3,60 € mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO - N° 24 690 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Première édition

lefigaro.fr

BOEING TOURISME
LA SÉRIE NOIRE QUI MET EN NAMIBIE OU EN ÉCOSSE,
EN DANGER L’AVIONNEUR LES PLUS BEAUX VOYAGES
AMÉRICAIN PAGES 18 ET 19 EN TRAIN PAGE 30

Gabriel Attal, le pari

CHINE
Xi Jinping purge
sa force nucléaire
PAGE 6

audacieux de Macron
PROCHE-ORIENT
Antony Blinken
prie Benyamin
Netanyahou
d’épargner
les civils à Gaza
PAGE 7

SÉCURITÉ
Gérald Darmanin :
« L’islamisme peut
frapper la France
à tout moment »
PAGES 8 ET 9

RELIGION
Le cardinal Sarah
s’indigne de
la bénédiction
des couples
homosexuels
PAGE 9

FILM
« Making of » :

LUDOVIC MARIN/AFP
Cédric Kahn
en critique Avec la nomination d’un fidèle de la première heure, populaire
de cinéma PAGE 26 dans l’opinion, le chef de l’État espère relancer son quinquennat. PAGES 2 À 5, 14 ET L’ÉDITORIAL

Le parcours Plus d’un Français L’irrésistible ascension Gérard Larcher : « L’hyper-

CHAMPS LIBRES

historique
de la flamme sur deux satisfait du bon élève présidentialisation sera
olympique de cette nomination du macronisme son premier problème »
n
Des
entretiens La dernière vague de notre étude Odoxa-Backbone Un parcours éclair. À 34 ans et 9 mois, Gabriel En souhaitant bonne chance au nouveau premier
avec Alain Consulting révèle que le nouveau premier ministre Attal, pionnier du macronisme, devient ministre, le président du Sénat rappelle l’urgence
satisfait 53 % des sondés. Si Gabriel Attal reste le plus jeune premier ministre de l’histoire. du passage aux actes. « Il est temps d’arrêter les
Duhamel devancé par Édouard Philippe (52 %), il progresse En le nommant à Matignon, le président annonces, les discours… Le pays attend des solutions. »
et avec de 17 points dans la course à la succession de la République veut jouer la carte Gérard Larcher espère que cette nomination
Christophe d’Emmanuel Macron (46 %). PAGE 2 de la notoriété et de la popularité. PAGES 2 ET 3 n’est pas qu’un coup politique. PAGE 5
de Voogd
n
La chronique
de Bertille ÉDITORIAL par Vincent Trémolet de Villers vtremolet@lefigaro.fr
Bayart
n
L’analyse
d’Anne
Réarmement politique

C’
de Guigné était le choix le plus auda- moigne. Succès fragile, pourtant : l’opinion
PAGES 13 À 15 cieux. Au regard du jeu mé- est une bête imprévisible, surtout quand elle
diatique et politique, le seul est pleine d’espérance. C’est la chance et le
véritable chambardement. grand danger pour le nouveau premier minis-
Tout dans cette décision est tre : redescendre des sommets de la populari-

@ FIGARO OUI
FIGARO NON
Réponses à la question
de mardi :
Immigration : êtes-vous
choqué par la décision
de Pierre Moscovici
de ne pas publier
le rapport de la Cour
des comptes pendant
l’examen de la loi ?
OUI
87 %
TOTAL DE VOTANTS : 168 928
3’:HIKKLA=]UX[U[:?k@b@b@k@a";
culotté : l’âge du premier ministre (34 ans), la
rapidité de son passage Rue de Grenelle
(moins de six mois), la mécanique de l’ambi-
té pour s’embourber dans la gadoue des arbi-
trages, des équilibres, des hésitations, ce
surplace, vain et bavard, que l’on appelle pu-
tion qui fait déjà de Gabriel Attal l’héritier diquement le « en
naturel du chef de l’État. Ce 9 janvier 2024 Le pouvoir même temps ».
n’est pas seulement la date d’un changement
de premier ministre, c’est le lancement offi-
s’ajuste Le discours inaugu-
ral du nouveau pre-
ciel de la campagne de 2027, le premier jour aux volontés mier ministre mon-
de l’après-Macron.
C’est aussi un ajustement du pouvoir aux vo-
de l’opinion tre que Gabriel Attal
ne veut pas renoncer
lontés de l’opinion. Le phénomène Attal, en- à ce qui a fait son fulgurant succès. Plus popu-
clenché par l’interdiction de l’abaya, entrete- laire à droite que les ministres qui en viennent,
NON nu par la lutte contre le harcèlement et la cet ancien socialiste ne doit pas, comme le fait
13 % remise en cause du collège unique, c’est la li- son mentor, jouer une mi-temps dans chaque
gne claire : cohérence dans les décisions, effi- camp. Au souci de l’autorité, de la transmis-
cacité dans l’exécution. Un discours d’autori- sion, du travail qu’il a montré Rue de Grenelle,

té contre l’islamisme, un retour aux principes il va devoir ajouter l’obsession de la sécurité du

Votez aujourd’hui
fondateurs de l’école : lire, écrire, compter. quotidien, la maîtrise des frontières et celle des
sur lefigaro.fr
Cinq mois, c’est assez pour faire des promes- comptes publics, le retour aussi d’une fierté
M 00108 - 110 - F: 3,60 E

Habillement : faut-il ses, prendre des décisions courageuses : c’est collective. C’est un chantier herculéen qui se
supprimer les soldes ? court pour faire un bilan. Mais la dynamique présente à lui. Aujourd’hui, le nouveau pre-
montrée par le jeune ministre est la bonne : mier ministre a le visage souriant du succès,
son succès fulgurant dans les sondages en té- mais c’est sur le fond qu’il sera très vite jugé. ■
CHARLY TRIBALLEAU/AFP ;
Service de presse
A

AND : 4,30 € - BEL : 3,70 € - CH : 4,60 CHF - CZ : 122 CZK - D : 4,20 € - ESP : 4,30 € - GR : 3,70 € - LUX : 3,70 € - MAR : 37 DH - MTQ/GLP : 4,30 € - REU : 4,70 € - TUN : 11,00 TND ISSN 0182.5852
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO
2 L'ÉVÉNEMENT
Le plus jeune
président
de la République
de l’histoire
nomme
le plus jeune
premier ministre
de l’histoire.
Je ne veux
y voir qu’un seul
symbole, celui
de l’audace et
du mouvement
GABRIEL ATTAL,
» déjà prise. « Le président a constaté
PREMIER MINISTRE
5 mois
et 20 jours
Temps qu’aura passé
Gabriel Attal
au ministère de
l’Éducation nationale
+ » Lire aussi PAGE 14
L’irrésistible ascension d’un communicant
hors pair, bon élève du macronisme
TRISTAN QUINAULT-MAUPOIL
£@TristanQM
C’EST un parcours éclair. En étant
nommé à Matignon, ce mardi,
Gabriel Attal pulvérise de trois
années le record de précocité de
Laurent Fabius. À 34 ans, il
devient le plus jeune chef du
gouvernement de la République.
« Je sais pouvoir compter sur votre
énergie et votre engagement pour
mettre en œuvre le projet de réar-
mement et de régénération que j’ai
annoncé. Dans la fidélité à l’esprit
de 2017 : dépassement et audace »,
a écrit Emmanuel Macron sur le
réseau social X (ex-Twitter). À
rebours de ses choix précédents,
le chef de l’État consacre la popu-
larité d’un responsable politique
qui avait déjà été promu ministre
de l’Éducation nationale l’été der-
nier. Une des rares figures macro-
nistes à avoir émergé sous son
aile. « Le plus macroniste d’entre
nous », remarque en privé Gérald
Darmanin. « Une des meilleures
cartes du président », considère
l’ancien premier ministre Jean-
Pierre Raffarin. Avant Noël, le
chef de l’État saluait dans « C à
vous » son « courage » pour « me-
ner les combats nécessaires ».
En moins de six mois Rue de
Grenelle, le trentenaire a pour-
suivi une fulgurante ascension
dans l’opinion. Au point de
devenir la personnalité politique
préférée des Français, selon le
dernier baromètre Ipsos-Le Point,
et leur favori pour Matignon,
selon l’enquête Odoxa-Backbone
Consulting pour Le Figaro. Sa
décision d’interdire l’abaya à
l’école a répondu à un souhait
d’autorité exprimé dans le pays.
Ses annonces sur le retour du
redoublement et la remise en
cause du collège unique ont
trouvé écho auprès des Français,
inquiets par la dégradation de ce
service public.
Même s’il n’a pas encore pu
mettre totalement en œuvre les
chantiers qu’il a engagés. « C’est
trop facile d’arriver dans un minis-
tère, de dire “on change tout” et de
ne jamais rester assez longtemps
pour porter les réformes », peste
un conseiller de l’exécutif, alors
qu’il n’était déjà resté que
quatorze mois aux Comptes
publics. Le temps d’une sage
cohabitation avec Bruno Le Maire,
et d’annoncer un populaire plan
A
de lutte contre les fraudes sociale
et fiscale au nom de la défense des
Attal, le pari de Macron pour
En nommant un premier ministre jeune, populaire et médiatique, le président espère
LOUIS HAUSALTER £@LouisHausalter
MOMENT surréaliste à l’Élysée.
Lundi soir, alors qu’Emmanuel
Macron hésite encore sur le nom de
son nouveau premier ministre, le
nom du dernier pressenti, Gabriel
Attal, s’affiche depuis plusieurs
heures sur les bandeaux des chaî-
nes info, comme si la décision était
qu’à peine son nom surgi, c’était un
concert de louanges. Ceux qui ont
balancé son nom cherchaient l’effet
inverse ! », se gausse un conseiller.
Ou quand le rythme effréné du sys-
tème médiatique permet au politi-
que de valider ses intuitions.
Il n’empêche : comme souvent
avec Emmanuel Macron, cette dé-
cision cruciale fut laborieuse jus-
qu’au bout. Elle n’a été arrêtée
que tard dans la nuit de lundi à
mardi, après moult atermoie-
ments qui laisseront des traces
dans les différents cercles de l’en-
tourage présidentiel. D’un côté,
des conseillers et proches qui
poussaient un choix marqué du
sceau de l’audace, et considé-
raient que la moitié du chemin a
été fait quand Emmanuel Macron
s’est décidé à se séparer d’Élisa-
classes moyennes. Qu’importe,
« Gabriel Attal dit la réalité telle
que les gens la vivent », remarquait
Élisabeth Borne, le mois dernier,
pour analyser son succès. Se
doutait-elle qu’elle serait rem-
placée par le jeune prodige de la
macronie ?
À l’automne, elle s’agaçait en
privé de la vivacité du ministre,
prompt à lui faire de l’ombre pour
annoncer un plan de lutte contre
le harcèlement scolaire. Gabriel
Attal a fait de ce sujet un mar-
queur fort de ses débuts à l’Édu-
cation nationale. Allant jusqu’à
témoigner lui-même lors d’une
interview sur TF1 des brimades
reçues à l’adolescence. Sans le
nommer, il vise alors l’avocat
pamphlétaire Juan Branco, avec
qui il a été scolarisé à l’École
alsacienne, prisée de l’élite
parisienne. Lors du même entre-
tien, il évoque son homosexualité,
sous l’œil de son indispensable
communicant Louis Jublin. Par le
passé, un article du Monde narrant
son couple d’alors avec l’euro-
député Stéphane Séjourné, par
ailleurs patron du parti présiden-
tiel, l’avait indigné. Lui qui reste
discret sur sa vie privée, n’expo-
sant parfois sur Instagram que son
petit frère adoptif. L’émission où il
aborde son enfance et son père, le
producteur de cinéma Yves Attal,
brutalement décédé en 2015,
enregistre un succès d’audience.
Comme les nombreux journaux
télévisés de 20 heures, rendez-
vous statutaires s’il en est, aux-
quels il a été invité à un rythme
effréné. Et inégalé par aucun de
ses collègues du gouvernement.
« J’espère qu’il va continuer à
réussir… pour l’Éducation nationa-
le », ironisait Élisabeth Borne de-
vant la soif de communication de
son ministre. « Je préfère qu’on me
reproche un trop-plein d’activisme
que l’inverse », rétorque souvent
l’intéressé qui s’était déjà fait
remarquer en acceptant les débats
les plus risqués lors de la crise des
« gilets jaunes » ou de l’affaire
Benalla. Ses duels avec le prési-
dent du RN, Jordan Bardella, sont
devenus récurrents.
Derrière l’allure du gendre idéal
se cache un jeune homme anxieux,
qui carbure au Coca Zéro et à la ci-
garette électronique, ne ratant
aucune ligne de ce qui est raconté
sur lui. N’hésitant jamais à faire
savoir son mécontentement. Tant
à la presse qui le couvre qu’au pré-
sident de la République quand il lui
propose un maroquin qui ne le sa-
beth Borne. De l’autre, des gro-
gnards de la macronie peu embal-
lés à l’idée de voir un jeune hom-
me pressé de 34 ans les toiser
depuis les dorures de Matignon. À
commencer par le fidèle parmi les
fidèles, Richard Ferrand.
Selon nos informations, l’an-
cien président de l’Assemblée a
fait part à Emmanuel Macron de sa
« neutralité bienveillante, avec tout
de même une préférence pour Julien
Denormandie », Marcheur de la
première heure également en lice
ces derniers jours. « Il a plaidé
pour celui dont il est le plus proche.
Mais comme chacune des solutions
présentait des avantages et des in-
convénients, il a fini par dire au
président que son choix serait le
bon », témoigne un proche. L’allié
François Bayrou a formulé deux
réserves : le manque d’expérience
d’Attal et le fait qu’il quitte le mi-
nistère de l’Éducation nationale
au bout de six mois. L’incontour-
nable secrétaire général de l’Ély-
sée, Alexis Kohler, préférait gar-
der Élisabeth Borne, lui qui avait
déjà ardemment milité pour sa
nomination en 2022. Tout comme
Édouard Philippe : l’ancien pre-
mier ministre n’entretient pas de
bonnes relations avec le nouveau.
tisfait pas, comme les Relations
avec le Parlement, en 2022, ou la
Santé, en juillet dernier. Lors du
précédent quinquennat, l’ambi-
tion débordante du benjamin du
gouvernement - ex æquo avec la
secrétaire d’État Sarah El Haïry,
née le même jour que lui - n’avait
pas échappé à Jean Castex. « Fina-
lement on a trouvé un os à ronger
supplémentaire pour le jeune Ga-
briel ? », s’interrogeait-il sur une
note manuscrite, laissée apparente
à la sortie d’un Conseil des minis-
tres. Gabriel Attal venait pourtant
d’être nommé porte-parole du
gouvernement, en pleine crise sa-
nitaire. Mais le puncheur du prési-
dent, jamais à court d’une saillie
contre les oppositions, en voulait
davantage.
“compter
Je sais pouvoir
sur votre
énergie et votre
engagement pour
mettre en œuvre le
projet de réarmement
et de régénération
que j’ai annoncé
EMMANUEL MACRON SUR X
Le sans-faute à ce poste pour-
tant exposé a fait dire deux ans
plus tard à Jean Castex qu’il est
« l’un des hommes politiques les
plus talentueux de sa génération ».
Piqué par la curiosité, Nicolas
Sarkozy a convié à déjeuner en
septembre dernier le phénomène
politique de la rentrée. L’occasion
de glisser quelques conseils avisés
à l’ancien jeune militant socialiste
passé par Sciences Po Paris, où il
ferraillait à l’époque avec le res-
ponsable local des Jeunes UMP,
Maxime Cordier, devenu plus tard
son incontournable conseiller
spécial.
À front renversé, c’est une bon-
ne partie de la droite qui s’est rap-
prochée de celui qui a pourtant été
formé au cabinet de l’ancienne
ministre socialiste de la Santé
Marisol Touraine, sous le quin-
quennat de François Hollande.
« On ne peut jamais savoir si la
personne est sincère, mais j’aime à
le croire concernant Gabriel
Attal », témoigne la députée LR
Véronique Louwagie. « Lorsque
j’affirme des convictions sur l’école,
je constate qu’il arrive que des élus
de la droite républicaine me
suivent, et c’est tant mieux pour
« C’était la révolte des boomers, « J’emmène avec moi la cause de
et c’est le symbole que Gabriel Attal l’école », « la mère de nos ba-
incarne un changement de généra-
tion », rit un proche du chef de
tailles », tente-t-il de déminer un
peu plus tard lors de la passation
l’État, qui note un tournant : de pouvoirs avec Élisabeth Borne.
« C’est la première fois qu’Emma-
nuel Macron choisit un premier mi-
Dans son discours, il rend hom-
mage aux classes moyennes,
nistre qui n’est pas un inconnu du « cœur battant de notre pays »,
grand public, mais une personnalité mais surtout à Emmanuel Macron,
installée, et qui est par ailleurs en cité plusieurs fois avec déférence.
harmonie avec les attentes des « Presque trop », grince un
Français. En réalité, c’est l’opinion
qui impose Gabriel Attal. » Un
Français sur deux est satisfait de
compagnon de route historique du
chef de l’État.
« Le plus jeune président de la
ce choix, selon notre sondage République de l’histoire nomme le
Odoxa-Backbone Consulting. plus jeune premier ministre de
Élisabeth Borne
l’histoire. Je ne veux y voir qu’un
Hommage au chef de l’État et Gabriel Attal, mardi,
lors de la passation seul symbole, celui de l’audace et du
Le président avait discrètement mouvement », lance-t-il aussi,
reçu l’intéressé en fin de semaine
dernière, parmi plusieurs autres
personnalités consultées, alors
de pouvoirs,
dans la cour de l’hôtel
de Matignon.
récitant un credo en vogue à
l’Élysée. « Quand on regarde les
vœux du président sur le réar-
FRANÇOIS BOUCHON/
que son nom n’était pas cité parmi LE FIGARO mement civique, la régénération, la
les favoris. Mardi matin, il lui
confirme son choix autour d’un
long petit déjeuner. L’annonce of-
ficielle tombe à la mi-journée,
alors que Gabriel Attal est en
pleine visioconférence avec des
proviseurs. Sa dernière réunion
en tant que ministre de l’Édu-
cation nationale, lui qui n’avait
déjà passé qu’une petite année au
ministère des Comptes publics.
l’école », confiait récemment
Gabriel Attal au Figaro, assumant
ainsi une mue idéologique.
Quand ses rivaux tancent des
convictions très élastiques. Avec
un sens de la formule, bien que
souvent manichéenne, certain,
n’était-il pas très prompt à
fustiger la ligne droitière de
Jean-Michel Blanquer, lorsqu’il
était son secrétaire d’État à la
Jeunesse ? Refusant aujourd’hui
d’être présenté comme un tenant
de l’aile gauche, celui qui a tancé il
y a plusieurs années déjà la
« gréviculture » française défend
désormais l’héritage du « en
même temps » macroniste. Élu dès
2014 au conseil municipal de
Vanves (Hauts-de-Seine), il
tranche avec Emmanuel Macron
et Élisabeth Borne, qui n’ont
jamais été élus locaux avant
d’accéder à la tête de l’exécutif.
Lorsque, trois ans plus tard, il est
investi in extremis par En marche !
dans la 10e circonscription des
Hauts-de-Seine, puis élu député à
28 ans, le maire centriste d’Issy-
les-Moulineaux André Santini le
prend en grippe. Avant d’être
amadoué par son sens politique.
« Il a réussi à négocier avec moi, ce
qui est une preuve d’intelligence », QUESTION : G. Attal a été nommé premier ministre par E. Macron. Vous
aime souligner l’édile. personnellement, êtes-vous satisfait ou insatisfait de cette nomination ?
Les défis à relever seront autre-
ment plus difficiles à Matignon, où Très satisfait Plutôt satisfait Plutôt insatisfait Très insatisfait
les 49.3 budgétaires et les motions 50 % NSP 1 %
de censure qui ont rythmé le bail
d’Élisabeth Borne ne l’épargne- 13 % 40 % 27 % 19 %
ront sans doute pas davantage. Il
retrouvera l’Insoumise Mathilde - 4 points de satisfaction par rapport à la nomination d'Élisabeth Borne
Panot, une ancienne connaissance QUESTION : À 34 ans, il devient ainsi le plus jeune premier ministre
de promotion à Sciences Po « qui de la Ve République. Diriez-vous que sa jeunesse est plutôt…
(lui) hurlait déjà dessus avec ses
tracts de l’Unef », selon ses dires. Un atout Un handicap Ni un atout ni un handicap
Sa popularité pourrait en être très
impactée mais « la détermination, 35 % 16 % 49 %
l’ambition, la volonté, ce sont les
meilleurs antidotes à l’échec », es- 50 %
timait-il en septembre 2022, lors QUESTION : Dites-nous si vous pensez qu’il ou elle serait un bon
de la soirée de gala des anciens candidat pour représenter la majorité à la présidentielle de 2027 ?
étudiants de l’école parisienne. Il
lui faudra affronter l’adversité 52%
(+ 2 pts) 46 % (Rappel septembre 2023)
sans qu’il ne compte de nombreux (+ 17 pts) 33%
relais au sein de la majorité, où il (+ 5 pts) 24 %
est jalousé. (- 4 pts) 12%
Alors qu’on le dit déjà en piste (non testée)
pour 2027, l’échéance ne manquera
pas de s’inviter dans le duo qu’il
formera avec Emmanuel Macron, Édouard Gabriel Bruno Gérald Yaël
moins populaire que lui. « Le Philippe Attal Le Maire Darmanin Braun-Pivet
président est inquiet que quelqu’un
de plus jeune que lui soit élu dans
trois ans, ça l’obsède », rapporte un Étude réalisée par Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro. Enquête réalisée auprès d’un échantillon de
Français interrogés par internet le 9 janvier 2024. Échantillon de 1 003 Français représentatif de la population
visiteur de l’Élysée. L’installation française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas
de son protégé à la tête du appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, niveau de diplôme et profession de l’interviewé après
gouvernement n’est peut-être pas stratification par région et catégorie d’agglomération. Auprès de l’ensemble des Français, la marge d’erreur
s’établit, selon le score visé, entre 1,4 et 2,5 points.
totalement désintéressée. ■
 LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024

L'ÉVÉNEMENT 3

se relancer CONTRE-POINT
PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard

dissiper le flou sur le sens de son quinquennat. Une carte jeune qui rebat
fierté française et européenne, ça en marge du remaniement - « ne Au rayon des menacés, la cote
le jeu de la vie politique

donnait déjà des indices : Gabriel
Attal s’impose comme une
évidence. Personne n’a vu ce qui
était sous le nez de tout le monde ! »
fanfaronne un conseiller, dans
une tentative de rationaliser une
séquence chaotique.
Parti aussitôt auprès des sinis-
trés des inondations dans le
Pas-de-Calais, avant de réunir les
« forces vives du pays » cette se-
maine, le nouveau premier minis-
tre se frottera bientôt à l’Assem-
blée nationale et sa majorité
relative. La popularité à droite de
cet ex-militant socialiste rendra-
t-elle plus fluide les discussions
avec Les Républicains ? Alors que
Gérard Larcher lui souhaite
« bonne chance » (lire page 5),
Nicolas Sarkozy - qui n’a pas
échangé avec Emmanuel Macron
voit pas d’un mauvais œil la nomi-
nation d’Attal, mais sera très at-
tentif à la façon dont la droite sera
traitée », selon un interlocuteur
récent de l’ancien président.
Gouvernement remanié
L’Élysée esquisse désormais la
nomination du nouveau gouver-
nement avant la fin de semaine.
« Ils ne partent pas d’une page
blanche. L’ossature sera la
même », parie un député macro-
niste qui s’y verrait bien. Il faut
tout de même pourvoir un minis-
tère de l’Éducation nationale lâ-
ché en rase campagne. « J’espère
que le président trouvera une per-
sonnalité qui ait le poids, la force et
la capacité de s’intéresser centra-
lement à ce sujet », plaide François
Bayrou auprès du Figaro.
E
du ministre des Transports
Clément Beaune, qui avait fomenté mmanuel Macron
des menaces de démission de a frappé fort.
ministres de l’aile gauche, est au Certes, le délai entre
plus bas dans l’exécutif. Tandis que la démission d’Élisabeth
sa collègue de la Santé, Agnès Borne et la nomination
Firmin Le Bodo, est fragilisée par de Gabriel Attal a quelque peu
une affaire de cadeaux d’un émoussé l’effet de surprise.
laboratoire pharmaceutique, mais Mais, en choisissant celui
aussi par la décision d’Emmanuel qu’on n’imaginait pas quitter
Macron, annoncée lundi, de si tôt le ministère de l’Éducation
scinder en deux textes le projet de nationale, le chef de l’État
loi sur la fin de vie, ce qui n’était a cherché à marquer les esprits
pas l’option défendue par la et à modifier l’équation politique.
ministre. Soucieux d’assortir Même s’il appartient maintenant
l’arrivée de Gabriel Attal à aux deux hommes de ne pas
Matignon à d’autres effets de sur- réduire cette nouvelle donne
prise, Emmanuel Macron songerait à une simple opération
aussi à des choix plus « people» : la de communication.
nomination de Claire Chazal à la Avec Attal, Macron fait le pari
Culture circulait par exemple en de la jeunesse. Bien entendu,
haut lieu ces dernières heures. ■ être le plus jeune chef de
gouvernement que la France ait
connu ne fait pas un programme.
De tous les atouts, il est celui qui
se fane le plus vite. La preuve :
en restant à 46 ans le plus jeune
des présidents, l’hôte de l’Élysée
a besoin de jouer la carte
Matignon pour impulser
la « régénération » de sa propre
offre, mot cher au président.
La course à l’état civil le plus
récent peut par ailleurs interroger
pour une fonction où il s’agit tout
de même de tenir la « maison »
France. Mais face à un Jordan
Bardella de 28 ans, unique
politique à figurer dans le top 50
des personnalités préférées des
Français, Macron a senti qu’un
saut de génération s’imposait
pour contenir la progression
continue du RN. Cette condition
est très loin d’être suffisante
- c’est aux résultats que sera jugé
le bilan du macronisme - mais elle
est nécessaire. L’exécutif jouait
en défensif, le voilà à l’offensive.
Attal ne représente cependant
pas uniquement la carte jeune.
Contrairement à Édouard Philippe,
Jean Castex et Élisabeth Borne, il
arrive à Matignon déjà doté d’une
notoriété et d’une popularité très
fortes. Si, lors de la passation de
pouvoirs, il a multiplié les gages de
« reconnaissance » et d’allégeance
envers le chef de l’État, il ne peut
déjà plus être présenté comme
un simple « collaborateur ».
Son passage éclair Rue de Grenelle
lui a permis de construire dans
l’opinion une image personnelle.
C’est un atout, dans la mesure où
cette popularité sera sans doute
le carburant d’un démarrage bien
accueilli dans cette fonction si
redoutable. Mais c’est un schéma
auquel Emmanuel Macron n’était
pas habitué. La relation Élysée-
Matignon sera à réinventer.
Son passage à l’Éducation
nationale a également permis
à Attal de s’identifier à une ligne
idéologique, éloignée de son
socialisme originel, mais au
diapason des exigences actuelles
de l’opinion. Autorité,
« choc des savoirs », valorisation
du mérite, volonté réformiste
sans peur des tabous, cette ligne
de « réarmement civique »,
aujourd’hui prônée par Macron,
aux antipodes du « en même
temps » est une condition du
rebond. À condition d’être tenue.
Mais cette force recèle aussi une
faiblesse. À l’Éducation nationale,
Attal s’est attaqué au chantier
du siècle après des décennies
d’erreurs, de prudence ou de
renoncement. Or un tel chantier
impose la durée. Certes,
le nouveau premier ministre
a promis « d’emmener à Matignon
la cause de l’école ». Mais,
il n’empêche : l’efficacité dans un
secteur dépend de l’engagement
et de la crédibilité de celui
qui en a la charge. Ce départ
si rapide donne l’impression
que l’Éducation n’était qu’un
marchepied pour « mieux ».
En acceptant cette fonction, Attal
semble jouer la carte de l’ambition
avant celle de la consolidation.
Macron prend aussi un risque
plus politique : celui de lancer
prématurément la bataille interne
à son camp pour la présidentielle
de 2027 qui s’engage. Le nom
de Gabriel Attal commençait
déjà à être testé dans les sondages
comme candidat possible.
Mais le voici devenu le rival
officiel d’Édouard Philippe,
de Bruno Le Maire ou de Gérald
Darmanin. Avec désormais
un statut institutionnel qui
le met à part, même si, dans
la « lessiveuse » de Matignon
l’atout d’un jour peut devenir
le handicap du lendemain.
Mais la compétition est lancée.
Or, pour le chef de l’État, l’enjeu
n’est pas encore d’adouber un
successeur, mais bel et bien d’agir
pour le pays. Pour conjurer
cette campagne interne anticipée,
le nouveau couple exécutif
n’a qu’une solution : lancer des
réformes fortes et courageuses ;
et le faire très vite. Sachant que,
pas plus que Borne, Attal n’aura
de majorité absolue pour avancer.

La promesse d’« emmener à Matignon la cause de l’école »

CAROLINE BEYER £@BeyerCaroline
GABRIEL ATTAL, 34 ans, aura passé
moins de six mois à l’Éducation na-
tionale. D’autres avant lui n’ont pas
fait de vieux os à la tête de ce tumul-
tueux ministère. On se souvient du
socialiste Benoît Hamon, parti au
bout d’à peine cinq mois. Mais la
jeune étoile montante de la macro-
nie quitte la rue de Grenelle au
sommet de sa popularité. Contrai-
rement à certains de ses malheu-
reux prédécesseurs, qui ont vu leur
destin politique stoppé net après
cette douloureuse expérience.
« J’amène avec moi, ici à Mati-
gnon, la cause de l’école. Je réaffirme
l’école comme étant la mère de nos
batailles, celle qui doit être au cœur
de nos priorités et à qui je donnerai,
comme premier ministre, tous les
moyens d’action nécessaires pour sa
réussite. Elle sera une de mes priori-
tés absolues dans mon action à la tête
du gouvernement. Il y aura de ce
point de vue une forme de continui-
té », a-t-il promis sur le perron de
En six mois, Gabriel Attal n’a pas
chômé, de l’interdiction de l’abaya
en septembre à sa lutte déterminée
contre le harcèlement scolaire, en
passant par le lancement de réformes
éducatives placées sous le signe du
retour aux fondamentaux. Ancien
militant socialiste, converti de la pre-
mière heure au macronisme, Gabriel
Attal a su caresser l’opinion dans le
sens du poil, par un ton et des annon-
ces à la couleur conservatrice. Le
6 décembre, au lendemain de la pu-
blication du classement international
Pisa – plaçant la France en position
toujours tristement « moyenne »-, il
avait aussitôt dégainé ses mesures
pour le « choc des savoirs », prépa-
rées déjà depuis plusieurs semaines.
Manuels « labellisés », méthode de
Singapour obligatoire en maths pour
le primaire, dernier mot aux ensei-
gnants en matière de redoublement,
brevet obligatoire pour entrer au ly-
cée, et surtout mise en place de grou-
pes de niveau au collège. Par cette
dernière mesure, le jeune ministre a
souhaité la « fin du collège uniforme ».
Une initiative que beaucoup, à droite
Dès la rentrée 2024, des groupes
de niveau doivent donc se mettre
en place en classes de sixième et
cinquième, puis, l’année suivante,
en quatrième et troisième. Le
ministre, qui a bénéficié du plein
soutien de Macron, a obtenu pour
cela des postes supplémentaires
d’enseignants. En septembre 2024
toujours, de nouveaux programmes
auront été écrits pour l’école
primaire, de la maternelle au CE2.
La méthode de Singapour sera
appliquée. En 2025, le brevet
deviendra obligatoire pour entrer
au lycée et une nouvelle épreuve
anticipée de mathématiques et de
culture scientifique verra le jour en
fin de classe de première.
Ministère en jachère
C’est donc une Éducation nationale
en jachère que Gabriel Attal laisse
derrière lui. D’autant que son
agenda prévoyait une réforme de la
formation des enseignants et du
concours. Sujet déterminant à
l’heure de la crise du recrutement.
Alors que le président Macron a
mement civique », tablant de fait sur
l’école, le futur ministre de l’Édu-
cation nationale sera aussi large-
ment attendu sur l’uniforme
- Gabriel Attal devait annoncer en
décembre les contours de son expé-
rimentation -, la réforme des cours
d’éducation morale et civique
(EMC), ou encore le service national
universel (SNU), qui pourra désor-
mais se faire sur le temps scolaire.
Au-delà des réformes, c’est aussi
un ton que Gabriel Attal avait
imposé à l’Éducation nationale :
celui du retour à « l’autorité » du
professeur. En cette rentrée de jan-
vier, il devait faire des annonces sur
le sujet des violences et menaces
aux enseignants et de la sécurisa-
tion des établissements scolaires,
trois mois après l’assassinat, à
Arras, du professeur Dominique
Bernard. Un drame venu confir-
mer, trois ans après la décapitation
de Samuel Paty, que la figure du
professeur est dans le viseur des
terroristes islamistes. « On se rend
compte que l’on peut agir à l’éduca-
tion », estimait l’un des conseillers
En perpétuel mouvement, le
jeune ministre a tenu sa commu-
nication au cordeau, accompagné
de sa jeune et fidèle garde de
conseillers. Invité plusieurs fois du
JT de TF1, faisant régulièrement la
une des journaux, Gabriel Attal a
placé l’Éducation nationale sur le
« mouvement
En perpétuel
devant de la scène, dans un tour- et faisant
billon médiatique savamment
orchestré. On se souvient du jeune
régulièrement
ministre témoignant, en novembre, la une
dans l’émission de la Une « Sept à des journaux,
huit » du harcèlement dont il avait Gabriel Attal
lui-même été victime lorsqu’il était a placé
collégien. Une confidence qui lui
avait permis de marquer des points l’Éducation
auprès de l’opinion. nationale
Gabriel Attal à Matignon ? La sur le devant
rumeur gonflait ces derniers jours, de la scène,
renforcée par un sondage
Odoxa-Backbone Consulting pour
dans un
Le Figaro, paru le 4 janvier, le tourbillon
donnant favori. Ce à quoi certaines médiatique
voix opposaient que le jeune savamment
ministre devait continuer sur sa
lancée à l’Éducation nationale. Le
président Macron, qui ne cesse
orchestré »
d’affirmer sa priorité pour l’école,
A

