3,40 € mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO - N° 24 656 - www.lefigaro.

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lefigaro.fr

CAMPAGNES LE FIGARO DEMAIN

LE CHANT DU COQ AU CŒUR RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE :
DE LA BATAILLE ENTRE COMMENT VIVRONS-NOUS
PAYSANS ET NÉORURAUX PAGE 11 EN 2100 ? CAHIER SPÉCIAL

Otages : le Hamas cherche à

EUROPE
CENTRALE
À la frontière
hongroise, ce mur
qui n’arrête pas

gagner la guerre des images

les migrants PAGE 6
JUSTICE
Les esquives
navrantes
d’une Monique Malgré la cruauté de ses attaques,
Olivier sans le mouvement islamiste
« explication » PAGE 12
se prévaut d’un comportement
TABAC « humain » avec les otages
Des interdictions
en plein air mais dans le but de prolonger la trêve.
pas de hausse PAGES 2, 4 ET L’ÉDITORIAL

brutale des prix

PAGE 13

TRANSPORTS
Le surcoût lié aux
Jeux olympiques
retombe
sur les usagers

STRINGER/ANADOLU VIA AFP

occasionnels PAGE 24
Le 27 novembre,
CINÉMA le Hamas remet
« Le Temps 11 otages
israéliens
d’aimer » : à la Croix-Rouge.
la douleur des
sentiments PAGE 32

Kaïs Saïed, La défaite chez EDF, L’hypothèse

CHAMPS LIBRES

le grand
inquisiteur symbole du déclin d’un remaniement agite
n
Quelles sont de la CGT à nouveau la majorité
les clés de Après soixante-dix-sept ans arrivée à la SNCF, chez Orange Les procès d’Olivier Dussopt et L’équipe d’Élisabeth Borne est
la popularité de d’un règne sans partage, la et Renault, trois autres de ses d’Éric Dupond-Moretti, qui également fragilisée par le flou
Gabriel Attal ? CGT a perdu la première place places fortes. Le syndicat paie doit être fixé sur son sort ce sur le cap politique pour la sui-
dans son principal bastion au la baisse des effectifs ouvriers, mercredi, relancent les spécu- te du quinquennat. La premiè-
n
Les tribunes profit de la CFE-CGC. La mais aussi sa radicalisation lations autour d’une évolution re ministre consulte pour re-
de François- même mésaventure lui était croissante. PAGES 26 ET 27 du casting gouvernemental. prendre la main. PAGES 8 ET 9
Xavier Bellamy
et de Patrice
Gassenbach ÉDITORIAL par Philippe Gélie pgelie@lefigaro.fr
et François Gallimard
Brunet L’humanité du bourreau présente

A
n
La chronique
Photo F. Mantovani © Gallimard

de Bertille près s’être complaisamment fil- la main. » La plupart des ex-otages laissent der-
més en train de commettre les pi- rière eux des proches aux mains du Hamas.
Bayart res atrocités lors de leurs insoute- Les moments de joie pure des familles enfin
PAGES 16 À 19
nables tueries en Israël le réunies valent sûrement ces concessions à la
7 octobre, les combattants du Ha- guerre des images. Mais il ne faut pas oublier le
mas ont changé de registre. Les voici donnant prix payé pour ces instants arrachés à la bar-

@ FIGARO OUI
FIGARO NON
Réponses à la question
le bras à une vieille dame pour descendre une
marche un peu haute, tapant dans la main
d’un adolescent ou portant un enfant dans
leurs bras jusqu’à l’ambulance de la Croix-
barie : la torture de l’attente et de l’incertitude,
le suspense cruel des listes de noms publiées au
jour le jour, les retards et les déconvenues… Ce
jeu pervers contribue à diviser la société israé-
de mardi : Rouge. N’étaient leurs uniformes, leurs armes lienne, prise dans
Retraites
complémentaires :
et leurs visages cagoulés, on croirait presque La propagande l’impossible di-
des travailleurs humanitaires. Au point de lemme entre la
trouvez-vous légitime trouver des soutiens sur les réseaux sociaux sans scrupule compassion pour
que l’État puise
dans les excédents
prêts à applaudir leur comportement « hu- du Hamas les victimes et le
main » et même « moral » ! refus de laisser le HUGO

de l’Agirc-Arrco ?
OUI
8%
TOTAL DE VOTANTS : 136 500
3’:HIKKLA=]UXYU]:?b@b@m@j@k";
Ces derniers ignorent-ils la situation ? On parle
ici de civils qui ont été capturés pour servir de
NON monnaie d’échange, souvent après que leurs
92 % proches ont été massacrés sans pitié. Ils sont
restés prisonniers pendant cinquante jours
MICHERON
Hamas lui dicter sa loi. Maître des horloges, le
mouvement islamiste utilise la trêve et les
transferts de prisonniers pour solidifier le sou-
tien de l’opinion palestinienne et arabe, et
pour encourager les Occidentaux à faire pres- La colère et l’oubli

dans des tunnels ou des pièces obscures, nour- sion sur Israël afin de prolonger l’arrêt des
Votez aujourd’hui ris du minimum et laissés pour certains sans combats. Des choix encore plus difficiles at-

PRIX FEMINA ESSAI

sur lefigaro.fr
M 00108 - 1129 - F: 3,40 E

médication. Leur libération est mise en scène tendent l’État hébreu lorsque le Hamas aug-
Faut-il interdire le tabac sans le moindre scrupule dans des vidéos de mentera ses prix pour rendre les hommes et
dans tout l’espace public ? propagande destinées à « humaniser » ceux qui les soldats capturés. Il risque alors d’être bien
avaient cédé à la barbarie. Sur l’une d’elles, on seul, celui qui renoncera au marchandage
PRIX DU LIVRE DE GÉOPOLITIQUE
entend l’ordre d’un geôlier : « Continue à agiter pour reprendre les armes. ■
PAUL DELORT/LE FIGARO - FRANÇOIS
BOUCHON/LE FIGARO
A

AND : 4,30 € - BEL : 3,50 € - CH : 4,40 FS - CZ : 115 CZK - D : 4,00 € - ESP : 4,10 € - GR : 3,60 € - LUX : 3,50 € - MAR : 37 DH - MTQ/GLP : 4,10 € - PORT.CONT : 4,20 € - REU : 4,50 € - TUN : 11,00 TND ISSN 0182.5852
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
2 L'ÉVÉNEMENT
ESA ALEXANDER/REUTERS
Nous
invitons
(Elon Musk)
à visiter Gaza
pour constater
l’étendue
des massacres et
des destructions
commises contre
le peuple de Gaza,
en conformité
avec les
standards
de l’objectivité et
de la crédibilité
OSAMA HAMDAN,
» terroriste une organisation comme
MEMBRE DU BUREAU
POLITIQUE DU HAMAS
HAMAS MILITARY WING/HANDOUT VIA REUTERS
Les familles d’otages libérés tiraillées entre soulagement et inquiétude
HUGUES MAILLOT £@HuguesMaillot
ENVOYÉ SPÉCIAL À JÉRUSALEM
LE SOULAGEMENT est à la hauteur
de l’attente. Après 52 jours de cap-
tivité dans la bande de Gaza, trois
Français mineurs ont été libérés
lundi soir par le Hamas. Eitan Ya-
halomi, 12 ans, a été aperçu à la
descente d’un bus, le visage figé,
embrassant longuement sa mère.
Sahar Kalderon, 16 ans, et son petit
frère Erez, 12 ans, « ont atterri sur le
toit de l’hôpital (Ichilov, à Tel-Aviv)
à bord d’un hélicoptère de l’armée »,
a indiqué leur grand-cousin, Ido
Dan. Les trois Franco-Israéliens
appartenaient au groupe de 11 cap-
tifs libérés durant la quatrième
phase d’échange d’otages du
Hamas contre des prisonniers pa-
lestiniens. « Nous sommes tellement
heureux de leur retour à la mai-
son ! », réagissait à chaud, mardi
matin, la tante de Sahar et Erez,
Sharon Kalderon.
Cinq membres de la famille Kal-
deron ont été kidnappés par le Ha-
1
mas, le 7 octobre, dans le kibboutz
de Nir Oz, à quelques centaines de
mètres de la frontière avec Gaza.
Leur grand-mère, Carmela, 80 ans,
A
et leur cousine, Noya, 12 ans, qui
souffrait d’autisme, ont été retrou-
La cynique « opération
séduction » du Hamas
Depuis vendredi, le mouvement islamiste tente de faire oublier l’opprobre suscité
par les massacres du 7 octobre en mettant en scène la libération des otages.
TANGUY BERTHEMET £@tanguyber
CE N’EST qu’une séquence de quel-
ques secondes, mais elle symbolise
à elle seule les efforts de communi-
cation du Hamas. Largement diffu-
sée sur les réseaux sociaux par le
mouvement palestinien, elle mon-
tre deux otages, Sharon Avigdori et
sa fille Noam, capturées le 7 octo-
bre, qui montent dans les véhicules
de la Croix-Rouge internationale
au jour de la libération. Tout souri-
re, elles saluent de la main leurs
geôliers en un long au revoir. En
retour, ces derniers, l’arme à
l’épaule, font aussi de grands gestes
accompagnés d’un invraisemblable
« bon retour ».
Cette mise en scène, certes pas
bien fine, vise à faire du groupe
les autres. Celui-ci était allé plus
loin encore le vendredi 24 novem-
bre. Lors de la première vague de
libération, après 49 jours de déten-
tion, Danielle Aloni et sa fille de
vées mortes après plusieurs semai-
nes de captivité. L’incertitude rè-
gne toujours sur la situation de leur
père, Ofer, 53 ans. Eitan avait éga-
lement été enlevé au kibboutz de
Nir Oz par des terroristes à moto.
Sa mère et ses deux sœurs ont mi-
raculeusement réussi à s’échapper
pendant le transfert vers Gaza. Son
père, Ohad, 49 ans, est porté dis-
paru mais a probablement été em-
mené dans l’enclave palestinienne.
Guerre de communication
« Eitan a beaucoup souffert et a subi
des sévices », affirme sa grand-
mère, Jocelyne Goldapper, sans
entrer dans les détails. « L’impor-
tant, maintenant, c’est qu’il rede-
vienne un petit garçon comme les
autres. Nous verrons à quel point
l’enfer de Gaza a laissé des traces »,
ajoute-t-elle. Au nom de la famille
d’Eitan, elle remercie « tous ceux
qui ont prié pour lui et qui ne l’ont
pas abandonné à son sort ».
Lundi, dans la soirée, Emmanuel
Macron s’est dit « extrêmement
heureux » de la libération des trois
mineurs franco-israéliens. Mardi
matin, la ministre des Affaires
étrangères, Catherine Colonna, a
exprimé son « réel soulagement ».
« Nous partageons la joie des fa-
5 ans Emilia, enlevées au kibboutz
Nir Oz, ont laissé une longue lettre
en hébreu. Traduite et là encore
mise en ligne sur le compte Tele-
gram des Brigades al-Qassam, la
branche armée du Hamas, la mis-
sive destinée aux gardiens les re-
mercie longuement « pour l’huma-
nité montrée vis-à-vis de (sa) fille ».
« J’espère que dans ce monde nous
pourrons être de vrais bons amis »,
dit-elle pour terminer avant de
leur souhaiter « santé et amour
pour eux et leur famille ». On ignore
s’il faut voir dans ces formules une
manifestation d’un syndrome de
Stockholm ou un mot de remercie-
ments rédigés sous la pression. La
certitude est que le Hamas l’a utili-
sé pour tenter d’améliorer son
image, singulièrement ternie par le
massacre du 7 octobre. La tuerie,
filmée et largement diffusée en di-
rect, a provoqué un choc profond
en Occident et dans une partie de
la société arabe, ainsi que des com-
paraisons avec la brutalité de l’État
islamique.
milles », a-t-elle indiqué. Depuis le
siège du Forum des familles des
otages et disparus, à Tel-Aviv, le
grand-cousin de Sahar et Erez a
tenu à « remercier le président
« saSelon
(américain) Joe Biden pour son sou-
tien incroyable qui a permis de faire
de ce moment une réalité ». Il a éga-
lement rendu hommage « à Em-
manuel Macron et à l’ambassade de
France en Israël, qui ont été d’un
formidable soutien ».
Cinq jours après les premières
libérations, quelques éléments
filtrent de part et d’autre sur les
conditions de détention des otages
dans la bande de Gaza, alimentant
une guerre de la communication
entre Israël et le Hamas. Catherine
Colonna a assuré que les trois mi-
neurs français étaient en bonne
santé. La tante d’Eitan, Deborah
Cohen, a en revanche estimé
auprès de BFMTV que le jeune gar-
çon avait vécu « des horreurs, là-
bas ». Selon elle, son neveu aurait
été frappé par des civils dans l’en-
clave, et les terroristes du Hamas
l’auraient obligé à regarder les
exactions commises et filmées par
ses combattants. « Chaque fois
qu’un enfant pleurait, ils le mena-
çaient avec une arme pour qu’il se
taise », assure-t-elle.
Sans doute très conscient des
dégâts causés et de la nécessité d’y
remédier, Yahya Sinwar, le chef du
Hamas à Gaza, s’est lui-même im-
pliqué dans cette tentative de réha-
bilitation en s’employant à rassurer
les otages. Selon plusieurs médias
israéliens, le responsable terroriste
accompagné de son frère Moham-
med, lui-même haut responsable de
la branche armée du Hamas, aurait
rendu visite à plusieurs captifs, pris
dans le kibboutz de Nir Oz, peu
après le 7 octobre, dans les tunnels
creusés sous Gaza où ils étaient rete-
nus. Réputé froid et brutal, l’hom-
me se serait présenté, pratiquant un
Une vidéo produite excellent hébreu : « Bonjour, je suis
par le bureau médias
de la branche militaire
Yahya Sinwar. Vous êtes bien proté-
gés ici. Rien ne va vous arriver. »
du Hamas : Cette visite semble avoir donné le
des membres
de l’organisation
« la » au comportement de tous les
terroriste assistent
une otage israélienne,
juste avant sa remise
miliciens d’une organisation très
structurée et très au fait des techni-
ques de propagande. Sinwar, qui a
à la Croix-Rouge, passé plus de vingt ans dans les
dans la bande de Gaza, prisons israéliennes, connaît parfai-
le 27 novembre. tement les attentes de ce pays et,
Yahya Sinwar, le chef
du Hamas à Gaza,
connaît parfaitement
les attentes d’Israël
et de l’Occident.
La scénarisation
des remises d’otages,
dans le but de faire un
récit « positif » destiné
aux réseaux sociaux,
a été immédiate
au-delà, de l’Occident. Ainsi, la
scénarisation des remises d’otages,
pour faire un récit « positif » adapté
aux réseaux sociaux, a été immé-
diate. Dès le 23 octobre, Yocheved
Lifshitz et Nurit Cooper, 85 et
79 ans, avaient été filmées marchant
vers la liberté dans des robes mau-
ves au bras de grands terroristes en
uniformes noirs et cagoules, la tête
ceinte d’un bandeau vert. Yocheved
Lifshitz avait ensuite donné une
conférence de presse depuis son lit
d’hôpital. « Nous avons été bien trai-
tés », avait expliqué la vieille dame.
« Ils nous ont dit qu’ils croyaient au
Coran et qu’ils ne nous feraient pas de
mal. » « Ils nettoyaient les toilettes »,
a-t-elle même ajouté.
Pour protéger ceux qui restent
prisonniers et préserver la fragile
trêve entre Israël et le Hamas,
aucun des otages libérés depuis
vendredi n’a officiellement pris la
parole pour raconter sa captivité.
Mais quelques témoignages indi-
tante, Eitan, rects émergent ces derniers jours.
Libérée vendredi, Keren Munder a
12 ans, aurait ainsi raconté à son cousin que les
été frappé otages avaient essentiellement été
par des civils nourris de riz et de pain pita, selon
le Times of Israel. Auprès d’Associa-
dans l’enclave, ted Press (AP), le cousin évoque des
et ses geôliers repas irréguliers et indique que sa
du Hamas tante et sa cousine, kidnappées avec
lui, ont perdu chacune 7 kilos.
l’auraient « Quand ils avaient besoin d’aller aux
obligé toilettes, les otages devaient frapper
à regarder à la porte et parfois attendre une heu-
re et demie », précise-t-il.
les exactions Une petite fille de 12 ans a égale-
commises ment raconté à sa tante que les ter-
et filmées roristes lui intimaient l’ordre de
chuchoter. Si bien qu’elle a gardé
par les cette habitude en sortant. La plu-
terroristes part des témoins indirects s’accor-
dent pour dire que les otages
étaient détenus dans des caves ou
des tunnels. Certains ont dû se ré-
habituer à la lumière du jour une
fois libérés.
Chez les Kalderon, l’inquiétude a
rapidement repris le pas sur le sou-
Ce récit plein de louanges a sus-
cité de très vives critiques à Tel-
Aviv, notamment dans la presse.
Le chroniqueur Eddie Rothstein a
décrit dans Israel Hayom, un quo-
tidien proche de la droite, l’inter-
view comme une « victoire pour la
propagande pour le Hamas ». Selon
la chaîne publique Kan citant des
experts israéliens en relations pu-
bliques, la décision de faire appa-
raître Lifshitz, par ailleurs connue
pour ses positions pacifistes, de-
vant les caméras a été décrite com-
me une « gaffe ». La douzième
chaîne y a vu « un désastre ».
Depuis, aucun otage n’a plus
parlé aux médias. S’agit-il d’une
volonté d’éviter les polémiques et
d’enrayer la machine de propa-
gande du Hamas, ou, plus simple-
ment et plus probablement, d’une
compréhensible prudence alors
que plus de 170 personnes sont
toujours otages ? Mardi, des pro-
ches des captifs confiaient à la
presse israélienne que certains de
ceux-ci ont été l’objet de menaces
et de mauvais traitements.
Les efforts de communication et
de discipline du Hamas visent pro-
bablement surtout le monde arabe.
« L’humanité » montrée par les
images de libération, mises en
comparaison par les chaînes arabes
avec les immenses destructions et
les milliers de morts à Gaza, per-
met au Hamas d’espérer renverser
le sens de l’opprobre.
Le mouvement terroriste ne
manque d’ailleurs jamais l’occa-
sion de minimiser sa responsabilité
dans les tueries. Al-Quds News,
l’agence du Hamas, a ainsi abon-
damment repris un article de Haa-
retz. Le grand quotidien de gauche
a révélé fin octobre qu’un hélicop-
tère israélien avait survolé la Nova
rave, le 7 octobre, et ouvert le feu
dans le but de neutraliser les
assaillants, sans tirer de conclu-
sions claires. Peu avant, l’Autorité
palestinienne, s’appuyant sur le
même article, avait franchement
accusé l’armée d’être responsable
de la mort des 364 participants
abattus. Cette accusation avait
entraîné une féroce dénonciation
du premier ministre Benyamin
Netanyahou et du chef de l’oppo-
sition Yair Lapid. Le message a
été entendu. Mais dans une partie
du monde le doute a continué son
chemin. ■
lagement de la libération de Sahar
et Erez. Car leur père, Ofer, est tou-
jours détenu par le Hamas dans la
bande de Gaza. « Nous devons
maintenant aller de l’avant et récu-
pérer Ofer pour être à nouveau une
grande et heureuse famille », mar-
tèle Sharon Kalderon, la tante des
deux enfants. « Nous sommes em-
plis de bonheur pour le retour de
Sahar et Erez mais inquiet pour leur
père », ajoute Ido Dan, cousin du
détenu.
Des Français encore captifs
Outre Ofer Kalderon, quatre res-
sortissants français sont encore
captifs dans la bande de Gaza. Le
père d’Eitan, Ohad Yahalomi, âgé
de 49 ans, Eliya Toledano, 27 ans,
Orion Hernandez Radoux, un
Franco-Mexicain de 30 ans, père
d’un enfant de 3 ans, et Mia Schem,
21 ans.
Cette dernière répond aux critè-
res imposés par le Hamas, qui n’ac-
cepte de libérer que les femmes et
les enfants. Mais son nom n’était
pas sur la liste des 12 nouveaux ota-
ges qui ont été libérés mardi soir,
après une extension de la trêve. Mia
avait été kidnappée alors qu’elle
participait à la rave party dans le
désert du Néguev. ■
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO

4 L'ÉVÉNEMENT
À la faveur de la trêve, Israël Je suis

et le Hamas font de la politique

Benyamin Netanyahou veut renforcer la colonisation en Cisjordanie occupée, tandis que
les islamistes cherchent à capitaliser sur les libérations d’otages israéliens de Gaza.
GEORGES MALBRUNOT £@Malbrunot
MOYEN-ORIENT Alors que les chefs du
Mossad et de la CIA sont au Qatar dans
l’espoir de prolonger une nouvelle fois
la trêve, qui a permis en cinq jours la
libération d’une soixantaine d’otages
israéliens et de 150 détenus palesti-
niens, Benyamin Netanyahou et son
ennemi, le Hamas, déploient des efforts
pour renforcer leurs positions vis-à-vis
de leurs opinions.
Devant les membres de son parti, le
Likoud, qui lui demandera des comptes
une fois la guerre terminée, le premier
ministre israélien s’est targué d’être « le
seul capable d’empêcher l’établissement
d’un État palestinien à Gaza et dans
la Judée-Samarie (appellation biblique
de la Cisjordanie occupée par l’État
hébreu, NDLR) après la guerre ». Ben-
yamin Netanyahou répond à tous les
appels lancés par les dirigeants occi-
dentaux – y compris son plus proche al-
lié, Joe Biden – qui voient, au contraire,
dans la création d’un État palestinien la
seule façon de sortir de l’escalade de la
violence entre les deux camps. Et face à
une pression qui ne fera que monter au
fur et à mesure qu’on s’approchera de la
fin de l’opération militaire à Gaza, le
chef du gouvernement israélien ressort
la carte de la colonisation de la Cisjor-
cette colonisation. Quitte à s’attirer des
critiques. « Je suis stupéfait d’apprendre
qu’en pleine guerre le gouvernement is-
raélien veut dégager de nouveaux crédits
pour construire plus de colonies illéga-
les », a déclaré Josep Borrell, en charge
de la diplomatie au sein de l’Union
européenne. « Cela ne rendra pas Israël
plus sûr », a-t-il mis en garde lors d’une
conférence à Barcelone, en présence de
plusieurs chefs de diplomatie arabes.
Flambée de violence
Depuis l’attaque terroriste du Hamas en
Israël, le 7 octobre, plus de 230 Palesti-
niens ont été tués en Cisjordanie lors
d’affrontements avec des colons et l’ar-
mée israélienne. Cette flambée de vio-
lence a poussé Joe Biden à brandir la
menace d’interdire les colons extrémis-
tes d’entrée aux États-Unis. De la
même manière, le Quai d’Orsay a haus-
sé le ton en dénonçant la « politique de
terreur » des colons. « Les États-Unis et
la France, qui ont relancé la solution à
deux États, vont être jugés sur leur capa-
cité à dénoncer cette accentuation de la
colonisation, confie un diplomate fran-
çais. S’ils ne réagissent pas à ce que vient
d’annoncer le cabinet israélien, la crédi-
bilité de leur narratif sera gravement
mise en cause. »
De son côté, le Hamas cherche à
capitaliser sur les libérations de prison-
Research and Development, réalisé en-
tre fin octobre et début novembre,
avant, donc, ces libérations, trois
quarts des Palestiniens, aussi bien de
Cisjordanie que dans la bande de Gaza,
soutenaient « fermement » ou « modé-
rément » l’infiltration de commandos
du Hamas le 7 octobre en Israël. Une
adhésion vraisemblablement confortée
par les récentes libérations. Tel n’était
pas le cas avant l’attaque terroriste du
Des colons israéliens
surveillent un village
palestinien depuis
l’avant-poste illégal
d’Oz Zion,
près de Ramallah,
le 19 septembre.
stupéfait
d’apprendre
qu’en pleine guerre,
le gouvernement
israélien
veut dégager de
nouveaux crédits
Hamas. 67 % des Palestiniens de Gaza pour construire
n’avaient pas ou peu confiance dans le
pouvoir « corrompu » et « autoritaire »
plus de colonies
du Hamas, selon un autre sondage,
effectué de fin septembre jusqu’à la
illégales
JOSEPH BORRELL,
»
veille de l’attaque terroriste, le 6 octo- EN CHARGE DE LA DIPLOMATIE
bre, par une politologue de l’université AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE
de Princeton aux États-Unis, Amaney
Jamal. Un résultat qui bat en brèche
l’affirmation selon laquelle les habitants
de Gaza sont complices du Hamas. ■

KOBI WOLF POUR LE FIGARO

danie pour conjurer une telle perspecti-
ve. Le cabinet israélien a fait savoir qu’il
comptait débloquer de nouveaux fonds
pour la construction dans les colonies
israéliennes en Cisjordanie.
L’électorat de Netanyahou ainsi que
nombre de ses ministres poussent ar-
demment en faveur d’une poursuite de
niers palestiniens qu’il a négociées en
échange de l’élargissement d’otages
israéliens à Gaza. Chaque soir, tout à
leur joie, eux aussi, de retrouver une
fille ou une mère dans leur village, les
Palestiniens fêtent ces sorties de prison
en rendant, aussi, hommage au Hamas.
Selon un sondage de l’Arab World for

Le Sud-Liban profite aussi

de quelques jours de répit
MURIEL ROZELIER £@murielrozelier
SAÏDA
À L’ARRIVÉE à Saïda, sur la route où
s’agglutinent marchands de légumes et
de babioles « made in China », une
nouvelle pancarte routière a été instal-
lée. Prometteuse, elle indique « Jérusa-
lem, 199 km », comme si la Ville sainte
était au bout de la route.
En réalité, le trafic se fait davantage
en sens inverse : 55 000 Libanais ont fui
le sud du Liban depuis le début de la
guerre de Gaza, le 7 octobre, et l’ouver-
ture par le Hezbollah d’un front secon-
daire sur la ligne de démarcation qui
sépare le Liban d’Israël. « Les villages de
la bande frontalière sont quasi vides »,
témoigne Hussein Ayoub, rédacteur en
chef du site d’information 180, origi-
naire du village frontalier d’Aïnata, où
des membres de sa famille ont été tués
lors d’un tir d’obus israélien sur un
véhicule civil.
Avant la trêve entre le Hamas et Is-
raël, les affrontements étaient quoti-
diens à la frontière libanaise, au point
de faire craindre que le pays tout entier
ne bascule. « Le Liban est au bord de la
guerre », a prévenu Jean-Yves Le Drian
- envoyé spécial du président français,
Emmanuel Macron -, attendu à Bey-
routh mardi soir, après le ministre des
Affaires étrangères iranien la semaine
passée, pour tenter de calmer le jeu.
Si les conditions d’un cessez-le-feu du-
rable ne sont pas vite trouvées, les frap-
pes devraient reprendre avec davanta-
ge encore d’intensité et d’ampleur.
« L’évolution de la situation est directe-
ment liée au comportement de l’ennemi
israélien. La persistance de ses attaques
contre le Liban signifie qu’il est déter-
miné à pousser les choses vers une esca-
lade », explique Inaya Ezzeddine, une
députée Amal, un parti chiite engagé
avec le Hezbollah dans les combats
frontaliers.
Une quinzaine de civils ont péri ainsi
que 85 combattants de la milice chiite et
de ses alliés palestiniens. Parmi eux,
d’importants cadres de l’unité d’élite
Radwan, dont l’un des fils du député du
Hezbollah, Mohammed Raad.
La plupart des déplacés ont trouvé
asile chez des proches, à Saïda, à Naba-
tiyé ou en banlieue sud. « Au début,
dans mon village de Khiam, les bombar-
dements touchaient la plaine autour.
Maintenant, ce sont les premières mai-
sons », témoigne Batoul, dans l’appar-
tement familial de Saïda. Ses deux frè- Un Libanais inspecte les dégâts causés à sa maison du village de Mheibib,
res se sont réfugiés chez elle aux dans le sud du Liban, après une frappe israélienne, le 24 novembre. AFP
premiers tirs. « La guerre de 2006 nous
a servi de leçon », disent-ils en référen- siles de moyenne portée pour toucher pays sans président depuis plus d’un Sa sœur l’y a rejoint. Des voisines,
ce au conflit de trente-quatre jours en- des cibles à l’arrière du front. an, laminé de surcroît par une terrible déplacées comme elles, viennent aussi
tre le Hezbollah et l’État hébreu. Quel- Le Hezbollah et Israël, de même que crise économique, lui ferait perdre une y passer une nuit, pour échapper à la
que 1 200 Libanais y avaient trouvé la leur parrain - l’Iran pour le premier, partie de son soutien populaire. « Les promiscuité du complexe scolaire dans
mort et Khiam avait été bombardée. les États-Unis pour le second - répè- autres communautés sont contre son en- laquelle elles vivent depuis presque
« Le dernier soir avant la trêve, les tirs tent pourtant ne pas vouloir d’un gagement », ajoute-t-il. Même au sein cinquante jours. Le Conseil du Sud, une
étaient d’une telle intensité qu’on les en- conflit généralisé. « Personne ne le sou- de la communauté chiite, le désir d’en institution proche de Nabih Berri, a of-
tendait de mon village à 60 km de la haite même si les deux camps sont pré- découdre reste majoritairement limité ficiellement débloqué 200 milliards de
frontière », relate Ibrahim, qui fait des parés. Au Liban, en tout cas, on ne cher- au cercle des militants et des partisans livres libanaises (un peu plus de 2 mil-
allers et retours entre Saïda, où il a ra- che pas de prétexte ; il faudrait une du Parti de Dieu. lions de dollars) pour les aider, mais les
patrié sa famille, et sa bourgade d’origi- “vraie” raison », apprécie le général conditions d’hébergement restent ex-
ne, au sud, où son travail le retient. Les Jamil Sayyed, ancien directeur de la « Tout est vide » trêmement précaires. « Nous n’avons
avions de chasse ou les hélicoptères is- Sûreté générale et actuel député indé- À Tyr, dernière grande ville de la façade pas de prise sur ce qui se passe. Tout dé-
raéliens pénètrent maintenant en pro- pendant proche du Hezbollah. Le Hez- maritime avant la frontière, la popula- pend du président américain, du guide
fondeur dans le territoire libanais, tan- bollah a rappelé à maintes reprises ses tion locale, de même que les 4 000 dé- suprême iranien, de Hassan Nasrallah ou
dis que le Parti de Dieu déploie de plus principales lignes rouges : un dérapage placés accueillis dans des écoles trans- de Benyamin Netanyahou… Combien de
en plus des drones d’attaque et des mis- majeur au Liban ou un risque existen- formées en centres d’hébergement temps allons-nous subir cela ? », témoi-
tiel pour le Hamas à Gaza. « La capacité d’urgence, sont conscients du danger. gne-t-elle, en allumant une nouvelle
de dissuasion du Hezbollah s’apprécie « Tout est vide », s’attriste l’homme cigarette.
maintenant régionalement. C’est nou- d’affaires Philippe Tabet, qui a fermé Profitant de la trêve, les deux sœurs
veau. Cela a permis de maintenir le ses trois hôtels. sont remontées dans leur village de

7 H -9 H
conflit à un niveau d’intensité accepta- À la place des habituels touristes, ce Dhaïra. « Quelques heures, le temps de
ble. Le problème, c’est que cela rend sont des dizaines de déplacés qui errent récupérer des affaires pour l’hiver, des

EUROPE 1 MATIN aussi l’erreur d’interprétation plus pro-

bable : les règles d’engagement sont
Dimitri Pavlenko moins connues, moins lisibles », assure
le rédacteur en chef du site 180, Hus-
Retrouvez l’Edito politique à 7h53 avec Alexis Brézet sein Ayoub.
A
dans la vieille ville. Comme Rosa (son
prénom a été changé à sa demande),
qui, après plusieurs semaines à dormir
par terre dans une salle de cours, a loué
une chambre de 10 m2 pour un mois.
vivres - à la ville, tout est trop cher - et de
vérifier que tout n’était pas perdu », dit la
cadette. Le spectacle des maisons détrui-
tes, des voitures calcinées et des dizaines
d’hectares d’oliviers brûlés leur a soule-

et Vincent Trémolet de Villers du Figaro Le parti chiite est d’autant plus hési- Deux cents dollars payés, dit-elle, « par vé le cœur. « J’en pleure. Je veux juste la
tant qu’une nouvelle guerre dans un des âmes charitables ». paix. Faites que cette trêve dure. » ■
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
6 INTERNATIONAL
À la frontière
hongroise,
cette clôture
qui n’arrête pas
les migrants
La barrière qui sépare la Serbie de l’espace
Schengen européen est continuellement
traversée par des groupes de personnes
guidées par des réseaux de passeurs.
ALBERT KORNÉL
ENVOYÉ SPÉCIAL À ASOTTHALOM
EUROPE CENTRALE La nuit est fraîche
et superbement étoilée. C’est l’époque
de la migration, et un vol de grues cen-
drées passe dans le ciel à basse altitude
en craquetant. Sur la terre ferme et sa-
bleuse de la Batchka, région historique
du royaume de Hongrie aujourd’hui à
cheval entre la Hongrie et la Serbie.
Sandor (Alexandre) passe le faisceau de
sa lampe torche Mag-Lite sur les deux
rangées de clôture grillagée surmontées
de fils barbelés garnis de lames de ra-
soir, et sur un mirador érigé entre elles.
Construit à partir de l’été 2015 pour
barrer la « route des Balkans », l’obsta-
cle s’étend sur les 175 kilomètres de
frontière entre la Hongrie et la Serbie,
qui est aussi la frontière externe de
l’espace Schengen.
Patrouillant au volant de son pick-up
Ford, son fusil à pompe semi-automa-
tique de calibre 12 sur la banquette ar-
rière, l’essentiel de sa mission de garde
champêtre consiste à surveiller l’activi-
té migratoire et tâcher d’atténuer les
dommages faits aux bois et aux cultu-
res. « J’aime ma patrie et je veux proté-
ger ma famille et ma communauté », ex-
plique Sandor. Mais s’il prend le temps
d’emmener en patrouille des journalis-
tes, c’est pour « montrer la vérité »
contre « la propagande du gouverne-
ment qui dit que la barrière est efficace ».
« Encore un trou, là ! J’ai arrêté de
compter tellement il y en a, dans cette
clôture. Et là-bas, regardez, les barbelés
ont été arrachés. » Dans le halo de lu-
mière apparaissent des soudures faites à
la va-vite pour colmater une brèche,
A
probablement ouverte par les pinces à
couper des passeurs. Parfois, les clan-
destins utilisent des échelles. « Mais
tout le monde s’en fout », lâche Sandor,
désabusé. Comble de son impuissance,
des passeurs sont venus une nuit jusque
sur son propre terrain pour charger les
migrants qui venaient de réussir le
franchissement.
Lors de la crise migratoire de 2015,
plus de 400 000 migrants avaient tra-
versé la Hongrie, avant que sa première
clôture, verrouillée le 15 septembre, ne
dévie le flux vers l’ouest, la Croatie et la
Slovénie. Quelques jours plus tôt, plu-
sieurs des terroristes qui ont frappé
Paris le 13 novembre 2015 s’étaient in-
filtrés par cette voie clandestine dans
l’espace Schengen, fondus dans le flux
de migrants. « Il y en aura d’autres »,
réagit froidement Sandor. Le flux n’a
jamais complètement cessé et a repris
de plus belle après l’épidémie de Covid
il y a deux ans, très loin d’atteindre
toutefois les niveaux de 2015.
Le long de la barrière, trois policiers
viennent de prendre leur tour de garde
de douze heures. « C’est calme ce soir,
mais vous pouvez être sûr que ça va arri-
ver plus tard dans la nuit », dit l’un
d’eux. Il est arrivé aux policiers et
gardes-frontières de repousser jusqu’à
1 500 personnes par nuit au cours de
l’automne, affirme le gouvernement.
Mais ce mois de novembre, ils profitent
d’une courte accalmie, car l’armée ser-
be a chassé la plupart des exilés de l’es-
pace frontalier, sous la pression des
autorités de Budapest.
La barrière hongroise ne dissuade pas
les milliers de migrants stationnés dans
les Balkans, qui s’y reprennent parfois
plus de dix fois, après avoir été inter-
200 km
POLOGNE
SLOVAQUIE
UKR.
V

Budapest
HON G R I E
Asotthalom

Szeged
CROATIE

go ROUMANIE
Belgrade
BOSNIE-HERZ.
y    S ER B I E
  
 t   t 
   S !g
Infographie
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KOSOVO
f   #
pellés puis renvoyés manu militari en
Serbie par les policiers hongrois. Mais
elle fait les – très juteuses - affaires des
trafiquants d’êtres humains. Les véhi-
cules abandonnés dans l’espace fronta-
lier le long des routes et des sentiers fo-
restiers par les passeurs coincés par la
police se comptent en dizaines. Le
27 octobre, une fusillade entre gangs ri-
Frontex à la peine face à une immigration
JEAN-MARC LECLERC jmleclerc@lefigaro.fr
PAS MOINS de 331 600 passages irrégu-
liers constatés aux frontières extérieures
de l’Union, entre le 1er janvier et le 31 oc-
tobre 2023. C’est davantage, en dix mois,
que durant toute l’année 2022, qui s’était
soldée par 330 000 passages. Les derniers
chiffres diffusés par Frontex sont particu-
lièrement éclairants. Rappelons que cette
agence européenne de surveillance des
frontières ne recense que les franchisse-
ments portés à sa connaissance.
Parallèlement, Frontex annonce
28 881 illégaux rentrés dans leur pays, en
neuf mois, grâce aux moyens qu’elle met
à disposition des États membres, comme
des vols groupés. Guère plus de 3 200 re-
tours Frontex par mois en moyenne pour
l’ensemble des pays de l’UE. À rapporter à
la moyenne des 33 000 passages mensuels
comptabilisés. Cela correspond à une ex-
pulsion pour dix passages illégaux, com-
me en France, finalement. Faillite géné-
rale de la politique d’éloignement.
Pendant ce temps, Frontex n’en finit
pas de régler ses comptes au sommet. En
fin de semaine dernière, lors d’un conseil
d’administration à son siège de Varsovie,
elle cherchait encore un moyen de sanc-
tionner son ancien directeur exécutif, le
Français Fabrice Leggeri. Ce haut fonc-
tionnaire avait claqué la porte au prin-
temps 2022 pour protester contre les en-
traves à son action. Lui qui rêvait de
transformer Frontex en une véritable
agence opérationnelle de contrôle des
frontières. Aucune preuve n’ayant été
rapportée, après une première enquête de
l’Office européen de lutte antifraude
(Olaf) sur le fait qu’il aurait couvert des
refoulements d’illégaux par la Grèce en
2019, comme l’affirmaient certaines
vaux de passeurs a fait trois morts à
Horgos, côté serbe.
Quinze kilomètres à l’intérieur du
territoire hongrois, sur la commune de
Ruzsa, deux gardes champêtres, Ferenc
et Csaba, indiquent une camionnette
abandonnée dans laquelle ils ont re-
trouvé 36 personnes, proches de l’as-
phyxie, dont plusieurs enfants et un
nourrisson de deux mois. Le plus dur,
se remémore Ferenc, c’est le jour où il a
retrouvé le cadavre d’un jeune homme
dans les bois. Non identifié, il a été en-
terré dans le cimetière communal. Les
deux hommes se dirigent ensuite vers
une vieille bâtisse, perdue au milieu des
bois, où se retrouvent ceux qui vien-
nent de réussir le passage clandestin et
les passeurs qui les attendent pour les
véhiculer en direction de l’Autriche
puis l’Allemagne. « Quand le business
n’était pas trop rôdé, ils pouvaient atten-
dre ici plusieurs jours, mais maintenant,
quelques heures suffisent », dit Ferenc.
Les abords sont jonchés des affaires
laissées derrière eux par les candidats à
l’Europe : chaussures, vêtements et sacs
de couchage. Les couches pour bébé et
un cahier de dessin confirment que,
contrairement aux dernières années, ce
ne sont plus exclusivement des jeunes
hommes, mais beaucoup de familles qui
passent par ici. Kurdes, syriennes,
irakiennes… Parmi les feuilles de papier,
on distingue la carte délivrée par les
autorités serbes à un homme qui a
vraisemblablement déclaré un faux nom
et une fausse date de naissance : Zad
Sadzag, né en Syrie le 1er janvier 2004.
Plus de 331 000 passages
irréguliers en 2023
NOMBRE DE MIGRANTS ILLÉGAUX INTERCEPTÉS
AUX FRONTIÈRES DE L'UNION EUROPÉENNE
UNION
XX Total de janvier
à octobre 2023 EUROPÉENNE
X%
Variation
2022/2023
Méditerranée
occidentale
-8%
12 232
Afrique
27 730 de l'Ouest
+ 95 %
Îles Canaries (Espagne)
ONG, l’ex-numéro un de Frontex se voit
maintenant contraint de répondre à
d’autres allégations, cette fois concernant
des cas de harcèlement contre d’anciens
collaborateurs.
Un second rapport de l’Olaf a été pro-
duit, dont il conteste les éléments à char-
ge. Les enquêteurs ont prélevé des mil-
liers de messages dans son téléphone, son
ordinateur, et ceux de cadres de l’agence
avec lesquels il travaillait. Revenu au mi-
nistère de l’Intérieur, Fabrice Leggeri tra-
vaille aujourd’hui plus au calme, comme
administrateur civil de l’État. Et il se dé-
fend bec et ongles, comme il le fit l’an
dernier, en disant sa vérité dans un cour-
rier du 28 avril 2022 que Le Figaro avait pu
se procurer. Il écrivait alors : « Tout au
long de ces deux dernières années, je peux
constater que, discrètement mais efficace-
Le long de la frontière, circulent régu-
lièrement des 4 × 4 de la police sur le che-
min bitumé entre les deux clôtures. Dans
la lunette de vision nocturne, le disposi-
tif défensif ressemble à une inquiétante
vague de métal qui déferle. Rénata Papp,
maire de la bourgade d’Asotthalom,
principale voie d’entrée en Hongrie, juge
pourtant que le gouvernement de Viktor
Orban, qui n’a pourtant pas la réputation
d’être laxiste en la matière, n’en fait pas
assez. L’élue pointe l’échec du program-
me de recrutement de « chasseurs fron-
“paysLa deHongrie n’est qu’un
transit. L’Europe
nous confère le rôle
d’empêcher les clandestins
d’entrer dans l’UE, mais
dans le même temps, les
systèmes sociaux des pays
”
de l’Ouest les attirent
RÉNATA RAPP, MAIRE DE LA VILLE HONGROISE
D’ASOTTHALOM
taliers », qui ne seraient que 1 200 à être
opérationnels contre 4 000 attendus. De
plus, selon elle, la libération de centaines
de passeurs étrangers au printemps
dernier, censés quitter le pays sous trois
jours en échange de l’amnistie, a dopé le
business.
« La Hongrie n’est qu’un pays de
transit. L’Europe nous confère le rôle
d’empêcher les clandestins d’entrer dans
l’Union européenne, mais dans le même
Europe orientale
4 970
-8%
Route
des Balkans
97 300
- 22 %
Méditerranée
45 122
centrale
143 613 + 24 %
+ 68 %
Méditerranée
orientale
Source : Frontex
Infographie
ment, un récit envahit notre environne-
ment. Ce récit raconte que le mandat prin-
cipal de Frontex devrait être transformé en
pratique en une sorte d’organe des droits
fondamentaux contrôlant ce que les États
membres font à leurs frontières extérieu-
res ». Or, selon lui, « ce n’était pas la feuille
de route initiale ».
Formation des agents
Nommé le 1er mars dernier, son suc-
cesseur, le Néerlandais Hans Leijtens, a
aussitôt déclaré, pour sa part, que
l’agence devait améliorer la formation de
ses agents au respect des « droits fonda-
mentaux des migrants ». La dure réalité
migratoire s’est pourtant rappelée à lui
avec le débarquement, en quelques jours,
de 10 000 illégaux à Lampedusa, en
provenance de Tunisie, entre le 11 et le

XINHUA/ABACA
Des
Des policiers
policiers hongrois
hongrois patrouillent
patrouillent
le
le long
long de
de la
la frontière
frontière avec
avec la
la Serbie,
Serbie,
àà Tompa,
Tompa, le le 15
15 décembre
décembre 2022.
2022.
temps, les systèmes sociaux des pays de
l’Ouest les attirent », juge la maire. Elle
a été élue grâce à l’appui de son prédé-
cesseur, Laszlo Toroczkai, la figure de
proue de l’extrême droite hongroise
depuis une bonne quinzaine d’années.
Ce dernier peut se targuer d’avoir été le
premier à briser le tabou de la
construction d’une barrière physique le
long de la frontière, lorsque la route
clandestine avait été ouverte par les
Albanais et les Kosovars, dès 2014.
Rénata Papp réclame le retour de
l’armée dans l’espace frontalier, démo-
bilisée à la fin de l’année dernière, et
des moyens juridiques encore renforcés
pour décourager les migrants. Le 11 no-
vembre, 200 personnes ont manifesté
pour cela à Asotthalom, à l’appel du
parti d’extrême droite Mi Hazank
(« Notre patrie »). Gunnar Lindemann,
du parti d’extrême droite Alternative
pour l’Allemagne (AfD), a prononcé un
discours espérant le rassemblement des
forces en vue des élections européennes
l’an prochain. « La clôture ne fait que
ralentir et retarder les vagues de mi-
grants », dit la maire, consciente de
l’efficacité relative du dispositif, « mais
grâce à elle, nous ne nous retrouverons
pas dans la situation de l’Europe de
l’Ouest, avec ses “no go zones”. »
Le 27 novembre, les ministres de
l’Intérieur du groupe de Visegrad
(Hongrie, Pologne, Slovaquie, Répu-
blique tchèque), de l’Autriche et de
l’Allemagne se sont réunis tout près de
là, au pied de ces clôtures qui ne
peuvent arrêter les migrants. ■
record
18 septembre derniers. Plus récemment,
un coup de pression à la frontière fin-
landaise l’a contraint à dépêcher en ur-
gence 50 agents sur place. Déjà
143 613 migrants (+ 68 %), de janvier à
octobre, ont emprunté la route de la
Méditerranée centrale. Majoritairement
des Guinéens, des Ivoiriens et des
Tunisiens. Un record depuis 2016. Dans le
même temps, la route de l’Afrique de
l’Ouest a connu sa plus forte augmen-
tation des passages d’irréguliers, au nom-
bre de 27 730 en dix mois (+ 95 %). Ceux-là
sont principalement marocains,
sénégalais et guinéens. La route des
Balkans connaît, de son côté, une
« embellie », avec 97 300 passages tout de
même (- 22 %).
Frontex est censé monter en puissance
pour atteindre un corps permanent de
10 000 agents en 2027. Pour l’heure, ils
sont environ 7 500, dont 1 500 gardes-
frontières permanents, recrutés par
l’agence. Le reste (dont environ 700 Fran-
çais) est composé de personnels mis à la
disposition par les États membres pour des
contrats de quelques mois à deux ans
renouvelables, ou pour des missions
ponctuelles de « réaction rapide ». Le
budget annuel de Frontex dépasse le
milliard d’euros, et la France prend sa part
(11 % à 12 %). Mais, un cadre au siège de
l’agence à Varsovie le dit : « Le ministère de
l’Intérieur à Paris a de plus en plus de mal à
réunir des candidatures pour ces missions,
où l’agent est davantage un observateur,
garant des droits des illégaux, qu’un garde
chargé de protéger la frontière ».
Frontex, la « super-agence », est-elle
un train de devenir une super-ONG ? La
question se pose dans les rangs policiers
au sein de l’institution. En démissionnant,
Fabrice Leggeri a manifestement pointé
du doigt une situation qui persiste. ■
LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023
INTERNATIONAL 7
Le milliardaire Ousmanov tente de prendre
ses distances avec la Russie de Poutine
Frappé par les sanctions leurs parts, 48 %, au fonds UCP (United
Capital Partners), ce qui va permettre
occidentales, le magnat l’entrée d’Ousmanov dans notre capital.
Selon nos informations et notre lecture de
des télécoms est revenu l’enchaînement des faits, il était évident
qu’Ousmanov et UCP avaient été encou-
dans son pays natal, ragés à manœuvrer en ce sens par le
l’Ouzbékistan. Kremlin, lequel voulait que des acteurs
coopératifs, non hostiles, dirigent ce
réseau social devenu si important »,
confie un proche collaborateur de Pavel
RÉGIS GENTÉ £@regisgenté Dourov.
TACHKENT
On retrouve aussi le capital
d’Ousmanov dans des entreprises des
NE SURTOUT PAS dire d’Alicher plus sensibles, avant qu’il ne s’en retire
Ousmanov qu’il est un « oligarque rus- après février 2022. IKS Holding ou
se ». Depuis l’an passé, le magnat des Citadel ont créé et développé des tech-
métaux et des télécoms, qui pèse encore nologies de surveillance, utilisées
13,5 milliards d’euros selon Forbes, se essentiellement par les organes de
Alicher Ousmanov (ici, en novembre 2018, avec Vladimir Poutine) possède une fortune
dit retraité sur sa terre natale de estimée à 13,5 milliards d’euros, selon Forbes. SPUTNIK/REUTERS sécurité russes, comme le système
l’Ouzbékistan. « Son retrait progressif Sorm, notamment lorsqu’il a fallu met-
des affaires et de la Russie n’a rien à voir L’entourage d’Ousmanov préfère de Mark Zuckerberg. En 2013, il a tre en œuvre les deux lois « Iarovaïa »,
avec les sanctions. Il a commencé à se dé- insister sur les talents de visionnaire de revendu ses parts pour 528 millions de adoptées en 2016. Ces textes amendent
sengager de ses affaires dès 2006 et à re- l’homme d’affaires. Des premiers mil- dollars. Il a aussi mis de l’argent un l’arsenal « antiterroriste » russe et ins-
venir régulièrement dans son pays natal à lions accumulés avec la production de temps dans Twitter, Airbnb ou Uber. taurent au passage de nouvelles exigen-
partir de 2017 », assure, en ne voulant sacs plastiques, denrée rare à la fin de C’est dans les technologies de l’infor- ces en matière de collecte de données et
pas être nommé, un de ses communi- l’URSS, aux investissements dans la mation et les télécoms qu’Ousmanov de décryptage des télécommunications.
cants, venu spécialement d’un pays du métallurgie, son entreprise, Metalloin- apparaît le plus proche du Kremlin. « Comme actionnaire de ces sociétés,
Moyen-Orient à Tachkent. vest, est pionnière en Russie pour l’usa- « Après les manifestations qui ont suivi Ousmanov a été a minima le financier de
Alicher Ousmanov réside dans la ge de technologies moins polluantes, et les législatives de décembre 2011, le pou- ces instruments devant permettre aux
capitale de l’Ouzbékistan, à cause des est présente dans le secteur des techno- voir a resserré son contrôle sur internet. autorités du pays d’espionner les com-
sanctions que lui a imposées l’Europe, logies de l’information (IT) et celui des Il a mis la pression sur Pavel Dourov, qui munications de tout un chacun. Ce qui il-
où il ne peut plus en conséquence se télécoms. Il a même investi 200 mil- avait créé le Facebook russe VKontakte, lustre à quel point il est étroitement lié au
faire soigner. Selon son communicant, lions de dollars en 2009 dans Facebook, très utilisé par l’opposant Navalny et ses pouvoir russe », assure Pavel Louzine,
le milliardaire « n’a jamais eu de liens allant jusqu’à contrôler, avec ses parte- partisans. Dans ce contexte, en avril spécialiste de la défense et de la
avec le Kremlin », il est « très religieux naires, autour de 8 % du réseau social 2013, deux de nos actionnaires ont cédé politique étrangère russes. ■
et ne se consacre plus qu’à sa famille et à
la philanthropie ». Il aurait dépensé plus
de 6 milliards d’euros en œuvres
caritatives. Et bien qu’il n’ait jamais
condamné l’invasion de l’Ukraine en
février 2022, il considère « injustes les
sanctions que lui ont imposées les
Occidentaux ». Veillant sur sa réputa-
tion, Ousmanov, 70 ans, a obtenu fin
août un verdict en sa faveur d’un tribu-
nal de Hambourg, estimant que le jour-
nal autrichien Kurier n’avait pu justifier
l’emploi, pour le qualifier, de l’expres-
sion « oligarque préféré » de Poutine,
laquelle pourtant figure dans le texte
des sanctions de l’UE du 28 février
2022. Alicher Ousmanov fait partie de
ceux qui contestent les sanctions de-
vant les tribunaux, parfois avec succès.
« Ce n’est pas pour l’argent qu’il le fait,
mais en raison du sentiment d’injustice
qu’il a, étant ciblé et qualifié d’oligarque
favori de Poutine », insiste son équipe.
Ancien dirigeant de Gazprom
Pourtant, depuis deux décennies, il va de
soi pour le Tout-Moscou qu’Ousmanov
est un homme d’affaires très lié au
Kremlin. Ainsi, avant l’annexion de la
Crimée et le déclenchement de la guerre
dans l’est de l’Ukraine (et donc avant
que les sanctions ne pleuvent sur l’esta-
blishment russe), le célèbre rapport
bisannuel du cabinet de conseil politique
Minchenko, proche du pouvoir, faisait
figurer Alicher Ousmanov parmi les
candidats susceptibles de devenir mem-
bre de son « Politburo 2.0 », le cœur des
organes décisionnels actuels, un peu à
l’image du Politburo du Parti commu-
niste de l’époque soviétique. À l’époque,
Minchenko considérait Ousmanov com-
me proche du président sortant, Dmitri
Medvedev, alors réputé libéral, mais qui
est devenu un faucon parmi les faucons
depuis février 2022. « À vrai dire Ousma-
nov n’est pas un oligarque, parce qu’il n’y
a plus d’oligarques en Russie depuis vingt
ans, depuis que Poutine les a mis au pas
avec l’affaire Khodorkovski. Depuis, les
plus gros hommes d’affaires russes ne
peuvent prospérer qu’en rendant des ser-
vices au Kremlin. C’est ce qui a fait dire à
l’homme d’affaires Oleg Deripaska, dans
le Financial Times en 2007, qu’il n’y a pas
d’autres intérêts que ceux de l’État », ex-
plique un consultant politique évoluant
dans les sphères du pouvoir russe.
L’équipe du milliardaire ouzbéko-
russe souligne à l’envi qu’Ousmanov
n’est qu’un homme d’affaires qui ne
s’est jamais mêlé de politique. Qu’il
s’est fait tout seul et a refusé de prendre
part aux privatisations d’après 1996
(moment fondateur de l’oligarchie rus-
se). Qu’il a aussi acquis le quotidien
économique Kommersant, qui demeure
indépendant. Mais les mêmes passent
sous silence qu’Ousmanov a dirigé de
2000 à 2014 Gazprom Investholding. Or
il s’agit d’une filiale du géant gazier
public russe Gazprom, lequel « est au
cœur même du pouvoir russe, au point
que Poutine gère personnellement la
stratégie de ce groupe, jusqu’à la nomi-
A
nation de ses cadres », relève un expert
de l’énergie russe.
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
8 POLITIQUE
Le gouvernement
d’Élisabeth
Borne retient
son souffle
Sans attendre qu’Éric Dupond-Moretti,
ce mercredi, et Olivier Dussopt soient fixés
sur leur sort judiciaire, le camp Macron
s’interroge sur un éventuel remaniement.
LORIS BOICHOT £@lboichot,
LOUIS HAUSALTER £@LouisHausalter
ET TRISTAN QUINAULT-MAUPOIL
£@TristanQM
EXÉCUTIF Jusqu’à la veille de la décision
de la Cour de justice de la République,
Éric Dupond-Moretti a décidé d’électri-
ser l’Assemblée nationale. Mardi, lors
des questions au gouvernement, il a pro-
voqué la colère des députés du Rassem-
blement national (RN), qui ont quitté
l’Hémicycle. « Vous préférez en réalité
opposer la France rurale et tranquille, ca-
tholique et blanche, à la France des cités,
la France des Mohamed, des Mouloud et
des Rachid », a répliqué le ministre de la
Justice à la lepéniste Michèle Martinez,
qui l’accusait de laisser « la barbarie se
déchaîner dans notre pays » à la suite du
drame de Crépol (Drôme). Avant que
Marine Le Pen ne dénonce une « réponse
ordurière » et promette de déposer
plainte, Élisabeth Borne a assisté à la
scène en souriant. Amusée.
Son ministre de la Justice retient
pourtant son souffle. Il doit être fixé sur
son sort ce mercredi, à 15 heures, par la
décision dans son procès pour « prise il-
légale d’intérêts ». Emmanuel Macron et
Élisabeth Borne sauront alors s’ils doi-
CONTRE-POINT
PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard
Le retour des rumeurs de remaniement,
signe de l’humeur grognonne des grognards
L
a saison a changé mais
la petite musique est la même.
En cette fin de novembre
comme ce fut déjà le cas
en juin, la macronie s’abandonne
aux délices empoisonnés des rumeurs
de remaniement. Au-delà d’un
éventuel ajustement que les juges
imposeraient à l’exécutif (Dupond-
Moretti, Dussopt), la question du
maintien d’Élisabeth Borne est posée.
Bien entendu, son sort ne dépend
que d’une seule et unique personne :
le président de la République ;
mais cela n’empêche pas ministres,
parlementaires et conseillers
d’épancher leur envie d’un sursaut
d’un quinquennat qui n’en est
pourtant qu’à sa deuxième année. Et
sans doute pour nombre de grognards
devenus grognons est-il plus facile
de plaider pour un changement
de numéro deux plutôt
que de sommer le numéro un
de se changer lui-même.
Après tout, Emmanuel Macron
n’avait-il pas parlé lui-même d’une
« respiration » à mi-mandat allant
jusqu’à suggérer dans sa campagne
de découpler la présidentielle
et les législatives. Ainsi, faire de 2024
une année de césure ? Pourquoi pas
mais quand ? Faut-il donner une
nouvelle donne politique dès le début
de l’année afin d’avoir le temps
d’un élan suffisant en vue des élections
européennes ou au contraire laisser
passer ce scrutin à haut risque pour
lequel la majorité part avec quelque
dix points de retard sur le RN ?
La rupture doit-elle intervenir après
la séquence estivale marquée par les
commémorations du Débarquement
et de la Libération de Paris, et surtout
les JO de Paris ? Ou faire coïncider le
A
lancement d’une « Nouvelle France »
- slogan à ce jour envisagé -
vent se mettre à la recherche d’un suc-
cesseur à ce ministre très identifié par les
Français. Comme l’a déjà fait la première
ministre, on rappelle à Matignon le prin-
cipe général qui s’applique en cas de
condamnation : la démission.
La précision ne vaut pas seulement
pour le garde des Sceaux. Le ministre du
Travail, Olivier Dussopt, se débat depuis
lundi avec le tribunal correctionnel de
Paris qui le juge pour une affaire de fa-
voritisme. La date du délibéré n’est pas
encore connue. Emmanuel Macron, qui
exècre se livrer à des arbitrages sous
pression, devra-t-il remanier son gou-
vernement sous le poids des décisions
de justice ?
À l’Élysée, la tonalité n’est pas la
même qu’à Matignon : l’entourage pré-
sidentiel se refuse à tout commentaire
« avant le délibéré » du procès Dupond-
Moretti. Et quelques ministres imaginent
même le président tenté de faire fi des
décisions de justice à venir. S’il le fallait,
on imagine tout au plus un remaniement
minimal, poste pour poste.
En la matière, le chef de l’État sait
prendre son temps. Il lui avait fallu
13 jours, en 2018, pour nommer Christo-
phe Castaner en remplacement de Gé-
rard Collomb au ministère de l’Intérieur.
Le « big
bang »
espéré est
donc moins
une affaire
de personne
- et c’est ce
qui pourrait
sauver une
nouvelle fois
Élisabeth
Borne - que
»
de projet
avec la réouverture de Notre-Dame,
le 8 décembre 2024,
pour laquelle le chef de l’État rêve
de la présence du pape François ?
Plus politiquement, faut-il changer
l’équipe aussitôt la série des
49.3 budgétaires passés ou attendre
les budgets de l’année prochaine,
qui, eux aussi, auront besoin du 49.3 ?
Comme à chaque fois, les mêmes
noms circulent pour remplacer
Élisabeth Borne. Arriver à faire voter
sa loi immigration sans 49.3 serait
une incontestable victoire politique
pour Gérald Darmanin, qui avait raté
Matignon l’été dernier. La sortie
récente de Bruno Le Maire devant
les maires sur la nécessité de relancer
les réformes et d’être plus audacieux
sur le régalien a été remarquée
d’autant que certains proches
Emmanuel Macron entouré de la première ministre, Élisabeth Borne, et du ministre du Travail, Olivier Dussopt, lors d’une rencontre avec les
Mais cette fois, le temps presse : l’ins-
cription de l’interruption volontaire de
grossesse (IVG) dans la Constitution doit
être présentée en Conseil des ministres
le 13 décembre. Pour la détailler, un gar-
de des Sceaux est attendu autour de la
table de l’État.
L’autre raison pour laquelle se multi-
plient les rumeurs de remaniement tient
au flou sur la suite du quinquennat. Un
échec, ou un recours au 49.3 sur le projet
de loi immigration, examiné jusqu’à la
fin de l’année par l’Assemblée nationale,
serait un cauchemar pour l’exécutif.
« S’il n’y a pas d’accord sur ce texte, la
crédibilité gouvernementale risque de s’ef-
de Macron confient que la promotion
du ministre de l’Économie ne poserait
désormais plus de problème au chef
de l’État. La tournée proche-orientale
du ministre des Armées, Sébastien
Lecornu, non plus, n’est pas passée
inaperçue. D’autres « visiteurs
du soir » continuent de suggérer
un retour de Julien Denormandie.
Ce ne sont pas les prétendants
qui manquent et dans un groupe
parlementaire saisi par la lassitude ou
la déprime, tous les scénarios ont leurs
partisans. Mais ce qui n’a pas changé,
c’est l’impossibilité d’élargir
la majorité. Le « big bang » espéré
est donc moins une affaire de personne
- et c’est ce qui pourrait sauver
une nouvelle fois Élisabeth Borne -
que de projet. Si la question de
l’incarnation a été réglée à l’Éducation,
elle reste posée sur l’écologie,
enjeu pourtant décisif pour la suite du
mandat. Certains proches de Macron
se convainquent que c’est en ouvrant
enfin et pas à moitié le chantier de
la « rénovation démocratique » que le
chef de l’État pourra se relancer : « big
bang » territorial, avec simplification
et clarification des échelons et
surtout un référendum, sans attendre
pour cela de modifier l’article 11. Mais
sur quel sujet ? Il en va du référendum
comme du remaniement : il ne peut
pas être sa propre finalité. Il doit
illustrer une vision, qui reste à définir.
fondrer », redoute un haut gradé de la
majorité. L’entrée du camp Macron dans
la campagne des élections européennes
en dépend aussi : Stéphane Séjourné, qui
se prépare, attend que l’incertitude soit
levée autour de ce texte pour s’avancer.
Après cette épreuve parlementaire, il
s’agit de faire entrer de nouvelles réfor-
mes dans l’atmosphère. « La conséquence
de l’absence de campagne présidentielle en
2022, c’est que 80 % du programme a déjà
été décaissé », constate un communicant
de l’exécutif. « Nous devons retrouver no-
tre ADN, notre capacité à surprendre et à
transformer le pays », appuie Roland Les-
cure, le ministre délégué chargé de l’In-
Éric Dupond-Moretti : des domm
PAULE GONZALÈS pgonzales@lefigaro.fr
L’IMPOSSIBLE paix des braves. Quelle
que soit la décision, ce mercredi à 15 heu-
res, la haute magistrature sort sonnée de
sa confrontation devant la Cour de justice
de la République (CJR) avec son garde des
Sceaux en exercice. Ces quinze jours
d’audience laisseront des traces indélébi-
les entre les deux mondes.
Il est peu probable, en revanche, que le
magistrat de base, qui fait vivre la justice
du quotidien - l’honnête procureur d’une
petite ville de province, le dévoué juge
des tutelles, celui des affaires familiales,
plus que jamais confronté aux violences
conjugales, ou encore le président de
chambre correctionnelle, dont les
audiences s’étirent tard dans la nuit -, ait
cure de ce qui s’est joué dans le prétoire
de la CJR. « Nous sommes quasiment en
2024, et toute cette affaire remonte à 2020.
“surtout
Cette affaire démontre
la nécessité
d’une grande réforme
de fonctionnement,
de gouvernance
et de ressources humaines
”
de la Chancellerie
BÉATRICE BRUGÈRE DU SYNDICAT
UNITÉ MAGISTRATS
Depuis ce temps, la majorité des magistrats
s’est fait une raison d’avoir Éric Dupond-
Moretti comme garde des Sceaux », souli-
gne un premier président de cour d’ap-
pel. « D’autant que le bilan n’est pas si mal,
avec des magistrats en plus et une aug-
mentation de 1 000 euros par mois, souli-
gne un jeune magistrat. Aussi sommes-
nous curieux du verdict. Si le ministre est
relaxé, il ne sera jamais aussi fort que de-
main après-midi. Mais n’attendez pas que
l’on commente une décision de justice. »
Les enjeux sont plus forts dans les hau-
tes strates de la magistrature, où le pou-
voir raréfie l’air que l’on y respire et où les
jeux de pouvoir sont féroces. S’il y a re-
laxe du ministre de la Justice, le parquet
général près la Cour de cassation a tou-
dustrie. L’un de ses collègues, comme
plusieurs parlementaires, appelle à re-
donner « du souffle et des perspectives »,
avec « de nouvelles réformes ».
« Je suis à la barre depuis un peu plus de
six ans » et « on tient le cap », a insisté
Emmanuel Macron mardi depuis les As-
sises de l’économie de la mer. Sans par-
venir à dissiper les inquiétudes dans son
camp sur le climat politique, sécuritaire
et international. « Nous sommes
confrontés à la foudre au ralenti », s’alar-
me Jean-Louis Bourlanges, président
(MoDem) de la commission des affaires
étrangères de l’Assemblée, inquiet des
« hésitations » d’Emmanuel Macron.
jours la possibilité de faire un pourvoi de-
vant cette même cour suprême. Soit en
cas d’erreur de procédure - ce qui semble
peu probable - ou en cas de « contradic-
tion des motifs », autrement dit s’il esti-
mait que, dans la rédaction, la motivation
était indigente vis-à-vis d’une infraction
pourtant caractérisée. L’affaire serait
alors examinée par l’assemblée plénière
de la Cour de cassation, puis éventuelle-
ment rejugée devant une CJR « autrement
composée », prévoient les textes. De quoi
rigidifier les relations avec le pouvoir jus-
qu’à la fin du quinquennat.
Cela étant dit, même sans pourvoi, il
sera très compliqué pour chacun de re-
prendre sa place et de revenir aux affaires
courantes. « Tous auront de la mémoire,
même s’ils n’ont pas de rancune, estime un
haut magistrat. On n’efface pas ce qui s’est
passé durant ces quinze jours d’audience,
même quand on tente de le mettre de côté. Il
y a eu des mots et des postures qui man-
quaient parfois de dignité. »
Rémy Heitz, le procureur général près
la Cour de cassation, qui a porté l’accusa-
tion sans trembler, est, en tant que pre-
 LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023

nistes s’alarment de son manque de lea-
dership et plaident pour un changement
au premier semestre de 2024. Sans at-
tendre les Jeux olympiques de juillet, ni
les élections européennes du 9 juin. « Le
grand moment politique du quinquen-
nat », a récemment prévenu Gérald
Darmanin devant ses proches. Le minis-
tre de l’Intérieur, tout comme son collè-
gue de Bercy Bruno Le Maire, s’inquiète
déjà d’un échec électoral.
POLITIQUE 9
Sébastien Lecornu, le discret ministre
des Armées fait désormais entendre sa voix
C’EST UN RENDEZ-VOUS auquel il ne se
rend qu’avec parcimonie. Signe que la
période n’est pas anodine, Sébastien Le-
cornu était l’invité mardi matin de la
réunion de groupe des députés Renais-
sance. Quelques heures après l’annonce

