somptueux en
moins de deux minutes, accepter
sans broncher les saillies quelque
peu misogynes de son mari, paraî-
tre si jeune malgré le temps qui
passe ? Delafeuille en tombe
amoureux, comment faire autre-
ment. Un amour impossible et pas
seulement parce qu’elle est l’épou-
du sort de son éditeur et n’épargne de livres,
240 p., 19,90 €.
pas l’écrivain, plutôt prétentieux
au demeurant. Son imagination est
débordante et ces pages regorgent
de réflexions inénarrables, il nous
embarque dans son monde entre
fiction et réalité, à nous de démêler
le vrai du faux. Ou pas. Quelle im-
portance après tout ? L’essentiel
n’est-il pas de savourer l’ironie de
l’auteur, ses coups de bec et sa
causticité, se laisser porter par sa
fantaisie et entrer avec délice dans
cet univers à part, entre illusion et
provocation ? Et si, avec Le Livre de
la rentrée, le romancier avait tout

Les amateurs de ses livres pré- idée… Et la maladie, le malheur sous lains, le dénommé Luc, dans le se de son auteur. N’en dévoilons simplement dégoté un titre pré-
cédents, L’Espion qui venait du livre toutes ses formes. Un peu de cul. Du Sud-Ouest. Luc écrit, Luc a de la pas trop, sachez seulement que monitoire ? ■
 LE FIGARO jeudi 31 août 2023

L’édition, c’est l’art

3
de salir avec de
l’encre un papier
coûteux pour le rendre
invendable»
RENÉ JULLIARD L'ÉVÉNEMENT
STUDIO HARCOURT/RMN-GRAND PALAIS VIA AFP
Littéraire
LES PETITS
FARCEURS
Écrire, dit-il
De Louis-Henri
ÉTIENNE DE MONTETY pour les prix, le livre de La Roche- conter une histoire, lui faire passer
de La Rochefoucauld, foucauld frappe par sa composition un message ? Pour gagner un mi-

H
Robert Laffont,
256 p., 20 €. ENRI et Paul
n’avaient pas 20 ans,
ils étaient fous de lit-
térature, et rêvaient
de conquérir Paris.
Une bonne partie de la littérature,
depuis Illusions perdues jusqu’aux-
Trois Mousquetaires, est née de cet-
te ferveur. Ensuite, la vie se charge
de corriger, d’infléchir, parfois,
hélas, de contredire les promesses
gravées sur le marbre tellement
friable du Père-Lachaise. Henri est
devenu chroniqueur à Avant-gar-
de, un magazine dont le titre dit as-
sez la ligne : branchée, et donc
éphémère. Morand et Chardonne
le clamaient déjà à leurs cadets : pas
de journalisme, si l’on prétend être
romancier. Paul suit leur conseil.
Mais il ne suffit pas d’être origi-
naire de Grenoble pour devenir
Stendhal. Après l’échec de son li-
vre Roman national, Paul se rési-
gne à devenir porte-plume de
Patrick Rossi, écrivain à ré-
pétition et à succès. Être
Grand éditeur embarqué dans cette mé-
et auteur lui-même, canique pourtant profita-
Jean-Marc Roberts vécut ble ne le contente pas. Le
une vie et une carrière voici marionnettiste hu-
ponctuées de succès milié et invisible d’une
et de coups d’éclat. aventure commerciale qui,
au contraire, le désespère
vite.
Tableau de mœurs de l’édi-
tion française, avec ses rites, de
rentrées romanesques en calculs
en eaux-fortes – fortes comme les
personnalités qu’on y croise. Ce
Rossi tellement reconnaissable… Et
cette Apolline Ollonde, la directri-
ce de la communication des Édi-
tions Marcillac ? Et Marcillac lui-
même ? On jurerait avoir affaire à
des acteurs d’hier et d’aujourd’hui
qui animent le monde enchanté du
livre. Les Petits Farceurs pourrait
n’être qu’un roman à clés sur un
milieu que l’auteur, critique à
L’Express, connaît comme sa po-
che, il serait fort distrayant. C’est
un premier cadeau.
Pourquoi passe-t-on
des heures sur une
feuille blanche, devant
un écran ? Pourquoi
parler au monde ?
Pour lui raconter une
histoire, lui faire passer
un message ? Pour
gagner un miroir dans
le regard des autres ?
Pourtant sa galerie de portraits
cache une autre histoire, plus pro-
fonde. C’est celle de l’écriture, cet
art exaltant, vertigineux, qui peut
être douloureux. Pourquoi passe-
t-on des heures sur une feuille
blanche, devant un écran ? Pour-
quoi parler au monde ? Pour lui ra-
roir dans le regard des autres ? Et
l’insuccès, est-ce forcément une
blessure ? Ou au contraire une pro-
tection des anges contre la vanité ?
L’écrivain le déplore, mais au fond,
d’une certaine manière, il le re-
cherche.
Ce qui se joue dans l’écriture ne
laisse pas d’étonner. « Sait-on ce
que c’est qu’écrire ? , se demandait
Mallarmé. Une ancienne et très va-
gue mais jalouse pratique dont gît le
sens au mystère du cœur. » Henri et
Paul voulaient être Roger Nimier,
pas moins. Critique ou romancier,
il n’y avait rien de farce dans leur
ambition, ni dans les limites que la
vie a opposées à celle-ci.
Il faut finir par le dire : le « petit
farceur » de ce livre, c’est d’abord
La Rochefoucauld lui-même, qui
parsème son texte, comme autant
de cailloux, d’innombrables allu-
sions à lui, à sa famille, à ses lectu-
res et à ses congénères des lettres.
Ce Poucet, bien élevé et narquois,
nous emmène où il veut, il nous
amuse ; il nous intrigue aussi, car il
esquive : quelle part de lui y a-t-il
dans Henri, et dans Paul ? Une
question brûle les lèvres. Et vous,
jeune homme, pourquoi écrivez-
vous ? Comme Borges, pour vous,
pour vos amis, pour adoucir le
cours du temps ?
Dans cet exercice séduisant que
constitue son roman, quelle porte
ce romancier ouvre-t-il qui laisse-
rait entrevoir son mystère ? ■

Les Éditions de Minuit

à l’heure de Jean Rouaud
MOHAMMED AÏSSAOUI Goncourt de la maison, avec Mar- coutumes. Ce faisant, il brosse un
maissaoui@lefigaro.fr guerite Duras et Jean Echenoz. portrait, disons complexe, de Lin-

L
COMÉDIE
D’AUTOMNE EÇON numéro un : « Le
De Jean Rouaud, premier devoir d’un édi-
Grasset, teur, c’est de ne pas faire
288 p., 20,90 €. faillite. » Une pensée, en
passant : « Une bonne li-
brairie est une librairie qui vend des
livres qui ne se vendent pas. » Voilà
deux citations qui devraient être
enseignées dans toutes les écoles
du métier du livre. Elles sont le fait
d’un maître : Jérôme Lindon, long-
temps patron d’une maison mythi-
que - Les Éditions de Minuit, créées
en 1941 -, à tel point que l’on croit
que c’est lui qui l’a fondée alors que
c’est Jean Bruller et Pierre de Les-
cure ; Lindon, ancien chef de fabri-
cation, l’ayant reprise après des
difficultés… financières. Il savait
donc de quoi il parlait.
On peut retrouver ces citations,
et beaucoup d’autres, dans la
croustillante Comédie d’automne
narrée par Jean Rouaud, Prix Gon-
court surprise en 1990 pour son
premier roman, Les Champs d’hon-
neur, « auteur Minuit » comme on
dit d’une appartenance aristocrati-
que. À ce jour, il est l’un des trois
Ce nouveau récit de Rouaud est
le sixième et dernier volet de sa
« série », La Vie poétique. Il suit
Kiosque dans lequel il évoquait ses
« sept années de trottoir », de 1983
à 1990, rue de Flandre dans le po-
pulaire 19e arrondissement parisien
où il tenait un kiosque à journaux.
On croise avec émotion
Bernard Rapp, Robert
Doisneau, et Albert, le
communiste bibliophile
Lire cette Comédie d’automne est
un pur bonheur, ce qui n’empêche
pas d’apprendre énormément de
choses sur ce quasi-âge d’or d’une
maison d’édition emblématique
qui tenait alors le haut du pavé,
avec ses deux Nobel, Samuel Bec-
kett (1969) et Claude Simon (1985).
La plume et le regard de l’auteur
ajoutent au bonheur. On est dans
les coulisses, et c’est fascinant,
d’autant que Jean Rouaud est com-
me Candide, acteur principal tota-
lement étranger à cette comédie
dont il ne connaît ni les us ni les
don : l’éditeur s’est battu comme
un beau diable pour le prix unique
du livre, qui a sauvé la librairie
française, mais aussi sa maison. Un
combat collectif n’exclut pas quel-
que intérêt privé.
On croise avec émotion Bernard
Rapp, Robert Doisneau, et Albert, le
communiste bibliophile. L’inconnu
Rouaud ne désirait qu’une chose :
publier suffisait à donner un sens à
sa vie, même cloîtré dans un kios-
que toutes les après-midi. Il était
accueilli par un éditeur qui avait
sanctifié le Nouveau Roman et, hors
de ce registre, point de littérature.
C’était l’époque où l’on saluait la
mort du roman, de l’auteur, des
personnages, de la phrase, du su-
jet… Un succès était synonyme de
médiocrité. Et voilà que Lindon de-
mande à Rouaud de raconter une
histoire avec un personnage, etc.
Pire, si l’on ose dire, l’éditeur de la
rue Bernard-Palissy n’est pas
contre un certain « buzz » (on ne le
disait pas comme cela, mais c’était
l’idée). Minuit publie alors le « pre-
mier roman d’un marchand de jour-
naux »… On connaît la suite. ■