Matignon, lors de sa passation de notamment, ont saluée, y voyant la promis, lors de ses vœux fin de Gabriel Attal, quelques mois en a finalement décidé autrement.
pouvoirs avec Élisabeth Borne. fin du collège unique. décembre, d’engager un « réar- après sa prise de fonction. Les professeurs apprécieront. ■
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO
4 L'ÉVÉNEMENT
Borne prépare
son entrée
à l’Assemblée
L’élue du Calvados va découvrir la vie
d’une députée du groupe Renaissance.
LORIS BOICHOT £@lboichot
SUR le tapis rouge, Élisabeth Bor-
ne prononce ses derniers mots à
Matignon. « J’ai tenu sans trembler
le cap fixé par le président de la Ré-
publique », se félicite-t-elle au mi-
cro, en vantant sa méthode «sans
relâche, sans coup d’éclat». En
pleine passation de pouvoir avec
son successeur Gabriel Attal, ce
mardi 9 janvier, la désormais ex-
première ministre quitte la tête du
gouvernement à contrecœur. Mais
pas la politique. Sa nouvelle vie
passera par l’Assemblée nationale.
Devant pas moins d’une trentai-
ne de parlementaires présents
pour son départ, Élisabeth Borne
se « réjouit » à l’idée de les rejoin-
dre en tant que députée du groupe
Renaissance. Dans un mois, après
quelques congés loin de Matignon.
Une autre manière de « poursuivre
les réformes », dessein qu’elle a
jugé « plus que jamais nécessaire »
dans sa lettre de démission remise
lundi à la demande d’Emmanuel
Macron. « Ce n’était pas un choix
évident. C’est une bonne nouvelle,
son expérience va renforcer notre
groupe », commente auprès du Fi-
garo le chef de file des députés Re-
naissance, Sylvain Maillard, qui
s’est entretenu lundi soir avec elle
et doit la revoir le mois prochain.
Dirigeante du gouvernement
pendant près de vingt mois, la
polytechnicienne de 62 ans s’ap-
prête à devenir une élue parmi
576 autres, dans cette majorité
relative qu’elle a dirigée et qu’elle
sait fragilisée. Lassée par ses
23 recours à la méthode forte du
49.3, dont un pour faire adopter
la réforme des retraites. Puis
fracturée en décembre, lors de
l’adoption de sa très controver-
sée loi sur l’immigration.
« Continuer à servir »
C’est un mandat inédit pour Élisa-
beth Borne, élue pour la première
fois en juin 2022 à Vire-Norman-
die, sur ses terres familiales du
Calvados, mais alors contrainte de
laisser son siège à son suppléant
Freddy Sertin pour rester à Mati-
gnon. Sa décision d’intégrer le
Parlement la distingue de ses deux
prédécesseurs sous Emmanuel
Macron. Après son départ,
Édouard Philippe avait retrouvé
sa mairie du Havre (Seine-Mariti-
me) et Jean Castex s’était hissé à la
tête de la RATP. « Avec détermina-
tion et exigence », Élisabeth Borne
entend pour sa part « continuer à
servir » le pays à l’Assemblée na-
tionale, a-t-elle prévenu mardi.
Avant d’adresser un message « à
toutes les femmes » : « Tenez bon,
l’avenir vous appartient. »
Dans la foule rassemblée dans
la cour de l’Hôtel Matignon et de-
QUESTION : Comment avez-vous jugé l’action d’Elisabeth Borne en tant
que première ministre. Diriez-vous que son action a été... ?
NSP 1 %
Tout à fait
insatisfaisante
30 %
30 %
Plutôt
insatisfaisante
A
Étude réalisée par Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro. Méthodologie complète en page 2 du Figaro.
vant leurs écrans, certains de ses
proches se sont étonnés de ce
discours aux accents très politi-
ques, prononcé sans lire ses no-
tes. « Elle m’a fait vibrer, c’est une
vraie femme d’État », s’enflamme
une conseillère de l’exécutif. Un
autre l’imagine déjà prendre la
tête du groupe majoritaire - un
scénario que beaucoup excluent
toutefois.
Limogée, Élisabeth Borne
compte-t-elle régler ses comptes
à l’Assemblée ?, s’interrogent
plusieurs membres du camp pré-
sidentiel, à l’écoute de sa derniè-
re intervention. Son arrivée au
Parlement avive chez ses rivaux
la crainte d’un fort activisme,
tout en faisant naître un espoir
dans les rangs de l’aile gauche
macroniste. « On vous attend,
vous avez beaucoup d’amis à l’As-
semblée », lui a lancé, mardi, le
député (Renaissance) Guillaume
Gouffier Valente, convaincu
qu’elle « va porter dans la majori-
té des valeurs humanistes, d’égali-
té et d’émancipation ».
Un mélange de sérieux
et de loyauté
Comme lui, plusieurs de ses sou-
tiens la projettent en meneuse de
ce pan gauche de la majorité en
mal d’incarnation. Un rôle à re-
bours de l’équilibre qu’elle a es-
sayé de tenir à Matignon, en ten-
tant de donner des gages aussi
bien aux ex-Les Républicains
(LR) qu’aux anciens socialistes du
camp Macron.
« C’est plutôt de ce côté-là qu’elle
se situe, elle va être active », prédit
le député Guillaume Vuilletet, ani-
mateur du groupe informel
L’Amicale sociale, marqué à gau-
che dans la majorité. Le patron des
élus Renaissance, Sylvain
Maillard, la voit plutôt prolonger
le « dépassement » droite-gauche
cher à Emmanuel Macron. « Elle
l’a toujours incarné, je n’imagine
pas autre chose. L’idée n’est pas de
construire une chapelle », dit-il.
Peu connue du grand public à sa
nomination, Élisabeth Borne est
convaincue d’avoir gagné en den-
sité politique. Et d’avoir imprimé
sa fonction d’un mélange de sé-
rieux et de loyauté. Devant les
membres de son cabinet, qu’elle a
réunis à son départ lundi soir, elle
a assumé sa différence. « Elle a dit
qu’elle était comme un extraterres-
tre en politique qui jouait l’intérêt
général plutôt que l’ego », rapporte
un participant. Une empreinte que
la sexagénaire souhaite mainte-
nant marquer dans l’Hémicycle.
La majorité parlementaire ayant
été privée de ses principaux poids
lourds Richard Ferrand et Christo-
phe Castaner aux législatives, elle
s’impose de fait comme l’un de ses
plus hauts gradés. ■
7%
Tout à fait satisfaisante
Plutôt
32 %
satisfaisante
Départ d’Élisabeth
Borne de Matignon
après la passation
La majorité applaudit, les oppositions
déjà critiques
de pouvoirs
à son successeur
Gabriel Attal, mardi
en début d’après-midi.
F.BOUCHON/LE FIGARO
re ministre de l’Éducation nationa- mulant « des souhaits de sincères
MARTIN LAGRAVE £@MartinLagrave le… » En décembre, le nouveau réussites à l’intention du nouveau
premier ministre s’est en effet his- premier ministre » et poursuivant :
IL ÉTAIT depuis ce lundi le favori sé à la première place du baromè- « Comme nous l’avons fait sur la loi
pour succéder à Élisabeth Borne. tre Ipsos-Le Point de la personna- immigration, et comme nous l’avons
Après de longues heures d’attente, lité politique préférée des Français. toujours fait, Les Républicains
Gabriel Attal a été officiellement Marine Le Pen a, quant à elle, qua- s’inscriront dans une opposition
investi à Matignon. Durant la pas- lifié la succession de premier mi- responsable et rigoureuse au service
sation de pouvoirs, celle qui va re- nistre de « ballet puéril » et donné d’une alternative crédible capable
prendre son siège de députée du rendez-vous aux Français pour les d’engager l’indispensable sursaut
Calvados s’est adressée à son suc- élections européennes : « Que peu- français »
cesseur : « Tu as la détermination et vent espérer les Français de ce qua- Toutefois, Bruno Retailleau, à la
l’énergie pour mener une équipe et trième premier ministre et de ce cin- tête du groupe LR au Sénat, a quel-
porter les projets nécessaires pour quième gouvernement en sept ans ? que peu tempéré : « C’est aux actes
notre pays. » Sur les réseaux so- Rien. Lassés de ce ballet puéril des que nous jugerons Gabriel Attal. Il
ciaux, la classe politique n’a pas ambitions et des ego, ils attendent sera un bon premier ministre s’il
tardé à réagir à la nomination du un projet qui les remette au cœur des parvient à mener une bonne politi-
F. BOUCHON/LE FIGARO
25e premier ministre de la Ve Ré- priorités publiques. Ce chemin vers que pour la France. (…) Il faudrait
publique. Après avoir annoncé la l’alternance commence le 9 juin. » pour cela une rupture profonde avec
veille sur X (ex-Twitter) la démis- Dans un communiqué, le prési- le macronisme. Gabriel Attal en a-t-
sion d’Élisabeth Borne, Emmanuel dent des Républicains, Éric Ciotti, il le profil et la volonté ? Réponse
Macron a officialisé sur le même s’est montré plus conciliant, for- dans les mois à venir. » ■
réseau la promotion du ministre de
l’Éducation : « Cher Gabriel Attal, je
C’est sais pouvoir compter sur votre éner-
gie et votre engagement pour mettre
aux actes en œuvre le projet de réarmement et
que nous de régénération que j’ai annoncé.
jugerons Dans la fidélité à l’esprit de 2017 :
dépassement et audace. Au service
Gabriel Attal. de la Nation et des Français. » La
Il sera un bon présidente de l’Assemblée natio-
premier nale, Yaël Braun-Pivet, lui a rapi-
dement adressé ses « vœux de suc-
ministre cès » : « Je sais que nous pourrons
s’il parvient travailler ensemble en confiance afin
à mener de poursuivre à l’Assemblée natio-
nale les réformes économiques et
une bonne sociales engagées au service des
politique Français. » Le président de la ré-
pour la gion Paca, Renaud Muselier, s’est
quant à lui félicité dans un com-
France. (…) muniqué du « choix de l’énergie, de
Il faudrait la jeunesse, mais aussi de l’expé-
pour cela rience et de l’optimisme ! »
Le nouveau premier ministre, Gabriel Attal, salue les sauveteurs
une rupture « Ballet puéril » et gendarmes qui interviennent dans le cadre des inondations
profonde Cette nomination n’est toutefois dans le Pas-de-Calais, mardi, à Clairmarais. BLONDET ELIOT/ABACA
avec le pas du goût de l’opposition. À gau-
che, Jean-Luc Mélenchon a raillé la
macronisme. promotion du benjamin du gou- Le premier ministre fait ses armes
Gabriel Attal vernement, fustigeant ce qu’il
dans le Pas-de-Calais
en a-t-il considère comme la disparition de
la fonction de premier ministre :
le profil et « Attal retrouve son poste de porte- En guise de baptême du feu, se lève tôt », a lancé Gabriel
la volonté ? parole. La fonction de premier mi- le premier ministre a pris Attal, sous l’approbation de ses
Réponse nistre disparaît. Le monarque prési- la direction du Pas-de-Calais, interlocuteurs. Quelques heures
dentiel gouverne seul avec sa cour. mardi après-midi. plus tôt, il avait adressé
dans les mois Malheur aux peuples dont les prin- Le département a subi sur le perron de Matignon
à venir »
BRUNO RETAILLEAU,
ces sont des enfants. » Le premier
secrétaire du Parti socialiste, Oli-
un deuxième épisode
d’inondations en moins de deux
une pensée « particulière »
aux classes moyennes,
PRÉSIDENT DU GROUPE vier Faure, s’est contenté d’un mois, provoquant le désarroi célébrant l’importance du
LES RÉPUBLICAINS commentaire lapidaire : « Emma- de la population. Gabriel Attal travail. Les habitants interrogés
AU SÉNAT
nuel Macron se succède donc à lui- a échangé avec plusieurs ont globalement salué la visite
même. Il faut que tout change pour habitants de Clairmarais. « Nous du premier ministre. « Je l’ai
que rien ne change… » sommes à vos côtés », leur senti très à l’écoute », a confié
Dans le camp nationaliste, Jor- a-t-il répété, les encourageant à une habitante. « À situation
dan Bardella a également critiqué ne pas se « démoraliser ». exceptionnelle, moyens
le choix d’Emmanuel Macron, gui- À la gérante d’un bar-tabac exceptionnels », s’est engagé
dé selon lui par la popularité de contrainte de fermer Gabriel Attal. Les sinistrés
Gabriel Attal dans l’opinion : « En l’établissement, il a assuré : et les élus du territoire, en
nommant Gabriel Attal à Matignon, « Je reviendrai boire un café première ligne, espèrent que
Emmanuel Macron veut se raccro- avec vous », en lui adressant un les indemnisations ne se feront
cher à sa popularité sondagière pour geste d’affection. « Vous êtes pas trop attendre. « Personne
atténuer la douleur d’une intermi- l’incarnation de cette France ne va vous oublier », a promis
nable fin de règne. Il risque plutôt qui travaille, laborieuse, qui le nouveau premier ministre. R. F.
d’emporter dans sa chute l’éphémè-

Larcher : « L’hyperprésidentialisation
sera le premier problème d’Attal »
En souhaitant
bonne chance
au nouveau
premier ministre,
le président
du Sénat rappelle
l’urgence
du passage
aux « actes ».
PROPOS RECUEILLIS PAR
EMMANUEL GALIERO
egaliero@lefigaro.fr
LE FIGARO. - Qu’attendez-vous
de la nomination de Gabriel Attal
à Matignon ?
Gérard LARCHER. - Je voudrais
saluer l’action d’Élisabeth Borne
qui n’a pas eu la tâche facile, sans
majorité à l’Assemblée nationale,
contrainte de gouverner à coups
de 49.3, piégée par ce « en même
temps » impossible, contrainte de
durement négocier pour deux ré-
formes majeures : retraites, et im-
migration et intégration. Je n’ai
qu’un reproche à lui faire : elle n’a
pas pris du tout en compte le tra-
vail du Sénat dans la version défi-
nitive du budget. Le 49.3 ne peut
pas être la négation d’une écoute
du Parlement. Quant à Gabriel At-
tal, je lui souhaite bonne chance.
J’avoue être étonné par le flotte-
ment des conditions de change-
ment de premier ministre. Il est
clair que toute cette gesticulation,
après le vote de la loi immigration,
sur les menaces de démissions de
ministres illustrait un manque de
cohésion, un brouillage politique
qui ne pouvait rester sans réponse.
Je tiens à rappeler aux ministres
que dans un régime parlementaire,
c’est le Parlement qui est seul légi-
time à voter la loi et qu’elle s’im-
pose à tous. Maintenant, se posent
toujours les mêmes questions :
comment enfin engager la France
sur la voie du redressement ? Il faut
enfin hiérarchiser et fixer des ob-
jectifs, des priorités et un calen-
drier : l’éducation, la santé, le lo-
gement, la décentralisation…
“d’annonce,
Cessons ces effets
ces
nouveaux caps sans
lendemain auxquels
plus aucun Français
”
ne croit vraiment
GÉRARD LARCHER
Que direz-vous au nouveau
premier ministre lors de votre
premier tête-à-tête ?
Passez aux actes ! Il est temps d’ar-
rêter les annonces, les discours…
Le pays attend des solutions et ne
peut pas continuer ainsi, sans ré-
ponses, en dérive financière.
Cette nomination voulue
par Emmanuel Macron
est-elle de nature à rassurer
une France inquiète ?
Nous jugerons sur les actes. Ce
n’est pas une question de person-
nalité. Si ce n’est qu’un coup poli-
tique, cela n’ira pas loin.
Le jeune profil du premier
ministre est choisi comme
le signal d’un nouveau dynamisme
mais croyez-vous à sa capacité
à faire preuve d’autorité ?
Il a fait preuve d’autorité à l’Édu-
cation nationale. Mais vous avez
de l’autorité seulement si le pré-
sident vous en laisse et son plus
gros problème viendra de l’hy-
perprésidentatialisation. C’est un
sujet majeur avec la question de la
verticalité du pouvoir. Voilà
pourquoi la décentralisation est,
me semble-t-il, la seule réponse
à cette tentation permanente du
chef de l’État qui a beaucoup de
mal avec le Parlement. Selon
l’article 20 de la Constitution, je
rappelle que c’est le gouverne-
ment qui détermine et conduit la
politique de la nation.
La jeunesse est-elle un atout
ou une faiblesse ?
La jeunesse peut être un atout à la
condition d’écouter, de partager,
de respecter le Parlement et de
faire une équipe avec ses minis-
tres. Nous, nous serons fidèles à
notre ligne politique, un contre-
pouvoir exigeant, mais dans le
dialogue à chaque fois qu’il s’agira
de l’intérêt de la France.
Qu’aviez-vous pensé des vœux
d’Emmanuel Macron ?
Emmanuel Macron a promis de
faire de 2024 une « année de déter-
mination ». Il s’engage aussi à un
« réarmement civique » autour de
l’école, après « le réarmement éco-
nomique » et « le réarmement de
l’État et de nos services publics ». Je
voudrais rappeler au président de
la République qu’il dirige la France
depuis maintenant sept ans, après
avoir été un acteur majeur du
quinquennat de François Hollan-
de. Cessons ces effets d’annonce,
ces nouveaux caps sans lendemain
auxquels plus aucun Français ne
croit vraiment. Il nous faut encore
et encore rappeler la réalité que
personne ne veut regarder dans
les yeux : l’économie française est
au 7e rang mondial et à la 26e place
pour le PIB par habitant. La dette
dépasse 3 000 milliards d’euros
(44 850 euros par Français), elle
représentera 70 milliards d’euros
d’intérêts en 2027 et ce sera le pre-
mier budget de la nation. Le déficit
commercial sera de plus de
110 milliards d’euros. Notre com-
pétitivité recule. Le chômage de-
vrait atteindre plus de 7,5 % de la
population active en 2024, quand
la majorité des pays développés
sont au plein-emploi. L’école de la
République n’est plus que l’ombre
d’elle-même. Notre système de
Gérard Larcher, santé se dégrade au point que les
président du Sénat, Français, de plus en plus nom-
dans son bureau, breux, n’arrivent plus à se faire
mardi, à Paris. correctement soigner et nous
SÉBASTIEN SORIANO/
avons eu six ministres de la santé
LE FIGARO
successifs en six ans ! La nation se
délite, il n’y a plus un territoire de
la République qui ne soit pas gan-
grené par l’explosion de la violen-
ce. De quel nouveau cap nous par-
le-t-on ? Où est la détermination à
inverser la spirale du déclin ? Quel
est le résultat de cette politique et
méthode de gouvernance ?
Le président de la République
a saisi le Conseil constitutionnel
sur la loi immigration
en souhaitant la censure
de certains articles. Comment
« peut
La jeunesse
être
appréciez-vous la démarche ?
La loi issue du Sénat et adoptée
par le Parlement était indispen-
un atout sable. Elle est demandée par plus
à la condition de 70 % des Français qui consta-
tent l’échec de nos politiques
d’écouter, migratoires et l’impossibilité
de partager, d’avoir une réelle politique d’in-
de respecter tégration. Le rapport de la Cour
des comptes publié vendredi est
le Parlement extrêmement critique sur l’ac-
et de faire tion de l’État pour lutter contre
une équipe l’immigration irrégulière et son
coût exorbitant (1,8 milliard
avec ses
ministres.
d’euros). Il était donc urgent
d’agir, mais cette loi sera-t-elle
Nous, suffisante pour répondre à cette
crise ? Le président de la Répu-
nous serons blique a saisi le Conseil constitu-
fidèles tionnel sur l’ensemble du texte.
à notre ligne La commission des lois du Sénat
a fait ses observations. Nous at-
politique, tendons sa décision mais re-
un contre- prendre le contrôle dans le res-
pouvoir pect de la Constitution et du
exigeant,
droit est indispensable. Par
ailleurs, j’attends que le gouver-
mais dans nement respecte l’engagement
le dialogue qu’il a pris auprès de moi de ré-
former l’aide médicale d’État. Si
à chaque fois l’inconstitutionnalité de certains
qu’il s’agira articles est avérée, alors une
modification de la Constitution
de l’intérêt de
» s’imposera pour retrouver des
la France marges de souveraineté dans nos
GÉRARD LARCHER politiques migratoires.
LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024
L'ÉVÉNEMENT 5
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
Le chef de l’État a promis un
« rendez-vous avec la nation »
mi-janvier. Avez-vous
des précisions sur le sens
de cette initiative ?
Je n’en sais rien et n’en attends pas
grand-chose. Nous avons déjà
connu les « cent jours », le Conseil
national de la refondation et les Tout au long
Rencontres de Saint-Denis sans
de ces mois, je
grand résultat. En réalité, ce ren-
dez-vous avec la nation a déjà eu n’ai jamais reculé
lieu, d’abord en 2017 puis en 2022
avec son élection. devant aucun
obstacle, devant
“l’antisémitisme
La banalisation de
au sein
aucune réforme.
J’ai mené les
de l’extrême gauche projets qui me
”
est intolérable semblaient justes
GÉRARD LARCHER
et nécessaires
Après votre déplacement en Israël
et dans les Territoires palestiniens,
pour le pays.
comment jugez-vous le climat J’ai tenu sans
dans la région et sur le plan
international ?
trembler le cap
On ne sort pas indemne de ces fixé par
rencontres. La population israé-
lienne a été profondément trau- le président
matisée par les crimes terroristes de la République,
du 7 octobre où 41 Français ont
été assassinés. Trois de nos com- sans relâche,
patriotes sont encore portés dis- sans coup d’éclat.
parus ou retenus en otages par le
Hamas. Nous ne pouvons plus at- C’est ma
tendre pour leur rendre un hom- méthode d’action
»
mage national. Israël me paraît
déterminé à éradiquer toutes les et je l’assume.
capacités militaires du Hamas. Je ÉLISABETH BORNE
n’ignore pas les souffrances du
peuple palestinien, chaque vie
compte et je me suis entretenu à
Ramallah avec le président Ab- HOMMAGE
bas. Nous avons également ren-
contré les communautés chré- AUX PETITES
tiennes, « prises entre deux
feux ». Même lointaine, la solu-
FILLES
tion à deux États est la seule pos- L’ex-première ministre,
sible. L’aide humanitaire doit pé- deuxième femme à occuper
nétrer plus massivement à Gaza. Matignon, a tenu à adresser
Sur le plan international, le recul
de l’influence de la France est gé-
un mot « à toutes les
néral. Je le constate avec tous mes femmes », après avoir
interlocuteurs : jamais la parole dédié sa nomination « aux
de la France n’a si peu porté. Cette petites filles » il y a un an
situation, que je constate aussi en et demi. «Tenez bon,
Afrique, me préoccupe. l’avenir vous appartient »
a-t-elle lancé, regrettant
Éric Ciotti se félicite d’une droite
qu’il reste du chemin
à l’offensive, Laurent Wauquiez
assure qu’un espoir s’est levé
à parcourir en matière
du côté de votre famille politique. d’égalité homme-femme.
Et vous, que constatez-vous ?
Il nous faut poursuivre dans la voie
de la reconstruction, ce qu’a enga-
gé avec courage Éric Ciotti. Il nous
faut sans cesse rechercher plus de
cohésion, plus de lisibilité et mon-
trer notre différence comme nous
l’avons fait sur les retraites ou sur
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
l’immigration et comme nous le
proposons en matière de décen-
tralisation. En étant fidèles à nos
valeurs et utiles pour contribuer
au redressement de la France,
nous regagnerons la confiance des
Français.
Vous n’aviez pas repris la parole
après votre retentissant
« Ferme ta gueule » adressé
à Jean-Luc Mélenchon En nommant
le 6 décembre sur RTL. Gabriel Attal
Regrettez-vous ces paroles ?
C’était une réaction spontanée, un à Matignon,
cri du cœur face à la radicalisation Emmanuel
irresponsable de Jean-Luc Mélen-
chon. La banalisation de l’antisé- Macron veut
mitisme au sein de l’extrême gau-
che est intolérable, c’était trop ! Je
se raccrocher
pense avoir dit tout haut ce que à sa popularité
beaucoup de Français et de res-
ponsables politiques avaient envie
sondagière
d’exprimer. Je ne suis pas coutu- pour atténuer
mier des écarts de langage, ni des
mouvements d’humeur, c’est je la douleur d’une
pense, une des raisons de cet écho interminable fin
médiatique. La polémique est clo-
se mais, à cette occasion, j’ai pu de règne. Il risque
observer, une nouvelle fois, une plutôt d’emporter
vraie rupture dans les réactions de
quelques commentateurs qui pen- dans sa chute
sent faire l’opinion et celles des l’éphémère
Français, des élus, qui m’ont mas-
sivement apporté leur soutien. En ministre
fait, c’est le décalage entre le café de l’Éducation
du village et le Café de Flore !
Gérard Larcher sera l’invité politique nationale… »
A
de l’émission « Bonjour ! », mercredi matin,
JORDAN BARDELLA
sur TF1 à 8 h 05.
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO
6 INTERNATIONAL
Xi Jinping purge sa force nucléaire
Les résistances à la modernisation de l’armée chinoise pourraient ralentir l’ambitieux agenda du président.
SÉBASTIEN FALLETTI £@fallettiseb
CORRESPONDANT EN ASIE
CHINE Dans les immensités arides
du Grand Ouest chinois, battues
par les « vents noirs », ces tempê-
tes de sable fulgurantes, le sol
ocre se fait parfois peau de léo-
pard, vu de l’espace, marqueté de
taches sombres. Autant de silos
en construction, niches pour des
nouveaux missiles balistiques in-
tercontinentaux (ICBM), armés
d’ogives nucléaires, détectés sur
les images récoltées par les satel-
lites espions occidentaux. Dans le
secret du désert, la Chine du pré-
sident Xi Jinping a lancé son
grand bond en avant stratégique,
pour combler son retard face aux
États-Unis et à la Russie, en plein
bras de fer avec la première puis-
sance mondiale.
L’Armée populaire de libéra-
tion (APL) devrait plus que dou-
bler son arsenal nucléaire d’ici à
la fin de la décennie, selon les
calculs du Pentagone, qui a tiré la
sonnette d’alarme dans un rap-
port publié en novembre 2022.
Le nombre de têtes nucléaires,
estimé aujourd’hui à 410, devrait
bondir à 1 000 en 2030, 1 500 en
2035, toujours loin derrière Mos-
cou (5 889) et Washington
(5 500), avec Taïwan en ligne de
mire. Cet arsenal étoffé par des
missiles hypersoniques difficiles
à détecter, compliquera les cal-
culs de la Maison-Blanche, en
cas d’escalade dans le détroit,
alors que la CIA redoute une opé-
ration contre l’île démocratique
à l’horizon 2027, date du cente-
naire de l’APL.
“fusées
La « force des
» est une unité
d’une importance vitale
pour les plans de Xi
et il est donc d’autant
plus frappant
de voir l’enquête
”
s’y attaquer
MEIA NOUWENS, SPÉCIALISTE DE L’ARMÉE
CHINOISE AU INTERNATIONAL INSTITUTE
FOR STRATEGIC STUDIES (IISS)
À LONDRES
Mais ces travaux pharaoniques
ne seraient que « tigres de pa-
pier », gangrenés par la corrup-
tion, les retards technologiques et
les résistances à la modernisation
à marche forcée de l’APL exhor-
tée par Xi, selon les révélations de
Bloomberg, s’appuyant sur des
sources du renseignement améri-
cain. Ce calendrier offensif est
désormais remis en cause par la
découverte de failles majeures
dans l’arsenal stratégique chinois,
déclenchant la colère de ce
« prince rouge », et une purge
impitoyable au sein de la force de
dissuasion. De quoi semer la tem-
pête au sommet de l’appareil mi-
litaire de la deuxième puissance
mondiale, depuis plusieurs mois.
Après la mise à pied abrupte du
ministre de la Défense Li Shangfu
en octobre, les têtes des hauts
gradés n’en finissent plus de rou-
ler, sous la férule du dirigeant le
plus centralisateur depuis Mao. Le
29 décembre, neuf généraux ont
été exclus le même jour de l’As-
semblée populaire nationale
(APN), confirmant une reprise en
main d’ampleur du haut com-
mandement, enclenchée cet été.
Parmi eux, le général Li Yuchao,
commandant de « la force des fu-
sées », mis à pied en juillet, ainsi
que son prédécesseur Zhou Ya-
ning, et deux autres hauts gradés
7 H -9 H
EUROPE 1 MATIN
Dimitri Pavlenko
Retrouvez l’Edito politique à 7h53 avec Alexis Brézet
A
et Vincent Trémolet de Villers du Figaro
Des missiles balistiques
intercontinentaux DF-41
sont présentés lors d’un défilé
militaire place Tienanmen,
à Pékin, le 1er octobre 2019,
dans le cadre du soixante-dixième
anniversaire de la République populaire
de Chine. GREG BAKER/AFP
de cette unité clé de la force de
frappe de la République populai-
re. Après l’éviction de Li, visé par
une enquête pour corruption, se-
lon le Financial Times, remplacé
depuis par l’amiral Dong Jun,
cette cascade de sanctions suggè-
re que « la reprise en main de l’ar-
mée par Xi atteint son apogée »,
analyse le cabinet Eurasia.
Les inquisiteurs rouges ciblent
la « force des fusées », décapitant
le commandement de l’unité né-
vralgique de l’arsenal nucléaire,
essentielle aux ambitions
géostratégiques du président. Au
moins 70 cadres de la « force des
fusées » ont été mis en cause ces
derniers mois, selon les estima-
tions de Cercius, cabinet spécia-
liste des arcanes de Pékin. La ma-
gnitude de la purge, au cœur du
dispositif stratégique, surprend,
au point d’influencer les calculs
des stratèges, et potentiellement
ralentir le plan de marche de Pé-
kin, face à Taïwan. « Cette unité
est d’une importance vitale pour
les plans de Xi et il est donc
d’autant plus frappant de voir
l’enquête s’y attaquer », juge Meia
Nouwens, spécialiste de l’armée
chinoise au International Institute
for Strategic Studies (IISS), à Lon-
dres. Cette unité est également
Tout juste nommé essentielle pour asseoir la domi-
au poste de ministre nation de Pékin en mer de Chine
de la Défense méridionale, via son arsenal de
Li Shangfu (ici, missiles à portée intermédiaire,
au centre, saluant tel le DF21, surnommé le « tueur
le président Xi Jinping
de porte-avions ».
lors du Congrès
populaire national, Fidèle à son culte du secret,
à Pékin, le 12 mars l’appareil n’a donné aucune ex-
2023), disparaît plication à ces mises à pied qui
sept mois plus tard, pourraient n’être que la partie
visé par une enquête émergée d’une purge aux ramifi-
pour corruption. cations tentaculaires au sein de
ICHIRO OHARA/THE YOMIURI la pléthorique APL, comptant of-
SHIMBUN VIA AFP ficiellement plus de deux mil-
lions de soldats. « Ces neuf per-
sonnages ne sont que les faces
visibles, mais l’envergure pourrait
être dix fois plus importante »,
remarque un analyste chinois,
qui exige l’anonymat, dans un
climat plombé par la censure. Le
1 000
Estimation par
nombre de condamnations de-
vrait grandir au fil des mois, à
mesure que les enquêteurs arra-
chent des autocritiques de sus-
le Pentagone,
pects mis au secret, selon les
du nombre de têtes
méthodes éprouvées de l’appa-
nucléaires de l’Armée
reil marxiste-léniniste.
populaire de libération
La mise au jour de failles em-
en 2030, loin derrière
Moscou (5 889) barrassantes dans le dispositif ba-
et Washington (5 500) listique aurait précipité la purge
de l’APL, en pleine escalade des
tensions avec Washington. « Cet-
te purge radicale survient après
qu’il est apparu au grand jour que
la corruption sapait ses efforts de
modernisation, mettant en ques-
tion la capacité de la Chine à mener
une guerre » selon Bloomberg.
Des réservoirs d’engins remplis
d’eau au lieu de carburant et des
couvercles de silos défectueux
empêchant le lancement des
ICBM ont notamment été recen-
sés, sonnant l’alarme à Pékin, se-
lon les services américains.
Xi a annoncé « l’accélération de
la modernisation » de l’APL, lors
d’un discours volontariste à
Chengdu, en juillet, exhortant le
Parti à « maintenir son lea-
dership » sur l’appareil militaire.
Le président de la toute-puissante
Commission militaire centrale
(CMC), qui aime défiler en veste
sombre martiale devant les trou-
pes, a exigé des mesures « stric-
tes » pour imposer la « discipli-
ne » dans les rangs, alors que la
corruption est dénoncée comme
un « cancer » par la propagande.
Ce nouveau tour de vis affiche
la détermination inoxydable de
Xi à façonner une APL à sa main,
à l’orée de son troisième mandat,
accélérant sa « modernisation » à
tout prix, dans un bras de fer as-
sumé avec Washington, avec la
« réunification de Taïwan » com-
me horizon. L’armée chinoise,
qui n’a pas connu l’épreuve du
feu depuis les années 1970, doit
« s’endurcir » en améliorant ses
technologies, afin de « gagner
des guerres » a déclaré en mars
ce chantre d’une renaissance na-
tionaliste, dénonçant un « encer-
clement américain ». « Xi voit
dans l’éradication de la corruption
une étape nécessaire afin de ren-
forcer l’APL en vue d’un potentiel
conflit », juge Eurasia. Fort de
son autorité sans partage, entéri-
née lors d’un 20e congrès triom-
phal, en octobre 2022, Xi redou-
ble de détermination dans sa
campagne de « rectification »,
déterminé à s’attaquer au mal
« jusqu’à l’os » face à un appareil
militaire sur lequel sa mainmise
n’apparaît pas absolue.
“dos.LaQuand
corruption a bon
on décapite
l’essentiel du haut
commandement
de la force stratégique,
c’est qu’il s’est passé
quelque chose
”
de grave
UN ANCIEN MILITAIRE OCCIDENTAL,
FIN CONNAISSEUR DE L’ARMÉE
POPULAIRE DE LIBÉRATION
Mais cette nouvelle purge si-
gnale en creux des résistances à
son agenda centralisateur et à sa
campagne anticorruption, dix ans
après son lancement, au sein
d’une APL traditionnellement ja-
louse de ses prérogatives et de ses
prébendes, qui se retrouverait en
première ligne en cas de conflit.
« La corruption a bon dos. Quand
on décapite l’essentiel du haut
commandement de la force straté-
gique, c’est qu’il s’est passé quel-
que chose de grave », avance un
ancien militaire occidental fin
connaisseur de l’APL. Au point de
faire tomber des fidèles nommés
sous l’égide du président, tel le
ministre Li. « Cela illustre l’échec
de sa réforme de l’armée entreprise
depuis 2013. Son autorité y ren-
contre des limites », juge un ana-
lyste chinois. Avec, en arrière-
plan, d’éventuelles dissensions
internes face à sa stratégie inter-
nationale décomplexée, à l’heure
du ralentissement économique.
Un parfum de crise plane, alors
que la purge a éclaté dans la fou-
lée de l’affaire du ballon de sur-
veillance chinois, abattu par l’US
Air Force, en février, après avoir
traversé le territoire américain,
torpillant la fragile relance diplo-
matique entre les deux géants. Xi
aurait fait part de sa fureur à ses
généraux pour avoir été informé
tardivement de la dérive de l’en-
gin, selon le New York Times.
« Est-ce que Xi a confiance en son
armée ? La question se pose »,
s’interroge Nouwens. La chute de
Li Yuchao, en juillet, coïncide
avec celle du ministre des Affaires
étrangères Qin Gang, jamais revu
depuis, sur fond de rumeur de
fuite de secret sur les forces nu-
cléaires chinoises au profit des
États-Unis. À Pékin, certains
veulent même y voir l’œuvre ma-
chiavélique d’un Vladimir Pouti-
ne anxieux de torpiller une dé-
tente sino-américaine.
La purge n’a pas entamé l’auto-
rité de Xi, démontrant au contrai-
re sa mainmise sur l’appareil, ju-
gent les services américains. Pour
autant, ces écueils pourraient le
contraindre à revoir son plan de
marche en Asie-Pacifique.
« L’unité des fusées, c’est la dis-
suasion, mais aussi la supériorité.
Si elle était compromise, cela affec-
terait le rapport de force », déclare
Mathieu Duchâtel, de l’Institut
Montaigne. Ce grand remue-mé-
nage éloigne le spectre d’une opé-
ration contre Taïwan, dans la fou-
lée des élections du 13 janvier, où
Lai Ching-te, le candidat du Parti
démocratique progressiste (DPP),
qualifié de « séparatiste » par Pé-
kin, est donné favori. Mais ces ré-
sistances internes ne modifient
pas le cap d’un dirigeant détermi-
né à muscler l’armée au service de
la « renaissance de la grande na-
tion » chinoise, quoi qu’il en coû-
te. « Cette purge ne remet pas en
cause les capacités d’ensemble de
l’APL, mais elle pourrait ralentir
son rythme à court terme », résu-
me Nouwens. Une inconnue sup-
plémentaire qui plane sur la timi-
de détente sino-américaine,
entrevue à San Francisco, entre
Joe Biden et Xi Jinping, en no-
vembre, à l’orée d’une année 2024
criblée d’incertitudes. ■