“la rumeur
En majorité relative,
de remaniement
de la libération de trois enfants français
qui étaient otages du Hamas depuis le
7 octobre. Tout en s’en félicitant, le mi-
ne s’éteindra jamais. nistre des Armées a rappelé devant les
C’est toujours possible, élus du parti présidentiel que cinq autres
jamais probable, Français sont toujours captifs de l’orga-
nisation terroriste.
et si certains lancent Depuis sa tournée inattendue au Pro-
l’hypothèse, c’est parce che-Orient, le 15 novembre dernier, « à

MOHAMED AZAKIR/REUTERS
qu’ils ont envie la demande du président de la Républi-
que », Sébastien Lecornu est en première

”
d’en bénéficier
UN MEMBRE DU GOUVERNEMENT
Pour tenter de l’exfiltrer de Matignon,
des rivaux d’Élisabeth Borne l’ont proje-
tée comme tête de liste, ce à quoi elle a
coupé court : « Ce n’est pas mon projet. »
Comme l’été dernier, lorsqu’elle a été
STÉPHANIE LECOCQ/REUTERS
ligne pour négocier le retour des otages.
Du Caire à Doha en passant par Riyad et
Tel-Aviv, le ministre s’est démené pour
remettre en haut de la pile des négocia-
tions le sort des Français. Mais les pre-
mières libérations, vendredi, sans aucun
d’entre eux, ont d’abord douché les es-
poirs de l’exécutif. « Un ascenseur émo- Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu (ici lors d’un déplacement au Liban,

syndicats patronaux à l’Élysée, le 18 avril.
Lequel, fait nouveau, s’attire doréna-
vant les critiques de ses troupes. Un im-
portant conseiller gouvernemental juge
que le président « avait l’opportunité de
prendre de la hauteur avec l’internatio-
nal. Mais il veut s’occuper de tout. Il faut
des idées nouvelles, mais surtout une
autre gouvernance ». Problème : « le
président ne va pas se remanier lui-mê-
me », soupire un autre.
Comme c’était le cas au printemps, les
récriminations atteignent Matignon (lire
en page 10). L’avenir d’Élisabeth Borne
est de nouveau questionné, malgré ses
petits efforts pour muscler son profil po-
litique. Plusieurs responsables macro-
mise en concurrence avec Gérald Dar-
manin, la première ministre s’accroche.
Elle a commencé à recevoir mardi soir
les parlementaires de son camp pour dé-
finir les priorités des six mois à venir.
Une partie non négligeable de son équi-
pe plaide pour son maintien. « En majo-
rité relative, la rumeur de remaniement ne
s’éteindra jamais, philosophe un minis-
tre. C’est toujours possible, jamais proba-
ble, et si certains lancent l’hypothèse, c’est
parce qu’ils ont envie d’en bénéficier. »
À l’avantage du gouvernement, le
scénario d’une censure s’éloigne depuis
que les socialistes ont annoncé qu’ils ne
suivraient pas l’éventuelle initiative des
Républicains (LR). Certains cadres de la
majorité veulent encore croire à un ac-
cord avec une partie de la droite autour
de textes clés, malgré plusieurs tentati-
ves avortées. Mais un membre du gou-
vernement préfère temporiser : « Un re-
maniement, c’est quand vous voulez
changer de ligne politique ou quand vous
perdez une élection. On n’a pas modifié le
périmètre de la majorité et on n’a pas en-
core perdu d’élection ! » ■
tionnel », a témoigné le ministre des Ar-
mées mardi matin sur Europe 1 et
CNews, confronté à « l’incertitude » qui
plane au-dessus du conflit.
Il n’empêche, en étant mobilisé sur ce
dossier sensible, Sébastien Lecornu ga-
gne des galons au sein de l’exécutif. Qui
plus est après que la ministre des Affaires
étrangères a été jugée trop en retrait de-
puis le retour du conflit israélo-palesti-
nien. Des députés remarquent d’ailleurs
que la participation de Sébastien Lecor-
nu à la réunion du groupe des députés
Renaissance intervient deux semaines
après pareil exercice mené par Catheri-
ne Colonna. Une photo de la salle, quasi
vide, avait ensuite fuité dans Le Canard
enchaîné. « Sébastien Lecornu a été
brillant et pédagogue. On buvait ses pa-
roles. C’est l’une des meilleures interven-
tions de ministres entendues cette année
en réunion de groupe », s’enflamme la
députée Maud Bregeon, très proche du
ministre.
La semaine dernière, une dizaine de
parlementaires avaient déjà rendez-
vous à l’Hôtel de Brienne pour un
le 3 novembre) est en première ligne dans la crise au Proche-Orient.
échange informel avec son locataire.
« Ça a permis de réaligner la position du
groupe après que plusieurs lignes
s’étaient exprimées sur le conflit, en pre-
nant des libertés avec la position de la
France », relève le député Pieyre-
Alexandre Anglade. Référence aux dé-
clarations moins nuancées de la prési-
dente de l’Assemblée nationale, Yaël
Braun-Pivet, et du patron des députés
Renaissance Sylvain Maillard, très allan-
tes avec Israël.
Un ticket pour le Quai d’Orsay
« La sécurité des otages, nous l’assumons,
c’est une priorité importante », a réaffirmé
Sébastien Lecornu mardi, favorable au
prolongement de la trêve à Gaza pour
permettre aux négociations de se pour-
suivre. Tout en appelant à des expressions
sobres des responsables politiques pour
ne pas compromettre les discussions.
Alors qu’il est habituellement très dis-
cret dans les médias, les macronistes re-
marquent qu’à la faveur de la crise « on
le voit davantage ces derniers jours ». Et
ce alors qu’on lui prête l’ambition de ne
pas s’attarder au ministère des Armées.
Depuis plusieurs mois, son nom est
avancé pour succéder à Élisabeth Borne.
Bien que Sébastien Lecornu se défende
de lorgner une promotion. « Il a un bon
profil. Il n’a pas la puissance d’un Darma-
nin, ce qui est un avantage pour lui. Ma-
cron préfère les premiers ministres doci-
les », fait remarquer un ancien locataire
de Matignon. « Sébastien Lecornu n’a pas
gagné un ticket pour Matignon, mais pour
le Quai d’Orsay, où sa tournée au Proche-
Orient a été accueillie comme une cla-
que », nuance un de ses collègues du
gouvernement. Sans que l’un de ces scé-
narios se réalise, la macronie observe
que le chef de l’État compte sur lui pour
dénouer les crises importantes. Il y a
tout juste cinq ans, c’est vers Sébastien
Lecornu qu’Emmanuel Macron s’était
tourné pour déminer la crise des « gilets
jaunes » en le chargeant d’organiser le
grand débat national. ■ T. Q. -M.

ages durables, relaxe ou non L’Elégance s’invite à Monaco !

Le garde des Sceaux,
Éric Dupond-Moretti, devant
la Cour de justice de la République,
le 6 novembre. C’est la première fois
qu’un membre du gouvernement
en exercice se présente devant
cette instance. BENOIT PEYRUCQ/AFP
mier magistrat de France, en lien régulier
avec les plus hauts responsables politi-
ques : il lui faudra non seulement conti-
nuer d’échanger avec le garde des
Sceaux, mais aussi avec Matignon et
l’Élysée. De plus, il copréside le Conseil
supérieur de la magistrature et préside la
formation parquet, qui donne son avis sur
les nominations et qui est en charge des
questions disciplinaires. Il copréside éga-
lement l’École nationale de la magistratu-
re alors que se profile le recrutement re-
cord de 1 500 magistrats d’ici à la fin du
président du tribunal judiciaire de Bobi-
gny et ancien directeur des services judi-
ciaires, qui a endossé le rôle de protecteur
VENTES AUX ENCHÈRES EXCEPTIONNELLES
de l’institution en s’opposant au garde des
Sceaux. Sa vibrante audition lui a sans
DU 7 AU 11 DÉCEMBRE 2023
doute assuré une reconnaissance du corps
à long terme, mais il n’est pas certain
qu’Éric Dupond-Moretti ait plaisir à se dé-
placer jusqu’à Bobigny, comme il l’a fait
par le passé. Une chose est sûre : désor-
mais, au sein de la génération montante
des magistrats, sévira une querelle des
vertus entre ceux qui s’imposent comme
les protecteurs de l’institution et ceux qui
ont servi dans les cabinets ministériels.
« Hélas, avec le risque de décourager les vo- BULGARI HERMÈS
cations, y compris pour la Chancellerie », RARE COLLIER BIRKIN «FAUBOURG»,
soupire un haut magistrat. DIAMANTS 30 CTS NEIGE
Quant aux syndicats, « il n’est pas cer-
tain qu’ils aient mesuré le quitte ou double
que serait ce procès pour eux, notamment
en cas de relaxe », note ce bon observa-
teur. Comme le dit un responsable syndi-
cal, « dans tous les cas, on quitte forcément
Dupond 2, celui du second quinquennat,
pour revenir à Dupond 1 quand l’échange
était impossible ». À l’Union syndicale des
magistrats (USM), on a bien conscience
qu’il ne faudra cependant pas rompre le
contact avec la Chancellerie, « alors
qu’une réforme organique du corps est à
mettre en œuvre », souligne Ludovic Friat,
son président. Reste à savoir si l’Élysée,
même en cas de relaxe, laissera le monde
de la justice dans l’inconfort ou s’il trouve-
ra, pour écourter le supplice, une porte de
sortie honorable à Éric Dupond-Moretti,
qui, en tout état de cause, peut se flatter
d’un bon bilan.
En cas de condamnation, l’affaire est
plus simple. Élisabeth Borne a prévenu que
AUDEMARS PIGUET
la démission s’imposera. La Place Vendô- CHRONOMÈTRE
me redeviendrait alors un champ des pos-
sibles, voire une monnaie d’échange poli-
tique à offrir : soit au groupe Horizons, soit
au parti Les Républicains. Mais le principe
EXPERT PARIS
de la démission n’est pas encore tranché
CABINET A.BEAUVOIS
par l’Élysée, car Éric Dupond-Moretti 85 BOULEVARD MALESHERBES
75008 PARIS
peut également déposer un pourvoi. 00 33 (0)1 53 04 90 74

quinquennat. Pour Béatrice Brugère, d’Unité magis- ARNAUD@BEAUVOIS.INFO

Les relations se tendront inévitable-
ment avec tous ceux inscrits dans la dé-
fense orthodoxe de l’institution judiciaire,
WWW.HVMC.COM
trats, « cette affaire démontre surtout la né-
cessité d’une grande réforme de fonctionne-
ment, de gouvernance et de ressources H Ô T E L D E S V E N T E S D E M O N T E- C A R L O
A

que ce soit les syndicats ou certains des té- humaines de la Chancellerie ». Tout un pro- 10 - 12 Quai Antoine 1ER - 98000 MONACO - 00 377 93 25 88 89 - info@hvmc.com
moins, comme Peimane Ghaleh-Marzban, gramme. ■
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
10 POLITIQUE
Le plan de
Borne face aux
vents contraires
Régulièrement critiquée par la majorité,
la première ministre veut définir un nouvel
agenda pour s’accrocher à Matignon.
TRISTAN QUINAULT-MAUPOIL
£@TristanQM
EXÉCUTIF Premier rendez-vous d’une
série de cinq réunions de travail avec
les parlementaires de sa majorité,
mardi soir, Élisabeth Borne a convié à
Matignon une salve de députés
Renaissance. Les échanges doivent
s’étaler jusqu’au 14 décembre avec
l’objectif, pour la première ministre, de
« discuter de tous les sujets à bâtons
rompus » pour ne « pas rester statique »
en début d’année prochaine, narre son
entourage. Lequel précise que « la
première ministre formalisera une feuille
de route à l’issue » de la réunion.
Confrontée à une résurgence de
jugements critiques exprimés par la
majorité, Élisabeth Borne renoue avec
la stratégie qu’elle avait déjà déployée
au printemps. Des consultations à
tire-larigot et l’élaboration d’un
agenda gouvernemental à six mois pour
mieux se cramponner à Matignon et
enjamber les critiques. Ce qui fait dire à
un député proche de son rival Gérald
Darmanin que ce dernier « ne prévoit
pas de prendre la parole » lors des
échanges. « Il n’y aura un nouvel élan
que quand on changera de premier
ministre. Si on ne bouge pas, on est
mort », lance-t-il. « Élisabeth Borne, on
connaît ses qualités, on connaît aussi ses
limites. Rien n’a changé », remarque un
ministre. À savoir : les textes sont
votés, mais la première ministre peine
toujours à insuffler une dynamique
Un cofret exceptionnel
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A
dans l’opinion ou à créer une adhésion
autour d’elle.
Ceux qui s’inquiétaient que le gou-
vernement tombe à l’automne par une
motion de censure voient aujourd’hui la
menace s’éloigner. Dimanche, la pre-
mière ministre a résisté à la 26e motion
de censure déposée contre elle. Dans
une indifférence totale, tant le ballet
parlementaire auquel elle est soumise
lasse l’opinion et les forces politiques.
Dans la foulée, Élisabeth Borne a engagé
pour la huitième fois depuis la rentrée la
responsabilité du gouvernement pour
mener à bien l’examen du budget 2024.
« Ça peut déborder
en janvier »
Reste maintenant à connaître l’issue de
la discussion parlementaire de la loi
immigration, sur laquelle Gérald
Darmanin manœuvre ardemment pour
éviter d’avoir recours à un 49.3. « Ça
peut déborder en janvier », soulignent
des proches d’Élisabeth Borne qui
surveillent de près les travaux conduits
par le ministre de l’Intérieur. « Moi, je
ne souhaite pas que l’on force le
Parlement », répète en privé le patron
de Beauvau à ses interlocuteurs,
comme pour se démarquer de la
première ministre.
Après la confirmation sans enthou-
siasme de son bail à Matignon, en
juillet, en particulier pour traverser
cette période de turbulences, d’aucuns
s’interrogent sur l’avenir d’Élisabeth
Borne. Pour ouvrir de nouveaux chan-
tiers législatifs consacrés à l’améliora-
PRÉSENTE
Léonard de Vinci,
Michel-Ange,
la fabuleuse histoire des
génies de la Renaissance
320 pages qui retracent
leur vie et leurs œuvres
tion des services publics et dynamiser
la campagne des élections européen-
nes, des voix plaident auprès du prési-
dent pour un changement de cap radi-
cal. Si les partisans de Borne comme ses
détracteurs s’accordent sur sa difficulté
à créer « du liant » - y compris avec
l’Élysée -, l’opportunité de la remercier
fait débat, comme à l’accoutumée. « Ça
n’arrivera pas. Le président ne voudra
pas de quelqu’un qui l’embête matin,
midi et soir, imagine un parlementaire,
pourtant venu de la droite. Pourquoi le
président voudrait-il d’un nouveau pre-
mier ministre pour les européennes alors
que c’est lui qui fera la campagne ? »
L’équation, déjà bien connue en
macronie, reste à résoudre. ■
Élisabeth Borne,
mardi, à Matignon.
LAFARGUE RAPHAEL/ABACA
Ulcérés par le député
Aurélien Pradié, des sénateurs
de droite réclament sa tête
CLAIRE CONRUYT £@ClaireConruyt
ET EMMANUEL GALIERO £@EGaliero
POUR les sénateurs LR, la coupe est
pleine. La semaine dernière, une dizaine
d’entre eux tapent du poing sur la table
de leur président, Bruno Retailleau, pour
lui faire part de leur colère contre les
« attaques systématiques » du député
Aurélien Pradié dans le cadre du débat
parlementaire sur l’immigration. « Cela
fait trois ou quatre réunions que le sujet
revient sur la table », confirme un familier
de la Chambre haute.
Alors que la droite sénatoriale est par-
venue à faire voter un projet de loi qu’elle
juge durci, Aurélien Pradié ne rate pas
une occasion pour critiquer un texte trop
mou, selon lui. Le texte doit être examiné
à l’Assemblée le 11 décembre. « En l’état,
ce sera non pour ce qui me concerne », a
prévenu Pradié, en dénonçant « une
reculade ». Il estime que la droite n’est pas
parvenue à imposer deux de ses condi-
tions : une réforme de la Constitution,
afin de reprendre le contrôle de la poli-
tique migratoire, et la suppression de
l’article 3 qui prévoit la régularisation des
clandestins dans les métiers en tension.
« L’article a été remplacé par un autre
(4bis) qui dit qu’un clandestin pourra lui-
même demander sa régularisation : c’est
une ligne rouge et un nouveau droit oppo-
sable va être créé », juge Pradié. À cela, le
sénateur Stéphane Le Rudulier a immé-
diatement répliqué sur Franceinfo :
« Il faudrait vous donner la peine de lire le
texte : l’amendement du Sénat précise ex-
pressément que cette disposition stricte-
ment encadrée n’est qu’une possibilité lais-
sée aux préfets, au cas par cas, et ne sera
pas opposable à l’autorité administrative.
L’exact inverse de vos propos. »
Menaces en interne
Les parlementaires du Sénat sont telle-
ment ulcérés que certains menacent de ne
plus payer leur cotisation mensuelle, voire
de remettre en question leur rattachement
aux Républicains, dont la date limite arri-
ve à échéance le 30 novembre. Des mena-
ces formulées sur des boucles internes
WhatsApp et exprimées mardi lors de la
réunion de groupe des sénateurs, en pré-
sence du président des Républicains, Éric
Ciotti. « L’affaire est sérieuse car cela
pourrait représenter un manque à gagner
de 500 000 euros par an pour le parti LR »,
grince un élu. Au même moment, à
l’Assemblée, une passe d’armes musclée
entre Michèle Tabarot et Aurélien Pradié a
animé les échanges. « Je ne vais pas fermer
ma gueule », a lancé le député à sa collègue
qui lui a répondu : « De temps en temps, ça
ferait du bien. » Les parlementaires de
l’Assemblée ont néanmoins voulu dissiper
le soupçon de division sur l’immigration
ZOOM
École : LR veut mettre
Gabriel Attal au pied du mur
Pourquoi attendre si la pénurie
d’enseignants est l’une
des urgences de l’Éducation
nationale ? C’est le message
adressé en substance au ministre
Gabriel Attal par le député LR
Alexandre Portier. Mercredi,
en commission des affaires
culturelles, l’élu du Rhône
défendra une proposition de loi
« pour un plan d’urgence portant
sur le recrutement et la formation
initiale des enseignants du second
degré ». Le député propose
d’élargir le vivier de candidats
(en ouvrant les concours
aux bac + 3) et de renforcer
leur formation. Il assure qu’un
très large consensus est possible
aujourd’hui, jusqu’au ministre
Attal lui-même. « Mais osera-t-il
passer aux actes ? », interroge
Portier, qui souhaite porter
cette proposition dans la niche LR
du 7 décembre. 3 100 postes
d’enseignants étaient
vacants en 2023.
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
Le député Aurélien Pradié juge
le projet de loi sur l’immigration amendé
par les sénateurs LR trop mou.
pesant sur leur groupe. Après la publi-
cation dimanche d’une tribune signée par
17 LR pour défendre la version sénatoriale
du texte, les LR sont tombés d’accord sur
cette mise au point : « Les députés LR réaf-
firment leur refus de toute dégradation du
projet de loi tel que durci par le Sénat et en
particulier rejettent toute idée d’un droit à la
régularisation qui entraînerait des régula-
risations massives. Ils réaffirment la néces-
sité de modifier la Constitution. »
Mais, au Sénat, Éric Ciotti a bien été mis
sous la pression de plusieurs sénateurs, tels
Dominique de Legge (Ille-et-Vilaine),
Laurent Burgoa (Gard) ou Jacqueline
Eustache-Brinio (Val-d’Oise), laquelle
reproche à Pradié de monopoliser le temps
de parole de la droite. Contacté par Le
Figaro, le sénateur de Legge a simplement
répondu : « Le linge sale se lave en famille, je
ne m’appelle pas Pradié. » D’autres élus ont
affiché le même silence courtois en expli-
quant leur volonté d’être « sereins, clairs et
précis » face au chef de file des Républicains.
Pour Ciotti, la situation n’est pas confor-
table mais le président LR s’est appliqué à
démontrer qu’il n’avait pas l’intention de
protéger le député du Lot. Déjà confronté
aux mêmes reproches lors du débat sur les
retraites, il estime qu’une exclusion n’ar-
rangerait pas les affaires du parti, surtout
en plein débat parlementaire sur l’immi-
gration et encore moins à la veille des élec-
tions européennes. Il a également raconté
que lorsque Pradié était confronté à la
colère des parlementaires du Sénat, lui
aussi réclamait l’éviction des sénateurs
surpris à Tourcoing lors de la rentrée
politique de Gérald Darmanin (Stéphane
Le Rudulier et Marc-Philippe Daubresse).
Un peu amer, un sénateur enfonce le clou
du malaise avec une question : « Qu’est-ce
qui est préférable : se séparer d’un député ou
perdre une dizaine de sénateurs ? » ■
 LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023

SOCIÉTÉ 11

Bruits, odeurs… face aux plaintes, ZOOM

les paysans contre-attaquent

Darmanin va demander
la dissolution de trois
groupuscules d’ultradroite
Une réaction « ferme » pour éviter
« un scénario de guerre civile » :
Gérald Darmanin a annoncé mardi

Une proposition de loi, visant à mieux protéger les agriculteurs des néoruraux qui les qu’il demanderait la dissolution de
trois groupuscules d’ultradroite,

poursuivent en justice, sera examinée le 4 décembre prochain à l’Assemblée nationale.
ÉRIC DE LA CHESNAIS
£@plumedeschamps
AGRICULTURE Chant du coq, meu-
glement des vaches, odeur du lisier,
bruit des tracteurs, bâtiments impo-
sants… Ces réalités de la vie rurale
sont parfois perçues comme autant de
nuisances sonores, visuelles ou olfac-
tives par les néoruraux, ayant quitté
l’effervescence des métropoles pour
la tranquillité des villages. « Nos cam-
pagnes sont aussi des lieux de produc-
tion où les agriculteurs travaillent tous
les jours pour nourrir les Français,
rappelle Luc Smessaert, éleveur laitier
dans l’Oise et vice-président du syn-
dicat agricole majoritaire, la Fédéra-
tion nationale des syndicats d’exploi-
tants agricoles (FNSEA). S’il faut sortir
le tracteur le dimanche ou la nuit pour
semer le blé après des semaines de
pluie, nous le faisons car la nature
n’attend pas. »
Des pratiques qui ne sont pas forcé-
ment du goût de tous les nouveaux ri-
verains. Depuis quelques années, ils
n’hésitent plus à saisir la justice pour
mettre un terme à une activité qu’ils
jugent trop bruyante ou trop odoran-
te. « Il y a 490 dossiers d’agriculteurs
en procédure avec leurs voisins pour
troubles anormaux de voisinage dans
toute la France, estime Luc Smessaert.
C’est beaucoup trop. Cette épée de Da-
moclès au-dessus de la tête des agricul-
teurs les freine dans leur développement
économique et peut les atteindre psy-
chologiquement, eux et leur famille. En
outre, cela peut dissuader des jeunes qui
veulent s’installer dans le secteur. » Un
message bien reçu par le ministre de la
Justice, notamment lors de son passa-
ge au dernier Salon de l’agriculture, à
Paris, en mars.
Depuis, Éric Dupond-Moretti a joint
le geste à la parole et a lancé une pro-
position de loi (PPL) qui vise à modi-
fier le code civil en y ajoutant un cha-
pitre relatif aux troubles anormaux du
voisinage. « La Chancellerie a très bien
travaillé avec les parlementaires pour
aboutir sur cette PPL qui fait avancer la
cause du monde agricole », confie-t-il
au Figaro. « Il faut réduire drastique-
ment les procès abusifs et respecter
De plus en plus de néoruraux saisissent la justice pour faire cesser une activité qu’il jugent trop bruyante ou odorante.
On dénombre ainsi 490 dossiers d’agriculteurs en procédure avec leurs voisins. PHILIPPE ROY/AURIMAGES VIA AFP
des sons et odeurs comme caractéristi-
ques d’un espace naturel, un inventaire
doit être fait. Or « seules deux régions
ont amorcé la démarche : les Hauts-de-
France et l’Auvergne-Rhône-Alpes »,
constate Luc Smessaert.
Il y a quarante ans, quand les habi-
tants des villes avaient encore un lien
familial fort avec le monde paysan et
connaissaient les désagréments d’une
vie à la campagne, ce type de litiges
n’existait quasiment pas. Pourtant, « il
ne s’agit pas de défendre une image
vintage de nos campagnes, mais bien
d’encourager le maintien et le dévelop-
pement de nos activités agricoles »,
pointe Me Timothée Dufour, avocat
spécialisé en droit rural au cabinet
Cheysson Marchadier. Pour celui qui a
planché avec la Chancellerie et les
syndicats agricoles sur ce texte de loi,
« le paysan est un entrepreneur qui a
pour que la responsabilité civile ne
soit pas engagée en cas de modifica-
tion non substantielle des activités.
« Dans les troubles anormaux de voisi-
nage, il est essentiel que le législateur
prenne en compte l’antériorité et la
continuité de nos exploitations, insiste
pour sa part Arnaud Rousseau, prési-
dont la Division Martel, après
l’expédition punitive de militants
à Romans-sur-Isère (Drôme) le
week-end dernier. Une centaine
de militants d’ultradroite venus
de différentes villes avaient défilé
cagoulés dans les rues de Romans-
sur-Isère dans le but d’en
« découdre » avec les jeunes du
quartier de La Monnaie, d’où sont
issus plusieurs des mis en cause
dans la mort du jeune Thomas,
poignardé lors d’un bal de village
dans la Drôme. Ils ont été bloqués
par les forces de l’ordre, avec
lesquelles ils se sont longuement
affrontés. Lundi, six personnes ont
été condamnées en comparution
immédiate par le tribunal
correctionnel de Valence à des
peines de six à dix mois de prison
ferme pour « participation
à un groupement formé en vue
de la préparation de violences »
ou « dégradations ».
EN BREF
Secte internationale de
yoga : arrestation du gourou
et de 40 personnes en France
Un total de 41 personnes ont été
interpellées mardi en France,
soupçonnées d’être liées à une
secte internationale accusée de
nombreuses dérives sous couvert
de pratique du yoga.
Landes : découverte d’un
dent de la FNSEA. C’est un sujet cen- fœtus et d’un embryon
tral. » Cette PPL, qui a déjà été adop- humain dans une déchetterie
tée en commission des lois le mercre- Des bocaux contenant un fœtus
di 22 novembre par l’ensemble des et un embryon humains
partis politiques excepté La France conservés dans du formol ont
insoumise, qui s’est abstenue, devrait été découverts lundi par des
être adoptée sans trop de suspense en employés d’une déchetterie
assemblée plénière le 4 décembre. ■ de Mimizan (Landes).

“le dimanche
S’il faut sortir le tracteur
ou la nuit
vocation à accroître son exploitation, à
se mettre aux normes et à rénover ses
infrastructures. Ne réduisons pas cette
pour semer le blé après proposition de loi à la défense du coq sur
des semaines de pluie, son tas de fumier. »
nous le faisons car Pour la proposition de loi, l’avocat
s’est inspiré de plusieurs affaires juri-

”
la nature n’attend pas
LUC SMESSAERT, ÉLEVEUR LAITIER DANS L’OISE,
VICE-PRÉSIDENT DE LA FNSEA
ceux qui étaient là avant et qui connais-
sent mieux que personne le territoire.
C’est aussi simple que ça !», poursuit le
garde des Sceaux. Cette proposition de
loi, portée par Nicole Le Peih (Renais-
sance), députée du Morbihan, mem-
bre de la commission des lois, sera
examinée à l’Assemblée nationale
mardi 4 décembre. « Ce texte va com-
pléter le code civil de 1804 pour adapter
le principe de responsabilité civile aux
enjeux actuels, souligne l’élue, égale-
ment agricultrice. Il inscrit le principe
de l’antériorité : les nouveaux habitants
dans les campagnes ne peuvent pas,
pour un oui ou pour un non, se plaindre
en justice de l’activité de leur voisin
agriculteur, dès lors qu’il était installé
avant eux et qu’il a obtenu toutes les
autorisations administratives pour
exercer son métier. » « C’est un texte
équilibré, qui doit permettre aux voisins
de mieux vivre les uns à côté des autres,
avec une application homogène sur
l’ensemble du territoire national »,
poursuit celle qui a auditionné une
douzaine de personnes pour élaborer
ce texte, dont des acteurs du monde
rural et des juristes.
Aujourd’hui, la loi du 29 janvier 2021,
dite « loi du coq Maurice », vise déjà à
définir et protéger le patrimoine senso-
riel des campagnes, dont font partie les
activités agricoles. Mais elle est diffici-
diques dans lesquelles il est intervenu,
dont certaines ont bouleversé le mon-
de agricole. Ainsi dans l’Oise, l’éle-
veur laitier Vincent Verschuere a été
condamné en appel, en octobre 2022,
à verser 106 000 euros de dommages
et intérêts à ses voisins. La justice
avait alors estimé que ses deux nou-
velles étables avaient été construites
trop près des habitations des plai-
gnants, malgré des permis de
construire conformes. La Cour de cas-
sation doit se prononcer sur cette af-
faire, qui dure désormais depuis dix
ans, le jeudi 7 décembre. Cette nou-
velle proposition de loi pourra-t-elle
influencer la décision des juges ? « On
a donné à ce dossier une dimension na-
tionale. Nous avons fourni aux magis-
trats qui trancheront cette affaire trois
mémoires en plus de celui de Vincent
Verschuere : ceux de la région des
Hauts-de-France, de la FNSEA et des
Jeunes agriculteurs, ajoute Timothée
Dufour. C’est loin d’être un cas isolé. »
Les travaux des parlementaires de-
vraient désormais porter sur la ques-
tion de l’évolution de l’activité des
agriculteurs. « La proposition est
aujourd’hui incomplète et ne répond
que partiellement aux attentes légiti-
mes de la profession agricole, prévient
l’avocat. La reconnaissance de la
préexistence de l’activité ne protégera
pas les agriculteurs suite à l’agrandis-
sement d’un bâtiment ou une augmen-
tation de cheptel, quand bien même ces
modifications ne seraient pas significa-
A

lement applicable. En effet, pour ins- tives. » La FNSEA travaille actuelle-

crire dans le code de l’environnement ment à la rédaction d’un amendement
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
12 SOCIÉTÉ
Les esquives
navrantes
d’une Monique
Olivier sans
« explication »
Au premier jour de son procès, l’ex-épouse
de Michel Fourniret a dit « regretter »
son pacte criminel avec le tueur en série.
son mobile, bien qu’elle en ait forcément
STÉPHANE DURAND-SOUFFLAND un ; pas assez sotte – ou perverse – pour le
sdurandsouffland@lefigaro.fr
faire, ce qui la mettrait pour les jurés au
niveau de cruauté de celui qu’elle appelait
PROCÈS « En dehors de la chose, là, il était « mon fauve ». « Dangereuse, moi ? Je suis
gai, il aimait bien plaisanter. » Monique pas du tout dangereuse », affirme-t-elle,
Olivier parle de feu son mari, Michel désarmante, à une avocate de la partie
Fourniret. Elle offre aux assises des civile.
Hauts-de-Seine sa face lunaire, son men- L’assistante zélée du meurtrier raconte
ton fuyant et son nez prononcé, ses che- une existence morne, des parents peu
veux blancs coupés court, sa silhouette aimants, mère alcoolique et père infidèle,
sans formes à la rondeur androgyne. Sa une scolarité qui s’achève en queue de
voix fluette s’échappe d’un corps lourd ; poisson avant le certificat d’études. La
ses mots sont mous, ses esquives navran- perte de sa virginité dans les bras d’un
tes, son apparent détachement est horri- militaire de passage qui s’évapore aussi-
pilant ; ses points de suspension s’enten- tôt. Un bref mariage avec un ressortissant
dent autant que ses paroles sans américain. Puis un compagnonnage du-
consistance tant elle rechigne à terminer rable avec André M., directeur d’auto-
ses phrases. école et peintre amateur qui fait d’elle son
« Je vais faire de mon mieux », a-t-elle modèle favori. Elle le décrit comme para-
promis. Le pire, c’est qu’elle tient peut- noïaque, violent et obsédé sexuel. Ils ont
être parole. Parce que même elle ne peut deux garçons. Le récit s’écoule pénible-
pas expliquer pourquoi elle a passé seize ment. Jusqu’aux premiers points de sus-
ans aux côtés du pire tueur en série que la pension bruyants : « C’est là que j’ai fait la
France ait connu depuis la Libération, rencontre de… »
partageant sa vie, son lit, ses crimes. Elle C’était en 1987. Par le biais d’une petite
n’est pas assez intelligente pour verbaliser annonce du Pèlerin, Monique Olivier,
Que dire aux passionnés
de débats sur le wokisme,
le communautarisme,
le néo-féminisme,
l’antispécisme et
beaucoup d’autres
mots en –isme ?
Bienvenue sur
 $   
  
Le Club
Le Figaro Idées
    « l’Orient compliqué » une passion qui
 !!"  
A
auxiliaire de vie chez une dame âgée qui
lit ce magazine, entre en relation avec Mi-
chel Fourniret, détenu pour des viols.
Leur pacte est scellé à travers ces 200 let-
tres où il lui dévoile son obsession pour les
« jeunes fentes » qu’elle promet de lui pro-
curer. En échange, il devait notamment
occire André M., qui l’a échappé belle.
Onze victimes
Le tueur sort de prison en octobre 1987. Le
bain de sang commence. L’énigme Oli-
vier naît simultanément. « Pourquoi lui
avez-vous prêté la main ? », demande le
président. « J’ai pas d’explication… », ré-
pond l’accusée.
« Sa quête de virginité, vous en aviez
connaissance avant même de l’avoir ren-
contré, n’est-ce pas ?
- Oui, dans les lettres, mais cette histoire
de pacte, ça a été écrit sans réfléchir à quoi
que ce soit…
- Cela ne vous a pas choquée ?
- Disons que c’était un peu choquant
mais plutôt ridicule. Il aurait pu se passer
de ça. C’est ridicule mais c’est malheureu-
sement exact. Je regrette tout ça… »
 

    #
Si Monique Olivier est reconnue cou-
pable de complicité pour les meurtres
de Marie-Angèle Domèce, Joanna Par-
rish et Estelle Mouzin, le bilan du « pacte
ridicule » se chiffrera à onze victimes,
dont plusieurs enfants - elle a déjà été
condamnée pour son implication dans
huit homicides.
En 1990, un truand d’envergure, Jean-
Pierre Hellegouarch, persuadé (à raison)
que Michel Fourniret a tué sa compagne
Farida pour faire main basse sur un magot
Un nouveau chef au
syndicat majoritaire
des commissaires
Ancien para, policier chevronné et docteur en
sciences politiques, Frédéric Lauze doit prendre,
mercredi, la tête de cette puissante organisation.
JEAN-MARC LECLERC £@leclercjm
SÉCURITÉ Gérald Darmanin a prévu
de se rendre, ce mercredi, au
41e congrès du Syndicat des commis-
saires de la police nationale (SCPN).
Une puissante organisation représen-
tant les chefs de police en France. Aux
dernières élections professionnelles, il
y a près d’un an, celle-ci avait toutefois
vu son concurrent, le Syndicat indé-
pendant des commissaires de police
(SICP), grimper en représentativité, en
passant de 33 % à 40 % des voix. Le
SCPN, syndicat « historique » du corps
et toujours majoritaire, aborde le ren-
dez-vous qui l’attend avec de grandes
ambitions.
Il doit élire son nouveau bureau et
choisir, dans la foulée, un remplaçant à
David Le Bars, qui accéda aux fonctions
de secrétaire général du SCPN en avril
2018. Le choix du successeur ne sera pas
très compliqué, puisque l’équipe rem-
plaçante n’aura pas à ferrailler contre
une liste adverse. Mais élection sans
surprise ne veut pas dire sans enjeux.
Le profil du nouveau « patron des
commissaires » a de quoi susciter l’ad-
hésion. Frédéric Lauze est un person-
nage dans la police. À 60 ans, il n’a plus
rien à prouver. Jusqu’alors conseiller
social du directeur général de la police
nationale - ce qui peut évidemment
surprendre, sachant qu’il doit, en prin-
cipe, devenir aujourd’hui l’un des poils
à gratter du ministère -, il peut se flat-
ter d’une vraie carrière opérationnelle.
Passionné de « l’Orient
compliqué »
Il a d’abord connu une vie militaire
chez les paras, dans une compagnie de
combat au Liban, dans les années 1980.
Cet autodidacte (il commença comme
apprenti serveur) a ainsi vécu, jeune,
aux premières loges, les soubresauts de
l’opération Paix en Galilée, le séisme de
l’assassinat du président libanais Ba-
chir Gemayel. Il a nourri pour
ne s’est pas démentie et qui l’a conduit
à décrocher, en 1996, un doctorat en
sciences politiques sur « les fonde-
ments de l’État d’Israël », thème d’une
grande actualité.
MIGUEL MEDINA/AFP
Monique Olivier (ici, mardi
à la cour d’assises de Nanterre)
a déjà été condamnée pour son
implication dans huit homicides.
d’or, se présente, armé, au domicile ar-
dennais du couple pour tuer son ex-codé-
tenu. Outre Farida Hammiche, plusieurs
jeunes filles ont déjà été martyrisées. Il
suffisait que Monique Olivier lui dise où
trouver son « fauve » et le visiteur l’aurait
criblé de balles. L’histoire aurait pu s’ar-
rêter là.
Le président : « Pourquoi n’avez-vous
pas dénoncé Fourniret à Hellegouarch ? »
L’accusée : « J’y ai pas pensé », points de
suspension. ■
Décoré à maintes reprises par l’ar-
mée, il quitte la « grande muette » pour
entrer dans la « grande maison ». Un
parcours sans faute, qui l’amène de
postes en commissariat (Coulommiers
en 1990, Melun en 1991, Fontenay-
sous-Bois en 1993), aux fonctions de
coordinateur en 1997 des groupements
d’intervention de la police nationale
(GIPN, aujourd’hui rattachés au Raid).
Chef de district à Nice en 2002, il de-
vient directeur départemental des RG
(surnommés les « grandes oreilles »)
aux Antilles et en Guyane en 2004, puis
dans le Var en 2006.
Un an plus tard, François Fillon,
alors premier ministre, en fait son
conseiller technique pour les questions
de sécurité et de renseignement. Après
l’échec de la droite en 2012, Frédéric
Lauze est nommé médiateur interne de
la police nationale, fonction nouvelle-
ment créée pour régler les différends
entre les fonctionnaires et leur admi-
nistration. Il croit aux vertus du dialo-
gue, sans sombrer dans l’angélisme.
Le démon de l’opérationnel le re-
prend. En 2017, il devient directeur de
la sécurité publique dans le Val-d’Oise.
Un secteur en proie à l’explosion des
violences urbaines. Il gère la guerre des
bandes, de Sarcelles à Garges-lès-Go-
nesse, le drame de l’assassinat de Sa-
muel Paty, qui vivait à Éragny, et les
émeutes d’Argenteuil et sa dalle de la
cité du Val d’Argent, où logent
25 000 habitants. Son poste à la DGPN
fut une aimable transition.
Dans ses nouveaux habits de syndi-
caliste, il devra prendre à bras-le-
corps des négociations sur des sujets
sensibles : la sécurité des Jeux olympi-
ques de Paris, le feu qui couve dans les
banlieues ou la réforme de la police na-
tionale qui a tant inquiété dans les
rangs de la police judiciaire. Car les hé-
ritiers de Clemenceau ne veulent pas
servir à résorber le stock des affaires
vénielles en souffrance dans les com-
missariats.
Les commissaires de police ne sont
plus que 1 750 en France. Le corps des
officiers de police a connu aussi des
coupes sombres sévères. Le commis-
saire Lauze, romancier à ses heures, est
devant une nouvelle page blanche. Il
ne manque pas d’inspiration. ■
 LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023

SCIENCES 13

Tabac : des interdictions en plein air

mais pas de hausse brutale des prix
Le gouvernement a présenté mardi un nouveau plan de lutte contre le tabagisme jugé décevant par les spécialistes.
CÉCILE THIBERT
cthibert@lefigaro.fr
SANTÉ PUBLIQUE « Une première
génération d’adultes débarrassés
du tabac en 2032 », tel est l’objectif
affiché (et ambitieux) du ministre
de la Santé, Aurélien Rousseau,
alors qu’il présentait mardi matin
le nouveau plan antitabac. Ce der-
nier s’étalera jusqu’en 2027. La
France compte encore aujourd’hui
près de 12 millions de fumeurs
quotidiens, soit environ un quart
de la population adulte, un chiffre
qui reste stable depuis 2020. Res-
ponsable de 75 000 décès chaque
année, le tabac rafle pourtant tou-
tes les premières places : première
cause de mortalité précoce, pre-
mière cause de mortalité par can-
cer, c’est aussi la première cause
de mortalité cardio-vasculaire
évitable. « C’est un fléau qui nous
concerne tous. Le tabac pèse sur
notre système de solidarité, a souli-
gné Aurélien Rousseau. Il coûte
beaucoup plus aux comptes publics
qu’il ne rapporte de taxes. Tout le
monde est perdant. » Selon le der-
nier rapport de l’Observatoire
français des drogues et des ten-
dances addictives (OFDT), sorti
cet été, le tabac a rapporté un peu
plus de 13 milliards d’euros de re-
cettes fiscales en 2019, à mettre en
regard des 16,4 milliards dépensés
par les pouvoirs publics pour les
problèmes de santé liés au tabac la
même année.
« Débanalisation » du tabac
Le plan d’attaque du ministère re-
pose sur deux piliers : une hausse
des prix et la multiplication des
endroits où il sera désormais in-
terdit de fumer, en particulier sur
la plage, au parc, en forêt ou aux
abords des écoles. L’entourage du
ministre table sur une interdiction
effective au plus tard en septem-
bre 2024. Le montant de la contra-
vention associée n’a pas encore été
précisé. À titre indicatif, il est ac-
tuellement de 68 euros sur le quai
d’une gare. « Il existe déjà plus de
7 200 espaces sans tabac à travers
73 départements, mais c’est le ré-
sultat d’un mouvement impulsé par
les communes. Désormais, ce prin-
cipe devient la règle », a expliqué
Aurélien Rousseau, qui veut ainsi
renforcer la « débanalisation » du
tabac. Cette mesure a été saluée de
façon unanime par les associations
de lutte contre le tabagisme, qui
s’étaient déjà largement félicitées
de l’interdiction de fumer dans les
bars et les restaurants (depuis le
1er janvier 2008) ainsi que dans les
établissements scolaires et les uni-
versités (1er février 2007).
Les spécialistes sont en revan-
che beaucoup plus circonspects
sur la hausse de la fiscalité impo-
sée au tabac, jugée bien trop limi-
Le prix moyen de 11 euros tée. Le prix moyen de 11 euros
(pour un paquet de (pour un paquet de 20 cigarettes)
20 cigarettes) passera passera progressivement à en 2032, moi, je n’y crois pas », a-
à 12 euros début 2025, 12 euros début 2025, puis à
puis à 13 euros au cours 13 euros au cours de l’année 2026,
de l’année 2026.
soit une hausse totale de 2 euros
CHARLY TRIBALLEAU/AFP
environ. Une augmentation jugée
« décevante » par le Pr Loïc Josse-
ran, président de l’Alliance contre
le tabac. « On est très loin du
compte, on ne va gagner que
1,50 euro d’ici 2027, puisque le pa-
quet de cigarettes le plus vendu en
France coûte actuellement
11,50 euros. Or, pour qu’il soit effi-
cace, le levier fiscal doit conduire à
une hausse de 50 centimes à 1 euro
tous les six mois », a-t-il indiqué
au Figaro. Selon ce spécialiste en
santé publique, la mesure annon-
cée ne devrait avoir aucun impact
sur le niveau de tabagisme des
jeunes. « La génération sans tabac
t-il lancé, amer. La mesure, qui
aurait pu entrer en vigueur dès
2024, ne sera en outre appliquée
qu’à partir de 2025, par crainte de
la grogne chez les fumeurs.
« Adopter une mesure de fiscalité
dans une période de forte inflation a
toutes les chances d’être compris
comme une mesure pour taper sur
le pouvoir d’achat », s’est défendu
le ministre.
Aurélien Rousseau veut mettre à
profit l’année qui vient pour moti-
ver les troupes à arrêter de fumer.
Les traitements de substitution ni-
cotinique (patchs, gommes, etc.)
pourront ainsi bientôt être direc-
tement achetés en pharmacie,
sans ordonnance. Ils continueront
d’être remboursés sur prescrip-
tion par la Sécurité sociale. « Sortir
de la cigarette n’est pas une chose
aisée, je le mesure tout à fait, a-t-il
concédé. Pour arrêter, la clé c’est
d’être aidé, pas simplement culpa-
bilisé. » Curieusement, il n’est pas
question d’encourager le sevrage
tabagique par le biais de la cigaret-
te électronique, bien au contraire.
« Le paquet neutre sera étendu aux
produits de vapotage et nous vou-
lons limiter les arômes autorisés »,
a fait savoir Aurélien Rousseau.
« Le plan va globalement dans le
bon sens, mais nous sommes très
partisans des produits de vapotage.
Certaines personnes ont pu sortir du
tabac grâce à cela. Sur ce point, il y
a matière à discuter », confie le
Pr Amine Benyamina, psychiatre
addictologue et président de la Fé-
dération française d’addictologie.
Si l’efficacité de l’e-cigarette pour
arrêter de fumer fait encore l’objet
de débats, ses risques sont bien
moindres que ceux du tabac. « Par
comparaison au tabac et à son
mode de consommation privilégié
(la combustion), les e-liquides pré-
sentent l’intérêt d’annuler, ou de si-
gnificativement réduire, les risques
de survenue de graves pathologies,
de cancers principalement », souli-
gnait en 2016 le Haut Conseil de la
santé publique.
Le gouvernement veut enfin
renforcer la lutte contre les achats
« hors circuits et transfrontaliers »
et travailler sur une « harmonisa-
tion fiscale des produits du tabac en
Europe ». Il a également affiché la
volonté de s’attaquer aux nou-
veaux produits à base de nicotine,
tels que les sachets - une nouveau-
té à mettre dans la bouche, sans ta-
bac - et les « puffs », ces cigarettes
électroniques jetables. « Ce sont
des produits colorés et ludiques qui
ciblent les jeunes, voire les très jeu-
nes, à grand renfort de marketing »,
estime le ministre, qui qualifie les
« puffs » d’« aberration, tant du
point de vue de la santé publique que
de l’environnement ». ■