Un romancier fait son cinéma SOIS CLÉMENT,

BEL ANIMAL
De Benjamin
ALICE DEVELEY Ce qui est certain, c’est qu’aucune sateurs de sa génération. Il veut non peut guérir de tout grâce à un livre et l’illusion. Le tournage tourne au Planchon,
adeveley@lefigaro.fr Mialet-Barrault,
machine n’aurait pu écrire le deuxiè- seulement le porter à l’écran mais qui « transforment la littérature en cauchemar alors que Yanis et Benoît

C
HATGPT va-t-il rempla-
cer les écrivains de de-
main ? Il y a quelques
mois, l’arrivée de l’intel-
ligence artificielle a pro-
voqué de vives inquiétudes dans le
monde littéraire. Mais pas de quoi
effrayer Bernard Werber. D’après
lui, ChatGPT peut seulement rem-
placer les auteurs remplaçables. Son
idole Philip K. Dick écrivait sous
drogue et pour avoir sa créativité, il
faut sûrement consommer des pro-
duits hallucinogènes. Or, un logiciel
me roman de Benjamin Planchon. Il
est complètement délirant ! Quelle
insolence ! Quelle irrévérence ! Il y a
toujours un boute-en-train, un pitre,
un plaisantin à la rentrée des classes.
Celle d’automne ne fait pas excep-
tion. L’auteur ne s’est pas calmé de-
puis son premier roman fantasmati-
que. Sois clément, bel animal est un
conte satirique, un cauchemar tech-
nologique, une dystopie onirique.
Que s’y passe-t-il donc ? Benoît est
écrivain. Son premier roman a été un
tel fiasco qu’il a provoqué des pous-
sées d’eczéma à son éditeur. Mais le
que Benoît joue dedans. Étonnant ? Et
encore, ce n’est que le début.
Nous voilà découvrant les coulis-
ses du monde du cinéma à travers les
yeux du candide Benoît. Et c’est
pour le moins tragicomique.
D’abord, tout le petit monde que dé-
crit Planchon est pathétique. On y
croise son lot de stars, rincées à la
vodka-tagada, et de réalisateurs ob-
sédés par leur nombril. Tous se
croient uniques, mais tous se res-
semblent. Le roman a des airs de dé-
fouloir. Chacun en prend pour son
grade, y compris les auteurs. Ceux
doudou ». Planchon attaque.
Carnaval de masques
Malgré tout, Benoît tombe sous le
charme du fantasque Yanis. Il le suit
partout. Il s’imagine de grands ré-
cits. De grandes scènes. Mais la vé-
rité le rattrape. Son livre est taillé en
pièces. On lui propose un scénario
« à mi-chemin entre Cortés, Mych-
kine et Scoubidou ». Quant à son ap-
parition, elle ne se limite plus qu’à
un rôle marginal : être une ombre.
Planchon renoue ici avec l’univers
baroque de son premier roman.
288 p., 20 €.
perdent pied avec la réalité…
À travers ce carnaval de masques,
Benjamin Planchon analyse les
failles de la fiction. L’époque n’est
plus aux mondes imaginaires. Tout
œuvre est morale ou sociale. Même
les superproductions ne vendent
plus de rêve. Les héros ont leurs fai-
blesses comme les humains. La réa-
lité serait-elle devenue artificielle ?
Et le virtuel serait-il alors plus dési-
rable que le réel ? Planchon repous-
se les lois de la narration. Arrivé à la
fin du roman, on se prend à le rem-
bobiner. Sois clément, bel animal est,
A

de création littéraire peut-il écrire deuxième a été repéré par Yanis qui capitalisent sur leurs traumatis- Dans ce grand theatrum mundi, on à n’en pas douter, le livre le plus
sous acide ? Saint-Saëns, l’un des meilleurs réali- mes. Ou ceux qui font croire qu’on se demande finalement où s’arrête punk de la rentrée littéraire. ■
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO

4 En toutes
confidences
retrace ainsi, « documents personnels et ar-
chives à l’appui, son parcours, ses rencon-
tres, ses “vies” ». L’occasion de relire ou
« La Grande Belleza », version papier
Il y a dix ans, le réalisateur napolitain Paolo Sorren-
tino immortalisait le personnage de Jep Gambar-

SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO

Un « Quarto » pour Emmanuel Carrère
Vers le réel : tel est le titre retenu pour le pre-
mier volume des Œuvres choisies d’Emmanuel
Carrère, à paraître chez « Quarto »/Gallimard, le
5 octobre. On y retrouvera un choix de romans et
CRITIQUE de récits, d’articles et de reportages, publiés entre
de découvrir La Moustache (1986), La
Classe de neige, L’Adversaire, Un roman
russe, et D’autres vies que la mienne.
Parmi les articles et les reportages :
« Pourquoi j’aime le cinéma »,« Trois
faits divers », « Capote, Romand et moi »
(2006), et « Comment j’ai complètement
della dans La Grande Bellezza. Un film au succès
international, hommage vibrant à Rome, centré sur
les errances d’un dandy auteur d’un seul livre, criti-
que mondain en panne d’inspiration. Ce Gambar-
della, qui toute sa vie a cherché la « grande beau-
té », on le redécouvrira en lisant le journal de bord
de Sorrentino, écrit pendant le tournage. La Gran-

Littéraire 1981 et 2016. Emmanuel Carrère, précise son éditeur, raté mon interview de Catherine Deneuve ». de Bellezza paraîtra le 14 septembre, chez Séguier.

Exilés de l’amour
maria pourchet Un acteur célèbre, rongé par un secret,
trouve refuge en province. Là, il va rencontrer une femme, elle aussi
en rupture de ban. Brillant.

PAR PATRICK GRAINVILLE quelque sorte. Mais il lâche l’affaire, tion comme « le crime mou saisi par
de l’Académie française saisi de vertige, de lassitude. Hanté le droit mou ». Le western, c’est
WESTERN

De Maria Pourchet,
Stock, 304 p.,
20,90 €.
Marie Porchet choisit
une maison dans
le Quercy comme écrin
pour son huis clos entre
Aurore, l’écrivain,
et Alexis, l’acteur.
JIMJAG-STOCK.ADOBE.COM
A
PRÈS le fameux Feu,
de Maria Pourchet,
voici Western ! C’est
plus vaste. Un wes-
tern, ce serait partir
en solitaire, vers l’ouest : « Une
quête démesurée, insatisfaite, qui ne
découvre ce qu’elle cherche, l’amour
et la tranquillité, qu’au bord de la
démence ».
Et les gouffres vont s’ouvrir devant
deux personnages, Aurore et
Alexis. Aurore s’en va habiter dans
le Quercy, dans la maison de sa
mère décédée. Elle quitte, avec son
fils, un boulot frustrant pour du
télétravail à la campagne. Elle
rompt avec un amant rudimen-
taire, portrait à la hache. Elle se
rappelle la brutalité de sa déflora-
tion par un adolescent expéditif
jusqu’au viol. Elle quitte la ville, la
société, tous les systèmes, les mas-
ques de tous les discours.
C’est d’un style coupe-chou, d’un
minimalisme très inventif. L’essen-
tiel est dit : une écrivaine. En paral-
lèle d’Aurore, Alexis est acteur, une
star dont tout le monde raffole,
l’État, le tiers état et les vraies gens.
Il doit jouer Don Juan. Son rôle, en
par la peur qu’une bombe explose
dans sa vie, une apocalypse intime.
En fait, il en connaîtra deux : la pire
et la meilleure. Le Don Juan fissuré
file lui aussi à la campagne. Il débar-
que dans le Quercy, frappe - à notre
grande surprise ! - à la porte
d’Aurore, qui découvre la silhouet-
te : « C’est masculin, intranquille, in-
connu. »
Don Juan errant, répétitif,
pathologique
L’étranger déclare que cette maison
est à lui. Amorce d’un pataquès no-
tarial. Mais Alexis ne semble pas
pressé. Il se pourrait qu’Aurore
commençât à s’ennuyer dans le
« silence et le savon ». Elle garde, au
tréfonds de l’âme, une mythologie
de l’homme protecteur et du grand
amour. L’autrice pourfend ces leur-
res avec une drôlerie féroce de
même qu’elle tire à vue sur le don
Juan errant, répétitif, pathologique,
perçant à jour ses discours manipu-
lateurs, son narcissisme, ses failles.
Le scandale éclate, Don Juan a
dérapé avec une jeune comédienne
séduite à grand renfort de tirades,
comme chez Molière, puis aban-
donnée. L’autrice définit la situa-
aussi flinguer mieux que les autres
les pièces lancées en l’air. Maria
Pourchet les crible au cœur. Avec la
célérité d’une winchester sociologi-
que. Et dans le lasso lentement serré
des analyses. En somme, Alexis est
un rejeton du patriarcat.
Cette mitraille critique, on la re-
trouve dans beaucoup de romans
d’écrivaines contemporaines, avec
des modulations diverses, rupture
avec les hommes, choix de vivre
avec une autre femme, misandrie
revendiquée, arguments à l’appui.
Ou rencontre avec une masculinité
moins caricaturale. Pas forcément
avec un homme déconstruit (ce qui
est du mécano conceptuel) mais
métamorphosé, comme exorcisé,
réincarné. La thérapie mutuelle
d’Aurore et d’Alexis sera longue,
sincère, subtile. On craint que la
quadragénaire ne retombe dans les
rets d’un don Juan incurable. Mais
l’héroïne aime plutôt les hommes.
Alexis lui plaît dans son dénuement
enfin lucide. Ce qu’Aurore préfère
chez les fameux mecs, c’est cette
zone adolescente à la racine des
cheveux (à condition d’en avoir…).
Cette prairie de peau fraîche est la
vénusté des garçons. ■