Blinken prie
Netanyahou
d’épargner
les civils à Gaza
Le secrétaire d’État américain
cherche à éviter un embrasement
entre Israël et les alliés de l’Iran.
GUILLAUME DE DIEULEVEULT
gdedieuleveut@lefigaro.fr
CORRESPONDANT À JÉRUSALEM
PROCHE-ORIENT Poursuivant une
tournée qui, de Turquie en Arabie
saoudite, le conduit à travers tout le
Proche-Orient, le secrétaire d’État
américain était mardi en Israël avec
un but : calmer le jeu dans la bande
de Gaza pour éviter que le conflit ne
se propage au Liban et à la mer
Rouge. L’objectif est ambitieux
mais, comme pour montrer qu’il
est atteignable, Antony Blinken
se montre désireux d’évoquer
l’après-guerre. Mardi matin, lors
d’une entrevue avec Israel Katz, le
ministre israélien des Affaires
étrangères, il a considéré que
« dans cette période très difficile » se
trouvent « de vraies opportunités »
pour « une meilleure connectivité et
intégration au Moyen-Orient ».
Comme en écho, la presse israé-
lienne évoquait mardi des discus-
sions indirectes entre Israël et
l’Arabie saoudite, avec la média-
tion américaine, en vue d’une
éventuelle normalisation qui sem-
Ukraine : les livraisons de munitions de l’UE en retard
Olaf Scholz accuse ses partenaires, et Paris en particulier, de ne pas tenir leurs engagements sur le soutien militaire à Kiev.
SOLENN PAULIC
BRUXELLES
GUERRE EN UKRAINE Les Euro-
péens ne livrent pas assez d’armes
à l’Ukraine et l’Union européenne
devra, d’ici au 1er février, lorsque
les Vingt-Sept se verront à
Bruxelles, disposer d’un « aperçu
précis de leurs contributions
concrètes ». Ces mots sont ceux
du chancelier allemand, Olaf
Scholz, qui s’est emporté lundi à
Berlin contre les prévisions beau-
coup trop « faibles » d’une « ma-
jorité d’États membres », au mo-
ment où l’Allemagne « doublera »
son aide militaire en 2024 de 4 à
8 milliards d’euros.
Mi-décembre, à Bruxelles, c’est
son ministre de la Défense, Boris
Pistorius, qui avait cloué sur place
l’objectif des Européens de mars
2023 d’avoir livré un an plus tard à
Kiev 1 million de munitions, princi-
palement des obus de 155 mm mais
aussi des missiles. « Le million (de
munitions) ne sera pas atteint, nous
devons l’assumer », avait-il tancé.
Le nouvel avertissement du
chancelier intervient alors que
l’Ukraine arrive à court de missiles
de défense aérienne. Elle a obtenu
que les ambassadeurs de l’Otan se
réunissent précisément sur le sujet
ce mercredi. La semaine dernière,
l’institution avait salué le projet de
plusieurs pays d’acquérir 1 000
missiles Patriot avec une nouvelle
usine de production en Allemagne,
mais la commande ne se traduira
que sur le moyen terme. Pour le
chercheur du European Council of
Foreign Relations (ECFR) Camille
Grand, c’est tout le « mérite » du
discours d’Olaf Scholz : « se-
couer » les partenaires européens
sur la situation dans l’immédiat et
« poser le débat en s’assurant que
tout le monde fait les efforts néces-
saires », en vérifiant par exemple
ce qu’il reste dans les stocks ou si
l’industrie joue bien le jeu.
blait inéluctable avant que l’atta-
que terroriste du Hamas du 7 octo-
bre et la guerre dans la bande de
Gaza ne rebattent les cartes. Toute-
fois, a reconnu Antony Blinken, il
faudra d’abord « s’assurer que le
7 octobre ne se répète jamais, et tra-
vailler pour construire un avenir dif-
férent et meilleur. » Dans l’après-
midi, après un tête-à-tête avec
Benyamin Netanyahou, le secrétai-
re d’État américain devait partici-
per à une réunion du conseil de
guerre israélien.
C’est la cinquième fois en trois
mois qu’Antony Blinken visite Is-
raël. Depuis le début de la guerre,
les États-Unis soutiennent massi-
vement l’effort israélien. Mais il ne
s’agit pas d’un chèque en blanc.
Lundi, le président Joe Biden a af-
firmé « travailler discrètement »
avec le gouvernement israélien
pour « réduire significativement (la
présence militaire, NDLR) et quitter
Gaza. » Devançant les attentes de
son indispensable allié, le ministre
israélien de la Défense, Yoav Gal-
lant, avait annoncé, quelques jours
avant l’arrivée d’Antony Blinken,
le début d’une troisième phase
Cette prise de parole a aussi le mé-
rite de secouer la France, l’Italie ou
l’Espagne, implicitement visées, qui
investissent beaucoup moins que
l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la
Suède, reconnaissent aussi les diplo-
mates. Paris compte « beaucoup sur
les mécanismes de financements
européens » à la différence d’autres
pays, poursuit Camille Grand.
Présentées comme la seule com-
pilation existante, les données de
l’Institut Kiel sont sans appel : fin
octobre, les États-Unis avaient dé-
pensé l’équivalent de 44 milliards
d’euros pour le soutien militaire à
Kiev, les Allemands, 17 milliards et
les Britanniques 6,6 milliards. Loin
derrière les Pays-Bas ou les pays
nordiques, la France n’avait investi
que 0,54 milliard d’euros, l’Italie,
0,69 et l’Espagne 0,34. « Emmanuel
Macron avait parlé en 2022 de met-
tre en place une économie de guerre
et nous n’en avons pas vu l’applica-
tion », confirme Camille Grand.
« Volonté politique »
Pour Jean-Pierre Maulny, de l’Ins-
titut de relations internationales et
stratégiques (Iris), ces données
sont toutefois contestables car elles
reprennent aussi les livraisons de
vieux matériel qui n’auraient plus
servi. La France, qui a « une armée
active » et a toujours indiqué livrer
des armes sans le communiquer, a
fourni des Caesar ou des missiles
Scalp « coûteux et de haute techno-
logie », relativise-t-il.
En attendant, en décembre, les
États membres n’avaient livré que
300 000 munitions sol-sol et
3 300 missiles à l’Ukraine, en par-
tie issus des stocks existants.
Si les chiffres ont un peu aug-
menté, l’UE pourrait avoir besoin
de deux à trois mois supplémentai-
res pour parvenir à ce « million »,
même si le commissaire Thierry
Breton a assuré ce mardi que le ca-
lendrier serait tenu. Un glissement
d’agenda certes limité mais qui
compliquerait néanmoins les affai-
Le secrétaire
d’État américain,
Antony Blinken
(à gauche),
lors de sa rencontre
avec le ministre
israélien des Affaires
étrangères, Israel Katz
(deuxième à droite),
mardi, à Tel-Aviv.
E. HOCKSTEIN/REUTERS
res de Kiev sur le terrain, d’autant
plus à l’heure du statu quo finan-
cier aux États-Unis.
Pour la Commission, l’UE de-
vrait pourtant être en mesure de
tenir la cadence fin 2024. La pro-
duction ayant augmenté de 30 %
en un an, le bloc pourra s’engager
sur une livraison annuelle de
1,5 million de munitions, veulent
croire certains, qui pensent que le
problème actuel n’est pas dans la
capacité de production mais plutôt
dans les choix de l’industrie.
« Une industrie comme une autre
qui regarde ses bénéfices », rappel-
le Jean-Pierre Maulny, tous les
Kiev toujours en attente
d’armements lourds
Nombre d'armes lourdes annoncées et effectivement livrées
à l'Ukraine, au 31 octobre 2023, cinq premiers pays par catégorie
X Position de la France au classement
(si elle ne figure pas parmi les cinq premiers pays)
Livrées au 31 octobre 2023
Annoncés mais non livrées
Chars*
Pologne
Pays-Bas 23
Rép. tchèque 90
Allemagne 38 42
États-Unis 23 53
Obusiers
États-Unis
Italie 46 30
Royaume-Uni 28 30
Pologne
Rép. tchèque 38
7 France
24
Source : Kiel Institute, Ukraine Support Tracker
dans le nord du territoire palesti-
nien, où l’armée affirme avoir
« démantelé » la structure du com-
mandement du Hamas. Cette troi-
sième phase se concrétiserait par
moins de troupes sur le terrain et
des bombardements ciblés. Yoav
Gallant a également esquissé un
scénario pour l’après-guerre, où la
bande de Gaza serait administrée
par des Palestiniens. Autant d’élé-
ments qui pourraient laisser espé-
rer un possible retour de la popula-
tion civile dans le nord de la bande
de Gaza – selon l’ONU, environ
1,9 million de personnes ont été
déplacées, sur une population
d’environ 2,4 millions. Côté liba-
nais, la porte a été entrouverte
mardi, quand le premier ministre a
affirmé que son pays est prêt à des
négociations pour « arriver à un
processus de stabilité à long terme »
le long de la frontière avec Israël,
qui ne fait pas encore l’objet de re-
connaissance mutuelle.
Mais sur le terrain, les déclara-
tions diplomatiques se heurtent à
une situation qui reste extrême-
ment tendue. Toute la journée de
mardi, le Hezbollah a multiplié les
« Emmanuel
Macron
avait parlé
de mettre
en place
une économie
de guerre
et nous n’en
avons pas vu
l’application
CAMILLE GRAND,
» vite, ralentie à la fois par le manque
CHERCHEUR À L’ECFR
Lance-roquettes multiples
Royaume-Uni 3 3
Systèmes de missiles sol-air antiaériens
60
264
81
Véhicules de combat d'infanterie*
198
54
12
* Aucune annonce de livraison de la part de la France
INTERNATIONAL
tirs de roquette et les attaques de
drones dans le nord d’Israël. Les
sirènes ont résonné dans de nom-
breuses villes du Nord, jusqu’à Sa-
fed, à une quinzaine de kilomètres
au sud de la frontière avec le Liban.
Israël a répliqué par des bombar-
dements aériens. Le Hezbollah
semble décidé à venger l’assassinat
ciblé d’un chef du Hamas, la se-
maine dernière, dans un quartier
de Beyrouth.
“opportunités
Il y a de vraies
pour une
meilleure connectivité
et intégration
au Moyen-Orient
ANTONY BLINKEN
De son côté, après le traumatis-
me du 7 octobre, Israël ne veut plus
d’une telle menace à sa porte. Le
pays se dit encore prêt à donner sa
chance à une « fenêtre diplomati-
que » mais menace ouvertement
d’entrer en guerre contre le Hez-
bollah. Dans la bande de Gaza, les
bombardements et les combats se
contrats passés, même remboursés
en partie par les programmes
européens, n’allant pas tous vers
l’Ukraine. La Commission aimerait
d’ailleurs agir sur ce point en fé-
vrier dans sa stratégie industrielle
de défense, en assurant une priori-
sation dans les commandes d’ar-
mements en faveur de Kiev.
Mais l’UE, dit encore le cher-
cheur Karel Lannoo, du Centre
d’étude et de prospective stratégi-
que basé à Bruxelles, ne peut
structurellement pas aller plus
d’intégration des industries de la
défense, par des règles différentes
États-Unis
Rép. tchèque
Norvège 3 8 « espionnage »
Allemagne 5
6 France 2
Allemagne 6
Rép. tchèque 16
États-Unis 8 7
Espagne 7 6
Slovaquie 3
France 2
8
Rép. tchèque
Pays-Bas
États-Unis
Allemagne 60 40
Grèce
60
Infographie
LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024
7
sont déplacés dans le Sud, princi-
palement dans la ville de Khan
Younes. L’armée israélienne a an-
noncé mardi la mort de neuf sol-
dats supplémentaires, ce qui porte
à 185 le nombre de militaires tom-
bés, alors que, côté palestinien, le
ministère de la Santé du Hamas
évoque plus de 22 000 morts depuis
le début du conflit.
Antony Blinken doit également
compter avec l’opinion publique
israélienne. Un retour des Ga-
zaouis dans le nord de l’enclave
serait probablement très mal vu
alors que 136 personnes sont tou-
jours otages dans la bande de Gaza
et que plus de 80 000 civils israé-
liens sont déplacés depuis le début
”
de la guerre. Quand pourront-ils
rentrer chez eux ? Nahum Barnea,
le commentateur politique du
journal centriste Yedioth Ahronoth
ne cachait pas, mardi, son pessi-
misme. Selon lui, en promettant
l’éradication du Hamas, « Neta-
nyahou a créé des attentes que per-
sonne ne peut combler. Il nous a
condamnés à une guerre sans fin. »
Un scénario qu’Anthony Blinken
veut absolument empêcher. ■
sur ces mêmes armes, par la diffi-
culté de fabriquer de la poudre ou
par des problèmes de permis de
construction. Quand elle n’est pas
d’abord ralentie par les gouverne-
ments désireux de garder leurs
champions nationaux de l’arme-
ment, « comme la France ».
L’expert reste malgré tout opti-
miste, convaincu que « la volonté
politique » des Vingt-Sept est là
pour aider l’Ukraine. Une preuve ?
Selon Politico, le dirigeant hongrois
Viktor Orban serait même prêt à
lever son veto sur l’aide de 50 mil-
liards d’euros à Kiev, moyennant
certains aménagements. ■
EN BREF
32 6
33 Un Français détenu
par Bakou pour
Un homme d’affaires français
a été arrêté le 4 décembre
dernier en Azerbaïdjan,
a annoncé ce mardi
l’ambassadrice du pays
en France à l’AFP. Il est
soupçonné « d’avoir commis
18 des actes d’espionnage »
a indiqué Bakou. De son côté,
le Quai d’Orsay a dénoncé
une détention « arbitraire ».
Trump met en garde
contre le « chaos »
aux États-Unis
Auditionné par des juges
de la cour d’appel
de Washington, ce mardi,
Donald Trump a averti
201 que les poursuites le visant
risquaient d’amener
196 le « chaos » aux États-Unis.
« C’est très injuste quand
190 un opposant politique est
poursuivi par le ministère de
la Justice », a déclaré l’ancien
président, ajoutant que les
A
juges risquaient d’ouvrir
« la boîte de Pandore ».
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO
8 SOCIÉTÉ
Gérald Darmanin :
« L’islamisme peut
frapper la France
à tout moment »
En installant mardi Céline Berthon à la tête
de la DGSI, le ministre de l’Intérieur a campé
un inquiétant tableau de la menace terroriste.
CHRISTOPHE CORNEVIN £@ccornevin
SÉCURITÉ Alors qu’une grande fé-
brilité a gagné les membres du
gouvernement à l’approche d’un
remaniement imminent, Gérald
Darmanin, candidat déclaré à sa
succession, entend bien « finir le
travail qu’il a commencé » pour as-
surer le bon déroulement des Jeux
olympiques qui débuteront dans
200 jours. À l’adresse de Céline
Berthon, la nouvelle directrice gé-
nérale de la sécurité intérieure
(DGSI) qu’il est venu installer ce
mardi à Levallois-Perret, le loca-
taire de Beauvau a prévenu : « La
sécurisation des JO est le plus grand
événement mondial depuis un siècle
sur le territoire national », avant de
lâcher « c’est vous et c’est moi qui
allons notamment l’organiser ».
Placée aux commandes d’une
« maison sensible, stratégique et
prestigieuse », selon les termes du
ministre de l’Intérieur, Céline Ber-
thon a l’étoffe de la fonction.
« Choisie personnellement par le
président de la République », a rap-
pelé Gérald Darmanin, soulignant
Le grand défi
de la surveillance des
radicalisés sortis de prison
« LA MENACE terroriste issue du
milieu carcéral constitue un immen-
se défi, qui sera de plus en plus im-
portant pour la sécurité nationale.
Le nombre d’islamistes condamnés
est en augmentation et leur sortie
sera de plus en plus nombreuse » : à
l’occasion de l’installation de Céli-
ne Berthon à la tête de la Direction
générale de la sécurité intérieure,
Gérald Darmanin a insisté mardi
sur l’enjeu crucial du suivi des sor-
tants de prison.
L’attentat perpétré le 2 décem-
bre près du pont Bir-Hakeim par
Armand Rajabpour-Miyandoab,
terroriste d’origine iranienne âgé
de 26 ans et condamné à cinq ans
de détention en 2018 pour divers
projets d’attentats, avait jeté une
lumière crue sur ce sujet brûlant,
qui vire au casse-tête. Le sujet est
d’autant plus épineux que 70 déte-
nus écroués pour des crimes ter-
roristes vont être libérés de prison
dans les deux prochaines années.
Plus précisément, 36 sorties sont
programmées cette année et
34 autres en 2025. À 200 jours des
Jeux olympiques de Paris, les ser-
vices spécialisés tentent de resser-
rer encore les mailles d’un filet qui
n’a cessé de se tendre. Selon un
dernier bilan, l’Unité de coordina-
tion de la lutte antiterroriste
(Uclat) a recensé depuis juillet
2018 la remise en liberté de
quelque 486 terroristes islamistes
(TIS), dont 84 femmes. « Il s’agit
du point de vigilance principal, ma-
jeur pour nous tous et en particulier
pour la DGSI, qui surveille ce
phénomène », a affirmé l’hôte de
Beauvau devant un parterre de
cadres de la sécurité.
« Il n’y a aucun sortant qui se
retrouve dans la nature sans sur-
veillance », assurait-on le mois
dernier au ministère de l’Inté-
rieur, qui tient à jour des tableaux
A
confidentiels : en face de chaque
nom d’islamiste est inscrit un
que cette commissaire de police
devenue inspectrice générale « in-
carne le sens du devoir, de la droitu-
re et du travail bien fait ».
Autant d’atouts qu’il va falloir
mobiliser pour affronter une mena-
ce terroriste qualifiée « d’extrême-
ment élevée » par Gérald Darmanin,
qui a rappelé que la France a essuyé
depuis 2012 pas moins de 25 atta-
ques faisant 273 morts et des cen-
taines de blessés. « Dans la même
période, 21 attaques ont échoué et
74 projets d’attentats ont été dé-
joués », a précisé le ministre sa-
chant que « 2023 a été une année
particulièrement meurtrière » avec
l’attentat d’Arras le 13 octobre et
celui du pont Bir-Hakeim, à Paris le
2 décembre dernier, commis au
nom de Daech.
Contexte délétère
« La principale menace est celle de
l’islamisme, dont la volonté est de
transformer par la violence ce qui
fait le sel de la France et de ses va-
leurs », a assuré le ministre, per-
suadé que le « terrorisme de l’inté-
rieur, alimenté par le djihadisme
d’atmosphère, peut frapper à tout
service de renseignement, chargé
– et donc responsable - de le sui-
vre à la trace. Dans l’écrasante
majorité des cas (plus de 90 %), les
condamnés dans des affaires de
terrorisme, c’est-à-dire les plus
venimeux, sont pris en charge par
la DGSI tandis que les agents de la
Direction nationale du renseigne-
ment territorial (DNRT) et de la
Direction du renseignement de la
préfecture de police (DRPP) ci-
blent les radicalisés qui avaient été
incarcérés pour des affaires de
droit commun. En vertu d’un
« principe de continuité », les
policiers antiterroristes partagent
avec leurs homologues du Service
national du renseignement
pénitentiaire (SNRP) une « note
d’incarcération » détaillant le
profil du terroriste qui entre puis
sort de cellule.
« Pour limiter les risques de réci-
dive, les services répressifs dispo-
sent de deux leviers », rappelle un
préfet. Sur le plan judiciaire, figure
notamment l’obligation de parti-
ciper au dispositif Pairs (Program-
me d’accompagnement indivi-
dualisé et de réaffiliation sociale),
qui impose aux islamistes sortis de
prison trois à vingt heures d’en-
tretiens par semaine pour mesurer
leur « désengagement religieux »
et leurs possibilités de réinsertion.
« Depuis juillet 2021, l’arsenal judi-
ciaire a été renforcé par des mesu-
res de sûreté post-peine qui per-
mettent au juge, après évaluation,
d’allonger le suivi du radicalisé jus-
qu’à cinq ans après sa sortie de pri-
son », se félicite-t-on de même
source. Sur le plan administratif,
le maillage s’est aussi renforcé. En
petit comité, le ministère de l’In-
térieur a révélé début décembre
avoir mis en place, depuis 2017,
pas moins de 787 mesures indivi-
duelles de contrôle administratif
et de surveillance (Micas). « 80 %
d’entre elles ont été prises dès la
« La principale menace
est celle de l’islamisme,
dont la volonté est
de transformer
par la violence
ce qui fait le sel
de la France
et de ses valeurs »,
assure Gérald Darmanin,
ministre de l’Intérieur,
(ici, le 3 janvier,
à Marseille).
NICOLAS TUCAT/AFP
70 détenus écroués
pour des crimes
terroristes vont être
libérés de prison dans
les deux prochaines
années. A. FINISTRE/AFP
486
terroristes
islamistes
remis en liberté
depuis juillet 2018,
selon l’Unité
de concours de lutte
antiterroriste
moment ». Pointant du doigt des
« profils de radicalisés de plus en
plus jeunes », « de plus en plus auto-
nomes », le ministre a fustigé les
« discours de haine sur internet qui
mobilisent de nouveaux profils, au-
delà de la mouvance radicale tradi-
tionnelle, via la thématique du blas-
phème et d’une islamophobie
largement instrumentalisée par la
propagande islamiste ». Le premier
flic de France, qui a déjà brandi le
sortie de prison des islamistes »,
souffle un fonctionnaire de haut
rang qui précise que ces garde-
fous sont en théorie censés « in-
terdire les liens avec la sphère isla-
miste », « limiter les déplacements
à la commune » pour faciliter les
surveillances et « imposer un poin-
tage en commissariat ou en briga-
de, jusqu’à une fois par jour pour les
cas les plus dangereux ». « Le seul
problème d’une Micas, c’est qu’elle
n’est valable que pour une période
d’un an », grince un connaisseur
du dossier. C’est pour cette raison
que le gouvernement, en 2021,
avait essayé de porter son exten-
sion à deux ans avant que le
Conseil constitutionnel ne censure
cette initiative.
Aux aguets, les services de ren-
seignements musclent la riposte
sur le terrain. En plus des sur-
veillances physiques - une dizai-
ne d’agents doivent se relayer
pour suivre une cible H 24 - et le
suivi des réseaux, les agents font
appel à des moyens de plus en
plus sophistiqués. Ainsi, la Com-
mission nationale de contrôle des
techniques de renseignement a
révélé en juin dernier que la lutte
antiterroriste a nécessité en 2022
plus de 30 000 demandes d’es-
pionnage informatique, de géolo-
calisation en temps réels ou enco-
spectre d’un nouveau Bataclan, le
réaffirme : « La menace peut aussi
venir de personnes téléguidées de-
puis l’étranger, des commandos is-
lamistes prêts à partir des zones de
combat pour s’organiser et toucher
la France au cœur. »
À ce titre, la dernière édition de
la revue d’al-Qaida dans la pénin-
sule arabique (AQPA) a menacé
explicitement la France et la Suède
en raison de leur hostilité supposée
re d’interceptions téléphoniques.
Le tout pour surveiller 6 500 sus-
pects, classés sur une échelle
dangerosité allant de 1 (pour les
profils plus menaçants) à 3 (cen-
sés être moins nocifs).
“deIlvigilance
s’agit du point
principal,
majeur pour nous tous
et en particulier pour
la DGSI, qui surveille
”
ce phénomène
GÉRALD DARMANIN,
MINISTRE DE L’INTÉRIEUR
« À chaque violation des mesures
de contrôles, les sanctions tom-
bent », soufflait en décembre une
source autorisée, citant le cas
de Karim A., un « velléitaire »
condamné à 6 ans pour avoir vou-
lu rejoindre l’État islamique en
Syrie, sorti de prison en 2023 et
interpellé le 17 octobre dernier
après un signalement de la DGSI
qui avait détecté la diffusion de
propos apologétiques. « L’examen
de son ordinateur a permis de
confirmer les soupçons : le 16 no-
vembre dernier, il a été condamné
par le tribunal de Bobigny à 6 ans de
prison, avec une peine de sûreté des
à l’islam. Dans ce contexte délétè-
re, 1983 faits (dégradations, apolo-
gie, etc.) ont été relevés et 762 per-
sonnes ont été interpellées en lien
avec le conflit israélo-palestinien.
Forte de 5 000 agents, la DGSI est à
la pointe de cette lutte contre les
ennemis de la République.
Solennel, Gérald Darmanin a re-
pris ce mot du général de Gaulle,
prononcé il y a soixante-quinze
ans : « Le siècle est dur. Jamais je
deux tiers », siffle-t-on de même
source. C’est aussi pour avoir glo-
rifié le djihad à sa sortie de prison
qu’Abdulhamid A., un réfugié
syrien arrivé en France en 2016, a
quant à lui été interpellé en octo-
bre à Dax (Landes) avant d’écoper
de 5 ans d’emprisonnement et
d’une mesure d’expulsion assortie
de 10 ans d’interdiction du terri-
toire. « Depuis août dernier, neuf
sortants de prison, parmi lesquels
un Somalien, trois Algériens et deux
Franco-Turcs ont été éloignés »,
a-t-on détaillé Place Beauvau.
À force de travailler sur des pro-
cédures très documentées, les
analystes de la DGSI ont établi une
typologie répartissant les sortants
islamistes en trois catégories.
« Dans un peu plus de 60 % des
cas, ils sont considérés comme dé-
sengagés, c’est-à-dire en rupture
avec l’idéologie djihadiste », a
expliqué un cadre du renseigne-
ment, ajoutant qu’il « s’agit de
velléitaires qui voulaient partir dès
2012 ou 2013 sur zone et dont
l’activité ne soulève a priori plus
d’inquiétude depuis leur sortie de
prison ». Les 40 % restants pré-
sentent des profils « prosélytes et
violents », toujours ancrés dans
l’idéologie radicale et ayant un
profil de « leaders charismati-
ques » en raison de l’aura dont ils
ont bénéficié derrière les bar-
reaux. S’y trouvent aussi le groupe
des « ambivalents », sur lesquels
les services n’ont pas assez d’élé-
ments pour considérer qu’ils sont
« désengagés ». Ce sont eux qui
peuvent dévisser à tout instant, à
l’instar du tueur radicalisé
Armand Rajabpour-Miyandoab,
sorti de prison il y a trois ans avec
des alertes psychiatriques qui
n’ont pas été signalés, jusqu’à ce
qu’il ne sème la mort non loin de la
tour Eiffel. Véritable angle mort, le
suivi de ceux que les experts de
l’antiterrorisme ont longtemps
nommés les terroristes « hybri-
des », tuant au nom d’Allah et
présentant de graves troubles
mentaux. Aujourd’hui, ces vrais
« fous de dieu » représentent
20 % des 5 200 radicalisés faisant
l’objet d’un suivi actif au Fichier
des signalements pour la préven-

n’ai dit aux Français : bonnes
gens, dormez en paix. » Devant
un aréopage d’agents de la DGSI
et de hauts responsables de la sé-
curité, le ministre a rajouté : « Je
ne le dirai pas aujourd’hui davan-
tage, tant le trouble est partout et
le péril rode. » À 200 jours de la
cérémonie inaugurale des JO,
susceptible d’être révisée en cas
de vague d’attentats, le défi est
immense. ■
tion de la radicalisation à carac-
tère terroriste (FSPRT). « Sous
l’impulsion du ministre de l’Inté-
rieur, les services de renseigne-
ments ont renforcé leurs liens
avec les professionnels de santé
et le milieu de la psychiatrie »,
insiste un proche du dossier.
Alors que les praticiens don-
nent leur avis, sous le couvert du
secret médical, lors de groupes
d’évaluation départementaux
qui suivent au cas par cas les is-
lamistes potentiels, sous l’auto-
rité des préfets, la DGSI s’est ad-
joint les services de deux
médecins psychiatres qui aident
les enquêteurs à mettre des mots
sur ce qui relève de problèmes
psychologiques ou d’une vraie
pathologie mentale. « Ils per-
mettent aussi de mieux aiguiller
des dossiers vers des filières mé-
dicales », souffle un responsable
policier qui garde en mémoire ce
séminaire organisé en 2022 à la
DGSI, lors duquel une dizaine de
praticiens sont intervenus de-
vant une centaine d’enquêteurs
venant de plusieurs services.
Pour réduire encore la marge de
risques, le ministère de l’Inté-
rieur planche sur un projet
visant à contraindre un suspect
radicalisé à consulter un méde-
cin en cas de doute sur son
équilibre mental.
Plus que jamais, cette inlas-
sable bataille menée par le mi-
nistère de l’Intérieur pour com-
bler les trous dans la raquette
s’avère impérieuse. Elle l’est
d’autant plus que, selon un dé-
compte datant de décembre
dernier, les geôles françaises
abritaient encore 319 détenus
(TIS) écroués pour des faits ter-
roristes et 462 détenus de droit
commun (trafiquants, voleurs,
délinquants sexuels etc.) qui
présentent des profils de radi-
calisés avant même d’entrer en
prison. Parmi eux figurent sans
nul doute des bombes ambu-
lantes qui n’ont qu’un seul des-
sein : faire à nouveau couler le
sang une fois leur liberté
retrouvée, au nom de leur idéo-
logie mortifère dont la seule is-
sue est la mort. ■ C. C.
Le cardinal Sarah s’indigne de la
bénédiction des couples homosexuels
Pour le prélat africain, il s’agit d’« une hérésie qui mine gravement l’Église ».
JEAN-MARIE GUÉNOIS £@jmguenois
RELIGION La déclaration « Fidu-
cia supplicans » du dicastère pour
la Doctrine de la foi, datée du
18 décembre 2023 et signée par le
cardinal Victor Manuel Fernan-
dez, ouvrant la possibilité de bénir
des couples homosexuels, conti-
nue de susciter de vives réactions.
Celle du cardinal africain Robert
Sarah, ancien préfet de la Congré-
gation pour le culte divin, n’est
pas passé inaperçue au Vatican.
Dans un « message de Noël »
publié lundi 8 janvier sur le site
diakonos.be dans sa version origi-
nale française, ce haut prélat de
« chose
L’unique
à demander
aux personnes
qui vivent une
relation contre
nature, c’est
de se convertir
et de se
conformer
à la Parole
de Dieu »
LE CARDINAL SARAH
Le cardinal Sarah
lors d’une prière
à la cathédrale
Notre-Dame
des Victoires
de Dakar,
le 4 décembre,
au Sénégal.
GUY PETERSON/AFP
À Rome, les écrits de jeunesse du gardien du dogme font scandale
OCCUPÉ ces derniers temps à dé-
fendre sa déclaration officielle
autorisant la bénédiction sous
conditions des couples homo-
sexuels, le cardinal Victor Manuel
Fernandez, préfet du dicastère
pour la Doctrine de la foi, se retrou-
Le cardinal Fernandez, ve au cœur d’une autre tempête.
préfet du dicastère Lundi 8 janvier, des sites amé-
pour la Doctrine de la foi, ricains de sensibilité traditionalis-
le 30 septembre, te ont exhumé un ouvrage signé
au Vatican. par ce prélat et publié au Mexique
RICCARDO DE LUCA/AP en 1998 sous le titre La pasion mis-
78 ans originaire de Guinée en-
tend exprimer un sentiment do-
minant sur le continent africain,
plutôt choqué par la décision ro-
maine. Dans son texte, il remercie
ainsi les Conférences des évêques,
africaines notamment, qui ont fait
part d’une « opposition ferme » à
« Fiducia supplicans ». Pour lui,
« il faut encourager les autres
conférences épiscopales nationales
ou régionales et chaque évêque à
faire de même. Faisant ainsi, on ne
s’oppose pas au pape François,
mais on s’oppose fermement et ra-
dicalement à une hérésie qui mine
gravement l’Église, Corps du
Christ, parce que contraire à la foi
catholique et à la Tradition. »
tica : espiritualidad y sensualidad
(« La passion mystique : spiritua-
lité et sensualité »). Certains
crient au « blasphème » ou à la
« porno-théologie » pour affaiblir
celui à qui François a remis les clés
de l’interprétation la plus autori-
sée de la théologie catholique. Des
attaques qui soulignent aussi la
volonté du père Fernandez,
61 ans, de mettre ce livre sous le
boisseau, ne le citant jamais dans
sa bibliographie officielle. De
Il met également en garde ses
confrères africains, mais aussi
tous les évêques, pour « la pro-
chaine session du Synode sur la sy-
nodalité », qui se déroulera en oc-
tobre 2024 à Rome, où, « malgré
les promesses d’écoute et de respect
(…), la confusion, suscitée par la
déclaration “Fiducia supplicans”,
pourrait réapparaître sous d’autres
formulations plus subtiles et plus
cachées ». Il prévient : « Il nous
faudra être vigilants avec les mani-
pulations et les projets que certains
préparent déjà pour cette prochaine
session du Synode. »
Ce cardinal très connu mondia-
lement voit dans ce combat une
« mission providentielle » de l’Église
d’Afrique. Elle consisterait « peut-
être à rappeler à l’Occident que
l’homme n’est rien sans la femme, la
femme n’est rien sans l’homme et les
deux ne sont rien sans ce troisième
élément qu’est l’enfant ». Et qu’« il
est impossible » à cette Église afri-
caine d’« accepter des idéologies
inhumaines promues par un Occi-
dent déchristianisé et décadent ».
D’autant que « certains évêques sè-
ment le doute et le scandale dans les
âmes de foi en prétendant bénir les
unions homosexuelles comme si elles
étaient légitimes, conformes à la
nature créée par Dieu, comme si el-
les pouvaient conduire à la sainteté
et au bonheur humain. Ils ne font
qu’engendrer erreur, scandale,
doutes et déceptions. »
Sur la méthode, le cardinal est
radical. Si le « manque de clarté »
de la déclaration du dicastère pour
la Doctrine de la foi, publiée « avec
l’approbation du pape François »
n’a fait qu’« amplifier le trouble qui
règne dans les cœurs », elle est le
signe que « le diviseur a semé la
confusion jusqu’au sein de l’Égli-
se ». Il ne voit donc qu’une répon-
se : « On ne discute pas avec le dia-
ble ! », en citant le pape François.
« Dans la logique de cet enseigne-
ment du pape François, nous aussi
ne discutons pas avec le diviseur.
N’entrons pas en discussion avec la
déclaration “Fiducia supplicans”,
ni avec les diverses récupérations.
Répondons simplement par la Pa-
role de Dieu et par le Magistère et
l’enseignement traditionnel de
l’Église », conclut Robert Sarah.
Mais « que dire à des personnes
engagées dans des unions homo-
même fut-il l’auteur d’un autre
livre en 1995, également disparu
de sa bibliographie officielle, qui
fit polémique lors de sa nomina-
tion à Rome il y a six mois :
Sáname con tu boca. El arte de be-
sar (« Guéris-moi avec ta bouche.
L’art du baiser »).
Lundi soir, Fernandez a recon-
nu sur le site américain Crux être
effectivement l’auteur du livre sur
la « passion mystique ». Il a préci-
sé : « Je ne l’écrirais certainement
“certainement
Je ne l’écrirais
pas
aujourd’hui et je n’ai
jamais autorisé
”
sa réimpression
LE CARDINAL VICTOR MANUEL FERNANDEZ
pas aujourd’hui » et « je n’ai jamais
autorisé sa réimpression ». Il ra-
conte avoir réalisé seulement
après la publication que ses pro-
pos pourraient être « mal inter-
prétés ». Il voulait alors accompa-
gner des « couples » qui l’avaient
interrogé sur le sens spirituel des
relations sexuelles.
Trois chapitres du livre rédigé
en espagnol (disponibles en fran-
çais sur le site Le salon beige) sont
particulièrement mis en cause. Le
premier décrit de manière crue les
LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024
SOCIÉTÉ 9
sexuelles ? Comme Jésus, osons la
première des miséricordes : la véri-
té objective des actes. » Et le pas-
teur de citer le Catéchisme de
l’Église catholique en affirmant
que les « relations » homosexuel-
les sont une « dépravation grave »,
que les « actes d’homosexualité »
ayant toujours été « déclarés »
comme « intrinsèquement désor-
donnés » ne « sauraient recevoir
d’approbation en aucun cas ».
Le cardinal Sarah précise aussi-
tôt que « cette objectivité de la vé-
rité n’est pas contraire avec l’at-
tention portée à l’intention
subjective des personnes », mais
que « l’unique chose à demander
aux personnes qui vivent une rela-
tion contre nature, c’est de se
convertir et de se conformer à la
Parole de Dieu ». Toujours en ac-
cueillant ces personnes « avec res-
pect, compassion et délicatesse » et
en évitant « toute marque de dis-
crimination injuste ». Pour lui, ci-
tant encore le Catéchisme de
l’Église catholique : « Les person-
nes homosexuelles sont appelées à
la chasteté (…), elles peuvent et
doivent se rapprocher, graduelle-
ment et résolument, de la perfection
chrétienne. »
“n’estLa refusée
prière de l’Église
à personne. Mais
elle ne peut jamais
”
être détournée
LE CARDINAL SARAH
D’où son rejet des bénédictions
de couples homosexuels : « Per-
mettez-moi de ne pas tomber dans
de vaines arguties à propos du
sens du mot bénédiction. Il est évi-
dent que l’on peut prier pour le pé-
cheur, il est évident que l’on peut
demander à Dieu sa conversion. Il
est évident que l’on peut bénir
l’homme qui, peu à peu, se tourne
vers Dieu pour demander humble-
ment une grâce de changement
vrai et radical de sa vie. La prière
de l’Église n’est refusée à person-
ne. Mais elle ne peut jamais être
détournée pour devenir une légiti-
mation du péché, de la structure
de péché ou même de l’occasion
prochaine du péché. » ■
effets physiologiques et psycholo-
giques de l’acte sexuel chez
l’homme et chez la femme selon
Fernandez qui conclut : « Dieu
peut être présent lorsque deux êtres
humains s’aiment et atteignent
l’orgasme ; et cet orgasme, vécu en
présence de Dieu, peut aussi être un
acte sublime d’adoration de Dieu. »
Mais il prévient : « Dans cette
rencontre d’amour, chacun ne re-
cherche pas à tout prix son propre
plaisir, mais traite l’autre avec
une délicatesse et une tendresse
qui reflètent l’amour divin, cher-
chant à ce que l’autre jouisse aussi
le plus possible et soit immensé-
ment heureux. Ainsi, le plaisir de
l’orgasme devient un avant-goût
de la merveilleuse fête de l’amour
qu’est le paradis. »
Dans sa « théologie du corps »,
Jean-Paul II avait réhabilité la
question du plaisir sexuel mais en
le liant à une possible « ouverture à
la vie », dimension de procréation
qui n’apparaît pas dans cet écrit
du cardinal Fernandez, ce qui
ajoute à la confusion romaine.
Sans compter que l’un de ses pre-
miers collaborateurs, le secrétaire
adjoint du dicastère pour la
Doctrine de la foi, Mgr Charles
Jude Scicluna a déclaré dimanche
que l’Église devait, à présent,
« penser sérieusement » à laisser le
choix, aux prêtres catholiques, du
célibat sacerdotal. ■ J-M.G.
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO
10 SCIENCES
Climat : 2023, année la plus chaude
« de ces 100 000 dernières années »
Des hausses de température record sur l'ensemble de la planète
Anomalies mondiales de température de l’air en surface par rapport à la période 1991-2020, en °C
- 6 °C
Los Angeles
Mexico
Bogotà
Source : Copernicus
Le monde a frôlé
le seuil de + 1,5 °C
fixé par l’accord
de Paris, selon
le programme
européen
Copernicus.
ANNE-LAURE FRÉMONT
alfremont@lefigaro.fr
CLIMAT Les observateurs n’avaient
pas attendu la fin de l’année pour
l’affirmer, mais c’est désormais
chose certaine : 2023 a bel et bien
été l’année la plus chaude jamais
enregistrée depuis au moins 1850.
Elle dépasse même « largement »
2016, le précédent record, a
confirmé mardi le programme
européen Copernicus sur le chan-
gement climatique (C3S).
Ponctuée par des mois de sé-
cheresse en Afrique et des incen-
dies de forêt dévastateurs en Eu-
rope et au Canada, « 2023 a été une
année exceptionnelle où les records
climatiques sont tombés comme des
dominos, a réagi dans un commu-
niqué Samantha Burgess, directri-
ce adjointe du C3S. Non seulement
2023 est l’année la plus chaude ja-
mais enregistrée, mais c’est aussi
la première année où tous les jours
dépassent de plus de 1 °C la tempé-
rature de la période préindustriel-
le. » Selon elle, les températures
de 2023 « dépassent probablement
celles de n’importe quelle période
au cours des 100 000 dernières an-
nées au moins. » Une estimation
réalisée en comparant les obser-
vations récentes aux données pa-
léoclimatiques citées dans les rap-
ports du Giec, qui s’appuient sur
les archives contenues dans les
couches sédimentaires profondes,
les squelettes de coraux ou les ca-
rottes de glace afin de « recons-
truire » le climat passé.
Le réchauffement climatique
actuel est directement lié à l’aug-
mentation de la concentration des
gaz à effet de serre dans l’atmos-
phère : celle de dioxyde de carbo-
ne a, par exemple, atteint 419 par-
ties par million (ppm) en 2023,
soit 2,4 ppm de plus qu’en 2022. Il
a aussi été renforcé l’an dernier
par les variations naturelles du
climat tel que le phénomène
El Niño, une anomalie chaude au
niveau des eaux équatoriales du
Pacifique qui tend à augmenter la
température mondiale. Samantha
Burgess a toutefois tenu à rappeler
mardi en conférence de presse
que « 2023 aurait été une année
A
exceptionnelle même sans
El Niño », qui a émergé en avril et
-3 -2 -1 - 0,5 - 0,2 0,2 0,5
Moscou
Londres Istanbul
Paris
New York
Le Caire
Riyadh
Lagos
São Paulo
Le Cap
n’a été officiellement déclaré
qu’en juillet. Preuve en est des re-
cords de température enregistrés
dès le mois d’avril à la surface des
océans, bien avant que l’influence
d’El Niño ne se diffuse au-delà des
eaux du Pacifique.
Sur l’ensemble de l’année, la
température moyenne mondiale a
ainsi atteint 14,98 °C, soit 0,17 °C
de plus qu’en 2016… et 1,48 °C de
plus que la moyenne de la période
préindustrielle (1850-1900). 2023
a donc frôlé la limite de 1,5 °C fixée
par l’accord de Paris qui vise à li-
miter le réchauffement de la pla-
nète et ses impacts. D’ailleurs, « il
est probable que sur la période de
douze mois se terminant en janvier
ou février 2024, on dépasse de
1,5 °C le niveau préindustriel », no-
tent les responsables de Coperni-
cus, qui analysent des milliards de
mesures provenant de satellites
mais aussi de navires, avions et
stations météorologiques à tra-
vers le monde.
« Un précédent
désastreux »
Les experts rappellent toutefois que
« cela ne signifie pas que nous avons
dépassé les limites fixées par l’ac-
cord de Paris puisqu’elles font réfé-
rence à des périodes d’au moins
vingt ans au cours desquelles cette
anomalie de température moyenne
serait dépassée ». Néanmoins,
« cela crée un précédent désas-
treux ». Sans compter que, en 2023,
près de la moitié des journées excè-
dent déjà + 1,5 °C ; et pour la pre-
mière fois, deux jours de novembre
ont été plus de 2 °C plus chaud que
la moyenne préindustrielle.
En France, comme en Europe,
2023 s’est classée au deuxième
rang des années les plus chaudes,
selon Météo-France. « Avec une
température moyenne de 14,4 °C »,
elle talonne de très près le record
de 2022, affichant seulement
0,1 °C de moins.
La moitié de l’année a enregistré
des records de chaleur
Anomalies mondiales de température de l’air en surface, par mois
par rapport à la période 1991-2020
1 2 3 6 °C
0,8 °C
Pékin
Tokyo 0,5 °C
Shanghai
Hongkong 0,3 °C
Mumbai
0 °C
Singapour
Nairobi
Jakarta
−0,3 °C
−0,5 °C
Sydney
−0,8 °C
−1 °C
janvier fév. mars avril mai juin
Plus globalement, les océans, qui
absorbent 90 % de l’excès de cha-
leur du système terrestre provoqué
par l’activité humaine, n’ont pas
non plus été épargnés l’an dernier :
les températures moyennes de sur-
face de la mer « sont restées durable-
ment et exceptionnellement élevées,
atteignant des niveaux records pour
la période de l’année allant d’avril à
décembre », selon les données euro-
péennes. Un record historique pour
les océans (20,96 °C) a même été at-
teint le 30 juillet 2023, le précédent
datant de mars 2016. Ce réchauffe-
ment a donné lieu à des vagues de
chaleur marines dans le monde en-
tier, notamment dans certaines par-
ties de la Méditerranée, du golfe du
Mexique ou des Caraïbes.
La quasi-totalité des événements extrêmes
ont été causés par le réchauffement climatique
CYRILLE VANLERBERGHE
cvanlerberghe@lefigaro.fr
LES RECORDS de chaleur battus
pendant l’année 2023 se sont ac-
compagnés d’un nombre inhabi-
tuellement élevé d’événements
météorologiques extrêmes, entre
sécheresses, inondations et cani-
cules, sur tous les continents.
« Depuis 2015, nous n’avions jamais
eu autant d’événements extrêmes
dont la gravité était telle qu’elle
aurait mérité une étude d’attribu-
tion, pour voir s’ils étaient ou non
liés aux effets du changement cli-
matique provoqué par les activités
Le village d’Isques humaines », explique Friederike
(Pas-de-Calais) Otto, climatologue au Grantham
sous les eaux, touché Institute de l’Imperial College à
par la crue de la Liane, Londres et cofondatrice du
début novembre. consortium WWA (World Wea-
DENIS CHARLET/AFP ther Attribution) lors d’une confé-
Années de 1940 à 2010 De 2010 à 2022
À partir de juin, chaque mois de 2023 a été
le plus chaud jamais enregistré.
juil.
Au niveau des pôles, qui se ré-
chauffent bien plus vite que le reste
du globe, même constat : au sud, la
glace de mer de l’Antarctique a at-
teint des minima records sur huit
mois et son étendue a atteint son
niveau le plus bas (quotidien et
mensuel) en février 2023. Au nord,
l’été dernier a été le plus chaud ja-
mais enregistré dans l’Arctique,
avec une température moyenne de
6,4 °C, selon les récentes données
de l’Agence atmosphérique et
océanique américaine (NOAA).
« Les extrêmes que nous avons
observés ces derniers mois témoi-
gnent de façon dramatique de la
distance qui nous sépare aujour-
d’hui du climat dans lequel notre ci-
vilisation s’est développée , a ainsi
rence de presse. « Au total, 120
événements dans l’année ont affecté
chacun plus de 1 million de person-
nes ou fait plus d’une centaine de
morts, ce qui est du jamais-vu. »
Dans la plupart des cas, la gran-
de majorité des catastrophes mé-
téorologiques de 2023 ont été soit
causées, soit aggravées par le ré-
chauffement climatique. Un lien
mis en lumière depuis plusieurs
années par les rapports du Giec,
qui alertent sur le fait que l’aug-
mentation globale des températu-
res va accroître les risques d’inon-
dations, de canicules et de
sécheresses dans la plupart des ré-
gions de la planète.
Des précipitations
en hausse de 15 % à 30 %
Par manque de moyens humains,
seules 14 des 120 catastrophes iden-
tifiées par le WWA ont pu faire
l’objet d’une analyse climatique et
statistique de la part de ses experts.
Mais grâce à un nouvel outil dont
les analyses sont plus simples et
plus rapides, une autre équipe in-
ternationale menée par des cher-
cheurs français a pu en analyser le
double. « Sur les 26 événements cli-
matiques extrêmes que nous avons
étudiés, 23 sont liés au changement
climatique d’origine humaine », ex-
plique le climatologue Davide Fa-
randa, directeur de recherche
CNRS au Laboratoire des sciences
du climat et de l’environnement
(LSCE). Avec d’autres chercheurs
français et des partenaires interna-
tionaux, il a mis en place ClimaMe-
ter, un nouveau système d’étude
des catastrophes climatiques hé-
bergé par l’Institut Pierre-Simon-
Laplace, en région parisienne.
L’équipe a notamment constaté que
les % inondations dramatiques qui
ont commencé en fin d’année dans
le Pas-de-Calais ont été accentuées
2023
août sept. oct. nov. déc.
Infographie
commenté Carlo Buontempo, di-
recteur du C3S. Cela signifie
concrètement que nos villes, nos
routes, nos monuments, nos fermes
n’ont jamais eu à gérer un climat
aussi chaud , a-t-il ajouté en
conférence de presse, appelant à
décarboner notre économie de
toute urgence .
Selon le programme Copernicus,
l’événement El Niño devrait
culminer au cours des deux pro-
chains mois, puis s’affaiblir. Le Met
Office (le service de météorologie
britannique) estime pour sa part
que l’année 2024 pourrait être en-
core plus chaude : la température
moyenne mondiale devrait se si-
tuer entre 1,34 °C et 1,58 °C au-des-
sus de l’ère préindustrielle. ■
par le réchauffement, avec des pré-
cipitations plus fortes de 15 % à
30 % que si le climat restait stable.
La hausse des températures permet
à l’atmosphère de contenir de plus
grandes quantités de vapeur d’eau,
ce qui se traduit par des pluies plus
abondantes. « Les inondations
auraient été possibles sans le ré-
chauffement, mais elles auraient été
moins graves », résume Pascal Yiou,
chercheur au LSCE et membre de la
collaboration ClimaMeter.
De la même manière, le cyclone
Daniel, qui a traversé début sep-
tembre la Méditerranée depuis
l’Italie avant de frapper la Libye,
entraînant la rupture de deux bar-
rages qui ont tué plus de
10 000 personnes, a lui aussi été
fortement renforcé par les change-
ments climatiques, s’accordent le
WWA et ClimaMeter. Dans des cas
encore plus extrêmes, certains
événements n’auraient jamais pu
se produire sans le réchauffement.
C’est le cas de la canicule qui a
frappé Madagascar en octobre,
avec des températures de plus de
6 °C au-dessus des normales, et
plusieurs records absolus battus
dans la capitale, Tananarive, alors
qu’il ne s’agissait que du début de
la saison chaude, qui culmine nor-
malement en décembre et janvier.
Selon le WWA, il y a encore quel-
ques décennies les niveaux de cha-
leur atteints auraient été « virtuel-
lement impossibles ». Avec le
réchauffement global actuel de
+ 1,2 °C, cela reste un événement
exceptionnel voué à ne se produire
qu’une fois tous les cent ans. Mais
si la planète venait à se réchauffer
de 2 °C, ce qui reste bien en dessous
de la trajectoire envisagée sans ra-
lentissement des émissions de gaz
à effet de serre, Madagascar
connaîtra des canicules équivalen-
tes tous les cinq ans. ■