Deux tonnes d’ivoire détruites pour protéger les éléphants

Cette opération de destruction vise à lutter contre le trafic et le braconnage en évitant les réintroductions sur le marché commercial.
VINCENT BORDENAVE
vbordenave@lefigaro.fr
ENVIRONNEMENT C’est une drôle
d’exposition éphémère qui s’est
déroulée ce mardi 28 novembre à
Saint-Léonard, dans la périphérie
rémoise. Des centaines d’objets en
ivoire, de plus ou moins bon goût,
étalés dans une zone industrielle
au pied des gigantesques broyeurs
prêtés par l’entreprise Moroni,
producteur de sable et de gravier.
Des défenses de plus d’un mètre
de long, des pièces taillées avec
minutie, d’autres de manière bien
plus grossière, pour fabriquer des
bijoux, des bibelots de toute sorte,
y compris des crucifix, ou bien
encore des couverts de table. Près
de 1,8 tonne au total qui a été sou-
levée par une pelleteuse mécani-
que pour être concassée avant
d’être envoyée à l’incinérateur.
L’opération, organisée par le
Fonds international pour la pro-
tection des animaux (IFAW) et
l’Office français de la biodiversité
(OFB), vise avant tout à alerter sur
un trafic responsable de la mort de
milliers d’éléphants chaque an-
née.
« Environ 200 éléphants ont été
tués pour fabriquer ces objets »,
rappelle Mia Crnojevic-Cherrier,
chargée de campagnes chez
IFAW. Près de 1,3 tonne a été ré-
cupérée dans des greniers, des ca-
ves, ou même des étagères d’une
ont pu s’échanger plusieurs dizai-
nes de milliers d’euros quand elles
ont été vendues ! La demi-tonne
restante a été saisie par les Doua-
nes. Impossible d’avoir une valeur
approximative du total. « Il y a
beaucoup d’ivoires de différente
qualité et les tarifs ont fluctué au
cours du temps, précise Loïc
Obled, directeur général de l’OFB.
À partir du moment où cela est illé-
gal, la seule valeur certaine, c’est la
peine encourue. Le temps est donc
venu de détruire ce stock afin de
s’assurer que ces objets ne seront
jamais réintroduits dans le circuit
commercial. »
Organisations criminelles
L’initiative n’est pas la première
du genre, mais c’est de loin la plus
importante. Il y a cinq ans, seule-
ment 500 kilogrammes avaient été
détruits lors d’une opération simi-
laire à Nice. « La demande expo-
nentielle pour la prise en charge de
ces objets depuis la première collec-
te en 2015 témoigne du réel besoin
d’offrir aux particuliers une solu-
tion pour se dessaisir de leur ivoire,
que ce soit par conviction éthique ou
faute de pouvoir le vendre légale-
ment suite aux dernières évolutions
de la réglementation », commente
Mia Crnojevic-Cherrier.
« C’est vrai qu’on a des objets
magnifiques ici, constate Loïc
Obled. Le mal est fait. Pourquoi les
brûler ? Tout simplement, car c’est
le meilleur outil contre le braconna-
À l’inverse, laisser circuler l’ivoire
lui confère une valeur marchande,
et encourage le massacre des élé-
phants. En effet, l’Union interna-
tionale pour la conservation de la
nature (UICN) rappelle que la de-
mande en ivoire est alimentée par
les classes moyennes de plus en
plus nombreuses, essentiellement
en Asie, qui achètent de l’ivoire
pour exprimer leur statut social.
Des ventes de stocks ont déjà été
organisées pour inonder le marché
et malheureusement, l’idée s’est
avérée désastreuse puisqu’elles ont
été suivies d’une explosion du
braconnage.
Estimé à plus de 20 milliards de
dollars au niveau mondial, le
commerce illégal d’espèces proté-
gées fait partie des trafics les plus
lucratifs. La population d’élé-
phants en est une des plus grandes
victimes, estimée à 1,3 million
d’individus à la fin des années
1970, on n’en compte désormais
plus que 500 000. Un bilan auquel
il faut ajouter un prix humain lié
aux trafics illégaux. En une dizai-
ne d’années, plus d’un millier de
gardes sont morts en protégeant la
faune sauvage. Ce trafic est très
souvent le fait d’organisations cri-
minelles structurées, disposant
d’une véritable stratégie. « Cer-
tains groupes terroristes se finan-
cent directement via ce commer-
ce », rappelle Loïc Obled.
Depuis 2018, la Chine, premier
pays destinataire au monde, pra-
tique une politique particulière-
ment stricte, puisque tout com-
merce y est interdit. Ce qui a mé-
caniquement entraîné un
écroulement des flux. En France
et dans l’Union européenne, le
commerce de l’ivoire reste légal
sous certaines conditions. Il est
Des centaines d’objets possible de vendre de l’ivoire an-
en ivoire ont été cien, datant d’avant 1947, s’il est
détruits, mardi, sculpté. Un expert a d’ailleurs
à Saint-Léonard, étudié chacune des pièces pour
dans la périphérie
vérifier qu’aucune n’entre dans
rémoise, dans
le cadre d’une opération ces critères. Cette précaution per-
organisée par le Fonds met théoriquement d’éviter le
international pour la prélèvement de défense d’élé-
protection des animaux phant. Mais pour les acteurs de la
et l’Office français protection des pachydermes, cet-
de la biodiversité. te possibilité, même limitée, a un
ELISABETH PEROTIN/IFAW effet dramatique. « Compte tenu
des nombreux massacres qui ont
lieu actuellement, tout commerce
de l’ivoire, même légal, constitue
une menace pour les éléphants,
d’autant plus qu’il sert de couver-
ture au commerce illégal », juge
Mia Crnojevic-Cherrier.
Cette menace s’inscrit dans un
contexte d’écroulement global de
la biodiversité. « Une étude pu-
bliée dans la revue de l'Académie
des sciences américaine quantifie
pour la première fois l’écroulement
du vivant, non plus en parlant des
espèces qui disparaissent, mais de
genres entiers, explique Maud Le-
lièvre, présidente du comité fran-
çais de l’UICN. En cinq cents ans,
73 ont totalement disparu… Sans
intervention humaine, il aurait fal-
A

centaine de particuliers depuis ge. Cela provoque l’assèchement des lu 18 000 ans pour connaître une
2015 par l’IFAW. Certaines pièces marchés et l’effondrement du prix. » telle perte. » ■
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
14 T
SPORT
ROMAIN SCHNEIDER
rschneider@lefigaro.fr
TENNIS Dans les traces de son
père, qui était cuisinier, Jannik
Sinner semble avoir trouvé les
bonnes recettes sur les courts pour
s’inviter durablement à la table des
rois. Sa fin de saison canon, deux
titres, à Pékin et à Vienne, un sacre
en Coupe Davis, une finale au Mas-
ters et neuf victoires sur ses dix
derniers duels contre des joueurs
du top 10, a marqué les esprits. Le
week-end dernier à Malaga, en
Coupe Davis, la jeune star a été
l’artisan principal de la conquête
du deuxième saladier d’argent ita-
lien… 47 ans après le premier. Il a
apporté le deuxième point décisif
en finale contre l’Australie en écra-
sant le 12e joueur mondial Alex
de Minaur (6-3, 6-0). Le tout,
après avoir fait tomber, en demi-
finale, le « monstre » Djokovic, en
sauvant trois balles de match. De-
puis quatre ans, et Alexander Zve-
rev en 2021 (Jeux olympiques,
Masters), le Transalpin est le seul
joueur à avoir réussi à dominer le
champion inoxydable deux fois la
même saison. Trois fois, même, en
“jouent
Certains joueurs
mieux
lorsqu’ils sont frustrés
et en colère, d’autres
quand ils sont calmes,
et je pense
”
que c’est mon cas
JANNIK SINNER
une dizaine de jours. Lors du Mas-
ters de Turin, le 4e joueur mondial
avait maté en poules l’homme aux
24 titres du Grand Chelem (avant
de s’incliner face à lui en finale). À
Malaga, il s’est offert le luxe de le
dompter à deux reprises dans la
même journée (simple et double).
« Je ne suis pas sûr que quelqu’un
d’autre puisse dire qu’il a battu No-
vak Djokovic deux fois en un après-
midi », s’est-il amusé. « Il faut juste
dire bravo quand quelqu’un joue
comme ça. Son coup droit semble si
puissant. Nous sommes en train de
développer une belle rivalité et j’ai
beaucoup de respect pour lui », a sa-
lué le Serbe, qui avait remporté ses
Pourquoi Lens croit (encore) à l’exploit face à Arsenal
Toujours en vie en Ligue des champions, le club nordiste rêve d’une grande soirée, ce mercredi, à Londres, face aux Gunners.
BAPTISTE DESPREZ £@Batdesprez
FOOTBALL Deux journées pour
marquer l’histoire du RC Lens. Et
laisser des souvenirs éternels au
peuple sang et or. L’enjeu est co-
lossal, la marche immense, mais
l’aventure s’avère terriblement
excitante pour les hommes de
Franck Haise. La Ligue des cham-
pions, repaire de carnassiers affa-
més, sert aussi à cela pour les
« petits » comme le club nordiste.
Offrir des émotions et créer des
exploits pour se placer sur la carte
de l’Europe. Mission en partie déjà
accomplie après le succès inatten-
du du 3 octobre dernier dans un
stade Bollaert incandescent après
avoir renversé les Gunners (2-1).
Mais l’histoire serait autrement
plus belle avec une qualification
en huitième de finale de C1, du ja-
mais-vu dans l’histoire du RCL.
Troisièmes d’un groupe dominé
par Arsenal (9 points) après qua-
tre journées, les Lensois (5 points)
figurent derrière le PSV au goal-
average et devant le FC Séville
(2 points) avant leur déplacement
à l’Emirates Stadium, mercredi
soir (21 h, Canal+, RMC Sport).
Après une double confrontation
délicate contre Eindhoven (1-1 à
Bollaert, défaite 0-1 aux Pays-
Bas), leader incontesté d’Eredivi-
sie (13 matchs, 13 victoires), les
Sangs et Or sont à leur place. Mais
l’appétit vient en mangeant, et si
une qualification en Ligue Europa
récompenserait déjà un beau par-
cours, le dauphin du PSG la saison
passée rêve d’un finish histori-
que. Sur le papier, la mission est
A
simple : deux victoires contre Ar-
senal ce mercredi et face à Séville
Jannik
Sinner d’acier
prêt à marquer
2024
L’Italien de 22 ans, auteur
d’une fin de saison presque
parfaite, devrait être
l’un des grands animateurs
de la saison prochaine.
21 derniers matchs en Coupe Davis
et dont la dernière défaite en sim-
ple remontait… à 2011 contre Juan
Martin del Potro.
Sinner a rappelé qu’il incarnait
l’avenir du tennis mondial. Per-
sonne n’en a jamais vraiment dou-
té, mais des prodiges plus jeunes,
comme Holger Rune et, bien sûr,
Carlos Alcaraz, l’avaient devancé
dans la hiérarchie ces derniers
mois. Dans le top 10 pour la pre-
mière fois de sa carrière en novem-
bre 2021 (9e), l’Italien a été par la
suite freiné dans son irrésistible
progression. La faute notamment à
quelques blessures et des fléchisse-
ments à des moments clés de
matchs importants. Après une sai-
son 2022 décevante, il devait dé-
sormais franchir un cap dans les
plus grands rendez-vous. Il n’avait
pas encore connu le dernier carré
d’un Majeur. C’est le cas depuis cet
été et Wimbledon (et une défaite en
demi-finale contre Djokovic). Il
le 12 décembre prochain, et l’af-
faire serait pliée. A contrario, une
défaite à Londres, couplée à un
succès des Néerlandais face aux
Espagnols mercredi soir, ôterait
tout suspense avant la dernière
journée.
« Une grosse étape
de montagne »
« Le niveau qui nous attend mer-
credi est quand même une grosse
étape de montagne, un hors-caté-
gorie, il va falloir se hisser à ce ni-
veau, plante Franck Haise, grand
fan du Tour de France et conscient
du défi londonien qui attend ses
troupes dans le froid britannique.
On l’a fait une fois, est-ce qu’on est
en mesure de le faire deux fois ? »
Balayés à l’aller par la furia lensoi-
se et surpris par l’adversité pro-
posée par les actuels sixièmes de
n’avait pas encore soulevé un tro-
UNE MONTÉE
phée en Masters 1000. De l’histoire EN PUISSANCE
ancienne également, depuis son
sacre en août au Masters 1000 de
Toronto. 10
Rencontré à Marseille lors de titres désormais
l’Open 13 fin février, le Transalpin au compteur de l’Italien
avait confié au Figaro que son ob- après ses succès
à Montpellier, Toronto,
jectif principal pour 2023 était de Pékin et Vienne
se qualifier « pour de vrai » au Mas- cette année.
ters de fin d’année en tant que ti-
tulaire (il a disputé deux matchs en
2021, en tant que remplaçant de
Stefanos Tsitsipas). Objectif large-
ment accompli.
6
succès sur sept matchs
disputés contre
Ce grand gabarit (1,88 m), des membres du top 5
bouille juvénile et chevelure rous- depuis le mois d’octobre
se, a appris l’allemand avant l’ita-
lien, ayant grandi dans le Tyrol du
Sud, un territoire autrichien jus-
qu’à la Première Guerre mondiale.
Sérieux et impassible sur le court, il
47
ans séparent les deux
n’a en effet rien de latin. « Certains victoires italiennes en
Coupe Davis, la première
joueurs jouent mieux lorsqu’ils sont avec Adriano Panatta
frustrés et en colère, d’autres quand en 1976 et la seconde avec
ils sont calmes, et je pense que c’est Jannik Sinner en 2023
Lens comptera sur Ligue 1, les Gunners, qui n’ont be-
son buteur Elye Wahi soin que d’un point pour se quali-
(ici, au premier plan) fier au tour suivant, sont attendus
pour tenter de réaliser revanchards et orgueilleux.
un exploit sur la pelouse
d’Arsenal, mercredi.
La tâche s’annonce ardue face
au vice-champion d’Angleterre,
GUILLAUME SOUVANT/AFP
leader de Premier League (1 point
devant Manchester City, 2 sur Li-
verpool) cette saison, au budget
quasiment cinq fois supérieur
(525 millions d’euros, 5e plus riche
de Ligue des champions, contre
118 M€ à Lens), mais pas forcé-
ment insurmontable non plus. Le
match aller dans le Nord est là
pour le rappeler. Et si Arsenal
s’avance comme une bête noire
pour le football français, avec des
victoires face à Rennes, le Paris
SG, l’OM ou encore Nantes ces
dernières années, le RCL a déjà
réussi pareil exploit. Contre ces
mêmes Gunners, il y a vingt-cinq
mon cas. » En tournoi, l’Italien va
voir tous les matchs qu’il peut et
peu importe qu’il s’agisse du ta-
bleau masculin, féminin ou des
doubles. Un appétit de tennis insa-
tiable. Avant de gravir les pentes de
la gloire, il a descendu celles du ski
alpin. Le gamin de San Candido-
Innichen (Trentin-Haut-Adige) a
été champion d’Italie dans la caté-
gorie benjamin, et vice-champion
d’Italie en 2012 de slalom géant. Il a
jeté son dévolu à l’âge de 13 ans sur
le tennis, a rejoint l’académie de
Riccardo Piatti à Bordighera, près
de la frontière française, pour par-
faire sa formation et prendre son
envol. Il a coupé le cordon avec son
mentor en début de saison dernière
et travaille désormais avec le duo
Darren Cahill et Simone Vagnozzi.
« Je dois m’améliorer physiquement,
en 2022 j’ai eu quelques problèmes.
Je sens que, quand mon corps est en
bonne santé, je peux jouer du très
bon tennis, nous confiait-il en fé-
ans. L’Emirates Stadium n’existait
pas et la formation dirigée par le
désormais regretté Daniel Le-
clercq avait réduit au silence le
temple de Wembley pour la pre-
mière victoire d’un club français
(0-1) dans l’histoire, grâce à un
but de Michaël Debève. Exploit
sans lendemain puisque Lens ne se
qualifiera pas pour la phase finale.
Mercredi, un succès sur les terres
anglaises offrirait un dernier
match grandiose à Bollaert avec la
perspective d’une qualification.
Bollaert en rêve. Jour et nuit.
« Ils en sont capables, avance
Gervais Martel, ancien président
historique du RCL et supporteur
numéro un de son club de cœur,
présent à Londres pour ce grand
rendez-vous. Ce que nous n’avons
pas réussi à faire il y a vingt-
cinq ans, ils peuvent le réussir en
gardant cet état d’esprit qui fait
leur force. » Invaincus en Ligue 1
Coupe du monde U17 : la France
défiera l’Allemagne en finale
Le football français
a de beaux jours devant lui.
Si Didier Deschamps profite du
réservoir colossal de la formation
française, le sélectionneur
des A a dû se réjouir devant son
poste de télévision mardi de la
qualification en finale de la Coupe
du monde U17 des jeunes Bleus.
Vainqueurs du Mali (2-1) dans
la chaleur moite de Surakarta
(Indonésie), les Français défieront
les Allemands, qui ont écarté
les Argentins dans l’autre demi-
Jannik Sinner
a été le fer de lance
de la victoire italienne
en Coupe Davis,
le week-end dernier,
à Malaga.
VIOLETA SANTOS MOURA/REUTERS
vrier. J’ai une grande marge de pro-
gression dans ce domaine. Désor-
mais, je connais mieux mon corps, je
sais quand il faut s’entraîner ou juste
aller en salle de gym. »
Son revers à deux mains, « son
coup préféré », sa prise de balle
précoce et sa capacité à accélérer le
jeu à n’importe quel endroit du
court constituent ses forces princi-
pales. Ses frappes de mule en coup
droit écœurent ses adversaires.
Même Djokovic. Son service, son
manque de folie parfois et l’absen-
ce de variété dans son jeu sont des
chantiers qu’il a bien travaillés en
2023. Sa première balle de service
est désormais d’une efficacité re-
doutable et l’Italien ne se montre
plus trop maladroit dans le petit
jeu. Annoncé comme l’un des ri-
vaux de Carlos Alcaraz, il pourrait
bien entrer en 2024 dans la course à
la place de numéro 1 mondial avec
l’Espagnol et l’insubmersible
Djokovic. ■
depuis le 16 septembre, forts
d’une solidité défensive retrouvée
(aucun but encaissé en cham-
pionnat depuis le 8 octobre), à
l’image d’un Brice Samba attendu
à son meilleur niveau en C1 et
d’un classement plus en adéqua-
tion avec leurs ambitions en
championnat, les Nordistes ont les
armes pour rêver en grand. Et
écrire l’une des plus belles pages
de leur histoire. ■
5E JOURNÉE
LIGUE DES CHAMPIONS
mer.
GR. A GALATASARAY MAN. UNITED
18h45
GR. B SÉVILLE beIN PSV EINDHOVEN
GR. A BAYERN M. 21h COPENHAGUE
GR. B ARSENAL C+ RMC LENS
GR. C REAL MADRID beIN NAPLES
GR. C BRAGA - UNION BERLIN
GR. D BENFICA - INTER MILAN
GR. D R. SOCIEDAD - SALZBOURG
finale (3-3, 4-2 aux tirs au but).
Les Bleus de Jean-Luc Vannuchi
auront fort à faire contre des
Allemands qui les avaient battus
en juin dernier en finale de l’Euro
(0-0, 5-4 tab). Signe d’une
nouvelle génération dorée,
les U17 disputeront leur
deuxième finale internationale
en six mois et essaieront
de succéder aux Bleus titrés
de 2001, victorieux du Nigeria
(3-0). Rendez-vous samedi
à 13 heures (chaîne L’Équipe). B. D.
 le figaro mercredi 29 Novembre 2023

LE CARNET DU JOUR
Les annonces sont reçues
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Saint-Jeannet Pierre-Olivier,
(Alpes-Maritimes). ses enfants,
Renata, sa belle-fille,
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ses enfants et petits-enfants ses gendres,
ses onze petits-enfants,
ont la douleur leurs conjoints
de faire part du décès de et son arrière-petit-fils
M. Pierre Roger BLANC ont la douleur
de faire part du décès de
survenu le 27 novembre 2023,
à l'âge de 98 ans.
Josyane CHARTIER
née Sayag,
La comtesse de Chabannes survenu le 23 novembre 2023,
La Palice Tournon, à Piriac, dans sa 84e année.
le comte et la comtesse La cérémonie religieuse
Jacques de Chabannes sera célébrée
La Palice Tournon,
M. et Mme Bernard Emié,
le vendredi 1er décembre,
à 10 heures, en la cathédrale
ses enfants, Saint-Louis de Choisy-le-Roi
Hortense, Antoine et Domitille,
(Val-de-Marne).
Camille,
Charles et Constance, Pauline,
Ni fleurs ni couronnes,
des dons sont possibles
Louis, aux institutions religieuses
Adhémar,
ses petits-enfants
et caritatives.
et son arrière-petit-fils,
M. et Mme Yves de Lafforest,
M. et Mme
Antoine Guillon-Laynat,
ses enfants,
Brieux, Arnaud, Philippine,
Marie, Clémence et Édouard,
ses petits-enfants,
Mme Jean-Claude Guillon,
sa belle-sœur,
et son fils Patrick,
ses neveux et nièces
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
M. Paul GUILLON
survenu le 25 novembre 2023,
à l'âge de 90 ans, muni
des sacrements de l'Église.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le vendredi 1er décembre,
à 11 heures, en l'église
Notre-Dame-de-Compassion,
place du Général-Kœnig,
à Paris (17e).
Ni fleurs ni couronnes.
Paris. Reims.
Mme Michel Hébert,
sa belle-sœur,
Mme Ingrid Loyau,
sa nièce,
M. Michel Stofer,
son filleul,
ont le grand chagrin
de faire part de la mort de
Mlle Marie-Françoise LOYAU
fille de Marcel Loyau
et Madeleine Pottier,
le 16 novembre 2023,
à l'âge de 72 ans.
La cérémonie religieuse
aura lieu
en l'église Saint-Nicolas
de Maisons-Laffitte,
le mercredi 6 décembre,
à 10 h 30, suivie de l'inhumation
dans le caveau familial du
cimetière de Maisons-Laffitte.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Paris. Vérone (Italie).
Le Seigneur a rappelé à Lui
Mme Jacqueline NAULT
le samedi 25 novembre 2023,
à l'âge de 87 ans.
Elle laisse dans la peine
ses enfants, petits-enfants
et arrière-petits-enfants.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le vendredi 1er décembre,
à 10 h 30, en l'église
Notre-Dame-du-Chêne,
à Viroflay.
Elle sera inhumée
dans sa terre natale,
au cimetière d'Aubenas,
le samedi 2 décembre,
à 11 heures.
Sa famille remercie
tous ceux qui l'ont soutenue
par leurs prières,
ainsi que le personnel
soignant de l'hôpital Percy
de Clamart.
Elle restera dans nos cœurs
par sa générosité, son amour,
sa foi et sa personnalité
remarquable.
15
Bernard et Sophie Vitoux,
Christine et René Brot,
Thierry et Marie-Pia Vitoux,
Patrick et Anne Vitoux,
ses enfants,
ses 13 petits-enfants,
ses 4 arrière-petits-enfants
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Mme Jacques VITOUX
née Colette Fournier,
le samedi 25 novembre 2023,
à l'âge de 93 ans.
La cérémonie religieuse aura
lieu le vendredi 1er décembre,
à 14 h 30, en l'église
Saint-Honoré-d'Eylau,
Paris (16e).
L'inhumation se déroulera
le lundi 4 décembre,
à 10 heures,
au cimetière de la Madeleine,
à Amiens (Somme).
Cet avis tient lieu de faire-part.

01 56 52 27 27 Nicole et Alexandre Gros Mme Francesca Lunel,

sa sœur et son beau-frère, son épouse,
ont la tristesse Mme Bruno Wattel,
de vous faire part du décès du ses neveux et nièces, M. et Mme née Catherine Dansette,
ses petits-neveux Nicolas et Sophie Lunel,
sur notre site comte de CHABANNES et petites-nièces, Jean-Bernard et Charlotte
Bertrand de Lamotte de Règes,
M. et Mme Didier Binet,
son épouse,
Le soir venu, Jésus dit : ses arrière-petits-neveux Lunel,
LA PALICE TOURNON le général et Mme Guillaume Stéphane et Marine Jézéquel,
carnetdujour.lefigaro.fr « Passons sur l'autre rive. »
Marc 4, 35-41.
et arrière-petites-nièces ses fils et belles-filles,
du Breil de Pontbriand, Thibault, Maxime, Mélanie,
survenu le 25 novembre 2023, M. et Mme Pauline, Charlotte et Gauthier,
ont la tristesse de faire part Valentine, Adrien, Fleur,
à l'âge de 97 ans. Fabrice de Boisanger, Adrien Wattel,
Tarif de la ligne € TTC : Le docteur et Mme
Jean-Luc Deliry,
du rappel à Dieu de ses petits-enfants,
M. et Mme Augustin et Juliette,
La cérémonie religieuse Erwann Deschamps Elodie Wattel,
Du lundi au jeudi sera célébrée en l'église
M. et Mme Augustin
de Champeaux de la Boulaye,
M. Remy HÉBERT ont la grande peine
de faire part du décès de
ses enfants et petits-enfants,
de Trévol (Allier), vous font part
26 € jusqu’à 25 lignes le vendredi 1er décembre,
Mlle Brigitte Deliry,
ses enfants,
le 27 novembre 2023, du rappel à Dieu de font part du rappel à Dieu de
à 15 h 30. dans sa 99e année.
24 € à partir de 26 lignes M. Bernard LUNEL Marie-Thérèse SIBEN-ROY
Adrien et Francesca, La messe d'obsèques née du Faÿ de Choisinet, M. Bruno WATTEL
Vendredi ou samedi Julie et Daniel, sera célébrée dans l'intimité,
Héloïse et Martin, le jeudi 30 novembre, à 14 h 30, survenu le 23 novembre 2023,
le 27 novembre 2023, munie
29 € jusqu’à 25 lignes Louise Chanoine, Antoine et Margaux, en l'église Notre-Dame- à l'âge de 78 ans, à Paris.
des sacrements de l'Église. le 25 novembre 2023,
Clémence O'Neill, Pierre et Elodie, Marie, des-Blancs-Manteaux, à l'âge de 82 ans.
27 € à partir de 26 lignes Augustin Chanoine, Arthur et Sabine, à Paris (4e). La cérémonie religieuse
La messe d'enterrement
Hugues Chanoine, Laurène et Victor, sera célébrée en l'église
sera célébrée La cérémonie religieuse
Réduction à nos abonnés : ses enfants, Victor et Mopelia, San-Martino-Vescovo,
le vendredi 1er décembre, sera célébrée
et leurs conjoints, ses petits-enfants, à San-Martino-Buon-Albergo
à 14 heures, en l'église en l'église d'Eygalières,
nous consulter et ses 21 arrière-petits-enfants
Lyon.
(Italie),
de Solesmes (Sarthe). le vendredi 1er décembre,
Inès, Pia, Marie et Anna, le vendredi 1er décembre,
Chantesse (Isère). à 10 h 30.
ses petites-filles, ont la grande tristesse à 15 heures.
Naissances, Commémoration, L'inhumation aura lieu
de faire part du rappel à Dieu de
Bruno Helly d'Angelin, au cimetière L'inhumation aura lieu
Adoptions, Signatures, ont la tristesse son époux, d'Argenton-Notre-Dame le mardi 5 décembre,
Baptêmes, Départsen de vous faire part du décès de (Mayenne). à 14 heures, au cimetière
Mme Monique DELIRY Thierry et Christine de Roubaix, allée 4,
Fiançailles, retraite, « Manouk »,
Mme Hubert CHANOINE Helly d'Angelin, où ils seront heureux
Mariages, Vœux, née Camille Guignot, Olivier et Sandrine de partager un temps de prière
Anniversaires, Deuils, Helly d'Angelin, avec la famille
à l'âge de 78 ans. le 27 novembre 2023, François de Maintenant,
Centenaires, Condoléances, ses enfants, et les amis du Nord.
dans sa 97e année, munie son époux, Arradon (Morbihan).
FêtedesMères, Remerciements, La cérémonie religieuse des sacrements de l'Église.
Gonzague, Florence, Charles,
FêtedesPères, Souvenirs, sera célébrée Aymeric, Geoffrey, Grégoire, Florence et Michel Hadengue, Isabelle Suzor,
le jeudi 30 novembre 2023, La cérémonie religieuse Véronique et Nicolas de Rosny, née Jolicoeur, son épouse,
Saint-Valentin, Messeset Guilhem et Maxence,
à 10 h 30, en l'église sera célébrée Sabine et Pascal Michel et Rémi,
anniversaires, ses petits-enfants,
Noces, Sainte-Cécile, 44, rue de l'Est, le samedi 2 décembre, à 14 h 30, de Peyrelongue, ses fils,
Communica- Officesreligieux, à Boulogne-Billancourt. en l'église Saint-Martin Domitille et Damien Goullon, ses petits-enfants En union avec
ont la tristesse
tionsdiverses, d'Allériot (Saône-et-Loire). ses enfants, Jacques Wolff (†),
Prised’habit, de vous faire part
L'inhumation aura lieu du rappel à Dieu de ont la tristesse chevalier
Conférences, Jubilé, Ni fleurs ni couronnes. Ségolène Hadengue, de vous faire part du décès de de la Légion d'honneur,
le vendredi 1er décembre,
Thèses, Jubilésacerdotal, à 14 h 30, Micheline HELLY d'ANGELIN Clémence et Emmanuel officier
Portesouvertes, Ordination, au cimetière Notre-Dame née Heyndrickx, Rostand, M. Daniel SUZOR de l'ordre national du Mérite,
de Granville (Manche). Antoine et Mélany Hadengue, croix de guerre 1939-1945,
Distinctions, Vœux François et Noémie Hadengue, survenu le 26 novembre 2023, son époux,
Nominations, monastiques. le 26 novembre 2023,
Ni fleurs ni couronnes, dans sa 93e année, à Lyon. Alix, Paul, Amaury de Rosny, à l'âge de 81 ans.
mais des dons à Aude, Mathilde, Laure, Christian et Sonja Wolff,
agirpourlecambodge.org Le Dorat (Haute-Vienne). Marine de Peyrelongue, La cérémonie religieuse Alain (†) et Marie-Claude
Reprise des annonces sur : La messe d'A-Dieu aura lieu
le vendredi 1er décembre, Etienne, Tiphaine, sera célébrée Wolff,
Mme Jean Ducoux, à 10 h 30, en l'église Alexandre Goullon, le vendredi 1er décembre, Gilbert et Brigitte (†) Wolff,
carnetdujour.lefigaro.fr sa mère, Saint-Pothin, Lyon (6e). ses petits-enfants, à 14 h 30, en l'église Marguerite (†) et Gilbert
Saint-Pierre d'Arradon. Gréco,
www.dansnoscoeurs.fr Bruno Coiraton,
son époux,
Marie-Françoise et René Baud,
Benoit et Françoise Ducoux,
ses cinq arrière-petits-enfants
Cet avis tient lieu de faire-part.
Michèle et Jean-Paul (†)
Nivière,
Caroline, sa fille, Emmanuel et Laure Ducoux, ont la tristesse Jacqueline et Patrice
et son époux Nicolas, ses sœur, frères, beau-frère, Les familles de vous faire part du décès de Pananidès,
Eva et Juliette, belles-sœurs, Baghdadlian-Kamer, Leloup, ses enfants,
ses petites-filles adorées, ses filles, ses 14 petits-enfants,
ses neveux et petits-neveux ses petits-fils, Marie-Hélène ses 21 arrière-petits-enfants
communications ont la douleur ses neveux et petites-nièces de MAINTENANT Valence (Drôme).
de faire part du décès de ont le profond chagrin née Tenneson, ont l'immense tristesse
ont la profonde tristesse Pierre-Yves Tézier (†), de vous faire part du décès,
La Dernière Histoire juive de faire part du décès du
de vous faire part Brigitte Tézier-Gouin, à l'âge de 105 ans, de
âge d'or Mme Mariola COIRATON Hervé et Emmanuelle Tézier,
née Konarzewska, du rappel à Dieu de à l'âge de 80 ans.
et déclin de l'humour juif, ses enfants,
père Bruno DUCOUX Stéphane, Flora, Marcellin,
survenu le 26 novembre 2023, Hélène LELOUP La cérémonie religieuse Véronique WOLFF
une rencontre-lecture chevalier Laurène, Hortense,
est organisée avec à l'âge de 87 ans, sera célébrée née Gerber,
de la Légion d'honneur, ses petits-enfants, « Bonnie »,
à Cannes (Alpes-Maritimes). survenu le 26 novembre 2023, le jeudi 30 novembre 2023,
chevalier des Arts et Lettres, les familles Tézier et Montazel médaille d'or
Michel Wieviorka, à l'âge de 70 ans. à 14 h 30, en l'église
Gilles Rozier, La cérémonie religieuse Notre-Dame-du-Chêne de la ville d'Hyères,
le 24 novembre 2023. ont la tristesse
Daniel Kenigsberg sera célébrée La cérémonie religieuse de Viroflay (Yvelines).
de vous faire part
et Ariane Singer, le vendredi 1er décembre, sera célébrée en la collégiale
La cérémonie religieuse du rappel à Dieu, auprès de survenu le 25 novembre 2023,
à 14 h 30, en l'église Saint-Pierre-ès-Liens, L'inhumation aura lieu
sera célébrée ceux qui lui étaient si chers, de munie des sacrements
le lundi 4 décembre 2023, Notre-Dame-du-Point-du-Jour, au Dorat, le vendredi 1er décembre,
20, rue des Aqueducs, Lyon (5e), le vendredi 1er décembre 2023, le vendredi 1er décembre, à 15 heures, au cimetière de l'Église.
à 20 heures, à 14 h 30, Mme Monique TÉZIER
téléphone 01 42 10 10 36. suivie de l'inhumation à 10 heures. de Saint-Cast-le-Guildo
en l'église de la Madeleine, née Montazel, La messe d'A Dieu aura lieu
au cimetière de Loyasse ancien, (Côtes-d'Armor).
46, rue du Cardinal-Gerlier, 3, promenade Venezia, place de la Madeleine, le vendredi 1er décembre,
Centre d'art et Paris (8e). à l'âge de 91 ans.
de culture-Espace Rachi, Lyon (5e). 78000 Versailles. 7, rue Jean-Mermoz, à 10 heures, en la chapelle
39, rue Broca, Paris (5e). 78220 Viroflay. Saint-Nicolas des Salins,
On y associera le souvenir de La messe de funérailles à Hyères, suivie de l'inhumation
www.culture-juive.fr Cet avis tient lieu de faire-part. sera célébrée
Henri Kamer au cimetière de Hyères.
et Philippe Leloup. par le père Benoît Pouzin,
le lundi 4 décembre 2023,
Ni fleurs ni couronnes, à 9 h 30, en l'église
Chantal Evain, des dons au profit de la
Société des Amis du musée
Sainte-Catherine, à Valence.
messes
née Berthier de Grandry,
son épouse, du quai Branly-Jacques Chirac : Orcines (Puy-de-Dôme).
et anniversaires
FR76 1027 8061 2400 0205
Mme Jacques Huteau, 2810 191 M. et Mme
sa mère, et de l'Association Anemon Jean-Christophe de Guérines, Mme Patrick Le dimanche 3 décembre 2023,
(École de Kori Maoundé, Mali) M. Bertrand de Guérines Trolley de Prévaux, pour le vingtième anniversaire
Cédric Evain, IT08 X030 6909 6061 0000 et Anne Pataux, son épouse, du rappel à Dieu de
Stanislas Evain, 0115 537 M. et Mme Edouard Feinstein,
Bérénice et Nicolas Challe, M. Amable de Guérines, Prisca Trolley de Prévaux,
Priscilla et Damien de Gironde, ses enfants, Florent Trolley de Prévaux, Serge DUPONT
ses enfants, Marine et Benoît Bucco, 1932-2003,
Paul, Morgane et Aurélien, ses enfants,
Gabriel, Alix et Arthur, Emmanuel Kasarhérou, Gladys et Maximilian, Aliénor,
Côme, Baptiste et Diego, président du Isaure et Marwan, Gabriel et Celeste, la messe de 11 h 30,
ses petits-enfants, musée du quai Branly- François-Xavier, Aurore, ses petits-enfants, en l'église Sainte-Jeanne-d'Arc
Jacques Chirac Godefroy, Enguerrand, de Versailles,
ses frères et sœurs, ses petits-enfants, ont l'immense tristesse sera célébrée à son intention.
beaux-frères et belles-sœurs ainsi que l'ensemble de vous faire part du décès de
du personnel du musée Alexandre, Adaline, Maël,
ont la tristesse de faire part ses arrière-petits-enfants, Patrick TROLLEY de PRÉVAUX
du rappel à Dieu de ont appris avec tristesse
la disparition de font part du rappel à Dieu de survenu le 25 novembre 2023, souvenirs
dans sa 72e année, muni
Patrick EVAIN des sacrements de l'Église.
Hélène LELOUP Marie-Hélène
collectionneuse, MICOLON de GUÉRINES La cérémonie religieuse Il y a dix ans,
le 26 novembre 2023. marchande d'art, née Durand, sera célébrée le 29 novembre 2013,
spécialiste le vendredi 1er décembre,
MESSES, SOUVENIRS La messe d'A-Dieu de l'art du pays Dogon, à 10 h 30,
sera célébrée commissaire d'exposition le 26 novembre 2023, en l'église Sainte-Cécile, Laetitia d'ORNANO
Annoncez-les le jeudi 30 novembre, à 10 h 30, et ancien membre à l'âge de 83 ans, à Orcines. 44, rue de l'Est,
en l'église de la commission à Boulogne-Billancourt.
dans le Carnet du Jour Notre-Dame-de-l'Assomption des acquisitions du musée, La cérémonie religieuse nous quittait.
de Chantilly, sera célébrée Vous pouvez remplacer
Téléphone : 01 56 52 27 27 suivie de l'inhumation en l'église Saint-Julien, les fleurs par un don à A2MCL Que ceux qui l'ont connue
carnetdujour@media.figaro.fr au cimetière Saint-Pierre et s'associent au deuil à Orcines, (Association des aidants et aimée aient une prière
de Chantilly. de la famille. le samedi 2 décembre, à 10 h 30. et malades à corps de Lewy). ou une pensée.
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
16 CHAMPS LIBRES
ENQUÊTE
Kaïs Saïed, le grand
inquisiteur
Thierry Portes
£@ThDoors
epuis qu’à Tunis le président Kaïs
D le nombre d’opposants
Saïed embastille tous ses oppo-
sants, Mouhieddine Cherbib et Ka-
mel Jendoubi ont relancé, à Paris,
les activités du Comité pour le res-
pect des libertés et des droits de
l’homme en Tunisie. Ils avaient
créé ce CRLDHT en 1996, alors que, exilés politiques
en France, ils entendaient défendre ceux que le dic-
tateur Ben Ali jetait en prison. La révolution de 2011
leur permit de revenir dans leur pays de naissance.
Kamel Jendoubi présida même l’instance chargée de
superviser les élections de l’Assemblée constituante
tunisienne. Mais après dix années d’allers et retours
entre les deux rives de la Méditerranée, ces deux
Franco-Tunisiens ont de nouveau été assignés à rési-
der dans leur pays d’adoption.
Comme eux, de très nombreux Tunisiens ont re-
pris le chemin de l’exil parisien. Ce microcosme de
laïcs et islamistes confondus, comme du temps de
Ben Ali, converse sur l’application cryptée Signal,
s’entraide et se réunit. Certes les corps ont vieilli,
l’encre des « ronéos » a été remplacée par les visio-
conférences, mais l’esprit de résistance demeure, et
il y a parfois encore, pour ceux que la nationalité
française protège, quelques manifesta-tions à Ré-
publique…
Une dizaine de mandats d’amener
internationaux
« Nous avons remis en service le CRLDHT pour pré-
server la liberté d’expression – un acquis de la révolu-
tion - contre une nouvelle dictature », proclame Mou-
hieddine Cherbib. Kamel Jendoubi assure, lui, qu’il
aurait bien répondu en personne au juge, mais il ne
veut pas à son âge être retenu en Tunisie ou, pire, se
retrouver dans une geôle. Ils sont plusieurs dans son
cas à vivre en France, pour avoir fui la justice de leur
pays. Un magistrat du pôle antiterroriste de Tunis
vient d’ailleurs de rédiger une dizaine de mandats
d’amener internationaux, notamment contre l’an-
cien premier ministre Youssef Chahed, l’ex-direc-
trice du cabinet de Kaïs Saïed Nadia Akacha, et plu-
sieurs personnalités et dirigeants du parti Ennahdha.
Tomber entre les mains de la police ou de la justice
en Tunisie, c’est tomber dans un trou noir. « Depuis
le coup de force de Kaïs Saïed, affirme Kamel Jendou-
bi, ce sont les mêmes traitements judiciaires que l’on
dénonçait sous Ben Ali ; on revit en partie la même
horreur. »
L’affaire dans laquelle il est cité, emblématique
des dérives du pouvoir tunisien, a démarré en fé-
vrier dernier. Elle réunit des opposants politiques,
des activistes des droits de l’homme, des responsa-
bles de partis, d’anciens députés ou ministres, des
A
avocats, et même les diplomates de nombreux pays,
dont l’ancien ambassadeur de France en Tunisie.
Le président tunisien
Parce que certains se rencontraient, que d’autres se
connaissaient, que plusieurs échangeaient sur la
manière de faire tomber le régime de Kaïs Saïed ou
concurrence désormais
simplement partageaient un café ou un taxi, tous
sont suspectés d’avoir « conspiré contre la sécurité
son prédécesseur, feu intérieure et extérieure de l’État ». Les diplomates
ont été discrètement sortis du dossier. Mais plus de
le dictateur Ben Ali, pour vingt autres personnes sont encore poursuivies,
dont six sont toujours en prison depuis neuf mois :
l’activiste politique Khayem Turky, le responsable
du parti islamiste Ennahdha Abdelhamid Jelassi, le
que sa police judiciaire secrétaire du parti al-Joumhouri (Le Républicain)
Issam Chebbi, la figure de la gauche tunisienne
inquiète. Responsables Jaouhar Ben Mbarek, les avocats Ghazi Chouachi et
Ridha Belhaj…
politiques, activistes,
Selon le dossier établi par le CRLDHT, cette affaire
a démarré le 10 février 2023, quand le président Kaïs
Saïed a enjoint à sa ministre de la Justice d’ordonner
défenseurs des droits au parquet une enquête sur un supposé « complot
contre la sécurité de l’État ». Le chef de l’État venait
de l’homme, syndicalistes, de recevoir un rapport des forces de sécurité et la
ministre une lettre de l’Unité de recherches sur les
chefs d’entreprise, crimes terroristes. La ministre saisit le jour même le
parquet. Les premières arrestations d’opposants
journalistes : la liste sont effectuées.
est longue.
« 17 chefs d’accusation sans contenu »
Le 14 février, le président Kaïs Saïed se rend au mi-
nistère de l’Intérieur pour remercier les policiers et
afficher sa détermination à suivre personnellement
cette affaire. « Ceux qui ont été arrêtés sont des terro-
ristes », dit-il ce jour-là. « Existe-t-il un pays dans le
monde et dans l’histoire qui cherche l’assassinat du
président de la République ? », s’interroge-t-il enco-
Palerme re. Kaïs Saïed multipliera les interventions dans le
Mer Méditerranée dossier judiciaire et les sentences définitives : « des
Sicile individus, pris sur le fait, les forces de police doivent in-
Tunis (ITALIE)
tervenir et prévenir le parquet »… «Le parquet doit
Annaba agir par lui-même »… « les juges doivent assumer
Pantelleria leurs responsabilités historiques »… «L’histoire a
(IT.) prouvé leur culpabilité avant que les tribunaux ne s’en
Constantine
chargent »…
Sousse
Le 24 février, le parquet antiterroriste ouvre une
instruction sur « un complot contre la sûreté intérieu-
Sfax Lampedusa re et extérieure de l’État », et le juge émet une série de
ALGÉRIE (IT.) mandats de dépôt. Mais, selon l’avocate Dalila Msa-
dek, sœur de l’activiste Jaouhar Ben Mbarek inculpé
Djerba dans cette affaire, « le dossier est vide » et repose sur
« 17 chefs d’accusation sans contenu », « dix tirés du
TUNISIE Zouara code antiterroriste et 7 du code pénal ». « C’est une af-
faire politique », « aucun détenu n’a été interrogé sur
Tripoli ces chefs d’accusation », poursuit l’avocate, « le juge
d’instruction n’ayant à ce jour posé que des questions
sur l’identité des mis en examen et les relations que les
uns entretenaient avec les autres ». Pour ses prises de
LIBYE
100 km
Depuis le coup de force de Kaïs Saïed,
ce sont les mêmes traitements judiciaires
que l’on dénonçait sous Ben Ali
KAMEL JENDOUBI, ANCIEN PRÉSIDENT DE L’INSTANCE CHARGÉE DE SUPERVISER
LES ÉLECTIONS DE L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE TUNISIENNE
Kaïs Saïed en 2021,
à Tunis. FETHI BELAID/AFP
position publiques, Me Msadek a été encore mardi
convoquée par la Justice, qui la poursuit pour attein-
te au secret de l’instruction.
Les enquêteurs ont saisi les ordinateurs et télépho-
nes des prévenus, remontant l’historique de leurs
relations et retraçant leurs conversations. Que les
codes informatiques aient été cassés pour faire
« parler » les portables des prévenus panique les op-
posants au régime, qui se croient espionnés à chaque
coup de téléphone…
Concrètement, l’acte d’accusation repose sur trois
« informateurs », dont l’identité est toujours tenue
secrète. Il y a « X », qui a indiqué qu’un avocat rece-
vait chez lui des connaissances également connues. Il
y a « XX », qui a dénoncé les relations que l’une des
personnes aujourd’hui incarcérée entretenait avec
des personnalités politiques d’opposition. Et enfin
« XXX », qui est venu rapporter que « des conversa-
tions fréquentes dans la communauté tunisienne vivant
en Europe, notamment en France et en Belgique, indi-
quent l’existence d’un projet de renversement du régi-
me de l’État tunisien ainsi que la destitution du prési-
dent de la République, Kaïs Saïed ». Là, l’affaire prend
une autre dimension, car de fil en aiguille, par per-
sonnes interposées, « XXX », qui renseigne l’ins-
truction sur ce complot ourdi depuis l’étranger hos-
tile, en vient à citer le nom de BHL - oui Bernard-
Henri Lévy ! -, apportant à ce dossier une ultime
touche de crédibilité…
L’état d’urgence décrété depuis fin 2015
Dans l’attente d’éléments sérieux à charge, de nom-
breuses autres affaires paraissent également répon-
dre à des considérations politiciennes. Sont ainsi
poursuivis dans d’autres dossiers, l’ancien président
de la République de 2011 à 2014, Moncef Marzouki, le
président du Front de salut national, principale
structure regroupant aujourd’hui les opposants poli-
tiques, Ahmed Néjib Chebbi, des anciens députés,
des activistes… et aussi des juges, des avocats, des
défenseurs des droits de l’homme, des journalistes,
des blogueurs, des syndicalistes, des fonctionnai-
res… En ce mois de novembre, furent à leur tour
poursuivis et incarcérés Riadh Ben Fadhel, le coordi-
nateur du parti al-Qotb (centre gauche), le grand
patron Marouane Mabrouk, et l’ancien ministre sous
Ben Ali Abderrahim Ziouari. Quand le « complot
contre l’État » n’est pas invoqué, ce sont, parmi
d’autres motifs, « la diffusion de fausses informa-
tions », « l’outrage au président », la « corruption »,
ou encore « l’atteinte à la dignité de l’armée »…
Rached Ghannouchi, le président du parti islamis-
te Ennahdha honni du chef de l’État, est un cumu-
lard. Arrêté et entendu plusieurs fois, cet homme de
82 ans à la santé fragile, a été jeté en prison le 17 avril
dernier. Il est reproché à celui qui était alors prési-
dent de l’Assemblée une réunion du Parlement en
visioconférence où fut votée l’abrogation des pleins
pouvoirs que venait de s’arroger Kaïs Saïed, un acte
de « sédition » aux yeux du pouvoir. Rached Ghan-
nouchi est aussi poursuivi dans l’affaire dite de
« l’Association Namaa », suspectée d’avoir permis à
sa formation de blanchir de l’argent, notamment
reçu de l’étranger. Son nom est également cité dans
l’affaire « Instalingo », une société de médias accu-
sée de « complot contre la sécurité de l’État » car elle a
dénigré le pouvoir.
L’affaire « Tasfir » - l’envoi de djihadistes sur des
zones de conflits – a, elle, tout d’une affaire d’État.
Depuis des années les forces sécuritaires accusent le
parti islamiste d’avoir poussé des jeunes Tunisiens à
se battre en Syrie ou en Libye. Un dossier judiciaire
repose sur les dires d’un policier qui affirme avoir
entendu Rached Ghannouchi converser avec des
membres du groupe terroriste Ansar al-Charia. Dans
une autre affaire, Rached Ghannouchi est suspecté
d’avoir mis en place « une organisation secrète » afin
de noyauter l’État. Avec leur chef, quasiment tous les
responsables d’Ennahdha sont poursuivis dans un
dossier ou un autre. Ce parti, qui fut le premier du-
rant toute la transition démocratique qu’il incarna,
est aujourd’hui décimé par les affaires, pour le plus
grand ravissement de Kaïs Saïed.
Sous la conduite de son nouvel autocrate, la Tuni-
sie semble ainsi avoir vraiment refermé son expé-
rience démocratique commencée lors de sa révolu-
tion de 2011. Sous la menace terroriste, l’état
d’urgence avait déjà été décrété fin 2015, et le pays
n’est depuis lors jamais sorti de cette situation déro-
gatoire. Elle accorde aux policiers de très larges pré-
rogatives, notamment la possibilité de perquisition-
ner et de contrôler les médias sans autorisation
judiciaire préalable. L’actuel président, Kaïs Saïed, a
en outre décrété « l’état d’exception » le 25 juillet
2021, le justifiant par « un péril imminent menaçant
l’intégrité nationale », ce qui lui a permis de s’arroger
les pleins pouvoirs. Le pays ne semble pas non plus en
être sorti. La mainmise du politique sur la justice, et
le très fréquent recours aux procédures antiterroris-
tes, fondées sur des accusations de « complot contre
la sécurité de l’État », conduisent désormais la plu-
part des prévenus devant les tribunaux militaires. ■
»
 LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023

POLITIQUE CHAMPS LIBRES 17

Quelles sont les clés 1 Une popularité qui s’envole

de la popularité d’Attal ?
ÉVOLUTION DE LA COTE DE POPULARITÉ DE GABRIEL ATTAL SELON..., en %
... Ifop ... Kantar ... Ipsos ... Harris interactive
50 51
47
45 44

40 40
que les ouvriers (36 %), mais il réduit 38 39
l’écart sur l’échelle de la formation sco- 36
35
Guillaume Tabard laire en gagnant 20 points chez les non- 34
£@GTabard diplômés contre 6 chez les titulaires d’un 34
30
diplôme supérieur.
Sur le plan politique, son image s’est
25
droitisée. Conséquence de sa décision sur 27
le port de l’abaya ? En mars, il avait une Ministre de
20 21
SONDAGES Nommé ministre de l’Édu- popularité quasi identique dans les élec- l’Éducation nationale
cation nationale il y a quatre mois, torats de Marine Le Pen et de Jean-Luc Ministre délégué chargé des Comptes publics et de la Jeunesse
15
Gabriel Attal s’est aussitôt installé dans le Mélenchon. Il fait maintenant le double mai juin juil. août sept. oct. nov. déc. janv. fév. mars avril mai juin juil. août sept. oct. nov.
sommet des baromètres de popularité. auprès des sympathisants de la première 2022 2023
Au point d’être déjà cité parmi les candi-
dats potentiels de la majorité à la prési- Son arrivée (53 % de bonnes opinions, un peu mieux
même que sa moyenne générale, contre
ÉVOLUTION DE LA SOCIOLOGIE DES FRANÇAIS DIFFÉRENCE ENTRE
dentielle de 2027. Quelles sont les carac-
téristiques de son image ? à l’Éducation 27 % chez les soutiens du second).
Enfin, cet élu des Hauts-de-Seine, que AYANT UNE BONNE OPINION DE LUI EN 2023 SELON L’IFOP, en % NOVEMBRE ET MARS
en points

UNE PERCÉE INÉDITE QUI

nationale l’a fait l’on dit tenté par la mairie de Paris, fait
désormais mieux dans les communes ru-
Mars Juillet Novembre

❙ LE HISSE SUR LE PODIUM entrer dans le top 3 rales (58 %, avec une progression de
22 points, comparé à l’avant-Éducation
Ensemble des Français
SEXE
10 20 30

37 40
40 50

51
60 70 80 90
+ 14

La percée de Gabriel Attal est à la fois

spectaculaire et inédite par son ampleur des personnalités, nationale) que dans l’agglomération pa-
risienne (51 % avec une hausse moitié Homme
33 39 47
+ 14
et sa rapidité. Dans le palmarès des per-
sonnalités Ifop-Fiducial pour Paris aux côtés moindre).
Femme
40-40 55
+ 15
Match et Sud Radio, il a gagné 8 points en
d’Édouard Philippe UN POTENTIEL
une seule vague, entre sa nomination et
la rentrée de septembre, avant de gagner
à nouveau 3 points. À 51 % de bonnes et de Marine Le Pen.
❙ ÉLECTORAL PRÉCOCE
Le principal atout de Gabriel Attal est
ÂGE
18-24 ans
26 31 32
32 35 40
+3

opinions, il est désormais deuxième du que, à cette bonne image personnelle, 25-34 ans +5

classement général, derrière Édouard correspond un solide potentiel électoral. 34 35 46

35-49 ans + 12
Philippe et devant Bruno Le Maire. En En octobre, son nom a été testé pour la
38 39 60
mai, avant sa promotion, il n’était qu’à première fois par l’Ifop, pour Le Figaro et 50-64 ans + 22
la douzième place. Dans le baromètre Sud Radio, comme candidat potentiel du 49 54 69
Kantar Public-Epoka, qui mesure la cote camp macroniste à la prochaine prési- 65 ans et plus + 20
d’avenir pour Le Figaro Magazine, il a dentielle. D’emblée, il a été mesuré à
CATÉGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLES
gagné 13 points depuis juillet, à 34 %, 19 %, soit plus bas qu’Édouard Philippe
36 41 46
décrochant la troisième place derrière le (25 %), mais plus haut que Bruno Le Mai- Artisans, commerçants + 10
maire du Havre et Marine Le Pen, qu’il re (18 %) et Gérald Darmanin. Ce niveau 40 42 51
vient de doubler pour Ipsos-Le Point est significatif dans la mesure où Attal Cadres, prof. intellectuelles + 11
avec 39 % de « satisfaction » contre 28 % n’était pas encore estampillé « présiden- 30 32 50
Prof. intermédiaires + 20
avant l’été. Avec une nouvelle forte pro- tiable », contrairement aux trois autres,
gression en novembre (+ 5), il domine le dont le nom avait déjà été testé. 29 34 46
Employés + 17
classement des ministres Harris Interac- Ces quatre figures de la majorité ont une
26 29 36
tive-LCI, avec un taux de confiance de structure électorale voisine : un soutien Ouvriers + 10
47 %, supérieur de 10 points à celui de avant d’atteindre un plafond de 45 % en plus fort auprès des femmes que des 49 51 70
Gérald Darmanin et de 11 points à celui décembre 2020. Sous François Hollande, hommes, une grande force chez les plus Retraités + 21
de Bruno Le Maire. Pour Odoxa-Public Vincent Peillon (53 % fin 2012) et Najat de 65 ans et les catégories supérieures et NIVEAU D’ÉTUDES
Sénat, il est l’un de ceux qui inspirent le Vallaud-Belkacem (52 % en mars 2015) une grande faiblesse chez les moins de 27 47 50
moins de rejet. avaient conservé une popularité élevée. 35 ans et dans les catégories populaires, Diplômé du supérieur + 20
Gabriel Attal n’était pas totalement un un poids plus fort en Île-de-France qu’en 37 40 53
inconnu. Entré au gouvernement en oc- province. Il n’y a au fond aucune catégo- Bac+2 + 13
tobre 2018, il est apparu dans le baromè-
tre Ifop-Paris-Match en juillet 2020 (à
21 %) et dans Kantar-Le Figaro Magazine
❙ UN TABAC AUPRÈS
DES PLUS ÂGÉS
À qui plaît Gabriel Attal ? On pourrait
rie auprès de laquelle l’un des quatre bé-
néficie d’une supériorité incontestable.
C’est cependant chez Gabriel Attal que les
Baccalauréat
31 38

39 40
51

54
+ 20

CEP/BEPC/CAP + 14
en juin 2021 (à 14 %). Ayant construit sa penser que son âge - il est le benjamin du écarts sont les plus prononcés : entre les 38 44 50
notoriété comme porte-parole du gou- gouvernement avec Sarah El Haïry - en hommes (15 % d’intention de vote) et les Pas de diplôme +6
vernement, il avait régulièrement pro- fait le préféré des cadets des électeurs. femmes (24 %), entre les plus jeunes (6 %
gressé au fil de ces deux à trois années, C’est l’inverse. Il ne suscite « que » 35 % chez les moins de 35 ans) et les plus âgés NIVEAU D’AGGLOMÉRATION
36 41 58
jusqu’à figurer dans le top 10 de toutes les de bonnes opinions (Ifop) chez les (38 % des plus de 65 ans). Le ministre de Communes rurales + 22
enquêtes et dans le top 4 gouvernemen- 18-24 ans, soit 16 points de moins que son l’Éducation attirerait plus d’électeurs de 36 39 48
tal, avec Le Maire, Darmanin et Véran. résultat sur l’ensemble de la population. Macron (68 %) que Le Maire ou Darma- Comm.urbainesdeprovince + 12
Mais la rapidité et le niveau de sa percée Avant d’être nommé à l’Éducation, nin, mais, à ce jour, moins que Philippe 40 43 51
n’ont aucun équivalent. Il faut remonter c’était déjà chez les plus de 65 ans qu’il (76 %). Il ne récupérerait pas grand mon- Agglomération parisienne + 11
à Nicolas Sarkozy lors de son arrivée au atteignait un record, et il a encore gagné de chez les électeurs de Mélenchon (3 %), VOTE AU 1ER TOUR DE LA PRÉSIDENTIELLE DE 2022
ministère de l’Intérieur, en 2002, mais à 21 points dans cette catégorie, pour at- quasiment personne dans le bloc Le Pen- 26 27 32
un niveau nettement plus élevé. teindre 70 %. Cette indexation de la po- Zemmour et 15 % seulement des électeurs J.-L. Mélenchon +1
Gabriel Attal a fait oublier son prédéces- pularité sur l’âge est commune à toutes de Pécresse (contre 20 % pour Le Maire, 65 76 84
seur immédiat, Pap Ndiaye, qui n’avait 25 % pour Darmanin et 37 % pour Philip-
E.Macron + 19
les personnalités de la majorité (Borne,
jamais dépassé les 30 % des bonnes opi- Philippe, Le Maire, Darmanin, Bayrou, pe). Gabriel Attal a donc le profil macro- 51 73 83
V.Pécresse - 10
nions dans le baromètre Ifop. Il a aussi Véran), mais c’est chez le « jeune Ga- niste à ce jour le plus homogène, donc le
17 18 41
d’emblée doublé Jean-Michel Blanquer. briel », comme l’appelait Jean Castex, que moins capable d’élargir ce socle. À moins É. Zemmour + 23
Mais le ministre de l’Éducation du pre- cet écart est le plus prononcé. qu’il n’y ait qu’un effet retard entre son 20 28 53
mier quinquennat a longtemps pâti d’une Sans surprise, Attal séduit plus les caté- discours et son action politiques et leur M.LePen + 25
10 20 30 40 50 60 70 80 90
faible notoriété qui l’a fait démarrer bas, gories professionnelles supérieures (51 %) traduction électorale. ■

2 Gabriel Attal face à ses prédécesseurs et ses concurrents au sein de la majorité présidentielle
COMPARAISON DE LA COTE DE POPULARITÉ IFOP COMPARAISON DES INTENTIONS DE VOTE DES POSSIBLES CANDIDATS DE LA MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE
DES MINISTRES DE L’ÉDUCATION NATIONALE (2012-2023), en % AU 1ER TOUR DE LA PRÉSIDENTIELLE SI ELLE AVAIT EU LIEU FIN OCTOBRE 2023 SELON L’IFOP, en % des suffrages exprimés
Ministres sous François Hollande (2012-2017) G. Attal (ensemble des Français = 19 %) É. Philippe (25 %) B. Le Maire (18 %) G. Darmanin (16 %)
Infographie

V. Peillon (mai 2012-avril 2014) B. Hamon (avril 2014-août 2014) N. Vallaud-Belkacem (août 2014-mai 2017)
42 40
Ministre sous le premier quinquenat d’Emmanuel Macron (2017-2022) 38 36
34 34
J.-M. Blanquer (mai 2017-mai 2022) 31 32 30
Absence 28
de données 26 26
24 24
Ministres sous le second quinquenat d’Emmanuel Macron (depuis 2022) les mois d’août et 22 20 20 22
19 19
P. Ndiaye (mai 2022-juillet 2023) G. Attal (depuis juillet 2023) en janvier 2015 et 2019 16 17 16 16
15 13 14 15 13
15
13 12 12 11
9 10 10 9 8
55 6 6 7 7
Attal 4
51 52 (mars 2015)
50 51 51
49 hommes femmes - de 35 ans 35-49 ans 50-65 ans + de 65 ans cat. sup. prof. interm. cat. popul. retraités chômeurs
48 Vallaud-Belkacem SEXE ÂGE CATÉGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLES
45
Hamon
Peillon 41 41
40 39-39 76
40 39 68
35 65
58
30
Ndiaye
Blanquer
25 27
22
36 37
20
30
28
26 24 25
15 22 22 22
24
21 20 20 20 20
15 18 18
17
15 16 17 15 15
10
6 5
5 3 4
2
1 0 0 0 0 0 0
A

0 non-diplômés bac diplôme sup. province Île-de-France J.-L. Mélenchon E. Macron V. Pécresse É. Zemmour M. Le Pen
mai juil. jan. juil. jan. juil. jan. juil. jan. juil. jan. mars NIVEAU D’ÉTUDES RÉGION VOTE AU 1ER TOUR DE LA PRÉSIDENTIELLE DE 2022
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO

18 CHAMPS LIBRES
DÉBATS

Drame de Crépol : seule la culture commune

garantit la paix civile
e déni tue. À Crépol, des conflits communautaires. Les violence qui ne cesse de monter. La France est en état d’urgence.