De l’autre côté du temps

UNE FAÇON
D’AIMER
De Dominique
Barbéris,
Gallimard,
204 p., 19,50 €. Dominique Barbéris Portrait, tout en nuances, d’une Française dans le Cameroun de l’après-guerre
ASTRID DE LARMINAT desquels le récit se resserre à mesure coupures de journaux datant de parce qu’il ne reste plus aucune trace, dialoguées. C’est Michèle Morgan
adelarminat@lefigaro.fr qu’il avance, épaississant l’atmos- Douala que sa tante avait conser- aujourd’hui, de ce monde que le sou- abordée par le Belmondo des pre-

M
ADELEINE avait
16 ans à la Libéra-
tion, et, d’une cer-
taine manière, elle
resta toute sa vie une
femme de l’après-guerre, une pro-
vinciale discrète, élégante, un peu
retirée en elle-même. Des femmes
comme on n’en fait plus. À 27 ans,
elle épousa Guy et le suivit au Came-
roun, où il avait trouvé du travail. Ils
ne restèrent à Douala que quatre ans,
jusqu’à l’indépendance, mais sou-
vent, plus tard, ils durent se défen-
dre d’avoir été complices du systè-
me colonial. Madeleine quitta
l’Afrique sans regret mais non sans
chagrin. Cette femme de principes y
avait connu un embryon de roman-
ce, quelques mois intenses autour
phère de suspense. Un climat de
tension que Dominique Barbéris ex-
celle à créer dans tous ses livres et
qui dépasse le seul argument de l’in-
trigue, parce que, chez elle, la plu-
part des personnages semblent en
suspens, retenant leur souffle, com-
me s’ils pressentaient qu’ils étaient
entourés d’ombres et d’inconnu plus
profonds et réels que la part visible
des choses. Que connait-on, au
fond, du monde et de ceux qui pas-
sent sur cette terre et sombreront
dans l’oubli sans que personne ne
s’émeuve de ce « fait mystérieux et
obscur d’avoir vécu » ?
À la mort de Madeleine, suivie de
près par son mari - « Guy a toujours
été fou de sa femme » -, la narratrice,
qui est leur nièce, se plonge dans un
paquet de photos, de lettres et de
vées, et essaie de lire entre les lignes,
scrute les détails, cherche à enten-
dre ce qui est resté caché. Les fem-
mes de cette époque gardaient le si-
La romancière
se fait cinéaste, nous
offre de somptueuses
scènes dialoguées
lence sur leur vie intérieure, et on se
rend compte lorsqu’elles disparais-
sent qu’il y avait en elles un noyau
impénétrable, une sorte de secret
qu’elles ont emporté avec elles. Elles
semblent si étranges aux généra-
tions suivantes, de plus en plus dé-
braillées. De quelle étoffe ces fem-
mes étaient-elles faites ? « Est-ce
venir inocule en moi un secret et per-
manent chagrin ? » se demande la
narratrice.
Dominique Barbéris écrit comme
un peintre, un Millet, un Jules-Bas-
tien Lepage, un Winslow Homer,
excellant dans les scènes de genre
qui dégagent « une impression grave
et presque triste de beauté » : le ma-
riage de Madeleine et Guy (« C’était
la fin des hortensias ») ; une prome-
nade de Madeleine dans le centre de
Douala tenant par la main Sophie, sa
fille de 2 ans ; une soirée dansante à
la Délégation qui réunit la petite so-
ciété coloniale ; des scènes d’inté-
rieur au crépuscule lorsque la pluie
équatoriale s’abat. Quand Madelei-
ne rencontre l’homme qui la trou-
blera, la romancière se fait cinéaste,
nous offre de somptueuses scènes
miers films de la Nouvelle Vague.
Pourquoi attire-t-il Madeleine,
malgré la froideur qu’elle affiche ?
Est-ce la façon si décontractée qu’il
a de suggérer qu’il n’a peur de rien
et que rien ne peut lui arriver, si dif-
férente de la sollicitude inquiète et
protectrice de Guy ?
À la fin du roman, la narratrice
cite une lettre du cousin de Made-
leine, Joseph, partit comme mis-
sionnaire en Afrique à 25 ans. Au soir
de sa vie, il écrivait : « Les bruits de la
nature, (…) je les écoute et je crois que
c’est devenu ma manière de prier. On
peut prier de toutes sortes de maniè-
res : en lisant, en écoutant de la mu-
sique. » Ou en écrivant un roman
déchirant comme celui-ci, en hom-
mage à ceux qui sont passés « de
l’autre côté du temps ». ■

Balle en tête
FRÈRES
D’Alexandre Jardin,
Albin Michel,
163 p., 19,90 €.
En librairie
le 6 septembre. Alexandre jardin Le romancier ressuscite la figure de son demi-frère, qui s’est donné la mort en 1993.

SÉBASTIEN LAPAQUE souvent « ressentimentales ». Dou- nu le directeur de cabinet de Pierre Rembrandt de l’équivoque histori- avaient à nous laisser : un signe par-
slapaque@lefigaro.fr ze ans après Des gens très bien, il Laval au printemps 1942, quelques que tels que François Mitterrand ou fait dans la mort. Et ce besoin de

U
s’acharne une nouvelle fois sur son semaines avant la rafle du Vel’ Jean Jardin. payer sa dette.
N HOMME avait deux grand-père dont il a « toujours eu d’Hiv’. Cela n’a pas d’autre vertu N’importe. Emmanuel, le demi- Le 31 octobre 1993, l’année où
frères. L’aîné était né une honte indélébile de porter le frère suicidé que ressuscite Alexan- Alexandre Jardin a sorti son premier
d’une autre mère que la nom », sans avoir entendu ce qu’ont dre Jardin dans son dernier roman, film, Emmanuel, « le plus inclassable
sienne mais il s’en mo- tenté de lui expliquer les historiens à Il y a des corps était un « admirateur » de son et dérangeant du clan Jardin », s’est
quait. Venu au monde à la sortie de son livre. Quand on sait tranquilles, dans grand-père enterré à Vevey en 1976, tiré un coup de carabine sur la tempe
égale distance des deux, il aimait l’un que Jean Jardin, une éminence grise, « Frères », mais quatre années avant son fils Pascal, gauche, au fond du jardin de sa
autant que l’autre. D’un point de vue la biographie de Pierre Assouline, qui l’a peint dans son roman Le Nain mère, sous ses fenêtres. Quand il a
sentimental, voici l’argument du ro- date de 1986, on ne comprend pas
beaucoup de cadavres ; jaune. « La mort énorme, indigeste, appris son geste, le romancier a ima-
man d’Alexandre Jardin. comment le romancier peut conti- des triomphants, de papa », se souvient Alexandre giné un carnage à la Hemingway, la
Mais tout, chez Alexandre Jardin, nuer à se présenter comme un mes- mais autant d’affligés Jardin. Il y a des corps tranquilles, cervelle répandue au milieu des
n’est pas sentimental. Passé une sager porteur de mauvaises nouvel- dans Frères, mais beaucoup de cada- chrysanthèmes. Des décennies plus
fracassante entrée dans la carrière les qu’une partie de sa famille aurait que de nous éclairer sur un « para- vres ; des triomphants, mais autant tard, en consultant le rapport médi-
avec Bille en tête, Le Zèbre et Fanfan, volontiers égorgé. doxe français » qui continue d’exas- d’affligés. Dans ses plus belles pages, cal, il a découvert que le crâne d’Em-
l’ancien jeune homme romantique Le destin du très complexe Jean pérer les imbéciles : il y a eu des an- ce requiem mêlant mémoire et désir manuel n’avait pas explosé. Il est
s’est attaché à tisser ses romans de Jardin est connu de tous, et depuis tiracistes dans la collaboration et des est glacial comme un poème de T.S. tombé « balle en tête ». Comme un
A

considérations historiques, politi- longtemps. Homme du monde dans antisémites dans la Résistance. Et Eliot. Cette honte, ou ce scrupule, défi au titre du premier roman de son
ques, psychosociologiques — et le Paris d’avant-guerre, il est deve- des maîtres du clair-obscur, des d’avoir pris aux morts ce qu’ils frère qu’il jalousait à en mourir. ■
 &
LE FIGARO jeudi 31 août 2023

5
ÇÀ Harry Hole le 5 octobre. raconte la vie d’un poète raté et auteur des Bienveillantes, prix Redécouvrir
Éclipse totale sera sa seizième délaissé par sa femme, obsédé Goncourt en 2006, a enquêté en Gilles Lapouge

LÀ
publication au catalogue de la
mythique Série Noire depuis
L’Étoile du diable, en 2006.
Le retour de Ian McEwan
Jo Nesbo revient Trois ans après Le Cafard,
avec Harry Hole l’auteur d’Expiation revient, à
Le maître du thriller norvégien 75 ans, avec un nouveau roman,
publiera une nouvelle enquête de intitulé Leçons. McEwan nous y
Au cœur de la nuit
Tobie Nathan Le récit enlevé, baroque, des événements de Mai 68 vus
par un étudiant juif égyptien maoïste.
BRUNO CORTY
bcorty@lefigaro.fr
par la relation qu’il avait entrete-
nue à l’adolescence avec sa pro-
fesseur de piano. À paraître chez
Gallimard, le 5 octobre.
Jonathan Littell
dans l’Ukraine en guerre
Dans Un endroit inconvénient, le
romancier Jonathan Littell,
ayant fait ses gammes, ne se lance
dans le « roman roman ».
Ukraine, après les massacres de
centaines de civils perpétrés
par l’armée russe à Boutcha,
en mars 2022. Son récit
d’investigation est accompagné
de photos prises sur place par
Antoine d’Agata.
Parution chez Gallimard, pré-
vue le 5 octobre.
Tobie, de Nanterre à la rue d’Ulm,
accumule les mauvaises rencon-
Trois ans après sa disparition, à
97 ans, Gilles Lapouge verra son
livre d’entretiens avec le poète
Éric Poindron, réédité. L’occasion
de redécouvrir l’écrivain-voya-
geur, auteur des Équinoxiales.
Sous-titré Abécédaire intime, En
toute liberté paraîtra aux Éditions CRITIQUE
du Passeur, le 15 septembre.
Littéraire
et à d’ex-SS, de la Sorbonne au
Paraguay, de la rue Farouk,