SPORT
Décès de
l’intrépide
J. P. R. Williams,
icône du rugby
Le légendaire arrière gallois
est décédé à l’âge de 74 ans. Il laisse
une trace indélébile dans le jeu.
DAVID REYRAT £@DavidReyrat
RUGBY Cheveux longs au vent et
épaisses rouflaquettes, il était le
Beatles de l’équipe de rugby galloise.
Celui qui, chaussettes roulées aux
chevilles, osait les plus audacieuses
relances sans jamais craindre de
jouer des poings aux côtés de ses
avants. La définition stylée du gent-
leman pratiquant un sport de
voyous. Encore plus quand, enfant,
il était déposé à l’école en… Rolls-
Royce, conduite par son père. « Une
incitation supplémentaire pour prou-
ver à mes amis que j’étais un dur, et
l’un d’entre eux », racontait-il des
années plus tard. John Peter Rhys
Williams, entré dans la légende sous
le nom de J. P. R. Williams, est décé-
dé ce lundi 8 janvier, à l’âge de
74 ans, à l’hôpital universitaire du
pays de Galles. Foudroyé par une
méningite bactérienne. Une dispari-
tion qui endeuille toute la Principau-
té et le monde du rugby qui vouait
un culte à ce chirurgien orthopédiste
resté dans les mémoires comme l’un
des meilleurs joueurs de l’histoire.
Par son talent et son palmarès.
C’est sous le maillot rouge aux
trois plumes d’autruche (que cer-
tains ont pris pour un « poireau »,
sobriquet resté à jamais) qu’il a forgé
son mythe au fil de ses 55 sélections
(la première en 1968, à seulement
19 ans). Huit Tournoi des cinq na-
Remili : « Réussir l’inédit doublé Euro-JO, un beau défi »
À un peu plus de six mois des Jeux à Paris, le handballeur fixe les ambitions de l’équipe de France masculine. Toujours élevées.
PROPOS RECUEILLIS PAR
CÉDRIC CALLIER ccallier@lefigaro.fr
HANDBALL 28 ans. L’âge de la
raison, ou plus encore de la stabilité,
pour Nedim Remili. Après une
période compliquée, entre divers
pépins physiques et une expérience
à Kielce (Pologne) qui a tourné court
au bout de six mois, l’arrière fran-
çais a retrouvé une assise plus solide
en rejoignant un autre grand club
européen, Veszprém (Hongrie).
Plus serein, mieux dans son corps,
l’ancien joueur du Paris SG sera l’un
des principaux atouts d’une équipe
de France en quête d’un quatrième
sacre continental lors de l’Euro, qui
s’ouvre pour elle ce mercredi face à
la Macédoine du Nord (18 h, beIN
Sports). Une couronne européenne
qui manque encore au palmarès du
Cristolien, déjà champion du
monde (2017) et olympique (2021).
Et, alors que se profilent à grandes
enjambées des JO 2024 à domicile,
les Bleus veulent envoyer un
message fort à la concurrence.
LE FIGARO. - Qu’avez-vous pensé
du troisième titre mondial
décroché par vos homologues
féminines en décembre ?
Nedim REMILI. - Elles ont fait une
compétition incroyable. Comme
tout le monde, j’ai eu un peu peur
après le premier match contre l’An-
gola gagné d’un rien. Mais, derrière,
je pense que ce succès difficile les a
rendues plus fortes pour la suite et
au final c’est vraiment un magnifi-
que titre, qui va leur permettre
d’arriver lancées aux Jeux.
On reste toujours ébahi
par la réussite du handball français
tions remportés (en 1969, 1970, 1971,
1973, 1975, 1976, 1978 et 1979) et un
Grand Chelem bouclé à trois reprises
(en 1971, 1976 et 1978). Le pays de
Galles régnait alors sur l’Europe,
avec sa ligne d’attaque légendaire,
Gareth Edwards et Phil Bennett à la
charnière, ainsi que l’ébouriffant
triangle d’attaque qu’il composait
avec les ailiers J. J. Williams et Gerald
Davies. Avec eux, J. P. R. Williams
s’est également illustré sous le
maillot des Lions britanniques et ir-
landais. Remportant la série de test-
matchs en Nouvelle-Zélande en 1971
- toujours la seule série victorieuse
des Lions face aux All Blacks -, puis
celle en Afrique du Sud en 1974. Deux
tournées lors desquelles il fut titulai-
re lors des huit rencontres ! En 1971,
c’est son drop de près de cinquante
mètres qui avait permis d’arracher le
match nul pour remporter la série
deux victoires à une.
Un palmarès XXL donc. Mais aussi
une trace indélébile dans l’histoire
du jeu. Car J. P. R. Williams a révolu-
tionné le poste d’arrière. Il fut l’un
des premiers (à la suite du Français
Pierre Villepreux) à délaisser le fond
de terrain pour s’intercaler dans la
ligne de trois-quarts. « J’ai eu la
chance de jouer à une époque où, avec
le changement de règles, les arrières
étaient encouragés à relancer plutôt
qu’à trouver des touches, rappelait-il
dans le journal gallois Wales Online.
C’était une bonne nouvelle pour moi
et sa capacité à sans cesse
se régénérer d’une génération
à une autre…
Oui, c’est vrai que l’on parle sou-
vent de cet héritage qui se perpétue
dans le temps. Cela symbolise bien
le handball français. Nous avons la
chance d’avoir eu avant nous des
équipes qui ont remporté des titres,
qui nous ont démontré que c’était
possible, qu’il n’y avait pas de rêve
trop grand. Nous avons eu des
exemples à suivre. Après, cela peut
aussi être un héritage lourd à porter
lorsque l’équipe précédente a tout
gagné. Ce n’est pas toujours facile à
assumer, mais, jusqu’à présent, j’ai
toujours vu des jeunes arriver en
équipe de France avec un esprit
conquérant, plutôt qu’écrasés par la
pression.
Vous souvenez-vous de vos propres
premiers pas en équipe de France ?
Je suis arrivé un peu sur la pointe
des pieds. Tu ne sais jamais com-
ment tu vas être accueilli dans un
groupe, mais, en équipe de France,
les jeunes ont toujours la chance
d’être intégrés avec intelligence et
bienveillance, aussi bien chez les
hommes que chez les femmes. En-
suite, on te fait très vite sentir qu’un
jour, tu seras important, il y a un
climat qui diffuse de la confiance.
Le risque, pour un jeune
qui intègre l’équipe de France,
est-il de vouloir trop en faire ?
Oui, c’est possible. Personnelle-
ment, je me souviens que, à mes dé-
buts, Claude Onesta (le sélectionneur
de l’époque, NDLR) m’avait pris à
part pour me dire que j’étais pour
l’instant juste un petit jeune qui était
là pour apprendre et accompagner
les anciens du mieux possible. Je
J. P. R. Williams, parce que j’aimais courir avec le bal- de diriger les Lions en 2009), a été
lors de la victoire lon. Je n’avais pas un bon jeu au pied impératif. « J. P. R. était le meilleur
du pays de Galles et je n’aimais pas beaucoup l’utili- arrière que le rugby ait jamais vu.
contre l’Irlande (25-9), ser… » Point. Il y a eu des arrières fantasti-
pendant le Tournoi Les hommages se sont évidem- ques mais si je devais en choisir un
des 5 nations,
ment multipliés depuis l’annonce de avec qui jouer à nouveau, ce serait lui
le 15 janvier 1977
à Cardiff. sa disparition. Les Lions britanni- tous les jours de la semaine. C’était un
BESNIER/PRESSE SPORTS ques et irlandais ont salué la mémoi- tel plaisir de jouer à ses côtés. Ce que
re de « l’un des plus grands Lions de je ressentais pour lui était plus grand
tous les temps. Un homme qui en a que le respect. »
inspiré tant d’autres ». La fédération Le président de la Fédération gal-
internationale, World Rugby, a évo- loise, Terry Cobner, a souligné, lui,
qué, elle, « l’un des plus grands tout son apport. « Il était le roc dé-
joueurs que le jeu ait jamais vu ». fensif de chaque équipe dans laquelle il
Il était, il est vrai, toujours cité a joué, son inspiration en contre-at-
comme l’un des meilleurs numé- taque, l’homme qui ne craignait rien
ros 15 de l’histoire avec le Français et ne voyait jamais de cause perdue.
Serge Blanco et le All Black Christian Nous pensions tous qu’il était “Mon-
Cullen. Dans les colonnes du Tele- sieur Indestructible”. Avec J.P.R. à
graph, l’Écossais Sir Ian McGeechan, vos côtés, il y avait toujours une chan-
qui fut son coéquipier en 1974 (avant ce de gagner. » Comme sur ce pla-
n’étais pas forcément d’accord avec Je pense que le maillot pèse, oui. Il y
ça. (Rires.) Je pense qu’il y a des jeu- a une exigence de résultats très forte
nes qui peuvent très vite endosser en équipe de France, c’est certain.
un rôle très important en sélection. Mais le maillot pèse surtout sur le
Mais d’autres ont besoin de plus de comportement qu’il faut avoir, sur
temps, aussi. L’important est que l’image que l’on dégage. On ne peut
chacun se sente bien dans le groupe. pas tricher quand on est en équipe
L’arrière des Bleus
Nedim Remili Et puis si demain un joueur intègre de France. On ne représente plus
lors du quart de finale du l’équipe et qu’il nous aide à gagner, seulement soi-même ou un club,
championnat du monde on s’en fiche qu’il ait 16 ou 27 ans. mais toute une nation. Mais, en ce
face à l’Allemagne, qui concerne l’obligation de résul-
le 25 janvier, À certains moments, avez-vous tat, pour la plupart d’entre nous,
à Gdansk (Pologne). ressenti le poids de ce maillot bleu ? nous la vivons au quotidien en club.
“tu Sur un Euro,
ne dois prendre
aucun adversaire à la
légère, sinon tu te fais
”
punir tout de suite
Il ne vous manque que le titre
européen en sélection…
Exactement. Nous sommes plu-
sieurs dans l’équipe à qui il ne man-
que que l’Euro. Donc forcément cela
nous titille. Mais, au-delà de ces ob-
jectifs individuels, l’important est
que l’équipe de France continue de
briller. Pour ça, il faut gagner et ga-
gner encore. Les Experts nous ont
montré par le passé que c’était pos-
sible, et nous voulons faire aussi
bien, voire mieux, même s’ils ont
PFEIFFER HUGO/ICON SPORT/ABACA
mis la barre tellement haut…
Un Euro est-il plus dur
qu’un championnat du monde
ou des Jeux olympiques ?
Oui, très clairement. Le handball
reste un sport très européen. Le ni-
veau est donc plus relevé dès le dé-
but. Sur un Euro, tu ne dois prendre
aucun adversaire à la légère, sinon
tu te fais punir tout de suite. En plus,
LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024
11
quage désintégrant sur l’ailier fran-
çais Jean-François Gourdon, qui fi-
lait à l’essai, pour sauver le Grand
Chelem 1976. « En tant que dernier
défenseur, votre instinct est de faire ce
qu’on vous a appris : éliminer l’hom-
me et l’empêcher de marquer »,
confiait-il quand on lui rappelait ce
geste déterminant entré dans l’his-
toire du rugby gallois. Et c’est pour
services rendus au rugby qu’il avait
été fait, dès 1977, membre de l’Ordre
de l’Empire britannique, haute dis-
tinction honorifique.
“
J’ai eu la
chance de jouer
à une époque
où, avec le
changement de règles,
les arrières étaient
encouragés à relancer
plutôt qu’à trouver
”
des touches
J. P. R. WILLIAMS (ICI EN JUILLET
2023) GLYN KIRK/AFP
J. P. R. Williams avait pris sa re-
traite internationale en 1981, à l’âge
de 32 ans, il n’avait pas pour autant
rangé les crampons. Lui qui n’avait
connu que deux clubs, celui de sa
ville natale, les Bridgend Ravens,
avec une longue parenthèse aux
London Welsh, de 1968 à 1976 quand
il était parti à Londres suivre ses étu-
des de médecine (ses parents étaient
tous deux médecins), le joueur aux
favoris (qu’il n’a jamais rasés) avait
continué à jouer jusqu’à… 54 ans,
raccrochant définitivement en 2003
alors qu’il jouait encore ailier au
Tondu RFC, petit club de la non
moins modeste ville d’Aberkenfig.
Ce qui ne l’empêchait pas d’exercer
les fonctions de président des Ra-
vens, son club de toujours, lui qui
était né à Bridgend le 2 mars 1949.
Avec lui, resté proche de son ami
Jean-Pierre Rives, s’éteint une in-
carnation du rugby romantique, al-
liant chevauchées élégantes et enga-
gement féroce. Ses nombreuses
cicatrices sur le visage en témoi-
gnaient toujours. « Williams était
spécial. Un guerrier intrépide et un
joueur devenu un héros national, sim-
plement connu sous le nom de
J. P. R. », résumait ainsi un éditoria-
liste gallois mardi matin. ■
le format de la compétition ne laisse
aucun droit à l’erreur, sinon
derrière tu évolues avec une épée de
Damoclès au-dessus de la tête
durant toute la compétition.
Ce tropisme européen pousse
certains à rabaisser le mérite
de vos titres. Cela vous énerve-t-il ?
Pourquoi s’énerver ? Nous restons
un sport mineur, qui cherche à se
développer sur le plan mondial,
mais aussi en France. C’est la réalité.
Après, quand tu es sportif de haut
niveau, tu apprends aussi à te
concentrer plus sur les avis positifs
que les négatifs. Sinon, avec les ré-
seaux sociaux, tu n’as pas fini de
t’énerver. (Sourire.) Je préfère me
concentrer sur les gens qui viennent
me voir pour me remercier des
émotions qu’on a pu leur donner.
Comment fait-on
pour se concentrer sur l’Euro
à venir quand, six mois plus tard,
il y aura des JO à Paris ?
On essaie de ne pas y penser. Après,
cette question que vous me posez,
on me la pose tous les jours, mais,
quelque part, c’est normal. Mais
vraiment, aujourd’hui, les Jeux sont
encore très loin. Il reste tellement de
matchs à jouer avant. Dans d’autres
disciplines, il est possible que cer-
tains n’aient plus que trois ou quatre
compétitions avant les Jeux, ce qui
n’est pas notre cas. Il y a l’Euro, les
compétitions en club… On sait aussi
qu’aucune équipe par le passé n’a
réussi le doublé Euro-JO la même
année, donc c’est un beau défi pour
nous d’essayer d’écrire l’histoire à
notre manière. Une page qui n’a pas
déjà été écrite par les Experts, c’est
A
rare, et c’est l’occasion de poser no-
tre empreinte…
Mercredi 10 Janvier 2024 le figaro

12 LE CARNET DU JOUR
Les annonces sont reçues
avec justiication d’identité
du lundi au vendredi
de 9h à 13h et de 14h à 18h
(excepté les jours fériés)
et tous les dimanches
de 9h à 13h.
Elles doivent nous parvenir
avant 16 h 30
pour toutes nos éditions
du lendemain,
Jean, Louise, Julie
et Georges Coural,
ses enfants,
Natalie Coural,
Laure Coural-Starcky,
Marguerite-Marie
de Félice-Gouldstone,
sa marraine,
Juliette Thiebault,
les familles Virotte-Ducharme
et Gastinel,
ses amis
ont l'immense tristesse
de faire part
de la disparition de
Pierre COURAL
ancien élève de la Fémis,
ancien élève de l'ENA,
ancien responsable
de la production audiovisuelle
au musée du Louvre
(1991-2000),
expert de haut niveau
à la direction générale
des ressources humaines
Gourdon (Lot).
Françoise Fouché,
son épouse depuis 63 ans,
Elisabeth et Arnaud Dupont,
Danielle Fouché,
François et Youling Fouché,
ses enfants,
Martin et Lucille Burck,
Raphaëlle Burck,
ses petits-enfants,
vous font part
du rappel à Dieu de
M. Michel FOUCHÉ
dans sa 89e année, muni
des sacrements de l'Église.
La messe de funérailles
a été célébrée par
l'abbé Sébastien Vauvillier,
le mardi 9 janvier 2024,
en l'église Saint-Pierre
de Gourdon,
suivie de l'inhumation
au cimetière de Gourdon.
Admirablement accompagné
Antoine
Marcotte de Sainte Marie,
M. Edouard Ribadeau Dumas,
son époux,
hommage
son époux,
Béatrice et Jacques (†)
Rodolphe, Dimitri et Julia,
ses enfants,
Barraud,
Olivier Ribadeau Dumas, Louis-Édouard Carrère
Pìa, Gala, Alma et Orso,
ses petits-enfants,
Marie-Noëlle et Eric
Hautecloque-Raysz,
Pascale et Dominique Perrier,
d’Encausse
Mme Gérard Guire, Stéphanie et Olivier Furnon,
sa sœur, Vincent et Astrid
Julien et Marguerite Ribadeau Dumas,
ses neveux, en union avec
Marie-France (†),
et toute sa famille ses enfants,
ont la tristesse ses 18 petits-enfants,
de faire part du décès de ses 16 arrière-petits-enfants,
Mme MARCOTTE Rosalina Ribeiro
de SAINTE MARIE qui l'a accompagnée
née Catherine Metman,
ont la tristesse de faire part
le 6 janvier 2024, munie du décès de
des sacrements de l'Église.
Mme Edouard
La cérémonie religieuse RIBADEAU DUMAS
sera célébrée née Nicole Ribadeau Dumas,
le vendredi 12 janvier, à 10 h 30,
en l'église Saint-Pierre, survenu le 7 janvier 2024,

du ministère
avant 13 h les dimanches. de l'Enseignement supérieur
et de la Recherche
et du ministère
de l'Éducation nationale,
de la Jeunesse et des Sports,
Courriel le 5 janvier 2024.
avec compétence, éthique
et humanité par l'équipe
des soins palliatifs de l'HAD de
Gourdon, Michel s'est éteint
avec dignité et sérénité.
Ni fleurs ni couronnes.
Des dons au profit
à Neuilly-sur-Seine.
Naomi Hatakayama,
son épouse,
Laurence Dumaine Calle,
FRÉDÉRIC SOULOY/GAMMA/GAMMA-RAPHO
à Paris, à l'âge de 88 ans.
La cérémonie religieuse
aura lieu en l'église
Saint-Jacques-du-Haut-Pas,
Paris (5e),
le samedi 13 janvier, à 13 h 30.

carnetdujour@media.figaro.fr
Téléphone
Les obsèques auront lieu
dans l'intimité familiale.
de l'Ordre de Malte ou
des Petits Frères des Pauvres.
« Pleurez avec eux
car ils ne le verront plus.
Réjouissez-vous avec eux
Xavier et Dominique
Dumaine-Martin,
Régis et Agnès Frédérique Straub,
Catherine et Nicolas Letellier,
Dumaine-Martin,
Stéphane Dumaine-Martin Philippe et Véronique Straub,
et Katherine Gregory, ses enfants,

01 56 52 27 27
sur notre site
carnetdujour.lefigaro.fr
deuils
Patrick et Joëlle,
Philippe et Véronique,
Jean-François et Laurence,
ses fils et belles-filles,
le comte Jean de Catelin,
son frère,
Marion, Mathieu, Claire,
Pierre, Thomas, Lucie,
ses petits-enfants,
ont la douleur
de vous faire part du décès de
Jacqueline BERTHAULT
née de Catelin,
le 2 janvier 2024,
à Saint-Cloud.
La cérémonie religieuse
aura lieu le vendredi 12 janvier,
à 15 heures, en l'église
Notre-Dame de Grézillac
(Gironde),
suivie de l'inhumation
dans le caveau familial.
Croissy-sur-Seine (Yvelines).
Stéphane et Renaud Brimont,
Ingrid Koeth,
ses enfants,
Karine, Tanya, Boris,
leurs conjoints,
Bénédicte Flichy-Dubois,
sa compagne,
Louis, Antoine, Audrey,
Charlotte, Damien, Eugénie,
Sabine, Maximilien, Isabelle,
Ferdinand, Aliénor,
ses petits-enfants,
ont la douleur
de faire part du décès de
Jean-Claude BRIMONT
survenu le 1er janvier 2024,
dans sa 81e année.
Les obsèques auront lieu
au crématorium
du Mont-Valérien,
104, rue du Calvaire,
à Nanterre (Hauts-de-Seine),
le samedi 13 janvier 2024,
à 10 heures.
MESSES,
SOUVENIRS
Annoncez-les
dans
le Carnet du Jour
Téléphone : 01 56 52 27 27
carnetdujour@media.figaro.fr
Le Touquet-Paris-Plage
(Pas-de-Calais).
Marpent (Nord).
M. Patrick Delambre,
son époux,
Caroline, Laure, Jérôme
et Florence,
ses enfants,
et leurs conjoints,
Carla, Charles,
Hortense, Henri, Barthélemy,
Victor, Hadrien,
ses petits-enfants,
ont la tristesse
de vous annoncer le décès de
Mme Françoise DELAMBRE
née Calmet,
le dimanche 7 janvier 2024,
dans sa 78e année.
Dans l'attente des obsèques,
Françoise repose
aux salons funéraires,
boulevard du Valigot,
route de Fromessent,
à Étaples-sur-Mer
(Pas-de-Calais),
où les visites peuvent avoir lieu
de 9 heures à 19 heures.
La messe sera célébrée
le vendredi 12 janvier, à 14 h 30,
en l'église Sainte-Jeanne-d'Arc
du Touquet-Paris-Plage.
L'inhumation aura lieu
dans l'intimité familiale.
Fleurs naturelles blanches
et vertes uniquement.
Famille Delambre,
171, boulevard
du Docteur-Pouget,
62520 Le Touquet-Paris-Plage.
Le colonel (e.r.)
et la vicomtesse
Gérard Duhesme,
le colonel (e.r.)
et la vicomtesse
Bruno Duhesme,
M. et Mme Jean-Pierre Tosoni,
ses enfants,
M. et Mme Romain Nouel,
M. et Mme Samuël Redivo,
M. et Mme Aymeric Duhesme,
M. et Mme Antoine Duhesme,
Laure Duhesme
et son fiancé Anthony Helene,
Laëtitia Tosoni,
Benoît Duhesme,
ses petits-enfants,
ses sept arrière-petits-enfants
ont la tristesse de faire part
du rappel à Dieu de la
vicomtesse Guy DUHESME
née Nicole Simon,
« Ketto »,
le 8 janvier 2024,
dans sa 95e année, munie
des sacrements de l'Église.
La messe d'À Dieu
sera célébrée en l'église
de Peillac (Morbihan),
le vendredi 12 janvier, à 14 h 30.
Cléré-du-Bois (Indre).
Ses enfants,
ses petits-enfants
et son arrière-petit-fils
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Mme Annie van EECKHOUT
née Venet,
survenu à l'âge de 89 ans.
La cérémonie aura lieu
le vendredi 12 janvier 2024,
à 10 h 30, en l'église
de Cléré-du-Bois.
La famille remercie
par avance
toutes les personnes
qui s'associeront à sa peine.
car il repose dans le Christ. »
Romains 12, 15.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Marthe Marie Chafiaa
Hassoun,
son épouse,
Fouad et Laetitia Hassoun,
Nidal Georges et Anne-Hélène
Hassoun,
Antoine et Marie-Ange
Hassoun,
ses enfants,
Valentine, Alexandrine,
Félicité, Élige, Isore,
Marie-Reine, Madeleine,
Pierre, Paul-Alexandre,
Clémence, Othilie, Anaëlle,
Elizabeth, Théodore, Isidore,
Augustin,
ses petits-enfants,
toute sa famille
et ses amis en France,
au Liban, en Belgique,
en Suisse, en Australie,
aux États-Unis, au Canada
et en Amérique latine
font part du rappel à Dieu de
Alexandre-Iskandar
HASSOUN
poète,
professeur
et fondateur d'écoles,
le 8 janvier 2024,
en la fête du Baptème de Jésus,
sa fête préférée,
muni des sacrements
de l'Église.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le jeudi 11 janvier, à 11 heures,
en l'église Saint-Germain,
à Saint-Germain-en-Laye
(Yvelines).
Le chef de bataillon (e.r.)
et Mme Godefroy Pilon,
Mme Natalie Jourdier-Hétier,
le capitaine de frégate (e.r.)
et Mme Guillaume Jourdier,
le capitaine de frégate (e.r.)
et Mme Thierry Lagauche,
M. et Mme Jérôme Jourdier,
M. et Mme Jean Jourdier,
ses enfants,
ses dix-neuf petits-enfants
et vingt arrière-petits-enfants
vous font part
du rappel à Dieu du
contre-amiral
François JOURDIER
le 9 janvier 2024, à Toulon.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le jeudi 11 janvier, à 15 heures,
en l'église Saint-Paul
de Toulon.
L'inhumation aura lieu
le samedi 13 janvier,
au cimetière de Ballan-Miré
(Indre-et-Loire).
Jean-François, Marie-Noëlle,
Olivier, Jacques, Jean-Louis,
Sophie,
ses enfants,
ses 14 petits-enfants
et leurs conjoints,
ses 10 arrière-petits-enfants
ont la grande tristesse
de vous faire part du décès,
dans sa 98e année, de
Christiane KLEIN
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le lundi 15 janvier 2024,
à 10 h 30, en l'église
Notre-Dame-de-Grâce-
de-Passy, Paris (16e).
91, rue de la Tour,
75116 Paris.
ses enfants,
ses petits-enfants
et leurs conjoints,
ses arrière-petits-enfants,
les familles Drevon et Martin,
les familles Avazeri
et Pannetier,
la famille Rajadurai
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Hubert MARTIN
officier de la Légion d'honneur,
survenu le 5 janvier 2024,
dans sa 104e année, muni
des sacrements de l'Église.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le jeudi 11 janvier, à 14 h 30,
en l'église Saint-Pierre,
90, avenue du Roule,
à Neuilly-sur-Seine.
La crémation, selon sa volonté,
aura lieu le jeudi 18 janvier,
à 14 heures, au crématorium
du cimetière du Parc
de Clamart.
Paris.
Le président
et le conseil d'administration
de la
Société Paul Claudel
ont la tristesse
de faire part du décès de
M. Hubert MARTIN
président d'honneur,
officier de la Légion d'honneur,
survenu le 5 janvier 2024,
dans sa 104e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en l'église Saint-Pierre,
90, avenue du Roule,
à Neuilly-sur-Seine,
le jeudi 11 janvier, à 14 h 30.
Marie-Noëlle
Rainaut-Lombard,
Jean-Luc Rainaut,
Jean-Philippe Rainaut,
ses enfants, et leurs conjoints,
Gaël, Guillaume,
Alice, Thomas,
ses petits-enfants,
Amané, Isao, Noémie, Basile,
Lilou, Hanae, Esmée,
ses arrière-petits-enfants,
Marc Dumont,
son beau-frère,
Dominique Entraygues
et Elisabeth
Dumont-Le Cornec,
ses filleules,
ses neveux et nièces
et toute la famille,
Amina, Catherine, Daniela,
Dariana, Ella, Karima,
Marianne, Mireille, Najia,
Thierry, Zakia
qui l'ont accompagné
au quotidien,
en union avec son épouse,
Andrée Rainaut,
décédée le 3 janvier 2019,
et ses frères, Marc et Roland,
ont la douleur de faire part
du rappel à Dieu de
Jean-Jacques RAINAUT
ancien chef du service
de chirurgie orthopédique
de l'hôpital Foch à Suresnes,
le 4 janvier 2024,
à l'âge de 107 ans, muni
des sacrements de l'Église.
La cérémonie religieuse
sera célébrée par le père Mihai,
le vendredi 12 janvier,
à 10 h 30, en l'église
Notre-Dame-de-l'Assomption-
de-Passy,
88, rue de l'Assomption,
Paris (16e),
suivie de l'inhumation
au cimetière
de Saint-Martin-des-Champs
(Yvelines).
Requiescat in pace.
5, rue Raffet, 75016 Paris.
Frédéric, Laure, Emmanuelle,
Alexandre, Benjamin,
ses petits-enfants,
et leurs conjoints,
Louis, Paul, Joséphine,
Madeleine,
ses arrière-petits-enfants,
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
M. Michel STRAUB
survenu le 4 janvier 2024,
dans sa 100e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le vendredi 12 janvier,
à 10 heures, en l'église
Sainte-Marie-Madeleine
de Villefranche-sur-Cher.
L'inhumation aura lieu
le même jour, au cimetière
de Saint-Julien-sur-Cher.
Jacques et Claire Trubert,
Benoît Trubert,
Jean-Marie Trubert,
Véronique et Stéphane Nardin,
ses enfants,
Guillaume et Adelaïde, Arnaud,
Baudouin, Josserand, Hugues,
Maïlys, Clémence et son fiancé
Louis-Marie,
ses petits-enfants,
Armand et Alix,
ses arrière-petits-enfants,
Marie-Thérèse
de Villeneuve Esclapon,
Élisabeth de Roubin,
Yolande Trubert,
ses sœurs et belle-sœur,
et tous ses neveux et nièces
ont la grande tristesse
de vous annoncer
le retour à Dieu de
Mme Étienne TRUBERT
née Chantal d'Harcourt,
le 5 janvier 2024,
à l'âge de 99 ans, munie
des sacrements de l'Église.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
ce mercredi 10 janvier,
à 14 h 30,
en l'église Saint-Augustin,
8, avenue César-Caire,
à Paris (8e), où l'on se réunira.
Une messe aura lieu
le samedi 13 janvier,
à 10 heures, en l'église
de Valence-d'Agen
(Tarn-et-Garonne), suivie
de l'inhumation au cimetière
de l'église de Castels.
messes
Une messe sera célébrée
en la chapelle des catéchismes
de l'église Saint-Augustin,
à Paris (8e),
le dimanche 21 janvier 2024,
à 10 heures, à l'intention de
Geoffroy DEDEYAN
rappelé à Dieu le 24 août 2023.
souvenirs
Serge KALANTARIAN
a quitté les siens
le 10 janvier 1995.
Il reste plus présent que jamais.
Vous qui l'avez connu,
ayez une pensée affectueuse
pour lui.
Il y a trente ans,
Eric LEFEVRE
nous quittait.
Nous t'aimons et pensons à toi.
Tes parents, frères et amis.
Hélène et Louis-Édouard Carrère d’Encausse en 2005.
ÉTIENNE DE MONTETY
Ce lundi 8 janvier, une messe
d’obsèques était célébrée à
l’église Saint-Germain-des-
Prés en présence d’une dou-
zaine d’académiciens grou-
pés autour du nouveau
secrétaire perpétuel, Amin
Maalouf. Les Immortels en-
terraient-ils l’un des leurs ?
Presque : le défunt était
Louis-Édouard Carrère
d’Encausse, le mari de feu
Hélène Carrère d’Encausse,
qui fut leur secrétaire perpé-
tuel pendant près d’un quart
de siècle. II s’est éteint le
30 décembre dernier, à l’âge
de 95 ans. Cinq mois après
son épouse. Pour les acadé-
miciens, c’était une figure
familière, un voisin (lui et
son épouse occupaient un
appartement quai de Conti).
Plus encore : un vieil ami.
Les obsèques de l’histo-
rienne, en août dernier,
s’étaient déroulées dans la
même église. Le célébrant
était aussi Mgr Benoist de Si-
nety. Pourtant, rien de com-
parable entre un événement
d’envergure nationale qui
mobilisa toutes les autorités
politiques et culturelles du
pays et une messe privée
réunissant famille et amis :
quelques éditeurs, quelques
écrivains. Un moment intime
et chaleureux.
À l’image du défunt. Louis
Carrère avait accepté, depuis
quarante ans, le rôle de prince
consort. Le succès des ouvra-
ges de sa femme à partir de la
fin des années 1970, son rôle
politique (elle fut député
européen entre 1994 et 1999,
élue sur une liste dont elle
avait pris la tête) puis ses
fonctions à l’Académie fran-
çaise (elle fut élue secrétaire
perpétuel en 1999) avaient fait
d’elle un personnage officiel.
Grâce à lui, Hélène Zoura-
bichvili était devenue Hélène
Carrère d’Encausse. Grâce à
elle, son nom était devenu
célèbre en France et en Euro-
pe, synonyme d’excellence
et d’exigence.
Louis Carrère se passionna
pour l’histoire de la famille de
sa femme, follement roma-
nesque. Elle le conduisit jus-
qu’en Allemagne, en Géorgie,
en Russie, lui fit explorer un
arbre généalogique peuplé de
princesses, de vice-gouver-
neurs, de grands chambel-
lans. Il savait que les racines
d’Hélène plongeaient dans
celle de l’Europe et de ses
tourments, guerre, révolu-
tion, émigration.
À la retraite, après une
carrière dans les assurances,
il avait entrepris de sérieuses
recherches historiques et gé-
néalogiques pour retrouver
les lieux, les alliances et les
naissances d’où était issue
celle à qui la France avait ré-
servé un si prodigieux destin.
Les attaches de Louis Car-
rère étaient plus classique-
ment à Bordeaux (il avait été
élève à Tivoli) et à Encausse,
petite station thermale des
Pyrénées d’où provenait le
nom de sa mère. Ses parents
étaient musiciens, son père
directeur du conservatoire de
Bordeaux, sa mère pianiste.
L’éducation qu’il avait reçue
avait fait de lui un mélomane
sensible qui, ont confié ses
enfants, ne pouvait pas voir
un piano sans s’y asseoir. Son
morceau de bravoure, un
prélude du Clavier bien tem-
péré de Bach, ouvrit la céré-
monie de lundi.
Le jeune Bordelais et la pe-
tite apatride s’étaient mariés
en 1952 – ils le restèrent
soixante et onze ans durant.
Est-ce Emmanuel, est-ce
une de ses sœurs ? Il fut ra-
conté aux obsèques de leur
père que le jour où elle le ren-
contra, Hélène Zourabichvili
venait d’éconduire un pré-
tendant, qui fut plus tard
condamné pour avoir assas-
siné sa femme… Se non è
vero…
Un homme fin
et bien élevé
Le couple eut trois enfants,
l’écrivain Emmanuel Carrè-
re, la médecin et journaliste
Marina Carrère d’Encausse et
l’avocate Nathalie Carrère.
Dans leur descendance, les
prénoms de Lara ou Youri di-
sent assez la force du côté
maternel.
Là où madame le secrétaire
perpétuel était invitée, là où
elle intervenait, il n’était pas
rare que Louis fût présent,
assis au fond de la salle, at-
tentif, discret. Il se penchait
volontiers vers son voisin
pour lui glisser un bon mot. Si
le voisin était une voisine, un
compliment. Cet homme fin
et bien élevé tenait sa place
avec justesse, mais son œil
rieur disait qu’il n’était pas
grisé par les grandeurs d’éta-
blissement qui cernaient sa
femme. Il était fier de son
parcours. Il se réjouissait
pour elle. Chacun dans son
rôle, ils semblaient heureux.
Mgr de Sinety avait connu le
couple quand il était le secré-
taire du cardinal Lustiger,
alors archevêque de Paris - et
qui fut de l’Académie
(d’ailleurs reçu par Hélène
Carrère d’Encausse). Dans
son homélie, il confia une
anecdote personnelle. Un
jour, à un déjeuner chez le
cardinal, avec de prestigieu-
ses personnalités, le « mari
de » et le jeune prêtre s’étaient
retrouvés en bout de table.
Louis Carrère avait glissé à son
jeune voisin : « Nous sommes,
vous et moi, à la meilleure pla-
ce, celle où on écoute. » ■