L
il a tué Thomas – comme
avant lui Lola, Enzo, Alban,
Mauranne et Laura… Ces
morts ne sont pas le résultat
d’une atmosphère, d’un
climat qu’il faudrait subir sans rien
pouvoir y faire ; elles sont le produit
d’un déni de réalité, d’une impuissance
organisée, d’une fuite en avant dont nos
dirigeants ne sont toujours pas sortis. Et
cette faillite a une seule source : le refus
de reconnaître que la paix civile a pour
condition de possibilité la
reconnaissance d’une culture commune
– pas seulement des règles abstraites
supposées suffire au « vivre ensemble »,
mais l’appartenance à un héritage
partagé qui nous oblige et nous relie.
Ce refus d’assumer le devoir de
préserver et de transmettre cet héritage
commun s’est traduit par deux
conséquences dramatiques, dont
Crépol devient l’un des signes : la folie
migratoire, et la crise de l’école.
Parce que nos gouvernants ignorent
et méprisent le fait même des identités
culturelles, ils ont accepté, organisé,
souhaité des mouvements migratoires
d’une ampleur totalement inédite dans
l’histoire de notre pays. Depuis
plusieurs décennies, l’immigration
extra-européenne a profondément
transformé les équilibres de la société
française ; ce mouvement s’est
brutalement accéléré depuis l’arrivée
des socialistes au pouvoir en 2012, puis
l’élection d’Emmanuel Macron – sur ce
sujet comme sur tant d’autres, le
macronisme est bien
de gauche : le nombre
de titres de séjour aura
FRANÇOIS-XAVIER BELLAMY augmenté de plus de
Après la mort de Thomas, tué à Crépol, 70 % pendant ces dix
ans. Faire venir sur le
il faut sortir de toute urgence de l’aveuglement
sol français des
sur l’immigration et la crise communautés
de l’Éducation nationale, estime le philosophe entières, c’était
et député européen LR. fatalement y importer
professionnels Les jeunes qui ont tué à Crépol, comme Les querelles byzantines que la majorité
du déni ont bien tenté de faire passer ceux qui en juillet dernier ont brûlé des oppose encore aux mesures de bon sens
le meurtre de Thomas pour une banale dizaines d’écoles, ont passé des années qu’ont votées les sénateurs LR pour
rixe à l’ancienne, une bagarre de fête sur les bancs de nos salles de classe. mettre fin à l’appel d’air migratoire
de village, ou même une reprise de Si les idéologues de la déconstruction montrent combien ce pouvoir restera
La Guerre des boutons ; mais comment n’avaient pas retiré leur mission aux incapable des décisions claires
ne pas voir l’évidence ? Si le pouvoir ne instituteurs, aux professeurs de ce pays, dont le pays a tant besoin. Jamais le
comprend pas ce qui se passe, pourquoi nous ne serions pas immunisés contre gouvernement n’aura délivré autant de
s’est-il obstiné à cacher des prénoms ? la violence bien sûr – aucune société titres de séjour – 480 000 étrangers sont
Aucun remède n’est possible à qui ne le sera jamais totalement ; mais nous arrivés l’an dernier, un record absolu.
refuse d’affronter le diagnostic. ne serions pas condamnés à subir Comme l’a démontré Pierre Brochand,
Quand neuf témoins ont raconté que les le spectacle d’une brutalité massive il est vain de prétendre reconstruire
agresseurs cherchaient à « planter des née d’abord de l’abrutissement que l’école, les institutions, l’assimilation à
l’ignorance laisse la communauté nationale, avec de tels
derrière elle. Là où chiffres d’arrivées chaque année. C’est
« Si les idéologues de la déconstruction la culture n’est
n’avaient pas retiré leur mission plus transmise,
la raison pour laquelle LR a proposé,
avec Éric Ciotti, Bruno Retailleau et
comment s’étonner Olivier Marleix, une proposition de
aux instituteurs, aux professeurs de voir surgir la réforme constitutionnelle qui seule
de ce pays, nous ne serions pas barbarie ? pourrait permettre enfin un
immunisés contre la violence bien sûr ; Le déni tue, il est changement de nature de notre
urgent d’en sortir. politique migratoire, rendre effective la
mais nous ne serions pas condamnés Et pourtant nos maîtrise de nos frontières, mettre fin à
à subir le spectacle d'une brutalité dirigeants la prime à l’illégalité que constituent les
massive née d’abord de l’abrutissement continuent d’accumuler les
régularisations, redonner aux Français
le pouvoir de décider par référendum
que l’ignorance laisse derrière elle » contresens ou les
mesurettes inutiles.
de la politique migratoire. Ce projet est
cohérent avec la bataille que nous
blancs », comment ne pas reconnaître le Les à-coups de la politique éducative menons au plan européen pour que nos
conflit ethnique qui tue désormais en depuis l’élection d’Emmanuel Macron États retrouvent leur capacité d’agir,
France ? Avec tant d’indices auront enfoncé plus encore notre une fois de plus, malheureusement,
convergents, la justice aurait été plus école dans la crise. Et son obstination contre les élus de gauche et du groupe
prompte à admettre le mobile raciste si à défendre une « politique de macroniste - qui voudraient par
une autre couleur de peau avait été peuplement » par l’immigration rend de exemple rendre encore plus difficile
ciblée… toute façon impossible la reconstruction l’expulsion des migrants illégaux.
Ce scrupule injustifiable qui paralyse pourtant vitale de l’unité nationale… Le temps presse pourtant ; pour
nos institutions aura immensément Bien loin de l’avertissement de Gérard sauver les conditions de possibilité de la
contribué au second échec de long Collomb, le ministre Roland Lescure démocratie, de la vie civique, de la paix
terme qui conduit au drame de Crépol, déclare qu’il faudra faire venir civile, c’est maintenant qu’il faut agir,
l’effondrement de l’école. L’échec « 100 000 ou 200 000 étrangers » en mettant fin aux flux migratoires qui
éducatif que vit notre pays est pour faire tourner l’industrie ; qui lui ont creusé toutes les fractures de la
largement et précisément documenté ; rappellera que sur chaque classe d’âge, société française, et en reconstruisant
la semaine dernière encore, le ministre nous perdons aujourd’hui 150 000 jeunes notre école. Ces deux causes n’en font
de l’Éducation nationale annonçait que français, qui finissent sans qualification, qu’une, celle de la culture commune qui
la moitié des élèves de quatrième ne sans formation et sans emploi ? peut seule nous réunir. Bien d’autres
savent pas lire correctement. Il est Tous les problèmes sont liés, et défis nous attendent ; mais pour pouvoir
frappant que le lien ne soit jamais fait s’aggravent quand ceux qui gouvernent les relever, il est d’abord nécessaire
entre ces statistiques révoltantes et la refusent de les affronter. de redevenir un pays. ■

Pour éviter la tutelle bruxelloise, convoquons

des états généraux de la dette française
e 27 octobre dernier, l’agence opposé que le taux effectivement payé à un niveau soutenable, sans toutefois En troisième lieu, il conviendra de

L
de notation Fitch a annoncé
qu’elle maintenait la note
qu’elle avait précédemment
attribuée à la dette française.
Il s’agit évidemment d’une
très bonne nouvelle. Toutefois, à Bercy,
on attend avec une grande nervosité
l’annonce que pourrait faire l’agence
Standard & Poor's le 1er décembre,
car nul n’a oublié l’abaissement
de la note de la France, qui a été décidée
par l’agence Fitch en avril dernier.
Les agences de notation qui ont fait
preuve jusqu’ici de beaucoup de
mansuétude à l’égard de notre pays
pourraient enfin se réveiller, et il n’y
aurait rien d’étonnant à cela : la dette
française est de plus de 3 000 milliards
d’euros et représente 112 % du
PIB.
Alors que la croissance
est en berne (au mieux entre
0,5 % et 2 %), payer
un taux d’intérêt entre 3 %
et 4 % sur une dette aussi
lourde signifie que
le seul service de la dette
pourrait représenter,
chaque année, plus que
l’accroissement
annuel du PIB
français. D’autant
DESSINS : FABIEN CLAIREFOND
aujourd’hui est encore loin d’être à 3,5 %
(une large partie de la dette ayant encore
été souscrite lors d’une période bénie où
les taux étaient quasi nuls voire négatifs),
et qu’au surplus ce qui compte vraiment,
c’est le taux d’intérêt réel (la différence
entre le niveau actuel des taux d’intérêt
et le taux d’inflation).
Un tel contre-argument est inopérant.
En effet, les taux d’intérêt réels anticipés
à dix ans sont d’ores et déjà de l’ordre de
1 % (sur la base d’une inflation anticipée
à 2,5 %), et les pouvoirs publics se doivent
de préparer notre pays à un scénario du
pire où la Banque centrale européenne en
viendrait à remonter les taux en Europe
à un niveau tel que les taux d’intérêt réels
en deviendraient fortement positifs :
jusqu’à 1,5 %, voire 2 % ?
Ce jour-là, la France sera dans
une situation épouvantable car elle devra
consacrer l’essentiel de la nouvelle
richesse produite par sa croissance
(voire davantage) au service de sa dette.
Accentuée par un important déficit
budgétaire (actuellement de 5 %), la dette
française pourrait monter jusqu’à 120 %
ou 130 % du PIB. Les marchés financiers
se demanderont alors si au lieu de traiter
la dette française presque comme de la
dette allemande (avec seulement + 0,5 %
de différentiel de taux par rapport à
réduire les investissements nécessaires passer à la paille de fer l’ensemble des
à la réindustrialisation du pays, budgets (locaux, régionaux et nationaux)
à la sécurité, à la santé, à l’enseignement et de développer une méthodologie
et à la recherche. d’identification de toutes les réductions
Ces états généraux devront répondre de dépenses publiques possibles, que ce
à plusieurs séries de questions, soit dans notre mille-feuille administratif
inextricablement liées les unes ou dans notre politique de transferts
aux autres. sociaux. Il y aura lieu d’être audacieux
Tout d’abord, dans le nouvel dans les méthodes comme dans
environnement économique de taux les objectifs, en instaurant plus de
d’intérêt positifs qui s’annonce, quel transparence et en n’hésitant pas
est le niveau de dette soutenable et quel à recourir aux technologies les plus
montant de dette doit-on aujourd’hui nouvelles (comme, par exemple,
essayer de rembourser dans les deux à l’intelligence artificielle).
cinq ans (sur les 3 000 milliards de dette Enfin, l’exercice, auquel nous appelons
actuelle) ? 50 milliards, 100 milliards, aujourd’hui, devra aussi porter sur le
300 milliards, 600 milliards ? périmètre géographique de la République.
Confrontée à de
« Il est urgent de convoquer
dès aujourd’hui des états généraux
nombreuses
aspirations
d’indépendance et
de la dette française, afin de discuter d’autonomie,
de la stratégie à mettre en œuvre la France doit
se demander si
pour ramener l’endettement à un niveau certains territoires
soutenable » ultra-métropolitains
n’auraient pas
Ne serait-il pas temps d’ouvrir tout à gagner à s’insérer dans d’autres
une réflexion sur la cession par zones économiques plus proches
l’État d’un certain nombre d’actifs ? géographiquement et plus à même de
Ici, l’État doit s’interroger non seulement les aider à générer croissance et emploi.
sur la pertinence de sa détention Le temps des décisions difficiles

plus que le déficit l’Allemagne), il n’y aurait pas lieu de la de 250 milliards de titres d’investissement est venu, et plus nous tarderons,
budgétaire annuel, traiter comme de la dette italienne (avec (actions cotées et titres d’organismes plus ces décisions seront coûteuses et
qui représente + 2 % de différentiel de taux par rapport à de placement collectif), mais aussi, douloureuses. Il nous semble dès lors
actuellement 5 % l’Allemagne). Les marchés seraient et surtout, sur l’utilité de conserver urgent que des responsables politiques
du PIB, continuera d’autant plus enclins à le faire que notre la propriété et la gestion d’infrastructures de premier plan passent outre les lignes
à augmenter commerce extérieur est lourdement et qui, dans de nombreux autres pays, de fracture traditionnelles et s’emparent
le montant d’une structurellement déficitaire depuis de seraient concédées à des opérateurs de ce sujet, pour proposer la convocation
dette qui, au rythme nombreuses années et que notre balance privés. Nous pensons ici aux réseaux d’états généraux de la dette française.
actuel, atteindra des paiements est déficitaire (2 % de PIB). de transports et de distribution La France ne peut pas vivre sur le fil du
bientôt les 120 % Si ce scénario se produisait, la France se d’électricité, aux infrastructures rasoir dans la crainte quotidienne d’une
dégradation de sa dette par une agence
PATRICE GASSENBACH ou les 130 % du PIB,
mettant ainsi
retrouverait, comme l’Italie aujourd’hui,
sous tutelle bruxelloise et perdrait
ferroviaires et à certaines infrastructures
aéroportuaires. Pourquoi conserver de notation internationale. ■
ET FRANÇOIS BRUNET notre pays dans une très large partie de sa souveraineté. la propriété d’infrastructures, *Patrice Gassenbach est avocat
une situation proche Face à la gravité de la situation, il est alors qu’on n’a plus les moyens au barreau de Paris.
Face à l’augmentation des taux d’intérêt et
de celle de l’Italie urgent de convoquer dès aujourd’hui des de financer les investissements François Brunet est avocat au barreau
au risque de dégradation de la note de la dette (dette s’élevant états généraux de la dette française, afin qu’elles requièrent et que l’État de Paris et président de la commission
A

française, une réflexion d’ampleur doit être menée à 140 % du PIB). de discuter de la stratégie à mettre n’en est pas nécessairement le meilleur concurrence de l’International
au niveau national, estiment les deux avocats*. Il nous sera en œuvre pour ramener l’endettement gestionnaire ? Chamber of Commerce.

CHRONIQUE
Bertille Bayart
£@BertilleBayart
@ 100 000 citations
et proverbes sur evene.fr
29 novembre 1898 : naissance de Clive Staples Lewis, écrivain et universitaire britannique, connu sous le nom de C. S. Lewis.
KEYSTONE PRESS ALAMY VIA REUTE/ALAMY STOCK PHOTO
■ L’Ombre d’un traître
DE NATHALIE SAINT-CRICQ
ÉDITIONS DE L’OBSERVATOIRE
272 P., 21 €
Dassault Médias
(actionnaire à plus de 95 %)
14, boulevard Haussmann
75009 Paris
Président-directeur général
Charles Edelstenne
Administrateurs
Thierry Dassault,
Olivier Costa de Beauregard,
Benoît Habert,
Rudi Roussillon
L’entreprise cherche encore
où est le camp du bien
a plus grande partie
L
de l’humanité qui s’aventure
sur le réseau X (ex-Twitter)
s’y invective allègrement,
nourrissant la violence dont
les algorithmes se repaissent.
Mais pas Sam Altman. Sam Altman,
lui, poste des petits cœurs. C’est chou.
On en oublierait presque que
le fondateur d’OpenAI, et père
de la plateforme d’intelligence
artificielle générative ChatGPT, a été
au centre de l’une des plus formidables
batailles pour le pouvoir jamais menées
dans la Silicon Valley et probablement
au-delà.
Le 17 novembre, Sam Altman a été mis
dehors par le conseil d’administration
d’OpenAI. Le 21 novembre, il a repris
ENTRE GUILLEMETS
C. S. Lewis
Tout ce qui
n’est pas éternel
est éternellement
démodé»
BIBLIOTHÈQUE DES ESSAIS
Au Mont-Valérien, un hôte
qui ne valait rien ?
18 juin 1960. Entouré de
15 000 personnes, le général
de Gaulle inaugure au soir tombant
le mémorial du Mont-Valérien.
Depuis octobre 1945, quinze héros
de la Seconde Guerre mondiale, tirés
au sort, attendent d’être installés
dans cette nécropole mémorielle.
Le chef de l’État passe en revue
les quinze cercueils mais détourne le
regard en passant devant le caveau
numéro 4. Et pour cause, le cercueil
est vide. In extremis, on a retiré
la dépouille d’un certain Robert B.
dont a découvert que, bien que
résistant, il balança certains
de ses camarades sans avoir l’excuse
de la torture. L’affaire fut réglée
par ce retrait, mais le grand public
ne le sait pas. Pas question que
les Français sachent que l’ombre
d’un traître plane sur le mémorial
de la France combattante. Plus tard,
le traître Robert B. fut remplacé
par le caporal Maboulkede, tirailleur
d’Afrique du Nord.
Cette histoire incroyable,
la journaliste Nathalie Saint-Cricq
l’a apprise le 11 novembre 2021 alors
qu’elle commentait pour sa chaîne,
France 2, le transfert à ce même
Mont-Valérien d’Hubert Germain,
le dernier des compagnons
de la Libération.
« On y entre, mais on peut en sortir
aussi », lui confia ce jour-là
l’historienne Frédérique Neau-
SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions
(société éditrice) Alexis Brézet
14, boulevard Haussmann Directeur délégué de la rédaction
75009 Paris
Vincent Trémolet de Villers
Président
Charles Edelstenne
Directeurs adjoints de la rédaction
Gaëtan de Capèle (Économie),
Directeur général, Laurence de Charette
directeur de la publication
(pôle audiovisuel), Anne-Sophie
Marc Feuillée
von Claer (Style, Art de vivre, F),
Philippe Gélie (International),
OPINIONS CHAMPS LIBRES
son poste de patron. C’est lui qui a viré
son conseil d’administration.
Comment a-t-il pu si vite retourner
la situation en sa faveur ? Une partie de la
réponse tient au charisme du fondateur
d’OpenAI, devenu à 38 ans le gourou
mondial de l’intelligence artificielle avec
le succès rencontré par ChatGPT, lancé il
y a tout juste un an. Les ingénieurs de la
société seraient tous partis avec Altman.
Une autre partie de la réponse se compte
en milliards de dollars. Ceux investis par
Microsoft pour financer les formidables
capacités de calcul nécessaires à
l’apprentissage du robot conversationnel.
Ceux qu’il faudra encore engager pour
son développement futur, et ceux,
incalculables, qu’il est susceptible de
rapporter. (Cette seconde partie de
Dufour. L’éditorialiste politique
a voulu savoir, tout connaître,
et tout raconter. Elle le fait dans ce Désiré, lequel s’appuie sur l’amitié
récit original qui porte le sous-titre
de roman parce que l’histoire est
racontée au travers d’un personnage
fictif, Désiré Février, journaliste
à France Soir mais qui – on
l’approuve ! – explore avec minutie
les archives du Figaro.
Mais les événements, eux, sont vrais.
La vie réelle de Robert B. et
de son épouse Marie-Flavie, le
« Pas question que les Français
sachent que l’ombre d’un traître
plane sur le mémorial
de la France combattante
tirage au sort, le retour de De Gaulle le talent d’une romancière.
au pouvoir, la construction du
mémorial, l’écriture de la légende :
la grande Histoire est enchâssée
dans cette jolie histoire ; celle de ce et ironique. Elle raconte
jeune journaliste qui croit détenir le mais ne juge pas. Robert B. a failli
scoop du siècle, mais qui comprend
bien vite que les autorités de l’État
ne tiennent pas à ce que ce secret
soit divulgué sur la place publique.
L’Ombre d’un traître a ainsi
des allures de roman policier avec
son lot de filatures, d’appartement
retourné et d’avertissements
dont on ne sait pas toujours
Anne Huet-Wuillème (Édition, Directeur artistique
Photo, Révision, DA), Pierre Bayle
Rédacteur en chef
Jacques-Olivier Martin (directeur Frédéric Picard (Web)
de la rédaction du Figaro.fr),
Directeur délégué
Étienne de Montety (Figaro du pôle news
Littéraire), Bertrand de Saint- Bertrand Gié
Vincent (Culture, Télévision), Éditeurs
Robert Mergui
Yves Thréard (Enquêtes,
Anne Pican
Opérations spéciales, Sports,
Sciences).
LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023
19
l’explication a d’ailleurs probablement d’une gouvernance dédiée,
nourri la fidélité des collaborateurs désintéressée de son développement.
à Sam Altman citée dans la première…) Le petit aréopage d’administrateurs
Ces ingrédients sont assez classiques. d’OpenAI n’était en réalité plus légitime
Mais la saga OpenAI a une dimension à imposer ses vues à un dirigeant et à une
supplémentaire. Elle a opposé deux activité devenus beaucoup, beaucoup
visions du rôle de la start-up devenue plus puissants qu’eux. D’autres sociétés,
leader mondial d’une technologie qui prennent le statut de B Corp aux
authentiquement révolutionnaire. Il y États-Unis ou d’entreprise à mission en
avait d’un côté la conception originelle France, tentent de conditionner leur
d’OpenAI, celle d’un laboratoire de développement au respect d’objectifs
recherche ouverte et à but non lucratif, extra-financiers sur le long terme. En
placé sous le contrôle d’une fondation pratique, être des entreprises à mission
et d’un conseil d’administration garant n’a pas rendu plus facile la tâche chez
de ce noble objectif. Et d’un autre côté, Danone ou Yves Rocher quand il s’est
le développement commercial amorcé agi de décider s’il fallait rester ou partir
avec ChatGPT, amplifié au fil de ses de Russie après l’invasion de l’Ukraine.
déclinaisons, et incarné par Altman Il n’y avait pas plus de réponse évidente
et le partenariat avec Microsoft. dans le camp du bien que dans le camp
Au conseil d’administration, certains, des profits assumés.
en particulier l’universitaire Helen La défaite des puristes de l’altruisme
Toner, se réclamaient de l’« altruisme chez OpenAI n’est qu’une péripétie dans
effectif ». Un mouvement protéiforme
qui recherche, bien sûr, le bien de
l’humanité. Dans la Silicon Valley,
l’altruisme efficace a permis à certains de
l’histoire de l’intelligence artificielle
générative qui est en train de s’écrire.
Le potentiel de cette technologie fascine
les dirigeants qui commencent à se
trouver un sens à ce qui n’en a pas : leur familiariser avec elle. Ce sont des études
capacité à gagner des sommes d’argent de marché qui s’écrivent en un quart
astronomiques en un temps record et, d’heure plutôt qu’en un mois. Des appels
parfois, sur du vent. Sam Bankman- d’offres qui sont décortiqués chez un
Fried, le fondateur de la plateforme sous-traitant en deux heures plutôt
d’échange de cryptomonnaies FTX qui qu’en deux semaines. Les conséquences
a implosé dans une faillite frauduleuse, sur le travail, sur l’emploi, sur la
se réclamait de cette pratique. Sa fortune productivité, sont incalculables.
n’avait pas vocation à financer le mode L’IA suscite de légitimes
de vie baba cool en version hyperluxe de
son équipe aux Bahamas ; elle devait être
questionnements philosophiques. Mais
elle provoque surtout des batailles bien
donnée à de bonnes causes. Le camp réelles qui appartiennent au domaine
du bien, chez FTX, a en réalité couvert économique et politique : bataille pour
une gigantesque arnaque. la maîtrise des données, bataille pour la
Chez OpenAI, il a été battu par la prise de position concurrentielle que
logique d’entreprise. Il est décidément l’effet de masse risque de rendre très vite
difficile de subordonner une activité inexpugnable, bataille pour la régulation
économique à un impératif moral. qui doit rechercher le bon équilibre entre
Et plus encore de l’encadrer au moyen contrôle et innovation.
VOX
… Crépol
« Quand l’État ne veut
ou ne peut pas remplir
son devoir, les Français
s’ils sont des moyens de menacer sont hélas tentés d’agir
ou de protéger notre dénommé
à sa place », une tribune
fraternelle d’un bistrotier
communiste, Maurice, et bénéficie de Laurent Lemasson
de la bienveillance paternelle
d’un ancien résistant de Tours qui
pourrait bien avoir les traits d’une
autre figure bien connue de l’auteur.
Avec Je vous aiderai à vivre,
vous m’aiderez à mourir, narrant
les amours tardives de Clemenceau LES RENCONTRES
avec Marguerite Baldensperger,
ayant fait ensuite
DU FIGARO
l’objet d’un téléfilm Franz-Olivier Giesbert
diffusé début
novembre, Nathalie
Saint-Cricq
avait montré
le lundi 11 décembre
à 20 h, Salle Gaveau.
Tarif : 25 €.
DESSIN FABIEN CLAIREFOND
» qu’à la pertinence
de l’analyse
Placement libre
Réservations :
politique s’ajoutait
www.lefigaro.fr/
Avec L’Ombre d’un traître, le plaisir rencontres.
de la lecture est à nouveau le même Informations :
tant sa plume est gracile, tendre
01 70 37 18 18
mais il n’est pas non plus un parfait
salaud. Sous un récit incroyable,
les mystères de son antihéros
et l’ambivalence de ses personnages,
Nathalie Saint-Cricq donne
à voir les fragilités autant Ce soir à 20h sur le site
que les beautés de l’existence du Figaro, présenté par
humaine. Jean-Christophe Buisson
GUILLAUME TABARD
FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy FR
9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 93290 Tremblay-en-France
Tél. : 01 56 52 20 00 Midi Print, 30600 Gallargues-le-Montueux Ce journal
ISSN 0182-5852 se compose de :
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A
Origine du papier : Allemagne. Taux de fibres recyclées : 100%. Ce journal
est imprimé sur un papier UPM porteur de l’Ecolabel européen sous
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> FOCUS
lefigaro.fr/economie MICHELIN
FERME
DES USINES
MÉTRO SANTÉ EN ALLEMAGNE
POLÉMIQUE SUR LE BOOM DES L’Allemagne industrielle continue
LE PRIX DES BILLETS COMPLÉMENTS de souffrir. Nouvel exemple avec
PENDANT LES JO PAGE 24 ALIMENTAIRES PAGE 28 l’annonce faite par Michelin ce
mardi. Le groupe français va sabrer
dans ses effectifs, en fermant deux
de ses usines outre-Rhin, ce qui
va entraîner la suppression de

L’irrésistible
1 500 emplois, en raison des
WHO IS DANNY/AMAZING STUDIO/EKATERINA POKROVSKY/STOCK ADOBE, ALINE MORCILLO/HANS LUCAS VIA AFP

« coûts de production croissants »

dans le pays. Bibendum prévoit une
« cessation progressive des acti-

déclin de la CGT
vités d’ici 2025 » dans ses usines
de Karlsruhe et de Trèves, ainsi
que la fin de la « production de
pneus pour poids lourds et de pro-
duits semi-finis » sur son site de
Hombourg.
« Les récentes crises sanitaires et
géopolitiques et leurs conséquences
sur les prix de l’énergie, de la logisti-
que et des matières premières ainsi
qu’un taux d’inflation élevé ont pesé
sur la compétitivité de l’Allema-
gne », a déclaré le groupe dans un
communiqué. Ces explications n’ont
pas été appréciées par les syndi-
cats, avec qui la direction discutait
depuis plusieurs semaines sur ce
programme de réduction de l’activi-
té, annoncé fin octobre. « La coupe
prévue est injustifiée. Michelin veut
seulement maximiser son profit, et
laisse tomber des employés haute-
ment engagés et qualifiés », a dé-
ploré le syndicat IGBCE.
Les industriels en Allemagne souf-
frent des bouleversements géo-
politiques qui plombent un modèle
Victime de la baisse des effectifs ouvriers, mais aussi de sa propre radicalisation, la tourné vers l’exportation (et no-
tamment vers la Chine). Ils sont
centrale a perdu sa première place chez EDF après Renault, Orange et la SNCF. PAGES 26 ET 27 aussi pénalisés par des prix trop
élevés de l’énergie dans le pays
depuis la guerre en Ukraine et la fin

La France mise sur l’éolien en mer
Cap sur l’éolien en mer. Emma-
nuel Macron a annoncé mardi le
lancement d’un appel d’offres en
2025 pour la construction de
10 gigawatts (GW) de parcs éo-
liens offshore. Soit au moins une
dizaine de parcs « qui entreront en
vigueur en 2030-2035 », a déclaré
le chef de l’État. La France compte
à ce stade 8 GW de parcs offshore
installés ou en projet, avec l’ob-
jectif d’atteindre 45 GW en 2050,
ce qui fera de l’éolien en mer la
deuxième source de production
d’électricité après le nucléaire.
Emmanuel Macron a évoqué no-
tamment « près de 200 millions
d’euros » d’investissements pour
que la France « soit un des leaders
dans l’éolien flottant ». Il a aussi
mentionné le lancement rapide,
au cap de la Hague (Manche), d’un
« projet pilote pour essayer de re-
partir sur la bataille de l’hydrolien
(fondé sur l’utilisation des cou-
rants, NDLR) », « avec un soutien
inédit de l’État de 65 millions
d’euros ».
Cette annonce marque un engage-
ment plus affirmé du président de
la République en faveur de l’éolien
et confirme une tendance : les tur-
bines oui, mais en mer. Ce choix
est aussi un pari technologique et
financier fort. La France dispose
d’industriels, comme Siemens Ga-
mesa au Havre, capables de pro-
duire ces machines. Mais le risque
est à la mesure des projets : plus on
s’éloigne des côtes, plus les coûts
de raccordement s’envolent. Ain-
si, pour le parc éolien Centre Man-
che 1 situé à 85 km des côtes, ces
coûts sont de l’ordre de 1 milliard,
contre 400 000 euros environ
quand le parc est à 15 km. Au-delà
de 50 km, il faut passer en courant
continu, et donc construire une
station de conversion en mer et
une à terre. Le président a affirmé
que l’éolien en mer allait rapporter
2,5 milliards d’euros de recettes
« entre 2023 et 2035 », qui permet-
tront de « financer nos priorités ».
« Un tiers ira pour la pêche », a-t-il
plaidé. E. B.
des livraisons de gaz russe pas
cher.
La concurrence européenne est
rude. Michelin compte ainsi « délo-
caliser son centre de service
clients dédié à l’Allemagne, l’Autri-
che et la Suisse », qui se situe ac-
tuellement à Karlsruhe « vers la
Pologne », a précisé le groupe
français. Mais le « made in Germa-
ny » doit aussi faire face à la
concurrence croissante des États-
Unis et de la Chine qui subvention-
nent massivement leurs industries.
E. E.

le PLUS du L'HISTOIRE Olivia Grégoire veut

FIGARO ÉCO
En quête de mixité, une conférence rendre plus attractif le
PÉTROLE
Le Guyana, petit État tech invente… de fausses intervenantes service à la personne
devenu un eldorado édition 2023 de la conférence Coinbase. Mais cette personne n’existe pas,

L’
La ministre déléguée aux PME, ventions par les entreprises,
de l’or noir en ligne DevTernity, qui et sa photo a été générée par une intelligence au Commerce et à l’Artisanat, en accord avec le client.
PAGE 22 s’adresse aux développeurs artificielle. Gergely Orosz a noté que Olivia Grégoire, a annoncé, Un des autres points soulevés à
de logiciels, n’aura finalement l’organisateur, Eduards Sizovs, avait usé mardi, des mesures pour ren- plusieurs reprises par les ac-
pas lieu. Les organisateurs plusieurs fois de cette technique pour forcer l’attractivité du secteur teurs du secteur des services
LA SÉANCE ont décidé mardi d’annuler en catastrophe différents salons. Une certaine « Julia Kirsina », des services à la personne, face à la personne concerne la
DU MARDI 28 NOVEMBRE 2023 l’événement, originellement prévu développeuse chez Uber, devait ainsi participer à la forte augmentation du condition d’activité exclusive
CAC 40 les 7 et 8 décembre, après une polémique à des conférences en 2021, 2022 et 2023, nombre de personnes âgées (CAE). Pour les microentre-
7250,13 -0,21% qui a conduit la majorité des intervenants mais a toujours annulé au dernier moment. dépendantes. preneurs et les entreprises de
à se décommander. « Imaginez une Ce profil est lui aussi une pure invention. Au total, 800 000 postes seront moins de 11 salariés, le gou-
DOW JONES conférence tech qui attire certains des « De nombreux conférenciers prestigieux à pourvoir dans le secteur des vernement entend assouplir
35507,42 +0,49% conférenciers les plus prestigieux, ainsi que dans la tech refusent de s’exprimer services à la personne d’ici à cette condition, pour leur per-
trois conférencières. Imaginez ma surprise dans des événements où seuls des hommes 2030, selon la fédération du mettre d’exercer une activité
ONCE D’OR quand j’ai compris sont invités à parler », secteur, la Fedesap. Face à accessoire, en dehors du
2014,00 (2011,70) cette échéance, la ministre a champ des services à la per-
que deux de ces explique Orosz.
fait savoir que le cahier des sonne. « C’était un blocage qui
femmes n’existent Inventer la présence
PÉTROLE (Brent) charges de l’agrément que les empêchait les microentrepre-
pas… » C’est par de femmes « était organismes de service à la per-
82,080 (80,090) neurs de mieux développer leur
ces mots que un moyen facile de sonne doivent respecter pour activité. Avec cette dispense,
EUROSTOXX 50 Gergely Orosz, gérer ce problème ». exercer auprès des publics fra- (…) ils vont augmenter un peu
4347,16 -0,17% auteur d’une L’organisateur Eduards giles allait être réformé. leur volant d’activité et avoir
newsletter Sizovs a expliqué « Les entreprises vont devoir une rémunération complémen-
FOOTSIE spécialisée, a levé samedi avoir dû faire désormais contrôler l’identité et taire aux services à la person-
7455,24 -0,07% vendredi un lièvre. face à un bug sur le site les antécédents judiciaires des ne », a annoncé Olivia Grégoi-
Le programme de la conférence candidats pour exercer des acti- re, précisant qu’il s’agissait
NASDAQ de DevTernity listait et a dénoncé un vités de service à la personne, ce d’une « activité complémentai-
16014,34 +0,33% aussi une certaine « lynchage public », qui n’était pas le cas avant », a re » et non pas d’un « double
« Anna Boyko », sans convaincre. ■ déclaré Olivia Grégoire, ajou- job ». La mise en œuvre de cet-
NIKKEI salariée chez CHLOÉ WOITIER tant à cela la mise en place de te mesure est attendue pour le
A

33408,39 -0,12% suivis individualisés des inter- 1er janvier 2025.

 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO

22 ÉCONOMIE
Olaf Scholz louvoie face à la crise budgétaire
Le chancelier allemand tente de rassurer devant le Bundestag après la sanction de la Cour constitutionnelle.

PIERRE AVRIL pavril@lefigaro.fr

CORRESPONDANT À BERLIN

ALLEMAGNE En l’espace de deux

jours, le président de la CSU,
Markus Söder, son homologue de
l’AfD, Alice Weidel, et la gauche ra-
dicale ont demandé la tenue d’élec-
tions législatives anticipées. Même
si les conservateurs bavarois, l’ex-
trême droite et Die Linke n’occu-
pent que 27 % des sièges au Bundes-
tag, leur appel démontre l’ampleur
de la crise à laquelle est confronté le
gouvernement Scholz depuis la
sanction prononcée par la Cour
constitutionnelle contre le budget
fédéral. L’apparition mouvementée
du chancelier devant la Chambre
basse, ce mardi, sous les quolibets et
les ricanements de l’opposition, à
peine contrebalancés par les ap-
plaudissements rituels de son
camp, a cristallisé l’ambiance délé-
tère qui saisit la vie politique alle-
mande, d’ordinaire policée.
« Vous êtes un plombier du pou-
voir, et les chaussures de chancelier
sont deux fois trop grandes pour
vous », a attaqué le chef de l’opposi-
tion, Friedrich Merz, accusant son
adversaire de « mettre en péril la
prospérité » du pays. Très discret
depuis l’arrêt de la Cour, il y a deux
semaines, ce dernier s’était livré
quelques minutes auparavant à l’un Le chancelier allemand, Le ministre de l’Économie, Ro- rentent à la pose de rustines. Dans hostiles à l’écologie –, le ministre il est incapable de « fixer un cap clair
de ces exercices de communication Olaf Scholz (à droite), bert Habeck, ne cesse de mettre en l’immédiat, l’examen au Bundestag devenu chancelier avait jugé habile, car il est traversé par deux courants
politique qu’il abhorre d’ordinaire. avec Christian Lindner, garde contre le risque de désindus- du projet de budget 2024 a été sus- en 2021, de réactiver ces recettes. de pensée diamétralement opposés.
« Je le dis aux citoyens qui sont dés- ministre des Finances, trialisation du pays. Pour sa part, pendu. « Cela nous donne le temps Ce qui est valable pour la pandémie Les uns accordent aux investis-
tabilisés par les informations diffu- et Robert Habeck, son collègue des Finances doit dé- d’explorer nos marges de l’est aussi pour le climat, estimait- sements publics verts la priorité
sées par les réseaux sociaux : leur
ministre de l’Économie sormais comptabiliser a posteriori manœuvre, de fixer des priorités et il. Jusqu’à ce que les magistrats ne absolue : 18 milliards pour trans-
et du Climat (de gauche
quotidien n’est pas affecté, et l’État à droite), au Bundestag, les dettes inscrites dans ses exerci- bien sûr de limiter les dépenses », a contredisent son raisonnement. former le chauffage, 12 milliards
continuera d’assumer ses obliga- à Berlin, mardi. ces budgétaires ex ante, et non en- simplement indiqué Olaf Scholz. pour les renouvelables, 6,5 milliards
tions », a tenté de rassurer Olaf LIESA JOHANNSSEN/REUTERS core souscrites. Contrairement aux premières affir- « Faillite de l’État » pour la Deutsche Bahn… Les autres
Scholz. Sans pour autant esquisser Pour avoir ignoré cette règle - rap- mations de Christian Lindner, et « L’auteur de cette construction an- veulent faire des économies et
le moindre contour de sa future po- pelée par la Cour –, ce dernier a dû malgré des mises en garde anté- ticonstitutionnelle n’est autre que respecter le frein à l’endettement »,
litique économique. renoncer pour 2023 au frein à la det- rieures de la Cour constitutionnelle, vous », a accusé son adversaire synthétise Marcel Fratzscher, pré-

À la suite du jugement de
Karlsruhe, 60 milliards d’euros
manquent à l’appel pour financer la
politique de transition énergétique,
priorité de la coalition au pouvoir.
Le gouvernement a dû fermer le
fonds dédié à cette cause (KTF), car
il ne répondait pas à une situation
« d’urgence », ont estimé les ma-
gistrats. Leur avis ne peut être pris à
la légère. La cour de Karlsruhe
constitue le fondement de la dé-
mocratie républicaine allemande,
depuis 1945.
60
te, l’outil budgétaire fétiche des gou-
vernements allemands depuis 2009.
La « Schuldbremse » leur impose de
limiter la dette à 0,35 % du PIB. Afin
milliards de pouvoir garder l’usage en 2023 de
45 milliards logés dans un Fonds
d’euros anti-hausse des prix (FSE), Christian
Lindner a dû invoquer le cas d’« ur-
Montant manquant
pour financer gence » prévu dans la Constitution,
la transition pour faire sauter, contre son gré, ce
énergétique, établie plafond prudentiel.
comme une priorité de Ces mesures pour parer au plus
la coalition au pouvoir pressé, dont on ignore si elles seront
reconduites l’an prochain, s’appa-
restées ignorées, la coalition ne dis-
pose d’aucun « plan B ».
Ancien ministre des Finances de
la coalition Merkel, le même Olaf
Scholz était déjà familier de ces
tours de passe-passe budgétaire.
Ceux-ci permettaient de placer les
finances allemandes sous un jour
vertueux quitte à renvoyer le poids
de la dette sur les générations futu-
res. Pour tenter de mettre d’accord
ses deux partenaires et frères enne-
mis de la coalition – des Verts dé-
pensiers et des libéraux orthodoxes
conservateur, Friedrich Merz. Fau-
te de nouvelles élections, la politi-
que du chancelier risque de condui-
re « au chaos, à l’effondrement fiscal
et à la faillite de l’État », a surenchéri
la chef de l’AfD, Alice Weidel, dont
le parti, deuxième force politique
dans les sondages, derrière la CDU,
ne cesse de gagner en influence. Se-
lon le dernier baromètre de la chaî-
ne ZFD, 60 % des Allemands se di-
sent insatisfaits du gouvernement.
Les choix qui s’offrent à ce der-
nier sont de nature existentielle. Or
sident de l’Institut de conjoncture
DIW.
Parmi ces derniers, le grand ar-
gentier Lindner (FDP) tente de pas-
ser en force, en projetant, dès 2024,
la suppression des subventions
contre la hausse des prix de l’éner-
gie. Il peut se prévaloir du soutien
de l’opinion publique : deux tiers
des Allemands soutiennent les pla-
fonds d’endettement. Ce qui pour-
rait ne pas laisser à Olaf Scholz
d’autre choix que celui de la rigu-
eur. Sans jamais le dire. ■

Le Guyana devient un eldorado pétrolier
Le petit État d’Amérique latine extraira en 2025 près de 1 % de la demande mondiale.
ARMELLE BOHINEUST
abohineust@lefigaro.fr
ÉNERGIE Des plages paradisiaques
EN BREF
LE MORAL DES
MÉNAGES S’AMÉLIORE
£ Le moral des ménages s’est
amélioré en novembre tout en
restant faible, selon le baromètre
Ce pactole attise les convoitises. tefois les experts de Capital Econo- Gisements mensuel de l’Insee publié mardi.
EXPORTATIONS
Début novembre, le géant pétrolier mics. Les autorités pourraient vou- récemment DE PÉTROLE Après 84 points en septembre et
américain Chevron a acquis Hess loir renégocier les accords signés découverts Océan DU GUYANA, octobre, l’indicateur ressort
pour 53 milliards de dollars. Il s’oc- avec ExxonMobil, Hess et le chinois Atlantique BARILS PAR JOUR à 87 points, profitant notamment
troie ainsi une participation de CNOOC afin d’obtenir de meilleu- d’un optimisme accru
VENEZUELA

sur l’Atlantique, une forêt tropica-
le qui couvre un pays de la taille
de la Grande-Bretagne, à peine
800 000 habitants. C’est le Guya-
30 % dans le consortium qui ex-
ploite les champs pétrolifères off-
shore du Guyana.
Avec ses réserves substantielles
265 693
res conditions. Ce qui décourage- Georgetown
sur l’évolution de la situation
rait les investissements futurs. « Le Paramaribo
G UYA N A financière personnelle
contrat actuel a été critiqué pour son et d’une plus forte disposition
caractère défavorable à la Guyane. Cayenne
à faire des achats importants.
Ess

Guyane
na. Une petite république anglo- et ses coûts de revient faibles, 25 à Un futur gouvernement pourrait
equ

SURINAME française
phone dont le destin est en train de 35 dollars le baril, « le secteur pé- chercher à obtenir une plus grande BRÉSIL
ibo

basculer.
Des réserves immenses de gaz et
de pétrole de bonne qualité, l’équi-
valent de celles du Koweït ou des
Émirats arabes unis, ont été identi-
fiées en mer depuis huit ans, en une
trentaine de découvertes succes-
sives. L’extraction, qui a commen-
cé dès 2021, atteignait déjà
300 000 barils par jour fin 2022. Et
la croissance de la production de-
vrait se poursuivre à un rythme ra-
pide. ExxonMobil, l’opérateur
principal du projet, prévoit qu’elle
trolier guyanais est intéressant pour
les investisseurs, car la production
devrait rester rentable même si la
demande mondiale de brut atteint
son maximum et que les prix du pé-
trole subissent une forte pression à la
baisse », résument les experts de
Capital Economics.
Tensions avec le Venezuela
« L’or noir génère déjà des revenus
annuels de 1 milliard de dollars pour
le gouvernement guyanais et il pour-
rait générer jusqu’à 7,5 milliards
part des revenus pétroliers si une pé-
riode de faibles prix du pétrole
entraînait une détérioration des fi-
nances publiques », note Capital
Economics.
La malédiction des ressources
menace aussi le Guyana. De façon
paradoxale, la découverte de vastes
réserves de pétrole a dégradé
l’équilibre économique et démo-
cratique de nombreux pays en dé-
veloppement. Il pourrait être diffi-
cile pour le Guyana de gérer cette
énorme rente alors que l’État n’a
100 645 HELVET IMMO :
66 080 LOURDE AMENDE
BRÉSIL POUR BNP PARIBAS
£ Épilogue dans l’affaire Helvet
Zone revendiquée
par le Venezuela
100 km
Source : Refinitiv Eikon 2020 2021 2022 Immo. BNP Paribas Personal
Finance (BNPPF), la filiale crédit
prévu le 3 décembre. Après quoi à la consommation de BNP
l’annexion des territoires pourrait Paribas, a été condamnée mardi
être lancée. Très inquiet, George- en appel à Paris à l’amende
town s’est tourné vers la Cour in- maximale de 187 500 euros
pour pratiques commerciales
ternationale de justice de La Haye,
lui demandant de stopper « de tou-
te urgence » ce référendum. Mais,
« pourrait
Le Guyana trompeuses.

atteindra 0,8 million de barils par
jour (mbj) d’ici à fin 2025, à mesure
que de nouveaux navires d’extrac-
tion seront mis en service. Le
Guyana produira alors pas loin de
1 % de l’offre mondiale, se plaçant
devant le Royaume-Uni en 2022
(0,78 mbj) ou le Venezuela, son
voisin aux réserves prodigieuses
mais au brut plus lourd et plus
complexe à raffiner. La production
du Guyana devrait même passer à
1,2 mbj d’ici à 2027, prévoit la so-
A
d’ici à 2040 », souligne une étude
publiée dans la Harvard Internatio-
nal Review. Le Guyana, pays pauvre
dont l’économie reposait aupara-
vant sur le riz, le sucre, la pêche et
les mines de bauxite et d’or, « de-
viendrait alors le quatrième produc-
teur mondial de pétrole offshore »,
indiquent les chercheurs. Le PIB de
l’ancienne colonie britannique a
déjà bondi de 5 à 15 milliards de
dollars entre 2020 et 2022.
« Des risques pèsent sur la stabili-
aucune expérience dans ce domai-
ne. Et c’est sans parler des risques
de corruption à grande échelle ou
des conflits armés qui ont frappé
tant de pays producteurs.
Le Guyana est d’ailleurs déjà en
tensions avec le Venezuela. Son
voisin revendique depuis des dé-
cennies la région d’Essequibo qui
couvre plus des deux tiers du terri-
toire du Guyana. Caracas est encore
plus décidé à la récupérer depuis
qu’elle s’est révélée riche en pétro-
si la Cour peut statuer, elle ne peut BARCLAYS SUPPRIME
pas intervenir pour faire respecter
devenir
sa décision. Or, selon les autorités le quatrième 900 POSTES
guyanaises, des préparatifs militai- producteur £ La banque britannique
res sont déjà en cours au Venezuela. Barclays entend supprimer
D’autres pays de la région se
mondial 900 postes au Royaume-Uni,
penchent sur leurs ressources en de pétrole où il emploie 22 300 salariés,
hydrocarbures. TotalEnergies a an-
noncé en septembre des études sur
un projet pétrolier de 9 milliards de
offshore
« HARVARD
» a affirmé mardi le syndicat
Unite.
INTERNATIONAL REVIEW»
dollars au large du Suriname. Le
groupe pétrolier a, en revanche, » Le Sénat annule
tiré un trait en 2019 sur la Guyane +@ la niche fiscale Airbnb

ciété d’études spécialisée Wood té à long terme de la production de le et en gaz. Un référendum auprès française, entérinant l’échec de sa et d’autres avantages
Mackenzie. brut en Guyane », avertissent tou- de la population vénézuélienne est campagne d’exploration. ■ www.lefigaro.fr/economie
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO

24 ENTREPRISES
JEAN-YVES GUÉRIN £@jyguerin

MOBILITÉ Décidément, les dépla-

cements pendant les Jeux olympi-
ques de 2024 constituent un sujet
explosif. La semaine dernière, la
maire de Paris, Anne Hidalgo, avait
créé la polémique en affirmant que
les transports parisiens ne seraient
« pas prêts » pour le plus grand
événement sportif mondial. Le mi-
nistre des Transports, Clément
Beaune, qui se verrait bien candidat
à la mairie de Paris en 2026, l’avait
sévèrement reprise : « Les propos de
Mme Hidalgo sont honteux, affir-
mait-il dimanche. Est-ce que les in-
frastructures seront prêtes en temps
et en heure ? Oui. Est-ce qu’il y a en-
core du boulot ? Oui. »

FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO

Cette fois, c’est Valérie Pécresse
qui a mis le feu aux poudres. Sur X
(ex-Twitter), la présidente d’IDFM
(Île-de-France Mobilités), a dévoi-
lé lundi les tarifs pendant la période
des JO, allant du 20 juillet au 8 sep-
tembre, concernant le métro, le
RER, le bus ou le tramway en ré-
gion parisienne. Le ticket de métro
sera à 4 euros contre 2,10 euros ac-
tuellement. Le carnet voudra lui
aussi presque deux fois plus qu’en
temps normal (32 euros au lieu de
16,90 euros). Le forfait hebdoma-
daire baptisé passe Paris 2024 sera
vendu 70 euros quand le passe
Navigo pour une semaine est com-
mercialisé à 30 euros. Seul le forfait
un jour sera plus avantageux pen-
dant les JO : 16 euros contre
20,10 euros aujourd’hui.
Engagement initial
de transport gratuit
« Les quelque 5 millions de Franci-
liens qui ont un Navigo mensuel ou
annuel, un forfait Imagine R (réser-
vés aux jeunes), un forfait Navigo
Senior ou Améthyste (pour les per-
sonnes handicapées) ne sont pas
concernés par ces hausses de prix »,
plaide-t-on à IDFM, qui ajoute :
« nous
« Le passe Paris 2024 hebdomadaire
peut débuter n’importe quel jour de
la semaine, alors que le Navigo sur
une semaine commence obligatoire-
ment le lundi. Et le passe Paris 2024
comprend le voyage jusqu’à Orly
avec l’Orlyval à la différence du
passe Navigo. »
Si la présidente de la région Île-
de-France procède à ces augmen-
tations, ce n’est pas de gaieté de
cœur. Pour transporter les 10 mil-
lions de spectateurs attendus aux
JO, il faudra faire rouler des milliers
de métros, de trains, de RER ou de
bus supplémentaires. Cela fera
grimper la consommation d’élec-
tricité ou de gaz, nécessitera da-
Transports : le surcoût lié aux JO
retombe sur les usagers occasionnels
Les billets et passes hebdomadaires seront plus chers, pour compenser la mise en service
de milliers de métros, RER ou trains supplémentaires. Un choix qui fait polémique.
vantage de maintenance sur le ma-
tériel roulant… Sans compter les
primes versées aux agents de la
Au départ,
avions
RATP et de la SNCF qui ne pourront
pas prendre leurs congés cet été.
Une note estimée à 200 millions par
IDFM, le grand argentier des trans-
prévu de ports en commun dans la région
verser à IDFM capitale qui fera supporter ce sur-
45 millions, coût aux voyageurs.
La pilule a d’autant plus de mal à
soit le coût passer que, dans son dossier de
du transport candidature pour les JO présenté en
des détenteurs 2017, Paris 2024 s’était engagé à ce
que les transports en commun
de billets soient gratuits pour ceux ayant un
»
pour les Jeux billet pour les Jeux. « Initialement,
MICHAËL ALOÏSIO, Paris 2024 devait faire un chèque à
DIRECTEUR GÉNÉRAL IDFM pour prendre à sa charge ce
DÉLÉGUÉ DE PARIS 2024 surcoût », souligne-t-on dans l’en-
tourage de Valérie Pécresse.
La réalité est un peu plus com-
plexe. « Au départ, nous avions pré-
vu de verser à IDFM 45 millions, soit
le coût du transport des détenteurs
de billets pour les Jeux, nuance
Michaël Aloïsio, directeur général
délégué de Paris 2024. Nous avons
annoncé fin 2022 que nous y renon-
cions car nous devions faire des éco-
nomies pour compenser les dérives
de coûts sur d’autres postes provo-
quées par l’inflation. »
Vague de commentaires
indignés
Dans cette affaire, IDFM avait un
dernier espoir : obtenir une prise en
charge de l’État dans le cadre de la
négociation sur le financement jus-
qu’en 2030 des transports franci-
liens. Mais si les deux parties ont
trouvé un accord prévoyant l’aug-
mentation de la contribution de
toutes les parties (l’administration,
les entreprises, les collectivités lo-
cales, les usagers et les touristes),
les pouvoirs publics ont refusé de
puiser dans leur cassette pour
éponger la facture des transports
pour les JO. Clément Beaune joue
donc plutôt l’apaisement sur ce
dossier : « Les tarifs relèvent de la
région. Pour les Jeux, l’important est
que les abonnés et tous les Franci-
liens qui peuvent acheter leurs billets
à l’avance ne soient pas impactés et
soient préservés. C’est le cas. »
De fait, pour éviter de passer à la
caisse, les Franciliens n’auront
qu’une solution : utiliser pendant
les JO des billets achetés avant le 20
juillet où les tarifs sont plus raison-
nables. Les Parisiens et les banlieu-
sards qui retravaillent à compter de
la dernière semaine d’août, s’ils
n’anticipent pas leur achat, de-
vront débourser 70 euros pour em-
prunter les transports en commun.
Un tarif peu éloigné du prix du
Navigo mensuel (84,10 euros). Cet-
te hausse a provoqué une vague de
Pendant la période
des JO, le ticket
de métro passera
à 4 euros,
contre 2,10 euros
actuellement.
commentaires indignés de voya-
geurs sur les réseaux sociaux. Et la
gauche parisienne s’est emparée du
sujet avec délectation : « Faute
d’avoir une vision de long terme sur
les transports en commun franci-
liens, la présidente de région et le
gouvernement veulent se refaire une
santé sur les dos des Jeux olympi-
ques », estime Emmanuel Grégoire,
premier adjoint de la maire de
Paris, Anne Hidalgo.
Les représentants des usagers
sont plus mesurés, même s’ils sou-
lèvent quelques problèmes : « C’est
probablement la moins mauvaise des
solutions. Mais pourquoi applique-
ra-t-on les tarifs JO pendant les
deux semaines qui séparent la fin des
JO et le début des Jeux paralympi-
ques ?», s’interroge Marc Pélissier,
président de l’Association des usa-
gers des transports (AUT) Île-de-
France. ■

L’espoir d’une baisse des prix alimentaires en 2024 s’éloigne

Les négociations entre distributeurs et industriels, dont les dates butoirs ont été avancées, sont tendues.
MARIE BARTNIK £@mariebartnik
ET OLIVIA DÉTROYAT £@Oliviader
DISTRIBUTION Les espoirs du
gouvernement risquent fort
d’être douchés. Imposé par une
récente loi, le calendrier accéléré
des négociations tarifaires an-
nuelles entre distributeurs et in-
dustriels des produits de grande
consommation sera, certes, tenu.
Mais il ne devrait pas entraîner la
baisse générale des prix alimen-
taires que promet Bercy depuis
des mois.
Les distributeurs et leurs four-
nisseurs viennent tout juste d’en-
tamer, avec six semaines d’avan-
ce, leurs pourparlers annuels. Le
climat est plus tendu que jamais.
« La semaine dernière, un distribu-
teur m’a demandé de but en blanc
des baisses de tarifs de 30 % », as-
la veut encore 7 % de hausse,
après avoir obtenu 15 % à 20 %
l’an passé.
Au terme des négociations, les
hausses de tarifs seront moin-
dres. Dans les couloirs du minis-
tère de l’Économie, on espère
toujours une légère baisse des
prix alimentaires en rayon, alors
que l’inflation sur deux ans reste
solidement au-dessus des 21 %.
Mais tant du côté des industriels
que dans les centrales d’achats,
on est résigné à une nouvelle in-
“lesLesplusindustriels
puissants
pourraient accepter
des baisses de tarifs,
car ils ont obtenu
de très fortes hausses
les 19 000 entreprises de l’agroa-
limentaire présentes dans l’Hexa-
gone. Or les premiers exposés à ce
risque sont les PME. » Pour ces
dernières, les échanges sont bien
avancés sur leurs activités de
marques de distributeurs (MDD),
« où l’on reconnaît nos arguments
sur la poursuite de la hausse de
certains de nos coûts, comme le
sucre ou le chocolat, poursuit un
géant de la glace qui fournit aussi
les enseignes sur leurs marques
propres. En revanche, dès que l’on
parle de nos marques, les argu-
ments ne passent plus. »
Le calendrier imposé par l’exé-
cutif n’a pas fluidifié les pourpar-
lers. « Les grands industriels ne
sont pas plus constructifs qu’à la
rentrée, déplore une grande en-
seigne d’indépendants. En revan-
che, avec nos fournisseurs PME,
nous avons bon espoir de contenir
d’orange ou le riz qui continue-
ront d’être en hausse. Une autre
enseigne s’attend à une inflation
moyenne des tarifs de 0 % à 3 %.
Dans le cadre
des négociations
annuelles avec
les distributeurs,
peut que les industriels les plus
puissants soient finalement ceux
qui acceptent des baisses de tarifs,
car ils ont obtenu de très fortes
hausses l’année dernière », prédit
un grand distributeur.
D’autres PME comme les Cafés
Legal, qui expliquaient la semaine
dernière être en capacité de ré-
percuter des baisses de prix sur
leurs arabicas, pourraient boucler
très vite leurs négociations, dans
l’optique de relancer leurs volu-
mes. Idem sur les croquettes pour
chats et chiens, chez les volaillers
comme chez LDC, dans les céréa-
les ou le riz, « où l’on peut s’atten-
dre à de baisses de tarifs », expli-
que Jean-Philippe André. Si tant
est que celles-ci soient répercu-
tées en rayon… L’exécutif a pro-
mis de surveiller ce point afin que
les éventuelles baisses tarifaires
soient rapidement perceptibles

sure le patron d’une PME de la
pâtisserie industrielle.
La fin des discussions a été
avancée au 15 janvier pour les
PME réalisant moins de 350 mil-
lions d’euros de chiffre d’affai-
res, au 31 janvier pour les autres.
90 % des industriels ont déjà en-
voyé leurs conditions générales
de vente, et les dernières sont
attendues d’ici au 5 décembre.
Ils demandent en moyenne une
hausse de tarifs de 4 % à 5 %. Les
A
”
l’année dernière
UN PATRON D’ENSEIGNE
flation en rayon, certes bien infé-
rieure. Surtout, on sait que les se-
maines à venir seront
particulièrement rudes. « Nous
avons des milliers de contrats à si-
gner en quelques semaines. Ce laps
de temps plus court que d’habitude
complique la négociation », expli-
que un distributeur.
« Le risque, c’est l’abattage,
la hausse des tarifs à 2 % ou 3 %. »
Une approche plus souple
confirmée par le dirigeant de la
PME pâtissière : « Certaines ensei-
gnes ont compris qu’elles
n’auraient pas le temps d’avoir
plus d’un ou deux rendez-vous,
donc les discussions se font de ma-
nière intelligente, avec des
contrats déjà sur le point d’être
signés. »
Chez Système U, on estime que
l’enjeu sera de contenir les haus-
Pour sortir par le haut, l’exécu-
tif ne semble plus pouvoir miser
que sur des baisses à la marge.
L’enjeu de ces négociations tari-
faires n’est pas neutre pour les in-
dustriels, leurs volumes écoulés
en grandes surfaces ayant fléchi
de 4,5 % depuis un an. C’est un
sujet de préoccupation majeure
pour les fabricants de marques
nationales, qui ont perdu du ter-
rain face aux MDD. Pour conti-
nuer à faire tourner leurs usines,
les industriels
demandent en moyenne
une hausse tarifaire
de 4 % à 5 %.
RICCARDO MILANI/
HANS LUCAS
VIA REUTERS CONNECT
pour le consommateur.
Dans ce contexte, les tensions
pourraient se cristalliser sur les
grands industriels, même s’ils ont
quinze jours de plus pour signer
leurs contrats. « Les 5 millions
d’euros d’amende que nous ris-
quons si la date butoir n’est pas
respectée font courir un grand ris-
que, souligne un industriel des
pâtes. Du coup, nous notons tout ce
qu’il se passe pour ne pas être
considérés comme responsables de

exigences dont encore plus forte renchérit Jean-Philippe André, ses tarifaires entre 4 % et 5 %. ils pourraient se résoudre à d’im- l’échec de la négociation. On for-
dans certaines filières. Coca-Co- président de l’Ania, qui regroupe Avec des produits, comme le jus portants efforts tarifaires. « Il se malise tout. » ■
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
26 L'ÉVÉNEMENT
La perte du bastion EDF, symbole
d’une CGT sur le déclin
Après soixante-dix-sept ans de domination, la centrale radicale a perdu sa première place au profit de la CFE-CGC.
THOMAS ENGRAND
£@EngrandThomas
ET RICHARD FLURIN
£@FlurinRichard
SOCIAL « Pour le moment les ré- Claude Laroche, « pour voir ». ner du collectif », se désolait Ca-
sultats sont satisfaisants. Mais
peut-être que l’on nous remonte
uniquement ceux qui sont favora-
bles », s’amusait Sophie Binet, la
numéro un de la CGT, à la rentrée.
La période des élections profes-
sionnelles, qui permettent de re-
nouveler la représentation syndi-
cale dans les entreprises, et donc
le poids de chaque organisation à
l’échelle du pays, ne faisait alors
que commencer. Jusqu’à la se-
maine dernière, le discours officiel
ne semblait pas avoir changé
d’une syllabe, à entendre Catheri-
ne Giraud, secrétaire confédérale
en charge du renforcement de la
vie syndicale.
Toutefois, depuis lundi 13 no-
vembre, il est devenu beaucoup
plus difficile pour le syndicat dit
contestataire de continuer à jouer
l’insouciance. Ce jour-là, la
centrale de Montreuil a
enregistré un des plus
cinglants revers de
son histoire. À
2,8 points près, elle
s’est fait ravir la
640 000
place de premier
syndicat chez EDF,
adhérents
revendiqués par la CGT.
au profit de la CFE- En 1970, ils étaient
CGC. Un véritable
2,5 millions
coup de tonnerre. Non
seulement la CGT a domi-
né chacune des élections au
sein de ce poids lourd du syndica-
lisme français depuis 1946, mais
surtout, entre l’ex-entreprise pu-
blique et l’ex-organisation affidée
au Parti communiste, s’était nouée
une histoire singulière, que même
les bastions tels que la SNCF ou
Renault n’avaient pu égaler.
Une « relation spéciale » qui
s’est progressivement détériorée
en partie du fait de l’entêtement
de certains salariés militants, qui
n’ont pas hésité pendant des an-
nées à utiliser l’arme des coupures
de courant dans le rapport de for-
ce avec la direction de l’entreprise
et le gouvernement. Le procédé,
extrêmement impopulaire, a
changé l’image de l’électricien et
de la CGT dans l’opinion publique.
En parallèle, l’employé type chez
EDF a évolué. L’ouvrier peu quali-
fié, archétype du militant cégétis-
te, s’est raréfié pour donner la
part belle aux maîtrises et aux ca-
dres. Ces derniers sont à la fois
moins syndiqués et moins radi-
caux. À l’historique CGT, ils pré-
fèrent la CFE-CGC, un syndicat
spécifiquement tourné vers ces
profils plus diplômés. Pour finir, le
passage de l’ancien service public
en société anonyme en 2004 a en-
core accentué la marginalisation
de l’organisation.
Mais il y a pire encore. La ges-
tion chaotique des centaines de
millions d’euros de la caisse cen-
trale des activités sociales (CCAS)
d’EDF a fini par disqualifier la
Portés par l’anxiété climatique, les « écosyndicats » surgissent dans les é
CGT. L’idéal d’autogestion au fon-
dement de cette caisse gérée par
les seuls salariés, sans droit de re-
gard de la part de la direction, sui-
vant les principes de l’idéologie
« On appelle
ouvriériste, a rapidement viré à la
gabegie financière. La nomination
de Jean-Claude Laroche à la di-
rection générale de la CCAS en
2002 marque un tournant. Ce po-
lytechnicien affidé à la CGT se re-
biffe en découvrant des factures
douteuses qu’il refuse de signer.
Évincé aussitôt, il condamne haut
et fort un manque de transparence
dans un courrier adressé à l’en-
semble des syndicats du groupe,
détaillant des pratiques qui tom-
bent sous le coup de la loi.
Le lièvre est soulevé. La confé-
dération des cadres, minoritaire
à l’époque, saisit la Cour des
comptes, qui réalisera une série
A
de rapports publics au vitriol,
dont le dernier a été publié il y a à
peine plus d’un mois. Surtout, com) en 2013 ou encore celle de peut plus vraie pour la centrale côté celui de l’ex-numéro un Phi-
des retraités du fleuron français La Poste en 2022. L’effondrement Parmi les bastions cégétiste elle-même. lippe Martinez, issu de la métallur-
de l’électricité se décident à por- de la CGT semble inexorable. CGT à avoir Depuis de nombreuses années, gie. De l’autre celui « des ultras »,
ter plainte contre la CCAS dans la « Lorsque les choses vont mal, été conquis l’organisation est le théâtre de mené par Olivier Mateu, de l’union
foulée des accusations de Jean- le salarié a tendance à se détour- par d’autres guerre de clans, qui se livrent une locale des Bouches-du-Rhône, et
syndicats, bataille féroce pour prendre la tête Emmanuel Lépine, à la tête de la
L’esclandre prend cette fois un therine Giraud, de la CGT, qui y
Renault est l’un d’un syndicat qui ressemble tou- fédération des industries chimi-
des précurseurs.
tour judiciaire. L’instruction voyait une des causes du recul La CFE-CGC l’a jours plus à un champ de ruines. ques. Des tensions qui s’étaient
aboutira en 2012 à la condamna- des syndicats ces dernières dé- détrônée en 2010. Ce conflit a déjà coûté la tête d’un traduites ouvertement lors du der-
tion, notamment, de la CGT et du cennies. L’affirmation est on ne numéro un, Thierry Lepaon. Dési- nier congrès de Clermont-
journal L’Humanité, ainsi qu’à gné à la surprise générale pour Ferrand. Au grand dam du millier
celle de responsables cégétistes prendre la suite de Bernard Thi- de délégués présents sur place.
et communistes, coupables de bault début 2013, il n’avait pu Dans l’espoir de mettre un coup de
détournements de fonds, d’abus compter sur le soutien d’aucune pied dans la fourmilière et mettre
de confiance, de complicité ou grande fédération. Un prérequis fin au déclin de la CGT, Sophie Bi-
encore de recel. Un scandale qui pourtant indispensable pour espé- net avait finalement pu compter
a durablement entaché le syndi- rer imposer son autorité et perdu- sur le ralliement tardif de la fédé-
cat, qui avait réussi jusque-là à rer. Résultat ? Un scandale de ré- ration des cheminots et celle de
attirer la majorité des suffrages fection d’appartement au frais de l’énergie… dont EDF était le joyau.
lors de chaque cycle d’élections la centrale l’avait conduit à la dé- De quoi voir ses alliés d’hier lui
professionnelles, avant une chute mission. Une histoire pour laquelle tourner le dos ? Probablement pas,
accélérée. il avait finalement été acquitté en même si les prochains résultats
La perte d’hégémonie de la justice. Selon lui, il ne fait aucun dans les grandes entreprises seront
CGT au sein d’EDF est vécue doute que tout a été fomenté par suivis avec attention. En outre, il
d’autant plus douloureusement des rivaux de l’intérieur. est peu probable que la base lui re-
qu’elle vient sanctionner un af- Si la situation de l’actuelle nu- proche durement de n’avoir pas,
faiblissement plus global dans le méro un, Sophie Binet, n’est pas en seulement six mois, mis fin à
paysage politico-syndical fran- aussi inquiétante, il ne fait aucun une chute commencée il y a plu-
çais. Hier partenaire in- doute que la perte d’EDF fragilise sieurs décennies. En revanche,
contournable de toute sa position. Elle aussi se trouve être une course vers la radicalité pour
réforme, elle s’est une candidate par défaut. Hier à la resserrer les rangs et donner des
révélée aujourd’hui tête d’une petite fédération, celle gages aux plus durs n’est pas à ex-
incapable de faire des cadres, elle n’avait dû son élec- clure. Ce qui ne laisse rien augurer
plier le gouver-
nement sur la ré-
tion, en mars dernier, au bout de la
nuit, qu’à l’incapacité d’un clan à
de rassurant, alors que les vacan-
ces de Noël, période propice aux
forme des retrai-
tes. Et cela dans
prendre le dessus sur l’autre. D’un grèves, se profilent à l’horizon. ■
une intersyndicale
où la CFDT a réussi
à imposer sa straté-
gie. Il faut dire que son
éternelle rivale jouit désor-
mais de la force du nombre.
Après avoir soufflé la place de
premier syndicat français dans
le secteur privé en 2017, la CFDT
est devenue numéro un sur l’en-
semble de l’échiquier social. Car Comme au niveau
si la CGT reste en tête dans le interprofessionnel,
public strictement, la CFDT do- à La Poste, l’une
mine dorénavant tous secteurs des descendantes
confondus. des PTT, la CGT
a laissé sa place
Tensions internes d’organisation
La CGT revendiquait 640 000 ad- syndicale numéro un
hérents à la fin de l’année 2022. au profit de la CFDT.
Les rangs auraient été grossis,
toujours selon l’organisation syn-
dicale, de 30 000 nouveaux
membres au premier semestre
2023, à la faveur du combat
contre la réforme des retraites. Et
ce, même si des observateurs ju-
gent ces chiffres légèrement exa-
gérés. Quoi qu’il en soit, la CGT
reste très loin des 2,5 millions
d’adhérents qu’elle revendiquait
dans les années 1970. Car EDF
n’est pas le seul bastion cégétiste
à être tombé à la main d’organi-
sations rivales. La victoire de la
CFE-CGC chez Renault en 2010
constituait déjà une défaite sym-
bolique pour la centrale de Mon-
treuil, suivie dans la foulée par la
perte d’Orange (ex-France Télé-
Ce n’est pas tous les jours qu’un Fondée au début de l’année depuis plus de cinq ans au CSE sance dans d’autres », détaille-
à produire
nouveau syndicat fait son appari-
tion dans le paysage social fran-
çais. Alors, quand il s’agit non pas
2020 par une cinquantaine de
jeunes actifs et d’étudiants, cette
nouvelle organisation va se frot-
de son entreprise de conseil en
cybersécurité, mais hors de tout
syndicat avant d’intégrer le
t-elle.
Certains employeurs peuvent
s’inquiéter de l’arrivée d’un ac-
dans la limite d’une nouvelle structure mais ter pour la première fois à une Printemps écologique. « Je teur aux revendications et aux
planétaire. d’un nouveau concept, l’événe- campagne d’élections profession- m’intéressais à l’écologie mais je moyens d’action encore flous.
ment n’en est que plus unique. Ce nelles. Fort de quelques centaines ne voulais pas pour autant quitter « Ils peuvent être vus comme une
Ce qui cycle d’élections professionnelles d’adhérents, le Printemps écolo- mon emploi », explique le tren- opposition, voire une menace »,
suppose de la va en effet voir pour la première gique espère atteindre le seuil de tenaire, qui se réjouit de pouvoir confirme Stéphanie Matteudi,
décroissance fois des « écosyndicats » sur la représentativité - 10 % des suf- aujourd’hui concilier les deux. docteur en droit et spécialiste du
grille de départ dans plusieurs di- frages - dans une soixantaine fait syndical. Une hostilité confir-
dans certains zaines d’entreprises aux quatre d’entreprises. Et ce en continuant Moyens d’action flous mée par Adrien Gaillard. « Dans
secteurs coins du pays. d’attirer des profils souvent forts Pourquoi ne pas avoir adhéré les grands groupes, l’accueil peut
et de la Si ces nouveaux venus parta- éloignés du monde syndical. C’est autre part ? « Les autres syndi- être très bon, mais parfois ils nous
gent avec leurs confrères plus tra- le cas d’Audrey, salariée d’une cats utilisent le terme d’environ- attaquent directement en justice,
croissance ditionnels les problématiques de start-up de la tech, qui s’est en- nement plus que d’écologie et il en contestant notre statut de syn-
dans salaires et de conditions de tra- gagée il y a deux ans, après avoir s’agit souvent du treizième sujet dicat », indique-t-il.
d’autres »
ANNE LE CORRE,
vail, le but principal est de « se
servir de l’outil syndical pour faire
avancer la question écologique »,
traversé « une période d’écoanxié-
té ». « Je ne connaissais pas du tout
le syndicalisme. Personne autour
sur treize », ajoute-t-il. Ici, on
revendique un discours « anti-
productiviste », explique Anne
Un problème de légitimité qui
se ressent aussi face aux autres
syndicats. À plus forte raison
COFONDATRICE
DU PRINTEMPS souligne Anne Le Corre, l’une des de moi n’avait de carte d’adhé- Le Corre. « On appelle à produire depuis que certains d’entre eux
ÉCOLOGIQUE cofondatrices du Printemps éco- sion », explique la jeune femme. dans la limite planétaire. Ce qui se sont saisis de la question éco-
logique, le plus important de ces Parcours un peu similaire suppose de la décroissance dans logique et cherchent à en faire
nouveaux acteurs. pour Adrien Gaillard, déjà élu certains secteurs et de la crois- un outil pour attirer un nou-
 LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023