I
Magicien, Tobie Nathan a l’art
d’envoûter son lecteur.
P. NORMAND/LEEXTRA VIA OPALE.PHOTO
L Y A TRENTE ANS, Tobie
Nathan, ethnopsychiatre,
entamait une carrière d’écri-
vain avec un talent de
conteur singulier. Son pre-
mier livre, Saraka bô, était un po-
lar peu conventionnel, ambitieux,
puisque prenant modèle sur le
Quatuor d’Alexandrie de Durrell.
Nathan y mettait en scène un ex-
professeur de philosophie devenu
terroriste par amour, emporté par
les remous de la chute du mur de
Berlin, un psychanalyste dont la
spécialité était le travail clinique
auprès des patients migrants, un
commissaire de police intello à la
vie sentimentale chargée et un
« serial killer » enragé, massa-
crant à tour de bras les femmes à
Neuilly-sur-Seine… Quatre autres
polars suivront avant que l’auteur,
« Étranger
dans un pays étrange »
Avec Ce pays qui te ressemble et La
Société des belles personnes, il s’at-
tachait à évoquer l’histoire dra-
matique des Juifs d’Égypte au
XXe siècle, leur persécution, leur
expulsion, leur exil. Présent dans
ces deux romans, Zohar, un hom-
me en quête de vengeance réap-
paraît dans Et si c’était une nuit.
Avec une Bédouine qui se prétend
la mère du narrateur, Tobie, étu-
diant juif égyptien réfugié avec sa
famille à Gennevilliers, Zohar sur-
git dans l’histoire dès que notre
héros se trouve en fâcheuse pos-
ture, c’est-à-dire, souvent !
Il n’est pas simple de vivre
« étranger dans un pays étrange »,
la France, en 1968, au moment où
sa jeunesse se soulève. Le jeune
tres : des CRS qui le poursuivent,
un professeur sadomaso forni-
quant dans son bureau de Normal
Sup, des « Palestoches », des
« Teutons flingueurs »… Comment
qualifier cette ambiance, à la fois de
fête et de terreur ? Une heure dans
cette assemblée générale et vous
aviez un mal de tête à vous exploser
le tympan ; le bruit, bien sûr, le
chaos aussi, et puis un sentiment de
danger qui planait au-dessus de
nos têtes. » Tobie trouve le récon-
fort dans l’amour, la beauté des
femmes qui l’initient au sexe.
Hier, la peu farouche Daniela ;
aujourd’hui, Betsy, Michèle, la
tante Henriette qui fait l’amour en
écoutant Ferrat chanter Aragon.
Un roman d’apprentissage
Le roman avance à un rythme ef-
fréné, on passe des CRS au CNRS
ET SI C’ÉTAIT
au Caire, à Gennevilliers, de Nas- UNE NUIT
ser à « Dany le Rouge » en passant De Tobie Nathan,
par Marx, Freud, Konrad Lorenz, Stock,
de l’ethnologie à la psychanalyse… 400 p., 22 €.
Et Tobie, ballotté dans ce tour-
billon de la vie, chutant, se rele-
vant, hypnotisé, envoûté, mara-
bouté, est sans cesse ramené à ses
origines, à l’exil, au devoir sacré
d’honorer ses ancêtres. « Ce sont
eux qui t’ont sauvé de l’errance, de
la maladie et de la mort, lors de
cette fameuse nuit où nous nous
sommes revus », lui lance sa Bé-
douine fantôme. Quel souffle !
Magicien, Tobie Nathan a l’art
d’envoûter son lecteur tout au
long de ce roman d’apprentissage
foisonnant où, la nuit, des prê-
tresses dansent, chantent, mur-
murent en arabe et en hébreu des
mots qui consolent et qui
sauvent. ■

Sous le soleil
l’enfant aimé à distance, qui gagne
le pouvoir de penser. Et qui est res-
ponsable. La triangulation est dé-
calée : en l’absence d’un père, c’est
le frère qui sauve le frère de l’em-

de Sjena
prise maternelle. Le lien familial,
qu’il soit fraternel, filial, maternel,
est le centre du livre.

De l’autre côté du monde

Claire Conruyt Sur une île de l’Adriatique, L’ombre d’un malheur attend.
Maladie, accident, folie, détresse ?

deux frères font face aux démons de leur mère La mère est instable, les enfants
prennent des risques - ils

instable. Un deuxième roman singulier et réussi. explorent, éprouvent leurs peurs

secrètes. Entre la maison, la plage,
le port, le cimetière, l’atmosphère
s’alourdit, un mysticisme s’insi-
PAR ALICE FERNEY L’aîné, Pierre, sera le narrateur, nue. Aux villageois, Orphée
Orphée son héros et, surtout, celui raconte d’envoûtantes histoires et

O
N DIT que le deuxième
livre est le plus difficile
à écrire ; après Mourir
au monde, Claire
Conruyt, journaliste
POUR QUI au Figaro, relève ce défi en propo-
S’AVANCE sant un texte singulier et l’on peut
DANS LA NUIT une seconde fois la créditer d’une
De Claire Conruyt, véritable création littéraire. Pour
L’Observatoire, qui s’avance dans la nuit ne porte
200 p., 20 €. aucune mention, ni « récit », ni
« roman » ; « conte gothique et en-
voûtant » annonce l’éditeur, conte
mystique en tout cas, où le lecteur
découvrira une variation actuelle
de leur mère. Dans l’île, on se sent il chante, bien sûr. Il croit que l’art
libre et plus proche de soi-même, sauve de la mort : nous fait passer
on trouve la tranquillité, le corps se de l’autre côté du monde. Pierre
glisse dans la nature - la mer pri- lui envie ce « don de croire », cette
mordiale, les animaux de la créa- foi, autre motif cher à l’auteur.
tion. Là, Bérénice se soigne de sa L’art nous ramène à la vie, c’est
mélancolie. pourquoi Orphée veut écrire un
Bérénice est une mère mysté- poème pour sa mère, cette femme
rieuse. Aucun mot sinon celui de qui part nager jusqu’au danger.
désespoir ne sera posé sur son hu- En chapitres courts, par touches
meur changeante. Elle se bat contre et détours intrigants, Claire
des forces destructrices qui ris- Conruyt déconcerte avec poésie.
quent de l’anéantir. Les émotions Nombre d’éléments de mystère
maternelles ne lui sont pas épar- seront, pour certains lecteurs, dé-
gnées, amour, attention vigilante, finitivement énigmatiques, mais,
agacement, inquiétude, colère. pour d’autres, sources de songes et
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO

autour de la figure d’Orphée, des
thèmes éternels de l’amour, de la
mort et de la poésie.
L’histoire se déroule sur une île
de la mer Adriatique face à la côte
dalmate : Sjena, lieu imaginaire que
l’auteur fait sentir originel, sauvage
et isolé. Depuis Zadar, le ferry y
mène Bérénice et ses deux fils.
L’air de rien, Claire Conruyt explo-
re le face-à-face des doutes et exi-
gences consubstantiels à l’amour,
la peur que l’enfant éprouve de cet-
te toute-puissance qui l’enveloppe
et l’observe, la surveillance qu’à
son tour il exerce.Confident de Bé-
rénice, Orphée est admiré et chéri
mais possédé et isolé. Pierre est
de questionnements personnels.
« Ce roman est né dans la nuit » qui
Dans ce deuxième fut « éprouvante et longue », signa-
roman, Claire Conruyt le une note de l’auteur.Il y a tant
explore les thèmes de nuits, celle du deuil, celle de la
éternels de l’amour, dépression, c’est bel et bien de ces
de la mort et de la poésie. gouffres que veut guérir ce livre,
car le poète seul immortalise, en
écrivant sa perte. ■

Une Espagne lumineuse et opaque

mark greene Né à Madrid, le romancier se penche sur le franquisme et son enfance.
SÉBASTIEN LAPAQUE citaire » : se souvenir et apprendre ailleurs. Loin, bien plus loin que la nécessités stratégiques de la guerre Sur ce pays brûlant, l’écrivain