Le parcours historique
de la flamme olympique
Les organisateurs des Jeux
de Paris 2024 révèlent
ce mercredi l’identité
des premiers relayeurs
de la flamme, une étape
symbolique sur la route
des JO pour partager
et prolonger un périple
devenu, au fil des éditions,
un événement
avant l’événement.
Jean-Julien Ezvan
jjezvan@lefigaro.fr
uselée, de couleur champagne, la tor-
F
che des Jeux olympiques et paralym-
piques sera l’un des symboles des JO
2024. À 197 jours de l’événement, les
organisateurs annonceront ce mer-
credi les noms des premiers éclai-
reurs des relais collectifs du parcours
de la flamme. Allumée le 16 avril à Olympie, la
flamme arrivera à Marseille le 8 mai, à bord du Be-
lem. Avant de laisser défiler 10 000 porteurs (dont
3 000 participants à des relais collectifs) à travers
400 villes et 64 territoires (dont 5 ultramarins : la
Guyane, la Réunion, la Polynésie française, la Gua-
deloupe et la Martinique). 68 jours de défilé qui se
concluront le 26 juillet lorsque sera embrasée la
vasque après la cérémonie d’ouverture sur la Seine.
« Les Grecs expliquaient la présence du feu sur
terre à travers le mythe de Prométhée. Pour la Grèce
antique, le feu est sacré, a une fonction cathartique.
Dans l’Antiquité se déroulaient des lampadédromies,
des courses aux flambeaux organisées en l’honneur
des divinités qui mettaient à l’honneur des écoles, tel-
les celles de Platon ou Aristote. Si le relais olympique
ne date pas de l’Antiquité, une chose lui fait écho
aujourd’hui, c’est l’Ekecheiria (la Trêve olympique),
quand l’envoi de messagers dans le bassin méditer-
ranéen appelait aux Jeux panhelléniques (à Olympie,
à Némée, à Delphes et près de Corinthe). La trêve
olympique annonçait les Jeux de l’Antiquité. Aujour-
d’hui, on annonce les Jeux à travers le relais de la
flamme. C’est très symbolique », raconte Éric Mon-
nin, vice-président à l’olympisme au sein de l’uni-
versité de Franche-Comté et directeur du Cérou
(Centre d’études et de recherches olympiques uni-
versitaires). Avant de prolonger sur un épisode
méconnu : « Pierre de Coubertin, parti du CIO en
1925, se fait ensuite de plus en plus rare. Malade, il
n’assistera pas aux JO de 1928 mais adresse un mes-
sage à tous les athlètes présents à Amsterdam : “Je
vous demande de conserver et d’entretenir parmi
vous la flamme de l’olympisme rénové.” A priori, il y
aurait eu une confusion dans la traduction, les Néer-
landais, qui l’ont pris au pied de la lettre, vont allu-
mer une vasque, un feu symbolique dans un chaudron
placé au sommet d’une tour du stade. C’est la pre-
mière fois. » Cette initiative se répétera à Los Ange-
les en 1932. Mais ces deux feux n’ont pas été allu-
més à Olympie ni amenés par un relais.
Miroir parabolique
Pour voir le relais illuminer les JO, il faut attendre
1936. « Les nazis vont créer le relais, éclaire l’uni-
versitaire, auteur de nombreux ouvrages sur les JO.
Ils sont fascinés par l’Antiquité. Ils veulent, à travers
lui, toucher l’affect et les émotions. Ils vont aller vers
un symbole fort, un monument commémoratif,
Olympie. Pour eux, ce sont les entrailles de la créa-
tion du monde. Le secrétaire général des Jeux de Ber-
lin, Carl Diem, va établir l’allumage de la flamme à
Olympie. Et le CIO va accepter la proposition de re-
lier le site antique à la ville des Jeux modernes. Le
trait d’union est créé. Depuis, lors d’une scène im-
muable, le feu sacré est allumé devant le temple de la
déesse Héra. Avec une cérémonie digne des Jeux an-
tiques par l’habillement, les déplacements, les jeux de
scène. La grande prêtresse implore le dieu Apollon, le
dieu de la lumière, d’envoyer les rayons du soleil pour
allumer le flambeau. Avant de transmettre la flamme
au premier relayeur. Le plus vieux journal grec, Le
Messager d’Athènes, fait les 20 et 21 juillet 1936 cou-
rir sur plusieurs pages le récit de la course du flam-
beau d’Olympie à Berlin. »
En 1936, le premier relayeur, un diplomate grec,
s’appelle Konstantin Kondylis. « À la fin, dans le
stade de Berlin, l’athlète Fritz Schilgen allume la vas-
CHAMPS
RÉCIT LIBRES
que qui est la réplique du siège sur lequel était assise
la pythie à Delphes durant l’Antiquité grecque. Le
chaudron est toujours dans le stade olympique. Très
rapidement, la charte olympique identifie cette flam-
me, notamment avec la règle 13 : d’Olympie à Athè-
nes, l’organisation de l’allumage de la flamme à
Olympie est toujours confiée au comité olympique
grec qui prend en charge le transport jusqu’à Athè-
nes, au Stade panathénaïque qui a accueilli les Jeux
de 1896 », décrit Éric Monnin. Ce relais précédant
celui organisé par la ville hôte. En 1936, après la
Grèce, le relais passe par la Bulgarie, la Yougosla-
vie, la Hongrie, l’Autriche, la Tchécoslovaquie et
l’Allemagne. Pour 3 075 km. Avec 3 075 porteurs.
Le 16 avril 2024, la fête de l’allumage à Olympie
sera calquée sur le modèle antique avec un miroir
parabolique pour concentrer les rayons du soleil et
allumer la flamme. Avant une particularité pour le
relais grec. Éric Monnin révèle : « Pour la première
fois, la Grèce a demandé à rendre hommage au pays
hôte de l’édition des JO. Pour remercier la France. En
1829, les Grecs obtiennent leur indépendance, quit-
tent le joug des Ottomans grâce à la France, aux An-
glais et aux Russes. Avec un collègue grec, Georges
Tirologos, nous avons transmis un rapport au comité
hellénique pour identifier des sites où le relais pour-
rait passer. Soit 32 sites (Corfou, Delphes, Corinthe,
Pythio…). On n’a pas ciblé que des grands événe-
ments, on a essayé d’humaniser le parcours, avec,
par exemple, Elefteroupoli, en Macédoine. Cette ville
est jumelée avec Anthony, c’est le lieu de découverte
de la dépouille du dernier poilu à rejoindre le cimetiè-
re militaire de Zeitenlik à Thessalonique. Ou Kavala,
qui a un édifice monumental de l’époque romaine
bordé de deux rues, “la démocratie française” et,
l’autre, “la démocratie grecque”. Ou encore les îles
Ioniennes, qui étaient des départements français sous
Napoléon. »
Au fil des éditions, le relais de la flamme s’est an-
cré comme un symbole, inscrit comme un événe-
ment avant l’événement (le premier relais pour les
Jeux d’hiver aura lieu à Oslo en 1952 ; le premier re-
Tony Estanguet, président de Paris
2024, présente la torche des Jeux
olympiques et paralympiques.
Créée par Mathieu Lehanneur, elle
sera fabriquée à 2 000 exemplaires
dans les usines françaises
du groupe ArcelorMittal. PARIS 2024
À Paris 2024, nous avons fait le choix
d’un relais de la flamme résolument
sportif et collectif, parce que
c’est dans l’ADN de notre projet
TONY ESTANGUET, PRÉSIDENT DE PARIS 2024
LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024
13
lais pour les Jeux paralympiques en 1972 à Heidel-
berg). En 1968, « à cheval, à ski, à bicyclette, en avi-
ron, en hélicoptère, le relais mobilise 5 000 porteurs,
80 000 accompagnateurs, 2 millions de personnes
pour le suivre. Et 7 300 km parcourus », décrit Éric
Monnin. En 1984, le relais s’offre des annonceurs.
AT&T (fournisseur de services téléphoniques) en
fait un show. Trente millions de personnes et
4 milliards de téléspectateurs accompagnent
« l’événement le plus suivi de tous les temps », selon
le New York Times. Les photos du relais prennent
l’habitude de faire le tour du monde. En 1992 (JO
d’hiver), la flamme s’installe dans le Concorde. En
1996, elle embarque dans la navette Columbia. En
2000, elle nage le long de la barrière de corail. En
2008, elle brûle au sommet de l’Everest. Le relais a
parfois connu des incidents - en 2012, lors d’un re-
lais, en raison d’un problème technique, ou en
2008, avant les Jeux de Pékin, en raison des mani-
festations de protestation pour les droits de l’hom-
me en Chine - qui ont perturbé son déroulé.
Une ondulation œillade à la Seine
Pour encadrer la procession de la flamme qui a sus-
cité la polémique en raison de son coût
(180 000 euros par département) et se trouve déjà
sous la menace d’opposants écologistes radicaux,
Paris 2024 déploiera des gardiens de la flamme,
autour d’une bulle de sécurité. Durant le parcours,
ils pourront, le cas échéant, rallumer la flamme
grâce à des lanternes de réserve contenant la flam-
me mère d’Olympie.
Au fil des éditions, les émotions ont pris leurs ha-
bitudes. Comme avec les derniers porteurs : Moha-
med Ali, souffrant de la maladie de Parkinson en
1996 à Atlanta, Cathy Freeman, la flamme aborigè-
ne de Sydney en 2000, Vanderlei de Lima, le mara-
thonien brésilien agressé par un déséquilibré alors
qu’il courait vers l’or du marathon en 2004 et dont
le fair-play avait été honoré à l’heure d’embraser
les Jeux de Rio de Janeiro en 2016, ou Naomi Osaka,
symbole de la diversité à Tokyo, en 2021.
« Le relais de la flamme, c’est un moment phare
très attendu : il annonce le début des célébrations et
donne un magnifique avant-goût de chaque nouvelle
édition des Jeux. À Paris 2024, avec plus de deux
mois de festivités ininterrompues, c’est une magnifi-
que aventure que nous allons vivre ensemble, partout
sur le territoire, embarquant des millions de Françai-
ses et de Français dans le sillage des Jeux », assure
Tony Estanguet, le président de Paris 2024.
Construite pour résister aux effets du vent et de
la pluie, la torche des Jeux olympiques et paralym-
piques 2024 sera fabriquée à 2 000 exemplaires
(1 500 pour les JO et 500 pour les Jeux paralympi-
ques) dans les usines françaises du groupe Arcelor-
Mittal. Mathieu Lehanneur, le créateur, « figure in-
contournable du design français choisie pour son
approche poétique d’une grande force symbolique »,
comme le présente le comité d’organisation,
avoue : « On a travaillé comme des sculpteurs. On a
essayé de préserver une dimension iconique, symbo-
lique, presque magique. » Avec, pour la première
fois, une torche parfaitement symétrique de haut
en bas, ornée d’une ondulation œillade à la Seine.
Tony Estanguet développe : « À chaque édition des
Jeux, chaque comité d’organisation a l’occasion de
livrer sa propre vision du relais de la flamme, grand
événement qui marque véritablement le lancement
des célébrations olympiques et paralympiques. À Pa-
ris 2024, nous avons fait le choix d’un relais de la
flamme résolument sportif et collectif, parce que c’est
dans l’ADN de notre projet. Sportif, parce que le
sport et les athlètes ont toujours été au cœur de notre
projet, depuis ses prémices et dans chacune de ses
déclinaisons. Collectif, parce que Paris 2024 n’aurait
jamais vu le jour sans toutes celles et ceux qui s’acti-
vent pour lui donner vie. »
Pour le relais des Jeux paralympiques
(28 août-8 septembre), la flamme sera allumée à
Stoke Mandeville (à une cinquantaine de kilomè-
tres de Londres), berceau historique du sport para-
lympique, et la même torche vivra du 25 au 28 août.
Portée par 24 relayeurs britanniques, la flamme des
Jeux paralympiques sera transmise sous le tunnel à
24 relayeurs français. Grégory Murac, directeur
délégué du relais de la flamme, explique : « Au mo-
ment où ils sortiront du tunnel, à Calais, la flamme
sera, de manière digitale, envoyée dans onze autres
villes du pourtour de la France. » Environ 1 000 por-
teurs, personnes en situation de handicap et valides
(800 individuels et 200 dans le cadre de relais col-
lectifs), défileront. Sur le même principe que celui
retenu pour le relais de la flamme des Jeux olympi-
ques : 200 mètres et 4 minutes. Pour diffuser la lu-
mière, la chaleur et prolonger un périple qui a sou-
vent été au carrefour de l’histoire… ■
»
A
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO
14 CHAMPS LIBRES
DÉBATS
« La popularité de Gabriel Attal est plus une
arme qu’une difficulté à venir pour Macron »
+ » Lire aussi PAGES 2 À 5 PROPOS RECUEILLIS PAR
EUGÉNIE BASTIÉ ebastie@lefigaro.fr
LE FIGARO. - Emmanuel Macron
a donc nommé Gabriel Attal
à Matignon à seulement 34 ans.
Que vous inspire ce choix ?
Sa jeunesse exceptionnelle est-elle
un atout ou un handicap ?
Alain DUHAMEL. - C’est effective-
ment le plus jeune premier ministre,
non seulement de la Ve République,
mais de toute l’histoire. Le dernier
chef de gouvernement renforcé plus
jeune que lui était Bonaparte, nommé
premier consul à 30 ans. La jeunesse
est sa caractéristique première.
D’ailleurs, ceux qui ont essayé de s’op-
poser à sa nomination étaient des gens
plus âgés, pas ravis de devoir se mettre
sous les ordres d’un cadet. Cela dit en
passant, cela donne un coup de rajeu-
nissement à la politique française, sur-
tout quand on voit aussi la jeunesse des
têtes de liste aux européennes (Bardel-
la pour le RN ou Marie Toussaint pour
Les Écologistes).
Ce choix est risqué : les relations avec
les poids lourds de la majorité ne se-
ront pas simples, il faudra établir son
autorité. Mais c’est audacieux, à un
moment où Emmanuel Macron veut
exprimer son optimisme et sa volonté
de redémarrer.
C’est le premier premier ministre
d’Emmanuel Macron qui soit connu
lorsqu’il prend ses fonctions : Édouard
Philippe, Jean Castex et Élisabeth Bor-
ne étaient inconnus du grand public.
Cette fois-ci, c’est un politique qui est
nommé, ce qui fait une grande diffé-
rence, et facilitera
les choses avec les
groupes parlemen-
ALAIN DUHAMEL taires.
Enfin Gabriel Attal
L’éditorialiste et essayiste* analyse la portée affiche une singu-
politique de la nomination du plus jeune larité au milieu des
premier ministre de la Ve République. macronistes
Changement de premier ministre :
l’intronisation d’un dauphin ?
PROPOS RECUEILLIS PAR
RONAN PLANCHON £@RonanPla
LE FIGARO. - Comment interpréter
la nomination de Gabriel Attal
à Matignon ?
Christophe DE VOOGD. - Je crois que
les raisons en sont limpides, car déjà
exposées par le président de la Répu-
blique en personne. N’avait-il pas, le
20 décembre dernier dans une inter-
view télévisée, parlé à son sujet de
personnalité « clé » du gouvernement
et loué « un responsable politique qui
(…) avait l’énergie, le courage de me-
ner les combats nécessaires » ? Gabriel
Attal coche, de fait, beaucoup de ca-
ses : il est connu et populaire, à la dif-
férence de ses trois prédécesseurs au
moment de leur nomination ; il a
34 ans, ce qui est toujours un avantage
dans un monde « jeuniste ». Cette pri-
me à l’âge avait servi Emmanuel Ma-
cron lui-même en 2017. On voit com-
ment l’opération de communication
fonctionne déjà à merveille dans les
médias, sur le thème du « plus jeune
premier ministre de la Ve Républi-
que ». Lequel a néanmoins une longue
expérience ministérielle – près de
sept ans en continu depuis la victoire
DESSINS FABIEN CLAIREFOND
de son mentor - et à des postes très
divers qui lui permettront de maîtri-
ser rapidement la dimension intermi-
nistérielle, essentielle pour l’occupant
de Matignon : son expérience réussie
de porte-parole du gouvernement est
à cet égard décisive, de même que sa
connaissance des dossiers budgétaires
– et fiscaux ! – ac-
quise à Bercy.
CHRISTOPHE DE VOOGD Ex-militant
1
La nomination de Gabriel Attal à Matignon au Parti socialiste,
il a réussi
ne donne que peu d’indications sur l’orientation
à marquer
du quinquennat et peut être vue comme de son empreinte
A
une simple manœuvre politicienne, analyse son passage
le normalien, agrégé et docteur en histoire*. Rue de Grenelle
aujourd’hui : il est populaire. Il a réussi
une percée spectaculaire dans l’opi-
nion depuis qu’il est ministre sur le
thème de l’autorité, au moment d’un
reflux général de la popularité du ma-
cronisme.
N’y a-t-il pas un risque
pour Emmanuel Macron
à nommer une personnalité
charismatique à ses côtés
alors qu’il ne supporte pas
la dyarchie présidentielle ?
Plus on avance dans le quinquennat,
moins la question de la rivalité sera
importante, car on s’approche d’une
campagne présidentielle où Emma-
nuel Macron ne se présentera pas. La
popularité d’Attal est plus une arme
qu’une difficulté à venir. On peut voir
dans la nomination de Fabius en 1984
par Mitterrand à seulement 37 ans un
précédent. À l’époque, ça avait été une
vraie surprise et un grand choc, qui
s’était dissipé en six mois. Au départ,
ça s’était fraîchement passé entre les
deux. Lorsque j’avais interrogé Fabius
sur sa relation avec Mitterrand, il
m’avait répondu : « Lui, c’est lui, moi
c’est moi »… Ce sera tout l’enjeu pour
Gabriel Attal. Quelle part prendra-t-il
dans les décisions qui seront prises ? À
ce titre, Édouard Philippe avait rempli
un plus grand rôle qu’Élisabeth Borne.
Cinq mois à l’Éducation nationale,
malgré des annonces fortes, c’est
un maigre bilan… Est-ce la victoire
de la communication ? des sondages ?
Au stade où en étaient les choses, après
une crise politique en décembre, les
émeutes en banlieues, l’opposition très
virulente à la loi immigration et aux
retraites, il y avait un besoin d’essayer
de créer un choc. Il fallait un symbole.
Quitte à changer de premier ministre
pour donner de la crédibilité, il faut
susciter une certaine sympathie. Le
fond doit maintenant suivre le choc.
avec des mesures fortes,
comme l’interdiction de l’abaya
à l’école. Peut-on donc y voir
un virage à gauche ?
Comme il est issu du Parti socialiste,
sa nomination est un gage donné à la
gauche ; mais, « en même temps »
oblige, il est apprécié à droite en rai-
son de ses actes d’autorité depuis son
arrivée à la tête de l’Éducation natio-
nale. Jeunesse, popularité, autorité :
tel est le triptyque qu’Emmanuel Ma-
cron veut par cette nomination oppo-
ser en miroir au « danger Bardella »
pour les prochaines élections euro-
péennes, puisque le président du Ras-
semblement national incarne précisé-
ment ces qualités dans l’opinion
publique. À quoi j’ajouterai la très
grande prestance rhétorique des deux
hommes, qualité rare dans la classe
politique actuelle, tous âges confon-
dus. Enfin, et peut-être surtout, le
choix personnel du président a été ca-
pital : on dit, à juste titre, que Gabriel
Attal est un « bébé Macron » ayant
démontré une loyauté sans faille et la
même plasticité de conviction que son
(jeune) père spirituel : et ce, jusqu’à la
contradiction dans les termes d’un
moment à l’autre.
À cet égard, sa nomination à Mati-
gnon peut avoir le sens de l’intronisa-
tion d’un dauphin (« il partage mes
combats »), interprétation dominante
chez les commentateurs. Toutefois, et
j’irai plutôt dans ce sens, l’hypothèse
probable que le nouveau premier mi-
nistre soit rapidement « carbonisé »
par la fonction, les choses étant ce
qu’elles sont (notamment l’absence
de majorité parlementaire), ne serait
pas forcément pour déplaire à Emma-
nuel Macron. A-t-il vraiment envie
d’introniser un successeur de son
propre camp qui pourrait l’éclipser
dans l’histoire ? Ce « syndrome du
successeur » n’a pas épargné le plus
grands, même le général de Gaulle,
Emmanuel Macron va jouer ce mois-ci
la fin de son second mandat.
Vous avez décrit, dans Le Prince
balafré (Éditions de l’Observatoire),
l’essoufflement de la promesse
originale du macronisme. La
nomination de Gabriel Attal peut-elle
« donner un nouveau souffle »,
selon l’expression consacrée ?
La question est de savoir si Emmanuel
Macron peut produire ce mois-ci une
série de réformes urgentes et souhai-
tables, capables de relancer la fin de
son nouveau quinquennat. Je pense
par exemple à la question du loge-
ment, qui devient urgentissisme :
aura-t-il une proposition forte à fai-
re ? Idem pour l’Éducation nationale,
dont Gabriel Attal a dit qu’elle restait
un objectif prioritaire.
Ce changement de visage ne change
pas la donne principale, qui est
une majorité qui reste encore relative…
En effet, ce changement ne va pas
élargir l’assise de la majorité. Les rap-
ports de force au Sénat et à l’Assem-
blée vont rester les mêmes. On peut
faire confiance à Gabriel Attal pour
être plus politique et moins technique.
Le dernier qui était habile à ce jeu-là,
c’était Raffarin, et avant lui, Chaban-
Delmas, qui avait une façon de traiter
les oppositions très politique, habile et
appréciée. Sera-ce le cas de Gabriel
Attal ? C’est le premier ministre qui a
le plus à apprendre en prenant ses
fonctions.
Quel bilan faites-vous des 600 jours
à Matignon d’Élisabeth Borne ?
Son renvoi n’est-il pas injuste ?
Élisabeth Borne est quelqu’un d’extrê-
mement honorable qui a joué son rôle
avec énergie et stoïcisme, n’a pas
compté ses heures de travail, a été
franche et loyale avec le président, ac-
crocheuse et correcte avec ses adver-
dont on connaît toute l’ambiguïté vis-
à-vis de « l’hypothèse Pompidou »
après lui. Pour ne rien dire de Fran-
çois Mitterrand à l’égard de Michel
Rocard, ou de Jacques Chirac vis-à-
vis de Nicolas Sarkozy… À quoi
s’ajoute la longue incertitude de cette
nomination, due sans doute à de for-
tes résistances au sein de la macronie,
qui signale à la fois l’affaiblissement
de l’autorité présidentielle et annonce
une importante et rapide opposition
interne au nouveau premier ministre.
En changeant un visage au sommet,
Emmanuel Macron veut-il
pour autant changer de cap ?
Dans le panorama plutôt rose que je
viens de dresser, c’est évidemment là
que le bât blesse. Comme à son habi-
tude, le chef de l’État a privilégié la
communication et la manœuvre poli-
ticienne au choix politique de fond.
Nommer Gabriel Attal à Matignon ne
présage en effet nullement la politique
du prochain gouvernement et laisse
sans réponse le défi fondamental de ce
quinquennat : trouver une majorité
parlementaire. La séquence logique
eût été de définir par une adresse so-
lennelle du chef de l’État le cap à ve-
nir et à tenir, puis de nommer le gou-
vernement. Apparemment mineur,
mais lourd de conséquences, sera le
destin du portefeuille de l’Éducation
nationale. D’ores et déjà, le monde de
l’éducation se désole de ce départ trop
rapide qui pourrait laisser à penser
que ce poste décisif pour le pays, le
« ministère du Futur » comme disait
François Bayrou, n’aura été qu’une
étape, vite brûlée, d’une ambition
personnelle. Il est clair que, d’une fa-
çon ou d’une autre, l’exécutif devra
envoyer un signe fort sur le sujet, sous
peine d’entamer la très (trop ?) fraî-
che crédibilité du nouveau premier
ministre : en rattachant la Rue de
Grenelle à Matignon, par exemple ?
saires. Mais c’était le contraire d’une
politique à un moment hyperpolitique
et dans une situation d’équilibre des
pouvoirs la plus difficile qu’on ait
connu sous la Ve République. Elle était
depuis le départ assez inadaptée.
Le sacrifice primo-ministériel
est une tradition de la Ve République.
N’est-ce pas une anomalie
institutionnelle ?
Ce qui est certain, c’est que la réalité du
pouvoir des premiers ministres est très
différente que ce qui était prévu par la
lettre de la Constitution. Depuis le dé-
but, le rôle du président a été plus fort.
Songeons que, tous les trimestres, Va-
léry Giscard d'Estaing publiait la liste
précise des objectifs donnés à son pre-
mier ministre Jacques Chirac, qui trou-
vait ça très humiliant. Tout ça n’a ja-
mais cessé. Le premier ministre aux
mains libres n’a jamais vraiment existé.
À force d’user de ce présidentialisme,
les Français ne sont-ils pas devenus
indifférents au gouvernement ?
Des ministres ont su s’imposer de fa-
çon spectaculaire. On songe à Alain
Peyrefitte comme ministre de l’Éduca-
tion nationale, ou Nicolas Sarkozy à
l’Intérieur… Mais globalement, c’est
rare. La nature profonde de la Ve est la
prééminence de l’exécutif sur le légis-
latif, s’imposer est difficile.
Cette nomination met-elle
Gabriel Attal en lice pour 2027 ?
Il est beaucoup trop tôt pour le dire. Si
c’est un premier ministre qui n’arrive
pas à se créer son propre statut, il ne
sera pas dans la course. S’il arrive à in-
téresser les Français, à exister davan-
tage, à inventer son propre rôle, la
question peut se poser.
* Dernier ouvrage paru :
« Le Prince balafré. Emmanuel Macron
et les Gaulois (très) réfractaires »
(L’Observatoire, 2023).
En concentrant sur l’éducation « l’ini-
tiative nationale » annoncée par le
président, comme la rumeur lui en
prête l’intention ? En toute hypothè-
se, une clarification s’impose d’ur-
gence sur le sens et les conséquences
politiques de cette nomination.
Peut-on comparer la situation
actuelle avec l’arrivée
de Laurent Fabius en 1984
ou celle de Pierre Bérégovoy
en 1992, appelés à Matignon
pour éviter un désastre
lors du scrutin suivant ?
Comparaison n’est pas raison, mais ces
deux précédents sont un mauvais pré-
sage pour Gabriel Attal, puisque l’un et
l’autre ont débouché sur des désastres
électoraux pour la majorité sortante.
Et pour cause : l’un et l’autre ont été
des replâtrages sur une jambe de bois,
où l’opération de « com’ pol’ » l’a em-
porté sur les choix de fond, jamais
énoncés, jamais assumés. Ne nous
avait-on pas vendu la nomination de
Laurent Fabius comme celle - déjà -
du « plus jeune premier ministre de la
Ve République » ? Et celle de Pierre Bé-
régovoy comme celle « de l’homme du
peuple, proche des préoccupations des
Français » ? C’est bien pourquoi je
considère depuis 2017 Emmanuel Ma-
cron comme le vrai fils de François
Mitterrand, et ces deux hommes com-
me les disciples du cardinal de Retz,
qui leur a enseigné que « l’on ne sort de
l’ambiguïté qu’à ses dépens ». Mais, à
mon sens, c’est là un contresens histo-
rique et politique : il suffit pour s’en
convaincre de regarder la destinée po-
litique dudit cardinal…
Or, plus que jamais, l’état de la France
nécessite et les Français réclament
clarté, constance et détermination.
* Président du conseil scientifique
et d’évaluation de la Fondation
pour l’innovation politique (Fondapol)
et enseignant à Sciences Po.
 LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024

OPINIONS CHAMPS LIBRES 15

CHRONIQUE
Bertille Bayart
£@BertilleBayart
Que peut Sisyphe face à Ubu ?
l y a un an, devant la galette des donc indigné ce 5 janvier 2024 d’un dans la précampagne des élections Euro7, directive Reach sur les

I
rois géante partagée à l’Élysée,
Emmanuel Macron avait fait
aux boulangers, et à l’ensemble
des très petites entreprises, une
promesse que le gouvernement
avait eu bien des difficultés à honorer :
ils pourraient renégocier tous leurs
contrats de fourniture d’électricité
conclus quelques semaines plus tôt
seulement à des prix stratosphériques.
Ce doit être l’effet frangipane : cette
année, devant la même galette et le
même public, le chef de l’État a encore
fait une promesse, probablement
encore plus difficile à tenir : il y aura,
a-t-il assuré, « un travail massif
de simplification ». Macron a fait
du Macron, du Macron 2017. Il s’est
« monde (…) où de plus en plus souvent,
on cherche à travers le maquis des lois ce
qui n’est pas interdit ». Il en annonce un
autre, où « tout ce qui n’est pas interdit
devient autorisé ». Peut-on renverser la
table après sept ans de pouvoir (et avec
une majorité relative) ? Il faut « inverser
la charge de la preuve », revendique le
président. Son ministre de l’Économie,
Bruno Le Maire, enfonce le clou :
« Notre administration ne doit plus être
face aux entrepreneurs, elle doit être
avec eux. Elle ne doit pas défendre sa
place, elle doit se mettre à leur place. Elle
ne doit pas sanctionner, elle doit servir. »
Ce volontarisme, appuyé sur une
vaste consultation ouverte à tous
les chefs d’entreprise, s’inscrit
européennes. Des plus petits
entrepreneurs aux plus grands,
le sujet de la complexité administrative
devient inflammable. À l’automne,
les dirigeants des trois organisations
patronales (Medef, CPME, U2P) avaient
pris la plume ensemble pour se décrire
« assommés par une avalanche
de normes ». Le Medef avait recensé
au printemps le flot venu de Bruxelles
- 502 obligations et 3 670 pages
de réglementations ont déboulé
en cinq ans - et Paris n’est pas en reste.
Partout, ça grogne, ça rouspète,
ça proteste. La suffocation
par étranglement bureaucratique fait
partie des premières motivations
qui conduisent, un peu partout sur
les routes de France, les agriculteurs
à mettre les panneaux d’entrée de ville
la tête en bas. Manifestations encore
substances chimiques, directive sur
le devoir de vigilance des entreprises).
Seulement voilà, la norme
et la bureaucratie sont comme du
chiendent, qui repousse plus vite que
le rythme auquel on l’arrache. Exemple
avec le foisonnement des aides à la
transition écologique. Selon un rapport
de l’Inspection générale des finances,
dont il ne faut pas sous-estimer le
potentiel burlesque, la « multiplication
des “guichets uniques” » pour s’y
retrouver est elle-même devenue un
« facteur de complexité ». Tout est dit.
Déterminé dans son effort
en faveur de l’attractivité et de la
réindustrialisation, le gouvernement a
beaucoup déblayé dans les procédures
qui freinent, voire bloquent, les projets
des entreprises et des investisseurs.
Et pourtant. Dans son rapport sur

@ 100 000 citations

et proverbes sur evene.fr ENTRE GUILLEMETS
débonnaires d’un ras-le-bol qui risque
de se traduire par un vote de colère
dans les urnes, comme aux Pays-Bas.
Lors de la galette de l’Épiphanie,
la politique d’attractivité, le député
(Renaissance) Charles Rodwell
a encore relevé quelques perles de la
vie ordinaire des entreprises. Certaines
10 janvier 1922 : naissance de Michel Henry, philosophe et romancier français.
Emmanuel Macron a d’ailleurs ont ainsi « été soumises à pas moins
pris soin d’adresser ses meilleurs vœux de six enquêtes (région, agglomération,
de simplification tout particulièrement Dreal, administrations centrales)
Michel Henry au monde agricole. sur la consommation énergétique de
Le premier quinquennat Macron leurs sites » pendant la crise de l’hiver
Le spectacle de la beauté qui avait commencé par un texte
emblématique, la loi Essoc pour une
dernier. Autre exemple : des arrêtés
sécheresse nationaux venant
s’incarne dans un être vivant « société de confiance » qui consacrait contredire des arrêtés départementaux.
LOUIS MONIER/BRIDGEMAN IMAGES

le principe du droit à l’erreur dans Pour l’énergie, nucléaire

est infiniment plus émouvant les rapports avec l’administration,
puis avec la loi Pacte. Autre texte
important : la loi Asap (accélération
que celui de l’œuvre et simplification de l’action publique)
et renouvelable, pour les grands projets
d’industrie verte, l’exécutif a créé,
comme pour les Jeux olympiques
ou la reconstruction de Notre-Dame,

la plus grandiose»
votée en 2020. L’effort a aussi été porté
sur la scène européenne : Emmanuel
Macron avait réclamé une « pause
réglementaire », et la France a été
sur la réserve sur trois grands textes
communautaires (norme automobile
des dispositifs d’exception, dérogeant
à la règle commune pour tenir
des délais contraints. L’objectif
de simplification ne sera atteint,
si cela est seulement possible, que
le jour où l’exception sera la norme.

ANALYSE
VOX
En 2050, près d’un tiers des
Anne de Guigné
£@adeguigne

... Matignon
Français pourraient vivre seuls « Élisabeth Borne,
dernière victime
endant les confinements près de la moitié des départements, Barrot, l’actuel ministre du Numérique, expiatoire du rituel

P
de 2020, pour se distraire
des difficultés, les Français
avaient bâti des châteaux
en Espagne. Les textes
sur le « monde de demain »
s’étaient multipliés. La nouvelle société
serait plus solidaire et écologique ;
la ville moins écrasante, la ruralité
revitalisée grâce au numérique.
Près de quatre ans plus tard, aucune
de ces promesses semble n’avoir résisté
à la dure réalité du retour à la vie
quotidienne. Le nouveau monde
ressemble furieusement à l’ancien.
ceux « situés principalement dans qui était alors député. Avec quelques
la diagonale des faibles densités, dans années de recul, ce mouvement sacrificiel primo-
les Hauts-de-France et en Normandie », de mise au vert des Parisiens semble
précise l’institut de statistiques, qui donc n’avoir été qu’un feu de paille. ministériel ? », une tribune
ne table donc pas franchement sur un
grand mouvement de déménagement
Selon les scénarios de l’Insee,
il y aurait d’ici à 2050 entre 32 millions de Jean Garrigues,
des urbains vers la campagne. Cette
diversité démographique ne se reflète
et 36 millions de ménages, contre
30 millions en 2018 et 22 millions en
président du Comité
toutefois pas sur les revenus : la montée
en puissance, tout au long du XXe siècle,
1990. Rupture significative, le ressort
principal de cette croissance n’est
d’histoire parlementaire
de l’État social a en effet assuré une
lente homogénéisation des conditions
plus l’augmentation globale de la
population mais l’explosion du nombre
et politique.
de vie partout en France. de personnes célibataires, qui, aux yeux
de l’Insee, forment

« Rupture significative, le ressort

Et les projections sur l’évolution des chacune un ménage.
ménages français (soit des personnes « La taille des ménages
qui partagent la même résidence principal de cette croissance diminuerait globalement LES RENCONTRES
principale) dans les prochaines n’est plus l’augmentation globale à âge donné, du fait DU FIGARO
décennies, que l’Insee publie ce mardi, de la population mais l’explosion du notamment des hypothèses
déprimeront les derniers rêveurs. relatives à l’augmentation Mathieu Bock-Côté
Selon cette étude, qui se fonde sur les nombre de personnes célibataires, des séparations et de la part le mercredi 10 janvier 2024
tendances passées pour dessiner celles qui, aux yeux de l’Insee, forment des personnes vivant
à 20 h, Salle Gaveau.
à venir, les prochaines décennies vont
accélérer de manière spectaculaire
chacune un ménage » seules », écrivent
les statisticiens. Les Tarif : 25 €.
DESSIN FABIEN CLAIREFOND

la fracturation géographique du pays chiffres de l’institut sont Placement libre

et l’individualisation des modes de vie.
Pays centralisé depuis Philippe le Bel,
la France s’est construite sur des
disparités territoriales assumées. Elles
pourraient prendre, ces prochaines
années, malgré tous les plans dédiés au
soutien du monde rural et les promesses
de décentralisation, une nouvelle
dimension, avec une concentration
inédite de la population dans un nombre
restreint de villes. Entre 2008 et 2018,
en raison du ralentissement national
de la croissance démographique,
un quart des départements français
avaient vu leur population diminuer.
Ce mouvement de dépeuplement
concernerait, entre 2018 et 2050,
L’Île-de-France se distingue spectaculaires : en 2008, 20 % des
dans le paysage. Durant les prochaines Français vivaient seuls. Ils étaient 23 % Réservations :
décennies, les ménages continueraient en 2018 et seraient 30 % en 2050. Le www.lefigaro.fr/
de quitter Paris, tandis que nombre des familles monoparentales, rencontres.
les départements avoisinants c’est-à-dire d’adultes vivant seuls avec Informations :
en accueilleraient a contrario leur(s) enfant(s), continuerait aussi 01 70 37 18 18
en nombre. À la sortie du Covid, d’augmenter : de 5 % en 2008, à 5,7 %
entre le second semestre 2019 en 2018 et 6,7 % en 2050. Alors que
et le second semestre 2020, les départs le couple apparaît comme un rempart
de Paris avaient progressé de 30 % selon contre la pauvreté, ces évolutions,
les données des notaires. En miroir, si elles se confirment, mettront
les installations de Parisiens dans le à défi le modèle social français.
Loiret s’étaient envolées sur la période Dans sa dernière étude sur les familles
de 153 %, dans l’Eure de 148 %, dans françaises, l’Insee notait ainsi que Ce soir à 20h sur le site
l’Orne de 110 %, en Eure-et-Loir de « 41 % des enfants mineurs vivant en du Figaro, présenté par
Jean-Christophe Buisson
72 %… notait un rapport sur l’impact famille monoparentale (…) sont pauvres,
territorial de la crise, de Jean-Noël contre 21 % de l’ensemble des enfants » .