L'ÉVÉNEMENT 27

Entre les organisations syndicales, le retour de la compétition

« C’est historique, la CFDT devient formation du monde du travail, où
la première organisation syndicale La CFDT premier syndicat représentatif au niveau national les cadres sont aujourd’hui plus

FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO

chez Flunch, devant la CGT, qui Résultats nationaux de la mesure d'audience syndicale et interprofessionnel en 2021 nombreux que les ouvriers, pour
perd 13 points, et FO. » Ces derniè- % de voix obtenues continuer à grimper. Quant à la
res semaines, ce type de messages CFTC, qui a tenu son congrès à
s’est multiplié sur le réseau so- 26,77 % Rennes mi-novembre, elle a vu
cial X (ex-Twitter). L’ambiance de son président, Cyril Chabanier,
compétition est de retour entre les 22,96 % réélu avec pour mot d’ordre « Ob-
organisations syndicales après jectif 10 % » (de représentativité),
l’union sacrée durant le conflit contre 9,5 % actuellement. Pour
contre la réforme des retraites. les autres, notamment Unsa et
Avec 14 mobilisations au coude à Pour être représentatif, SUD-solidaires, devenir représen-
coude, elles avaient en effet habi- 15,24 % il faut avoir obtenu au moins tatif - c’est-à-dire 8 % des voix au
tué les Français à ne pas laisser 8 % des suffrages exprimés niveau interprofessionnel - est un L’inter-
« l’épaisseur d’un papier à cigaret- 11,92 % au niveau national. objectif assumé. syndicale
tes » entre leurs positions, selon les En parallèle, toutes les organisa-
mots utilisés à l’époque par Lau- 9,5 % tions voudront surfer sur les nou- ne continue
rent Berger, alors numéro un de la 8% velles adhésions enregistrées pen- évidemment
CFDT. Une époque pas si lointaine 5,99 % dant la réforme des retraites
mais révolue, comme le prouve la 3,81 % « 77 000 de plus par rapport à 2022 pas sous la
décision prise en commun de met- 3,68 % pour la CFDT », selon Marylise
tre l’intersyndicale en veille, ce Léon, pour s’implanter dans de
même forme
qui devrait être acté lors d’une nouvelles entreprises et de nou- que lors
réunion au siège de la CFDT, ven- velles zones. Les syndicats admet-
dredi 1er décembre. Si l’absence de
CFDT CGT FO CFE-CGC CFTC UNSA Solidaires Listes < à 1%
tent néanmoins que le travail est
des retraites
revendications fortes et fédératri- Source : Haut Conseil du Dialogue Social (HCDS) Infographie
immense. Les déserts syndicaux puisqu’on n’est
ces est mise en avant par plusieurs n’ont cessé de se développer de-
leaders pour expliquer ce choix CGT, qui participe à son premier tard face à la centrale réformiste puis des décennies. « 40 % des en-
plus sur cette
devenu inéluctable, impossible de
ne pas y voir l’influence des élec-
cycle d’élections comme numéro
un, avait beau jeu de pointer début
mais surtout tenter de préserver
au maximum leurs bastions. Car,
treprises et plus de 50 % des sala-
riés n’ont pas de CSE », rappelle la
temporalité »
SOPHIE BINET, SECRÉTAIRE
tions professionnelles qui se jouent septembre que « ce n’est pas une derrière, les « petits syndicats » ne CGT. Et il faudra plus que six mois
GÉNÉRALE DE LA CGT
actuellement. course à l’échalote entre les centra- manquent pas d’ambitions. La de lutte contre les retraites pour
Le moment est vital pour toutes les syndicales. Notre but est de faire CFE-CGC veut profiter de la trans- inverser la tendance. ■ T. E.
les organisations. C’est de ces ré- reculer les déserts syndicaux ».
sultats que va dépendre le poids de En réalité, tous sont concurrents
chacune au sein des branches et au et les places, précieuses. La com-
niveau interprofessionnel. Sophie pétition n’a d’ailleurs jamais été
Binet, secrétaire générale de la aussi vive. Jusqu’en 2017, chaque
entreprise dictait son propre
agenda, il en résultait un étale-
La CGT était majoritaire ment relativement homogène des
dans l’ex-EDF-GDF élections professionnelles dans le
depuis les premières élections temps et en corollaire une certaine
professionnelles, en 1946. indifférence au niveau national.
Soixante-dix-sept ans plus tard, Mais les réformes Macron, renou-
elle perd son statut de premier velant les institutions et le dialo-
syndicat de l’énergéticien, gue social - suppressions des
au profit de la CFE-CGC, CHSCT et des CE, remplacés par un
à 2,8 points près. unique CSE (Comité social et éco-
nomique) -, ont provoqué une
concentration des élections sur un
court laps de temps.

70 % des CSE renouvelés

Au lendemain de la réforme, fin
XOSE BOUZAS/HANS LUCAS VIA AFP, JEAN-MARC BARRERE/HANSLUCAS, CORINNE SIMON/HANSLUCAS

2019 et début 2020, toutes les en-

treprises ont procédé à un scrutin.
Le mandat durant en général qua-
tre ans, le temps du renouvelle-
ment est venu. Entre novembre et
janvier, 70 % des CSE du privé de-
vraient être réélus. C’est donc, à
peu de chose près, 70 % de la légi-
timité des syndicats qui est dans la
balance. Un tel enjeu a, sans sur-
prise, poussé les centrales à s’im-
pliquer davantage. Airbus, par
exemple, qui organisait son scru- CO-ORGANISATEUR DES PRIX EMPLOI 2023
tin du 21 au 23 novembre, a vu au
cours des semaines précédentes
défiler dans ses hangars les numé-
qui récompensent les entreprises cotées créatrices d’emploi
ayant déployé les politiques sociales les plus vertueuses.
ros un de la CFDT (Marylise Léon),
de la CGT (Sophie Binet), de FO
(Frédéric Souillot) et de la CFE-
CGC (François Hommeril).
À chacun son objectif. Pour la
CFDT, il s’agit évidemment de
préserver sa place de première or-
ganisation syndicale de France,
obtenue en 2018 aux dépens de la Catégorie
CGT. Et si possible de creuser da- Catégorie Catégorie Catégorie
vantage l’écart avec ses poursui- GRAND
vants, en surfant sur l’exposition JEUNES SENIORS HANDICAP
enregistrée lors de la réforme des PRIX
retraites. En face, la CGT et FO
vont essayer de grignoter leur re-

élections professionnelles vous donne rendez-vous le

veau public. Particulièrement tion au poste de secrétaire gé- mardi 5 décembre de 12h30 à 14h30
active sur ce segment, la CFDT a nérale.
lancé avec une soixantaine
d’ONG et autres organisations
L’arrivée d’un nouvel acteur
n’est donc pas toujours très bien dans les Salons de l’Hôtel des Arts & Métiers
le « Pacte du pouvoir de vi- acceptée, au moins au niveau in-
vre », qui milite pour la mise en terprofessionnel. « Ils voient ça
place de mesures concrètes comme une concurrence avec un
pour répondre à l’urgence so- nouveau modèle », souligne Sté-
ciale et écologique. phanie Matteudi. « Certaines di-
Un créneau sur lequel la CGT rections syndicales ont fait passer POUR VOUS
a, elle aussi, essayé de surfer au des messages négatifs à leurs INSCRIRE
travers de l’initiative « Plus ja- équipes pour éviter qu’on présente
mais ça ». Le projet avait néan- des listes communes », se désole
moins provoqué de vives réac- Adrien Gaillard. « Certains pen-
tions de la part de certaines sent peut-être pouvoir nous absor-
fédérations, notamment dans ber », ajoute-t-il. En revanche,
l’industrie lourde, qui avaient au sein des entreprises, l’accueil
peu goûté les valeurs de dé- est presque toujours excellent,
croissance et décarbonation dé- selon les sources interrogées. Une
fendues et qui y voyaient à ter- chose est sûre, « ces nouveaux ac- CONTACT - Option Finance Evénements
me une menace pour leurs
emplois. Face à la fronde, So-
teurs vont obliger les syndicats
plus traditionnels à bouger », parie
service.evenements@optionfinance.fr - 01 53 63 55 65
phie Binet avait d’ailleurs fait le Stéphanie Matteudi, qui les voit
choix d’en sortir après son élec- « continuer à pousser ». ■ T. E.
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO

28 ENTREPRISES

Le boom des compléments alimentaires

Ce marché qui approche les 3 milliards d’euros est tiré par l’innovation et le dynamisme des pharmacies.
KEREN LENTSCHNER £@Klentschner
SANTÉ Ce sont des petits flacons
foncés en verre qui ressemblent da-
vantage à des cosmétiques bran-
chés qu’à des pilules. Havea, le nu-
méro un européen de la santé
naturelle, lance A-Lab, une nou-
velle marque de compléments ali-
mentaires. La première gamme se
décline autour de dix mono-ingré-
dients essentiels à l’organisme (ma-
gnésium, zinc, collagène, mélato-
nine…) sous la forme de gélules. Au
dos de chaque flacon, figure un QR
Code qui renvoie vers une message-
rie WhatsApp sur laquelle des ex-
perts répondent aux questions.
« Les besoins des patients-
consommateurs ont évolué, com-
mente Nicolas Brodetsky, PDG du
groupe Havea, qui devrait réaliser
cette année 290 millions d’euros de
chiffre d’affaires. Ils sont plus que
jamais en quête de formulations plus
transparentes, naturelles et avec un
nombre limité d’ingrédientspermet-
tant d’avoir une approche personna-
lisée en fonction des besoins. » Ha-
vea, qui a mobilisé une quinzaine de
personnes depuis un an sur ce lan-
cement, a choisi un positionnement
haut de gamme (20 à 30 euros la
boîte). La gamme, qui sera en
concurrence frontale avec celle de
la marque Solgar, sera lancée en
grande pompe début 2024 dans
2 500 pharmacies de l’Hexagone.
Havea surfe sur un marché des
compléments alimentaires en pleine
santé, qui a totalisé l’an passé
2,6 milliards d’euros de ventes
(+ 3%). Depuis 2010, la croissance
est ininterrompue. « Les besoins des
consommateurs sont tournés vers la
prévention-santé, les petits maux du
quotidien et les inconforts », résume
Delphine Dupont, directrice géné-
rale du Synadiet, qui fédère les prin-
cipales entreprises du secteur. Il y a
quinze ans, la minceur était l’un des
principaux moteurs de croissance.
Ce segment ne cesse de décliner de-
puis cinq ans. Aujourd’hui, l’immu-
Les compléments nité et la vitalité, la digestion, le
alimentaires sont sommeil et le stress sont les princi-
une source importante pales motivations des clients.
de revenus pour
les pharmacies. « Ticket d’entrée élevé »
BURGER/PHANIE/PHANIE
Le Covid n’a fait que renforcer ces
tendances. « Ceux qui se sont tour-
nés vers les compléments alimen-
taires pendant la pandémie ont été fi-
délisés », ajoute Delphine Dupont.
Parmi les catégories en vogue figu-
rent les probiotiques, les produits à
base de plantes ou d’huiles essen-
tielles, ou, plus récemment, les
gummies (sous forme de nou-
nours). Également très porteurs, les
produits favorisant la beauté de la
peau, des cheveux et des ongles,
notamment à base de collagène.
Le marché est tiré par l’innova-
tion (une centaine de nouvelles ré-
férences par mois), ainsi que par le
dynamisme des pharmacies. Elles
représentent 54 % du marché, la
vente directe générant 10 % des
ventes, l’e-commerce, la grande
distribution et les magasins bio,
chacun 8 %. Depuis le début de
l’année, les ventes en officines ont
crû de 9 %, au même rythme qu’en
2022, les acheteurs de compléments
alimentaires montrant une vraie
appétence pour les conseils des
pharmaciens.
L’activité des officines ayant ra-
lenti par rapport à la période pandé-
mique, c’est un précieux complé-
ment de revenus pour le secteur.Et
un vecteur de fidélisation. « Le mé-
dicament ne permet plus à lui seul de
faire vivre correctement l’officine, il y
a un besoin de relais de croissance »,
explique Charles-Edouard Dehen-
ry, président du Cercle des pharma-
ciens coopérateurs, dont 10 % des
ventes proviennent des complé-
ments alimentaires et 25 % de la pa-
rapharmacie. « Nous conseillons des
compléments alimentaires pour com-
pléter une ordonnance ou pour ré-
pondre à une demande spécifique de
nos patients. Les médecins n’ont plus
le temps d’en prescrire..
Mais « le ticket d’entrée en phar-
macie est aujourd’hui élevé, constate
Delphine Dupont. Les rayonnages
des officines ne sont pas extensibles
et cela nécessite une force de vente
importante. » Havea compte une
quarantaine de personnes sur le
terrain. Car la concurrence s’est ac-
crue. Aux géants internationaux de
la pharma et de la grande consom-
mation (Nestlé, Sanofi, Procter &
Gamble…) s’ajoutent des masto-
dontes européens déjà établis (Ha-
vea, Arkopharma, Ineldea, Juva
Santé…), mais aussi de jeunes pous-
ses (Lashilé, Mium Lab…). La ba-
taille ne fait que commencer. ■

easyJet revient dans le vert, mais reste à la traîne du secteur

Après trois années de pertes, la compagnie low cost est redevenue bénéficiaire lors de son exercice 2022-2023.
exceptionnel dans le ciel européen. néfice net de 2,2 milliards d’euros, tuent à mi-chemin entre ceux des

324
DANIÈLE GUINOT £@DanieleGuinot
TRANSPORT EasyJet a enfin tour-
né la page de la pandémie. Après
millions trois années consécutives dans le
rouge, la compagnie aérienne low
de livres cost est redevenue bénéficiaire lors
Résultat net d’easyJet de son exercice 2022-2023, achevé
pour l’exercice le 30 septembre. Elle a dégagé un
2022-2023, résultat net de 324 millions de li-
contre une perte vres (374 millions d’euros), contre
de 169 millions de une perte de 169 millions de livres
livres sur le précédent un an plus tôt.
Comme l’ensemble des compa-
gnies aériennes, la britannique a
pleinement profité d’un été 2023
« La performance estivale record
malgré des coûts du carburant éle-
vés et des difficultés émanant de
l’environnement opérationnel exté-
rieur démontre le succès de notre
stratégie », s’est félicité le direc-
teur général d’easyJet, Johan
Lundgren. Portée par ces vents fa-
vorables, la compagnie a vu son
chiffre d’affaires bondir de 42 %, à
8,2 milliards de livres sur l’ensem-
ble de l’exercice. Même si le conflit
au Moyen-Orient impactera les
comptes d’easyJet au début de
l’hiver, son dirigeant reste confiant
pour 2024. « Les perspectives sont
positives pour cette année avec des
réservations de vols et séjours en
progression sur un an. »
Offre revue
En dépit de ces bons résultats, ea-
syJet reste à la traîne de ses
concurrentes, qui sont sorties bien
avant elle de la crise du Covid.
Ryanair, la compagnie low cost la
plus importante en Europe en
nombre de passagers, a par exem-
ple battu des records de rentabilité
au premier semestre de son exerci-
ce, clos le 30 septembre. Grâce no-
tamment à une hausse de ses tarifs,
le groupe irlandais a dégagé un bé-
en hausse de 59 % sur un an !
Quant à Wizz Air, dont le siège so-
cial se trouve à Genève, elle a enre-
gistré, au premier semestre de son
exercice (clos fin septembre), un
bénéfice net de 400 millions
d’euros.
En Bourse, les écarts sont tout
aussi impressionnants. Alors que
Ryanair vaut bien plus qu’avant la
pandémie (+ 50 % depuis le 1er mars
2020), le cours d’easyJet plonge de
53 % sur la même période. Le
transporteur britannique fait les
frais de son positionnement « mid-
dle low cost », dont les tarifs se si-
compagnies aériennes tradition-
nelles, comme Air France-KLM ou
Lufthansa, et ceux des pures com-
pagnies low cost. Une stratégie qui
peine à séduire les voyageurs.
De plus, easyJet a été grande-
ment pénalisée au sortir de la pan-
démie par les encombrements et
nombreux dysfonctionnements
des aéroports londoniens. La com-
pagnie britannique a néanmoins
revu son offre. « Elle a réussi à cap-
ter beaucoup de la demande aérien-
ne avec son offre à bas prix », souli-
gne Sophie Lund-Yates, analyste
de Hargreaves Lansdown. ■

LES DÉCIDEURS nominations@lefigaro.fr

â EMMANUELLE Emmanuel Pradère ouvre â THOMAS BOURET

CLAVERIE-VEYSSET
BHV
Après la cession par le groupe Galeries Lafayet-
te du BHV à la Société des grands magasins
(SGM), finalisée en novembre, Emmanuelle
Claverie-Veysset devient DG du BHV. Elle a
passé dix-huit ans chez Galeries Lafayette
avant de rejoindre la SGM en 2022, comme
directrice de la division grands magasins.
une nouvelle ère pour ECP
Emmanuel Pradère se
rêvait archéologue. Le
quotidien de ce passionné
d’Antiquité consiste
désormais à dénicher des
pépites contemporaines, dans lesquelles
investira le fonds Experienced Capital
croissance qui a rimé avec son internatio-
nalisation. Il a gagné en autonomie. Après
avoir goûté à cette liberté, il ne souhaitait
plus y renoncer.
Des vergers bio sur l’île d’Yeu
En 2015, il a imaginé un fonds destiné aux
Adeo
Le 1er janvier, Thomas Bouret, ancien
directeur général de Leroy Merlin
France, remplacera Philippe Zim-
mermann à la direction générale d’Adeo, hol-
ding de la famille Milliez regroupant les en-
treprises de décoration et de bricolage (Leroy
Merlin, Saint Maclou, Bricoman, Weldom…).

â BRUNO DUARTE
(ECP), qu’il mène seul depuis le départ de marques de demain avec Frédéric Biousse

â PRISCILLE GARCIN
SNCF
Priscille Garcin devient directrice de
la communication et des grands
événements sportifs de SNCF Gares
& Connexions. Elle a rallié le groupe en 2010
après être passée par France Télévisions. Elle
a notamment dirigé à Paris la gare de Lyon et
celle de Bercy. Depuis mars, elle assumait le
rôle de conseillère auprès de la direction
générale, en charge de la coordination des
grands événements sportifs.
ses associés de la première heure.
Fraîchement diplômé de HEC, il a rejoint
Edmond de Rothschild en 1995. « Cela
représentait un bon complément de forma-
tion mais je me sentais trop éloigné des affai-
res », explique-t-il. Il a ainsi découvert la
distribution en intégrant Saint-Gobain en
1999, comme bras droit sur les fusions-
acquisitions. Cela correspondait à une
période d’important développement. Son
épouse, entrepreneuse, ne pouvant quitter
la France, il a refusé des évolutions à
l’étranger. En 2004, il a finalement préféré
poursuivre auprès de Casino, procédant à
plusieurs cessions. Cinq ans plus tard, le
et Elie Kouby, deux anciens piliers de
SMCP. « Nous voulions trouver des jeunes
pousses s’adressant aux CSP+ et les aider à
grandir en s’adaptant aux enjeux actuels, de
digitalisation et durabilité », détaille-t-il.
ECP détient des participations dans le prêt-
à-porter (Balibaris, Sessùn), la beauté (Oh
My Cream!), la restauration (Nouvelle Gar-
de), le divertissement (karaokés BAM).
Autant de fleurons qu’une équipe
d’« experts opérationnels » dédiée accom-
pagne. Frédéric Biousse et Elie Kouby vont
progressivement céder leurs parts à trois
membres du groupe.
Emmanuel Pradère tient à continuer à
Bouygues Telecom
Bouygues Telecom annonce deux nomina-
tions au sein de son comité de direction géné-
rale. Ancien directeur commercial chez Ma-
genta Telekom, en Autriche, Bruno Duarte
arrive comme directeur du marché grand pu-
blic. Précédemment DG adjointe, en charge
des activités commerciale et client, Chrystel
Abadie Truchet est promue directrice straté-
gie, développement et communication. Par le
passé, elle avait endossé la direction générale
de Cacharel et de Comptoir des cotonniers.

â SOPHIE RAGAIGNE â GUILLAUME TRUCHOT

Goûters Magiques
L’entreprise de pâtisserie industrielle Goûters
Magiques (Armor Délices, Le Ster et Whaou !)
confie la direction commerciale France à
A
patron, Jean-Charles Naouri, lui a confié la
direction générale adjointe, chargée des
finances de Franprix et de Leader Price. « Il
s’agissait d’un baptême du feu, du haut de
mes 36 ans », sourit-il. En 2012, il a rejoint
SMCP (Sandro, Maje, Claudie Pierlot, Fur-
sac), se familiarisant avec le modèle du luxe
s’adonner à ses activités favorites, le
réseautage et la détection du bon produit,
sans délaisser la culture de ses vergers bio Champagnes AR Lenoble
sur l’île d’Yeu ou son rôle de réserviste dans
la marine. Et de raconter : « Hier, j’ai consa- Après une carrière dans les vins et spiritueux,
cré mon après-midi à visiter des concepts de Guillaume Truchot intègre les Champagnes
boulangerie à Paris. » MAUD KENIGSWALD AR Lenoble comme DG. La maison apparte-

Sophie Ragaigne. Elle entre au comité de accessible. La société a connu une forte mkenigswald@lefigaro.fr nait à la famille Malassagne, qui l’a cédée au
direction après une carrière chez Coca-Cola. printemps à la famille Frère-Gallienne. M. K.
 LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023

ENTREPRISES 29

Prêt-à-porter :
le dur combat
du « made
in France »
Malgré des initiatives réussies, la
filière peine à développer les volumes.
triment de vêtements faits en Fran-
MATHILDE VISSEYRIAS ce. Ainsi, selon une étude récente
£@MVisseyrias
d’OpinionWay, 89 % des Français
souhaiteraient consommer davan-
TEXTILE Cette année, 1083 a lancé tage de produits « made in France »,
son premier jean 100 % « made in toutes catégories confondues. Mais
France » en faisant pousser du co- ils ne le font pas. « Ces produits por-
ton dans le Gers et la Drôme. Le fa- tent des valeurs. Mais leur prix est le
briquant de Romans-sur-Isère en a frein numéro un à leur achat », re-
vendu 500 sur précommande. Il y connaît Gilles Lasbordes, directeur
en aura d’autres, mais leur nombre général du Salon de mode Première
dépendra de la qualité de la pro- Vision. Or, ce prix ne baissera pas.
chaine récolte de coton… Sans aller « Les coûts resteront toujours plus
jusqu’à planter des champs, des di-
zaines de marques, jeunes et moins
jeunes, ont parié sur le « made in
élevés en France qu’à l’étranger,
prévient Luc Lesénécal, président
des Tricots Saint James, et de l’Insti-
ble grâce aux circuits courts. » Dans
un marché de 67 millions de jeans
achetés en France chaque année,
Seulement 3 %
des volumes
de textile-habillement
vendus en France
Le retrait des fonds
France » : Saint-James, Petit Ba- tut national des métiers d’art 1083 en vend 50 000. C’est bien plus
teau, Le Slip français, 1083, Blanc
Bonnet, Armor Lux, Aigle… Leurs
(Inma). Le “made in France” n’a
d’avenir que s’il capitalise sur l’ex-
cellence d’un savoir-faire d’excep-
qu’imaginé au départ, mais c’est
une goutte d’eau. « Produire en
sont fabriqués
dans l’Hexagone.
MARECHAL AURORE/ABACA
étrangers fait chuter
produits, pour être considérés France exige une valeur ajoutée forte
comme fabriqués dans l’Hexagone,
ne sont pas intégralement fabriqués
dans le pays, mais « une partie si-
tion, reconnu par le label d’État En-
treprise du patrimoine vivant
(EPV). »
et singulière, insiste Céline Choain,
associée chez Kea & Partners. Bonne
nouvelle, nous disposons d’atouts :
le financement des
gnificative » l’est, selon les douanes.
Selon l’Union des industries tex-
tiles, la filière fait travailler
« Laborieux, long
mais stimulant »
l’innovation, des expertises métiers
rares, des outils industriels pour ré-
pondre aux besoins de proximité, de
start-up en Europe
62 000 personnes, dans 2 200 en- Saint James produit la quasi-totali- réactivité et de traçabilité. »
treprises, des petits fabricants dis- té de ses pulls et marinières en Pour autant, les volumes ne dé- Le montant des fonds levés atteindra
séminés dans toute la France. Des France. Dans la Manche, à Saint- collent pas. La filière textile françai-
acteurs qui n’hésitent pas à être à James, 300 personnes travaillent se a donc écrit à Emmanuel Marcon, 45 milliards de dollars en 2023,
contre-courant, alors que la ten- dans ses ateliers. Il y a trois ans, le 9 novembre, afin d’être soutenue
dance générale depuis cinquante l’entreprise a décidé de relocaliser concrètement dans sa relocalisation deux fois moins que l’an passé.
ans est à la délocalisation de la fa- la fabrication de ses cabans dans en France. En plus d’un soutien à
brication des vêtements afin de ré- l’Hexagone. Jusqu’alors, le drap de l’investissement, les professionnels pacité à se développer. « Les
duire au maximum les coûts. laine était fabriqué dans les Arden- et leurs représentants demandent LUCAS MEDIAVILLA £@Lucas_Medv investisseurs sont de plus en plus
« Ceux qui font du “made in France” nes. Mais l’assemblage se faisait des incitations fiscales comme une sélectifs, et les montants des inves-
sont un peu des doux dingues, dé- surtout en Turquie. La première TVA réduite, ou des subventions. Et, TECH Pour les start-up, les an- tissements sont, en moyenne, de-
cidés à créer de l’emploi local, mini- collection automne-hiver des pre- pourquoi pas, davantage de com- nées fastes post-Covid sont défi- venus plus modestes », note Ato-
miser leur impact carbone et faire miers cabans « made in France » mandes publiques. Saint-James nitivement dans le rétroviseur. mico. Dans cet environnement
revivre des territoires, résume Saint James vient seulement de fournit, de façon marginale, des Selon le dernier rapport publié dégradé, la France reste la deu-
Guillaume Gibault, président du sortir. « Nous voulions que nos trois pulls à l’armée de terre, de l’air et la par le fonds de capital-risque xième place forte de l’écosystème
Slip français, qui table sur 20 mil- produits iconiques (pull, marinière, marine nationale. Ils veulent aussi Atomico, le montant des fonds le- européen, avec 8 milliards de dol-
lions d’euros de chiffre d’affaires caban) soit fabriqués en France, en finir avec la confusion créée par vés par les jeunes pousses euro- lars levés en 2023, contre 12 mil-
cette année. Il faut relancer le sa- justifie Luc Lesénécal. Nous avons l’étiquetage des produits. Aujour- péennes atteindra en 2023 la liards pour le Royaume-Uni et
voir-faire, la formation, l’innova- fait appel à trois confectionneurs, d’hui, on trouve des marques à somme de 45 milliards de dollars. 7,8 milliards pour l’Allemagne.
tion, le recrutement… » Aujour- dont un normand. Cela nous coûte connotation française et des éti- Soit une baisse de 45 % par rap- Les auteurs de l’étude analysent
d’hui, seulement 3 % des volumes 30 % plus cher. » Grâce à une opti- quettes bleu blanc rouge sur des port aux 82 milliards de dollars de ce recul comme le retour à une
de textile-habillement vendus en misation des coûts de production produits qui ne sont absolument pas l’année 2022 et plus de 50 % par certaine normalité après les deux
France sont fabriqués dans l’Hexa- (les commandes sont passées un an fabriquées en France. « Il existe plu- rapport aux 100 milliards de 2021. années exceptionnelles post-Co-
gone. « Le combat est de porter ce à l’avance), les prix en rayon n’ont sieurs labels payants, comme Origine Difficile de ne pas voir dans cet vid. Ils jugent le secteur techno-
chiffre à 5 % dans les prochaines an- augmenté « que » de 20 %. France Garantie et France Terre Tex- effondrement le résultat de la fin logique européen plutôt résilient.
nées », selon Guillaume Gibault. Thomas Huriez, le fondateur de tile, précise Martin Breuvart, prési- des politiques monétaires ultra- En effet, les investissements sont
Au-delà de l’avantage écologi- 1083, lui, a mis dix ans pour relancer dent de la bonneterie Lemahieu et accommodantes des banques cen- encore nombreux aux premiers
que, il faut résoudre une équation la production de jeans en France, du de Façon de faire, un collectif de trales. Avec la fin de l’argent gra-
économique compliquée. Dans un coton jusqu’au bouton. « C’est labo- 180 industriels du textile. Le label tuit, les fonds d’investissement
marché du prêt-à-porter qui ne
cesse de décliner, le consommateur
est de plus en plus regardant à la dé-
rieux, long mais stimulant, raconte-
t-il. Créer localement des beaux pro-
duits pour des consommateurs que
“made in France” est gratuit, mais
flou. Nous demandons au gouverne-
ment d’imposer un même label à tout
ont coupé le robinet d’argent vers
les start-up un peu partout dans le
monde. L’Europe, elle, souffre
“sontLesdeinvestisseurs
plus en plus
pense. À cause de l’inflation, il nous rencontrons dans nos magasins le monde, avec une exigence de notamment de l’effacement de la
sélectifs, et les
achète moins et plus malin - en par- et nos ateliers donne du sens. Écono- transparence sur les étapes de fabri- participation des grands fonds in- montants des
ticulier de la seconde main. Au dé- miquement, ce défi difficile est possi- cation. » ■ ternationaux, qui investissent investissements sont,
aussi bien dans les sociétés cotées en moyenne, devenus
que les start-up. Des fonds tels

”
que les américains Tiger Capital et plus modestes
LA SÉANCE DU MARDI 28 NOVEMBRE Coatue Management, ou japonais LE FONDS DE CAPITAL-RISQUE ATOMICO

LE CAC JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 comme le Vision Fund Softbank,
capables d’investir des tickets de stades de vie des start-up, et dans
AIR LIQUIDE ........................... 174,36 +0,33 174,74 173,72 0,095 +31,69 LVMH ..............................................684,5 -1,84 687 676,2 0,095 +0,68 100 millions de dollars dans les des domaines comme le climat, la
AIRBUS ..............................................134,56 +0,72 134,92 133,42 0,113 +21,2 MICHELIN ..............................................
30,11 +1,01 30,11 29,61 0,174 +15,87 start-up, ont retiré leurs billes de santé ou encore l’intelligence
ALSTOM .............................................. 11,92 -2,42 12,225 11,865 0,568 -47,77 ORANGE ..............................................11,304 +0,59 11,36 11,178 0,184 +21,8
ARCELORMITTAL SA ........................... 22,54 +0,22 22,63 22,34 0,27 -8,28 PERNOD RICARD ........................... 158,05 -2,65 160,55 156,55 0,256 -13,99
façon brutale du continent. En artificielle. D’ailleurs, les dépôts
AXA .............................................. 28,48 +0,42 28,62 28,3 0,077 +9,31 PUBLICIS GROUPE SA ..................... 75,58 +1,07 75,58 74,48 0,184 +27,2 2021, ces acteurs avaient investi de bilan et licenciements sont
BNP PARIBAS ACT.A ........................... 56,48 +0,11 56,48 55,97 0,1 +6,07 RENAULT ..............................................35,025 +0,37 35,125 34,63 0,173 +11,99 jusqu’à 82 tickets dans la tech compensés par les créations d’em-
BOUYGUES ..............................................34,94 +0,17 34,96 34,7 0,104 +24,61 SAFRAN ..............................................161,2 +0,89 161,8 159,52 0,14 +37,87 européenne. Un chiffre tombé à 4 plois et les embauches. Le nombre
CAPGEMINI ..............................................
182,6 +0,77 182,8 181,15 0,148 +17,09 SAINT GOBAIN ........................... 58,51 +0,84 58,51 57,7 0,157 +28,17
depuis le début de l’année. de personnes travaillant dans le
CARREFOUR ..............................................17,395 -0,06 17,4 17,185 0,148 +11,22 SANOFI ..............................................85,76 -1 86,8 85,51 0,168 -4,54
CREDIT AGRICOLE ...........................11,746 +0,12 11,75 11,684 0,104 +19,48 SCHNEIDER ELECTRIC ..................... 166,04 +0,21 166,1 164,2 0,123 +27,02 Conséquence frappante de ce secteur est passé de 750 000 à
DANONE ..............................................59,05 -0,05 59,05 58,58 0,145 +19,95 SOCIETE GENERALE ........................... 22,515 +0,11 22,515 22,335 0,175 -4,11 ralentissement : le nombre de 2,3 millions de personnes en cinq
DASSAULT SYSTEMES ........................... 42,82 +0,42 42,875 42,3 0,052 +27,84 STELLANTIS NV ........................... 18,724 -0,05 18,724 18,574 0,043 +41,1 CLÔTURE nouvelles licornes - ces start-up ans.
EDENRED ..............................................49,83
ENGIE .............................................. 15,918
-1,21
+0,52
50,44
15,97
49,72
15,824
0,129
0,099
-2,06
+18,9
STMICROELECTRONICS .....................
TELEPERFORMANCE ...........................
41,84
128,95
+0,53
-0,81
41,985
130,5
41,33
127,75
0,113
0,207
+26,81
-42,1
DU CAC 40 valorisées plus de 1 milliard de dol- Enfin, la valeur globale de
lars -, plafonne à 7 depuis le début l’écosystème tech européen,
ESSILORLUXOTTICA ...........................
EUROFINS SCIENT. ...........................52,62
HERMES INTL ........................... 1911,8
176,58 -0,24 176,84
-0,75 52,74
-2,01 1937,4
174,82
52,26
1898
0,07
0,116
0,05
+4,36
-21,53
+32,3
THALES ..............................................
TOTALENERGIES ...........................63,19
UNIBAIL-RODAMCO-WE .....................
138,35

55,26
+0,65
+0,52
-0,18
138,7
63,47
55,6
136,85
62,7
54,64
0,092
0,127
0,216
+15,97
+7,74
+13,63
- 0,21 % de l’année sur le Vieux Continent.
C’était 48 sur l’ensemble de l’an-
comprenant les sociétés cotées et
privées, a rebondi à 3 000 mil-
KERING ..............................................394,05 -2,58 402,55 391,5 0,182 -17,13 VEOLIA ENVIRON. ........................... 28,43 +0,64 28,48 28,22 0,137 +18,46 à 7 250,13 points née 2022, et 107 en 2021. Pas moins liards de dollars en 2023, selon
L'OREAL ..............................................
430,7 -0,52 431,5 424,55 0,047 +29,11 VINCI .............................................. 111,12 +0,52 111,12 110,08 0,118 +19,11 de 50 start-up ont également per- Atomico, après avoir perdu
LEGRAND ..............................................88,76 +0,02 88,76 88,18 0,105 +18,63 WORLDLINE ..............................................
13,435 -0,96 13,495 13,105 0,405 -63,22
du ce statut. 400 milliards l’an passé. Le
L’écosystème européen n’est secteur peut notamment compter
LES DEVISES MONNAIE 1 EURO=
LʼOR VEILLE 31/12 pas à l’arrêt pour autant. Pour la
première fois, selon Atomico, le
sur le regain de forme de ses
plus grosses capitalisations bour-
AUSTRALIE ................................................................................
DOLLAR AUSTRALIEN 1,6567 AUD
Cotation quotidienne assurée par Or en Cash
CANADA ................................................................................
DOLLAR CANADIEN 1,4887 CAD https://www.orencash.fr/investissement/ nombre de start-up créées en Eu- sières, comme le producteur
GDE BRETAGNE ................................................................................
LIVRE STERLING 0,8682 GBP rope (14 000) dépasse le nombre néerlandais de machines pour
Lingot 1KG ................................. 59 569,9€ +8,66 %
HONG KONG ................................................................................
DOLLAR DE HONG KONG 8,5368 HKD
JAPON ................................................................................
YEN 162,74 JPY
Lingot 100g ................................. 5 968,89€ +3,05 % de celles créées aux États-Unis semi-conducteurs ASML ou le
Lingot 50g ................................. 2 990,95€ +1,91 %
SUISSE ................................................................................
FRANC SUISSE 0,9645 CHF 1 864,9€
Lingot ONCE (31,10g) ................................. +1,85 % (13 000) en 2023. Reste que les en- géant du logiciel allemand SAP.
ETATS-UNIS ................................................................................
DOLLAR 1,0949 USD Lingot 10g ................................. 606,89€ +1,49 %
TUNISIE ................................................................................
DINAR TUNISIEN 3,394 TND Lingot 2,5g ................................. 159,65€ -1,46 %
treprises outre-Atlantique ont Mais aussi sur l’introduction en
MAROC ................................................................................
DIHRAM 11,103 MAD 2OFr NAPOLÉON .................................371,83€ +8,43 % 40 % de chances en plus de se Bourse du concepteur de puces
TURQUIE ................................................................................
NOUVELLE LIVRE TURQUE 31,6793 TRY 20Fr SUISSE ................................. 367,68€ +8,49 % faire financer au bout de cinq ans britannique Arm Holding il y a
EGYPTE ................................................................................
LIVRE EGYPTIENNE 33,77 EGP SOUVERAIN ................................. 464,87€ +9,15 %
KRUGGERAND ................................. 1 981,28€ +6,12 % d’existence. L’argent étant le nerf quelques semaines, dont la capi-
A

CHINE ................................................................................
YUAN 7,8323 CNY
50 PESOS ................................. 2 367,67€ +8,51 %
INDE ................................................................................
ROUPIE 91,255 INR 10 DOLLARS ................................. 968,75€ +8,13 % de la guerre pour la pérennité de talisation atteint aujourd’hui
ALGERIE ................................................................................
DINAR ALGERIEN 146,63 DZD 20 DOLLARS ................................. 1 935,49€ +8,25 % ce type d’entreprise et leur ca- 62,5 milliards de dollars. ■
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO

30 MÉDIAS et TECH
Le recul de la consommation de télévision
pourrait être plus lent qu’attendu
NPA Conseil argue que les chocs auxquels le petit écran a été confronté sont désormais derrière lui.

CAROLINE SALLÉ csalle@lefigaro.fr

AUDIOVISUEL Et si la télévision
était un Titanic cathodique ? Un
paquebot sur le point de couler à
pic ? Au sein de l’industrie média-
tique, ce scénario catastrophe s’est
largement propagé. Bob Iger, l’ac-
tuel PDG de Disney, prédit que la
télévision linéaire s’approche d’un
« grand précipice ». Reed Hastings,
le cofondateur de Netflix, annonce
la mort de ce média « d’ici cinq à
dix ans». Et Tim Davie, le patron
de la BBC, évoque un monde du
tout internet, « où la télévision et la
radio sont éteintes ». Vraiment ?
Baisse du marché publicitaire,
concurrence intense liée à l’arri-
vée de nouveaux entrants, vieil-
lissement accéléré du public… Les
difficultés rencontrées par les dif-
fuseurs sont bien réelles. Mais pas
au point de voir le média TV s’ef-
fondrer violemment, argue le ca-
binet NPA Conseil. « La télévision
n’est pas morte », sourit Philippe
Bailly, son président.
Le cabinet estime en effet que le
temps passé par les Français âgés
de plus de 15 ans devant les pro-
grammes télé ne va pas s’écrouler,
avec une baisse de la durée
d’écoute limitée à 20 minutes par En 2030, selon NPA vrait se réduire au cours de la pé- longtemps été dans une forme de si- à la télévision par les 15-24 ans a l’érosion va bien se poursuivre,
jour d’ici à la fin de la décennie. En Conseil, les individus de riode 2023-2030 par rapport aux dération. Les annonces de Rodolphe diminué de trois quarts d’heure mais à un rythme moins effréné
2030, les individus de plus de plus de 15 ans passeront sept années précédentes », déclare Belmer, le PDG du groupe TF1, pour s’établir à 49 minutes. En que prévu. « La télévision linéaire,
15 ans passeraient donc en moyen- en moyenne toujours Philippe Bailly. Et de pointer no- montrent que le virage de la plate- prolongeant les courbes, les futurs c’est ce qui va nous faire vivre enco-
ne toujours près de 3 h 20 devant le près de 3 h 20 devant tamment le ralentissement des formisation est pris », insiste Phi- 15-24 ans ne regarderaient plus la re pendant longtemps. Il ne faut pas
le poste, contre 3 h 40 ventes de téléviseurs et smartpho- lippe Bailly. Le groupe lancera en
poste, contre 3 h 40 aujourd’hui. télévision que… 4 minutes par jour se tromper », avait déclaré cet été
aujourd’hui. ALAMY
Cette hypothèse est soutenue VIA REUTERS CONNECT
nes qui signe « la fin du toujours effet le 8 janvier son service de à l’horizon 2030. Nicolas de Tavernost, le président
par plusieurs constatations. D’un plus d’écrans ». D’après l’expert, streaming gratuit, TF1+. « Mais si l’on considère que les du directoire du groupe M6.
point de vue macroéconomique, « les gros chocs auxquels la télévi- 25-34 ans de 2030 sont, grosso N’empêche les défis restent
NPA Conseil estime que la généra- sion traditionnelle a été confrontée Un rythme moins effréné modo, les 15-24 ans d'aujourd'hui, nombreux. Les plus de 50 ans
lisation du très haut débit, la mon- sont plutôt derrière elle ». que prévu les perspectives ne sont plus les mê- constituent près de 70 % de
tée en puissance de la 5G et Autre argument : le marché de Un autre élément plaiderait en fa- mes », indique l’expert. « Il ne faut l’audience de la télévision linéaire.
l’adoption rapide par les foyers l’audiovisuel est en voie de stabili- veur du scénario d’un déclin plus pas faire l’impasse sur l’évolution Et il reste encore à résoudre l’in-
d’appareils connectés ont permis sation. « Le transfert d’audience de mesuré de la consommation du des modes de vie. » Les 15-24 ans connue de la génération Z, ces jeu-
ces dernières années l’apparition la télévision vers les services de vi- média TV. La manière dont « les d’aujourd'hui ne travaillent pas nes qui ne jurent que par les for-
de nouvelles offres comme Netflix, déo à la demande par abonnement changements dans les modes de vie forcément, habitent encore chez mats courts diffusés en continu sur
Prime Video, Disney+. Cela a va continuer à progresser, mais impactent les usages audiovi- leurs parents, n’ont pas d’enfants TikTok, Instagram ou YouTube et
conduit à une accélération dans la beaucoup moins qu’avant. » De suels », explique Philippe Bailly. et ne sont pas toujours en couple. dont une partie n’a jamais regardé
transformation des usages qui a l’autre côté, les diffuseurs se re- Particulièrement lorsqu’il s’agit Selon NPA, la logique veut qu’en la télé. Difficile d’imaginer qu’ils
bousculé la télévision tradition- mettent à appuyer sur l’accéléra- des jeunes. Entre 2016 et 2023, le vieillissant, ils regardent davanta- se mettent spontanément à zapper
nelle. « Mais cette dynamique de- teur. « Les chaînes historiques ont temps consacré quotidiennement ge les programmes TV. En clair, en grandissant… ■

L’IA et ChatGPT bousculent l’industrie des centres de données

Les industriels du secteur s’activent pour répondre à la consommation d’eau et d’énergie de ces technologies.
LUCAS MEDIAVILLA
lmediavilla@lefigaro.fr
INFRASTRUCTURE Le paradoxe à
de quoi faire sourire. Pour beau-
coup, le robot conversationnel
ChatGPT, mis en ligne il y a un an
par OpenAI, est considéré comme
le catalyseur d’une nouvelle révo-
lution technologique. Peu savent
néanmoins que c’est à 3 000 km de
la Silicon Valley, à West Des Moi-
nes, dans l’Iowa, que repose l’in-
frastructure informatique sans la-
quelle ChatGPT n’aurait jamais vu
le jour. C’est au cœur de cet État
agricole américain que Microsoft a
installé le superordinateur sur le-
quel tourne l’outil. Un choix qui ne
doit rien au hasard : pour refroidir
ses serveurs, le géant de Redmond
pompe allégrement dans les fleu-
ves voisins, Raccoon et Des Moi-
té demandait à Microsoft de rédui-
re de manière significative les pics
d’utilisation de l’eau , avant de ré-
fléchir à tout nouveau projet d’im-
plantation.
L’anecdote est révélatrice de la
problématique qui percute aujour-
d’hui l’industrie des data centers,
dans un contexte d’accélération
des investissements sur l’intelli-
gence artificielle. « Les gros ac-
teurs bougent très rapidement, avec
des montants considérables qui
rappellent les débuts du cloud, il y a
dix ans », indique Fabrice Coquio,
“dédiés
Pour les serveurs
à l’IA, on
s’oriente vers des
consommations dix fois
supérieures à celles de
tés de réfrigération augmentent
considérablement avec l’IA et né-
cessitent des systèmes de distribu-
tion d’eau », confirme Régis Casta-
gné, manager France pour la firme
américaine Equinix, le plus gros
acteur du marché.
L’industrie, qui avait jusqu’ici
réussi à limiter son poids à 1,5 % de
la demande mondiale en électrici-
té malgré l’essor du numérique,
risque-t-elle de faire exploser sa
facture à cause de l’IA ? Dans une
étude publiée début octobre, un
chercheur néerlandais indiquait
que la consommation annuelle de
l’IA pourrait atteindre 85 à 134 té-
rawattheures d’ici 2027. Soit la
consommation électrique d’un
pays comme la Suède. Des cher-
cheurs de l’université de Califor-
nie ont calculé que l’IA pourrait
nécessiter de prélever entre 4,2 à
6,6 milliards de mètres cubes
dissement qui vont avec. Cela dis-
qualifie pas mal de monde », souli-
gne Fabrice Coquio.
Chez ces gros opérateurs, la
préoccupation environnementale
va devenir un élément clé pour
que, alimenter ses installations
avec des énergies renouvelables et
rationaliser ce qui peut l’être. Selon
Jo Debecker, loin de n’être qu’un
poste de consommation, l’IA peut
devenir demain un gisement
d’économies. « Les algorithmes
d’IA permettent d’optimiser et d’ap-
porter l’efficience sur la consomma-
tion énergétique. En 2016, la filiale
DeepMind du géant Google a mis au
point une solution permettant de ré-
duire le volume d’énergie dédié au
refroidissement des serveurs de
40 % », explique l’expert.
Pour Régis Castagné, d’Equinix,
l’IA nécessite, certes, des investis-
Selon un chercheur,
les serveurs d’OpenAI
sements importants pour ac-
cueillir les serveurs et les systèmes
de refroidissement qui vont avec.
engloutiraient un Mais il rappelle qu’en réalité les
demi-litre d’eau toutes data centers munis de ce type de
les 5 à 50 requêtes. systèmes ont en moyenne un indi-
DISOBEYART/STOCK ADOBE
cateur d’efficacité énergétique (ou

nes. Une véritable nécessité.
Selon un chercheur interrogé en
septembre par l’agence de presse
américaine AP, les serveurs
d’OpenAI engloutiraient un demi-
litre d’eau toutes les 5 à 50 requê-
tes faites auprès de l’agent
conversationnel. Chaque mois, les
cinq data centers de Microsoft im-
plantés à Des Moines consomment
d’ailleurs 4,5 millions de litres
d’eau. Un volume qui représente
6 % de la consommation totale de
l’agglomération de West Des Moi-
nes pendant le pic estival. De quoi
inquiéter les élus locaux. Début
A
”
serveurs classiques
FABRICE COQUIO, DIRECTEUR GÉNÉRAL
FRANCE DE DIGITAL REALTY
directeur général France de Digital
Realty, l’un des deux leaders mon-
diaux. De façon schématique, l’IA
fonctionne avec des volumes
considérables de données, associés
à la puissance de calcul d’ordina-
teurs très gourmands en énergie.
« Pour les serveurs dédiés à l’IA, on
s’oriente vers des consommations
dix fois supérieures à celles de ser-
veurs classiques », estime Fabrice
Coquio. Des besoins qui écartent
d’eau pour ses besoins en 2027.
Soit la moitié de la consommation
du Royaume-Uni.
Au sein du secteur, le sujet est
regardé de près. Particulièrement
par les grands groupes, qu’ils
viennent de l’univers du cloud,
comme AWS, Microsoft Azure,
Google Cloud ou OVH, ou de celui
des data centers, comme Equinix,
Digital Realty ou encore Data4, en
Europe. « Pour accueillir ces in-
frastructures, il faut une capacité
de stockage de données à proximité
immédiate des nœuds de connecti-
vité. Il faut également pouvoir fi-
convaincre les clients. « Les entre-
prises cherchent encore les modèles
économiques rentables associés à
l’IA. Un des éléments à prendre en
compte est évidemment le coût de
fonctionnement des infrastructures
et donc leur efficience », estime Jo
Debecker, directeur associé et
président de Wipro FullStride
Cloud. « Dès juillet 2024, les règles
européennes vont nous obliger à
publier nos consommations en eau
et en énergie des data centers. On
térawattheures
va voir ceux qui ne jouent pas le
jeu », rappelle Fabrice Coquio.
Selon lui, l’industrie n’a pas at-
PUE selon le standard de l’indus-
trie) bien meilleur que ceux refroi-
dis à l’air ambiant. Le problème
devient alors l’accès à l’eau, même
si les opérateurs tentent de tra-
vailler de plus en plus en circuit
fermé.
Plus qu’un argument commer-
134
cial ou pour le bilan carbone des
opérateurs, l’efficience énergéti-
que des data centers, dont le poids
va aller grandissant avec l’explo-
sion de l’IA, est également un en-
Consommation jeu d’acceptabilité. Ces dernières
annuelle que pourrait années, la multiplication des sites
en France comme ailleurs en Eu-

atteindre l’IA
septembre, le gestionnaire local de toute possibilité de refroidir les nancer de gros sites, la puissance tendu l’IA pour regarder sous le ca- d’ici à 2027 rope suscite des contestations lo-
la ressource en eau de la collectivi- serveurs à l’air frais. « Les capaci- électrique et les systèmes de refroi- pot de sa consommation énergéti- cales de plus en plus vives. ■
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO - N° 24 656 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

STYLE GASTRONOMIE
À PARIS, LES HORLOGERS PRENNENT DU TABLIER DE CUISINIER À L’UNIFORME
LA CLÉ DES CHAMPS (ÉLYSÉES) DE L’ARMÉE ISRAÉLIENNE : RENCONTRE
PAGE 36 AVEC LE CHEF ASSAF GRANIT PAGE 37

« LE TEMPS D’AIMER »
HOULE SENTIMENTALE
ROGER ARPAJOU/LES FILMS DU BELIER-LES FILMS PELLEAS-GAUMONT ; BASTIEN LATTANZIO ; FRANÇOIS BOUCHON / LE FIGARO

POUR SON QUATRIÈME FILM, KATELL QUILLÉVÉRÉ IMAGINE LA NAISSANCE D’UN COUPLE, MARQUÉE PAR DES NON-DITS.
UNE HISTOIRE INSPIRÉE DE SON VÉCU FAMILIAL. PAGE 32

DES GIACOMETTI À VENDRE

À DES PRIX DÉRISOIRES
LA COLLECTION DU COUPLE HENSON, DUO À LA FITZGERALD, EST MISE AUX ENCHÈRES,
LE 30 NOVEMBRE, À DROUOT.
fruit de sa collaboration avec Frank, entre adresse ! « Pour les Giacometti, ils ont tous été
BÉATRICE DE ROCHEBOUËT
bderochebouet@lefigaro.fr 1930 et 1939. À l’époque, ils ne valaient rien. validés par la Fondation. Les plâtres ont été
Aujourd’hui, beaucoup. Ses présents sont à nettoyés de leur chaux pour retrouver la ma-
l y a des collections qui racontent vendre, le 30 novembre, à Drouot, par Cou- tière originelle », confie, ébloui, Rafael Ortiz