D
ANS Federica Ber et
RÉEL MADRID L’idée de l’amour, ses
De Mark Greene, précédents livres,
Plein Jour, Mark Greene s’est at-
164 p., 16 €. taché à raconter une
histoire. Ce qui n’était pas une né-
cessité. À l’heure du storytelling, il
y en a partout, des histoires. Sur
Netflix, sur Facebook, il en traîne
dans tous les coins. Des vrais, des
fausses ; des bonnes, rarement ; de
très mauvaises, plus souvent. Il n’y
a même que ça, des histoires. Avec
Réel Madrid, l’écrivain vise quel-
que chose de plus haut, dans une
Europe occidentale au cœur dévo-
à se souvenir.
Mark Greene est né à Madrid, en
1963, à une époque où le Hongrois
Ferenc Puskas et l’Argentin
Alfredo Di Stéfano animaient le
front de l’attaque du Real. En
Espagne, le « generalisimo »
Francisco Franco occupait le pou-
voir depuis la rébellion antirépu-
blicaine de 1936. Cet habile avait
survécu à l’effondrement de
l’Allemagne nazie et à la fin de la
Seconde Guerre mondiale. Il lui
restait plus de dix ans à vivre. C’est
ainsi que Mark Greene, né d’un
père correspondant, photographe
et reporter d’images américain et
géographie ne pouvait le laisser
supposer. Elle était complexe,
contradictoire. L’Espagne des
cortèges de Franco et des nuits
rutilantes d’Ava Gardner. »
Un pays plein de paradoxes
Dans Réel Madrid, l’écrivain se
souvient. De l’apparition des chars
sur l’avenida del Generalisimo,
l’actuel paseo de la Castellana ; de
son éducation sentimentale dans
un quartier cosmopolite, aux
abords du stade Santiago-
Bernabéu, où se côtoyaient des
acteurs, des musiciens, des
écrivains, des artistes ; d’une
froide ; de la calle de Carlos- porte un regard froid. « J’ai un
Maurrás, où il a vécu avec ses pa- penchant pour les périodes de déclin
rents sans savoir quel personnage idéologique », écrit-il dans un récit
était honoré par ce nom de rue ; du mieux écrit que la moyenne de ce
retour du roi ; de la transition qui s’écrit aujourd’hui. Mark
démocratique ; d’un coup d’État Greene n’a pas honte d’aimer les
manqué ; de la Movida ; de José vieilles choses, au rang desquelles
Antonio Primo de Riveira, le fon- prend désormais place la litté-
dateur de la Phalange espagnole, rature. Ni d’aborder les motifs de
« l’inspirateur, le héros romanti- fâcherie. Qu’il s’agisse du fascisme
que, le martyr, fauché dans la fleur ou de la corrida, il affectionne les
de l’âge ». Il revoit le pays plein de notations sèches, sans pathos, à
paradoxes de son enfance comme l’école de Hemingway, qui refusait
un paysage de l’âme, une patrie de de donner des leçons de morale à
30 millions d’habitants établie loin ses lecteurs. « Papa » savait de
du progrès fallacieux. « L’Espagne quelle matière est faite la comédie
était violente, crue, mystérieuse, qu’on appelle la vie. Le temps
A

ré par quatre longues décennies de d’une mère française, a grandi en « occupation américaine » d’un indéchiffrable, à la fois lumineuse et passe et nous passons avec lui.
« libéralisme fun, jeuniste et publi- étrange pays. « L’Espagne était genre un peu particulier, due aux opaque. » Mieux vaut en rire qu’en pleurer. ■
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO

6 Meilleures ventes : une habituée et des surprises

parle
on en
AMÉLIE NOTHOMB, QUI PUBLIE SON
TRENTE ET UNIÈME ROMAN DEPUIS
1992, EST EN TÊTE DES VENTES. MAIS
CRITIQUE DES PREMIERS TEXTES TIRENT LEUR
ÉPINGLE DU JEU. INSTRUCTIF.
Une semaine après les premières
parutions, il est trop tôt pour
dresser le tableau des meilleures
ventes des romans de la rentrée.
Mais quelques chiffres parlent.
Amélie Nothomb, avec Psycho-
pompe (Albin Michel), son trente
tivement, reste fidèle au poste :
elle est première (source Edistat).
Le deuxième, n’écrit pas autant
gle du jeu avec L’Enragé (Gras-
set). Le troisième est un premier
roman : La prochaine fois que tu
reste un premier titre publié en
mars, Son odeur après la pluie
(Stock), de Cédric Sapin-Defour
mais il est présent régulière- mordras la poussière (Stock) de (lire nos éditions du 10 août). Il a
ment : Sorj Chalandon, prix Médi- Panayotis Pascot, qui, sans dou- déjà dépassé les 70 000 exem-
cis, Goncourt des lycéens, grand te, bénéficie de sa notoriété d’an- plaires. Des ventes qui feraient
prix du roman de l’Académie cien chroniqueur du magazine rêver tous les auteurs de la

Littéraire et unième roman publié consécu- française, tire très bien son épin- « Quotidien ». La vraie surprise rentrée ! MOHAMMED AISSAOUI

Affaires piégées AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Par Éric Neuhoff eneuhoff@lefigaro.fr

hernan diaz
Lumineuse
Joyce Maynard
Un brillant
roman à tiroirs
construit autour nard n’avait écrit de façon aussi

S
AUTERA ? Sautera pas ?

d’un couple À la première page,

l’héroïne s’apprête à se
envoûtante, avec des personna-
ges aussi hauts en couleur (cette

de la haute société jeter du haut du Golden

Gate. Heureusement
Chinoise qui ne peut pas avoir
d’enfant à la recherche de la

new-yorkaise pour nous, elle renoncera à ce

projet. À la place, elle racontera
plante qui la rendra fertile, ce
couple en voyage de noces, ces

des années 1930. son histoire. Cela tombe bien :

sa vie est un roman. Joan a 6 ans
quand sa mère meurt dans l’ex-
plosion d’une bombe artisanale,
CHRISTOPHE MERCIER 84e Rue Est, à New
investisseurs armés de projets
immobiliers grandioses).
Elle déploie son récit avec une
chaleur communicative, com-
me un boulanger éta-

A
York. Sa grand-mère
U COMMENCEMENT, la recueille, l’oblige à
on se croit chez le changer de prénom
Fitzgerald des Heureux (Amelia) et à ne sur-
et les Damnés avec tout pas révéler leur
l’histoire de Benjamin secret. La gamine se
Rask, riche héritier new-yorkais souvient de cette
mutique, et d’Helen Brewport, une maman foutraque
jeune fille surdouée élevée en Euro- qui était incapable de
pe par sa mère noble et impécunieu- garder un homme,
se, qui l’épouse à son retour en qui voulait aller à
Amérique. Ils deviennent un couple Woodstock au volant
heureux et en vue, tandis qu’il fi-
nance ses bonnes œuvres et ses soi-
rées musicales, et avant qu’elle ne
d’une Coccinelle
orange et qui lui a
laissé sa collection de
« Elle
sombre dans la maladie et la folie et 33-tours (Joan Baez,
ne meure dans un sanatorium suisse Donovan, le premier
- les damnés. album de Joni Mit-
GRAPHICA ARTIS/BRIDGEMAN IMAGES
le sa pâte. Les odeurs
montent aux narines.
Au bar local, trois
gringos reluquent les
demoiselles du cru.
Un détective cache
bien son jeu. L’astro-
logue maya n’est pas
plus mage que vous et
moi. Amelia tient le
coup, relève la tête,
se remet à dessiner.
déploie
Un terrible orage,
une éruption figurent
au programme.
son récit On en redemande.
Un exemplaire de
avec une La Ferme africaine

Puis, au bout de cent pages, on
s’aperçoit qu’« Obligations » (le ti-
tre de la première partie) n’est
qu’un roman imaginé par un certain
Harold Vanner, et que réfute dans
« Ma vie » (deuxième partie) le ri-
chissime homme d’affaires Andrew
Bewell, car il porte atteinte à la mé-
moire de sa femme bien-aimée, qui
était mécène, qui est morte jeune,
mais pas folle du tout. On se dit alors
qu’on s’est laissé piéger comme par
Philip Roth dans Ma vie d’homme : il
s’agissait d’un roman dans le ro-
man. Mais l’autobiographie de
Bewell est inachevée.
Au début de la troisième partie,
Hernan Diaz rebat les cartes, quand
commence « Un mémoire » dans le-
quel l’écrivain Ida Partenza, en
1980, se rappelle, à l’occasion de
l’ouverture de sa maison de Central
Park transformée en musée, le
temps qu’elle a passé, à la fin des an-
nées 1930, avec le mystérieux et
surpuissant Andrew Bewell, qui
l’avait chargée d’écrire son autobio-
graphie - une autobiographie large-
ment biaisée, dans laquelle le ma-
gnat des affaires louait son propre
génie, tout en se défendant d’avoir
suscité la crise de 1929, et dressait
un portrait angélique et inoffensif de
sa femme trop tôt disparue, pour al-
ler contre les allégations de Vanner.
Avec Trust, Hernan
Diaz livre un roman
qui se déploie comme
un jeu de cartes.
On pense alors lire un remake de La
Vraie Vie de Sebastian Knight, un ro-
man nabokovien dans lequel on pé-
nètre peu à peu, comme un escargot
dans les circonvolutions de sa co-
quille, au plus près de la vérité des
personnages.
Un défi aux nationalités
Enfin la dernière partie, le journal
tenu par Mildred Bewell, et trouvé
par Ida lors de l’ouverture de la mai-
son-musée, et qu’elle est la premiè-
re à déchiffrer, donne la clé de l’en-
semble, qui ne relève pas tant de
Fitzgerald, de Roth ou de Nabokov
que du Martin Scorsese du Loup de
Wall Street, dressant un portait vio-
lent d’un grand homme de la finan-
ce, d’un génie tyrannique et domi-
nateur, d’un monstre de duplicité,
d’un pauvre type qui a passé sa vie à
vouloir réécrire sa vie, en étant in-
capable de la vivre. Trust, le deuxiè-
me roman d’Hernan Diaz, un écri-
vain qui est un défi aux nationalités,
est brillantissime.
Un roman à tiroirs, un roman qui
se déploie comme un jeu de cartes,
un roman piégé. On a l’impression
de lire une suite de pastiches dont
sort enfin une vérité qui fait relever,
en dernière extrémité, Trust du ro-
man politique, et même marxiste,
une attaque du capital, qui se cache
philistiniquement derrière les
meilleures raisons pour s’alimenter
lui-même.
Il n’existe pas de mécènes, et tout
magnat des affaires, quels que soient
les musées et les fondations qu’il fi-
nance, quels que soient les tableaux
qu’il possède, n’est qu’un grand
fantôme qui s’occupe pour dissimu-
ler le vide de son esprit, et son ab-
sence d’âme. ■
chell, la pochette chaleur traîne sur une table.
originale des Beatles communi- Ça n’est pas un ha-
avec la photo des sard. L’exotisme et le
poupons en sang).
cative, sentiment de perte
Un deuxième drame comme un sont de la partie dans
l’attendait. Plus tard, boulanger ce manuel de survie.
à San Francisco, une Joyce Maynard, sur-
camionnette écrase
étale tout connue pour
son fils et son mari
sous ses yeux. C’en
sa pâte » avoir été une compa-
gne de Salinger, se
est trop. D’où l’idée de se suici- révèle ici une nièce de Karen
der. D’où celle de tirer un trait, Blixen. Elle est très forte. Il ne
de grimper dans un autocar faut pas rater le chapitre où une
pour n’importe où et de se re- vieille femme en robe verte à
trouver dans un village perdu longs cheveux gris et qui « pen-
TRUST de l’Amérique centrale. Amelia che la tête comme si elle essayait
De Hernan Diaz, atterrit à La Llorona, cet hôtel de prendre la voix de quelqu’un
traduit de l’anglais tenu par une dame à la beauté d’autre » entonne une chanson
(États-Unis) mystérieuse qui a eu jadis une de la Carter Family. Dawn ?
par Nicolas Richard, brève liaison avec Marlon Bran- Diana ? Rappelez-moi votre
L’Olivier, do. Leila la prend sous son aile. nom. Bienvenue à La Llorona.
400 p., 23,50 €. Il y a des fleurs et des oiseaux. Il Maynard n’indique ni le nom du
y a un lac et un volcan. L’en- pays décrit ni l’adresse de ce
droit est magnifique. Il se méri- paradis. C’est le seul défaut du
te. Les touristes commencent à livre.
y affluer, hippies en tous gen-
res, adeptes des cultures in-
diennes, simples curieux. Le
chagrin s’estompe dans ce pay- L’HÔTEL DES OISEAUX
sage de carte postale. Amelia De Joyce Maynard, traduit
héritera de l’établissement. de l’anglais (États-Unis)
La suite, on la trouvera dans ces par Florence Lévy-Paoloni,
chapitres fournis, cette prose Philippe Rey.
lumineuse. Jamais Joyce May- 528 p., 25 €.