Dassault Médias SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions Anne Huet-Wuillème (Édition, Directeur artistique FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy FR

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 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO - N° 24 690 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

> FOCUS
lefigaro.fr/economie MACRON ET
ZELENSKY AU
FORUM DE DAVOS
HABILLEMENT TECH Emmanuel Macron est attendu la se-
CES ENSEIGNES QUI DES TÉLÉVISEURS DOPÉS maine prochaine à Davos, a confirmé
mardi le Forum économique mondial,
PROFITENT DES SOLDES POUR À L’IA ET MUNIS D’ÉCRANS organisateur de cette réunion annuel-
VENDRE AU PRIX FORT PAGE 20 TRANSPARENTS PAGE 23 le des grands de ce monde dans la
station suisse. La présence du premier
ministre chinois, Li Qiang, marquera le
retour de la Chine au Forum, au plus
Le Boeing 737 Max 9 haut niveau, depuis le Covid. Les
d’Alaska Airlines États-Unis seront représentés par
dont une porte s’est leur chef de la diplomatie, Antony Blin-
détachée, le 5 janvier, ken, et par Jake Sullivan, le conseiller à
en plein vol. la Sécurité nationale. Aux côtés de la
présidente de la Commission euro-
péenne, une soixantaine de chefs
d’État et de gouvernement sont at-
tendus. Parmi eux, un nouveau venu
devrait attirer l’attention, le président
argentin, Javier Milei. Le président
ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui in-
STOCK.ADOBE.COM, STEVE MARCUS/REUTERS, CRAIG MITCHELLDYER/AP

terviendra pour la troisième fois au

Forum de Davos depuis le début de la
guerre, sera cette année présent phy-
siquement. Patrons et officiels russes
ne sont plus conviés au Forum depuis
l’invasion, il y a bientôt deux ans.
Le président français ne s’est pas rendu
à Davos depuis 2018. Sa visite dans la
station des Grisons, où se rassemblent
les puissants du monde, ne manquera
pas d’être brocardée par la gauche, les
syndicats et nombre d’ONG qui dénon-

Boeing : la série noire ceront le « président des riches » et

l’entre-soi. Les chefs de gouverne-
ment et les ministres font en général
valoir pour leur défense que le WEF
(l’acronyme anglais du Forum écono-
mique mondial) permet de rencontrer
en quelques heures des homologues
Le grave incident du 737 Max 9 dont une porte a été arrachée en plein vol jette de tous les continents, ainsi que de
grands investisseurs internationaux.
à nouveau le trouble sur la fiabilité industrielle du géant américain. PAGES 18 ET 19 Cette 54e édition du WEF intervient
dans un « contexte géopolitique et
économique particulièrement com-
plexe », a souligné son président, l’an-

Bruxelles se penche sur les liens Microsoft-OpenAI
« L’industrie de l’intelligence artifi-
cielle a le potentiel de devenir le mu-
sée des horreurs de l’antitrust. » Les
mots de Benoît Cœuré, président
de l’Autorité de la concurrence,
semblent avoir eu un écho à
Bruxelles. La Commission euro-
péenne a annoncé mardi qu’elle
allait se pencher sur les investisse-
ments colossaux de Microsoft dans
l’entreprise américaine OpenAI, à
l’origine de ChatGPT, dont il dé-
tient 49 % du capital. L’exécutif
bruxellois va plus largement
« examiner certains accords conclus
entre les grands acteurs du marché
numérique et les fournisseurs d’IA
générative » et « étudier l’impact de
ces partenariats sur la dynamique de
ce marché. » Le risque est en effet
que ces acteurs déjà ultradomi-
nants de la tech verrouillent un
peu plus leurs positions en captu-
rant, via des investissements et
prises de participation, les innova-
tions de certaines pépites de l’IA.
Microsoft a investi plus de 10 mil-
liards de dollars dans OpenAI, es-
sentiellement sous la forme de
mise à disposition de puissances de
calcul adaptées à ses besoins. Ces
dernières, très coûteuses, sont in-
dispensables à l’entraînement des
IA les plus avancées, et à leur bon
fonctionnement. En échange, Mi-
crosoft a un accès exclusif aux
technologies d’OpenAI, qui irri-
guent ses propres produits.
L’autorité britannique de la
concurrence avait elle aussi an-
noncé en décembre examiner les
liens entre Microsoft et OpenAI
afin de déterminer s’il s’agit ou
non d’une fusion déguisée. Elle a
lancé un appel à commentaires
« des parties et des tiers intéressés ».
Bruxelles veut également recueillir
les avis des acteurs du numérique
« sur la manière dont le droit de la
concurrence peut contribuer à ga-
rantir que ces nouveaux marchés
restent concurrentiels ». Outre l’in-
telligence artificielle, la Commis-
sion s’intéresse aussi aux « mondes
virtuels » sans préciser ce qu’elle
met derrière ce terme. C. W.
cien ministre norvégien des Affaires
étrangères Borge Brende. La guerre
entre Israël et le Hamas sera évidem-
ment l’un des sujets abordés lors de
conférences comme en coulisses.
Cette édition 2024, dont le slogan est
« rétablir la confiance », couvrira des
thèmes aussi variés que la santé, le
climat ou l’intelligence artificielle, qui
dominera nombre de tables rondes.
Sur les 2 800 participants annoncés
venant de 120 pays, quelque 800 PDG
du monde entier sont attendus, dont
environ 150 du monde de la tech.
FABRICE NODÉ-LANGLOIS

le PLUS du L'HISTOIRE Zity, le service

FIGARO ÉCO
L’État commence à former ses cadres d’autopartage de
FUSIONS-
ACQUISITIONS aux enjeux du numérique et de l’IA Renault, arrête à Paris
Embellie en vue

L
a transformation numérique une centaine de directeurs étaient dans les Zity dit stop à Paris. Le service chargée de gérer Zity. Cette
en 2024 est encore trop souvent vue locaux parisiens de l’Institut national du d’autopartage de Renault ces- sortie de route rappelle la fin
PAGE 22 « comme une affaire de geeks
et de DSI (directeur des
service public (INSP, ex-ENA). La matinée
a été ponctuée notamment d’une conférence
sera ses opérations dès le
15 janvier dans la capitale et
d’Autolib’ en 2018, faute
d’avoir trouvé l’équilibre fi-
systèmes d’information, et d’une table ronde, afin d’aborder les grands les quelques villes de la ban- nancier. Pour expliquer ses dé-
LA SÉANCE NDLR) », fustige Cornelia Findeisen, enjeux liés au numérique : raisons du retard lieue ouest (Boulogne, Issy- boires, la filiale de Bolloré
DU MARDI 09 JANVIER 2024 chargée des ressources humaines des français et européen, importance de les-Moulineaux, Vanves) qu’il s’était aussi plainte du manque
CAC 40 agents de l’État pour sa composante l’exploitation des données… L’après-midi a, dessert. Sur le papier, le prin- de respect des clients pour ses
7426,62 -0,32% numérique. Pour remédier à ce problème, pour sa part, été consacrée a des ateliers sur cipe était séduisant : Zity pro- véhicules. Tout cela sur fond de
l’État lance un cycle de formation pour ses l’intelligence artificielle (IA). Contrairement à posait aux clients de louer des conflit avec la mairie de Paris.
DOW JONES quelque 200 directeurs d’administration l’initiative similaire de formation à la voitures électriques (des Re- À la même époque, les pion-
37521,54 -0,43% centrale. Mieux vaut tard que jamais, transition écologique lancée en 2022 - qui est nault ZOE puis des Dacia niers asiatiques du vélo sans
dit l’adage… obligatoire Spring) avec une facturation à bornes (Gobike, Ofo…), qui de-
ONCE D’OR « Il faut faire pour l’intégralité la minute d’utilisation. Le puis ont disparu, avaient dé-
2038,15(2028,00) client les empruntait et les re- ploré que leurs véhicules soient
en sorte que des 5,7 millions
mettait à la fin de la course à vandalisés dans la capitale.
les décideurs d’agents publics
PÉTROLE (Brent) n’importe quelle place de sta- Pour autant, ce retrait de Paris
comprennent que d’ici 2027 -, tionnement public. La formule
77,850 (76,250) ne constitue pas la fin de Zity.
ce sont eux qui sont la formation comptait 100 000 abonnés. La plateforme va continuer à
EUROSTOXX 50 à la manette et que au numérique Mais, alors qu’elle avait été travailler à Madrid, où elle est
4468,80 -0,37% s’ils ne s’approprient ne sera un lancée en mai 2020 à Paris, elle rentable depuis 2022, ou à
pas ce levier-là, impératif que pour n’a jamais réussi à dégager des Lyon et à Milan, où elle s’est
FOOTSIE primordial, ils les directeurs profits. « Les dommages impor- lancée il y a deux ans. À Paris,
7683,96 -0,13% auront raté quelque d’administration tants et répétés (sur) nos véhicu- il ne restera donc qu’un seul
chose », explique centrale. Une les à Paris les rendaient très service d’autopartage en li-
NASDAQ Cornelia Findeisen. prochaine journée souvent indisponibles et engen- bre-service : Free2move, fi-
16674,69 +0,15% Pour la première de formation draient des coûts de main- liale du groupe Stellantis, qui
journée de devrait avoir lieu tenance devenus ingérables », propose des Peugeot 208 et
NIKKEI formation, ce mardi, en mars. ■ J. R. P. explique un responsable de des Fiat 500 électriques.
A

33763,18 +1,16% Mobilize, la filiale de Renault J.-Y. G.

 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO
18 L'ÉVÉNEMENT
La descente aux enfers de Boeing après un
accident sur son avion vedette
Le 737 Max, lancé pour concurrencer l’Airbus A320neo, à nouveau mis en cause après avoir perdu une porte
PIERRE-YVES DUGUA£@Pdugua
ET ELSA BEMBARON £@ebembaron
AÉRIEN L’affaire du vol 1 282
d’Alaska Airlines prend une tour-
nure dramatique pour Boeing.
Vendredi, un panneau de porte
d’un Boeing 737 Max 9 s’est détaché
en plein vol, avant d’être retrouvé
quelques heures plus tard dans
l’Oregon. Dans un premier temps,
l’avionneur avait pu espérer qu’il
s’agisse d’un simple problème sur
un appareil et non pas d’un défaut
lié à sa conception. Las, la thèse
d’une anomalie isolée dans l’as-
semblage d’un 737 Max 9, provo-
quant un incident certes grave mais
sans victime, a été mise à mal dès
les premières heures de l’enquête.
« Des boulons desserrés ont ainsi
été trouvés par les techniciens de Uni-
ted Airlines sur plusieurs de ses
79 Max 9 », a fait savoir la compa-
gnie. Alaska Airlines qui utilise 65 de
ces appareils, procède en même
temps aux mêmes inspections, exi-
gées dans l’urgence par la Federal
Aviation Administration (FAA), régu-
lateur fédéral des transports aériens.
Il est certes beaucoup trop tôt
pour tirer des conclusions sur les
causes du détachement en plein
vol d’un panneau du fuselage. Pour
autant, l’espoir d’une levée rapide
de l’interdiction de vol des 171 avi-
ons de cette version du 737 Max di-
minue. Le monocouloir le plus po-
pulaire de l’avionneur américain
risque d’être cloué au sol plus
longtemps.
La découverte par United Airli-
nes d’autres anomalies, grâce
« aux inspections renforcées » or-
données par la FAA, retarde en tout
cas la remise en service des appa-
reils similaires exploités non seule-
ment aux États-Unis, mais aussi à
l’étranger par Copa Airlines, Aero-
mexico ou encore Turkish Airlines.
L’enquête du National Transpor-
tation Safety Board (NTSB), le bu-
reau fédéral américain des acci-
dents de transport, dira si l’incident
est lié à un mauvais assemblage des
panneaux, munis d’un hublot, qui
recouvrent l’emplacement de
sortie d’urgence de l’avion.
Ou bien s’il s’agit d’une er-
reur de conception par
Les appareils soumis à des contrôles très stricts tout au long de leur
« progresse
Boeing
sur la voie
de la
stabilisation
du système
de production
et des approvi-
sionnements
DAVID CALHOUN,
» taire : deux compagnies américai-
LOGAN CYRUS/AFP
LE 25 OCTOBRE 2023.
LE PDG DU GÉANT
AMÉRICAIN N’A CESSÉ
DE RÉPÉTER CE GENRE
DE DÉCLARATIONS
A
Boeing. Le système, qui existait déjà
sur des avions antérieurs au 737
Max, permet aux compagnies
d’installer ou non des portes d’éva-
cuation d’urgence, suivant la confi-
guration de la cabine et le nombre
de passagers désirés.
Les enquêteurs sont heureux
d’avoir retrouvé le panneau de
29 kg, mesurant 66 sur 117 cm,
dans le jardin d’un enseignant de la
banlieue de Portland (Oregon). Il
sera examiné au microscope dans
les laboratoires du NTSB. Le fait
que l’élément ait été retrouvé in-
tact, ne semble pas compatible
avec le desserrage d’un des quatre
boulons censés le maintenir en
place. En cas de desserrage partiel,
le panneau se serait probablement
cassé en plusieurs morceaux.
Le NTSB se penche aussi sur
trois incidents qui pourraient être
liés au détachement soudain du
panneau à 16 000 pieds (environ
4 800 mètres) après 20 minutes de
vol. Le 7 décembre, puis le 3 et le
4 janvier, dans le cockpit du
même avion, le voyant lumineux
d’autopressurisation de la cabine
s’est allumé de manière inexpli-
quée. Mais là, les systèmes de se-
cours prévus dans ce cas ont fonc-
tionné normalement. Alaska
Airlines a néanmoins choisi de ne
plus recourir à cet avion neuf (li-
Un enquêteur américain
examine la zone où un panneau
du fuselage du vol 1282 d’Alaska
Airlines (un Boeing 737 Max 9)
s’est détaché 20 minutes après
le décollage, vendredi, à Portland.
PIERRE-LOEIZ THOMAS
plthomas@lefigaro.fr
Après le décrochage et la perte
d’une porte du Boeing reliant
Portland, dans l’Oregon, à Onta-
rio, en Californie, vendredi 5 jan-
vier, l’agence américaine de
l’aviation civile (FAA) a cloué au
sol quelque 171 Boeing 737 Max 9 à
travers le monde, le temps d’ef-
fectuer un contrôle complet de ces
appareils. La décision a été salu-
nes ont annoncé avoir découvert
des anomalies après avoir passé au
peigne fin leurs appareils.
United Airlines, qui exploite la
principale flotte de 737 Max 9 au
monde avec 79 avions, a décou-
vert des « boulons qui nécessitaient
d’être resserrés » au niveau des
portes condamnées, l’élément qui
vré par Boeing le 31 octobre der-
nier) pour de longues liaisons vers
Hawaï au-dessus du Pacifique.
Toutefois, l’anomalie de pressuri-
sation n’a peut-être rien à voir
avoir avec un détachement du
panneau qui aurait pu être mal
installé par Spirit AeroSystems.
“d’année
C’est un début
inquiétant...
Ce nouvel incident
contribue à l’érosion de
la confiance fragile qui
se constituait autour
”
du modèle 737 Max
RONALD EPSTEIN,
ANALYSTE DE BANK OF AMERICA
Ce fournisseur de Boeing, dont le
siège se trouve à Wichita (Kansas),
est une ancienne filiale de l’avion-
neur, indépendante depuis 2005.
Mais le processus d’assemblage du
737 Max 9 implique aussi les
ouvriers de l’usine Boeing de Ren-
ton (État de Washington). Le pan-
neau est en effet retiré du fuselage à
Renton afin d’installer les équipe-
ments intérieurs de l’appareil. Il est
ensuite réattaché. Une montée en
pression de la cabine à 150 % est
alors appliquée de manière à véri-
s’est détaché lors du vol Portland-
Ontario. De son côté, Alaska Airli-
nes a constaté des « équipements
mal fixés » sur certains de ses ap-
pareils. Mais comment de tels dé-
fauts ont-ils pu passer entre les
mailles du filet ? C’est ce que l’en-
quête ouverte par le National
Transportation Safety Board
(NTSB), l’agence américaine
chargée de mener des investiga-
tions sur les accidents aériens, va
devoir déterminer.
Des inspections régulières
« Ce genre d’incident est extrême-
ment rare, nuance Hugues Le Car-
dinal, fondateur et président de
Velica, une société de conseil spé-
cialisée dans la certification et
l’expertise aéronautique. Le milieu
aéronautique est un domaine très
réglementé. Il y a des contrôles
stricts à chaque étape de la vie d’un
fier qu’elle est étanche et fiable. Le
NTSB, avec la coopération de
Boeing et Spirit AeroSystems, de-
vra déterminer si la conception ou
seule la fabrication du fuselage et
du panneau sont mises en cause.
Le calendrier est désastreux
pour Boeing. La certification de ses
derniers modèles de 737, le Max 7
plus court et le Max 10 allongé, est
en cours. L’approbation a déjà été
reportée à plusieurs reprises par la
FAA. Voilà qui explique la chute de
plus de 8 % du cours de Boeing
lundi à Wall Street. Un plongeon
qui représente une douzaine de
milliards de dollars de capitalisa-
tion vaporisée en quelques minu-
tes. Spirit AeroSystems a aussi vu
son cours de Bourse plonger de
13 % lundi.
Toutefois, l’affaire ne devrait pas
affecter notablement les finances
de Boeing cette année, estime Ro-
nald Epstein, analyste de Bank of
America. À condition bien entendu
que la production du 737 Max ne
s’en trouve pas à nouveau suspen-
due pendant des semaines et que le
calendrier de livraisons ne soit pas
chamboulé. « C’est un début d’an-
née inquiétant… Ce nouvel incident
contribue à l’érosion de la confiance
fragile qui se constituait autour du
modèle 737 Max », juge l’analyste.
L’affaire du vol d’Alaska Airlines
avion. » Depuis 1944 et la signatu-
re de la convention de Chicago,
tous les avions de ligne immatri-
culés en Europe doivent être cer-
tifiés par ses États membres, une
tâche qui a été déléguée à l’Agen-
ce européenne de la sécurité aé-
rienne (Easa), à l’instar de son ho-
mologue américaine, la FAA. Les
appareils doivent respecter des
normes rigoureuses dès leur
conception et jusqu’à leur mise en
service.
« Ces démonstrations de confor-
mité se font par analyses lors d’es-
sais au sol, tels que des essais sur la
structure pour résister aux impacts
d’oiseaux, des essais de fatigue ou
des essais sur simulateurs, mais
également par le biais d’essais en
vol », détaille Janet Northcote,
porte-parole de l’Easa.
Tout au long de leur vie, les
avions sont aussi soumis à des vi-
empêche Boeing de tourner la page
des scandales qui ont déjà marqué
l’histoire du 737 Max. La litanie des
ennuis du constructeur est longue.
La réputation du 737 Max est enta-
chée depuis plusieurs années par
deux crashs, celui du vol Lion Air
610 le 29 octobre 2018 et du vol
Ethiopian Airlines 302 le 10 mars
2019, qui ont fait 346 morts au to-
tal. Pressé de contrer le succès
commercial de l’A320neo d’Air-
bus, Boeing a reconnu avoir sacri-
fié la sécurité au profit de la rapidi-
té d’exécution du programme.
Plutôt que de se lancer dans la
conception d’un nouvel appareil,
l’Américain a misé sur des versions
modernisées d’appareils existant,
les 737 et 777. Au point de perdre
une partie du savoir-faire indus-
triel indispensable au bon fonc-
tionnement d’une telle entreprise.
Cette lente descente aux enfers
avait conduit au limogeage dès
2019, du directeur général de l’avi-
onneur, Dennis Muilenburg, rem-
placé par Dave Calhoun. En janvier
2021, Boeing avait espéré tourner la
page, avec le paiement d’une
amende de 2,5 milliards de dollars
mettant un terme aux poursuites
pénales lancées par la FFA.
L’avionneur avait reconnu avoir
menti à l’autorité pour obtenir plus
rapidement l’autorisation de mise
NTSB/VIA REUTERS
sites d’entretien. Avant chaque
vol, un rapide tour de l’appareil
doit permettre de détecter les
anomalies perceptibles à l’œil nu.
Des vérifications
robotisées
D’autres contrôles sont planifiés
chaque mois, chaque trimestre et
chaque année. Les immobilisa-
tions, qui peuvent durer une nuit
ou plusieurs mois selon le type
d’appareil, permettent de vérifier
l’état de la carlingue mais aussi la
fonctionnalité des instruments
électroniques de vol. « Un avion
est comme une voiture, compare
Hugues Le Cardinal. Quand elle est
neuve, on change l’huile et tout va
bien. Plus elle vieillit, plus il y a des
vérifications à faire. »
Depuis plusieurs années main-
tenant, certaines étapes de main-
tenance sont déléguées à des ro-

nouvel
en plein vol.
en service du 737 Max. Le système
antidécrochage, le MCAS, avait été
mal conçu. Pire, toujours pour ga-
gner du temps, Boeing avait aussi
sacrifié la formation de ses pilotes.
Les ennuis se sont accumulés
autour des différentes versions du
737. La découverte de fissures sur
une cinquantaine de 737 NG en
2019 avait contraint les compa-
gnies aériennes à inspecter les
6 666 appareils de ce type en servi-
ce dans le monde, dont près de
2 000 aux États-Unis. Mi-octobre
2023, le constructeur a annoncé
élargir ses inspections, lancées en
août, après la découverte d’un
nouveau défaut affectant le 737
Max 8. Des centaines de trous mal
percés de façon automatique ont
été découverts sur la cloison de
pressurisation arrière, livrée par
Spirit AeroSystems. Par précau-
tion, Boeing inspecte aussi les
autres trous, percés à la main, sur
ces cloisons.
“pasLele737seulMaxà accumuler
n’est
”
les ennuis
Le 737 Max n’est pas le seul à ac-
cumuler les ennuis. Des « non-
conformités », selon l’expression
de Boeing, ont également été iden-
tifiées depuis quatre ans sur le
long-courrier 787 Dreamliner, sur
l’avion militaire KC-46 et sur la
capsule spatiale Starliner, dont le
premier vol habité a été décalé
d’un an, à avril 2024. Sans oublier
les retards du 777X, nouvelle ver-
sion du gros-porteur, qui n’est
toujours pas certifiée.
Depuis son arrivée aux com-
mandes à la tête de l’entreprise,
Dave Calhoun n’a eu de cesse d’es-
sayer de redresser la barre, notam-
ment en embauchant massivement
et en reprenant les programmes de
formation. Il a placé Howard Mc-
Kenzie, lui-même ingénieur che-
vronné, à la tête des 57 000 ingé-
nieurs du groupe. Alors que le
recours à l’externalisation avait été
massif, des équipes ont été déta-
chées auprès de sous-traitants ; la
coopération a été renforcée avec
Spirit afin de synchroniser les sys-
tèmes de production et d’améliorer
la qualité. Mais à force d’être sous
le feu des projecteurs pour de mau-
vaises raisons, l’avionneur pour-
rait avoir de plus en plus de diffi-
cultés à attirer de nouveaux clients.
Ainsi, les compagnies aériennes
chinoises n’ont plus commandé de
Max depuis 2017. L’an passé, Air-
bus a engrangé 1 883 commandes,
Boeing 945 (à fin novembre). Et le
géant américain affichait encore
2,2 milliards de dollars de pertes
opérationnelles lors des neuf pre-
miers mois de 2023. ■
vie
bots. C’est notamment le cas à ea-
syJet, qui a noué un partenariat
avec le Bristol Robotics Laborato-
ry en 2014. Avec cet accord, la
compagnie low cost espère géné-
raliser l’usage de drones pour ins-
pecter ses avions.
Même chose chez Airbus, qui a
confié à Donecle, une start-up
toulousaine, certaines opérations
de contrôle depuis des drones. Sur
son site internet, la jeune pousse
promet de diviser par dix la durée
des contrôles. Pour les deux com-
pagnies, réduire le temps d’im-
mobilisation est un enjeu de taille.
Chaque heure d’un avion cloué au
sol coûte environ 10 000 dollars à
la compagnie qui l’exploite. Mais
les robots n’ont pas le dernier
mot. « À la fin du processus, il y a
toujours un humain qui doit vérifier
et signer un papier », rappelle Hu-
gues Le Cardinal. ■
CHRONOLOGIE
OCTOBRE 2018
Le crash d’un 737 Max
de Lion Air en Indonésie
fait 189 morts
MARS 2019
Le crash d’un 737 Max
d’Ethiopian Airlines fait
157 morts. Les Max sont
cloués au sol par les autorités
chinoises, puis américaines
DÉCEMBRE 2019
Dennis Muilenburg, le PDG
de Boeing, est remercié
JANVIER 2020
Boeing suspend la production
de ses 737 Max
MAI 2020
Reprise progressive de
la production des 737 Max
NOVEMBRE 2020
Les Max sont à nouveau
autorisés à voler
aux États-Unis. L’Europe
suivra en janvier
AVRIL 2021
Boeing cesse ses livraisons
de 737 Max pour des
problèmes électriques
OCTOBRE 2022
La FAA américaine estime
que les documents
de certification du 737 Max 7
sont incomplets
AOÛT 2023
Boeing identifie un défaut
sur ses 737 Max sur la cloison
arrière de ses appareils
JANVIER 2024
Un Boeing 737 Max 9
d’Alaska Airlines perd
une porte en plein vol,
sans faire de victimes
66
milliards
de dollars
de chiffre d’affaires
en 2022
57
milliards
de dette au
31 décembre 2022
145 000
salariés
dans le monde
ÉCONOMIE
L’Arabie saoudite crée la surprise
en baissant les prix de son pétrole
Le premier exportateur mondial cherche ainsi à faire réagir les autres
pays producteurs, sur fond d’inquiétude économique et géopolitique.
ARMELLE BOHINEUST
abohineust@lefigaro.fr
ÉNERGIE L’Arabie saoudite ajoute
aux nombreuses incertitudes qui
pèsent sur les cours du pétrole.
Lundi, le premier exportateur d’or
noir a annoncé une réduction de
ses tarifs. La compagnie pétrolière
publique Saudi Aramco diminuera
ses prix de 2 dollars par baril en fé-
vrier pour ses clients asiatiques.
Ses autres baisses de prix ramè-
nent son produit phare, le pétrole
brut léger arabe, à son niveau le
plus bas depuis vingt-sept mois.
Le royaume dit vouloir soutenir les
efforts pour renforcer la stabilité et
l’équilibre des marchés pétroliers
et il félicite au passage les mem-
bres de l’Opep+, l’Organisation
des pays exportateurs de pétrole et
ses alliés, pour leur engagement en
ce sens.
En fait, « cela ressemble à un
coup de semonce, probablement à
destination des autres producteurs,
que ce soit la Russie ou les États-
Unis ». Cela vise aussi « ceux qui
ont refusé des coupes de production
lors de la dernière réunion de l’Opep
ou qui ne tiennent pas leurs engage-
ments de réductions », estime Ro-
bert Yawger, spécialiste de l’éner-
gie du groupe financier Mizuho.
« Les Saoudiens en ont assez de
faire tout le travail », ajoute-t-il. Le
royaume a fait preuve d’une disci-
pline sans faille en contractant sa
production de deux millions de
barils par jour depuis l’automne
2022 quand d’autres membres de
l’Opep+ rechignaient à le faire.
Depuis cette période, soit un peu
plus d’un an, les cours du brut ont
reculé de près de 20 %. Après l’an-
nonce de Riyad, lundi, le baril de
brent fléchissait de 3,34 %. Il rega-
gnait lundi dans l’après-midi
1,2 %, à 77,02 dollars le baril.
Ce mouvement pourrait rappe-
ler celui de 2014, lorsque l’Arabie
avait inondé le marché pour
contrer l’émergence du pétrole de
schiste des États-Unis. Mais il il-
lustre surtout la crainte persistante
d’un ralentissement de la deman-
L’objectif du million d’apprentis par an
pourrait ne jamais être atteint
Après plusieurs années de croissance rapide, le nombre d’entrées
dans ce cursus entre école et entreprise tend à se stabiliser.
THOMAS ENGRAND
£@EngrandThomas
FORMATION L’ambiance était fes-
tive à l’Élysée ce 5 janvier. Loin des
tumultes du remaniement, le prési-
dent de la République recevait les
représentants des boulangers-pâ-
tissiers pour la traditionnelle galette
des rois. Comme chaque année,
aucune fève n’était cachée dans
l’imposant gâteau. « Nous avons
collectivement réussi une vraie révo-
lution culturelle française ces derniè-
res années. C’est celle de l’apprentis-
sage », s’est félicité le président de
la République. Au passage, l’exécu-
tif a dévoilé une première estima-
tion du nombre de nouveaux
contrats signé en 2023, qui devrait
avoisiner les 860 000.
Si la France, longtemps à la traîne
de l’Allemagne sur l’apprentissage, a
rattrapé son retard, la croissance du
nombre d’apprentis ralentit. L’an-
née écoulée ne dépasse 2022 que de
3 % pour le nombre d’arrivées en
apprentissage. À titre de comparai-
son, le bond au cours des douze mois
précédents avait été de 14 %. Ce flé-
chissement pourrait remettre en
cause la promesse d’Emmanuel Ma-
cron de voir 1 million de jeunes en-
L'ÉVÉNEMENT
de. Selon les analystes de JPMor-
gan, celle-ci a atteint en décembre
son plus faible rythme en neuf
mois. La conjoncture économique
mondiale s’affaiblit et l’inquiétude
reste vive sur un risque d’élargis-
sement du conflit en cours en
Israël.
L’unité de l’Opep fragilisée
Dans le même temps, les observa-
teurs soulignent l’augmentation
de l’offre mondiale de pétrole en
provenance des pays de l’Opep+ et
de pays non membres du cartel
pétrolier. Aux États-Unis, notam-
ment, la production de pétrole a
battu des records ces derniers
mois.
Le revirement saoudien est un
mauvais signal pour l’unité de
l’Opep et de ses alliés de l’Opep+.
Cette association de 22 membres
emmenée par l’Arabie et la Russie
affronte des difficultés.
L’Opep doit faire face au départ
de l’Angola en décembre, ce qui
réduit à douze le nombre de ses
membres. Elle doit compter aussi
avec les inquiétudes sur la produc-
tion libyenne, comme avec l’afflux
de barils iraniens et irakiens et
avec la volonté de la Russie d’arro-
trer chaque année dans cette filière à
cheval entre école et entreprise d’ici
2027. « Les flux sont arrivés à une
forme d’équilibre et devraient se sta-
biliser », pronostique Yannick
L’Horty, professeur à l’université
Gustave Eiffel. Difficile selon lui
d’aller beaucoup plus loin. Avec
850 000 signatures, le nombre d’en-
trées en apprentissage dépasse déjà
la population d’une classe d’âge es-
timée à 750 000 individus. Trouver
les 250 000 individus en plus chaque
année relève donc de la prouesse.
Les étudiants du supérieur
Mais le président de la République
se montre confiant. « On va attein-
dre le million qu’on s’était donné pour
objectif », a-t-il assuré. « L’impor-
tant n’est pas là, estime Yannick
L’Horty, mais que l’apprentissage
soit devenu un vrai outil dans la poli-
tique de l’emploi. » Ce cursus, enco-
re présenté comme une voie de ga-
rage il y a moins de dix ans a gagné
ces titres de noblesses. En 2017,
seuls 250 000 contrats étaient si-
gnés chaque année, en grande ma-
jorité dans les études infra-bac. De-
puis, ils ont séduit aussi les
étudiants du supérieur, qui ont bien
compris tout l’intérêt d’une formu-
le qui permet de toucher un revenu,
LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024
19
19
ser en brut tous les pays qui l’ac- Le gisement pétrolifère
ceptent, en particulier l’Inde et la de Khurais est exploité
Chine, pour augmenter son trésor par la compagnie
de guerre. saoudienne publique
Le marché du pétrole est égale-
ment fragilisé par les attaques des
houthistes du Yémen contre les
Saudi Aramco.
AHMED ALTHANI
navires circulant en mer Rouge, en
soutien au groupe islamiste pales-
tinien Hamas dans sa guerre
contre Israël. Certaines compa-
gnies maritimes ont enjoint à leurs
navires d’éviter la mer Rouge.
Mais le trafic des pétroliers est res-
té stable, seules quelques compa-
gnies comme BP et Equinor optant
pour le contournement de l’Afri-
que. Les houthistes, qui disent vi-
ser les navires à destination d’Is-
raël, s’attaquent surtout aux
cargaisons de produits non pétro-
liers. Et les flux sont peu modifiés.
Mais si le passage par la mer Rouge
reste beaucoup plus abordable
qu’un tour d’Afrique, les attaques
ont entraîné un bond des coûts de
transport et de l’assurance. Et l’in-
certitude persistante en mer Rou-
ge pourrait inciter les opérateurs
européens à acquérir du brut en
provenance des États-Unis plutôt
que du Moyen-Orient, notent des
observateurs. ■
faire financer une partie du coût des
études, et acquérir une vraie expé-
rience. Résultat, les centres de for-
mation ont essaimé partout en
France, y compris dans des établis-
sements prestigieux comme HEC.
C’est aussi l’intérêt des entrepri-
ses qui, grâce aux aides publiques, ne
« budgétaire
Le coût
supportent presque pas le coût de
l’apprenti la première année et à
d’un poste
l’issue du cursus peuvent embau- créé en
cher une personne qui connaît déjà apprentissage
le métier. Enfin, pour les comptes
publics, mieux vaut financer des
est d’environ
tremplins vers l’emploi plutôt que de 20 000 euros.
l’indemnisation chômage. D’autant C’est
que « le coût budgétaire d’un poste
créé en apprentissage est d’environ
nettement
20 000 euros. C’est nettement moins moins que
que beaucoup d’autres contrats beaucoup
aidés », souligne Yannick L’Horty.
Toutefois, ces atouts masquent
d’autres
aussi certaines faiblesses. Le disposi- contrats
tif pèse lourd pour les finances publi-
ques, soit « 16,8 milliards d’euros
pour la seule politique d’alternance »
aidés »
YANNICK L’HORTY,
PROFESSEUR
en 2022 selon la Cour des comptes. À L’UNIVERSITÉ
Celle-ci mériterait d’être recentrée GUSTAVE EIFFEL
sur les profils les moins diplômés,
pour qui l’apprentissage est vraiment
déterminant pour trouver ensuite un
emploi. Plus que le chiffre du million,
A
l’efficacité dans l’accès au marché du
travail devrait être le fil rouge. ■
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO

20 ENTREPRISES
Ces marques qui profitent des soldes pour
vendre au prix fort leurs nouvelles collections
Les plus performantes attirent le chaland avec des rabais massifs… Mais leurs stocks d’invendus sont faibles.

MATHILDE VISSEYRIAS
£@MVisseyrias

HABILLEMENT Malgré l’avalan-

che de ventes privées depuis le
26 décembre, les soldes, qui dé-
marrent ce mercredi, restent un
rendez-vous important pour les
commerçants et les consomma-
teurs. Au fil des ans, les enseignes
ont beau piloter de plus en plus fi-
nement leur production, elles ont
toutes des stocks à écouler. En
quatre semaines, elles vont tout
faire pour en finir avec leurs col-
lections automne-hiver 2023-
2024. L’arrivée du froid tombe à
pic pour vendre les grosses pièces
(manteaux, pulls…) qui pèsent le
plus lourd dans les invendus.
Dans un contexte de consom-
mation très tendu, aucun profes-
sionnel ne s’attend à un miracle.
Après une année difficile, les en-
seignes pronostiquent un millési-
me tout juste honorable. En re-
vanche, toutes espèrent profiter
d’une fréquentation en hausse,
pour vendre bien plus que des ar-
ticles au rabais. En vitrine, elles
appâtent le client avec des pro-
motions géantes. Mais ce qu’elles
valorisent en magasin, c’est la
nouveauté… sans prix barré.

Mise en scène
« Avec la multiplication de promo-
tions tout au long de l’année, l’essor
de la seconde main et l’arrivée
d’enseignes ultra-low cost (tels les
chinois Shein et Temu), les soldes ne
sont plus ce qu’elles étaient », re-
connaît Gildas Minvielle, direc-
teur de l’observatoire économique
de l’Institut français de la mode
(IFM). En revanche, ils restent un
des rares moments capables de
créer une dynamique.
Si l’activité qu’ils génèrent bais-
se, ils contribuent à la surfréquen-
tation des magasins en début d’an-
née. « Les soldes sont le seul
événement qui réunit l’ensemble des
commerçants, indépendants et
grandes chaînes », souligne Yohan
Petiot, directeur général de l’Al-
liance du commerce. Ses adhérents
réalisent leurs plus gros chiffres
d’affaires de l’année en décembre
et en janvier. « En 2023, le premier
samedi des soldes d’hiver a été le
sixième meilleur jour de l’année en
trafic après le Black Friday et les sa-
Un grand magasin medis de décembre », témoigne
parisien à l’heure Christophe Noël, délégué général
des soldes de janvier. de la Fédération des acteurs du
D’une manière générale, commerce dans les territoires
les enseignes se fixent (Fact), qui mesure la fréquentation
pour objectif de vendre dans 343 centres commerciaux.
au moins 15% du chiffre Après des mois de recul de l’ac-
d’affaires pendant
les soldes, avec des tivité, les enseignes savent qu’elles
articles non démarqués. jouent gros en janvier. Ne serait-ce
FRANÇOIS BOUCHON/ qu’en décembre, le chiffre d’affai-
LE FIGARO res d’un panel de soixante ensei-
gnes de l’Alliance du commerce a
reculé de 2,6 %, sous l’effet d’une
baisse du trafic de 3,5 %. «Les
commerçants ont un besoin urgent
de reconstituer leur trésorerie »,
prévient Yohan Petiot. Et donc de
réussir les soldes.
Pour la plupart des enseignes
d’habillement, à commencer par
les moins performantes, la priorité
des soldes reste d’écouler les
stocks. Mais il n’est pas certains
qu’elles y parviennent, surtout si
leur image a été ringardisée par des
nouveaux venus dans le secteur. À
l’inverse, les enseignes les plus
performantes ont, elles, de moins
en moins de stocks. Mais elles pro-
fitent des soldes pour faire venir les
clients. « Les baisses de prix sont un
produit d’appel pour mettre en
avant des nouvelles collections »,
insiste Christophe Noël. C’est très
visible dans la mise en scène des
magasins, et crucial financière-
ment. D’une manière générale, les
enseignes se fixent pour objectif de
vendre « au moins 15 % du chiffre
d’affaires pendant les soldes, avec
des articles non démarqués », selon
Céline Pagat-Choain, associée du
cabinet de conseil en stratégie Kea
et spécialiste retail mode et luxe.
Intemporels
Chez Zara, les magasins ont déjà
un air de printemps, malgré le
temps glacial. Le champion mon-
dial du secteur se refuse à faire des
ventes privées. Mais il continue de
faire des soldes, pour capitaliser
sur l’important trafic qu’ils génè-
rent. Renouvelant en permanence
ses collections, les bonnes affaires
sont limitées. En revanche, tout
est fait pour que le client craque
sur la nouveauté. « Les enseignes
qui profitent le plus des soldes sont
celles qui misent à la fois sur de for-
tes remises et des collections
d’avant saison, affirme Xavier
Bailly, associé chez Eight Adviso-
ry, un cabinet de conseil stratégi-
que et financier. Tout le monde
cherche à le faire, mais il faut des
moyens et une capacité d’anticipa-
tion forte sur les tendances de la
mode. » Les plus gros acteurs - à
commencer par Zara - sont ceux
qui y arrivent le mieux. Il leur faut
quelques semaines seulement, en-
tre le passage d’une commande à
un fournisseur et son implantation
en magasin. Les plus petits ont
plus de difficultés : ils doivent
parfois s’engager un an à l’avance
sur des collections… Mais ils s’y
mettent, notamment en relocali-
sant une partie de la production
dans le bassin méditerranéen.
Mellow Yollow, une marque de
chaussures appartenant au groupe
Eram, ne fait pratiquement aucu-
ne opération commerciale pen-
dant l’année. Elle produit au Por-
tugal, en Italie et en Espagne.
« Écouler des stocks en milieu de
saison n’a pas vraiment de sens,
avance sa directrice Armelle Gri-
veaux. Les soldes sont donc très at-
tendus par nos clientes. » Ces der-
nières se ruent dès les premiers
jours, sur les boutiques et le site
internet afin de profiter de rabais
allant jusqu’à 50 %. «Mais nous
préservons notre marge en réali-
sant une part importante de notre
chiffre d’affaires avec des produits
non remisés », confie la dirigeante.
Cette part était de 30 % l’hiver
dernier, grâce à la vente d’incon-
tournables de la saison. Elle de-
vrait être aussi importante cette
année. « Nos clientes savent que
nos prix sont justes, et qu’elles ne se
font pas avoir en achetant plein
pot », insiste Armelle Griveaux. ■

Les enseignes à petits prix partent à l’assaut des centres-villes

Longtemps cantonnées aux périphéries, elles veulent séduire les citadins inquiets pour leur pouvoir d’achat.