I une époque. Celle du couple améri-

cano-britannique, Jean Henson, issu
d’une modeste famille d’agriculteurs
de Géorgie aux États-Unis, et Violet
Tylden, fille d’un officier supérieur de
l’armée anglaise, évoque le temps mon-
dain et cosmopolite de la Café society en-
tre New York, Londres, Venise et Paris,
dans l’entre-deux-guerres. Méconnu et
pourtant source de romans (Le Jardin des
Henderson par Catherine Hermary-Vieille),
ce duo à la Fitzgerald, qui a posé pour George
Hoyningen-Huene et Cecil Beaton dans
Vogue ou Vanity Fair, côtoya Dali, Cocteau,
Bérard, Iacovleff et le décorateur Jean-
Michel Frank, son voisin de palier, au 7, rue
de Verneuil à Paris.
Ce dernier « m’a toujours donné les plus
belles choses qu’il créait pour ma maison »,
raconte Jean Henson, dans ses Mémoires,
A Time for Reflexion, en 1949. Et notamment
tau-Bégarie & Associés, à des prix très bas,
aux valeurs de la succession. « Parce que les
héritiers des Henson ne savaient pas la valeur
de ce qu’ils avaient reçu de ce couple sans en-
fants et qui est enterré dans le jardin de leur
maison, en Tunisie », explique l’expert
Cyrille Boulay. Il s’agit de celui de Hamma-
met qui a inspiré le film, Soudain l’été der-
nier, avec Elizabeth Taylor.
« Jamais numérotés »
« Jean et Violet font connaissance à Capri,
chez le médecin et écrivain suédois Axel Mun-
the. Ils se marient en 1926 et achètent un lopin
de terre, loin du monde, pour y construire leur
maison tunisienne, où défilera le monde entier
dont Wallis Simpson, future duchesse de
Windsor. Tout y était resté dans son jus, les
Giacometti et le reste comme le vase en por-
phyre rouge d’Égypte, début XIXe », explique
encore Cyrille Boulay.
qui les a vus de près. Cet ancien galeriste de
l’Arc en Seine, avec feu Christian Boutonnet,
a eu les mêmes en main.
« Ils n’ont jamais été numérotés et on n’en
connaît pas le nombre, ajoute-t-il. La lampe
Toutânkhamon blanche, on l’a eue trois fois à
vendre. J’en ai vu 5 à 6, dans ma carrière.
Celle en rose, en couverture de notre livre sur
la galerie, nous l’avons présentée à la Tefaf
Maastricht, autour de 200 000 euros, en
2012. Elle a été revendue à la mort de notre
acheteuse américaine, en 2020, plus de
3 millions de dollars, chez Sotheby’s New
York ! » Quant au modèle Dali, il s’agit du
prototype initial, le seul encore sur le mar-
ché. Six sont répertoriés à ce jour dont cinq
ne sortiront jamais. L’objet mythique,
l’Oiseau ou Albatros, affiche 250 000 à
300 000 euros. Un prix dérisoire, au regard
des 4,2 millions d’euros, de celui de feu
Hubert de Givenchy, en 2022, chez Chris-
A

l’ensemble de plâtres d’Alberto Giacometti, Tout marchand aurait rêvé d’avoir cette tie’s, à Paris. ■
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
32 L'ÉVÉNEMENT
« LE TEMPS
D’AIMER »
LA DOULEUR
DES SENTIMENTS
ÉTIENNE SORIN esorin@lefigaro.fr
e film Le Temps d’aimer
L s’ouvre par des images de la
Libération, la plupart inédites
et saisissantes. Des femmes
tondues, dénudées, humiliées
par des hommes virils. L’une d’elles est
aspergée d’eau par une lance à incendie
devant une foule satisfaite. Le glisse-
ment du réel à la fiction se fait discrète-
ment. Les archives laissent place à une
séquence en noir et blanc. Une femme
court dans les rues d’un village de Bre-
tagne. Son ventre est rond et recouvert
d’une croix gammée qu’elle s’efforce
d’effacer.
1947. Une première ellipse et les che-
veux de Madeleine (Anaïs Demoustier)
ont repoussé. Elle est serveuse à l’hôtel-
restaurant Beau Rivage. Elle élève seule
son fils, Daniel. Sur une plage, elle ren-
contre François, étudiant parisien en
archéologie, fils de bonne famille. Il
boite légèrement, séquelle de la polio-
myélite. Ils s’embrassent devant un le-
ver de soleil. Cela ressemble à de
l’amour. Ils se marient. En s’installant à
Paris, Madeleine fuit la honte et l’op-
probre. Elle emporte avec elle la photo-
KATELL QUILLÉVÉRÉ : « C’EST UN DÉFI DE RACONTER VINGT ANS EN DEUX HEURES »
Après un détour par la série Le Monde de
demain, sur l’émergence du hip-hop à
Paris dans les années 1980, Katell Quillé-
véré revient au cinéma. Avec succès. Le
Temps d’aimer, son quatrième long-mé-
trage après Un poison violent, Suzanne et
Réparer les vivants, est un beau film ro-
manesque. Le portrait d’un couple que
tout sépare a priori, de la Libération aux
années 1960. Remarqué à Cannes, il a
remporté le prix du meilleur film au
Festival d’Angoulême.
LE FIGARO.- Vous partez d’un secret
de famille, celui de votre grand-mère…
Katell QUILLÉVÉRÉ. - J’étais très proche
de ma grand-mère. J’ai habité chez elle,
on avait un lien particulier. J’ai toujours
su qu’elle avait un secret alors qu’elle ne
m’en a jamais parlé. Paradoxalement,
elle a dû semer des indices tout en m’in-
terdisant de poser des questions. Elle
avait plus de 80 ans quand on a décou-
vert qu’elle avait eu une histoire avec un
soldat allemand pendant l’Occupation.
Elle avait 18 ans. Elle est tombée enceinte
et lui était déjà reparti sur le front. Il est
mort sans savoir qu’il était père. Ma
grand-mère s’est retrouvée seule avec
ce bébé, mon oncle. Le frère de mon
père. Elle vivait en région parisienne.
Elle a rencontré mon grand-père après
A
en Bretagne. Sur une plage, comme dans
le film. Il l’a épousée et a reconnu l’en-
EN S’INSPIRANT D’UN
SECRET DE FAMILLE
SOIGNEUSEMENT TU
PAR SA GRAND-MÈRE,
KATELL QUILLÉVÉRÉ
MET EN SCÈNE
UNE GRANDE HISTOIRE
D’AMOUR OÙ LE
TRAGIQUE LE DISPUTE
AU ROMANESQUE.
fant. Ils ont caché la vérité sur cette nais-
sance.
Comment avez-vous fini par découvrir
la vérité ?
C’est mon compagnon, Hélier Cister-
ne (scénariste et réalisateur, NDLR)
qui a pointé la différence entre
mon oncle, blond aux yeux bleus,
et mon père. Ils ne se ressemblent
pas du tout physiquement. Ce
qui est fou, c’est que ma grand-
mère a repris ses études dans les
années 1960 pour devenir
professeur d’allemand ! Gros
indice quand même sur son
amour de l’Allemagne…
Plus c’est énorme, moins
on le voit. Hélier, qui a des
résistants dans sa famille,
ça l’a tout de suite cho-
qué. Il y a environ dix
ans, pendant un repas de
famille, j’ai posé la ques-
tion à ma grand-mère :
« Au fait, tu t’es mariée
en quelle année ? » Au lieu
de donner la fausse date
qu’elle donnait habituel-
lement, elle a répondu :
« 1947. » Alors que mon
oncle est né en 1944. Mon
père a tiqué. Ma grand-
mère avait une personnalité
graphie d’un beau soldat de la Wehr-
macht. François, lui, retrouve Nicolas,
un camarade de la Sorbonne. C’est plu-
tôt Nicolas qui le retrouve, rôde sous ses
fenêtres, tambourine à la porte la nuit.
En guise d’explication, François le dé-
clare fou, interné à Sainte-Anne. Nico-
las met le feu à leur appartement en leur
absence et se constitue prisonnier. Le
couple et Daniel quittent Paris pour
Châteauroux parce que Madeleine aime
les dancings et qu’une annonce dans le
journal offre un poste de gérant.
Jazz à tous les étages
Le Châteauroux du film ressemble aux
souvenirs de Gérard Depardieu. Les GI
américains, ivres d’alcool et de fem-
mes, hantent les bars et les clubs de la
ville. Daniel a grandi. Le collégien part à
l’école quand ses parents vont se cou-
cher. La nuit, la musique empêche
François de travailler sur sa thèse. Jazz à
tous les étages. Il aide Madeleine derriè-
re le bar. Le couple tombe sous le char-
me de Jimmy, un GI expert en cocktail.
Il cite Jack London et déteste l’armée.
Une scène de sexe à trois fait voler en
éclats les mensonges et les non-dits.
L’homosexualité de François est aussi
vite refoulée qu’elle est révélée.
assez forte, fantasque, et elle a fini par
s’en sortir. Mais ça a germé dans l’esprit
de mon père et j’ai pu commencer à lui en
parler. En cherchant des pa-
piers peu de temps après, il
est tombé sur l’acte de ma-
riage de sa mère. Le doute
n’était plus permis. Il a été
très compliqué de faire
avouer la vérité à ma
grand-mère parce
qu’elle avait vraiment
décidé de croire à sa fic-
tion. Elle était dans un
déni total. Cela a été
douloureux mais le
reste de la famille a
été libéré. Cela a re-
mis en place plein de
choses.
Avez-vous attendu
la mort de votre
grand-mère
pour raconter
son histoire ?
Oui, mais je ne sais
pas si on peut le
formuler comme
ça. Elle est morte
quand je tournais
Réparer les vi-
Katell Quillévéré. vants en 2015 mais
le désir de faire un
De retour à Paris, le temps a passé.
Daniel a une petite sœur et un chagrin
inconsolable. Madeleine ne fait rien de
ses journées. François, professeur à la
Sorbonne, retrouve un de ses étudiants
dans une pissotière des berges de la
Seine. Les histoires d’amour finissent
mal, encore plus quand la honte s’en
mêle.
Katell Quillévéré ne craint pas les
grands sentiments, le romanesque, les
destins tragiques. Elle s’inspire de l’his-
toire de sa grand-mère, secret de fa-
mille longtemps tu (lire ci-dessous). Elle
lorgne du côté des mélos de Douglas
Sirk, ou du Todd Haynes de Loin du pa-
radis, adaptation de Tout ce que le ciel
permet du même Douglas Sirk.
Le Temps d’aimer s’achève sur un quai
de gare. La séparation des amants est
remplacée par celle d’une mère et de
son fils. Les trains qui partent déchirent
toujours le cœur. ■
« Le Temps d’aimer »
Drame de Katell Quillévéré
Avec Anaïs Demoustier, Vincent
Lacoste, Paul Beaurepaire
Durée 1 h 59
■ L’avis du Figaro : ○○○¡
film à partir de son histoire est arrivé très
vite dès que j’ai su la vérité. Le tabou était
tellement fort que je n’ai pas pu lui en
parler. Malgré ma proximité, je n’ai pas
pu échanger avec elle. Cela raconte quel-
que chose d’une culpabilité profondé-
ment ancrée. Mon oncle n’a pas encore
vu le film, je ne sais pas s’il a prévu de le
voir. Mon père l’a vu à Cannes.
À partir de votre histoire familiale,
vous inventez une fiction et un couple
imaginaire…
Complètement. Je voulais partir ailleurs
avec Gilles Taurand, mon coscénariste. Le
moteur de la fiction pour nous a été le
couple. Le couple comme une folie, com-
me une fiction qui a quelque chose à voir
avec la foi. Décider de croire qu’on est fait
l’un pour l’autre, croire que ça va durer.
Se jeter dedans alors qu’on ne se connaît
pas. Au-delà des clichés sur la complicité,
intellectuelle ou sexuelle, on voulait com-
prendre ce qui fait le ciment d’un couple.
Chez Madeleine et François, il se joue
peut-être quelque chose de l’ordre de la
survie. Si on sait ce que Madeleine fuit, si
son intérêt à se jeter dans une histoire
d’amour est clair, surtout avec un jeune
homme célibataire d’un milieu plus aisé,
son élan à lui est plus obscur. Il est plus in-
time, plus intérieur. C’est là qu’est arrivée
l’idée de la bisexualité, voire de l’homo-
sexualité, du personnage de François.
ROGER ARPAJOU/LES FILMS DU BELIER-LES FILMS PELLEAS-GAUMONT; DAVE BEDROSIAN/IMAGO/FUTURE IMAGE VIA REUTERS CONNECT
Madeleine (Anaïs Demoustier)
et François (Vincent Lacoste)
vivent une histoire d’amour
sur fond de mensonges
et de non-dits.
« ailleurs
Je voulais partir
avec Gilles Taurand,
mon coscénariste. Le
moteur de la fiction
pour nous a été
le couple. Le couple
comme une folie,
comme une fiction
qui a quelque chose
à voir avec la foi
KATELL QUILLÉVÉRÉ
»
Le Temps d’aimer se déroule sur vingt
ans. Comme dans Suzanne, vous jouez
beaucoup avec les ellipses…
Le passage du temps m’obsède, dans la
vie et au cinéma. J’adore ce défi de racon-
ter vingt ans d’existence en deux heures.
C’est un casse-tête intellectuel et émo-
tionnel. C’est très stimulant. C’est com-
me un biopic de personnes anonymes.
L’idée du hasard et du destin me fascine
par ailleurs. Pourquoi j’ai rencontré telle
personne ? Est-ce que ma vie aurait été
différente ? Cela vient peut-être de ma
propre histoire, qui m’échappe encore
complètement. Je viens d’une famille de
scientifiques, rien ne me destinait au ci-
néma. Il y a peut-être une rencontre qui a
compté. À 15 ans, j’étais amoureuse d’un
garçon qui voulait être réalisateur. Il ne
l’est pas devenu, mais ça a dû jouer.
Vous êtes membre du collectif 50/50 pour
promouvoir la parité et l’égalité dans
le cinéma mais on ne trouve quasiment
que des hommes parmi les chefs de poste
de votre équipe technique…
Je reste fidèle. Tom Harari est le chef opé-
rateur de tous mes films depuis que j’ai
20 ans. Mais c’est vrai que je suis moins
arrivée à la parité sur ce film que sur la sé-
rie Le Monde de demain. C’est aussi pour
des questions bêtes et méchantes de dis-
ponibilité. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR É. S.
 Succès Illimité !
500e ce soir !
3 ans de succès !
100 dates de tournée…

  
       
   
ky.
Christophe Lebedins

Frédérique Tirmont ou Ariele Sémenoff

rlotte Bommelaer et

Bernard Alane ou Philippe Magnan

Elise Diamant ou Claudia Dimier ou Marie Tirmont
Rudy Milstein ou Thomas Sagols ou Julien Cheminade
638 - Photos : © Cha

Et Emmanuel Patron ou Laurent Bateau ou Stéphane Brel

Licence 1 - L-R-22-10
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
34 CULTURE
« DUMB MONEY » LES AUTRES LOUPS DE WALL STREET
BASÉ SUR UN FAIT DIVERS,
LE FILM DE CRAIG GILLESPIE
SUIT LES AVENTURES
DE BOURSICOTEURS AMATEURS
QUI ONT DÉSTABILISÉ
LES PROFESSIONNELS
EN MISANT SUR DES MAGASINS
DE JEUX VIDÉO EN CHUTE LIBRE.
UN VRAI TOURBILLON.
ÉRIC NEUHOFF eneuhoff@lefigaro.fr
all Street panique. Les
W banques tremblent.
L’élite de la finance a des
sueurs froides. Début
2021, en pleine crise
post-Covid, des boursicoteurs amateurs
ont déstabilisé les professionnels. Tout
cela parce que, emmenés par un geek sur-
nommé « Roaring Kitty », ils ont misé sur
GameStop, des magasins de jeux vidéo qui
étaient en chute libre. Derrière leur ordi-
nateur, ces David ont affronté les Goliath
du marché. L’action a atteint des sommets
stratosphériques. Les dirigeants des hedge
funds se sont arraché les cheveux, voyant
leurs milliards fondre comme neige au so-
leil. Ne nous demandez pas comment ni
pourquoi, mais pour ces gens-là, une va-
leur qui s’effondre rapporte des tonnes
d’argent. Ce fait divers authentique a dû
faire à l’époque les choux gras de nom-
breuses pages saumon.
Dans le sous-sol de son pavillon, le
roublard Keith Patrick Gill est à la
Les filles vont bien, un marivaudage
bucolique qui rappelle Éric Rohmer
dans son enchanteresse simplicité.
ARIZONA FILMS DISTRIBUTION
DISNEY FÊTE SES 100 ANS À COUPS DE NOSTALGIE
POUR SON CENTENAIRE, LE STUDIO REND HOMMAGE À SES CLASSIQUES AVEC « WISH : ASHA ET LA BONNE ÉTOILE ».
CONSTANCE JAMET £@constancejamet
près Olaf, le craquant bon-
A homme de neige de La Reine
des neiges, les enfants vont
avoir une nouvelle obsession
pour les fêtes : Star, la boule
d’énergie irrésistible qui guide le nou-
veau dessin animé de Disney, Wish :
Asha et la bonne étoile. Facétieuse jeune
fille de 17 ans, Asha vit sur l’île méditer-
ranéenne de Rosas, gouvernée par le
sorcier Magnifico. Ce roi a le pouvoir
d’exaucer les vœux de ses concitoyens.
Asha souhaite devenir son apprentie
pour aider son grand-père à réaliser son
rêve. Las, l’entretien entre Asha et Ma-
gnifico, plus despote que mage, tourne
court. Asha se tourne vers les étoiles.
L’une d’elles, Star, entend sa prière et
l’accompagne dans sa quête de justice et
de miracle.
Conçu pour célébrer 100 ans de sa-
voir-faire Disney, le film pioche allègre-
ment dans le folklore du studio. « Nous
avons accroché sur un mur des images de
A
chaque Disney. Ce désir de prier à la bon-
ne étoile nous a sauté aux yeux. Rien n’est
manœuvre. Vêtu d’informes tee-shirts
représentant des chats, le crâne ceint
d’un bandeau rouge de tennisman sur-
volté, un cocktail à la main, il poste des
vidéos qui deviennent rapidement vira-
les. Sa femme l’observe en se rongeant les
ongles, leur bébé sur la hanche. Il a un
frère qui fume du crack à longueur de
« LES FILLES VONT BIEN » : CONTE D’ÉTÉ SOLAIRE
DES COMÉDIENNES SE RETROUVENT À LA CAMPAGNE POUR RÉPÉTER UNE PIÈCE. UN FILM PLEIN DE CHARME.
VALÉRIE BECK
l y a trois ans, Eva en août, magnifi-
I que film de Jonas Trueba, révélait en
France Itsaso Arana. Coscénariste,
elle interprétait aussi le rôle princi-
pal, celui d’une jeune femme que l’on
suivait dans ses pérégrinations à Madrid.
En passant derrière la caméra avec Les
filles vont bien, son premier long-métrage,
la comédienne espagnole s’affirme déci-
dément comme un talent à suivre de près.
Difficile de ne pas tomber sous le char-
me de ces quatre comédiennes et de leur
metteuse en scène (qu’elle interprète),
vraie bande d’amies dans la vie, réunies
pendant une semaine dans une maison à
la campagne pour préparer une pièce de
théâtre. La vieille bâtisse est chaleureuse,
la lumière douce. La torpeur estivale ap-
pelle aux confidences, aux longues soi-
rées sous les étoiles et aux balades les
plus puissant et porteur d’espoir qu’un
désir sincère. Chacun d’entre nous a en-
core cette étincelle au fond de lui. À partir
de là, nous avons imaginé cette héroïne,
au seuil de l’âge adulte, qui se voit comme
quelqu’un d’ordinaire avant de découvrir
en elle-même une force insoupçonnée et
devenir une source d’inspiration pour ses
proches », souligne le réalisateur Chris
Buck, qui cosigne ce conte avec Fawn
Veerasunthorn. Renouant avec les clas-
siques Disney, Wish mêle technologie 3D
aux beaux paysages en aquarelle des ico-
niques La Belle au bois dormant ou Cen-
drillon. Et ce n’est pas toujours à l’avan-
tage de l’animation contemporaine.
Mise en abyme amusante
Wish regorge aussi de clins d’œil. Asha a
sept amis, domestiques au château.
Comme Blanche-Neige avec ses sept
nains. L’intrépide héroïne bichonne un
petit animal doué de parole : un che-
vreau gourmand. « Nous voulions une es-
pèce répandue dans la région. Et une de
nos scénaristes nous a fait craquer en
nous envoyant des photos de chevreau en
pyjama. C’est une vraie tendance, comme
de faire du yoga avec », sourit Chris
Pendant des semaines, Keith Gill
(Paul Dano), ce M. Tout-le-Monde,
a terrorisé le gratin
des investisseurs. Pour une fois
que les riches ne restaient pas
entre eux !
METROPOLITAN FILMEXPORT
pieds dans l’eau. La joie des retrouvailles
se mêle aussi au plaisir du jeu qui se pro-
longe dans des discussions animées.
Une toile impressionniste
Autour d’une table dans le jardin, devant
un brasero ou dans leur théâtre improvisé
- une grange où a été transporté un lit à
baldaquin -, les filles répètent et s’inter-
rogent sur leur métier, confrontent leurs
rôles à leur vécu, échangent sur l’amour,
le désir, la mort, la peur de la solitude.
« En vieillissant, on se sent moins seul, tes
âges passés t’accompagnent », confie
l’une d’elles. Comment jouer le coup de
foudre si on ne l’a jamais vécu ? Pourquoi
les gens meurent-ils plus vite au cinéma
que dans la vie ? Filmé en quinze jours
avec peu de moyens, ce marivaudage bu-
colique rappelle l’Éric Rohmer dans son
enchanteresse simplicité.
Le film séduit aussi par sa sincérité et sa
fraîcheur, nous donnant l’impression
Buck. Le Petit Jean de Robin des bois et
Bambi font aussi une apparition. Dans
son délire mégalomane, Magnifico se
métamorphose en Maléfique. En tout,
plus d’une centaine de références parsè-
ment le film. Mais ce sens de la mise en
Wish n’est jamais plus magique et réussi
que quand il revient à Asha et à Star.
THE WALT DISNEY COMPANY FRANCE
journée et confond Warren et Jimmy
Buffett - la honte de la famille.
Il a aussi ses adeptes. Il y a une infir-
mière de Pittsburgh, deux étudiantes
texanes, un employé de chez GameStop.
Ceux-là parient à la petite semaine, n’en
croient pas leurs yeux en vérifiant que
leurs gains grossissent de façon exponen-
d’être invité à cette parenthèse entre co-
pines. Itsaso Arana raconte qu’il est né de
son envie de dresser le portrait de ces
quatre femmes dont elle est proche, les
invitant à jouer leur propre rôle devant la
caméra et à partager leur histoire à celle
déjà écrite. Leur complicité, évidente,
rayonne sur l’écran.
Entre le théâtre et le cinéma, la fiction
et la réalité, le passé et le présent, aussi
moderne qu’intemporel, ce conte d’été
multiplie joyeusement les couches nar-
ratives, mais sans jamais nous perdre.
Dans leurs costumes d’époque XVIIe siè-
cle, les comédiennes font aussi penser
aux héroïnes victoriennes à la Jane Aus-
ten, à l’esprit aussi aiguisé que libre,
portées par la musique de Bach. Dans la
pièce qu’elles préparent, une princesse
et ses sœurs guettent le retour de leur
frère. Dans la vie, l’une attend un enfant,
une autre ne sait pas comment déclarer
son amour.
abyme amusante prend parfois le pas sur
l’intrigue. Or la nostalgie ne suffit pas à
faire un film.
Wish n’est jamais plus magique et
réussi que quand il revient à Asha et à
Star. « Au départ, Star pouvait se méta-
morphoser en n’importe quelle créature,
parler avec différentes voix. C’était un
peu compliqué. On est revenu aux bases
du dessin et de l’animation, une balle qui
rebondit, qui se déforme, s’étire », racon-
te Chris Buck, qui était aux manettes des
deux volets de La Reine des neiges. La
bande originale, qui explore des ryth-
mes proches du flamenco avec des per-
cussions dominantes, bénéficie de la
puissance vocale d’Ariana DeBose
(oscarisée pour West Side Story). Elle fait
danser à souhait. Mais que les parents se
rassurent, les ritournelles marquent
moins l’esprit que Libérée, délivrée. ■
« Wish : Asha
et la Bonne Étoile »
Animation de Chris Buck
et Fawn Veerasunthorn
Durée 1 h 35
■ L’avis du Figaro : ○○¡¡
tielle. C’est de la folie. Des alertes gré-
sillent sur leur téléphone. Il est question
de « short squeeze », d’actions volatiles.
Les chaînes d’informations s’affolent.
Montage au shaker
Dumb Money constitue un spectacle ré-
jouissant. Craig Gillespie (Moi, Tonya)
rend presque compréhensibles les
méandres de cette entourloupe à la Don
Quichotte. On sent chez lui une alacrité
non dissimulée. Il affiche une saine vi-
gueur, filme pied au plancher, pratique
un montage au shaker. La référence qui
vient à l’esprit est The Big Short, qui était
aussi excitant mais plus confus pour le
commun des mortels. C’est un tourbillon
de dollars, du billard à trois bandes.
Le placide Paul Dano, avec sa bouille
ronde, son air de ne pas y toucher, mène
la danse. Il ne ressemble à rien. Pendant
des semaines, ce M. Tout-le-Monde a
terrorisé le gratin des investisseurs. Pour
une fois que les riches ne restaient pas
entre eux ! Seth Rogen, dans sa chemise
hawaïenne, a peur de perdre sa villa à la
Gatsby, et son épouse dans la foulée. Il
court dans tous les sens, aux abois. Nul
n’a envie de le plaindre. Qui, après ce ré-
cit ravageur et futé, écoutera encore son
conseiller en patrimoine ? Le réalisateur
réussit même à préserver des parenthè-
ses enchantées au milieu de cette fréné-
sie, comme celle où l’infirmière fait le
plein de sa Honda dans une station-ser-
vice sous la neige. Quel repos, soudain. ■
« Dumb Money »
Drame de Craig Gillespie
Avec Paul Dano, Pete Davidson,
Vincent D’Onofrio
Durée 1 h 45
■ L’avis du Figaro : ○○○¡
Toute la beauté du film repose sur leur
connivence, bienveillante dans leurs
peurs comme dans leur féminité. Entre
rires et confidences, cet hommage au
théâtre et aux femmes enchante sans
tomber dans la mièvrerie. Traités avec lé-
gèreté, les sujets ne manquent pourtant
pas de profondeur mais, comme sur scè-
ne, l’esprit de troupe l’emporte et le jeu
continue. Sans réels enjeux dramatiques,
à découvrir comme une toile impression-
niste ou un prélude enlevé, Les filles vont
bien est une virée pleine de charme et
d’esprit, aussi simple que lumineuse, qui
fait un bien fou. ■
« Les filles vont bien »
Comédie dramatique d’Itsaso Arana
Avec Barbara Lennie, Irene Escolar,
Helena Ezquerro
Durée 1 h 26
■ L’avis du Figaro : ○○○¡
ZOOM
« IL BOEMO »
EN DVD ET BLU-RAY
En dehors des aficionados
de musiques anciennes, qui
se souvient de Josef Myslivecek ?
Vingt ans que le chef tchèque
Vaclav Luks se bat pour raviver
son souvenir. Il y a dix ans,
il croise le réalisateur Petr Vaclav.
En découvrant la vie romanesque
de ce compositeur oublié qui,
à 26 ans, plaque sa vie de petit-
bourgeois en Bohème pour vivre
la grande aventure opératique
en Italie, ce dernier a tout de suite
reconnu un grand personnage
de cinéma. Ceux qui s’attendent
à l’Amadeus du XXIe siècle
repasseront.
Le biopic est sans grandiloquence.
Son XVIIIe siècle puise plus chez
Mozart et Burney que chez
Forman. L’ensemble a le souffle
long et la verve poétique.
On en ressort des musiques plein
la tête. Portées par leurs meilleurs
ambassadeurs (Luks, Jaroussky,
Barath…), elles aussi sont
de grands personnages de cinéma !
« Il Boemo », édition collector
Blu-ray et DVD, 24,99 €.

CULTURE
« PERFECT DAYS »
SCÈNES DE CHASSE
À TOKYO
DANS LA CAPITALE JAPONAISE, UN HOMME MÈNE UNE VIE
DE ROUTINE, ENTRE SON TRAVAIL DE NETTOYAGE DES TOILETTES
PUBLIQUES ET SA PASSION POUR LA PHOTO. UN FILM MOU
QUI TRAÎNE DES PIEDS ET PATINE COMME UN SAVON.
ÉRIC NEUHOFF eneuhoff@lefigaro.fr
ccupé. Hirayama n’arrête
O pas. Son job consiste à net-
toyer des toilettes pub-
liques. Rien à voir avec les
nôtres. On y mangerait :
nous sommes au Japon. Chaque matin,
après avoir arrosé ses plantes et pris
son café, muni de ses brosses et de ses
produits d’entretien, notre homme
commence sa tournée au volant de sa
camionnette. C’est un personnage dé-
modé : il écoute de vieux classiques de
rock sur des cassettes. La playlist va des
Kinks à Patti Smith en passant par Otis
Redding, sans oublier Lou Reed dont un
morceau donne son titre au film.
La routine ne fait pas peur à ce ma-
niaque de la propreté. Il déjeune d’un
sandwich sur le même banc, photo-
graphie les mêmes arbres, sourit aux
mêmes promeneurs dans le parc. Dieu,
on ne l’ignore pas, se cache dans les
« CESARIA ÉVORA »
EN TOUTE INTIMITÉ
UN DOCUMENTAIRE RETRACE LA VIE ET LA CARRIÈRE
DE LA CHANTEUSE CAPVERDIENNE DISPARUE EN 2011.
OLIVIER NUC £@oliviernuc
râce à elle, on avait appris à
G situer le Cap-Vert sur la carte
des musiques du monde. De
cet archipel oublié, Cesaria
Évora aura été une infatiga-
ble ambassadrice, multipliant les tour-
nées internationales quasiment jusqu’à
la fin de sa vie. Si elle était devenue im-
mensément populaire dans les deux der-
nières décennies de sa vie, elle n’avait
jamais cessé de chanter, même dans les
circonstances les plus difficiles. Après le
documentaire d’Éric Mulet et Anaïs Pro-
saïc pour la télévision, Cesaria Évora, la
diva aux pieds nus est le premier film de
cinéma consacré à cette grande dame.
Une plongée dans un parcours résolu-
ment hors norme, sur lequel la chanteu-
se elle-même était réticente à revenir. Si
elle a donné beaucoup d’entretiens au
cours de sa carrière, elle était loin d’avoir
tout révélé. Pudeur, timidité, gêne, on
ne saurait dire ce qui l’a empêchée de se
confier sur la longueur.
Si le film n’est pas exempt de mala-
dresses, accusant notamment un problè-
me de rythme dans sa première partie, il
a le mérite d’éclairer les nombreuses zo-
nes d’ombre de cette femme qui aura
lutté sans cesse contre ses démons, au
premier rang desquels l’alcool et la dé-
Cesaria Évora, une voix unique,
parmi les plus bouleversantes
de la musique mondiale.
LUSAFRICA/ERIC MULET/EPICENTRE FILMS
LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023
35
détails (l’ennui aussi, parfois). Petit ar-
rêt dans un bain-douche où il se récure
avec la même vigueur qu’il applique à
ses cuvettes de faïence. Dîner dans le
même bistrot en sous-sol : on devine
que le menu ne varie guère. Un brin de
fantaisie, quand même : avant de s’en-
dormir, il lit tantôt Patricia Highsmith,
tantôt William Faulkner. Quelle auda-
ce ! Le lendemain, rebelote. Son assis-
tant fébrile et horripilant arrive toujours
Perfect Days, avec Koji Yakusho,
Prix d’interprétation masculine
au Festival de Cannes en 2023.
HAUT ET COURT
barmaid brune laisse soupçonner que
l’amour a existé, jadis. On ne sait pas.
Wenders n’insiste pas.
Voilà, c’est à peu près tout ce qu’offre
Perfect Days. On citera Ozu. Réflexe pa-
lui offre une cure de jouvence. C’était
quand, déjà, Tokyo-Ga ? On l’imagine
comme son héros, sillonnant la ville, un
vieil appareil à pellicule autour du cou.
Défense de dire qu’il prend les WC pour
en retard. resseux. On parlera de grâce. Il s’agit des lanternes. Chemin faisant, le specta-
plutôt de mollesse. La formule « boule- teur apprendra que pour laver des tapis,
Blessure secrète versant d’humanité » reviendra sous la il faut utiliser des boulettes de journal
Pauvre, sage Hirayama. Ce moine des plume des chroniqueurs. On nous per- mouillé. Perfect Days n’est donc pas to-
surfaces polies est un solitaire. Pas une mettra de trouver tout cela gnangnan. talement inutile. Un dernier House of the
trace suspecte ne doit rester. Le carre- Évidemment, avec ses airs mutiques, Rising Sun pour la route, tiens. ■
lage brille. Voilà un sacerdoce, ou l’on Koji Yakusho, en samouraï des lieux
ne s’y connaît pas. Son silence doit d’aisance, a obtenu le prix d’interpréta-
bien cacher une blessure secrète, ce tion à Cannes. Bon, une chanson des « Perfect Days »
que confirmera l’apparition d’une niè- Animals, pour passer le temps. Drame de Wim Wenders
ce en fugue. Allez, un peu de Nina Si- Le film traîne les pieds, patine comme Avec Koji Yakusho, Tokio Emoto,
mone pour accompagner ce train- un savon. Il faut avouer que Wim Wen- Arisa Nakano
train, mettre du rythme sur cette ders a commis bien pire, qu’il s’était éga- Durée 2 h 05
douce tristesse. La silhouette d’une ré depuis des années. Ce détour nippon ■ L’avis du Figaro : ○¡¡¡
RC Paris - B 722 003 464 - Paris. Photographie retouchée. Sculpture de Jean-François Fourtou.
pression (elle avait été diagnostiquée bi-
polaire). Derrière le conte de fées de l’ar-
tiste ayant connu un succès aussi tardif
que triomphal à 45 ans passés, une vie
complexe et tourmentée nourrissait cet-
te voix unique, parmi les plus boulever-
santes de la musique mondiale.
Née à Mindelo, la chanteuse était res-
tée fidèle à son terroir, faisant de la mor-
na, style musical capverdien, manière de
blues local, un trésor. Farouchement in-
dépendante, affirmant un caractère en-
tier, volontiers colérique, elle avait élevé
avec beaucoup de courage deux enfants
sans l’aide de leurs pères, vivant auprès
de sa mère aveugle dans une maison dé-
labrée. Les nombreuses images d’archi-
ves du film, rarement ou pas vues, mon-
trent la réalité de cette vie très modeste.
Standard universel
Le témoignage de José Da Silva, qui fut le
premier à la repérer et à croire à son suc-
cès, est déterminant. Celui-ci a remué
ciel et terre pour que sa compatriote
puisse chanter sur les scènes du monde
entier. La reconnaissance passa d’abord
par Paris, avec un concert mythique au
Théâtre de la Ville à la fin des années
1980. Dans un premier temps, les mai-
sons de disques, charmées par la voix,
sont convaincues mais ne vont pas plus
loin, invoquant son physique. Il en fau-
dra plus pour décourager les journalistes
et les programmateurs, qui font d’elle un
symbole de la résilience.
En 1991, Miss Perfumado la révèle aux
mélomanes de tout poil. La chanson
Sodade, tellement personnelle, devient
un standard universel. Le film raconte
très bien cette douce revanche, qui lui
permit de partir à la rencontre d’un large
public dans le monde entier. Dommage
que Madonna, une de ses plus grandes
admiratrices, ne soit jamais citée. La scè-
ne la plus poignante est celle où on voit
« Cize » enregistrer un duo avec le vété-
ran cubain Compay Segundo. Durant ses
derniers mois, Cesaria Évora sera sollici-
tée par des Capverdiens dans le besoin
qui investiront sa maison 24 heures sur
24. Sa générosité sans limites avait fait
d’elle un symbole de la réussite sociale
dans un pays où les perspectives sont
souvent limitées. ■
« Césaria Évora,
la diva aux pieds nus » sisley-paris.com
Documentaire d’Ana Sofia Fonseca
A
Durée 1 h34
■ L’avis du Figaro : ○○◐¡
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
36 STYLE
LES NOMS LES PLUS
PRESTIGIEUX DE L’HORLOGERIE
MONDIALE NE RÊVENT QUE
D’UNE CHOSE : S’Y IMPLANTER.
MAIS POURQUOI TANT
DE MONTRES À L’OMBRE
DE L’ARC DE TRIOMPHE ?
JUDIKAEL HIREL £@jhirel
a plus belle avenue du monde a
L déjà revêtu ses habits de lumiè-
re, Noël oblige. Une nouvelle
boutique horlogère vient tout
juste d’y être inaugurée, en pré-
sence de l’aventurier Mike Horn en per-
sonne. Côté pair, au 120, la Casa Panerai
présente sur deux étages et 200 m2 l’uni-
vers de la manufacture suisse. Non loin, y
est implanté depuis dix ans un autre
grand nom du secteur, TAG Heuer. De
l’autre côté de l’avenue, un peu plus bas,
brille la façade de Rolex ouverte avec Du-
bail en 2020. Le numéro d’à côté, au 73,
accueillera la nouvelle adresse IWC au
printemps. Tudor, qui a tenu une bouti-
que éphémère au 65 pendant plus d’un an
sur 2022-2023, ne rêve que d’y revenir.
En quelques années, l’horlogerie a
donc pris la clé des Champs, qui ont,
entre autres atouts, l’avantage de réunir
de nombreuses boutiques ouvertes sept
“méritent
Les Champs-Élysées
à nouveau d’être
qualifiés de « plus belle
avenue du monde »,
non pas seulement
par sa perspective,
mais aussi par sa qualité
de shopping de luxe
”
JEAN-MARC PONTROUÉ, PRÉSIDENT DE PANERAI
jours sur sept. « Il existe très peu d’en-
droits dans le monde accueillant à la fois un
trafic important et une clientèle fortunée,
analyse Jean-Marc Pontroué, président
de Panerai. Paris est l’une des grandes
métropoles cumulant une clientèle locale de
connaisseurs disposant d’un pouvoir
d’achat suffisant pour s’offrir ce type de
produits, et une clientèle internationale ô
combien variée. Dans la redéfinition du
luxe sur cette avenue, l’horlogerie, comme
la joaillerie, joue son rôle au côté de la
mode. Des aménagements urbains, no-
tamment en termes de végétalisation, sont
prévus dans les années à venir. Les
Champs-Élysées mériteront à nouveau
d’être qualifiés de “plus belle avenue du
monde”, non pas seulement par sa pers-
EXTENSION DU DOMAINE DU TEMPS
CADRANS « RECOUSUS », MONTRES DE MOTARD… POURQUOI SE CONTENTER D’INDIQUER L’HEURE QUAND ON PEUT REPOUSSER LES FRONTIÈRES DU DESIGN ?
e design horloger peut toujours
L nous étonner. Ainsi, Romaric
André s’est fait un surnom
(Seconde Seconde) en dyna-
misant, voire en dynamitant,
les cadrans des garde-temps les plus
renommés. D’ordinaire, il les dote
d’aiguilles originales. Pourtant, sa der-
nière collaboration en date avec la jeune
marque Atelier Wen et le label hong-
kongais Wristcheck déroge à ses habitu-
des… Dans un élégant hommage à l’art
du Juci chinois et de son cousin japonais,
le Kintsugi, Seconde Seconde a décidé
de « recoudre » des cadrans guillochés
écartés de la production pour défaut.
« Il y a un an, nous avons fabriqué une
série de 100 pièces cosignées avec
A
SUR LES CHAMPS-ÉLYSÉES,
LE GRAND ÉCHIQUIER HORLOGER
pective, mais aussi par sa qualité de shop-
ping qui est en train de rivaliser en termes
de luxe avec la rue Saint-Honoré et
l’avenue Montaigne. »
Avec Cartier installé au 154, à deux pas
de l’Arc de triomphe, la famille Dubail a
joué ici (comme elle l’avait fait aupa-
ravant place Vendôme) le rôle de pion-
nière. « Nous avons d’abord ouvert une
boutique multimarques il y a huit ans avant
d’inaugurer ce vaste magasin Rolex en dé-
cembre 2020, confirme Patrice Dubail,
directeur général de l’entreprise familia-
le. Nous avons été convaincus très tôt de
l’intérêt des Champs-Élysées. Avec mon
père, Pierre, nous avons commencé à cher-
cher un emplacement dès 2001. Il y avait
une place à prendre, il n’existait aucune
boutique horlogère multimarques. Puis
d’autres marques se sont installées :
Omega, Montblanc, TAG Heuer, Tissot,
désormais Panerai, bientôt IWC… Ce qui
Wristcheck pour laquelle 36 cadrans ont
été rejetés. À chaque fois que j’en écarte
un, l’artisan le coupe avec un ciseau à
métal et enregistre son acte en vidéo. Le
but est double : marquer les cadrans afin
qu’ils ne soient pas assemblés par erreur
et nous faire ressentir une certaine
culpabilité, explique Robin Tallendier,
l’un de deux cofondateurs français
d’Atelier Wen. Nous nous sommes alors
rapprochés de Romaric qui, en les
voyant, a jugé que leur sort était injuste,
et qu’il fallait les restaurer. Il a voulu que
ce qui était destiné à la destruction de-
vienne ce qu’il y a de plus désirable. Une
métaphore de la résilience, en somme. »
Le designer a ainsi « recousu » les
brisures par trois points de suture en or,
1 2
En haut, le multimarque horloger Dubail
et la boutique Rolex installés
à mi-chemin des stations de métro
George-V et Franklin-Roosevelt.
FRANÇOIS BOUCHON / LE FIGARO
Ci-dessus, le Bar Italiano invite
à la tradition italienne de l’aperitivo,
à l’étage de la nouvelle Casa Panerai,
sur les Champs-Élysées.
MATTIA AQUILA/PANERAI
afin de donner vie à des montres de
haute couture (1). Cette édition spéciale
Perception, limitée à 36 exemplaires,
sera proposée à 5 000 euros.
Haute couture, à toute allure
De son côté, le cofondateur et directeur
de création de Bell & Ross, Bruno
Belamich, vient d’imaginer à la fois un
chronographe BR 03-94 Blacktrack (2),
et une moto qui lui est associée avec le
célèbre designer français Sacha Lakic.
Sur une base de moto Indian, les deux
hommes ont imaginé une machine à la
carène impressionnante, dont la dé-
coupe permet de plonger le regard dans
son bicylindre de 1 200 cm3. Cette fenê-
tre sur le moteur n’est pas sans rappeler
le cœur ouvert du cadran de certaines
montres, permettant d’en découvrir
les rouages. « Nous avons choisi un mo-
teur thermique même si, au début, nous
avons hésité avec de l’électrique,
confie Bruno Belamich. Les finitions
de cette moto Blacktrack BT06 sont
dignes de l’horlogerie. Sacha est de-
signer, il a donc travaillé comme
l’aurait fait un constructeur indus-
triel. Il a dessiné des esquisses sur son
iPad, avant l’étape de modélisation
3D. Puis il a fait appel à des proto-
typistes, qui réalisent des pièces à
l’unité. C’est de la customisation… à un
degré de maîtrise industriel. »
Responsable, entre autres, du style
des véhicules électriques de la marque
Venturi, Sacha Lakic est à l’origine de
plusieurs motos hors du commun, avant
est très intéressant ici, c’est qu’il y a de
tout. Le passage est l’un des plus impor-
tants au monde, avec 300 000 personnes
par jour sur le trottoir pair, donc au soleil,
et 100 000 côté impair, à l’ombre. C’est
une clientèle différente, des visiteurs qui se
baladent, qui voient les lumières, les vitri-
nes, qui rentrent et qui se font plaisir. » Et
n’hésitent pas, au passage, à faire graver,
personnaliser, leur garde-temps acheté
sur les Champs-Élysées, pour se remé-
morer de bons moments parisiens.
Depuis la pandémie, les touristes ne
sont plus les seuls à pousser la porte des
boutiques. « Avant le Covid, nous vendions
à une importante clientèle étrangère. Du-
rant cette période de crise, les gens ont
moins voyagé et se sont mis à consommer
localement. Si bien que les cartes ont été
redistribuées : aujourd’hui, les locaux sont
de plus en plus présents. On assiste à une
montée en gamme de l’avenue », poursuit
le dirigeant.
Sylvain Dolla, président de Tissot,
confirme cette impression : « 60% de nos
clients sont français. Nous sommes
persuadés de la puissance d’attraction des
Champs-Élysées, et de leur résonance
mondiale. Ce qui nous a convaincus de
devenir propriétaires des murs de notre
boutique en juillet dernier. » TAG Heuer,
qui s’est établi sur l’avenue en 2013, est
désormais tout proche de l’Apple Store,
ouvert fin 2018. Un choix payant, puisque
cette année, sa boutique est devenue la
première au monde en termes de chiffre
d’affaires. « C’est un lieu magique et cela
ne changera jamais, estime pour sa part
Laurent Lecamp, directeur général
horlogerie de Montblanc. C’est un endroit
clé pour le développement des marques de
luxe, en particulier sur le haut de
l’avenue. »
de créer son propre label, Blacktrack,
en 2016. « Je viens de l’univers de la moto
et de l’auto. Là, c’est tout ce que j’aime :
ce côté épuré, authentique, minimaliste.
Ce café racer va à l’essentiel. Mais en
même temps, la fonctionnalité est là. Ce
n’est pas que du style, mon objectif est
d’alléger, de faire qu’il soit encore
meilleur que ce qu’il était au départ. »
À l’avant de cette moto au carénage
ultra graphique, entièrement en fibre
de carbone, trône sous les yeux du pilo-
te la montre de 42 mm de diamètre en
céramique noir matte. « Quand nous
avons réfléchi à l’intégration de la mon-
tre, cela paraissait évident : il fallait met-
tre un support pour pou-
voir la poser et la
L’organisation des Jeux olympiques de
2024 ne devrait qu’amplifier cette passion
horlogère sur les « Champs ». Plus encore
pour Omega, partenaire et chrono-
métreurs des olympiades. « Lorsque le
monde pense à Paris, les Champs-Élysées
viennent instantanément à l’esprit. C’est
une destination attractive qui allie patri-
moine et luxe. La capitale va devenir le
centre d’intérêt de la planète entière cet
été, et sera animée d’une grande énergie »,
estime Raynald Aeschlimann, président
de la célèbre marque horlogère suisse,
présente juste à côté du Fouquet’s depuis
2007. Le PDG ne délaisse pas pour autant
d’autres quartiers emblématiques : « Pour
moi, le luxe est une affaire personnelle. Il
s’agit de trouver quelque chose qui fait sens
et vous emplit d’émotion. Que vous soyez
rue de la Paix ou sur les Champs-Élysées,
je suis certain que vous pouvez le trouver à
Paris. C’est pourquoi nous sommes
également présents rue de Sèvres et rue du
Faubourg-Saint-Honoré. »
Même approche pour Panerai, qui
vient donc d’élire domicile dans un im-
meuble typique parisien à moulures et
parquet en point de Hongrie, et se déploie
à travers cinq espaces de vente et un
café-aperitivo, le Bar Italiano, où l’on
peut également admirer des pièces de
collection de la maison. « À Paris,
contrairement à d’autres capitales, comme
Genève, Milan, voire Londres, le luxe ne se
limite pas à une seule rue. Nous qui
sommes également implantés rue du
Faubourg-Saint-Honoré et rue de la Paix,
nous pouvons voir à quel point ce sont des
quartiers aux ambiances totalement diffé-
rentes, qui n’attirent pas la même clientèle,
conclut Jean-Marc Pontroué. En somme,
on peut séjourner une semaine entière à
Paris sans en avoir tout vu. » ■
récupérer facilement. C’est une réponse
de designer qui fonctionne », résume
Bruno Belamich. « Quand on porte un
blouson de motard, zippé et serré aux
poignets, avoir une montre peut être
gênant. Cela crée de la rigidité. Mieux
vaut l’enlever avant de prendre la route.
Ici, elle est calée sur un pad en caout-
chouc pour la bloquer et absorber les
vibrations », rappelle Sacha Lakic.
S’il existe 500 exemplaires de cette
montre (6 990 €), la moto, elle, bien
qu’homologuée, devrait demeurer une
pièce unique. Tout juste présentée à
Paris, elle sera sans doute en avril
prochain sur le stand de Bell & Ross,
lors du rendez-vous horloger genevois
Watches & Wonders. ■ J. H.
BELL & ROSS ; ATELIER WEN
 LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023

À TABLE 37

ASSAF GRANIT,
CHEF ÉTOILÉ ET SOLDAT
famille et travailler - quand l’attaque du
LE RESTAURATEUR ISRAÉLIEN Hamas a eu lieu : « Je suis rentré tout de
VIENT D’OUVRIR KAPARA, suite à Paris car il fallait que je sois ici,
avec nos 300 collaborateurs. Tout le mon-
À PARIS, ALORS MÊME de était choqué et ne savait pas comment
QU’IL A DÛ REJOINDRE L’ARMÉE se comporter. » En accord avec Assaf
Granit, Tomer Lanzman décide très vite
DANS LA GUERRE CONTRE de rassembler ses employés. « Nous vou-
lions parler ouvertement de leurs senti-
LE HAMAS. RENCONTRE. ments et de leurs peurs, leur dire qu’il n’y a
pas de bonne ou mauvaise façon de réagir
à la situation. On a essayé d’être là pour
eux, qu’ils ne sentent pas seuls. On s’est
ALICE BOSIO abosio@lefigaro.fr assurés qu’ils étaient en contact avec la
mairie de Paris et le commissariat. La
e ne pensais plus revivre ça ! J’ai chose la plus importante était qu’ils se

«
J l’impression d’être dans un uni-
vers parallèle, de voir des choses
qui ne se passent que dans les
films. » Bien qu’âgé de 45 ans, le
chef cuisinier Assaf Granit, carrure
solide, regard perçant et bras tatoués, a
été mobilisé pour la guerre que son pays
mène contre le Hamas. Ce natif de
Jérusalem, qui compte une trentaine de
restaurants en Israël, à Paris, Londres ou
Berlin, avait terminé son service mili-
taire à 22 ans avant de s’engager comme
réserviste. Il avait mis un terme à cette
mission il y a quinze ans en raison
de son âge.
Après l’attaque du Hamas du 7 octobre,
alors qu’il travaille dans son restaurant
Boubalé fraîchement inauguré à Paris et
dédié à la cuisine ashkénaze, il reçoit un
appel du médecin en chef de l’armée is-
raélienne qu’il connaît de longue date.
« Il m’a demandé si je pouvais venir. Je n’ai
pas hésité et suis parti dès le lendemain.
J’ai senti que j’en avais besoin en tant que
personne, que père. Je voulais aussi mon-
trer l’exemple à tout le monde, à commen-
cer par mes partenaires et employés. Cela
peut sembler arrogant, mais je suis connu
en Israël. Il me semble important de prou-
ver que peu importe qui vous êtes, s’il y a
une bataille à mener, tout le monde doit
participer », nous a déclaré le chef, il y a
quelques jours, les traits tirés, alors qu’il
était en permission pour lancer, avec son
associé Tomer Lanzman, leur dernier
restaurant, Kapara, dans le 1er arron-
dissement parisien.
S’il refuse, lors de cet entretien, de
donner des détails sur son quotidien sur
le front, Assaf Granit évoque différentes
missions de support auprès des troupes
dans diverses zones. « Honnêtement c’est
très difficile à expliquer. Un jour vous por-
tez un tablier de cuisinier, le lendemain un
uniforme militaire. Un jour votre principal
problème est de trouver un bon poisson, le
lendemain, vous vous retrouvez sous les
bombes. C’est très schizophrène. » Et ce,
d’autant plus que l’un des points forts de
ses restaurants, conceptualisé dès
Machneyuda, la première pierre de son
empire posée en 2009 dans un marché de
Jérusalem, est leur ambiance festive, la
sentent en sécurité. »
Malgré les différences de nationalité et
de religion des effectifs, composés à 20 %
d’Israéliens, la solidarité irradie les équi-
pes : « C’était très beau de les observer se
rapprocher pour se soutenir. Voir certains
de leurs collègues embarquer immédiate-
ment sur un avion pour aller se battre est
une situation que la plupart des gens de
leur âge n’ont jamais vécue. » « Les pre-
miers jours, on ne savait pas quoi faire,
mais le temps passant, les troupes contrô-
lant de mieux en mieux la situation, il a
fallu continuer à vivre. Ma première mis-
sion était de rejoindre l’armée. La seconde,
de garder les restaurants ouverts, le moral
haut. Ce qui est évidemment difficile
quand vous avez des amis qui meurent et
des gens qui sont kidnappés » confie
Granit, qui a dû renoncer à un important
voyage de dix jours à Saint-Barth, où il
orchestre une table.
Il a aussi fallu trancher des questions
en tant que chef d’entreprise : faut-il
fermer les restaurants ? Baisser la musi-
que, la changer, l’éteindre ? Cesser de
trinquer avec les clients ou les servir
avec le regard triste ? « C’était d’autant
plus difficile pour nous qu’en dehors d’Is-
raël la vie continuait normalement. Puis
ensemble nous avons pris le pouls de l’am-
biance dans les rues, dans nos restau-
rants. Et nous avons continué à faire ce
que nous savions faire, nous n’avons pas
capitulé », se souvient Tomer Lanzman.
Pour le groupe JLM, dont les restau-
rants connaissent une baisse de fréquen-
tation depuis le début du conflit, s’en te-
nir à leur philosophie est d’autant plus
primordial en ce moment. « Même s’il
n’y a pas de drapeau ni de mézouza à l’ex- « Nous voulons célébrer la vie, nouveau langage » : « C’est facile de pren- horribles, on ne sait pas où trouver les
térieur, que nous ne servons pas de nour- être un phare dans cette obscurité. dre des escargots, d’ajouter une sauce is- choses, comment les faire marcher. Ici
riture kasher, nous n’avons jamais caché On cuisine des plats mêlant tant raélienne et de dire “J’ai créé un plat”, tout est facile ! »
qui nous sommes. Chaque jour, nous rece- d’origines pour une clientèle venue de mais il faut que ce soit plus intelligent que La décoration du restaurant, doté d’un
vons des centaines de clients dans notre partout dans le monde. Autour du même ça. » Et de poursuivre : « Balagan était bar à cocktails désormais supervisé par le
petite oasis israélienne. On leur sert à
comptoir s’assoient des clients d’Arabie
une merveilleuse histoire, celle de notre chef barman du groupe Francesco Onnis
saoudite, de Russie, d’Israël, du Japon… »,
manger et à boire, on rit et pleure avec souligne Assaf Granit. arrivée à Paris pour essayer de montrer (l’Experimental Group ne fait plus partie
eux, quelles que soient leurs origines ou BASTIEN LATTANZIO notre talent et notre philosophie. Le lieu a de l’aventure), a un peu changé mais la
professions. Nous devons être encore toujours été plein, dès le premier jour. Ce disposition reste la même, autour d’un
meilleurs qu’avant ! », détaille Tomer fut la folie, comme une longue fête. Le long comptoir métallisé surplombé de
Lanzman. Face aux événements, les Covid y a mis fin et il a fallu que l’on se casseroles en cuivre qui traverse la salle.
équipes de JLM se sont aussi posé la réinvente. » C’est là, juché sur une chaise haute, dans
question d’afficher leur soutien à la cause une ambiance tamisée, que l’on profite le
israélienne sur les réseaux sociaux de mieux de la vue sur les cuisiniers qui s’af-

“unUntablier
jour vous portez
de cuisinier,
leurs restaurants, mais n’ont pas franchi
le pas. « Comme à notre habitude, nous
sommes restés discrets. Nous avons pris
“alorsNousquerouvrons
la guerre
fairent joyeusement derrière le bar,
scandant des « Oui, chef ! » réguliers et
déterminés, et prenant le temps de trin-
dans les bras ceux qui en avaient besoin, en Israël fait la une partout quer avec vous autour d’un shot de rhum
le lendemain un uniforme accueilli des familles d’otages, organisé dans le monde. Une boucle maison à la betterave, comme de vous
militaire. Un jour des dîners de collectes de fonds… Mais à est bouclée. C’est une glisser dans l’assiette un morceau de hal-
votre principal problème notre façon, sans en faire la publicité, au lah toastée pour saucer votre assiette.
même titre que nous n’avons rien posté ouverture différente des Les plats stars, à l’image des délicieux
est de trouver un bon
”
quand Madonna est venue manger ! », autres, très émouvante pains frenavon et kubane servis avec leur
poisson, le lendemain, explique Lanzman. TOMER LANZMAN trio de sauces (tahini, zhug, tomates brû-
vous vous retrouvez Pour rendre la situation encore un peu lées), sont restés à la carte, parfois dans
plus complexe, le groupe JLM a inauguré des versions retravaillées, et d’autres ont