L’INVINCIBLE ÉTÉ
DE LILIANA
De Cristina Rivera
Et son assassin court toujours
Garza,
traduit de l’espagnol
cristina rivera garza Trente ans après la mort de sa cadette, tuée par son ex-petit ami, la romancière
(Mexique)
par Lise Belperron,
mexicaine en dresse un lumineux portrait.
Globe,
400 p., 23 €. ISABELLE SPAAK et musclé, avait une telle mainmi- En 1990, au Mexique ou ailleurs, en forme. De page en page, nous était beaucoup trop vive. Le temps

A
URAIT-ON pu pré-
voir ? A-t-on été as-
sez vigilant ? Quels
étaient les signaux
d’alerte ? Fallait-il
s’interposer ? De la part des pro-
ches, la litanie des remords surgit à
chaque disparition violente au sein
d’un couple. Dans le cas de Liliana
Rivera Garza, morte à 20 ans,
étranglée par son ex-petit ami,
aurait-il été possible de la proté-
ger ? À l’âge de tous les futurs pour
une jeune fille passionnée par ses
études d’architecture, férue de ci-
néma, déjà très indépendante et
entourée d’une bande de copains
fidèles, qui aurait pu se douter que
A
se sur elle depuis le lycée ?
Ces questions irriguent le récit
consacré par l’écrivain mexicain
Cristina Rivera Garza à sa cadette
dont l’assassin court toujours. Il a
fallu trente ans à la romancière
multiprimée au Mexique et aux
États-Unis, où elle vit depuis 1989,
un an avant la mort de sa sœur,
pour se confronter à ce drame sur-
venu dans la nuit du 15 au 16 juillet
1990. Trente ans déjà. Ils comptent
pour des siècles. En cette aube de
l’hiver austral dans le quartier
tranquille de Pasteros, en périphé-
rie de Mexico, Liliana, 20 ans, a été
retrouvée sans vie chez elle, rue
des Mimosas. Très vite les investi-
gations policières concluent que le
les termes « harcèlement », « em- assistons à ses tâtonnements. Pré-
prise », « consentement » n’ont liminaires dont elle ne fait pas se-
pas encore intégré notre vocabu- cret. D’abord la disparition du
laire s’agissant des violences faites dossier judiciaire. Que voulez-
aux femmes. Encore moins le mot vous, trente ans après… sous-en-
« féminicide ». tendent les autorités, comme si
Christina Rivera Garza aurait dû se
Grâce à ce matériau brut manifester plus tôt. Alors, puis-
qu’il n’y a plus de traces officielles,
livré tel quel à notre l’écrivain se résout à plonger dans
lecture, Lilly apparaît l’intimité de sa cadette pour es-
dans toute sa vérité sayer de comprendre. Papiers di-
vers, fragments d’agenda, notes de
L’époque se cache encore der- cours, griffonnages d’adolescente,
rière l’expression « crime passion- brouillons de lettres jamais en-
nel ». Comme si tuer était une voyées, poèmes recopiés ou rédi-
composante – certes malheureu- gés par Liliana elle-même. Une
se - d’une passion. Évidemment, somme de petits riens que ses pa-
ces problématiques sont présentes rents ont rangés après sa mort
a opéré. Par l’exhumation minu-
tieuse des pièces de ce puzzle que
l’écrivain s’efforce de reconstituer
et la compilation des entretiens
qu’elle a conduits aujourd’hui
auprès des cousins et amis de sa
sœur qui ont accepté d’évoquer
leur jeunesse pour ressusciter leur
camarade, le miracle se produit :
grâce à ce matériau brut livré tel
quel à notre lecture, Lilly apparaît
dans toute sa vérité. Avec ses
questionnements, ses tourments,
ses envies. Tant d’années après,
Cristina Rivera Garza a fait le choix
courageux de retourner dans le
noir et cheminer avec sa sœur vers
la lumière. Cette main tendue est
une main tendre et ferme, une

le dénommé Angel Gonzalez coupable est ce type qui gravitait dans ce texte que l’auteur concède dans des cartons sans que person- main miraculeuse qu’elle ne lâche-
Ramos, un blond courtaud, frustré autour d’elle sans la laisser en paix. avoir eu beaucoup de mal à mettre ne n’ose plus y toucher. La douleur ra jamais plus. Et nous non plus. ■
 LE FIGARO jeudi 31 août 2023

LE CHIFFRE DE LA SEMAINE
Retrouvez sur internet
Chaque année, mon 7
la chronique
désir de mourir atteint

942 « Langue française » son point culminant

KENZO TRIBOUILLARD/AFP

au moment de la rentrée
C’est le nombre SUR

@ littéraire. Je conclus qu’il y

WWW.LEFIGARO.FR/
de pages de la saga « Les Effinger » de l’Allemande LANGUE-FRANCAISE
Gabriele Tergit, qui paraîtra aux Éditions Christian
Bourgois le 5 octobre.
a un lien de cause à effet… HISTOIRE
THOMAS GUNZIG SUR TWITTER
Littéraire
Le fabuleux destin
de Jeanne du Barry
biographie Emmanuel de Waresquiel
retrace le destin de cette fille de lingère
devenue la dernière favorite de Louis XV.
JEAN-MARC BASTIÈRE sie des courtisans ? Car, des qualités

O
N SE MET en quête
d’un personnage et on
en trouve un autre.
C’est ce qui est arrivé
à Emmanuel de Wa-
resquiel avec Jeanne du Barry, la
dernière favorite de Louis XV,
morte guillotinée le 8 décembre
1793. Ce biographe (de Fouché,
de cœur et d’esprit, il en faut pour
tenir sa position dans ce panier de
crabes qu’est la cour de Versailles.
Et, d’abord, du caractère, de l’am-
bition, une intelligence des êtres et
des choses.
Ce qui est sûr, c’est que cette fille
de lingère dynamite le système des
prébendes, réservées jusque-là à la
noblesse. On ne le lui pardonnera

Les nations ont-elles

De gauche à droite :
le général de Gaulle,
en 1948, sir Winston
Churchill, en 1939,
Talleyrand, Marie-Antoinette…)
était loin de se douter que trois dif-
ficiles années d’exploration des
fonds troubles d’une époque - à
des années-lumière de Maïwenn et
pas. Si elle a vécu un temps comme
une « demi-mondaine », on en reste
à des suppositions. Jeanne Béné-
dicte Bécu était surtout, dirait-on
aujourd’hui, une « femme libre » !

besoin de héros ?
et le général Franco.
WWW.BRIDGEMANIMAGES.
COM
du Festival de Cannes - seraient
nécessaires pour s’y retrouver
dans ce labyrinthe fait femme.
Mais, opiniâtre jusqu’à l’obsession,
il a su cerner son sujet comme on
Elle a su rassurer Louis XV, qui lui
cache peu de choses. C’est pourquoi
son rôle politique fut bien plus
grand qu’on a pu le croire, même si
elle s’est bien gardée d’en abuser.