MANON MALHÈRE £@ManonMalhere

DISTRIBUTION Des magasins dis-
counts tout proches des boutiques
de luxe ? Après Leroy Merlin, De-
cathlon et Ikea, des enseignes ré-
putées pour leurs prix cassés, jus-
qu’ici cantonnées aux périphéries
urbaines, s’implantent dans les
centres-villes des métropoles.
L’enseigne discount Normal a
ainsi ouvert en 2023 une boutique
au pied d’un immeuble parisien
de la rue de Rivoli. Avec ses mar-
ques d’hygiène-beauté et d’en-
tretien ou encore ses snacks ven-
dus à des prix défiant toute
concurrence, l’enseigne danoise
séduit au-delà des centres com-
merciaux et des « retail parks »,
ces espaces à ciel ouvert rassem-
blant plusieurs magasins en péri-
phérie.
Comme Normal, Action, Gifi et
Flying Tiger partent à la conquête
des centres-villes, un mouvement
qui a été amorcé par les hard-dis-
counters allemands Lidl et Aldi.
« Le hard-discount alimentaire et
non alimentaire a montré qu’il était
A
constate Laurent Thoumine, res-
ponsable Europe du secteur retail
chez Accenture. Leur arrivée est
impressionnante ces dernières an-
nées. Ce sont des produits à quel-
ques euros souvent venus d’Asie. »
Du côté alimentaire, l’arrivée
de boulangeries arborant les en-
seignes Marie Blachère ou Ange et
proposant des produits de qualité
à des prix raisonnables, souvent
implantées près des ronds-points,
ne passe pas inaperçue en centre-
ville. « Nous restons positionnés
sur des zones commerciales ou des
axes à fort trafic, précise Mélanie
Kervoern, directrice marketing
de Boulangerie Ange. Maintenant,
on teste un concept Ange Coffee à
Narbonne qui se rapproche davan-
tage du coffee shop. »
« Une logique
d’achat malin »
La conjoncture est propice. Les
enseignes ont compris que leur of-
fre à prix cassés pouvait séduire en
milieu urbain, dans un contexte
d’inflation et de baisse du pouvoir
d’achat. « Ces deux dernières an-
nées ont redonné au prix un pouvoir
précise Emmanuel Le Roch, délé-
gué général de la fédération Pro-
cos, qui regroupe 300 enseignes.
C’est aussi une logique d’achat ma-
lin chez des consommateurs ayant
les moyens. »
Si les enseignes s’aventurent
hors des zones commerciales de
périphérie, c’est aussi pour
s’adapter au changement de com-
portement des ménages, moins
enclins à se déplacer. « On assiste
à une densification des zones ur-
baines et des modes de déplace-
ment qui évoluent, analyse Olivier
Salomon, en charge de la distri-
bution chez AlixPartners. Il y a
une dizaine d’années, on prenait
Un magasin Action volontiers la voiture pour aller dans
à Marseille. Résolument une zone commerciale, c’est moins
positionné sur le cas. »
le low cost, l’enseigne
néerlandaise connaît Opportunité en or
la plus grosse
croissance du secteur Les loyers immobiliers bien plus
en Europe. élevés en centre-ville auraient pu
FREDERIC SPEICH/ être rédhibitoires. « Un certain
PHOTOPQR/LA PROVENCE/ nombre d’enseignes, et en particu-
MAXPPP lier celles du textile, ont rendu les
clés durant le Covid, indique
Christian Dubois, directeur du re-
tail en France chez Cushman
& Wakefield. S’en est suivie une
correction à la baisse des valeurs
locatives pouvant aller jusqu’à
30 %, voire 40 %. Nous avons alors
observé une plus grande disponibi-
lité de grandes surfaces pour de
loyers moins chers dans les villes. »
Une opportunité en or pour ces
magasins, qui peuvent difficile-
ment s’étendre davantage en de-
hors des villes en raison de freins
réglementaires importants.
Pour autant, le pari n’est pas
gagné d’avance. L’emplacement
qu’en périphérie et cela nécessite
qu’il y ait beaucoup de trafic. Il faut
donc trouver un équilibre subtil en-
tre la taille et le trafic », explique
Olivier Salomon.
Comme en périphérie, pas
question de faire dans le superflu.
L’approche reste industrialisée,
avec une offre de produits peu va-
riée et peu d’attention portée à la
présentation. « Les magasins Ac-
tion sont organisés pour pouvoir
acheter rapidement des volumes
importants, poursuit Olivier Salo-
mon. Ils proposent une offre de
produits homogène qui réduit les
délais de décision en interne et donc
les coûts. »
La logistique doit être finement
pensée pour permettre un ache-
minement facile de la marchandi-
se et un espace de stockage suffi-
sant. « On fait de gros volumes
pour des petits prix, donc on doit
être capables de fournir facilement
nos magasins », précise Wouter
De Backer, directeur général
d’Action France. C’est d’ailleurs
l’une des raisons expliquant le dé-
ménagement du magasin Ikea,
installé à Paris en 2019 près de la

possible de distribuer des produits à absolu et ce n’est pas toujours lié à est primordial. « Ces marques ex- Madeleine, dans un centre com-
moindre coût dans les villes, un problème de pouvoir d’achat, ploitent des surfaces plus petites mercial du 13e arrondissement. ■
 LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024

ENTREPRISES 21

Transavia
étoffe sa flotte
pour redevenir
profitable
La low cost d’Air France-KLM mise
sur des prix de billets mieux ajustés
pour améliorer sa rentabilité.
JEAN-YVES GUÉRIN £@jyguerin
TRANSPORT Les vacances scolai-
res viennent de se terminer. Mais
Transavia France sait déjà qu’elle a
fait une bonne performance avec
90 % de remplissage de ses avions.
À cause de la guerre entre Israël et le
Hamas, la compagnie low cost, fi-
liale d’Air France, a diminué ses
fréquences de vol sur le Moyen-
Orient (Egypte, Jordanie…) Mais la
clientèle s’est reportée sans diffi-
culté sur d’autres destinations (Ma-
roc, Portugal…). Et, en ce début
d’année, le transporteur se projette
sur l’avenir.
Ce mercredi, il va réceptionner à
Toulouse son premier A 320 Neo.
Progressivement, ces appareils de
nouvelle génération remplaceront
tous les anciens Boeing 737-800 qui
constituaient sa flotte. Treize de ces
Airbus seront livrés dès 2024. « Ces
appareils, qui émettent 15 % de CO2
en moins que leurs prédécesseurs,
ont aussi des coûts unitaires plus
faibles de 10 %, affirme Olivier
Mazzucchelli, PDG de Transavia
France. Grâce à cela, nous économi-
serons des dizaines de millions
d’euros dès 2025. »
La low cost en aura bien besoin :
lors de la journée investisseurs d’Air
France-KLM, mi-décembre, son
directeur général, Ben Smith, a fixé
lions d’euros dans le même laps de
temps. La marche est très haute : en
2022, la low cost a perdu 100 mil-
lions, pour un chiffre d’affaires de
2,2 milliards. Sur les neuf premiers
mois de 2023, elle n’a dégagé que
16 millions de résultat d’exploita-
tion pour des ventes de 2,1 milliards.
Plus grosse que Transavia Pays-
Bas (44 appareils), c’est Transavia
France (71 avions) qui devra
consentir la majeure partie de l’ef-
fort. D’autant que sa flotte va en-
core s’étoffer, avec 81 appareils à la
fin de l’année et plus de 90 en
2026. Mais elle reste loin derrière
les plus imposantes low cost, com-
me easyJet (171 avions). Pour amé-
liorer sa rentabilité, la compagnie
tricolore mise d’abord sur le ré-
seau qu’elle a remonté depuis
quelques années. Dès l’été 2023,
elle exploitait 178 lignes, contre
95 lignes quatre ans plus tôt. Au
printemps, elle ouvrira treize li-
gnes (Orly-Milan, Marseille-Pa-
lerme, Lyon-Erevan…).
Plus de ventes à bord
« Mais, cet été, 85 % de l’augmenta-
tion de notre offre viendra de l’ajout
de fréquences sur des routes ouvertes
récemment, explique
Mazzucchelli. Par exemple, nous
Olivier
La flotte de Transavia lomètre mis en vente va progresser
va s’étoffer, de 16 % cet été et encore de 15 % à
avec 81 appareils l’été 2025.
à la fin de l’année Pour mieux vendre ses places,
et plus de 90 en 2026. Transavia France compte aussi sur
UTRECHT ROBIN/ABACA
son nouvel outil de « yield manage-
ment » partagé avec Transavia
Pays-Bas. Un logiciel qui lui per-
mettra de faire varier ses tarifs en
fonction de la demande encore plus
finement que par le passé. La com-
pagnie veut aussi accélérer sur la
vente de produits annexes (nour-
riture, boissons, choix d’un siège
particulier…). Dans ce domaine,
Transavia a de la marge pour
s’améliorer : quand Ryanair fait
déjà 35 % de son chiffre d’affaires
avec cette catégorie, le transporteur
bleu-blanc-rouge plafonne à 20 %.
« Nous souhaitons désormais que les
produits annexes représentent 25 %
à 30 % de nos revenus, affirme Oli-
vier Mazzucchelli. Par exemple,
nous allons rendre payant le fait
d’avoir un bagage cabine à bord
alors que nous étions la seule low cost
nous réduirons le gaspillage de nour-
riture, illustre Mazzucchelli. Comme
nous connaîtrons les ventes après
chaque vol, nous pourrons mieux
ajuster les quantités de chaque pro-
duit sur les vols suivants. »
Transavia dispose d’un autre
atout : alors que la desserte d’Orly
vers Paris va s’améliorer avec le
prolongement de la ligne 14 du mé-
tro en juin, la low cost va y renfor-
cer mécaniquement ses positions :
elle récupérera d’ici à 2026 tous les
créneaux horaires de sa maison
mère, Air France, qui, à Paris, ex-
ploitera ses vols uniquement à
Roissy. Ainsi, en 2023, le transfert
du Paris-Cayenne d’Air France à
Roissy a permis à Transavia de pro-
poser de nouvelles destinations
comme Orly-Oslo ou Orly Antalya.
En 2021, Transavia avait déjà re-
pris une grande partie du réseau
domestique d’Air France (Orly-
Montpellier, Orly-Biarritz, Orly-
Toulon…). Un fardeau plus qu’un
cadeau pour des destinations où la
à partir de Roissy. Avec la garantie
qu’au total, la desserte reste à 90 %
de celle d’aujourd’hui. « Nous avons
l’intention d’exploiter des Orly-Tou-
louse, Orly-Marseille et Orly Nice »,
argumente Olivier Mazzucchelli.
Un ton prudent compte tenu de la
progression du train, notamment
sur Paris-Marseille.
En attendant, Transavia veut se
donner toutes les chances de sédui-
re la clientèle business sur ses rou-
tes domestiques, mais aussi inter-
nationales (Berlin, Rome…). Ainsi,
la low cost envisage d’implanter un
salon à Orly. Et ses clients pourront
collecter plus facilement des miles
sur le programme de fidélité d’Air
France-KLM, Flying Blue.
Un développement des ventes
qui va aussi avec un programme
d’économies. Outre la réduction de
sa note de kérosène liée à l’arrivée
d’avions moins gourmands, Tran-
savia paye Newrest moins cher que
son prédécesseur (Servair). Et le
transporteur planche pour rationa-

proposerons plus de vols Orly-Rome

au groupe l’objectif de dépasser les
8% de marge opérationnelle sur la
période 2026-2028. Transavia de-
vra faire sa part en augmentant son
résultat opérationnel de 400 mil-
ou Orly-Istanbul. Cela nous permet-
tra d’améliorer nos taux de remplis-
sage. » La montée en puissance de
l’offre, qui devrait aussi améliorer la
visibilité et la notoriété de la mar-
que, se poursuivra les prochaines
années : le nombre de sièges au ki-
178lignes
à offrir ce service gratuitement. »
La compagnie compte aussi sur
son nouveau partenariat avec
Newrest, à partir de mars, pour dy-
namiser ses ventes à bord. Ce pres-
étaient exploitées par tataire aura un site dédié à Wissous,
Transavia dès l’été à côté d’Orly, qui permettra de
2023 contre 95 lignes mieux calibrer le chargement des
quatre ans plus tôt produits à bord en fonction du
nombre de sièges vendus. « Ainsi,
concurrence du train est réelle ?
Sûrement. « Selon les lignes et la sai-
son, les résultats sont hétérogènes.
L’objectif est de rendre toutes les li-
gnes opérées rentables », reconnaît
Olivier Mazzucchelli. Dernière éta-
pe en 2026, où Transavia héritera
des créneaux horaires des Orly-
Marseille, Orly-Nice et Orly-Tou-
louse qu’Air France exploitera alors
liser les rotations de ses navigants et
des avions. Tout cela suffira-t-il
pour que Transavia génère 400 mil-
lions supplémentaires de résultat
opérationnel sur la période 2026-
2028 ? Difficile de répondre alors
que la low cost ne donne pas de
prévision de chiffre d’affaires ou de
profit pour les prochains exerci-
ces. ■

ArcelorMittal ne veut plus soutenir son aciérie italienne

Les négociations entre le géant sidérurgique et le gouvernement Meloni ont échoué, mettant en péril l’ex-Ilva.
VALÉRIE SEGOND
ROME
INDUSTRIE L’horizon d’Acciaierie
d’Italia s’assombrit. Le sort de
l’aciérie ex-Ilva située à Tarente,
dans le sud de l’Italie, en grande
difficulté financière, est incertain
après l’échec des négociations
lundi sur le maintien de son activi-
té entre l’État et son principal ac-
tionnaire, le géant sidérurgique
ArcelorMittal.
Face à la situation critique de
l’ex-plus grande aciérie d’Europe,
qui n’a produit en 2023 que 14 %
de la production italienne d’acier
(3 millions de tonnes, contre
7 millions les années précédentes)
le gouvernement italien a fait plu-
sieurs propositions à ArcelorMit-
tal. D’abord de transformer un
prêt public de 680 millions d’euros
accordé en décembre 2022 en ca-
pital, ce qui ferait prendre à l’État
le contrôle à 66 %. Puis dans un
deuxième temps, d’injecter
320 millions d’euros de liquidités
pour éviter la fermeture de l’en-
treprise, qui a besoin de 1,5 mil-
liard de capitaux d’ici au mois de
mai.
Mais ArcelorMittal, actionnaire
majoritaire à 68 %, a refusé « de
prendre des engagements finan-
ciers et d’investissement », assure
le gouvernement . Le géant sidé-
rurgique soutient que l’État italien
n’a versé que 350 millions d’euros
Invitalia avait pris 32 % d’Acciaie-
rie d’Italia. Le gouvernement ita-
lien avait alors été contraint de re-
venir dans le jeu pour maintenir la
présence de l’opérateur privé.
Aucune issue n’ayant été trou-
vée entre Rome et ArcelorMittal,
l’option la plus probable est que le
gouvernement, qui reçoit les syn-
dicats ce jeudi 11 janvier, place
l’entreprise sous tutelle de l’État
afin de permettre la poursuite de
son activité et d’élaborer un plan
de sauvetage. L’épilogue d’une
longue succession de crises ? Inau-
gurée en grande pompe il y a
59 ans, l’aciérie publique Italsider
incarnait la politique volontariste
de l’État italien dans le sud du
pays, pour y créer des emplois in-
dustriels et y implanter une culture
d’entreprise. En 1975, sa capacité
de production est même doublée, à
11,5 millions de tonnes par an, et
elle emploie jusqu’à 20 000 sala-
riés. Mais quand, dans les années
1980, la sidérurgie européenne ré-
duit sa production, le site se révèle
trop grand et difficile à gérer. De
fait, alors qu’il ne gagnera jamais
d’argent, l’État doit y injecter
l’équivalent de 8 milliards d’euros
entre 1965 et 1995.
L’État italien cherche
un repreneur
En 1993, cédant aux pressions de
l’Europe, l’Italie scinde Italsider
en deux pour mieux la privatiser :
elle vend en 1994 les aciers spé-
famille Riva. Cette dernière tient
jusqu’en 2012, lorsque la justice
suspend certains hauts fourneaux
en raison de leur impact sanitaire
sur la population de Tarente, puis
ordonne la fermeture définitive
d’un haut-fourneau en 2015. En-
tre-temps, en décembre 2014,
l’entreprise a été placée une pre-
mière fois sous administration
provisoire.
Lorsqu’en juin 2017 Arcelor-
Mittal rachète l’entreprise Ilva à
bas prix, ses usines européennes
tournent à pleine capacité. Il es-
vité. Il pense même atteindre le
point mort en trois ans. Seule-
ment, « positionné sur de l’acier
non transformé, peu compétitif
face aux pays producteurs dispo-
sant d’une main-d’œuvre bon
marché, le site se révèle structu-
rellement inefficace et trop gour-
mand en énergie carbonée, racon-
te Andrea Colli, professeur
d’histoire des entreprises à l’uni-
versité Bocconi, à Milan. Et ce
d’autant qu’étant très polluant, et
nocif pour la santé des habitants de
Tarente, l’Ilva doit assumer d’im-
L’aciérie de Tarente,
dans le sud de l’Italie,
en grande difficulté
financière n’a plus
les moyens de payer
ni ses fournisseurs
ni ses transporteurs.
ELIANO IMPERATO/
CONTROLUCE VIA AFP
2019, ArcelorMittal cherche à
sortir de cette bien mauvaise af-
faire. Il déconsolide l’Ilva de ses
comptes.
Alors que le géant sidérurgique
a déjà englouti 1,8 milliard dans
l’affaire, son refus de remettre au
pot pour relancer, ou même
seulement maintenir à flot l’en-
treprise a provoqué l’indignation
des syndicats. Son attitude « est
gravissime, surtout face à la situa-
tion d’urgence dans laquelle se
trouvent aujourd’hui les tra-
vailleurs et les usines » et confirme
sa volonté « de clore l’histoire de
l’acier dans notre pays », ont dé-
ploré les syndicats Cisl, Cgil et UIL
dans un communiqué commun.
Le temps presse pour sauver
l’aciérie, qui n’a plus les moyens
de payer ses fournisseurs comme
ses transporteurs. Il n’y a plus
qu’un seul haut-fourneau actif
sur les quatre que compte le site.
Sur les 8 500 salariés de cette usi-
ne, 2 500 sont en chômage partiel.
Le gouvernement de Giorgia Me-
loni cherche activement un re-
preneur, si possible italien. « Le
groupe Arvedi de Cremone, le nu-
méro un italien de l’acier qui a déjà
tenté de la reprendre en 2017, a dé-
claré à plusieurs reprises être inté-
ressé, mais seulement lorsque Ar-
celorMittal sera sorti et qu’après
que Acciaierie d’Italia soit passé
par l’administration provisoire »,
explique Paolo Bricco d’Il Sole
24 Ore. En clair, quand les dettes
A

d’aides sur les 2 milliards promis ciaux de Terni à Thyssen Krupp, père alors réaliser des économies portants coûts de mise en sécurité auront été passées par pertes et
lorsque, en 2020, le fonds public et en 1995, les aciers laminés à la d’échelle, et gagner en producti- du site et des habitants ». Et dès profits. ■
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO

22 ENTREPRISES
DANIÈLE GUINOT £@danieleguinot

ENTREPRISES Un millésime à
oublier. Le marché des fusions-
acquisitions a dévissé en 2023. Au ni-
veau mondial, il a chuté de 17 %,
après une année 2022 déjà en retrait
(- 37 %), constate le fournisseur de
données LSEG. « C’est la première
fois, depuis la crise financière de 2008-
2009, que le marché enregistre pen-
dant deux années consécutives une
baisse à deux chiffres du montant des
opérations », relève LSEG. Au total,
les entreprises ont réalisé à travers le
monde pour 2 900 dollars de fusions,
cessions ou acquisitions. Un montant
au plus bas depuis dix ans et divisé

ELIJAH NOUVELAGE/BLOOMBERG
par près de deux par rapport au pic de
2021 (5 650 milliards de dollars) lors-
que l’argent quasiment gratuit ali-
mentait une frénésie d’achats. En
France, la tendance est la même, L’armateur marseillais
CMA CGM a acheté
avec des opérations en baisse de 20 %
Bolloré Logistics pour
(125,6 milliards de dollars) en 2023. 4,65 milliards d’euros,
Seuls les États-Unis ont un peu mieux en juillet 2023.
résisté (recul de 6 % du marché).
En cause ? Un environnement

Le marché des fusions-acquisitions

économique incertain. Et la hausse
rapide des taux d’intérêt, qui a sensi-
blement renchéri le coût des opéra-
tions, alors que les prix des groupes à
vendre sont restés élevés. Ce qui

espère voir le bout du tunnel en 2024

provoque une dichotomie entre des
vendeurs qui ne veulent pas baisser
leurs prix, surtout après l’envolée
des marchés d’actions, et des acqué-
reurs en attente de rabais. « Il y a une
chose que le marché des fusions-ac-
quisitions déteste, c’est l’incertitude,
Une dizaine d’entreprises du CAC 40 étudieraient de gros projets d’acquisitions.
explique Kyril Courboin, le président
de J. P. Morgan France. Or, en 2023,
on a eu une inflation et des taux d’in- tactiques en Europe et aux États- ments avec des taux d’intérêt plus importantes à partir de l’été, si le « L’offre de financement bancaire
térêt élevés ainsi que des problèmes Unis dans la défense (Thales, Safran) élevés et des banques très frileuses. marché des financements rouvre com- pourrait être un peu plus abondante
géopolitiques, qui ont eu un impact di- ou le luxe (Kering). « Les opérations Depuis 2022, les transactions supé- plètement et les valeurs de transaction que l’an dernier, ce qui permettrait de
rect et évident sur le marché. » réalisées en 2023 s’inscrivaient dans la rieures à 400 millions d’euros sont s’ajustent, anticipe Guillaume Moli- lancer ou de relancer certaines opéra-
Le retournement de marché a sur- stratégie des groupes et étaient sour- difficiles à financer. Dans le même nier, managing director chez Lazard. tions », prévoit Cyril de Mont-Marin.

« revoir
tout pesé sur les grosses opérations
de fusions-acquisitions, supérieures
à 10 milliards de dollars. Seules trois,
dans le secteur de l’énergie et de la
pharmacie, se sont détachées aux
États-Unis : le rachat de l’américain
Pioneer par son compatriote Exxon-
Mobil (60 milliards de dollars) et ce-
lui du producteur américain de gaz et
de pétrole Hess par Chevron (53 mil-
liards de dollars). Sans oublier l’ac-
quisition de la biotech Seagen par
Pfizer (43 milliards de dollars). En
France, les transactions d’envergure
ont également été peu nombreuses,
et aucune n’a atteint la barre des
10 milliards d’euros. Artémis, le hol-
ding de la famille Pinault, a mis la
main sur Creative Artists Agency,
l’agence des stars du cinéma, pour
une valeur d’entreprise estimée à
7 milliards de dollars. Et en juillet,
l’armateur CMA CGM a annoncé le
rachat de Bolloré Logistics pour
4,65 milliards d’euros (avant calcul
de la dette et de la trésorerie).
L’année 2023 a également été
marquée par plusieurs acquisitions
ces de synergies, mais, pour la plu-
On pourrait part, elles n’étaient pas transforman-
des tes. Les conseils d’administration ont
veillé à ne pas remettre en question
opérations l’équilibre financier des entreprises »,
importantes décrypte Jacques Bitton, responsable
à partir relations clients et de la banque d’in-
vestissement en France de Société
de l’été si générale. D’autres freins ont joué.
le marché des « Ces derniers mois, la Bourse a sanc-
financements tionné sévèrement toute sous-perfor-
mance par rapport aux attentes. Les
rouvre entreprises ne veulent pas prendre le
complètement risque de décevoir les marchés », note
et les valeurs Patrick Perreault, coresponsable
mondial des fusions-acquisitions à la
de transaction Société générale.
s’ajustent »
GUILLAUME MOLINIER,
Le secteur du capital-investisse-
ment, grand acheteur et vendeur
MANAGING DIRECTOR d’entreprises, a été le plus pénalisé
CHEZ LAZARD par le changement de paradigme
économique et financier. Les opéra-
tions réalisées par des fonds ont car-
rément chuté de 66 % en France
(11 milliards de dollars) et de 30 % au
niveau mondial, selon LSEG. Les rai-
sons sont multiples. En tête, le dur-
cissement des conditions de finance-
temps, les prix de cession n’ont pas
beaucoup baissé. Ce qui bloque le
marché ; plusieurs sociétés ont été
retirées de la vente faute d’acqué-
reurs au prix demandé.
Baisse des taux
Les banquiers d’affaires sont cepen-
dant plutôt confiants pour 2024. Les
demandes d’entreprise pour préparer
de futurs mariages affluent sur leurs
bureaux. « Les conditions seront plus
favorables aux fusions-acquisitions,
grâce à l’atterrissage de l’inflation et à
une possible baisse des taux d’inté-
rêt », avance Pierre Pasqual, associé
chez Centerview. Un avis partagé.
« Des entreprises industrielles com-
mencent à nouveau à envisager des
opérations de croissance externe
structurantes, note Cyril de Mont-
Marin, associé chez Rothschild & Co.
Leur situation financière s’est renfor-
cée et elles se disent prêtes à saisir des
opportunités, en Europe, voire aux
États-Unis. » Des opérations d’en-
vergure pourraient être lancées.
« On pourrait revoir des opérations
Les entreprises ont des feuilles de rou-
te très claires et attendent le bon mo-
ment pour se lancer. » Plus d’une di-
zaine de fleurons du CAC 40
étudieraient des projets d’acquisition
supérieurs à 10 milliards d’euros. Les
experts s’attendent à un regain
d’opérations dans le luxe, la santé,
les biens de consommation ou le sec-
teur du capital-investissement en
pleine concentration. Astorg cher-
cherait un repreneur en ce moment.
« La distribution devrait continuer à se
consolider, tout comme la filière auto-
mobile et l’immobilier », anticipe
Jean-Baptiste Charlet, coresponsa-
ble de la banque d’investissement
Morgan Stanley en France.
Les sociétés de capital-investisse-
ment devraient également être plus
actives qu’en 2023. « Elles vont avoir
besoin de vendre leurs actifs pour ren-
dre l’argent aux investisseurs »,
avance Guillaume Molinier. Des in-
vestisseurs qui s’impatientent et ne
participent quasiment plus aux le-
vées de fonds de ces sociétés.
D’autres éléments pourraient jouer.
D’autant que les prix des PME et des
entreprises de taille intermédiaire
(ETI) européennes ont commencé à
baisser, retrouvant leurs niveaux de
2018, selon l’indice Argos Wityu.
Mais, la prudence reste de mise.
« Dans le capital-investissement, l’an-
née 2024 sera vraisemblablement
meilleure qu’en 2023, mais elle ne de-
vrait pas être record », estime Cyrille
Perard, associé chez Perella Weinberg
Partners. De plus, l’environnement
est toujours incertain. Les élections
présidentielles américaines pour-
raient ralentir les transactions. « La
géopolitique pèse beaucoup plus que
par le passé et crée beaucoup d’incerti-
tudes, explique Matthieu Pigasse, diri-
geant associé de Centerview Partners.
De plus, on constate un renforcement
du protectionnisme avec la mise en pla-
ce de barrières douanières et de règles
antitrust. Cela ne conduit pas nécessai-
rement à une baisse du marché, mais à
des arbitrages géographiques faits par
les entreprises qui vont chercher à se
renforcer dans certaines régions ou au
contraire à sortir d’autres. » ■

LES DÉCIDEURS nominations@lefigaro.fr

â OLIVIER LAPÈRE Clément Eulry, un globe-trotteur â MIKE PARRA

Kiabi
Passé par Decathlon, La Redoute ou Boulan-
ger, Olivier Lapère rallie Kiabi en qualité de
chef des opérations. Sa mission consistera à
« poursuivre la transformation et renforcer la
robustesse de la marque afin d’aller vers une
mode toujours plus circulaire ». Il assurera ainsi
la synergie des services.
s’installe chez Airbnb en France
En 2005, un problème de
visa a finalement coûté à
Clément Eulry son démé-
nagement aux antipodes.
À l’issue de son stage final
de HEC, L’Oréal lui proposait une place en
Nouvelle-Zélande. Le projet a été contrarié
pôle B2B du centre de formation Le Wagon.
« J’ai rencontré de nombreux utilisateurs qui
m’ont confié que cela avait transformé leur
vie. Des comptables ont par exemple pu se
reconvertir en data scientist », raconte-t-il.
Aussi a-t-il éprouvé une « tempête dans son
cerveau » lorsque Airbnb l’a contacté à la fin
DHL
Après avoir débuté chez DHL Ex-
press en 1997 en tant que responsa-
ble d’un centre de services à Miami,
Mike Parra a gravi les échelons. Nommé PDG
pour les Amériques en 2016, il prend désor-
mais les rênes de l’Europe, couvrant 60 pays
et supervisant plus de 46 000 salariés depuis
Madrid, en Espagne.

â FABRICE MARTIN-BLAS
par des déconvenues administratives. de 2023. Il estimait ne pas avoir achevé son

Kia
Après la promotion de Marc Hedrich
à la tête de Kia en Europe, Fabrice
Martin-Blas devient DG de la filiale
française. Ce bon connaisseur du monde auto-
mobile, ancien de Peugeot, Nissan, Toyota,
Lexus et Kinto, avait intégré Kia comme
directeur commercial, une fonction nouvel-
lement créée, en janvier 2022. Sun-Ho Hong,
jusque-là responsable de la coordination,
Depuis, il tient sa revanche : il a consacré sa
carrière au voyage. Près de vingt ans plus
tard, il s’installe dans le fauteuil de directeur
général d’Airbnb France et Belgique.
Adolescent, il s’imaginait entrepreneur afin
de changer le monde, ou le découvrir, au
choix. Après son déboire néo-zélandais, il a
en définitive rallié le BCG. Il œuvrait prin-
cipalement sur le tourisme, conseillant
notamment le gouvernement sur les façons
de « déparisianiser » l’activité pour que
l’ensemble du territoire en bénéficie. En
parcours au Wagon, mais il a quand même
sauté dans un autre train, jugeant que cela ne
se refuse pas. « Ce poste conjugue ma passion
pour l’exploration de divers horizons et celle
du digital », explique-t-il.
L’épreuve des JO
À l’approche des Jeux olympiques, la pé-
riode s’annonce exaltante : selon l’Ifop, 20 %
des Franciliens envisageraient de louer leur
habitation sur le site à cette occasion. La
mission du patron fraîchement nommé
â ANTHONY PERIER
Volkswagen
Directeur du commerce Skoda France au sein
du groupe Volkswagen, Anthony Perier de-
vient directeur performance réseau de la
marque Volkswagen. Il devra définir la politi-
que commerciale et le développement du ré-
seau en France. Il succède à Julien Bessière,
nommé directeur Skoda France.

â RAPHAËL POLI
devient président. 2009, il a saisi l’opportunité de s’envoler un consiste à s’assurer du bon déroulé de
an à Bombay (Mumbai), officiant auprès l’expérience afin de fidéliser hôtes et clients.

â CONSTANCE LE BOUAR
Edenred
Chez Edenred depuis deux ans, Constance Le
Bouar endosse la direction générale stratégie
et performance, siégeant au comité exécutif.
Elle gérera l’exécution du plan stratégique
A
de sociétés indiennes. Il a rejoint Google
en 2012, satisfaisant son intérêt pour le
numérique. Arrivé pour superviser la divi-
sion compagnies aériennes et tours opé-
rateurs, il a progressivement élargi son
périmètre, récupérant en 2017 les rênes de
l’auto et la mobilité.
Animé par une volonté de démocratiser la
Une équipe dédiée les accompagne pour
garantir l’alignement entre l’offre et la
demande. En attendant, il a profité des fêtes
pour souffler, écouter de la musique, courir
et… cuisiner pour ses proches. Sa spécialité ?
Le coq au vin, une recette héritée de sa
grand-mère.
MAUD KENIGSWALD
SNCF
SNCF Gares & Connexions confie sa direction
générale adjointe à Raphaël Poli. Cet énarque
a abordé la fonction publique en passant par
les collectivités locales, puis les cabinets mi-
nistériels. Il a intégré la SNCF en 2014 comme
directeur de la stratégie et de la transforma-

Beyond22-25. Elle a débuté chez Bain France technologie, il a accepté en 2021 de gérer le mkenigswald@lefigaro.fr tion, évoluant en 2021 à la direction générale
avant de rejoindre ADP puis Pernod Ricard. de SNCF Retail & Connexions. M. K.
 LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024

TECH 23

Transparents
et intelligents,
les téléviseurs
se réinventent
Les coréens LG et Samsung
veulent se relancer sur un marché
des téléviseurs en recul en 2023.