”
sous les bombes
ASSAF GRANIT
musique à fond, le service chaleureux,
alliés à une cuisine généreuse et de
qualité faite des différentes influences de
la culture israélienne. « Habituellement,
la première chose à laquelle nous pensons
le matin est de rendre les gens heureux, de
les faire sourire. Nous essayons chaque
jour de nous améliorer, et soudain, nous
nous retrouvons face à la survie, au mal. »
À quelques exceptions près, la plupart
de sa douzaine de restaurants à Jérusalem
et Tel-Aviv ont fermé. « La situation ne
nous permet pas de rester ouverts,
d’autant que la moitié de nos équipes a re-
joint l’armée. » À l’étranger, ce sont ses
partenaires du groupe JLM qui gèrent le
quotidien, à l’image de Tomer Lanzman
en France. « Je m’appuie beaucoup sur
mes équipes et, à l’exception des premiers
jours, où j’étais la plupart du temps sans
téléphone, nous nous appelons régulière-
ment. » Car le conflit a immédiatement
posé de nombreux problèmes dans la
gestion des restaurants. Tomer Lanzman,
né à Tel-Aviv et arrivé en France il y a
la semaine dernière un cinquième res-
taurant parisien, Kapara. Une ouverture
en forme de come-back puisque Kapara
remplace Balagan (« joyeux bordel »),
l’adresse avec laquelle Assaf Granit avait
débarqué à Paris en 2017 et qui a large-
ment influencé depuis la scène levantine
de la capitale. « Kapara » signifie à la fois
« mon chéri », utilisé entre amoureux,
mais aussi en famille ou entre amis, et
« rédemption ». « Si vous faites tomber
une bouteille et qu’elle se casse, vous dites
“Kapara”. Cela signifie que je paye le prix
de la casse mais que tous mes péchés et
problèmes s’en vont avec. Avec le conflit,
ces deux significations racontent une his-
toire encore plus forte », souligne Granit.
Dans chacun de ses restaurants, Granit
aime dire qu’il raconte une histoire, qu’il
est un pont entre sa ville natale et le lieu
où il s’ancre : « Paris est ma ville préférée,
en tant qu’être humain et cuisinier. Quand
j’étais un jeune chef sans argent en Israël,
je rêvais de venir manger et cuisiner ici. Le
respect pour l’artisanat y est très pré-
sent. » D’abord chez Balagan, puis dans
ses autres restaurants en France (l’étoilé
Shabour, Tekes, Shosh-Shana et Boubalé
Le pain kubane servi avec son trio
de sauces (tahini, zhug, tomates brûlées),
La finalisation de cette ouverture qu’il
a dû réaliser seul, alors que Granit était à
l’armée, revêt une signification singu-
lière pour Lanzman : « Si l’on regarde six
ans en arrière, nos premiers pas à Paris,
Balagan n’a jamais été strictement lié à la
communauté juive. Notre façon de servir
et d’accueillir a constitué un choc pour les
Français au départ. Mais ils l’ont adoptée.
Maintenant, nous rouvrons alors que la
guerre en Israël fait la une partout dans le
monde. Une boucle est bouclée. C’est une
ouverture différente des autres, très
émouvante. Pas une nouvelle histoire,
mais un nouveau chapitre, plus mature. »
La guerre influence-t-elle ce nouveau
chapitre ? « Non, tout au plus, elle le rend
plus fort, joyeux, audacieux, festif. Nous
voulons célébrer la vie, être un phare dans
cette obscurité. On cuisine des plats mê-
lant tant d’origines pour une clientèle ve-
nue de partout dans le monde. Autour du
même comptoir s’assoient des clients
d’Arabie saoudite, de Russie, d’Israël, du
Japon… », ajoute Granit, qui se félicite de
retrouver les lieux. « Revenir ici fait re-
monter l’énergie d’il y a six ans. À la mi-
nute où je remets les pieds ici, je me sens
fait leur apparition sous l’impulsion de la
nouvelle chef, Zohar Sasson. « C’est une
jeune femme très talentueuse. Je l’ai ren-
contrée sur l’une de mes émissions de télé-
vision en Israël, équivalente de “Top Chef”.
Il y a beaucoup d’elle dans le nouveau
menu ; nous sommes très fiers de pouvoir
encourager de jeunes talents comme elle.
D’autant qu’en Israël il est malheureuse-
ment très rare pour des femmes d’êtres
chefs. » La vingtenaire a ainsi proposé un
ragoût tunisien, le chraime, revisité avec
des fruits de mer français ; ou le mesa-
chen, des boulettes de poulet servies sur
des crêpes bien de chez nous. « Nous
jouons avec les cuisines françaises,
méditerranéennes, israéliennes. »
À la carte aussi, un sashimi de sériole à
l’huile fumée, labneh et figues, des
tortellinis inspirés du shabzi, ragoût
végétal iranien, un bar snacké servi avec
pois chiches, blettes et sauce yaourt au
zaatar, la mousse au chocolat, huile
d’olive et fleur de sel signature de la
maison, un flan à la fleur d’oranger… Les
assiettes sont généreuses, colorées, her-
bacées, parfumées, pimentées. Comme
un antidote contre la folie du monde. ■
A

quatorze ans, était en Israël - où il à Paris, Baba au Cap-d’Antibes), Assaf à la carte du restaurant Kapara (Paris 1er). chez moi. C’est pavlovien ! D’habitude, les Kapara, 9, rue d’Alger, Paris (1er).
retourne une fois par mois pour voir sa Granit a développé ce qu’il nomme « un BASTIEN LATTANZIO premiers jours dans un restaurant sont Tél. : 07 67 40 56 29. Tlj. Carte : 55-110 €
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
38 DESIGN
ELSA CAU
éveil de Pio Manzu, balance
R de cuisine par Marco Zanuso,
cocotte de Raymond Loewy,
Minitel… Ces objets sont ceux
de notre enfance, de notre
adolescence. Ils ont vécu de maison en
maison, erré d’Emmaüs en brocante,
jusqu’à connaître un retour en grâce.
Ces objets du quotidien, jusqu’ici portés
par quelques collectionneurs illuminés
– Philippe Decelle et son Plasticarium,
Jean-Bernard Hebey et son Hidac,
acronyme d’Historical Industrial Design
Archives & Collection – bénéficient
d’un regain d’intérêt du grand public,
qui se les arrache. Ils sont les témoins
métalliques ou plastifiés d’un âge d’or
de la consommation, du fonction-
nalisme pop et de la production de
masse.
Retour en arrière. Si l’on date du
milieu du XIXe siècle l’invention des
produits semi-synthétiques, c’est sur-
tout la première matière entièrement
synthétique, la Bakélite, qui fait sensa-
tion lors de son invention, en 1907. En
1913, c’est au tour du Formica. Cinq ans
plus tard, la couturière Elsa Schiaparelli
utilise des fermetures à glissière en
nitrate de cellulose pour ses collections.
Les années 1930 voient le couron-
nement de l’esthétique industrielle :
l’UAM (Union des artistes modernes),
fondée en 1929, prône une réflexion
moderne, engagée contre l’art pure-
ment décoratif et, par là même, défend
l’association entre ingénieur et créa-
teur. On y est favorable à la fabrication
en série et à la standardisation. En 1934,
le MoMA, à New York, organise l’expo-
sition « Machine Art », qui exalte
l’esthétique des objets industriels, de la
machine à écrire aux hélices en passant
par le grille-pain.
« La laideur se vend mal »
Trois ans plus tard, en France, on lit
dans la presse à l’occasion de l’Expo-
sition internationale (des arts et des
techniques appliqués à la vie moderne),
« aucune incompatibilité n’existe entre le
beau et l’utile, l’art et la technique doivent
être indissolublement liés ». Aérody-
namisme et streamline sont les maîtres-
mots de l’époque. Le mouvement
streamline, dont le visionnaire designer
Lancez-vous dans la formidable aventure de l’écriture !
Le 24 avril et les 07, 14 et 21 mai 2024 de 18h à 22h
GRÉGOIRE DELACOURT
Crédit photo : Emmanuelle Hauguel
Modalités et inscriptions sur www.lefigaro.fr/ecriture ou en scannant le QR code
Plus d’informations en envoyant un message à ateliersdecriture@lefigaro.fr
Les ateliers se déroulent dans les locaux du Figaro, à Paris
Attention, le nombre de places est limité
A
LES OBJETS DU QUOTIDIEN,
PLUS DÉSIRABLES QUE JAMAIS
industriel franco-américain Raymond
COCOTTE, PRESSE-AGRUMES, Loewy est l’un des principaux repré-
LAMPES… POUSSÉES PAR LE sentants, encense la forme lisse et
l’esthétique de la vitesse, inspirée de
MARCHÉ DE LA SECONDE MAIN, l’aérodynamisme. Trains, avions, pa-
CES PIÈCES, TÉMOINS DE L’ÂGE quebots et voitures inspirent les fers à
repasser, les transistors et les réveille-
D’OR DE LA CONSOMMATION, matin du consommateur ravi. Symbole
du progrès, tablant sur le succès com-
N’ÉCHAPPENT PAS mercial d’un objet qui, en plus d’être
À LA FOLIE DES BROCANTES fonctionnel, se veut plaisant au regard,
le streamline veut réconcilier produc-
ET DES VENTES AUX ENCHÈRES. tion de masse et design. Raymond
Loewy, et sa formule restée célèbre « la
laideur se vend mal », ouvre la voie vers
la démocratisation du beau. La formule
n’est d’ailleurs pas sans rappeler le slo-
gan d’un géant qui, lui aussi, forcera
l’évolution du marché industriel : « Le
beau au prix du laid », signé Prisunic,
GALERIE PIERRE-FRANCOIS GARCIER ; devenu Monoprix.
ALESSI/PHILIPPE STARCK ; Au lendemain de la Seconde Guerre
MONOPRIX X ODILE MIR X LOMM ; mondiale, il faut reconstruire, relancer
LE CREUSET/GALERIE PIERRE-FRANCOIS GARCIER la consommation et les échanges
Né en 1960 à Valenciennes, Grégoire Delacourt
publie son premier article pour Le Monde
en 1978, le jour de ses 18 ans. Il s’engage
ensuite dans une carrière de publicitaire
et crée sa propre agence. On lui doit ces
fameux slogans : « Vous n’aviez jamais
mangé de camembert » (Cœur de
Lion), « Nous vous devons plus
que la lumière » (EDF), « Un Lutti
d’offert, c’est un Lutti de perdu »
(Lutti). En 2011, il publie L’écrivain
de la famille, son premier roman,
qui reçoit le prix Marcel-Pagnol. En
2012, sort son deuxième roman La
liste de mes envies, qui rencontre un
succès considérable et fait l’objet d’une
adaptation théâtrale, joué en 2013 à Paris et
adapté au cinéma en 2014. Depuis, il a publié
une dizaine de romans, dont les derniers sont
L’Enfant réparé et Une nuit particulière.
La balance
Terraillon
imaginée
par le designer
Marco Zanuso,
en 1969.
commerciaux à l’international. Le
design industriel a plus que jamais sa
place dans une société ayant soif de
renouveau. Le béton remplace la pierre,
le plastique sort de la cuisine et de la
salle de bains, de la couture cachée
d’une robe ou d’un manteau et envahit
le monde. C’est bientôt la deuxième
révolution industrielle : celle de la
culture de masse, de la société des loisirs
et de l’abondance de biens. Boris Vian
chante sa complainte du progrès,
Roland Barthes compare la nouvelle
Citroën DS aux cathédrales du Moyen
Âge et écrit, en 1957, « le plastique est
tout entier englouti dans son usage : à la
limite, on inventera des objets pour le
plaisir d’en user. La hiérarchie des subs-
tances est abolie, une seule les remplace
toutes ; le monde entier peut être plastifié,
et la vie elle-même, puisque, paraît-il, on
commence à fabriquer des aortes en
plastique. »
Conscience écologique
Devenu accessible et bon marché, aux
formes joyeuses, audacieuses et colo-
rées, le design désormais qualifié de
« pop », relève enfin le pari démocrati-
que qu’il s’était fixé au XIXe siècle. C’est
l’utopie du tout-plastique, pour repren-
dre le mot titre de l’ouvrage devenu ré-
férence, rédigé par Diane Hennebert,
André Jaumotte, Pierre Loze et Philippe
Decelle, en 1994. Et c’est la collection de
ce dernier, que l’on retrouve désormais
au Design Museum de Bruxelles, rebap-
tisée Plastic Design Collection. Et
parfois au MAD, à Paris, qui organisait
LE DESIGN MONOPRIX
Dans les années 1970, Odile Mir imaginait
des pièces cultes pour l’enseigne Prisunic.
Sa petite-fille, Léonie Alma Mason, les réédite
désormais sous la marque LOMM Éditions.
À découvrir à partir du 8 décembre :
deux fauteuils et une lampe, réédités par LOMM
avec Monoprix, et un tapis imaginé
pour l’occasion. Chez Monoprix,
116, rue de Turenne (Paris 3e) et monoprix.fr
LA COCOTTE LE CREUSET
Baptisée « La coquelle », elle a été dessinée en 1958
par le designer industriel Raymond
Loewy pour la marque de cocottes
en fonte françaises,
toujours fabriquées
dans l’Aisne. Avec
ses formes futuristes,
celle-ci n’a pas pris
une ride, y compris
en seconde main.
Sur son compte Instagram
@dandy_pop, Pierre-François
Garcier les chine et les met en vente.
LE PRESSE-
AGRUME
Best-seller de l’éditeur
Alessi depuis 1990,
le Juicy Salif, signé
Philippe Starck,
s’inspire du calamar.
Il n’est en réalité
pas très pratique
pour exprimer le jus.
Le designer
l’affirmera, son objet
« n’est pas fait pour
presser des citrons
mais pour alimenter
les conversations ».
Il vient d’être
réédité en version
XXL, en 2021.
ces dernières années des expositions
consacrées à ce design du quotidien, de
Roger Tallon (dont on connaît tous le
TGV) à l’épopée Prisunic et ses nom-
breuses collaborations avec artistes et
designers, dont le modèle persiste
aujourd’hui à travers l’enseigne
Monoprix. Cette dernière inaugurait
d’ailleurs, cette année, un magasin
entièrement consacré à la décoration,
près de Paris.
Que sont-ils devenus, ces sèche-
cheveux Moulinex, cette station-
service imaginée par Jean Prouvé, cette
maison en kit signée Philippe Starck
pour Les 3 Suisses. Ces quelques rares
collections imposantes auraient-elles
été les seules à sauver les abandonnés du
design quotidien ? Que nenni. Le mar-
chand d’art Pierre-François Garcier a
fait de son obsession pour ces objets une
véritable activité parallèle d’achat-ven-
te, avec son compte Instagram Dandy
Pop et grâce à l’organisation de ventes
aux enchères avec la Nouvelle Étude, à
l’Hôtel Drouot. « Avec la pandémie, les
gens ont compris qu’on pouvait tout cui-
siner dans une cocotte Le Creuset ou bien
peser ses aliments dans une balance sans
piles. Avec la conscience écologique, les
questionnements quant à la seconde main
et au cycle de l’objet, le consommateur a
constaté que ces pièces résistaient au
temps, et pouvaient être réutilisées.
Grâce aux ventes aux enchères, depuis
quelques années, les amateurs ont vu
qu’ils pouvaient acquérir un objet de
consommation courante, à prix modeste,
d’un grand nom » résume-t-il.
Car le tour de force de ce design aux
matériaux pauvres, fabriqués à bas coût,
est bien d’avoir réussi son retour dans
un monde désormais obsédé par l’éco-
logie et le ralentissement de la consom-
mation. La mode de la seconde main l’a
propulsé, à nouveau, sur le devant de la
scène. Ne vous étonnez donc pas de
recevoir à Noël un pèse-personne à
moumoute bleu layette ou un service à
fondue en céramique flambant neuf des
années 1960. ■
 LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023

TÉLÉVISION 39

WERNER HERZOG, LE CINÉMA À LA FOLIE

ARTE CONSACRE UNE SOIRÉE AU RÉALISATEUR D’« AGUIRRE,
LA COLÈRE DE DIEU » AVEC LA DIFFUSION D’UN PORTRAIT INÉDIT
PRÉCÉDÉ DE « RESCUE DAWN », AVEC CHRISTIAN BALE.
de tourner une scène, il devient de plus
ÉTIENNE SORIN esorin@lefigaro.fr en plus ingérable et violent. Il ne se
contente pas de saccager le plateau, il
erner Herzog, 81 ans, s’en prend aux membres de l’équipe.

W n’a pas toujours res-

semblé à un paisible re-
traité allemand mar-
chant au bord de la
mer. Dans les années 1970, il avait plutôt
l’allure d’un footballeur de la Mann-
schaft. Cheveux longs, moustache et soif
de victoires. Herzog est un enfant de la
guerre.
Dans le portrait que lui consacre Tho-
mas von Steinaecker, Werner Herzog, ci-
néaste de l’impossible, on le voit de retour
dans la maison des Alpes bavaroises où sa
famille a trouvé refuge en 1942, après que
son immeuble à Munich a été détruit par
un bombardement. Les souvenirs affleu-
rent. Une enfance sans père - il les a
abandonnés, ce qui le réjouit (« pas de
commandant en chef, l’anarchie à la mai-
son »). Une mère courage. La faim qui le
tenaille, lui et ses deux
frères. « Si je pouvais me
couper une côte et vous la
donner à manger, je le fe-
rais, lui dit sa mère. Mais ○○○◐
22.55
je ne peux pas. Donc vous
resterez affamés jusqu’à lundi. » On com-
prend mieux comment le cinéaste a pu
affronter Klaus Kinski pendant deux dé-
cennies. La folie furieuse de l’acteur n’est
un secret pour personne. Mais les rushs
d’Aguirre, la colère de Dieu, Fitzcarraldo
ou Cobra Verde montrent les pétages de
plombs de Kinski, tête de gargouille et
cerveau dérangé. Si, dans un premier
temps, ses accès de colère sont une mé-
thode pour se mettre en condition avant
« Même aujourd’hui, j’éprouve des diffi-
cultés à m’y replonger », témoigne
Herzog, encore traumatisé par l’acteur et
par des tournages infernaux dans la jun-
gle – hisser un bateau de 300 tonnes au
sommet d’une montagne n’est pas une
sinécure.
Cinéma épique
Leur collaboration est pourtant à la dé-
mesure d’une œuvre qui surgit alors que
le cinéma allemand est dans un état
épouvantable. Dans les années 1960, la
production se résume à des films de ter-
roir en montagne. Avec Volker Schlön-
dorff et Wim Wenders, Herzog est le vi-
sage du nouveau septième art
germanique. Il réalise ses premiers
courts-métrages grâce à sa paie de sou-
deur. Après avoir gagné un concours de
scénario à l’âge de 19 ans,
il signe son premier long,
Signes de vie (1968).
L’histoire d’un soldat al-
lemand blessé à la guerre À 81 ans, le cinéaste allemand Los Angeles où il trouve un second souf- gnent leur admiration pour le maître al-
et chargé de surveiller un revient sur son parcours dans fle. C’est par le documentaire qu’il relan- lemand. Bale tourne avec lui Rescue
dépôt de munitions dans un fort grec où il la maison des Alpes bavaroises ce sa carrière. Grizzly Man (2005), no- Dawn (2006), film de jungle d’après l’his-
sombre dans la folie. La nature, superbe où sa famille avait trouvé refuge tamment, lui vaut une reconnaissance toire vraie d’un pilote américain fait pri-
et hostile, la déraison humaine, tout le ci- en 1942. immédiate. Le cinéaste raconte l’histoire sonnier au Laos à la veille de la guerre du
ZDF/© HENNING BRUEMMER/ARTE
néma épique de Herzog est déjà en germe d’un homme qui passe treize étés à filmer Vietnam. Pattinson et Kidman jouent
dans ce coup d’essai. « Je me dis parfois des ours en Alaska pour inciter à les pro- dans Queen of the Desert (2015), évoca-
que chaque personne possède un paysage téger et qui finit dévoré par son sujet, au tion de la vie de Gertrude Bell, archéolo-
qui correspond à son âme. C’est une idée propre comme au figuré. Herzog ne dé- gue du début du XXe siècle. Pattinson
qui occupe une place importante dans mes laisse pas complètement la fiction. Les s’attend à un tournage extrême. C’est une
films », explique Herzog. Au début des stars hollywoodiennes se bousculent partie de plaisir dirigée par un homme
années 2000, les sources de financement pour tourner avec lui. Christian Bale, Ro- doux. On sent une pointe de déception
se tarissent en Europe. Il s’envole pour bert Pattinson et Nicole Kidman témoi- dans sa voix. ■

L’HÔPITAL À BOUT DE SOUFFLE

« NOUS SOIGNANTS, LE MÉTIER D’UNE VIE » RACONTE LE MONDE HOSPITALIER ENTRE SENS DU DEVOIR ET DÉCOURAGEMENT.
n’aient plus accès à un médecin trai- temps, de leur famille, parfois de leur gagement, de leur rapport aux malades,
JULIA BAUDIN £@BaudinJ tant ? Comment la France s’est-elle lit- propre santé. Pour autant, leur dévoue- de l’histoire d’un système de santé sans
téralement vidée de ses spécialistes ? Et ment est inaltérable. « Quand je quitte pareil – Sécurité sociale, hôpital public,
ls sont aides-soignants, sages- peut-on encore éviter la débâcle ? mon travail sachant que j’ai su rassurer mutuelles… – et des raisons de son ef-

I femmes, médecins ou infirmiers.

Ce documentaire en deux parties
de Claire Feinstein et Gilles Perez
raconte l’hôpital via le quotidien de ceux
qui le tiennent à bout de bras. FTV
Ils travaillent à Lille, Marseille,
Bordeaux ou Lyon. Pas un être hu-
main qui, à un moment, ne dépen-
de totalement d’eux. De leur connais-
sance, de leur savoir-faire, de leur
bienveillance. C’est dire leur importan-
ce. Et pourtant, ils sont épuisés. Pire,
leur pronostic vital est engagé.
Comment en sont-ils arrivés à cette
extrémité ? Comment le système de san-
té français, réputé le meilleur au monde
il y a vingt ans encore, s’est-il délité en si
peu d’années ? Comment est-il possible
que 7 millions de Français, aujourd’hui,
Un système sans pareil
Réponse dans Nous, soignants, docu-
mentaire en deux parties de Claire
Feinstein et Gilles Perez qui raconte
l’hôpital via le prisme de ceux qui le
tiennent à bout de bras. « Un de mes col-
lègues avait coutume de dire : “En méde-
cine, ce qui est difficile, ce sont les quatre-
vingts premières années. Ensuite, ça va
tout seul” », rappelle un ancien chef de
service. La formule semble anecdotique.
Elle dit au contraire l’investissement de
l’ensemble des personnels hospitaliers
pour les malades, au mépris de leur
quelqu’un, je peux me tenir droite », assu-
me une auxiliaire de puériculture. « En-
caisser la souffrance des gens, ne pas s’ef-
fondrer face à une situation dramatique,
on sait qu’on en est capable seulement
quand on le vit », confie ce jeune urgen-
tiste. « Déposer un nouveau-né sur sa
mère est d’une beauté ineffable »,
s’émeut encore cette sage-femme.
Dans le sillage de Psy, de l’autre côté
du divan (France 2),
Nous, soignants fait
parler les acteurs de ce
précieux secteur, de
○○○○
22.40
leur rôle, de leur en-
fondrement.
Ce documentaire montre aussi que
cette déliquescence ne date pas
d’aujourd’hui. Les prémices de cette cri-
se remontent à l’après-guerre. Celle-ci
s’accentue à partir des premières évoca-
tions du « trou de la sécu » (1950), puis
de l’instauration du numerus clausus
(1971). Et se confirme, hélas, par la fer-
meture de maternités (2000) ou le re-
cours aux techniques de
gestion promues par de
prestigieux cabinets de
conseil. Humain, édifiant,
passionnant.

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé MOTS À CASER SUDOKU

1 2 3 4 5 6 7 8 Placez les mots de la liste dans la grille ci-dessous. En partant des chiffres déjà placés, remplissez les
PROBLÈME N° 6461 grilles de manière à ce que chaque ligne, chaque
HORIZONTALEMENT 1 2 LETTRES ÉTÉ NOTE 6 LETTRES 8 LETTRES colonne et chaque carré de 3 x 3 contienne une
1. Dangereux rétrécissements des canaux. - 2. Ne saute AL LSD RÂLE BERLUE ÉPITHÈTE seule et unique fois tous les chiffres de 1 à 9.
CC NET RÉER CISELÉ
pas une ligne du Figaro. - 3. Faire passer l’inspection. 2 IE PRO RUÉE IRONIE 9 LETTRES
- 4. Page de garde. Équivalent grec du département.
FACILE

- 5. Globes rouges cirés. Point dépassé. - 6. Hercule y 3

OR
RÉ
THÉ
TTC
5 LETTRES
MODÉRÉ
POÊLÉE
COÏNCIDER
ÉDIFIANTE
1 3 7 4 5 6
mourut dans les flammes. Lettre en forme de trident. TA UHT
CLONE TIREUR ÉGRENEUSE 2 5 1
- 7. Parti à droite. Miettes de Sandwich. - 8. Devant Sy. 4 CUBER PÉRILLEUX
Indispensables pour le dessin industriel. - 9. Plaintes 3 LETTRES 4 LETTRES ÉCALE 7 LETTRES 7 3
sans objet. - 10. Un lieu commun pour Chirac et Hollande. 5 CHU CRAC ENCRE CÉLESTE 1 8 6 2 4 7
CLÉ GRIS EXCÈS ENCRINE
On la retrouve au poste. - 11. Avait la police à ses COL HEIN FILON ÉTANCHE 5 6 2 1
basques. Son existence annonce l’essence. - 12. Filets 6
DER ÎLET ISOLÉ TUTRICE
de voie. DES MATE ROUTE 49 1 8 6 5
GRILLE 4559

7
VERTICALEMENT
3 2
8 8 4 9
1. Marchent en avens. - 2. Il empaille souvent, mais il
joue très bien avec le mort. - 3. Fît sensation. Plume 9 45 9 3 1 6
d’Emmanuelle. - 4. Jeu d’allumettes. Maison où l’on fait
régulièrement le ménage. - 5. Nés sous le signe du 10
bélier. Patron de métallos. - 6. Diffuseur d’air. Se raflent 2 6 7 8
DIFFICILE

à la table de poker. Note. - 7. Devait se contenter d’une 11

ration de survie. Garniture de sole. - 8. Très calmes 94
et bons princes. 12 2
5 8 7
SOLUTION DU PROBLÈME N° 6460 2 3 6
HORIZONTALEMENT 1. Pressant. - 2. Refouler. - 3. Effusive. - 4. Sire. Nef. - 5. Blessé. - 6. Yen. Hase. 1 9 3
GRILLE 4560

- 7. Tréma. - 8. Eumène. - 9. Ressac. - 10. Io. Enoch. - 11. Elon. Ire. - 12. Néoténie.
7
VERTICALEMENT 1. Presbytérien. - 2. Refiler. Éole. - 3. Effrénées. Oô. - 4. Soues. Musent. - 5. Sus.
1 3
A

Shaman. - 6. Alinéa. Écoin. - 7. Névé. Son. Cri. - 8. Trèfle. Échée.

9 7 2 1
 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO

40 TÉLÉVISION Tous les programmes

dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag MÉTÉO PAR

ÉPHÉMÉRIDE St-Saturnin
À LA DEMANDE Soleil : Lever 08h20 - Coucher 16h57 - Lune décroissante

21.10 21.10 21.10 MATIN

New Amsterdam
S é r ie .H o s p tia lièr e
EU. 2022. Saison 4. Avec Ryan Eggold,
Janet Montgomery, Freema Agye-
man. (17 et 18/22). Inédit. Helen fait
une réaction très violente au produit
qu’elle a, comme tous les autres au
bar, ingéré sans le savoir. Des caillots
se forment dans tous ses organes.
22.50 New Amsterdam. Série.
Hospitalière. 2 épisodes. Inédit.
21.00
Football : Ligue
des champions
Boomerang
Téléilm. Dramatique
Fra. 2022. Réal. : Christian François.
1h40. Avec Corinne Masiero, Bruno
Salomone, Tiphaine Daviot. Une jeune
femme sans histoires se retrouve
victime d’une agression sexuelle de la
part d’un de ses collègues et tente
de mettre in à ses jours.
22.50 Survivantes. Documentaire.
Réal. : Éric Guéret. Inédit.
20.55
Rescue Dawn
Film. Guerre
Inirmières, notre histoire ! he Ofer 2
Documentaire 20
2
3 0 -1
3 2
-1 -1
4
1 3 1
-2
2
2 1 -2
2
Fra. 2023. Réal. : Mathilde Damoisel. Le sujet de « he Ofer » est
1h30. Inédit. Les inirmières sont assez original car cette série 30 0
600 000 en France. Corps profes- relate les coulisses de la produc- -2
-1
sionnel incontournable, elles ont tion d’un ilm, référence s’il en est -1
connu des conlits violents, des dans l’univers du cinéma, « Le 2 0
chagrins profonds, des joies intenses, Parrain », de Francis Ford Coppola, 2 8
des déceptions et des combats. sorti en salles dans le début des 0
années 1970, plus précisément 10 2
22.40 Nous, soignants. Documentaire. 4 4
en 1972. L’histoire est racontée
Réal. : Claire Feinstein, Gilles Perez.
du point de vue d’Albert S. Ruddy, 5 50
le producteur du ilm. Des dii-
cultés techniques, en passant par 5
l’évolution du script, adaptation APRÈS-MIDI
du roman de Mario Puzo, la série
21.10 plonge à la fois dans le monde
30
6
Le meilleur pâtissier complexe du cinéma hollywoo-
dien, et dans toute une époque 6
Jeu 6 3 3
inalement. Mais ce sont bien les
7 7
relations entre les équipes du ilm
4 4
et la maia, assez opposée au 8
projet, qui retient l’attention dans 7 7 6
3
cette mini-série qualitative. 7
7 7 5
7

Sport
5e journée. Groupe B : Arsenal - Lens.
En direct. Dans cette manche retour,
nul doute que les Gunners de Mikel
Arteta voudront prendre leur revanche
sur les hommes de Franck Haise.
22.57 Canal Champions Club
le débrief. En direct.
EU/Lux. 2006. Réal. : Werner Herzog. Prés. : Marie Portolano. 2h. Délices 6 5
2h. Avec Christian Bale, Pat Healy. d’Amérique latine. Pour accéder 40 5 6
Pendant la guerre du Viêtnam, en demi-inale, les cinq pâtissiers 12.00 Points de vue. 7 7
l’incroyable évasion d’un pilote de partent à la découverte de l’Amérique 18.30 Le Buzz TV. Invité :
9 15
chasse allemand engagé par les latine, avec notamment une épreuve Thomas Isle, animateur de 10
américains et fait prisonnier au Laos. technique complexe. « Culture Médias » sur Europe 1, 17 11
interviewé par Damien Canivez 11
22.55 Werner Herzog, cinéaste 23.10 Le meilleur pâtissier : 16
et Sarah Lecœuvre. 40
de l’impossible. Documentaire. la revanche des inalistes. Jeu. Inédit. 19.00 Bienvenue 14
en Île-de-France. 15
Présenté par Victoire Sikora.

21.00
LES POISSONS VOLANTS – ARTE FRANCE – RMN-GRAND PALAIS – 2014

T (en °c)
<-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40
19.42 Touche pas à mon poste. Div. 19.50 Les cinquante. Jeu. Inédit. 19.15 Quotidien. Divertissement.
21.19 Mongeville 21.05 Enquêtes criminelles 21.25 21h Médias :
Série. Policière. Fra. 2017. Saison 1. Magazine. Prés. : Nathalie Renoux. Sida, 40 ans de symboles ALGER 14/21 AMSTERDAM 3/5 ATHÈNES 18/20
Inédit. Avec Francis Perrin, Gaëlle 2h05. Dany Leprince : « Je ne suis pas Documentaire. Fra. 2023. 1h35. 12/18 2/4 -2/0
BARCELONE BELGRADE BERLIN
Bona. Meurtre à la une. Le rédacteur un assassin ! ». Inédit. Dany Leprince 2 épisodes. Inédit. Des premiers
en chef d’un quotidien annonce son revient sur sa propre version des faits journaux télévisés, jusqu’aux images BERNE -5/4 BRUXELLES 1/5 BUDAPEST -1/2
suicide à la une avant de se jeter par d’une afaire criminelle complexe de du premier Sidaction, les médias COPENHAGUE -5/-2 DUBLIN 2/6 LISBONNE 17/19
la fenêtre. Une sordide mise en scène 1994 où il a été accusé d’un quadruple ont joué un rôle majeur dans la lutte Diego Velazquez, LONDRES 1/4 MADRID 11/15 PRAGUE -5/1
qui ne trompe pas Mongeville. meurtre dans la Sarthe. contre le virus du sida. le réalisme sauvage RABAT 13/20 ROME 5/16 TUNIS 14/20
23.09 Mongeville. Série. Policière. 23.10 Enquêtes criminelles. Magazine. 23.00 90’ Enquêtes. Magazine. Documentaire (notre photo).

22.30 Le Club Le Figaro Culture. JEUDI VENDREDI SAMEDI

Présenté par François Aubel.
Numéro spécial séries, dont la 1/4 -3/2
saison 6 de The Crown. Avec les -2/1
20.05 C à vous la suite. Talk-show. 19.55 Wheeler Dealers France. Doc. 19.50 Camorra. Documentaire. journalistes du Figaro Pascaline 3/5 1/3 1/4 -1/1 -1/5 -6/-2
Potdevin, Constance Jamet,
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« Un certain art de vivre ». À ses parcourent quotidiennement les Des premiers jours de la guerre Iran- le Figaro TV ?
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MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°3690

HOMMES UN BON PATRON DES GAIN ON Y VA TROP DÉBU- BOTTE DE
DE RIO CONTRAT NORMAND TRAVAUX D’APPOINT POUR DU DRÔLE... TANTS COW-BOY VILLA IL PRODUIT
CON- NOTRE- URBAINE DE BELLES
CITÉ CILIANT BEURRE SEIGNEUR
D’ANGLE- EMPESER FRUIT DU PEU DIMINUE PRESSER PIED DE TAPIS DE AU MAROC ŒUVRES
TERRE LE LINGE JARDIN SOUVENT LA VOILE EN LES LE PAS (SE) VIGNE CUISINE
CANOT DE ARTISAN
COURSE CONFISEUR
VERDICT
HORREUR RENDU
PRINCE ON PEUT Y ESPOIR DE CELLE DE
ARABE DÉLESTER FÊTÉS, PÊCHEUR HIDALGO ROLAND
L’AUTO- MAIS PAS À PARIS S’APPELAIT
À L’EAU CÉLERI-
PS GREC ROUTE RAVE DURANDAL
TOUCHAIT ORIFICE JEAN,
AU PORT NATUREL VOLAILLE
POÈTE ET
HUIT EN FEMME EN PEINTRE
DÉRAPAI ALSACIEN
LATIN BLANC
APPROPRIÉ RÉPANDRE ESPACE
GROUPES DES AMÉNAGÉ PASCAL
QUI FONT GRAINES EN BREF
FRONT SOLEIL BLAFARD
BORDURE MALADIE GARDIEN
DE FEUILLE RHUMA- D’ENTÊTÉS
ÉLÉMENT TISMALE BEIGNET
DE VOIE SOMMET ANTILLAIS
CUPIDE ON Y VEND CONTRÔLE IL NE CON-
DU DE POIDS TIENT QUE
ACTEUR POISSON COUPE AU QUELQUES
FRANÇAIS DIRECTION MONTAGE TITRES
QUI PRO- ANNONCE S O L U TI O N D U N U M É R O P R É C É D E N T
TÈGE DES UNE EX- INDIQUE LA
AVIONS PLICATION FAÇON DE R P E E S F M A A F M V D
FAIRE R E N A I S C A C A O T I E R P O R T U A I R E
LE CÉRIUM LES GENS
C O N S T E L L A T I O N A R R I E R E P L A N
BIEN SORTI DONT LE ÉMETTRE I R M A I N A P T E R E S S A I S I S P L I T
GOÛT RAP- UN GRIN-
PAYS E S C A M O T E M A D R E M O I N E R A D E
PELLE UN CEMENT
D’EILAT AGRUME AIGU H A E T A U S A P E R S T A R L E T T E I L
T E E T E C R O D E R A S I L R T O R E
ÉCOLE DES
ATTITUDE
A

GRANDS K I R C I S E L U R E E M U S O B I
INÉBRAN- COMMIS DE V E R S O R I M E C I E E R N E E
LABLE
L’ÉTAT C E S A N E S S L I P S F R I S E R
 LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023

41
aborder ses souvenirs personnels.
Avec Diane Kurys, il crée sa société de
production Alexandre Films, en hom-
mage à son père Alexandre Egry. Il a

ALEXANDRE ARCADY, déjà compris que pour contrôler son

travail, il ne doit pas laisser des pro-
ducteurs extérieurs décider.

LE PASSEUR « Les bruits de mon enfance »

Aujourd’hui, les choses ont bien chan-
gé. Le confinement l’a décidé à franchir
le pas. « Ce qui m’a le plus impressionné

D’HISTOIRES pendant cette période, c’était le silence !

Les bruits de mon enfance sont reve-
nus. » Et l’ambiance de cet immeuble
de la basse casbah d’Alger où tout le
monde cohabitait sans problème, juifs,
arabes, chrétiens. Chacun partageait les
PORTRAIT DEPUIS QU’IL A joies des autres pendant les fêtes reli-
DÉCOUVERT « JEUX INTERDITS » gieuses. « On était pauvres, mais riches
de nos partages, de nos grandes tribus. »
AU CINÉMA À ALGER, À 7 ANS, Même si les souvenirs d’enfance
LE CINÉASTE A BEAUCOUP idéalisent forcément un peu le monde
dans lequel il vivait pour ne retenir que
RACONTÉ DANS SES FILMS quelques bons moments, l’accueil fait à

SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO

son film lui fait chaud au cœur. Après
L’HISTOIRE DE CES FRANÇAIS une projection à Marseille, une femme
QUI ONT DÛ QUITTER L’ALGÉRIE, est venue lui dire : « J’ai ri, j’ai pleuré, je
me suis régalé. » Le plus beau compli-
EN 1960. DANS SON DERNIER ment pour Alexandre Arcady. Surtout
après les massacres du 7 octobre en Is-
FILM, TIRÉ D’UN LIVRE raël et la montée de l’antisémitisme en
AUTOBIOGRAPHIQUE, France. Après quelques jours de sidéra-
tion, il a voulu prendre la parole pour
IL RACONTE SON ENFANCE rompre le silence de ceux dont il avait
Quel est le secret de sa vitalité ? Sû- 1982. Le film sort en salle le même jour de 7 ans, à l’Olympia d’Alger ? Le pa- pensé qu’ils s’exprimeraient spontané-
DE PETIT BLOND DE LA CASBAH. rement pas la pratique du sport ! que celui d’Yves Boisset, Espion, lève- rallèle entre ce que raconte ce film, ment. « Le silence était terrible, donc je
Alexandre Arcady l’admet bien volon- toi, avec Lino Ventura. Alexandre Ar- l’exode sur les routes françaises face à me suis exprimé pour dire qu’il ne faut
tiers, il n’en fait jamais et n’en regarde cady sort vainqueur de la compétition, l’avancée de l’armée allemande en rien laisser passer. Car la majorité des
pas non plus à la télévision ! À tel point dès le premier jour d’exploitation. Le 1940, et la guerre en Algérie à cette gens ne sont pas antisémites en France. »
Carl Meeus que sur le tournage du Coup de sirocco, soir même, l’équipe se retrouve dans époque le marque profondément. « J’ai Le réalisateur se refuse à céder à la
cmeeus@lefigaro.fr pour une scène où il devait jouer au un restaurant. À minuit, Lino Ventura, eu l’impression que la pellicule entrait peur. « Il ne faut pas que tout cela en-
football, Patrick Bruel a dû prendre les vient, en gentleman, saluer et féliciter dans mes veines. Le cinéma m’a permis gendre de la peur. Il faut que ça engendre
choses en main pour lui expliquer ce Roger Hanin. « En les voyant tous les de traverser la guerre avec moins d’an- du courage. Moi aussi je peux dire vive la
qu’était un pénalty ! En réalité, cette deux, je me suis dit qu’il fallait les faire goisse. » C’est son refuge quand les at- Palestine. Mais jamais je ne dirai mort
vitalité lui vient justement du cinéma. tourner ensemble. J’imagine Le Grand tentats se multiplient à Alger, avant aux Arabes ! Mon pays, c’est la France.
était son âge « Il n’y a rien de plus exaltant. Ça me Carnaval avec eux. » Ce film est né de « l’exode » vers la métropole. Il y va Mon cœur est en Israël, mais mon âme va

N’
(76 ans),
on pourrait
penser
qu’Alexan-
dre Arcady
est un jeune
metteur en
scène. Plein de fougue dans son bureau
parisien au cœur du 8e arrondissement
de la capitale, il raconte son dernier
film, sa vie et ses projets avec gour-
mandise. Seules les anecdotes et les af-
fiches de film, nombreuses, sur les
murs trahissent la longévité du réali-
sateur depuis son premier long-mé-
trage Le Coup de sirocco, en 1979 jus-
qu’au dernier, sorti voici quelques
jours, Le Petit Blond de la Casbah.
permet de rester jeune », reconnaît-il.
Dans son dernier film, il fait dire à son
héros, qui l’incarne enfant : « J’aime
mieux le cinéma que la vie. » « On a le
pouvoir du destin, on fabrique tout », dit
le metteur en scène, qui s’inspire tou-
jours d’événements de la vie pour ra-
conter des histoires. « Je n’ai jamais eu
de plan de carrière. Ce sont les situa-
tions qui ont fait mes films. »
Son premier long-métrage, Le Coup
de sirocco, même s’il est tiré du livre de
Daniel Saint-Hamont, mêle sa propre
expérience de « l’exode » des pieds
noirs d’Algérie en métropole. Le tour-
nage avec Roger Hanin lui donne envie
de recommencer l’expérience. Ce sera
Le Grand Pardon, énorme succès en
cette image, même si à l’arrivée, Lino
Ventura ne le tournera pas. Alexandre
Arcady est attentif à tout ce qui se pas-
se autour de lui. Il observe tout. En de-
hors de Hold-Up, un film de comman-
de avec Jean-Paul Belmondo
(« tourner avec Belmondo, ça ne se re-
fuse pas »), ses 17 réalisations ont tou-
jours un lien avec une actualité ou un
événement de sa vie.
Est-ce parce qu’il découvre le ciné-
ma en regardant Jeux interdits, à l’âge
PROCHAINES PROGRAMMATIONS 2023/2024
accompagné de sa voisine, ou de sa
mère, quand elle veut échapper aux
crises de jalousie de son mari, ancien
légionnaire hongrois. Le Petit Blond de
la Casbah, chronologiquement, aurait
dû être son premier film. Ancien di-
recteur du Théâtre Jean Vilar de Su-
resnes, à 25 ans, il a tenté de devenir
acteur, sans véritablement percer, et
veut passer à la mise en scène, au ciné-
ma. Mais dans les années 1970,
Alexandre Arcady ne se sent pas prêt à
en Algérie. Je suis riche de tout ça, c’est
ça que j’ai envie de transmettre. »
Alexandre Arcady fourmille de projets,
d’histoires à raconter. Il a déjà l’idée de
son prochain film, quand le dernier est
encore à l’affiche. Ce sont d’ailleurs les
spectateurs qui l’ont convaincu. Ils
étaient nombreux à lui demander ce
qu’il advenait du petit garçon après sa
traversée de la Méditerranée. Alexan-
dre Arcady a donc décidé de tourner la
suite : l’histoire du petit blond à Paris. ■

UN DERNIER MOT Par Étienne de Montety

edemontety@lefigaro.fr

Doubler (dou-blé) v. tr.

Dépasser, par exemple la mesure. Alexis Brézet et Vincent Trémolet de Villers recevront salle Gaveau :

L
e prix du ticket de métro va doubler pendant les Jeux olympiques à Paris.
Le mot vient du latin duplus, qui signifie « deux fois plus grand ».
On sait que l’organisation redouble d’efforts pour que tout soit prêt à temps. FRANZ-OLIVIER GIESBERT
Faut-il aller jusqu’à doubler aussi les tarifs ?
LUNDI 11 DÉCEMBRE
Cette annonce est un coup porté au moral des Parisiens, qui voient arriver
ces Jeux avec une méfiance elle aussi en train de redoubler. « DE CHARLES DE GAULLE À EMMANUEL MACRON - MA 5ÈME RÉPUBLIQUE »
Car, avec cette décision, le comité sportif prend le risque de franchir une ligne,
Journaliste, éditorialiste, biographe, écrivain.
ou plus précisément de doubler un cap, celui de la tolérance.
Ancien directeur des rédactions du Figaro et du Point.
On plaint celui qui va devoir expliquer cette forte augmentation : on lui suggère,
par prudence, de penser à une doublure.
D’autant que ce tarif ne prémunira pas les Parisiens contre les embarras dans les rues :
MATHIEU BOCK-CÔTÉ
embouteillages et prix exorbitants, ce qui s’appelle commettre une double faute.
Ceux-ci n’auront plus qu’à recourir à la marche, car, dans cet exercice,
on peut doubler le pas, sans majoration de prix. ■ MERCREDI 10 JANVIER
« LE TOTALITARISME SANS LE GOULAG »
FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ Essayiste, sociologue
et chroniqueur au Figaro.
Robert Broussard, commandeur
de la Légion d’honneur
Le commissaire Robert Broussard recevra, ALAIN FINKIELKRAUT
ce mercredi soir, en l’hôtel de la place Beauvau,
JEUDI 7 MARS
les insignes de commandeur de l’ordre national
de la Légion d’honneur. En qualité de premier flic « CES ÉCRIVAINS QUI M’ACCOMPAGNENT ET QUI ME GUIDENT »
de France, Gérald Darmanin entend ainsi
CHARLES PLATIAU/REUTERS

Écrivain, philosophe
remercier le « tombeur » de l’ennemi public
Jacques Mesrine pour l’ensemble de sa carrière. et membre de l’Académie française.
L’ex-figure de l’antigang avait déjà été reçu
à l’Élysée, le 4 octobre 2022, par Emmanuel
Macron pour discuter notamment du rôle
de l’« institution policière » avant la mise en place
de nouvelles réformes.
Placement libre Réservez vos places sur
Les grands prix du trombinoscope des territoires à Strasbourg Tarif : 25 € www.lefigaro.fr/rencontres
C’est au siège du conseil régional du Grand Est que s’est tenu, ce mardi,
Abonnés : 20 € ou 01 70 37 18 18
le lancement du grand prix du trombinoscope des territoires. La sélection
des lauréats a été effectuée par un jury rassemblant des journalistes régionaux.
Les huit prix ont couronné la personnalité de l’année, le parlementaire
de l’année, la conseillère régionale de l’année, le président du conseil 20H00 - SALLE GAVEAU
départemental de l’année, la révélation de l’année, le maire de l’année, 45-47 rue La Boétie, 75008 Paris
A

sans oublier le prix spécial de l’année et le prix de soutien. DESSIN CLAIREFOND

 mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO - N° 24 656 - Cahier N° 4 - Ne peut être vendu séparément- www.lefigaro.fr
PICTURE ALLIANCE VIA GETTY IMAGES; ANNELOT HUIJGEN/LE FIGARO; MEIGNEUX/SIPA
Climat : comment
nous vivrons en 2100
ÉDITORIAL
Une COP28 entre urgence
et crainte de désillusions
u’attendre d’une COP
Q qui se tient aux Émirats
arabes unis, dans la plus
grande pétromonarchie,
et présidée par le sultan
Ahmed al-Jaber, patron de la com-
pagnie pétrolière nationale ? Les
appels au boycott de la COP28, qui
s’ouvre ce jeudi 30 novembre à
Dubaï, auront peu d’impact, autre
que symbolique, sur ses résultats,
en dehors d’un certain nombre
d’émissions évitées.
Les Émirats arabes unis en tête,
nombre d’acteurs misent sur les
énergies renouvelables pour rédui-
re les émissions de gaz à effet de ser-
re. Porté par l’Union européenne et
les États-Unis, l’objectif de leur tri-
plement d’ici à 2030 répond aux
recommandations de l’Agence
internationale de l’énergie (AIE),
pour laquelle il s’agit du principal
levier. Mais se cantonner à cet
objectif serait illusoire. Masquerait-
il la volonté de ne pas toucher aux
énergies fossiles ?
Or il est déjà quasiment certain que
l’année 2023 sera la plus chaude
jamais enregistrée dans le monde,
selon l’observatoire européen
Copernicus. Est-il encore réaliste
de tabler sur une hausse des tempé-
ratures contenue à 3 °C à l’horizon
2100 depuis la période préindus-
trielle, comme dans l’accord de
Paris, alors que l’augmentation en
France est déjà de 1,7 °C ? Le seuil
des 2 °C de réchauffement a même
été dépassé les 17 et 18 novembre
dans le monde, selon l’observatoire
européen Copernicus.
Impensable il y a peu, le scénario
d’un réchauffement de + 4 °C du cli-
COP28 GUYANE
MASDAR CITY, L’ESSOR DE LA BIOMASSE
VITRINE DES ÉMIRATS BUTE SUR LA DÉFORESTATION
ARABES UNIS PAGE 48 DE L’AMAZONIE PAGE 50
mat de l’Hexagone est désormais
retenu par le gouvernement dans
son prochain plan national d’adap-
tation au changement climatique
(Pnacc 3), qui devrait être présenté
d’ici à la fin de l’année.
Car des températures de 50 °C à
Paris sont possibles au XXIe siècle. Si
on se fie à un épisode simulé par le
scénario médian du Giec, dit SSP2,
en 2078, avec un réchauffement
global de 3,3 °C, on peut imaginer
« des températures extrêmes en Île-
de-France dépassant 40 °C pendant
seize jours d’affilée, à l’exception
d’une “pause” d’une journée à 36 °C
maximum ». (1)
Dans ce contexte, nos 300 kilomè-
tres de routes par département
français seront-ils encore utilisa-
bles, pour ne citer que cet exemple ?
Ceux qui auront anticipé ces phéno-
mènes seront relativement prému-
nis, mais la facture risque d’être
lourde pour les autres. D’où la mise
en garde de Didier Soulage, direc-
teur délégué à la stratégie climat du
Centre d’études et d’expertise sur
les risques, l’environnement, la
mobilité et l’aménagement (Cere-
ma) : en termes d’adaptation, « le
coût de l’inaction sera toujours bien
supérieur au coût de l’action ».
CAROLINE DE MALET
(1) Note du Grec (Groupe régional
d’expertise sur le changement
climatique et la transition
écologique) francilien :
« Simulations de scénarios
“Paris 50 °C” », juin 2023.
+@ » Retrouvez notre rubrique
« Le Figaro demain » sur :
www.lefigaro.fr/demain
mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
44
CLIMAT
Ruissellement
d’eau depuis les
toits, déplacement
en téléphérique,
bioluminescence…
La capitale a beau
s’adapter, ses
habitants souffrent.
A CAROLINE
DE MALET
naé se lève.
La chaleur
l’empêche de dormir. Elle a bien dîné la
veille, dégusté un verre de vin alle-
mand, devenu assez prisé, après avoir
assisté au concert Les Quatre Saisons de
Vivaldi, même si le printemps et
l’automne sont devenus des saisons
fantômes, parfois inexistantes comme
en 2087. Mais avec 35 °C à 2 heures du
matin en ce 26 septembre 2100, force
est de constater que la planète n’est pas
parvenue à s’adapter aux défis du
changement climatique. D’autant que
l’Europe connaît un réchauffement
supérieur au reste du monde. La Ville
Lumière a beau avoir multiplié allées
piétonnes et végétalisé de nombreux
murs, la nature, qui souffre, ne peut
plus jouer son rôle d’alliée essentielle.
Et les habitants de Paris subissent de
plein fouet le phénomène des îlots de
chaleur urbains, tout comme 80 % de
la population mondiale vivant en ville,
contre la moitié en 2020.
Ce matin, Anaé emmènera son fils se
rafraîchir sous les brumisateurs de son
quartier, chacun en étant équipé.
Demain, elle se rendra à son travail en
téléphérique, cet équipement ayant
permis de réduire les bouchons et les
émissions de gaz à effet de serre de la
capitale. Tirant ses rideaux en algue
- qui captent le carbone - elle se pen-
che par la fenêtre et regarde l’eau ruis-
seler depuis le toit de son immeuble.
Mais la ressource étant rare, cette solu-
tion, qui permet de rafraîchir l’air
ambiant, cristallise les oppositions
depuis quelques années. La généralisa-
tion des toilettes à la japonaise, dans un
premier temps dans le but de réduire la
consommation de papier toilette (res-
ponsable de 15 % de la déforestation),
est également sur la sellette, pour pro-
téger l’or bleu, même si leur mise en
place ne peut se faire qu’en circuit fer-
mé, l’eau étant réutilisée.
Les débats sont animés pour trouver
des alternatives. Un élu a réclamé de
peindre en blanc les toits de Paris, mais
Le réchauffement, une vraie bombe pour la santé mentale et la paix
ans le désert de Nefoud, en
D
Arabie saoudite, vingt volon-
taires ont crapahuté pendant
40 jours en tirant des chariots de 140 à
200 kg de vivres, eau, matériel scienti-
fique et panneaux solaires, de puits en
puits, soit 250 kilomètres au total, par
45 à 48 °C en moyenne. À l’initiative de
cette expédition : Christian Clot,
explorateur-chercheur et fondateur
du Human Adaptation Institute, qui
étudie « l’adaptation d’un organisme
habitué à vivre en milieu tempéré à des
températures extrêmes ».
«On est plus sensible et moins patient
avec la chaleur et la fatigue, cela
demande de prendre sur soi, témoigne
Mathilde, qui travaille pour l’ONG Ter-
re et Humanisme, au retour en juin
dernier, après avoir été sélectionnée
parmi 1 500 candidats pour l’aventure.
Des Parisiens se rafraîchissent
avec les brumisateurs du parc
Clichy-Batignolles-Martin Luther-King,
lors de la canicule de juin 2019.
BRUNO DE HOGUES/GAMMA-RAPHO
VIA GETTY IMAGES
La vie quotidienne d’Anaé à Paris en
par 4 degrés de plus
cette autre mesure a été jugée incom-
patible avec la ville-musée. Sans
compter que « si cela fonctionne bien
sur des toits plats comme à Chicago, sur
des toits en pente, la baisse de tempéra-
ture induite est limitée à 0,7 % seule-
ment », expliquait en 2023 Maud Leliè-
vre, rapporteur de la mission
d’information et d’évaluation Paris à
50°C, qui avait remis son rapport en
juillet 2023. Les forêts urbaines, qui ne
poussaient pas, faute de suffisamment
de lumière, ont quant à elles été aban-
données, dans la foulée de Berlin.
Climatisation interdite
En revanche, les nouveaux immeubles
et villas sont construits de façon aéro-
dynamique, avec circulation d’air. Car
les innovations low tech des pays du
sud, confrontés depuis longtemps à ces
chaleurs extrêmes, représentent une
source d’inspiration. La climatisation,
qui rafraîchit l’intérieur mais réchauffe
l’extérieur des bâtiments, ayant été
interdite chez les particuliers, des
alternatives se sont ainsi développées.
Les cheminées ont été recyclées en
conduits servant à évacuer l’air chaud
par évaporation grâce à une réserve
d’eau installée au sol. « Cela se fait dans
les pays du Maghreb et les déserts et
Nous avons eu des rafales de vent jus-
qu’à 110 km/heure et seulement deux
jours sans vent. Son bruit me prenait la
tête. Même la nuit, je somnolais plus que
je dormais vraiment ».
Repli sur soi
«De fait, les comportements sont plus
bruts, les hommes plus machistes et plus
bestiaux, tandis que les femmes doivent
se protéger à leur façon. » Or ce phéno-
mène n’a pas été constaté lors des deux
autres volets de l’expédition Deep Cli-
mate, en Amazonie, où la chaleur était
humide, ni en Laponie, par moins
35°C, au cours des mois précédents.
« Dans des conditions de chaleur
extrême, le cerveau doit éliminer des
fonctions cognitives pour se refroidir. Il
doit dégrader sa mémoire et réduire son
permet de réduire la température de 3 °C
à 5 °C », expliquait Denis Laming,
l’architecte du Futuroscope de Poitiers.
Sur la proposition de ce dernier, une
dizaine de tours ont été également ins-
tallées tout autour du périphérique de
Paris, comme de grands ascenseurs
jouant le rôle de ventilateurs géants
pour inverser les gradients thermiques.
Tous ceux qui l’ont pu ont malgré tout
fui la ville, comme son grand-père. Car
les chiffres de surmortalité de l’été
2022 (2 800 décès), en majorité de per-
sonnes vulnérables, ont été pulvérisés
depuis. Ce dernier a été bien inspiré de
se faire construire une maison à éner-
gie positive, avec une isolation à base
de mycélium, à Malo-les-Bains, près
de Dunkerque, sur la mer du Nord.
Dans son jardin orienté au nord, il a
planté des bambous, qui ont pour vertu
d’absorber cinq fois plus les gaz à effet
de serre que la moyenne des autres
végétaux. Il cherchait à fuir le climat de
la Côte d’Azur où il avait une maison et
dont les somptueuses villas sont
aujourd’hui désertées. La sienne pré-
sentait de larges fissures dues aux
sécheresses à répétition. Heureuse-
ment, il avait cotisé en prévision des
réparations et bénéficié des aides de
l’État. Car les assureurs ne couvrent
plus ces risques depuis bien longtemps.
Pendant 40 jours de marche dans le désert du Nefoud, en Arabie saoudite, les
vingt volontaires de l’expédition Deep Climate (ici le 17 mai) ont observé « l’adaptation
d’organismes habitués à vivre en milieu tempéré à des températures extrêmes ».
En 2022, la facture climatique s’était Aurélien Ribes, de Météo-France, lors
élevée à 10 milliards d’euros pour ces d’un colloque organisé au début de
derniers, dont 2,5 milliards liés à l’été 2023 sur le thème « Quand la
l’indemnisation du phénomène de métropole se réchauffe de + 4 °C » (1).
retrait-gonflement des argiles des Anaé allume sa lampe de chevet ; son
bâtiments. Financièrement, la situa- abat-jour est en mycélium et elle est
tion n’était plus tenable. alimentée par une pile microbienne
grâce aux bactéries électro-actives
trouvées dans la boue des mangroves.
Pile microbienne
Les recherches du Laboratoire des
Quant à la Seine-Maritime, entre l’éro- matériaux et molécules en milieu
sion et la montée du niveau des mers de agressif (L3MA) qui a mis en évidence,
1 mètre - voire 2 mètres par endroits, au début des années 2000, la capacité
du fait de la fonte des glaces, selon les de ces dernières à convertir l’énergie
craintes de Corinne Le Quéré, alors chimique contenue dans des composés
présidente du Haut Conseil pour le cli- organiques en énergie électrique, ont
mat en 2023 -, plusieurs de ses stations été mises en application à grande
balnéaires ont été déplacées. échelle depuis.
Depuis les années 2020, le monde sem-
blait engagé, dans le meilleur des cas,
Le fort potentiel
sur la voie du scénario intermédiaire
du Giec, dit SSP2 (sur les cinq établis
de la bioluminescence
dans son sixième rapport publié en À côté, la bioluminescence, produc-
mars 2023), la trajectoire des courbes tion de lumière par certains organis-
étant en ligne avec un réchauffement mes vivants comme les lucioles ou les
de minimum 4,5 °C d’ici 2100, comparé vers luisants mais aussi plus de 80 %
aux débuts de l’ère industrielle. Celui des organismes marins, représente,
correspondant aux engagements pris elle, encore un important potentiel
lors des Accords de Paris (SSP1), devant pour l’éclairage public. La puissance
contenir le réchauffement à 2 °C, des piles microbiennes a beau être très
n’était déjà plus réaliste depuis des faible, les mangroves et autres zones
années. « On ne se dirige pas dans cette humides, qui par ailleurs captent le
direction », affirmait sans hésitation carbone, sont devenues chouchou-
appétence sociale. D’où un repli sur soi,
au détriment de l’empathie et du collec-
tif », explique Christian Clot. Or ces
températures représentent « le climat
futur probable à Paris en 2040 ou
2050 », estime ce dernier. Mais nos
organismes ne vont-ils pas s’y habi-
LUCAS SANTUCCI/HUMAN ADAPTATION INSTITUTE
tuer ? « Non, car il y aura toujours des
pics de chaleur de plus 20 à 30°C, ce qui
restera très difficile à vivre ». Et il sait
de quoi il parle, lui qui a, lors d’une de
ses nombreuses expéditions en soli-
taire, passé 30 jours en 2017 dans le
désert de Dacht-e Lut (Iran), le plus
chaud du monde, avec des pointes à
58°C. « C’était une souffrance perma-
nente, j’étais incapable de prendre la
moindre décision. Mais on a vécu au-
delà des chiffres considérés comme
mortels », souligne l’aventurier de
l’extrême, qui rappelle que le Pakis-
 LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023

LE FIGARO DEMAIN 45
En Guyane, le village côtier de Yalimapo est inquiet
à l’idée d’être déplacé un jour
ocotiers, ciel bleu, sable fin : la BRGM. Ce dernier se donne jusqu’en

C plage des Hattes, l’une des plus

belles de Guyane, relève d’un
paysage de carte postale. Surtout à la
saison sèche. Car, pendant la saison
des pluies, ce paradis situé sur le villa-
ge de Yalimapo, à l’extrême ouest du
littoral, près de l’embouchure des
fleuves Mana et Maroni, à la frontière
avec le Suriname, peut virer au cau-
chemar. Lors des grandes marées, la
mer inonde régulièrement les bancs
qui la bordent et le parking qui la
jouxte. En 2019, le phénomène a
même pris une ampleur inédite, la
route ayant été submergée.
« En cinq ans, entre 1997 et 2022, le
sable a reculé de 50 mètres », explique
Johan Chevalier, ancien conservateur
de la réserve naturelle de la Mana de
14 800 hectares. Or cette plage a long-
temps été le plus grand site au monde
de ponte de tortues, attirant les tou-
ristes de toutes parts, entre avril et
août. « En 1990, cela représentait
La plage des Hattes inondée par la mer lors des grandes marées d’octobre 2019,
près du village de Yalimapo. BASTIEN COLAS/BRGM
tion », insiste Antoine Gardel, cher-
cheur en géomorphologie littorale au
CNRS. En effet, l’érosion, accentuée
surface de la plage de Yalimapo,
entraînant la submersion. Mais
d’aucuns misent sur un renverse-
2025 pour faire des projections à long
terme. D’ailleurs, fort de son grand
âge, Daniel William, le chef coutu-
mier de Yalimapo, se plaît à rappeler
que, dans les années 1950, la plage
était encore plus réduite, avant de se
reconstituer.
La construction
d’une digue exclue
Alors, que faire ? Ivan Martin, direc-
teur général de la DGTM, représen-
tant l’État, a beau affirmer qu’« il y
aura, à terme, des déplacés climati-
ques, comme à Kourou », rien n’est
tranché pour le moment entre deux
options, la construction d’une digue
ayant été exclue : réensabler ou
déplacer le village. « Dans les deux
cas, le budget est d’environ 2 millions
d’euros, explique Johan Chevalier, qui
conseille la commune à ce sujet. La
municipalité n’a donc aucun intérêt à