essai Dans un livre très instructif, l’Anglais Ian Kershaw ne l’avait encore jamais fait. Collectionneuse avisée, Madame
du Barry fit aussi figure de ministre

s’interroge sur l’irruption des grands hommes

Une « femme libre » officieux des Arts et des Lettres.
Cette grande blonde Plus tard, parce qu’elle a

dans le destin d’un pays et sur leur nécessité.
triomphe de l’histoire sérielle et ses
LA CHRONIQUE ennuyeuses données chiffrées qui
de Jacques ont contribué à marginaliser une
de Saint Victor partie de l’histoire académique.
À lire Kershaw, qui a beaucoup
aux yeux bleus et à la
peau diaphane allie une
« beauté radieuse »
avec un air de « dou-
geants médiocres, respectant les ceur et d’honnêteté ».
règles, et ne cherchant pas à trans- Qui se douterait, en la
former le système politique. Cela voyant, que, sa fêlure
fait songer au mot de Montesquieu secrète, c’est sa nais-
dans ses Pensées : « Heureuses les sance cachée ? Cette ta-
JEANNE DU BARRY.
voulu, dans la tourmen-
te révolutionnaire, pré-
UNE AMBITION server à tout prix son
AU FÉMININ îlot enchanté de Louve-
D’Emmanuel
ciennes, cette passion
de Waresquiel,
Tallandier, des arts lui a sans doute
432 p., 27,90 €. été fatale.
Cette quasi-souverai-
ne - montée au pinacle

L
E NOUVEAU livre du
grand historien du na-
zisme, Ian Kershaw, est
très instructif sur le siè-
cle passé, et, dans le
même temps, fort utile pour notre
temps. Il revient, à travers une di-
zaine de personnalités, sur les
conditions de conquête et d’exer-
cice du pouvoir par ceux qui ont
marqué le XXe siècle, de Lénine à
Helmut Kohl, en passant par de
nombreux dictateurs (Mussolini,
Franco, Hitler, Staline ou Mao) et
quelques chefs d’État démocrati-
ques comme Churchill ou le géné-
ral de Gaulle. On n’apprend rien de
neuf sur ces hommes d’exception
(même si le regard du grand histo-
rien britannique sur de Gaulle ou
Franco est instructif) mais ce sont
les réflexions de Kershaw sur le
rôle de l’individu dans l’histoire et
le statut de ces « sauveurs » qui of-
frent un intérêt particulier.
Chacun connaît le mot fameux
de Raymond Aron : « Les hommes
font l’histoire même s’ils ne savent
pas l’histoire qu’ils font. » La for-
mule complète, celle de Marx, se
trouve dans Le 18 Brumaire de Louis
Bonaparte : « Les hommes font leur
propre histoire, mais ils ne la font
étudié l’historiographie alleman-
de, on mesure que ce débat stérile
ne fut pas un privilège de l’histoire
hexagonale car il fut aussi très
marquant en Allemagne. Après la
chute du Mur et le déclin de l’idéo-
logie marxiste, puis la fin de ce
qu’on a appelé en philosophie les
« grands récits », ce fut la victoire
du concret sur l’abstrait, le « pas-
sage du système et de la structure au
sujet, à l’unique et à l’individuel ».
L’historien a pu reprendre ce qu’il
a toujours fait, des galeries de por-
traits, à travers la « forme artistique
de l’essai biographique ». Cela ne
signifie pas que le « facteur per-
sonnalité » soit le seul qui compte,
mais on ne peut en contester sé-
rieusement l’importance.
Tout dépend
des circonstances
Pour le meilleur et pour le pire, ces
personnages ont marqué leur
temps. La leçon qui ressort de ces
portraits est d’abord le caractère
très relatif du « grand homme ».
Kershaw se refuse du reste à ana-
lyser ce que pourrait être la
« grandeur » d’un dirigeant politi-
que car tout dépend beaucoup des
circonstances. Il reprend l’analyse
de Michael Mann qui détermine
nations qui n’ont pas besoin de che originelle de la bâ- en pleine crise de l’ab-
héros. » tardise, la favorite la solutisme, concentrant,
Il en va autrement en période de masquera en s’inven- au moment où le roi
crise, comme ce fut le cas en Euro- CES GRANDES tant un père comme s’apprête à lancer une
pe au cours des deux guerres mon- FIGURES QUI ONT elle s’est inventé un série de réformes radi-
diales et, malheureusement, com- FAIT L’HISTOIRE mari. Dissimulatrice cales, toutes les haines
me les défis de demain semblent De Ian Kershaw, hors pair, elle a caché excitées par des pam-
l’imposer. On assiste alors à traduit de l’anglais ses amants et même phlets orduriers - n’est
l’émergence de personnalités for- par Pierre-Emmanuel une fille, Betsi, que plus rien à l’instant où
Dauzat et Aude de meurt le monarque.
tes, généralement très sombres, de Waresquiel découvre le
Saint-Loup,
Lénine à Hitler en passant par Sta- Seuil, 416 p., 25,50 €. premier, tout comme Mais, avec la Révolu-
line ou Mussolini, quand d’autres l’identité du père de tion, le drame à blanc se
sont plus éclairées, comme de l’enfant, tout comme le véritable rejoue, en rouge sang. Sans que la
Gaulle ou Churchill, sans être pour père de Jeanne, qui n’est pas un « comtesse du Barry » en prenne
autant parfaitement consensuelles. moine défroqué, comme on l’a sou- vraiment conscience, tout ce
Malheureusement, comme le tenu, mais un riche receveur géné- qu’elle incarne, à commencer le rè-
démontre Kershaw, les peuples ne ral de l’Hôtel de Ville. gne de la « femme » désormais mis à
tirent pas de l’histoire les leçons La du Barry est-elle donc cette bas, la rattrape. Sur l’échafaud, son
qu’on pourrait espérer. Ainsi, les femme écervelée et insignifiante « cri affreux », a peut-être, mais ce
sondages montrent qu’aujourd’hui laissée parfois par la postérité, cette n’est pas certain, arraché le specta-
un dictateur sanguinaire comme ancienne prostituée, dont l’ascen- teur à sa sidération. En tout cas, il
Staline est majoritairement popu- sion fulgurante a exacerbé la jalou- nous réveille encore. ■
laire en Russie, après avoir été pro-
fondément rejeté par ceux qui ont
connu ses exactions. On ne peut Jeanne du Barry
que souscrire à la conclusion de (1743-1793) par
Kershaw qui se veut un appel très François Hubert
anglo-saxon à la prudence, fort Drouais.
loin des illusions révolutionnaires
à la française : « Pour ma part,
j’éviterais totalement avec bonheur
les personnalités “charismatiques”
au profit de dirigeants qui, s’ils sont
moins hauts en couleur, peuvent of-
JOSSE/BRIDGEMAN IMAGES

pas de plein gré. » Cette proposition
a longtemps suscité de grandes
controverses. La seconde moitié du
XXe siècle, avec la vague structu-
raliste et marxiste, avait cru pou-
voir éliminer l’individu au profit
des « structures » et des rapports
de force économiques. Ce fut le
quatre sources de pouvoir bien
distinctes : idéologique, économi-
que, militaire et politique. En sim-
plifiant, les sociétés pacifiées, où
dominent la paix, la prospérité et le
respect du droit, n’ont pas en gé-
néral besoin de « grands hommes ».
Elles peuvent se contenter de diri-
frir une gouvernance compétente et
efficace. »
Hélas, entre l’Aurea mediocritas
des Anciens et l’accablante médio-
crité de nombreux Modernes, il y a
une différence que certains diri-
geants actuels ont du mal à perce-
voir. ■

HISTOIRE DU PARIS
GASTRONOMIQUE.
DU MOYEN ÂGE
Les pieds dans le plat
À NOS JOURS
De Patrick Rambourg, essai Une histoire des hauts et des bas de la cuisine gastronomique parisienne depuis le Moyen Âge.

P
Perrin,
400 p., 25 €.
OUR CEUX qui veulent se
convaincre que Paris est
encore la capitale de la
gastronomie, cette his-
toire de la cuisine pari-
sienne en 400 pages tombe à pic.
L’historien Patrick Rambourg évo-
que l’évolution de la gastronomie
parisienne depuis le XIIIe siècle. La
partie ancienne est intéressante et
permet de se familiariser à l’histoire
des métiers de bouche ou la nais-
ment contribué, avec Grimod de
La Reynière ou Brillat-Savarin, à
consacrer Paris comme « le lieu de
l’univers où l’on fait la meilleure chè-
re ». Malheureusement, la lecture se
gâte quand on aborde l’époque plus
contemporaine. Quand Jean-Fran-
çois Revel, dans Pour l’Italie, faisait
l’éloge de la cuisine française, très
cosmopolite, et se moquait de la
cuisine italienne, qu’il jugeait « pro-
vinciale ». N’y a-t-il pas eu, à un
rait-il pas fatigué à force d’embras-
ser large ? L’auteur effleure la ques-
tion quand il évoque la révolution
heureuse des bistrots à la Camde-
borde qui, après l’époque de la
« nouvelle cuisine » dans les années
1970-1980, tentent le retour à une
cuisine plus traditionnelle. Le suc-
cès de ces bistrots est tel qu’il faut
aimer faire la queue pour y manger.
Pour le reste, le lecteur, qui aura
droit à la citation du New York Times
un voyage de découverte », ignorera
en revanche le même New York
Times de mars 2014 titrant : « Y a-t-
il quelqu’un pour sauver la cuisine
française ? » Selon Slate, « aux
États-Unis, la cuisine française est
devenue ringarde et snob » (2016).
En 2009, Michael Steinberger, un
critique gastronomique du Financial
Times et du New Yorker, créait
l’événement avec un livre corrosif,
La Cuisine française, un chef-
plus des frites surgelées et des
confits de canard sous vide qu’ils
avalaient dans des guinguettes faus-
sement « typiques ». Le lecteur
ignorera ces critiques et achèvera sa
lecture, rassuré, en lisant que « le
Paris culinaire et gastronomique des
deux premières décennies du
XXIe siècle se porte bien, et même très
bien (…). N’en déplaise aux déclinol-
ogues qui voudraient nous faire croire
à la décadence du Paris gastrono-
A