2100,
tées. Sans compter que ces dernières
permettent également d’utiliser des
eaux usées et des déchets comme
combustibles.
En revanche, les forêts, très vulnéra-
bles, parviennent de moins en moins à
capter le carbone. « Les forêts du Nord
sont les nouveaux puits de carbone alors
que c’est de moins en moins le cas des
pays du sud », mettait déjà en garde
Alain Karsenty, économiste et cher-
cheur au Cirad (Centre de coopération
internationale en recherche agrono-
mique pour le développement) au
milieu des années 2020. En cause : la
déforestation ainsi que la mortalité
accrue des arbres en zone tropicale du
fait de l’élévation des températures,
sécheresses et incendies à répétition.
« L’Amazonie ne serait peut-être plus,
depuis une dizaine d’années, un puits de
carbone, au mieux est-elle à l’équili-
bre », affirmait alors le scientifique.
Depuis, le poumon vert de la planète
est même devenu une source d’émis-
sions de gaz à effet de serre, comme ce
dernier le prédisait alors. De nouveaux
défis à relever pour les dirigeants mon-
diaux. ■
(1) « Quand la métropole se réchauffe
de + 4 °C » : colloque organisé
par l’Association des journalistes
de l’environnement (AJE), juillet 2023.
50 000 pontes par an, parfois même par le changement climatique, n’est ment de tendance dans un second décider trop vite de ce déplacement tant
jusqu’à 1 000 par nuit. Aujourd’hui, pas seule en cause. En se jetant dans temps. « Il est possible qu’une fois ce qu’on n’est pas sûr qu’il soit nécessai-
c’est moins de 5 % des pontes de l’Atlantique, le fleuve Amazone et ses banc de vase démantelé, il libère des re. » De quoi laisser aux habitants le
l’Atlantique », rappelle Johan Cheva- sédiments forment d’immenses stocks de sable qui réalimentent la pla- temps de s’y préparer. ■
lier. Si la pêche illégale - les tortues mangroves et bancs de vase qui se ge de Yalimapo », explique Guillaume C. M. (ENVOYÉE SPÉCIALE
sont étouffées par les filets - et le bra- déportent vers l’ouest et réduisent la Brunier, ingénieur risques littoral au À AWALA-YALIMAPO, EN GUYANE)
connage sont incriminés, la dispari-
tion de la plage y est pour beaucoup.
D’ailleurs, les tortues luths, qui pèsent
en moyenne 450 kg, ont migré plus à
l’est, près de Cayenne.
La sédentarité a créé une
véritable vulnérabilité
De quoi agiter les esprits. Les rumeurs
de déplacement du village en retrait
du littoral vont bon train. La popula-
tion, majoritairement composée
d’Amérindiens kali’nas, nombreux à
s’être installés ici après 1986 pour fuir
la guerre civile du Suriname, craint
de devoir quitter ce lieu de refuge.
« Ce peuple premier a longtemps vécu
de façon nomade, en partie de ses
abattis - ces parcelles agricoles lui
permettant l’autosubsistance - et de la
pêche », rappelle Maxime Cobigo,
chargé d’étude au parc naturel régio-
nal de Guyane. De fait, la sédentarité
a créé une véritable vulnérabilité.
Un site a déjà été repéré pour dépla-
cer la vingtaine de maisons mena-
cées, deux d’entre elles se trouvant
parfois à quelques mètres de la mer :
à l’est d’Awala, à 50 mètres du bord
de la route D22 qui se dirige vers
Mana. Mais les 200 habitants regret-
tent le manque d’information de la
part de la mairie. Et pour cause : « Il
s’agit du littoral le plus instable au
monde et d’une dynamique unique
dont on ne peut pas prévoir l’évolu-

sociale
tan a vécu par 51°C pendant trois
semaines en 2022.
Les résultats préliminaires de cette
expérience en situation réelle, qui ne
sont pas encore publiés, corroborent
d’autres études scientifiques. L’aug-
mentation du thermomètre et les cani-
cules accroissent de 9,7 % les admissi-
ons à l’hôpital pour des troubles de
santé mentale, a montré une étude de
l’Imperial College de Londres publiée
dans The Lancet au cours de l’été 2023.
Et le manque de sommeil est loin d’être
la seule explication.
Risque de violence
La chaleur impacte les hormones telles
que la sérotonine et la dopamine, qui
jouent sur l’humeur et l’anxiété. On
constate par ailleurs une hausse des ris-
ques de suicides, de l’ordre de 1 % à 2 %
par degré supplémentaire. Les psycho-
tropes perturbant la régulation de la
température corporelle, les patients
prenant des traitements pour troubles
psychiques sont les plus vulnérables.
La haine sur les réseaux sociaux aug-
mente aussi de 22 % quand les tempé-
ratures sont les plus élevées, a relevé
pour sa part en 2022 une étude de l’Ins-
titut de recherche de Potsdam, portant
sur 4 milliards de tweets postés aux
États-Unis entre 2014 et 2020. De là à
déduire que le réchauffement va de pair
avec violence, il n’y a qu’un pas, qu’on
se gardera bien de franchir, d’autant
que ces études sont des extrapolations.
Il reste que cela fait partie des effets
méconnus du dérèglement climatique,
qui appellent à la vigilance. ■
C. M.
mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
46 LE FIGARO DEMAIN
RÉCHAUFFEMENT
En vingt ans,
le nombre
de glaciers dans
cette chaîne de
montagnes a été
divisé par deux.
L
ANNELOT HUIJGEN
e constat de
Pierre René,
glaciologue, est sans appel : « Le
glacier d’Ossoue, le plus grand
des Pyrénées, a perdu 5 mètres cet
été en cinq mois. C’est un record,
car c’est plus du double de son
niveau de fonte moyen, qui est de
2 mètres, depuis que j’ai com-
mencé à l’observer en 2002. » Si
dans les Alpes, la plupart des
2 500 « géants blancs », comme
on les surnomme, auront dispa-
ru d’ici la fin du siècle, cela sera
le cas bien plus tôt, peut-être dès
la prochaine décennie, de la
vingtaine située dans le massif à
cheval entre la France et l’Espa-
gne. « Beaucoup pensent qu’il y en
a déjà plus aussi au sud de l’Euro-
pe. Une vingtaine a disparu
depuis que j’ai commencé à les
mesurer, soit presque un par an et
l’évolution s’accélère. En raison
de la hausse des températures, les
glaciers ne se régénèrent plus
avec la neige de l’hiver et les
périodes de fonte sont plus lon-
gues », observe celui qui est
accompagnateur en montagne
en parallèle de son activité
scientifique.
Ils déplacent
les montagnes
pour étudier le climat
BIODIVERSITÉ Au col du Lautaret,
des chercheurs ont descendu
des parcelles d’alpage pour anticiper
les effets du réchauffement.
COL DU LAUTARET
(HAUTES-ALPES)
ccroupie dans l’alpage,
A Gabrielle plante dans le
sol un outil en métal.
« C’est un échantillonneur à fro-
mages à la base », sourit-elle.
Munie d’une petite balance por-
table, la scientifique récolte
15 grammes de terre qu’elle
introduit précautionneusement
dans un flacon en plastique. Sur
cette petite parcelle de terre
d’un mètre sur un mètre, la
végétation, « courte et costau-
de », tranche avec les hautes
herbes folles qui l’entourent. Et
pour cause, ce carré d’alpage
n’est pas ici dans son environ-
nement naturel. Jusqu’en 2016,
il était perché 500 mètres plus
haut, à 2 500 m d’altitude, avant
d’être héliporté plus bas, et
transplanté dans une bâche dans
le sol. L’objectif de ces transferts
est de simuler une hausse de
température mondiale de 3 °C,
comme anticipé d’ici à la fin du
Les glaciers des Pyrénées
vivent leurs dernières heures
Pierre René monte tous les mois,
entre fin mai et début octobre, au
glacier au sommet Vignemale, le
point culminant des Pyrénées
françaises à près de 3 300 mètres.
Souvent en compagnie de mem-
bres de son association, Moraine,
d’autres scientifiques, français et
espagnols, ou encore d’étudiants
et d’enfants, de la région et
d’ailleurs. « Je leur montre la réa-
lité. En observant les empreintes
encore fraîches sur les roches, on
siècle par le Giec. « Mais en
France ça va plus vite, donc ce
sera sans doute davantage »,
ajoute Tamara Münkemüller, à
la tête du projet.
C’est dans le décor majestueux
du col du Lautaret (Hautes-Al-
pes), qui commence à roussir en
ce début d’automne, que les
chercheurs du Laboratoire
d’écologie alpine de l’université
de Grenoble mènent l’expéri-
mentation, en collaboration
avec d’autres universités. Labo-
ratoire à ciel ouvert, le jardin du
Lautaret accueille toute l’année
les scientifiques pour étudier
(entre autres) les effets du chan-
gement climatique sur les éco-
systèmes alpins. « À la limite
entre les Alpes internes et exter-
nes, au croisement de tous les cli-
mats, nous disposons ici d’une
géologie et d’une diversité écolo-
giques exceptionnelles », expli-
que Jérôme Forêt, responsable
de la recherche sur le lieu.
Baptisé « Alpages volants », le
projet établi dans les montagnes
arrive à visualiser la rapidité de la
5
fonte », explique le chercheur
soutenu financièrement par le
parc national des Pyrénées, la
région Occitanie et les départe-
mètres ments pyrénéens. « On n’aper-
Recul, cet été, du glacier çoit le glacier d’Ossoue qu’au der-
d’Ossoue, le plus grand nier moment, tellement il est haut
des Pyrénées. désormais. Contrairement à ce
C’est plus du double que l’on attend, il est gris. C’est à
de son niveau de fonte
moyen qui est de deux la fois beau et triste à voir, car on
mètres depuis 2002. se rend compte qu’un mois aupa-
ravant on aurait été sous la gla-
Près du col du Lautaret, qui entourent le Jardin étudie la
Tamara Münkemüller,
à la tête du projet initié
par le laboratoire
d’écologie alpine
de l’université
réaction du sol déplacé à 3 altitu-
des différentes, avec à chaque
fois des carrés de sol « de
contrôle » à côté, déplacés eux
de Grenoble, effectue
des prélèvements aussi dans une bâche mais sans
de terre et de plantes changer d’altitude, pour compa-
sur une parcelle rer. Certains carrés sont aussi
d’alpage.
NOLWENN JAUMOUILLÉ remontés, pour « reboucher les
trous vacants et observer les effets
du refroidissement, par simple
curiosité scientifique, car ce n’est
pas un scénario réaliste », précise
Tamara Münkemüller.
À intervalles réguliers, les cher-
cheurs viennent réaliser des rele-
vés botaniques et de sol sur ces
parcelles, pour analyser plantes,
micro-organismes du sol et
structure en gaz de ce dernier.
« L’idée n’est pas d’étudier chaque
élément indépendamment mais
d’évaluer l’effet du réchauffement
sur l’écosystème dans son ensem-
ble et à la fois les effets directs et
indirects », explique l’écologue.
Le glaciologue PIerre René
(habillé en bleu) sur le glacier
d’Ossoue, situé dans le massif
du Vignemale, le point culminant
des Pyrénées françaises
à près de 3300 mètres.
LAURA CANTOUNET
ce », témoigne Laura Cantounet,
étudiante en master de transi-
tions écologiques à Sciences Po
Grenoble, qui a accompagné
Pierre René en août.
La disparition des glaciers pyré-
néens a déjà des impacts. Cet été,
la cascade de Gavarnie, haute de
422 mètres et classée au Patri-
moine mondial de l’Unesco, a été
réduite à un filet d’eau. La mon-
tée au glacier du pic d’Aneto, le
plus élevé côté espagnol situé à
Les premiers résultats donnent
une idée des transformations
profondes que les systèmes
alpins vont subir. Billur Bektas,
qui y a consacré sa thèse, a
constaté que les plantes s’accli-
matent plus ou moins bien lors-
qu’elles descendent de 500 m.
« Celles qui poussent en haut ont
l’habitude de grandir très vite,
dès que la neige disparaît, car la
fenêtre de croissance est très
courte, poursuit Tamara Mün-
kemüller. Celles d’en bas, au
contraire, poussent plus lente-
ment, car la variabilité climati-
que est plus forte, avec des pha-
ses de gel et de dégel qui peuvent
intervenir plus tard. »
Compétition
entre espèces
La première année, les plantes
des alpages descendus ont donc
eu tendance à pousser trop vite,
3 404 mètres, était déconseillée.
« Je ne suis ni éco-anxieux, ni pes-
simiste. Juste réaliste, car je sais
que même si nous arrivions à
inverser la courbe des émissions, il
est trop tard pour les glaciers des
Pyrénées. Mais il est encore temps
de les honorer et de sauver ceux
des Alpes ! », souligne Pierre
René.
Un appel à ne pas baisser les bras
qui résonne avec celui lancé par
des scientifiques, ONG et chefs
d’État durant le One Planet Polar
Summit. Ce premier sommet
mondial consacré à l’avenir des
banquises, du permafrost et des
quelque 200 000 glaciers dans le
monde s’est tenu à Paris du 8 au
10 novembre.
Décupler les moyens
Aux scientifiques, qui ont remis
le premier rapport international
sur la cryosphère, les responsa-
bles politiques ont promis de
décupler les moyens dévolus à la
recherche. La France a annoncé
une enveloppe de 1 milliard
d’euros, comprenant des projets
déjà en cours, mais aussi la
construction d’un navire
d’exploration. En clôture du
sommet, Emmanuel Macron a
plaidé pour « un niveau de coo-
pération inédit », malgré les ten-
sions internationales, « la trans-
formation en cours menaçant des
milliards d’habitants ». L’appel
dit de Paris a été signé par
32 États, parmi lesquels des pays
européens – sauf notamment la
Norvège, qui préside le Conseil
de l’Arctique – ainsi que l’Inde,
le Bangladesh ou encore l’Aus-
tralie. Cette dernière vient
d’offrir l’asile climatique aux
11 000 habitants de l’archipel de
Tuvalu, menacé de disparition
avec la montée des eaux causée
par la fonte de la banquise et des
glaciers. ■
tandis que « dès la deuxième
année, elles s’étaient adaptées ».
Mais cette adaptation est insuffi-
sante pour leur permettre d’être
aussi compétitives que les plan-
tes déjà présentes en bas. « Le
problème n’est donc pas tant phy-
siologique, mais plutôt lié aux
autres espèces auxquelles elles
vont faire face, qui risquent de les
éliminer. »
Les autres travaux sont menés
sur les sols. Une partie consiste à
étudier le vivant, c’est-à-dire les
micro-organismes, champi-
gnons et bactéries. Les scientifi-
ques font appel à l’ADN environ-
nemental, une technique qui sert
à identifier, à partir des traces
laissées dans le sol par les micro-
organismes, les groupes taxino-
miques qui l’ont fréquenté. « On
s’attend par exemple à voir les
bactéries gagner en importance
par rapport aux champignons
dans les sols réchauffés », souli-
gne Tamara.
D’autres chercheurs se pen-
chent, quant à eux, sur les flux
de matière dans le sol. « Il
s’agit de regarder comment la
matière organique se développe
dans le sol, comment y évolue le
contenu en azote et en carbone,
et les formes qu’y prend le car-
bone ». En étudiant le sol des
parcelles « réchauffées », la
chercheuse Norine Khedim, du
laboratoire Edytem, a ainsi
constaté que le sol des pelouses
hautes, connu pour contenir
du carbone labile – plus sujet
aux fuites – en libère davantage
lorsqu’il est réchauffé. ■
NOLWENN JAUMOUILLÉ
 LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023

LE FIGARO DEMAIN 47

La protection des zones humides, un enjeu vital

Afin de lutter contre l’érosion liée à la hausse

du niveau de la mer, des femmes construisent,
à l’aide de longues perches de bambou,
une ceinture protectrice pour les mangroves,
à Demak, sur l’île de Java. NANANG SUJANA

nature (UICN), réunissant des gouver- zones humides, il est possible de changer même au pays des polders, les Pays- convaincu 300 agriculteurs de planter
nements, ONG, scientifiques et entre- les habitudes », souligne Hans Schut- Bas, l’association Wij.Land explore des amandiers plutôt que des céréales,
EAU Les lacs, prises de plus de 160 pays. Or ceux qui ten. Et ce en Amazonie comme plus avec 200 agriculteurs des méthodes plus gourmandes en eau, et les pou-
tourbières ont entraîné les plus grandes pertes près de nous. Plusieurs projets de res- plus respectueuses des sols pour qu’ils voirs locaux de restaurer 25 000 hecta-
tauration des marécages asséchés par puissent mieux retenir l’eau. En Anda- res de zones naturelles pour relier les
et deltas, réserves humaines sont tous liés à l’eau : sécheres-
ses, tempêtes et inondations », soulignait les forêts de pins plantés par Napoléon lousie, pour lutter contre la désertifica- parcs naturels, qui sont aussi des atouts
d’eau douce ce groupement en mars lors de la confé- sont ainsi en cours dans les Landes. De tion, l’association espagnole AIVeIAI a touristiques de la région. ■
rence des Nations unies sur l’eau à New
et de biodiversité, York. Encourageant d’autres à leur
captent le carbone. emboîter le pas, plusieurs pays, surtout
Mais ils d’Afrique et d’Amérique du Sud, ont
alors formulé le « Défi de l’eau douce »
disparaissent plus visant à restaurer, d’ici à 2030,
vite que les forêts. 300 000 km de cours d’eau (soit l’équi-
valent de plus de sept fois le tour de la
terre), ainsi que 350 millions d’hectares

C
de zones humides (une superficie supé-
rieure à celle de l’Inde).
Des objectifs ambitieux, mais malheu-
reusement sans aucune contrainte. Tout
ANNELOT HUIJGEN comme l’est la convention de Ramsar,
le premier traité international sur les
zones humides, signé par quasiment
tous les pays et que Wetlands Interna-
omposée de tional a initié en 1971. Or, d’après le
plus d e WWF, depuis, la taille des populations
17 000 îles, l’Indonésie est le plus grand de poissons, crevettes et autres espèces
archipel du monde. À Demak, sur l’île d’eau douce a tout de même chuté de
de Java, les pêcheurs plantent depuis 83 %. « Il faut clairement agir plus vite et
une dizaine d’années de longues per- plus massivement car le nombre de
ches de bambou formant une ceinture conflits, entre humains pour différents
protectrice pour les mangroves. usages – consommation, agriculture,
L’objectif ? Lutter contre l’érosion liée à industrie… - mais aussi entre les humains
la hausse du niveau de la mer qui a déjà et la nature augmente. Mais surtout agir
englouti des centaines de milliers ensemble. Nous nous appuyons depuis
d’hectares dans cette toujours sur des données
région. Ce projet coordonné scientifiques et impliquons les
par Wetlands International,

33 %
communautés locales dans
une ONG basée aux Pays- nos projets, car en proté-
Bas qui se mobilise pour la geant la nature, l’on protège
protection et la restauration leurs ressources, explique
des lacs, tourbières ou
des zones Hans Schutten. Nous arri-
encore deltas partout dans humides vons à associer davantage de
le monde, a été classé par les de la planète ont gouvernements, comme en
Nations unies parmi les dix disparu ces cinquante Indonésie, où notre projet a
exemples à suivre. « Un dernières années, donné lieu à la création d’un
selon Wetlands
tiers des zones humides de la International, une ONG institut de la protection des
planète a disparu ces cin- basée aux Pays-Bas tourbières et des mangroves.
quante dernières années et Mais ce sont surtout les
leur disparition est plus rapi- entreprises qui viennent de
de que celle des forêts », alerte l’organi- plus en plus pour nous consulter ou colla-
sation internationale. « Les zones humi- borer, car elles se rendent bien compte
des jouent plusieurs rôles : elles sont une que l’accès à l’eau est clé pour leur activi-
réserve d’eau douce, protègent les terres té », poursuit le responsable de Wet-
des inondations ou des submersions, sont lands International. Ainsi, Stella
une réserve de biodiversité et captent le McCartney Beauty reverse 1 % de ses
carbone de l’atmosphère », énumère ventes à Wetlands International et Per-
Hans Schutten, responsable de pro- nod Ricard, Nestlé ou encore Danone et
gramme chez Wetlands International. Coca-Cola ont leurs propres program-
Plusieurs études récentes montrent mes, plus ou moins ambitieux, de pro-
cependant qu’en raison de la hausse des tection des ressources en eau.
températures, les zones humides com-
mencent à relâcher plus de gaz à effet de « Changer les habitudes »
serre que leur niveau naturel depuis des
millénaires. Une donnée qui n’a pas « La plus grande menace des zones
encore été prise en compte dans les scé- humides est l’agriculture et notamment
narios climatiques les plus pessimistes. la culture de l’huile de palme. Nous avons
« Les phénomènes météorologiques réussi à convaincre cette filière, en 2019,
extrêmes ont déjà été multipliés par cinq d’adopter des méthodes plus durables
en cinquante ans, rappelle l’Union inter- certifiées par un label. Cela montre qu’en
nationale pour la conservation de la sensibilisant aux rôles essentiels des
mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
48 LE FIGARO DEMAIN
Masdar City se
veut la vitrine
durable
d’Abu Dhabi
ENVIRONNEMENT Les Émirats
arabes unis, pays hôte
de la COP28, sont fiers
de montrer leur ville laboratoire.
S
ANNELOT
HUIJGEN,
ENVOYÉE
«
SPÉCIALE À
ABU DHABI
uivez-nous
vers un
avenir durable. » Le slogan,
accompagné de l’image d’une
famille abudhabienne souriante,
sur l’affiche géante couvrant les
travaux en cours à Masdar City est
prometteur. Pour les détracteurs
de cette écocité, en construction à
côté de l’aéroport d’Abu Dhabi
depuis 2008, ces quelques mots
résument surtout son caractère
antinomique.
Car comment une ville dans les
Émirats arabes unis, septième
producteur de pétrole mondial et
dont les habitants ont l’une des
empreintes carbone les plus éle-
vées au monde, peut-elle être
durable ? « Il faut considérer cette
ville dans son contexte régional »,
invite Lutz Wilgen, responsable du
design de Masdar City. À la gare
d’arrivée des navettes autonomes
construites par le français Nvya et
qui transportent les passagers dans
cette ville sans voitures, il détaille
l’histoire du projet initié en 2006.
Avec ses bâtiments arrondis si dif-
Gaïta, étendard
de la maison du futur
à énergie positive
BÂTIMENT Sur l’île Saint-Germain,
un architecte a construit sa maison
durable qui produit plus d’énergie
qu’elle n’en consomme.
L’
élégance audacieuse de
sa façade en bois qui
donne sur rue attire l’œil
immédiatement. Pas de doute,
c’est une maison d’architecte et
c’est d’ailleurs le métier du maî-
tre des lieux qui y vit avec sa fem-
me, Géraldine. Mais sa vraie ori-
ginalité tient au fait que Pascal
Gontier y a combiné exigence
esthétique et environnementale.
« Avec le réchauffement climati-
que, l’architecte ne peut plus se
permettre d’ignorer ces enjeux »,
martèle-t-il. Diplômé par
ailleurs d’un master en architec-
ture et développement durable
de l’École polytechnique de Lau-
sanne, il a donc conçu sa maison
férents des buildings environ-
nants, cette cité doit son nom à
Masdar (« source » en arabe),
l’entreprise publique d’énergies
renouvelables. Masdar City a été
pensée comme la vitrine d’une
société émirienne plus verte, mais
aussi plus égalitaire et plus instrui-
te, dotée d’une université en par-
tenariat avec le MIT. Le projet est
aussi l’étendard personnel
d’Ahmed al-Jaber, président de
Masdar et PDG de la compagnie
pétrolière nationale Adnoc, mais
aussi ministre de l’Industrie et, à
ce titre, président de la COP28.
Développement
du nucléaire
« Nous visons une réduction de nos
émissions de 40 % d’ici à 2030 par
rapport à 2019, pour arriver à la
neutralité carbone en 2050, souli-
gne Mariam bint Mohammed
Almheiri, la ministre du Change-
ment climatique, auprès du
Figaro. Nous sommes pleinement
engagés dans la diversification de
notre économie - dont 70 % ne pro-
vient plus du pétrole - et de sa
décarbonation, en diversifiant
notre consommation énergétique,
par le développement du nucléaire,
du solaire ou encore de l’hydrogè-
ne. » « Nous avons eu la chance de
partir de zéro, ce qui est rarement
Gaïta selon une démarche d’éco-
conception ambitieuse anticipant
les standards du futur. Résultat ?
Treize ans après son achèvement,
cette maison de ville de 280 m2
sur trois niveaux et flanquée d’un
jardin demeure pionnière sous
bien des aspects.
Elle présente en effet le double
avantage d’être à énergie passive
(consommant très peu d’énergie)
et positive puisqu’elle produit
plus d’énergie qu’elle n’en
consomme. « Pour le chauffage et
la ventilation, nous consommons
seulement 30 kilowattheures par
mètre carré en moyenne annuelle,
contre 50 en moyenne pour une
construction neuve aujourd’hui et
Situées sur une dalle
géante pour profiter
le plus possible des vents
rafraîchissants,
les rues de Masdar City
sont étroites afin de protéger
les passants du soleil.
RULA ROUHANA/REUTERS
100 km
IRAN
Golfe Persique
Dubaï
QATAR
Abu Dhabi
Masdar City
ARABIE ÉMIRATS
SAOUDITE ARABES UNIS
OMAN
Infographie
le cas pour des quartiers dura-
bles », souligne Lutz Wilgen. Et
celui qui a déjà montré son terrain
de jeu à des milliers d’étudiants,
architectes ou chefs d’État
40 %
Réduction
d’enchaîner : « Nous accueillerons
de nombreuses délégations pendant
la COP28. Notre mission est de
partager notre expérience. Masdar
des émissions de CO2 City n’est pas une cité connectée,
visée par les Émirats futuriste, mais un laboratoire à ciel
arabes unis d’ici ouvert pour tester des techniques
à 2030, par rapport
inspirées de l’architecture arabe ou
à 2019, pour arriver
à la neutralité d’ailleurs, des matériaux les plus
carbone en 2050, locaux et durables possibles, mais
selon Mariam aussi de nouveaux usages adaptés
bint Mohammed à notre région », plaide l’architec-
Almheiri, la ministre
du Changement te, en déambulant dans les rues
climatique étroites afin de protéger les pas-
sants du soleil et situées sur une
dalle géante afin de profiter le plus
possible des vents rafraîchissants.
En été, les températures peuvent
Pascal Gontier, au côté 230 dans un immeuble haussman-
de sa femme, Géraldine, nien du XIXe siècle », précise Pas-
devant leur maison
de l’île Saint-Germain, cal Gontier.
dans les Hauts-de-Seine. Pour en arriver là, tous les
FRÉDÉRIC BRILLET leviers ont été actionnés.
POUR LE FIGARO
D’abord les matériaux ont été
choisis en tenant compte de leur
bilan écologique, de façon à
minimiser la consommation
d’énergie, de matière et d’émis-
sion de gaz à effet de serre.
Construite en ossature bois pré-
découpé en usine, la maison est
isolée avec de la cellulose et de la
laine de bois partout où c’est
possible. La façade orientée sud
côté jardin a été percée de gran-
des baies en bois à triple vitrage,
tout comme les fenêtres.
approcher les 50°C, mais c’est
surtout le degré d’humidité qui
rend l’air irrespirable. « Cette
tour, justement, a été conçue pour
absorber l’eau présente dans l’air,
même si ses résultats ne sont pas à
la hauteur de nos attentes. Il y a
aussi cette tour créant des courants
d’air ou encore ces revêtements de
façades là-bas qui rouillent ou
vieillissent trop rapidement dans
nos conditions climatiques »,
reconnaît le responsable du desi-
gn, alors que des espèces locales
d’arbres et de plantes, qui ont
besoin de peu d’eau, sont plantées
un peu plus loin.
Îlots de fraîcheur
Elles formeront des îlots de fraî-
cheur, en plus de l’unique parc,
Central Park, de Masdar City.
D’autres objectifs ont bel et bien
été atteints, tels que l’alimenta-
tion par des énergies renouvela-
bles, grâce au parc solaire atte-
nant, ou encore le recyclage local
de l’eau comme des déchets.
Budgété à 22 milliards de dollars,
le montant des investissements
réalisés par Masdar dans sa cité
est désormais secret, car l’ambi-
tion a dû être ajustée après la crise
financière de Dubaï en 2009. Si la
cité est animée la journée grâce
aux 300 étudiants et aux
Un puits canadien hydraulique
plonge à 20 mètres dans le sol où
la température constante avoisi-
ne les 15°C. Constitué d’un tuyau
monté en circuit dans lequel
l’eau circule, ce puits, sur le
principe de la géothermie,
« permet de chauffer la maison
quand il fait froid et de la rafraî-
chir sans climatisation durant les
fortes chaleurs » explique
l’architecte. Le système de ven-
tilation a été optimisé : l’air
chaud vicié avant de sortir de la
maison est utilisé pour chauffer
l’air pur entrant… Pour l’arrosa-
ge du jardin et les sanitaires, la
maison Gaïta a été équipée d’un
système de récupération de l’eau
de pluie, stockée dans une cuve
en béton de 5 mètres cubes
située au sous-sol.
Un puits canadien
Ce n’est pas tout : grâce aux pan-
neaux photovoltaïques discrète-
ment intégrés à la façade côté
jardin, la maison produit de
l’électricité verte revendue inté-
gralement à EDF. Résultat ? Les
recettes des panneaux procurent
à la famille Gontier quelque
2 000 euros par an, soit davanta-
ge que la facture d’électricité qui
s’élève à 1 500 euros par an.
employés des bureaux, restau-
rants et bientôt magasins, elle
ressemble plus à un centre
d’affaires qu’à une ville initiale-
ment prévue pour accueillir
40 000 habitants dès 2020. « Nous
ne regardons pas uniquement les
aspects environnementaux. Pour
être durable, Masdar City doit être
agréable à vivre, proposer des
logements abordables, tout en
étant économiquement viable,
notamment grâce à la présence
d’entreprises », détaille Lutz Wil-
gen. La ville où l’Agence interna-
tionale pour les énergies renou-
velables a son siège, est devenue
aussi une vitrine de la stratégie
d’ouverture au monde de cet
émirat. Ainsi, l’Abu Dhabi Food
Hub, situé un peu plus loin et
développé en partenariat avec le
marché de Rungis, doit favoriser
la production agricole locale dans
un pays où tout est importé. Et,
juste à côté, la plus grande ferme
verticale au monde a été inaugu-
rée début 2023 par la start-up
américaine AeroFarms. Le plus
grand parc solaire au monde, Al
Dhafra, avec ses quatre panneaux
solaires pouvant alimenter
200 000 foyers, inauguré mi-no-
vembre, se trouve, lui aussi, à
quelques minutes de Masdar City,
qui devrait accueillir, un jour, de
nombreux habitants. ■
Enfin, la végétation du jardin et
sur la toiture contribue à créer
un microclimat agréable été
comme hiver et à retenir l’eau de
pluie sur la parcelle.
Ces bonnes performances envi-
ronnementales ont augmenté le
coût de construction de la mai-
son d’environ 15 % par rapport à
son équivalent standard en bois,
estime l’architecte. « Mais je
m’inscrivais dans une démarche
d’expérimentation, pas de renta-
bilité. Ce qui m’a permis de tester
des solutions performantes, décli-
nées ensuite pour mes clients ». À
Stains, Pascal Gontier réalise
ainsi un programme de loge-
ments sociaux qui prévoit grâce
aux économies d’énergie
d’amortir en quarante ans le
surcoût de départ.
Dans sa promotion d’un habitat
durable, ce dernier se sent
désormais « moins seul » mais il
songe déjà à la prochaine étape.
« Les maisons vont devenir évolu-
tives pour s’adapter au nombre
d’occupants et pouvoir accueillir à
terme plusieurs foyers, avec plu-
sieurs entrées séparées. » Un
moyen d’endiguer la sous-occu-
pation qui concerne désormais
plus des deux tiers des logements
et l’artificialisation des sols… ■
FRÉDÉRIC BRILLET
mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO

50 LE FIGARO DEMAIN
L’essor de la biomasse en Guyane
se heurte à la déforestation de l’Amazonie
Car, pour l’heure, c’est toujours le
FORÊTS
barrage de Petit-Saut qui alimente
Cette solution, 60 % du littoral (90 % de la
consommation du territoire) en
qui permet électricité. « Les vents étant trop
de résoudre irréguliers, l’éolien n’est pas la prio-
rité », assure Martin Voisin, direc-
les problèmes teur d’EDF Guyane. Quant au
énergétiques solaire (qui représente aujourd’hui
6 %), il se heurte à la question du
du territoire, est foncier, qui appartient à l’État dans
au fioul, près de Cayenne. Au terme
d’une bataille juridique de deux ans
avec les écologistes, sa construc-
tion a repris à l’été 2023 pour une
mise en service en 2026. D’une
puissance de 120 MW, elle alimen-
tera Cayenne, où vivent un tiers des
Guyanais. Cela permettra de divi-
ser par quatre les émissions
annuelles de CO2, met en avant le
groupe.
usages du colza ? », s’interroge
96%
Garance Lecocq, coordinatrice de
Guyane Nature Environnement, le
principal opposant au projet.
Plus généralement, les écologistes
des massifs craignent que ce développement
forestiers de cette source d’énergie entraîne
de Guyane sont de la déforestation. À l’instar de
protégés afin de lutter Maïouri Nature Guyane, dont les
contre la déforestation, militants distribuaient des tracts
ce qui rend dans les rues de Cayenne, le
préservant la forêt amazonienne
relève du casse-tête. Car la Guyane
est composée à 96 % de forêts pro-
tégées. Or, les filières d’approvi-
sionnement en bois des centrales
existantes et en projet sont-elles
sécurisées ? Rien n’est moins sûr.
Cet apport d’énergie ne dédouane-
ra en tout état de cause pas EDF de
renforcer son réseau vieillissant.
« Trois black-out en trois ans, c’est

D
particulièrement
controversée. le territoire ultramarin. compliquée 19 octobre, Journée internationale difficile à supporter. Il n’est pas nor-
Il reste que l’opération est délicate. contre la biomasse industrielle. Car mal qu’un projet ne puisse se faire
« Trois black-out l’exploitation
Cela fait presque trente ans que ces de la biomasse jusqu’à présent l’ONF appliquait car il ne peut pas être raccordé au
troncs enfouis rejettent de fortes
en trois ans » issue de la forêt strictement la règle autorisant à ne réseau », tempête Ivan Martin,
amazonienne primaire
quantités de méthane. Leur extrac- Il reste que la question de son ali- prélever que cinq tiges par hectare directeur général de la DGTM,
CAROLINE
tion risque de faire remonter à la mentation en biomasse liquide tous les soixante-cinq ans. Mais la représentant l’État. Quant aux
DE MALET,
ENVOYÉE surface de nouveaux gaz à effet de d’origine végétale n’est pas réglée. directive européenne de mars 2023 communes de l’intérieur, leur
Étendu sur
SPÉCIALE serre, sans parler des perturbations L’huile de soja, un temps envisagée, 34 500 hectares encadrant plus strictement les approvisionnement repose encore
EN GUYANE de l’écosystème. Même si des pré- ayant été écartée pour son impact et parsemé d’îlots, le lac énergies renouvelables (Red III) a bien souvent sur des groupes élec-
cautions sont prises pour épargner sur la déforestation, le groupe se de Petit-Saut a été prévu une dérogation pour trogènes. ■
formé artificiellement
epuis le au mieux les espèces protégées, tourne vers le colza. Ce dernier en 1994, lors de la mise l’exploitation de la biomasse issue (1) La biomasse est toute matière
cabaret comme les loutres. devrait être importé d’Europe, en en eau du plus grand de forêts primaires en Guyane, qui organique, solide, liquide
Chez Oumar, la vue est plongeante Autre projet contesté : la centrale attendant la mise en place hypo- barrage de Guyane. peut de ce fait être subventionnée. ou gazeuse (déchets organiques,
sur le majestueux lac de Petit-Saut, biomasse EDF de Larivot, qui doit thétique d’une filière locale. « Com- Il abrite aujourd’hui Aussi paradoxal que cela puisse bois, biogaz, algues, déchets
de nombreuses espèces
le plus étendu de France, avec ses remplacer celle, vieillissante, de ment cette production va-t-elle protégées, comme les paraître, produire suffisamment agricoles, etc.), pouvant être utilisée
34 500 hectares et ses centaines Dégrad-des-Cannes, fonctionnant entrer en concurrence avec d’autres loutres. MEIGNEUX/SIPA d’énergie pour le territoire tout en comme source d’énergie.
d’îlots à perte de vue. Un lac artifi-
ciel formé en 1994, lors de la mise
en eau du plus grand barrage de
Guyane. Aussi belle soit-elle, cette
retenue d’eau a à l’époque ennoyé
au passage des milliers d’arbres,
dont on voit encore une partie sor-
tir de l’eau, formant un curieux
ballet.
D’où l’idée aujourd’hui de les récu-
pérer. Tel est le projet de la société
Triton, forte de son expérience
dans l’exploitation des forêts
immergées au Canada, qui entend
les valoriser. Sur une barge, le bras
articulé télescopique du Sharc,
technologie mise au point par
l’entreprise, attrape avec un sonar
les troncs sans les arracher et les
remonte à la surface, en prenant
soin d’exclure ceux situés près des
berges et à plus de 11 mètres de pro-
fondeur, pour éviter de perturber
les écosystèmes.
Les premières grumes ont été
extraites en juillet dernier. « En
fonction de ce que nous allons
remonter, sur les 140 000 tonnes par
an, les bois précieux vont alimenter
une scierie et le reste ainsi que les Un village amérindien vent debout contre un projet
géant d’électrification de l’Ouest guyanais
résidus de la scierie une centrale
électrique», explique Marc Ley-
naert, directeur de Triton Guyane.
La future scierie de Sinnamary doit

confectionner 9 000 m3 de produits
finis par an pendant trente ans.
Côté centrale à biomasse (1) - la plus
grande de Guyane avec 10,5 MW
de puissance installée -, ce sont
80 GWh par an qui devraient être
produits pendant vingt-cinq ans à
compter de sa mise en service, mi-
2025.
Cette filiale de Voltalia viendra
compléter l’activité biomasse du
groupe, qui exploite déjà sur ce ter-
ritoire deux centrales, à Kourou
depuis 2009 et à Cacao depuis 2021.
En comptant également celles
d’Idex, à Montsinéry-Tonnegran-
de, et en projet au Centre spatial
guyanais, cette source d’énergie
sera renforcée dans le mix guya-
nais. Une bonne nouvelle pour le
territoire qui doit atteindre l’auto-
nomie énergétique et 100 % de
renouvelables d’ici à 2030 (contre
72 % aujourd’hui), selon la pro-
grammation pluriannuelle de
l’énergie (PPE). Objectif : décarbo-
ner et éviter les fréquentes coupu-
res de courant, comme en août
dernier, où 80 % des 250 0000
habitants du territoire ont vécu
onze heures d’affilée dans le noir.
Le chef coutumier
de Prospérité,
Roland Sjabere,
indique sur une carte
les zones menacées
par le projet de centrale
électrique. AJE
À
l’entrée du village de
Prospérité, les panneaux
se dressent : « F… la
Ceog » ou « Oui au déplace-
ment ». Le ton est donné. En cette
après-midi où les enfants jouent
entre un âne et des poulets, il ne
faut pas se fier au calme apparent.
Tout au plus entend-on les
machines de Siemens défricher
non loin, sous haute protection
policière. Défense d’approcher,
journaliste ou pas. Absents, les
jeunes du village se sont rendus
en délégation à Paris pour pour-
suivre la lutte qu’ils mènent
depuis quatre ans contre le projet
de Centrale électrique de l’Ouest
guyanais (Ceog), lancé par le
fonds Meridiam, qu’ils considè-
rent comme mettant en péril leur
mode de vie. Or il s’agit du plus
grand projet au monde de centra-
le électrique stockant des éner-
gies renouvelables intermittentes
- en l’occurrence, un parc solaire
photovoltaïque.
Mais voilà : il doit être implanté à
proximité du village où la com-
munauté amérindienne kali’na
s’est installée voilà trente-
huit ans. L’historique de l’affron-
tement relève d’un roman-
feuilleton. Après avoir signé un
préaccord en 2018 prévoyant un
premier versement de
150 000 euros suivi de
50 000 euros par an pendant
vingt-cinq ans pour aider à
l’autonomisation du village, son
jeune « yapoto » (chef coutumier)
Roland Sjabere s’est rétracté au
début des travaux, en novembre
2021. « Nous avons été informés
mais pas consultés, insiste ce der-
nier. Le patron d’Hydrogène de
France (fournisseur de la pile à
combustible, NDLR) est venu me
voir jusqu’à l’hôpital où était soi-
gnée ma fille pour que je signe.
Mais les enfants ne peuvent pas
aller à la crique pour pêcher ou
chasser. Nous préférons aussi brû-
ler sur place nos arbres pour qu’ils
restent sur nos terres plutôt que de
les voir partir. » S’en sont suivis
des affrontements armés, les jeu-
nes ayant reçu des grenades
lacrymogènes et Roland Sjabere
ayant été placé en garde à vue
pour détérioration de matériel.
Depuis, la bataille se poursuit sur
le terrain juridique.
Prix
Danielle-Mitterrand
Avec une puissance de 10 MW en
journée et 3 MW la nuit, cette
centrale devrait alimenter
10 000 foyers. De quoi pallier le
manque criant d’énergie dans
l’Ouest guyanais, à Saint-Lau-
rent-du-Maroni, à la démogra-
phie galopante. « Nous ne sommes
pas opposés au projet, nous vou-
lons juste qu’il soit déplacé »,
insiste Roland Sjabere, qui
s’efforce de calmer le jeu. « Notre
communauté souffre psychologi-
quement. La lutte doit prendre
fin », a-t-il réaffirmé en recevant
à Paris le prix Danielle-Mit-
terrand jeudi 23 novembre.
Le projet soulève la question de la
restitution des terres aux Amé-
rindiens, une revendication de
2019. Car la centrale trône au beau
milieu de la zone de droit d’usage
collectif (ZDUC) concédée en 2021
par l’État à ses 200 habitants pour
mener à bien leur projet d’auto-
nomisation. « Nous avions récla-
mé 32 000 hectares et en avons
obtenu 550 », rappelle le yapoto.
« Ce projet représente seulement
3 % de la ZDUC », rétorque Henry
Hausermann, directeur général
de la Ceog, qui explique qu’il
serait trop long et compliqué de le
délocaliser.
Ainsi, ce projet, qui a pris deux
ans de retard, devrait être opéra-
tionnel en 2026 et non 2024 com-
me prévu, ce qui fait dire à ce der-
nier que « c’est embêtant pour le
développement de Saint-Laurent,
où des centaines d’entreprises,
comme une boulangerie, ne peu-
vent pas s’implanter par manque
d’électricité ». ■ C. M.
 LE FIGARO mercredi 29 novembre 2023

LE FIGARO DEMAIN 51
Patrice Caine,
chaleur produite par les serveurs
permet d’abaisser de 65 % la
consommation de gaz.

vigie de Thales
Autre motif de fierté pour Patrice
Caine et ses équipes, l’inaugura-
tion récente au Chili d’une station
radar révolutionnaire pour le

et de la planète
contrôle du trafic aérien, fonc-
tionnant à l’énergie solaire à
100 %. Fusion nucléaire par laser,
optimisation des trajectoires de
vol, projet de centrales solaires en
orbite, lancement de deux satelli-
tes dédiés à la surveillance des
Le champion de l’électronique phénomènes climatiques : le
met sa tech au service d’un monde groupe ne cesse d’innover au ser-
vice de l’environnement grâce à
plus sûr et plus vert. une R&D représentant 20 % de
son activité.
À partir des engagements pris en
2015, le PDG a ainsi renforcé en

R
CAC 40, embarquant avec lui ses 2021 la stratégie pour un futur

« 77 000 collaborateurs
68 pays. Le progrès au service
dans

d’un monde plus stable mais aus-

CAROLE
BELLEMARE
endre le monde plus sûr, plus vert,
plus inclusif », c’est le mantra de
Patrice Caine. À la tête de Thales
Group depuis 2014, il entend plus
que jamais mettre les hautes
technologies du champion mon-
dial (défense, aérospatial, trans-
ports et sécurité) au service
« d’un avenir de confiance ». Il en
a fait la raison d’être du géant du
si plus responsable pour garantir
le développement durable.
L’X qui œuvra dans la banque et à
Bercy avant de rejoindre Thales en
2002 en est convaincu : « Les pro-
blématiques RSE doivent être au
cœur de l’ADN du groupe. Nous
sommes persuadés qu’une politique
RSE ne peut être efficace que si elle
est implémentée en étroite collabo-
ration avec le business. » D’où sa
décision de la diffuser à tous les
niveaux de la gouvernance et de
faire notamment des directeurs
stratégie et marketing de chaque
« global business unit » et grand
Patrice Caine, PDG pays les correspondants RSE. Sécu-
du groupe Thales, rité, confiance et engagement sont
à la Défense,
en mars dernier. les maîtres mots pour accompagner
THOMAS SAMSON/ les clients partout, « sur les théâtres
AFP d’opération militaires comme dans les
grandes villes, des profondeurs des
océans aux confins de l’univers et au
cyberespace. »
Récupérateur de chaleur
Mais pour celui qui a transformé
Thales en l’enrichissant notam-
ment du numéro un mondial de
la sécurité numérique, Gemalto,
« la sincérité de notre démarche
doit être incarnée par des actions
concrètes ». Dernièrement, le
groupe a mis en service un récu-
pérateur de chaleur dans son
data center d’Élancourt héber-
geant dans un bunker de
3 000 m2, à 8 mètres sous terre,
toutes les données du groupe et
celles de ses clients. Réimpulsée
dans le circuit de chauffage, la
bas carbone adoptée deux ans
plus tôt, visant le net zéro des
émissions de gaz à effet de serre
d’ici à 2040. Engagement de la
chaîne d’approvisionnement,
déploiement de l’écoconception,
enjeux RSE réunis au sein d’une
direction unique confiée à Caro-
line Gibon, venue de la DGA… :
Thales a vu récemment ses
objectifs à horizon 2030 validés
par l’organisme indépendant
SBTI. La preuve du système ver-
tueux mis en place par le diri-
geant, soucieux aussi d’apporter
sa pierre à l’action collective, au
Gifas, à l’ANRT, à France Indus-
trie et au Cercle de l’industrie,
dont il est président. ■

Comment l’énergéticien danois Donner sa voiture

Orsted frôle 100 % de renouvelables au profit des
ÉNERGIE Avec l’éolien en mer, il a réduit de 82 %
ses émissions de gaz à effet de serre en quinze ans
plus défavorisés
tout en doublant ses bénéfices. SOLIDARITÉ Des plateformes
permettent de donner une seconde
our la plupart des entre- se retrouver sans emploi. » Faute revenus menaçait nos investisse-

P prises d’énergie, qui en

dépendent encore massi-
vement, renoncer aux combus-
tibles fossiles représente un défi
colossal. Mais pas irréalisable,
comme en témoigne l’impres-
sionnante trajectoire de l’éner-
géticien danois Orsted depuis
quinze ans. En 2008, l’ancienne
compagnie d’État s’appelle
encore Dong (Danish Oil and
Natural Gas) et représente un
tiers des émissions de gaz à effet
de serre du pays. Son outil
industriel repose à 85 % sur les
énergies fossiles, en majorité le
charbon, mais aussi le pétrole et
le gaz exploités en mer du Nord.
Le climat commence à se hisser à
l’agenda politique : l’Europe
vient d’adopter sa première stra-
tégie énergie-climat et le Dane-
mark s’apprête à accueillir la
COP15 à Copenhague. « Nous
avons commencé à sentir un
besoin de changer de direction »,
analyse l’entreprise dans son
livre blanc publié en 2020. Le
dirigeant de l’époque, Anders
Eldrup, sonne la cloche du chan-
gement avec son plan 85/15.
« Objectif : passer de 85 % de fos-
siles à 85 % de renouvelables d’ici
2040 », détaille-t-il.
Dong se résout d’abord à sortir
du charbon d’ici 2023 : les projets
sont abandonnés et la moitié des
centrales condamnées à fermer
ou à passer à la biomasse. « C’est
ce qui a été le plus dur, analyse
aujourd’hui Anders Eldrup. Nous
avions formé des ingénieurs à
prendre soin de nos centrales. Ils
en étaient fiers et ne voulaient pas
de pouvoir leur assurer une
reconversion dans l’entreprise,
Dong en transfère 300 (sur 6 000
employés) vers la compagnie
d’ingénierie Ramboll.
Vingt et un ans
d’avance sur son plan
Année après année, Dong réo-
riente ses investissements : les
renouvelables passent de 48 %
des montants investis en 2013 à
100 % en 2023. L’éolien en mer
tire son épingle du jeu : « Le
Danemark est un petit pays, den-
sément peuplé, ce qui ne favorise
pas l’éolien terrestre. En revanche,
nous avons beaucoup de côtes et
des vents propices à l’éolien en
mer », résume Anders Eldrup.
À l’époque « nombreux trou-
vaient la transformation ris-
quée », concède l’entreprise
dans son livre blanc. L’ancien
patron n’est pas de cet avis car
« dans une centrale convention-
nelle, on a des incertitudes sur le
coût des combustibles et sur le
prix de vente de l’énergie. Ce n’est
pas le cas avec l’éolien en mer, le
vent étant gratuit et l’État nous
offrant un prix de vente garanti ».
« Le seul risque est à la construc-
tion mais nous avons prouvé notre
savoir-faire. » Devenu leader
mondial de l’éolien en mer, Ors-
ted revendique aujourd’hui une
vingtaine de parcs dans le mon-
de (et autant en projet) cumulant
9 GW de puissance.
En 2012, la chute des cours du
gaz a momentanément ébranlé
l’entreprise. « La baisse des
ments dans les renouvelables »,
rappelle le livre blanc. Standard
& Poor’s dégrade la note (à
BBB+) et Anders Eldrup est
débarqué. Mais la réponse de son
successeur Henrik Poulsen est
d’accélérer la transition. En
2019, Orsted a concrétisé son
plan 85/15 avec vingt et un ans
d’avance. Les énergies renouve-
lables, qui représentent 92 % de
son portefeuille, devraient
atteindre 100 % en 2025. Depuis
2007, l’entreprise a réduit ses
émissions de gaz à effet de serre
de 82 %, tout en doublant ses
profits. ■
ANNE-CLAIRE POIRIER
vie à des véhicules en échange d’une
déduction fiscale pour les donateurs.
ntre 2010 et 2021, le mon-
E tant des dons déclarés aux
services fiscaux par les par-
ticuliers a été multiplié par deux.
Cela marche aussi pour la voiture.
Devenu leader Plutôt que de chercher à le ven-
mondial de l’éolien dre, les Français qui souhaitent se
en mer, Orsted séparer de leur véhicule peuvent
revendique
aujourd’hui en faire profiter les 13,3 millions
une vingtaine de de Français en « situation de pré-
parcs dans le monde carité de mobilité ». Créée en 2005,
(et autant en projet), l’association les Autos du cœur
cumulant 9 GW
de puissance. récupère en effet les véhicules
POUL GERNER partout en France par le biais de
ses 80 bénévoles.
Les bénéficiaires, identifiés par le
biais d’assistantes sociales, peu-
vent être des travailleurs en situa-
tion de précarité, des ménages
surendettés, des mamans solos,
des jeunes ou encore des retraités.
Ce don à cette association recon-
nue d’intérêt général leur permet
de bénéficier d’une déduction fis-
cale équivalente à 66 % de la
valeur de leur véhicule, basée sur
« la cote brute de la Centrale ou
encore la cote de l’Argus », détaille
Gérard Blottière, président de
l’association.
Autre avantage, le donateur n’a
aucune responsabilité dans la
vente. « On assume tout », ajoute
le responsable, mentionnant éga-
lement que l’association prévoit
une garantie de trois mois pour les
bénéficiaires des quelque
200 automobiles données chaque
année. Si le chiffre peut paraître
encore anecdotique, l’idée fait son
chemin. « C’est plus difficile avec la
crise, la hausse des prix de l’occa-
sion et la baisse des achats de voi-
tures neuves » constate Gérard
Blottière qui a repris l’association
il y a trois ans. En 2024, il espère
ainsi réussir à attribuer quelque
300 véhicules. Les prérequis pour
pouvoir céder son véhicule : avoir
Les bénéficiaires,
identifiés par le biais
d’assistantes sociales,
peuvent être
des travailleurs en
situation de précarité,
des ménages
surendettés, des mères
isolées, des jeunes ou
encore des retraités
un contrôle technique datant de
moins de 24 mois et un kilométra-
ge inférieur à 150 000 km pour les
moteurs essence (200 000 km
pour les diesels). Avant d’être
cédé, chaque véhicule est remis en
état chez un garagiste, avec un
contrôle technique à jour et un
nettoyage complet, afin de livrer
un véhicule propre et sécurisé à
des prix oscillant entre 2 600 euros
et 6 000 euros Une autre platefor-
me vient de se lancer en 2021,
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CHARLOTTE DE SAINTIGNON
mercredi 29 novembre 2023 LE FIGARO
52 LE FIGARO DEMAIN
Dunkerque, Châteauroux, Bourges…
la gratuité des transports urbains fait école
CLIMAT Souvent
présentée
comme sociale,
cette mesure
est plébiscitée
en France
pour ses effets
bénéfiques sur
l’environnement.
L PAULINE
LANDAIS-BARRAU
a gratuité
des trans-
ports est-elle un outil efficace
contre la pollution ? Mise en place
par plusieurs municipalités ces
dernières années, comme Dun-
kerque, Châteauroux et Bourges
mais aussi Chantilly, Senlis, Châ-
teaudun, Saint-Brevin-les-Pins,
Niort, Figeac, Castres ou encore
Montpellier, cette mesure est
notamment défendue à gauche.
Le maire de Montpellier la pré-
sentait par exemple, en 2022,
comme « une puissante mesure de
justice sociale et écologique », ainsi
qu’un moyen de « donner l’oppor-
tunité à chacune et chacun de par-
ticiper à la transition écologique ».
Mais les bienfaits de cette mesure
sont-ils avérés ? « Faute de don-
nées et de recul suffisants, il est
encore difficile de mesurer un
impact incontestable et durable »,
écrivait le Sénat dans un rapport
récent. Il s’agit d’un « sujet com-
plexe du fait des spécificités de
chaque ville (réseaux, plan d’urba-
nisme, intensité carbone…) », note
SIA Partners. Après avoir étudié
la question, le cabinet de conseil
relève tout de même que les émis-
sions de CO2 et de particules fines
(PMx) sont « fortement réduites
par la gratuité des transports en
commun », mais pas les émissions
d’oxyde d’azote (NOx), irritantes
pour les bronches. À Château-
Dans le reste de l’Europe, des bienfaits avant tout sociaux
epuis avril 2022, les jeunes
D Lisboètes, tout comme les
plus de 65 ans, bénéficient
d’un accès illimité aux bus,
métros et ces célèbres tramways
jaunes. « Avec Tallinn, en Estonie,
nous sommes la seule capitale
européenne et l’une des rares villes
du sud de l’Europe à avoir rendu les
transports publics gratuits. Les
résultats sont au-delà de nos espé-
rances : un peu plus de 90 000 per-
sonnes utilisent le nouvel abonne-
ment, contre 70 000 en début
d’année, soit déjà plus d’un citoyen
sur huit, et nous comptons une for-
te hausse depuis la rentrée. Nous
espérons que notre exemple incite-
ra d’autres villes », explique Car-
los Moedas, le maire de Lisbonne.
Si l’objectif premier de la mesure
est de réduire les émissions dans
cette ville qui vise la neutralité
carbone dès 2030, son bienfait le
plus marqué est non pas d’ordre
roux, les émissions de CO2 ont
ainsi chuté de 0,92 %, celles des
particules fines PM10 de 1,6 %,
tandis que celles des NOx ont
augmenté de 0,17 %. « Malgré des
externalités négatives » telles que
l’augmentation du nombre
d’usagers, « la gratuité agit de
manière bénéfique sur la consom-
mation d’énergie et donc sur
l’environnement », assure SIA
Partners.
Certains observateurs insistent
sur le report modal de la voiture,
d’autres sur l’échec relatif résul-
tant du report des modes actifs,
notamment du vélo, pour le bus.
Les parts de la voiture et des
modes actifs sont trop dissembla-
bles pour qu’on puisse en tirer de
conclusion définitive. Car si celle
de la voiture diminue peu, c’est
avant tout parce qu’elle repré-
sente l’essentiel des trajets dans
les collectivités qui sont passées à
la gratuité.
Pour que cette mesure soit effica-
ce, « il faut que les automobilistes
abandonnent la voiture au profit
des transports en commun », pré-
environnemental, mais social.
« Parmi les nouveaux utilisateurs,
on compte de nombreux seniors
pour qui prendre le bus ou le métro
contribue à rompre leur solitude »,
détaille l’édile.
Augmenter
le pouvoir d’achat
En 2013, la capitale estonienne
était la première ville au monde à
rendre ses transports gratuits.
Sept ans plus tard, le Luxembourg
était le premier pays à autoriser ses
résidents et les touristes à monter
à bord sans billets. En octobre
2022, ce fut au tour de l’île de Mal-
te de proposer à ses habitants de se
déplacer en bus sans débourser un
centime. Sans aller jusqu’à la gra-
tuité pour l’ensemble ou une
majeure partie de la population, de
nombreuses régions et villes aux
États-Unis comme en Europe,
À Dunkerque, où les bus cise Marie Chéron, responsable
sont gratuits depuis des politiques véhicules à la Fédé-
2018, les automobilistes
ont changé leurs ration européenne pour le trans-
comportements port et l’environnement. En
et sont nombreux d’autres termes, les collectivités
à plébisciter
doivent mettre en place une
les transports
en commun. « politique globale de mobilité »
PHILIPPE HUGUEN/AFP avec, à la clé, « une réduction des
zones denses ». « Politiquement,
c’est une mesure dont les élus peu-
vent se vanter pendant six mois
mais personne n’a envie de prendre
des transports sales, qui ne fonc-
65
voyages
tionnent pas », avance la spécia-
liste. L’experte préconise donc
d’investir pour avoir des réseaux
en bon état et proposant un servi-
ce de qualité.
en transport en
commun, par habitant
et par an, en 2022,
Forte hausse
à Châteauroux.
Ce chiffre se limitait de la fréquentation
à 21 en 2001,
au moment De leur côté, les maires ayant
de l’instauration adopté cette politique se disent
de la gratuité des bus satisfaits. À Dunkerque, où les
dans cette ville bus sont gratuits depuis 2018, les
de l’Indre.
changements de comportement
La moyenne nationale
s’élève aujourd’hui sont incontestables. Dans cette
à 35 déplacements ville du Nord, près de 80 % des
automobilistes rencontrés dans
mais aussi en Chine, ont rendu ces
Depuis avril 2022,
les jeunes Lisboètes,
tout comme les plus
dernières années les prix des
transports publics plus attractifs.
De Genève et Bâle, où les trans-
de 65 ans, bénéficient ports en commun sont gratuits
d’un accès illimité pour les touristes, à l’Autriche où
aux bus, métros le Klimaticket permet de voyager
et tramways
pour 3 euros par jour, au célèbre
de la capitale portugaise.
forfait allemand de 49 euros par
JORGE MANTILLA/
NURPHOTO VIA AFP mois. Citons aussi l’Espagne, qui a
le bus sont désormais de grands
habitués du réseau de trans-
ports, selon une étude de l’Ade-
me de 2022. Ainsi, « des person-
nes se déclarant hermétiques aux
transports en commun avant la
gratuité ont testé “pour voir” et
sont finalement restées ». La gra-
tuité a même été un « déclen-
cheur » pour 72 % d’entre elles.
Même constat à Châteauroux.
Dans cette ville, les bus sont gra-
tuits depuis 2001, grâce à l’ancien
maire Jean-François Mayet, pré-
sident de la chambre de commer-
ce et d’industrie de l’Indre,
concessionnaire automobile au
civil. Là encore, le succès a été
très rapide, avec « une multiplica-
tion par trois de la fréquentation
des bus », se félicite aujourd’hui
Gil Avérous, maire et président
de l’agglomération Châteauroux
Métropole. En vint et un ans, le
nombre de voyageurs annuels est
passé de 1,5 à 4,73 millions et le
nombre de voyages par an et par
habitant en bus a bondi de 21 à 65.
Un chiffre deux fois plus élevé
que la moyenne nationale (35).
décidé de prolonger, en raison du
succès, jusqu’à fin 2023 la gratuité
de ses chemins de fer régionaux,
décidée en septembre 2022 pour
promouvoir les transports en
commun, mais surtout augmenter
le pouvoir d’achat.
Effets pervers
« La gratuité des transports
publics est débattue depuis des
décennies. Le principal argument
en sa faveur est de favoriser la
mobilité des moins aisés contraints
de vivre en banlieue », expose
Oded Cats, spécialiste des trans-
ports à l’université de Delft, qui
recommande, comme le Giec, des
mesures spécifiques pour les
populations défavorisées. Dans
une étude sur Tallinn, ce cher-
cheur démontre que la gratuité
pour tous peut avoir des effets
pervers et même être néfaste pour
À la vue de ces chiffres,
« l’impact environnemental est
certain », assure l’édile, concé-
dant qu’« on peine à le quanti-
fier », dans la mesure où « aucun
échantillonnage n’avait été réalisé
en la matière ». « Soit les person-
nes se déplacent plus qu’avant,
soit elles ont abandonné leur
ancien moyen de transport, sou-
vent la voiture, pour le bus », esti-
me-t-il. Et ce d’autant qu’en
parallèle le nombre d’habitants
de la métropole castelroussine
ne cesse de chuter.
Le maire de Bourges, Yann Gal-
lut, qui vient d’instaurer la gra-
tuité des bus dans sa ville,
revendique quant à lui d’avoir
développé une « politique
d’ensemble » (parkings-relais
gratuits aux entrées de la muni-
cipalité, parkings payants en
centre-ville…) et assure permet-
tre à « toute une série de person-
nes de moins prendre la voiture ».
En parallèle, l’élu explique tra-
vailler à « l’extension du réseau
cyclable ». « Une politique cohé-
rente », selon lui. ■
l’environnement. Ainsi, dans la
capitale estonienne, la population
a délaissé les mobilités douces.
C’est pourquoi les Pays-Bas, où
les étudiants voyagent sans frais
depuis plus de trente ans, n’envi-
sagent pas d’étendre ce système,
estimant que « les expériences
précédentes n’ont pas permis de
diminuer le trafic routier ». Pour
convaincre les automobilistes,
mieux vaut relever les prix de sta-
tionnement ou des carburants,
estime Oded Cats, soulignant que
« le choix du mode de transport
dépend aussi de facteurs subjec-
tifs ». Pour favoriser les trans-
ports en commun afin de réduire
les émissions du secteur le plus
polluant, la confiance dans les bus
et métros, par leur ponctualité et
leur fréquence mais surtout leur
image, est plus importante encore
que leur prix.■
ANNELOT HUIJGEN
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