sance du restaurant, sans parler de certain moment, un souci dans cette d’avril 1972 à la gloire de la nouvelle d’œuvre en péril. Il relayait la fureur mique (…), la Ville Lumière reste sur
la littérature culinaire qui a haute- trop grande ouverture ? Paris ne se- cuisine, faisant d’un « dîner à Paris de ces touristes qui n’en pouvaient le devant de la scène. » Ouf ! ■ J. S. V.
 jeudi 31 août 2023 LE FIGARO
8 L’histoire Nancy lance la rentrée littéraire
semaine
de la
La 45e édition du Livre sur la Pla- Musée des beaux-arts, on écou- tre de Mon Désert. Dimanche,
ce, première manifestation litté- tera Didier Decoin (15 h) et Em- Mathias Énard et Agnès Desar-
raire d’envergure de la rentrée, manuel de Waresquiel (18 h). Sa- the seront à l’hôtel de ville (14 h et
LE PRINCIPAL SALON DE LA RENTRÉE se déroulera sur trois jours, place medi 9 (11 h 30), au Palais du 15 h 30), Laurent Binet et Joyce
LITTÉRAIRE SE TIENDRA À NANCY DU 8 Stanislas et dans de nombreux Gouvernement, on assistera à la Maynard à la préfecture (14 h et
AU 10 SEPTEMBRE. ATTENDUS : LES lieux et institutions de la ville. rencontre Alice Fernet-Thomas 15 h 30). Et Marie-Hélène Lafon
EN MARGE AUTEURS DE LA RENTRÉE ET
UN INVITÉ D’HONNEUR, L’ALLEMAGNE. Comme chaque année, le pro- B. Reverdy. On rendra hommage au Musée des beaux-arts (15 h).
Littéraire gramme est riche. Vendredi 8, au à Christian Bobin (18 h) au Théâ- L’immense comédienne Domini-
entretien
Jean-Baptiste
Le jury composé
de 400 lecteurs
Andrea, prix
et de 400 libraires
a couronné
du roman Fnac
l’auteur de
« Veiller sur elle ».
PROPOS RECUEILLIS PAR
ALICE DEVELEY
adeveley@lefigaro.fr
Jean-Baptiste Andrea a écrit un li-
vre comme on n’en fait plus. Veiller
sur elle est un roman d’amour, un
roman picaresque, un roman de
vengeance. Son histoire : Mimo est
un sculpteur de génie mais l’homme
est pauvre, ballotté par les flots d’un « Si je devais être un auteur du passé, j’aimerais bien être Dumas », dit Jean-Baptiste Andrea.
destin intraitable qui le fait rencon-
trer Viola, héritière d’une famille ri-
chissime condamnée au mariage,
dans une Italie fascisante. Peuvent-
Rentrée
ils s’extraire de leur condition ?
Créer est-il une autre manière
d’aimer ? L’auteur de Ma reine, pre-
mier roman repéré par Le Figaro en
2017, répond.
littéraire
LE FIGARO. - Que représente
ce prix, de libraires et de lecteurs,
à vos yeux ?
Jean-Baptiste ANDREA. - Ma pre-
mière réaction n’est pas d’analyser
la nature du prix. Cependant, le fait
que le prix du roman Fnac soit un
vote « démocratique », dénué
d’autres enjeux que l’appréciation
du livre, est très gratifiant. La majo- des émotions qui déclenchent elles-
rité des grands prix littéraires sont
des récompenses accor-
dées par des pairs, mais
là c’est un prix accordé VEILLER SUR ELLE Souvent, on me demande
par le lecteur, la person- De Jean-Baptiste
ne à qui l’on s’adresse en Andrea,
premier. C’est unique. L’Iconoclaste,
Mon plus grand désir est 581 p., 21, 90 €.
de raconter des histoires,
d’emporter les gens vers
un ailleurs, de leur faire
oublier leur quotidien, de
les bouleverser. Ma prin-
cipale préoccupation, ne
serait-ce que parce que je
vais passer un an et demi
dans ma tête en compa-
gnie de mes personnages,
est de faire en sorte que je
sois la première personne
à satisfaire. Je m’emmè-
ne moi-même en voyage et c’est ce
que j’essaye de faire avec les lec-
teurs. J’ai envie de retrouver le ton
des grands romans qui m’ont donné
le goût de lire.
Il y a quelque chose
de grotesque et de sublime
chez Mimo, votre personnage
de sculpteur, qui ferait penser
à Gwynplaine, héros romantique
de Hugo. De même, on pourrait
voir quelques références à Dumas…
J’ai la certitude qu’on parle toujours regardé Gilda. Glenn Ford dit à Rita
d’une histoire commune qui est la
grande histoire de l’humanité
quand on écrit et que toutes les
grandes histoires qui ont survécu,
sous forme de contes, légendes ou
romans, capturent cette histoire
d’une odyssée humaine. Je n’ai pas
lu L’Homme qui rit de Hugo mais
souvent, les lecteurs voient dans
mes livres un écho de leur odyssée
personnelle. En revanche, Dumas,
je l’ai lu ! Je me suis dit que j’aime-
rais bien écrire un roman à la
Dumas, même si je ne me suis pas
dit cela avant d’écrire Veiller sur
elle. C’est davantage une considéra-
tion générale. Si je devais être un
auteur du passé, j’aimerais bien être
Dumas. Ses livres sont à la fois intel- rencontré Sophie de Sivry (fonda-
ligents et populaires, même si la
forme feuilletonnante le contrai-
gnait parfois à faire du remplissage,
ce que je ne me souhaite pas, mais
quel génie !
A
Veiller sur elle est tout à la fois
un roman d’amour, un conte
que Blanc enchantera l’Opéra
(14 h 30). De nombreux auteurs
étrangers sont attendus : le Prix
Nobel Wole Soyinka, Joyce
Maynard, David Vann, les Alle-
mands Chris Kraus, Robert
Seethaler, Peter Stamm. (lelivre-
surlaplace.fr) BRUNO CORTY
picaresque et historique.
Comment le décririez-vous ?
La tyrannie faite aux femmes était
mon fil directeur. L’idée originale
du roman est venue avec mon per-
sonnage de Viola. Je voulais un
traitement romanesque, où je ne
mettrais pas de frein à mon imagi-
nation. Et quand j’ai cherché une
forme à donner à Veiller sur elle,
toutes mes idées se sont mises en
place.
CELINE NIESZAWER/LEEXTRA VIA OPALE.PHOTO
Est-ce donc un roman féministe ?
J’ai toujours considéré que j’écrivais
un roman féministe. J’ai un peu de
mal à employer ce mot car je ne
souhaiterais pas donner l’idée
d’usurper un terme que je respecte
énormément. Je ne veux pas donner
l’impression que les femmes ont be-
soin de moi pour se défendre, ce
n’est pas le cas. Je parle de l’oppres-
sion faite aux femmes à travers un
texte romanesque qui n’est pas un
brûlot politique. Le roman parle du
passé, mais à travers lui, je parle du
présent. Quand j’écrivais, je me di-
sais que tout ce que je raconte et qui
se déroule entre 1916 et 1948, pour-
rait tout à fait se passer maintenant.
À bien des égards, avec le fascisme
que je relate en toile de fond, il est
d’une actualité brûlante.
Dans Des diables et des saints,
la musique tenait une place toute
particulière. Ici, il s’agit
de la scuplture. L’art influence-t-il
votre écriture ?
Tout à fait. Quand je suis allé en Ita-
lie pour la première fois à 15 ans, j’ai
eu un choc esthétique, presque un
syndrome de Stendhal. Ce pays a été
fondateur dans mon rapport à l’art.
J’ai découvert un monde, une forme
de beauté dont j’ignorais l’existen-
ce. Le spectacle de l’art déclenche
mêmes mon imagination. Et chez
moi, mon vecteur d’ex-
pression, c’est l’écriture.
quel roman m’inspire.
Mais si je suis un grand
lecteur et que les romans
occupent une place im-
mense dans ma vie, je ne
cherche pas à les imiter,
je m’en nourris incons-
ciemment.
En revanche, il m’arrive
d’avoir des idées en re-
gardant un tableau.
Quand j’étais étudiant à
Paris, j’étais membre de
La Société des amis du
Louvre et j’allais très sou-
vent à la galerie Renais-
sance italienne. Je me
plantais devant Messine, Raphaël et
Léonard de Vinci, notamment Sain-
te Anne, la Vierge et l’enfant Jésus
qui est pour moi son plus grand ta-
bleau. C’étaient des expériences
quasi mystiques. J’aime avoir des
relations intimes, presque secrètes
avec des œuvres.
Mimo et Viola rêvent
d’échapper à leur destin.
Croyez-vous en la fatalité ?
Un jour, quand j’avais 20 ans, j’ai
Hayworth : « I make my own luck. »
La chance, je me la fais moi-même.
Cette phrase m’a beaucoup mar-
quée. À cette époque, j’étais aspi-
rant cinéaste et scénariste, et je me
posais exactement la question que
vous posez. Ai-je des chances de
réussir ? Ai-je un destin ? Je crois
que tout est possible, même si je ne
suis pas naïf. Cependant, j’ai l’opti-
misme chevillé à l’âme.
Qu’allez-vous faire
après ce prix ?
Sauter au plafond. Enfin, je saute
au plafond depuis que je suis pu-
blié. Je suis un professionnel de
l’écriture depuis 1996. Quand j’ai
trice des Éditions de L’Iconoclaste,
décédée récemment, NDLR), cela a
été une révolution dans ma vie.
Elle m’a vu, elle m’a compris. Je
vis dans l’émerveillement depuis
ce jour-là et en plus de cela, on me
donne un prix pour ce que j’ai
écrit ! Je suis aux anges. ■