LUCAS MEDIAVILLA
lmediavilla@lefigaro.fr
présentation du produit dimanche
soir, le groupe avait misé sur des
démonstrations comme l’affichage
autre fonctionnalité, « AI Motion
Enhancer Pro », permet d’amélio-
rer significativement le visionna-
Le groupe LG a
présenté le Signature
OLED T, un téléviseur
Un nouveau centre
de recherche en IA
sur l’écran de statistiques sportives ge de programmes sportifs en transparent, lundi,
ÉLECTRONIQUE Enfin un « effet dans un environnement de loge comprenant mieux la trajectoire au Consumer
wahou » pour le secteur de la télé- d’un stade, donnant des indices sur des balles, ballons, palets ainsi que Electronics Show (CES)
de Las Vegas.

vision ? Les lancements de pro-
duits ces dernières années
s’étaient souvent résumés à une
course ininterrompue aux modè-
les de plus en plus grands avec, il
faut le dire, une qualité d’image en
perpétuelle évolution. Le CES
2024 de Las Vegas, sans marquer
une rupture de tendance vers cet-
te course à la taille, a le mérite
d’apporter des innovations im-
portantes. Coup sur coup, les deux
fabricants coréens Samsung et LG
ont en effet dévoilé leurs nou-
veaux modèles d’écrans transpa-
rents qui dépoussièrent les modè-
les vus ici et là ces dernières
années. Signature Oled T du côté
de LG, Micro LED transparent côté
Samsung, permettent en effet aux
écrans de mieux se fondre dans le
décor et de voir à travers.
Du côté de LG, qui travaille sur
cette technologie depuis deux ans
mais le destinait auparavant aux
« pros », le téléviseur a été présen-
té lundi sous la forme d’un meuble
doté d’un écran transparent de
77 pouces. D’apparence classique,
la dalle noire Oled s’efface d’une
simple commande, comme si un
voile se retirait de l’écran. Deve-
nues transparentes, les images
semblent dès lors suspendues en
l’air, à l’image d’un hologramme.
Avec en tête l’idée d’un produit
toujours plus intégré à son envi-
ronnement, LG a également éli-
miné l’ensemble de la connectique
qui ferait tache au dos d’un écran
transparent. Tous les câbles sont
disposés dans un boîtier se trou-
vant à proximité, et envoient le
son et l’image en 4K à l’écran via
une technologie sans fil.
Samsung, de son côté, mise sur
une technologie Micro LED, dont il
assure qu’elle améliore le rendu des
couleurs, la clarté ainsi que la
transparence par rapport à tout ce
que fait la concurrence. Lors de la
LA SÉANCE DU MARDI 9 JANVIER
LE CAC
les utilisations commerciales qui le mouvement des joueurs.
pourraient en être tirées. Différents Chez LG, on indique au Figaro
types de formes, de tailles permet- que le « push de l’IA concerne prin-
tront de l’adapter à n’importe quel cipalement l’amélioration et le dé-
espace. Parmi les trois modèles
présentés par le champion coréen,
veloppement des processeurs. Ce
dernier optimise la qualité de l’ima-
deux offraient un verre teinté per-
mettant de ne pas se laisser trop
ge et du son ». Bien sûr, beaucoup
d’annonces regroupées opportu-
distraire par l’environnement der- nément sous la bannière IA (thè-
rière la dalle. L’autre était, lui, me phare de ce CES 2024) cachent
complètement transparent, tel un des évolutions plutôt que des ré-
morceau de verre. Samsung indi- volutions. « L’IA est sur nos pro-
que que son Micro LED a nécessité duits depuis longtemps », concède
six ans de recherche. Guillaume Rault, vice-président
Les deux groupes n’ont pas ré- de Samsung Electronics France.
vélé de date de sortie. LG semble Au-delà de ce que l’IA peut ap-
néanmoins avoir une longueur porter en termes de performance
d’avance avec un modèle com- brute aux téléviseurs, son appui se
mercialisable dans l’année, quand mesurera également à son apport
un porte-parole de Samsung dans les écosystèmes des deux
confiait au Figaro que le Micro- géants. LG, comme Samsung,
LED avait plus valeur d’expéri- voient bien plus large que la vente
mentation. Rien n’a encore filtré de téléviseurs. Ils veulent créer de
sur les prix. Vu ceux pratiqués par
Samsung pour son Micro LED de
110 pouces actuel (150 000 dol-
véritables écosystèmes d’objets
connectés comprenant télévi-
seurs, barres de sons et enceintes,
lars), il est évident qu’ils ne seront réfrigérateurs, plaques de cuis-
pas destinés à toutes les bourses. sons, fours, etc. Des objets tous
connectés les uns aux autres et
Des objets connectés dopés avec une IA permettant de
dopés à l’IA comprendre les habitudes des
L’affichage transparent n’en reste consommateurs, lire désormais
pas moins un nouveau facteur de leur émotion, et se transformer en
compétition pour les construc- véritables assistants virtuels.
teurs. Tout comme l’est l’intelli- S’agissant du périmètre strict de
gence artificielle, qui était là enco- la télé, Samsung et LG ont profité
re au cœur des annonces des deux également du CES de Las Vegas
groupes pour cette édition 2024. pour réactualiser l’ensemble de
Grâce à leurs processeurs maison leurs gammes. L’année est straté-
– NQ8 AI Gen3 pour Samsung, Al- gique pour les constructeurs. Dans
pha 11 du côté de LG -, les géants
coréens promettent une améliora-
un environnement économique
délicat marqué par l’inflation et
tion des performances d’affichage un manque d’innovation, les
ou sonores. Samsung par exemple, achats de téléviseurs ont reculé de
a annoncé pour son nouveau mo- 2,1 % l’an passé selon TrendForce,
dèle flagship - le Neo QLED 8K - à un peu moins de 200 millions
une fonctionnalité permettant la d’unités. Avec les Jeux olympi-
mise à l’échelle d’une quelconque ques de l’été prochain à Paris, un
image ou vidéo en basse résolution événement d’ordinaire plutôt bon
vers la 8K. Utile par exemple pour pour les ventes, les fabricants doi-
le visionnage de vieux films. Une vent se montrer. ■
JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH
ouvre en France
GLENN CHAPMAN/AFP
Artefact crée des ponts entre
industriels et universités de renom.
INGRID VERGARA
ivergara@lefigaro.fr
RECHERCHE L’écosystème fran-
çais de l’intelligence artificielle
s’enrichit d’un nouveau centre de
recherche. Lancée par Artefact,
société de services spécialisée dans
le déploiement de ces technolo-
gies, et avec l’appui d’entreprises
comme Société générale, Orange
ou Decathlon, cette nouvelle
structure déjà opérationnelle ras-
« l’IALe push de
concerne
semblera d’ici 2025 une équipe de
30 chercheurs. Ils collaboreront
avec des professeurs d’une dizaine
d’institutions comme l’École
principalement polytechnique, CentraleSupélec,
l’amélioration Sorbonne Université, le CNRS,
et le l’université Paris-Saclay ou enco-
re l’ESCP Business School.
développement À la différence du laboratoire
des Kyutai, lancé en novembre der-
processeurs. nier et cofinancé par Xavier Niel,
Rodolphe Saadé et l’ancien patron
Ce dernier de Google Eric Schmidt, ou de
optimise Fair, le laboratoire de recherche
la qualité fondamentale de Meta, cette nou-
velle initiative, aux moyens finan-
de l’image ciers plus modestes, se différencie
et du son »
UN REPRÉSENTANT
surtout par sa volonté de répondre
à des problématiques « métiers ».
DE LG « Nous voulons créer des ponts
entre l’expertise des professeurs
des grandes universités, qui ont be-
soin de jeux de données concrets
pour progresser dans leurs recher-
ches, et les besoins concrets de
grandes entreprises internationales
sur certaines problématiques en
matière d’IA », résume Vincent
Luciani, PDG et cofondateur
d’Artefact. Pour la Société géné-
rale, par exemple - et le monde fi-
nancier en général - , un sujet im-
portant en matière d’IA est à la
fois d’optimiser les modèles afin
31/12
d’explorer des terrains mal connus.
« Les professeurs voient un fort inté-
rêt à travailler sur des problémati-
ques industrielles complexes, basées
sur des jeux de données réelles qui
leur font souvent cruellement défaut,
et des perspectives de publications à
la clé », explique Emmanuel Mal-
herbe, chercheur en machine lear-
ning et directeur de ce nouveau
centre.
Les résultats de ces collabora-
tions seront en open source, qu’il
s’agisse de la publication de code
informatique, d’articles scientifi-
ques ou de conférences. Pour les
entreprises qui acceptent ce prin-
cipe de l’open source, l’engage-
ment financier est minime par
rapport à la possibilité d’accéder à
l’expertise de chercheurs recon-
nus et d’avancer sur leur adoption
de l’IA. Pour Artefact, qui ne re-
vendique aucune propriété intel-
lectuelle sur les résultats, l’intérêt
est à la fois d’être en amont sur
tout ce qui sortira du centre et
d’espérer attirer certains des
meilleurs talents.
En discussion avec le MIT
Ce centre a vocation à s’autofi-
nancer. Outre l’investissement
d’Artefact et des industriels par-
tenaires, la structure s’appuie sur
le dispositif des conventions in-
dustrielles de formation par la re-
cherche (Cifre) qui permet à une
entreprise de bénéficier d’un fi-
nancement public pour recruter
un jeune doctorant dont les tra-
vaux conduiront à la soutenance
d’une thèse.
Le centre de recherche d’Arte-
fact s’est aussi positionné sur un
appel d’offres de Bpifrance dans le
cadre de France 2030, en montant
un consortium avec Mistral AI

de mieux détecter les profils frau- (l’ex-ministre du Numérique, Cé-

AIR LIQUIDE ........................... 170,98 -0,15 171,36 170,24 0,075 -2,92 LVMH ..............................................680,7 -1,53 695,5 679,8 0,063 -7,21 duleux, mais aussi d’en améliorer dric O, est au conseil de surveillan-
AIRBUS ..............................................143,12 -0,06 144,78 142,44 0,085 +2,39 MICHELIN ..............................................
31,64 -1,86 32,28 30,74 0,279 -2,53 la transparence et l’explicabilité, ce d’Artefact et cofondateur non
ALSTOM .............................................. 11,905 +5,49 11,97 11,34 0,681 -2,26 ORANGE ..............................................10,53 -1,48 10,708 10,512 0,193 +2,19
pour pouvoir les faire remonter exécutif de Mistral AI), pour adap-
ARCELORMITTAL SA ........................... 24,785 -2,46 25,39 24,785 0,292 -3,47 PERNOD RICARD ........................... 148,55 -0,47 149,4 147,15 0,163 -7,01
AXA .............................................. 29,635 -0,92 29,905 29,495 0,096 +0,49 PUBLICIS GROUPE SA ..................... 84,98 +0,17 85,24 84,4 0,109 +1,17
aux autorités compétentes. ter les grands modèles de langage
BNP PARIBAS ACT.A ........................... 62,63 -0,81 63,11 62,26 0,108 +0,06 RENAULT ..............................................36,125 -1,18 36,625 35,865 0,193 -2,11 En gestation depuis un an et généralistes développés par la tou-
BOUYGUES ..............................................35,62 +0,31 35,62 35,37 0,162 +4,4 SAFRAN ..............................................161,78 +0,37 162,68 160,9 0,076 +1,45 demi, ce projet a donc commencé te jeune pépite française à des ver-
CAPGEMINI ..............................................
184,5 -1,2 187,55 183,5 0,159 -2,25 SAINT GOBAIN ........................... 64,62 +0,7 64,68 63,8 0,167 -3,06 - outre les premiers recrutements - ticales métiers. Artefact espère
CARREFOUR ..............................................
16,64 -0,45 16,73 16,59 0,142 +0,45 SANOFI ..............................................95,19 +1,13 95,39 94,31 0,089 +6,05 par un travail d’identification des étendre les collaborations de ce
CREDIT AGRICOLE ...........................13,318 -0,16 13,362 13,258 0,105 +3,63 SCHNEIDER ELECTRIC ..................... 173,92 -0,17 174,22 172,34 0,115 -4,32 « bons » sujets de recherche, ré- centre à l’international. La société
DANONE ..............................................61 +0,11 61,17 60,77 0,181 +3,95 SOCIETE GENERALE ........................... 24,75 +0,26 24,785 24,525 0,226 +3,02
pondant à la fois aux besoins d’en- est en discussion avec le MIT et des
DASSAULT SYSTEMES ........................... 42,245 -0,17 42,48 41,765 0,052 -4,5 STELLANTIS NV ...........................20,565 -0,46 20,745 20,445 0,043 -2,74
treprises, aux intérêts des cher- universités aux États-Unis, au
EDENRED ..............................................54,62
ENGIE .............................................. 16,55
-0,76 55,14
+0,83 16,55
54,4
16,348
0,094
0,124
+0,89
+3,97
STMICROELECTRONICS .....................
TELEPERFORMANCE ...........................
40,7
129,95
-1,42
-1,74
41,11
133,7
40,23
125,35
0,216
0,361
-10,05
-1,59
CLÔTURE cheurs et aux besoins académiques Royaume-Uni et en Chine. ■
ESSILORLUXOTTICA ........................... 183,86 -0,39 185 181,96 0,082 +1,24 THALES ..............................................137,2 +0,07 138,75 136,7 0,081 +2,43 DU CAC 40
- 0,32 %
EUROFINS SCIENT. ...........................57,88 +0,8 58,12 56,96 0,092 -1,87 TOTALENERGIES ...........................60,12 -0,71 61,17 60,12 0,122 -2,4
HERMES INTL ........................... 1826,2 -0,54 1851 1823 0,043 -4,83 UNIBAIL-RODAMCO-WE ..................... 65,68 -0,24 65,96 65,06 0,193 -1,85
KERING ..............................................384 -0,38 389 382,25 0,12 -3,76 VEOLIA ENVIRON. ........................... 28,99 +0,28 29,08 28,78 0,11 +1,51
L'OREAL ..............................................
440,5 +0,47 440,5 434,5 0,034 -2,25 VINCI .............................................. 115,22 +0,98 115,22 113,94 0,125 +1,34 à 7 426,62 points
LEGRAND ..............................................89,6 -1,58 91,04 89,16 0,186 -4,78 VIVENDI SE ........................... 9,918 +0,51 9,94 9,81 0,157 +2,5

LES DEVISES MONNAIE 1 EURO=

LʼOR VEILLE 31/12
AUSTRALIE ................................................................................
DOLLAR AUSTRALIEN 1,6339 AUD
Cotation quotidienne assurée par Or en Cash
CANADA ................................................................................
DOLLAR CANADIEN 1,4613 CAD https://www.orencash.fr/investissement/
GDE BRETAGNE ................................................................................
LIVRE STERLING 0,8594 GBP
Lingot 1KG ................................. 59 740,1€ -0,63 %
HONG KONG ................................................................................
DOLLAR DE HONG KONG 8,5499 HKD Lingot 100g ................................. 5 985,01€ -0,62 %
JAPON ................................................................................
YEN 157,63 JPY Lingot 50g ................................. 2 999,51€ -0,62 %
SUISSE ................................................................................
FRANC SUISSE 0,9313 CHF 1 869,22€
Lingot ONCE (31,10g) ................................. -0,62 %
ETATS-UNIS ................................................................................
DOLLAR 1,094 USD Lingot 10g ................................. 608,6€ -0,62 %
TUNISIE ................................................................................
DINAR TUNISIEN 3,399 TND Lingot 2,5g ................................. 159,08€ -0,59 %
MAROC ................................................................................
DIHRAM 11,103 MAD 2OFr NAPOLÉON .................................372,89€ -0,63 %
TURQUIE ................................................................................
NOUVELLE LIVRE TURQUE 32,7533 TRY 20Fr SUISSE ................................. 368,73€ -0,63 %
EGYPTE ................................................................................
LIVRE EGYPTIENNE 33,8887 EGP SOUVERAIN ................................. 465,2€ -0,63 %
KRUGGERAND ................................. 1 987,97€ -0,63 %
A

CHINE ................................................................................
YUAN 7,8381 CNY 50 PESOS ................................. 2 373,48€ -0,63 %
INDE ................................................................................
ROUPIE 90,9195 INR 10 DOLLARS ................................. 971,53€ -0,63 %
ALGERIE ................................................................................
DINAR ALGERIEN 147,2198 DZD 20 DOLLARS ................................. 1 941,06€ -0,63 % Vincent Luciani, PDG et cofondateur d’Artefact. ARTEFACT
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO
24 MÉDIAS et TECH
Face à OpenAI, la presse française s’organise
Les éditeurs cherchent la meilleure base juridique pour obtenir à leur tour des contrats de licence.
CLAUDIA COHEN ccohen@lefigaro.fr
PRESSE « Nous sommes les fournis-
seurs de matière première de cette
nouvelle industrie de l’intelligence
artificielle (IA) générative, et il est
grand temps que nous soyons recon-
nus comme tel », martèle Emmanuel
Parody, secrétaire général du Geste,
la fédération des éditeurs français
de presse en ligne. Ces dernières se-
maines, les éditeurs observent avec
intérêt les premières cartes se jouer
entre les médias internationaux et
les géants de l’IA. D’un côté, l’agen-
ce Associated Press (AP) et le groupe
Axel Springer (Politico, Die Welt,
Bild…) qui nouent des accords de li-
cence avec l’architecte de ChatGPT
OpenAI, lui-même en discussion
avec Gannett et News Corp. De
l’autre, le journal le plus puissant du
monde, le New York Times, qui
ouvre le bal des contentieux en at-
taquant en justice l’entreprise de
Sam Altman après une période de
négociations jugée infructueuse.
« Ce n’était qu’une question de
temps avant que les premiers accords
voient le jour, estime Pierre Pe-
tillaut, directeur général de l’Al-
liance de la presse d’information
générale (Apig). Même si nous igno-
rons tout de la répartition dans ces
contrats entre le financier et l’apport
d’outils technologiques aux rédac-
tions. » Certains acteurs voient dans
ces accords une volonté de façade,
une simple manœuvre d’OpenAI
pour s’acheter la paix et mieux divi-
ser les éditeurs. D’autres se réjouis-
sent, plutôt, de voir OpenAI « re-
connaître sans le dire qu’ils sont bien
des clients de l’industrie des mé-
dias », glisse un éditeur.
En ce début d’année 2024, le
temps est donc à l’organisation pour
les médias tricolores qui espèrent
obtenir une juste rémunération
pour l’utilisation de leurs articles
dans l’entraînement des IA. Pre-
mière étape, l’analyse des textes de
loi. « Vers quels véhicules juridiques
devrons-nous nous tourner : le droit
voisin, le droit d’auteur ou le droit re-
latif aux bases de données ? Cela res-
te à déterminer », précise Pierre
Petillault, qui travaille main dans la
Chalets, stations de rêve, paroles d’experts,
marchés immobiliers des Alpes aux Pyrénées.
EN FRANCE ET À L’INTERNATIONAL
Propriétés Le Figaro n°205 - 12€
En vente chez votre marchand de journaux
A
et sur www.figarostore.fr
main avec le Syndicat des éditeurs
de la presse magazine (SEPM). Il
faudra également apporter la preu-
ve, comme l’a fait le NYT, que des
contenus journalistiques protégés
ont bel et bien été aspirés par les
agents conversationnels des géants
de la tech pour nourrir leurs
connaissances, et dans quelles pro-
portions.
«Je suis ouvert à la discussion
avec ces entreprises de l’IA et à des
accords », commente de son côté
Marc Feuillée, directeur général du
Groupe Figaro. « Il ne faut pas ex-
clure d’obtenir, à la fois, des accords
collectifs et des accords de gré à gré
en lien avec l’apport réel de chaque
média à l’apprentissage de la ma-
chine », précise le dirigeant. « Mais
à l’inverse des droits voisins, il n’y a
ici aucun cadre juridique, ni aucune
obligation de négociations », s’in-
quiète un éditeur.
« On ne peut pas attendre
cinq ans »
Aucune discussion n’a encore été
ouverte entre les syndicats de mé-
dias français et OpenAI. D’autant
que l’entreprise américaine n’est
pas facile à joindre… Les profes-
sionnels n’ont d’autre choix que de
se tourner vers la filiale française
du géant Microsoft, principal ac-
tionnaire d’OpenAI. Or les rela-
tions entre les médias et le groupe
américain sont déjà bien compli-
quées, puisque ce dernier refuse
déjà d’entamer des négociations
autour des droits voisins, rendues
pourtant obligatoires par la loi.
Le sujet vient tout juste d’être
abordé avec Google, qui abrite le
chatbot Bard. Certains éditeurs es-
pèrent pouvoir ajouter une annexe
sur l’IA lors du renouvellement des
contrats de droits voisins, qui expi-
rent le 31 décembre, et dont les re-
négociations débuteront en juin.
Les mêmes problématiques de-
vraient aussi être abordées avec
Meta.
Les Français en sont conscients :
ils passeront après les grands mé-
dias anglo-saxons. « Or l’urgence
est là. On ne peut pas attendre cinq
ans face au progrès fulgurant de
l’IA », affirme Marc Feuillée.
Le New York Times a déposé plainte en décembre contre OpenAI, accusé d’avoir utilisé les articles du quotidien américain pour entraîner son IA.
Aucun des acteurs interrogés par
Le Figaro n’exclut de se tourner
vers la voie judiciaire si la situation
En Inde, nuages noirs sur
l’exigeait.
Afin de pallier les asymétries de
pouvoir face à ces géants de la tech,
la fusion entre Sony et Zee
les éditeurs aimeraient pouvoir
compter sur le soutien des pouvoirs
publics. « Mais le climat politique ne
Sony veut annuler l’opération alors que les discussions
nous est pas favorable, regrette un
éditeur. Sous le regard d’Emmanuel
butent sur le nom de celui qui dirigera le groupe médias.
Macron, Bercy comme le ministère
de la Culture font le choix de créer
une fausse opposition entre innova- EMMANUEL DERVILLE
£@e_derville
tion et propriété intellectuelle. »
Les prochains mois diront égale-
ment si les États généraux de l’in- DIVERTISSEMENT C’est une fu-
formation, dont la mission est de sion qui tourne au feuilleton. Deux
plancher sur l’avenir de l’informa- ans après l’annonce du rapproche-
tion, choisiront de donner une pla- ment entre Sony Group et l’indien
ce prioritaire à ces enjeux fonda- Zee Entertainment, l’opération se-
mentaux pour le modèle rait sur le point de capoter à en
économique des médias. « Il n’est croire l’agence de presse Bloom-
pas simplement question d’aller berg. Sony envisagerait de l’annu-
chercher un chèque, estime Emma- ler purement et simplement alors
nuel Parody. Il faut construire une qu’elle devait accoucher d’un
doctrine pour les prochaines décen- géant des médias et du divertisse-
nies, à l’image de la loi de 1881 sur la ment capable de rivaliser avec
liberté de la presse. » ■ Netflix, Amazon, Disney et le
conglomérat Reliance sur le mar-
ché indien.
ZEE ENTERTAINMENT L’opération avait été annoncée
EN CHIFFRES en décembre 2021. À l’époque, la
filiale indienne de Sony, Sony Pic-
3,2
milliards de dollars
tures Network India (SPNI), se met
d’accord avec Zee Entertainment
pour accoucher ensemble d’un
groupe valorisé à 10 milliards de
de capitalisation boursière
dollars. SPNI devait être majoritai-
re au capital avec 51 % des parts.
1milliard de dollars En échange, le PDG de Zee, Punit
Goenka, prenait la tête de la nou-
velle société qui allait regrouper
plus de 75 chaînes de télévision,
de chiffre d’affaires
en 2023 deux studios de production et deux
plateformes de streaming, SonyLiv
et Zee5.
50 Le mariage était d’autant plus
judicieux que les deux acteurs sont
complémentaires. Les chaînes de
chaînes
de télévision diffusées Zee sont disponibles dans toute
en Inde et à l’international, l’Inde, contrairement à celles de
et la plateforme de Sony, qui propose en prime des
streaming vidéo Zee5
contenus sportifs et pour enfants
absents du bouquet de Zee.
L’union intervenait à un moment
où Netflix, Amazon et Disney ba-
taillaient ferme pour gagner des
parts de marché sur les platefor-
mes de streaming en Inde.
Les planètes semblaient donc
alignées pour les deux parties, jus-
qu’à ce qu’en juin 2023, le Sebi, le
gendarme indien des marchés fi-
nanciers, ait interdit au PDG de
Zee, Punit Goenka, de diriger une
entreprise cotée en Bourse. Sa no-
mination à la tête du groupe né de
la fusion devient alors impossible.
Les faits, qui remontent à 2019,
sont graves. D’après l’enquête
du Sebi, Punit Goenka, de con-
cert avec Subhash Chandra, le
président de Essel Group - conglo-
mérat dont fait partie Zee Enter-
tainment -, a utilisé 2 milliards de
roupies (25 millions d’euros) pla-
cés sur un compte bancaire de Zee
pour financer sept entités d’Essel
Group qui appartiennent aux fa-
milles des deux hommes.
Problème : le conseil d’adminis-
tration de Zee n’a pas été informé,
JONATHAN RAA/NURPHOTO VIA AFP
en violation de la loi indienne. Sur-
tout, Zee n’a jamais été remboursé.
Le Sebi découvre que les deux diri-
geants ont dissimulé ce défaut de
paiement en ponctionnant des
fonds générés par Zee et d’autres
filiales du conglomérat Essel
Group. L’argent a ensuite transité
vers les sociétés débitrices qui
l’auraient reversé à Zee pour faire
croire que les 2 milliards de roupies
avaient bien été repayés.
Punit Goenka a fait appel de la
sanction du Sebi. En octobre 2023,
la justice l’autorise de nouveau à
diriger une société cotée. Mais
pour Sony, le mal est fait. Le grou-
pe japonais craint d’enfreindre la
loi nippone si l’homme d’affaires
prend la tête de la nouvelle entité.
L’échéance du 20 janvier
Le mariage a beau avoir été accepté
par l’autorité indienne de la
concurrence, les actionnaires et le
tribunal indien de commerce, les
discussions pataugent. En novem-
bre, le quotidien économique in-
dien Mint révélait que Sony voulait
remplacer Punit Goenka par N.P
Singh, le PDG de sa branche in-
dienne Sony Pictures Network, en
vain. Zee a demandé un délai d’un
mois pour trouver un terrain d’en-
tente, repoussant l’échéance pour
finaliser l’opération au 20 janvier
2024.
Ces derniers jours, les médias
indiens se montrent de plus en
plus pessimistes. « La fusion ne
tient plus qu’à un fil » écrivait lundi
l’agence de presse Press Trust of
India. Sony et Zee Entertainment
n’ont fait aucun commentaire.
Bloomberg indique néanmoins
que les discussions continuent
mais que si elles échouent, Sony
n’acceptera aucun nouveau délai
après la date butoir.
Un échec du mariage entre Sony
et Zee débarrasserait Netflix, Ama-
zon ainsi que Reliance d’un sérieux
concurrent. Reliance en particulier
s’imposerait comme le seul acteur
indien à pouvoir tenir tête aux
américains, à condition qu’il par-
vienne à racheter les activités de
Disney dans le pays. Bloomberg
assurait il y a trois mois que la
transaction serait bouclée d’ici la
fin 2023. Il n’en fut rien. Les pour-
parlers semblent avancer néan-
moins. Disney et Reliance ont
mandaté deux cabinets d’avocats
pour sécuriser le feu vert des auto-
rités de la concurrence. Le rachat
des activités indiennes de Disney
par Reliance donnerait naissance à
un mastodonte de 120 chaînes de
télévision et deux plateformes de
streaming. ■
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO - N° 24 690 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr
« MAKING OF »
CÉDRIC KAHN EN CRITIQUE DE CINÉMA
DAVID KOSKAS ; ARCHIVE SAINT EXUPERY ; GUERLAIN ; LUDOVIC BALAY
APRÈS LE TRÈS SÉRIEUX « PROCÈS GOLDMAN », LE RÉALISATEUR LIVRE UNE COMÉDIE SOCIALE QUI POINTE LES TRAVERS
DU SEPTIÈME ART. UN DIAGNOSTIC BRILLANT AVEC UN DENIS PODALYDÈS IRRÉPROCHABLE. PAGE 26
DAMIEN BONNARD, NUMÉRO FÉTICHE DU CINÉMA
●
LES FIGURES DE LA RENTRÉE LE COMÉDIEN CONNAÎT UNE ASCENSION AUSSI FULGURANTE QUE MÉRITANTE. IL SERA PLUSIEURS FOIS À L’AFFICHE EN 2024.
●
VALÉRIE BECK
our trouver ses mots, il
P cherche ceux de Michel Pic-
coli. Damien Bonnard em-
porte toujours avec lui, re-
copiées à la main sur des
feuilles agrafées dans une pochette en
plastique défraîchie, des citations du
comédien qu’il admire et cite volon-
tiers. Pour parler de son engagement,
il lui emprunte celle-ci : « Si on
n’épouse pas les questions, les doutes et
les délires de la société, pas la peine
d’être acteur. » Dans le cartable posé à
ses pieds, il a aussi apporté son exem-
plaire usé et annoté du scénario du
Bonheur est pour demain, en pleine
BEAUTÉ
GUERLAIN ET SAINT-EXUPÉRY :
DESSINE-MOI
UN NOUVEAU PARFUM PAGE 29
promotion du nouveau film de Brigit-
te Sy. Comme un doudou rassurant et
un gage tangible pour répondre aux
questions sur cette histoire d’amour
passionnelle qui grandit entre les
murs de la prison où Sophie (Laetitia
Casta) lui rend visite, alors qu’il est
condamné pour braquage et meurtre.
Ne manquait que le théâtre
Mais il faudrait bien plus qu’une saco-
che, plutôt une valise, pour contenir
tous les scénarios de ses projets en
cours. Révélé en 2016 dans Rester ver-
tical, son premier grand rôle après des
années de figuration et d’apparitions,
Damien Bonnard s’est vite imposé
comme une figure incontournable,
construisant une filmographie presti-
gieuse, de Ladj Ly à Pierre Salvadori,
de Christopher Nolan à Wes Anderson
et Joachim Lafosse. Et ce n’est qu’un
début. Il commence bien cette nou-
velle année, à l’affiche d’Une affaire
d’honneur (déjà en salle), de Pauvres
créatures, de Yorgos Lanthimos (le
17 janvier), et du Bonheur est pour
demain (31 janvier), où il subjugue,
mélange magnétique de force brute et
de douceur. Sans compter les six
autres films à venir courant 2024,
dont un thriller japonais réalisé par
Kurosawa, une comédie romantique
d’Emmanuel Mouret et un biopic sur
Niki de Saint Phalle par Céline Sallet-
te. Il ne manquait que le théâtre, qui
lui a longtemps fait peur. Mais, désor-
mais aguerri aux longs textes à ap-
VOYAGE
EN 2024, TOUS EN TRAIN ! NOS HUIT
ITINÉRAIRES COUP DE CŒUR
À TRAVERS LE MONDE PAGE 30
prendre, le comédien de 45 ans a fini
par dire oui. Il sera aux côtés de
Swann Arlaud et Marie Kauffmann
dans Trahisons, une pièce de Harold
Pinter, prévue pour janvier 2025.
« Tout est arrivé par hasard »
Plusieurs vies l’ont mené à celle-ci.
Après avoir arrêté l’école à l’âge de
16 ans et terminé les Beaux-Arts, Da-
mien Bonnard a été l’assistant de la
peintre abstraite Marthe Wéry,
manœuvre dans un chantier, pizzaïo-
lo, maçon, installateur de cuisines,
assistant de direction dans un labora-
toire du CNRS spécialisé dans la fabri-
cation du diamant artificiel, pêcheur
d’anguilles et d’algues au Canada…
« Tout est arrivé par hasard, je ne sa-
Xavier Beauvois
(à gauche)
et Denis Podalydès
dans Making of.
vais pas quoi faire de ma vie. Mais avec
du recul, ce qui me passionnait le plus,
c’était la découverte de nouveaux mon-
des. J’ai trouvé la solution en faisant
l’acteur. » Dans son salon, la pile de
scénarios qu’il conserve précieuse-
ment commence à prendre beaucoup
de place. Elle est à côté de sa « boîte à
croyances » où il range des « petits
morceaux du monde », des objets per-
dus qui ont attiré son regard dans la
rue, comme un bout de plastique, une
boucle d’oreille, un bouchon de pêche
ou quelques souvenirs de tournages.
Une drôle de lubie, où se mêlent poé-
sie et superstition. « Je les vois comme
des porte-bonheur. Si je les ramasse, il
va se passer de bonnes choses pour
A
moi. » C’est en tout cas bien parti. ■
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO
26 L'ÉVÉNEMENT
« MAKING OF »
L’USINE À GRÈVES
ÉRIC NEUHOFF eneuhoff@lefigaro.fr
oteur ! Il faut le dire vite.
M Les financiers voudraient
un happy end. Le pro-
ducteur ment comme il
respire. L’acteur princi-
pal a des caprices. Bref, le tournage des
Irréductibles est mal embarqué. Le réa-
lisateur s’arrache le peu de cheveux qui
lui reste. Ce cinéaste engagé en a pour-
tant vu d’autres.
Simon voudrait tellement pouvoir
raconter l’histoire de ces ouvriers prêts
à tout pour sauver leur usine. Pour un
peu, il jurerait que ce sera son dernier
film. Ses espoirs reposent désormais
dans le making of dont est responsable
un certain Joseph. « C’est le fils de
qui ? », s’interroge le metteur en scène,
pas vraiment dupe des us et coutumes
de son milieu. Réponse : de personne.
Le garçon est un pizzaïolo passionné de
septième art. Tout arrive.
Devant la caméra, les protagonistes se
mettent en grève. Derrière, les techni-
ciens ne tardent pas à les imiter. L’ar-
gent vient à manquer. Le million d’euros
promis s’est évaporé. Il est soudain
question d’heures supplémentaires non
DENIS PODALYDÈS : « PIALAT NE POURRAIT PLUS TOURNER COMME IL TOURNAIT »
PROPOS RECUEILLIS PAR
ÉTIENNE SORIN esorin@lefigaro.fr
aking of est un film choral
M dont Denis Podalydès
tient le premier rôle. Il
joue Simon, un réalisa-
teur dont le tournage de
son nouveau film n’est pas de tout repos.
Producteur margoulin, acteur à l’ego
hypertrophié, techniciens au bord du
craquage… Le sociétaire de la Comédie-
Française apporte une douce mélancolie
à un personnage burlesque. Hors ca-
méra, il imite aussi très bien la voix rau-
que de Cédric Kahn, metteur en scène
décidément inspiré. Après Le Procès
Goldman, le cinéaste signe la meilleure
comédie de 2024.
LE FIGARO. - Quand on vous donne
à lire Making of en vous disant
que c’est une comédie de Cédric Kahn,
êtes-vous dubitatif ?
Denis PODALYDÈS. - J’ai dit oui à
Cédric Kahn avant même de lire le scé-
nario. J’avais envie de tourner avec lui
depuis longtemps. Il m’a présenté
d’abord le film de façon très simple,
avec sa voix rocailleuse : « C’est un réa-
lisateur qui tourne un film sur des
ouvriers. » J’ai trouvé le scénario très
A
drôle et juste, avec de beaux personna-
ges. J’étais ravi puisque j’avais dit oui.
DANS CETTE
COMÉDIE SOCIALE
DE CÉDRIC KAHN,
DENIS PODALYDÈS
TIENT LE RÔLE
D’UN RÉALISATEUR
AU BOUT DU ROULEAU.
UN FILM DANS LE FILM
TORDANT ET PLEIN
DE PROFONDEUR.
Une comédie sur un tournage de film,
cela crée-t-il une atmosphère
plus détendue sur le plateau ?
Cédric était très joyeux. Mettre en scène
un tournage est propice à la comédie. Je
l’avais constaté dans Dieu seul me voit où
mon frère jouait un réalisateur et moi un
ingénieur du son. J’ai l’impression que
ça se fait tout seul. On a vécu la plupart
des situations racontées. Comme l’ac-
teur qui phagocyte le tournage. Quand
en plus il est joué par Jonathan Cohen,
dont on connaît les dons d’improvisa-
tion, c’est un vrai bonheur.
On découvre que les acteurs ne se font
pas de cadeau entre eux. Ils se volent
les répliques, les plans, les scènes…
Tous les acteurs ont connu ça. Parfois,
ça m’amuse de voir un acteur dévorer
l’espace. S’il a les moyens qui vont avec,
ça peut être très beau. Un grand préjugé
veut que les acteurs ne doivent pas en
faire trop, mais certains sont suffisam-
ment larges pour que ce « trop » soit de
la grande cuisine. J’ai une certaine in-
dulgence pour ça.
Votre personnage, Simon, ne se mouille
pas au moment de voter la grève…
Le réalisateur veut faire son film. Dans
ces moments-là, il n’est pas en position
d’autorité. Il sent que le film se fera au
prix d’une injustice. Il n’ose trop rien
dire. La contradiction est d’autant plus
payées, de participation. Gros chahut.
Simon est à deux doigts de jeter le gant.
Dans Making of, Denis Podalydès se love
avec gourmandise dans la peau de cet
intellectuel en chapka au bout du rou-
leau. Son couple bat de l’aile. Il se gave
de comprimés. Son assistante le soutient
à bout de bras. La vedette joue les
concernés, se pose trop de questions. Il
ne s’agit surtout pas de remettre en cau-
se son ego. Ce nanti a des états d’âme.
Comment incarner un sans-dents ?
Contradictions du système
Le voilà qui a des insomnies, qui dérange
ses partenaires en pleine nuit. Sur la pel-
licule, des gens se demandent s’ils doi-
vent accepter une prime avant d’être li-
cenciés. Dans la réalité, l’équipe hésite à
continuer sans être rémunérée. Mise en
abyme, film dans le film, effet Vache qui
rit, appelez ça comme vous voudrez : le
résultat est tordant, frappé au coin du
bon sens, non dénué de profondeur.
Qu’arrive-t-il à Cédric Kahn ? Il y a
quelques mois, son Procès Goldman
était une réussite. Il revient avec cette
comédie sociale qui, dans un genre dif-
férent, touche le noir de la cible. Sa Nuit
américaine est bourrée d’engueulades
généralement suivies de bruyantes ré-
forte que Simon tourne un film militant
et social sur des ouvriers en grève. Elle
est intenable mais on la trouve dans
plein de films vertueux au budget mo-
deste. C’est pour ça que les techniciens
préfèrent souvent un gros tournage
Amazon. Ils auront des moyens et se-
ront tranquilles avec un réalisateur qui
ne va pas gaver les journées de travail.
Tout dépend si le metteur en scène
tourne beaucoup de prises ou non. Il y a
aussi un niveau de souffrance plus ou
moins accepté. Pas de souffrance, mais
de temps passé.
“surJ’aime beaucoup écrire
les plateaux.
Même au milieu du bruit.
J’ai écrit plusieurs
passages de mon livre
sur Molière, En jouant,
en écrivant, dans
les marges de mon métier
d’acteur. Au cinéma,
”
on attend beaucoup
Comment êtes-vous
sur un plateau ?
Plutôt sociable ou plutôt
à vous enfermer dans votre loge
pour relire Molière ?
DAVID KOSKAS
conciliations, de vraies pluies venant
chambouler le plan de travail, de crises
de nerfs et de disputes sur Zoom. Il jette
Denis Podalydès (Simon)
dans Making of.
sur ces artisans du Celluloïd un œil à la
fois critique et bienveillant, pointe en
bon politique les contradictions du sys-
tème. Malraux avait déjà souligné le
hiatus entre l’art et l’industrie. Son dia-
gnostic est ici illustré avec brio, grâce à
des acteurs hors pair.
Podalydès est irréprochable, comme
DENIS
PODALYDÈS
AU « CLUB
d’habitude. Jonathan Cohen mérite des
claques, tellement il adopte les défauts
de la star qui cabotine. Ce comédien est
CULTURE »
pour l’instant toujours parfait. Qu’on
ne nous le bousille pas en l’utilisant à
Ce soir, Denis Podalydès
est l’invité du « Club Le Figaro
tort et à travers. Xavier Beauvois, gros
nounours fuyant, remporte la palme en
Culture ». L’émission, animée
par Jean-Christophe Buisson,
nabab chafouin, roublard, indélicat. Il
ment comme il respire. On s’y croirait.
est disponible sur le site internet
du Figaro dès 20 heures ce soir
Normalement, Les Irréductibles devrait
être récompensé à Cannes. Ou aux Cé- et sur Le Figaro TV
Île-de-France à partir de 22 h 30.
sar. Coupez ! ■
« Making of »
Comédie de Cédric Kahn
Avec Denis Podalydès, Jonathan Cohen,
Stefan Crepon, Souheila Yacoub
Durée 1 h 54
■ L’avis du Figaro : ○○○¡
Ça dépend des heures. Je peux être so- le spectacle du metteur en scène
ciable. Surtout qu’après trente ans de polonais Krystian Lupa,
carrière, je connais beaucoup de tech- accusé de violence envers
niciens. On parle de l’évolution du ci- les techniciens lors des répétitions.
néma. Il y a plein de conversations pos- Qu’en pensez-vous ?
sibles. J’aime aussi beaucoup écrire sur
les plateaux. Même au milieu du bruit.
J’ai écrit plusieurs passages de mon li-
vre sur Molière, En jouant, en écrivant,
dans les marges de mon métier d’ac-
teur. Au cinéma, on attend beaucoup.
Un car-loge fait à peu près la taille de
On n’a pas entendu les comédiens dans
cette affaire. Ils vont jouer à l’Odéon en
janvier. Lupa est assez âgé, il a sa façon
de travailler… Certains comporte-
ments sont soudain réprouvés par la
société alors qu’ils étaient admis au
nom de l’art. Moi-même, je pense
mon bureau, donc je m’y sens bien qu’en tant qu’acteur, il y a quinze ans,
pour écrire. Si un plan est repoussé, je j’aurais probablement supporté des
ne panique pas. comportements que je dénoncerais
aujourd’hui. Je suis aussi transformé
Pourquoi avez-vous défendu
Catherine Corsini lors de la polémique
autour du Retour ?
socialement. Un Pialat aujourd’hui ne
pourrait pas tourner comme il tour-
nait. Ferait-il alors de grands films ? Il
Parce que ce qui lui était reproché était puisait dans une rage intérieure, dans
faux. Ce petit texte m’a valu des ennuis. une colère. Il secouait son propre film,
Catherine est assez abrupte, mais ce qui son propre tournage. Aujourd’hui, il
lui était reproché était totalement hété- serait probablement dénoncé parce
rogène. Ce mélange d’approximations qu’il a dû dire des horreurs. Ça n’em-
et de rumeurs la faisait passer dans le pêche pas que ces films sont des chefs-
camp des réprouvés. C’était aberrant d’œuvre. J’ai consacré un texte à me
pour le film que je trouve très beau. Et je demander quel acteur j’aurais été sous
pense que Catherine va avoir du mal à la férule de Pialat. J’aurais été atomisé,
faire un prochain film. Je n’ai pas repar- détruit. J’ai eu un âge où j’aurais pu
lé avec elle depuis un certain temps, être candidat à À nos amours. J’aurais
mais je trouve ça irrationnel. pu être le jeune amoureux. Il en fallait
tellement peu pour me ficher en l’air
En juin 2023, la Comédie de Genève qu’à la première remarque il m’aurait
et le Festival d’Avignon fait très mal. Mais il a tourné des films
ont déprogrammé Les Émigrants, qui restent. ■

CULTURE
« UN SILENCE » LES LOURDS SECRETS DE FAMILLE
JOACHIM LAFOSSE
DÉCRIT, SANS PATHOS
ET AVEC BEAUCOUP
DE SOBRIÉTÉ, LE POIDS DU DÉNI
DANS UN FOYER DOMINÉ
PAR UN PÈRE MANIPULATEUR
INCARNÉ PAR DANIEL AUTEUIL.
VALÉRIE BECK
l existe des silences plus fracas-
I sants que bien des bruits. Ce
Silence-là est comme une défla-
gration étouffée à combustion
lente qui ronge depuis trente ans
Astrid (Emmanuelle Devos), mère de
famille et femme d’un avocat renommé
dans une petite ville de province
(Daniel Auteuil). On la découvre
effondrée dans sa voiture, alors qu’elle
se rend au commissariat où leur fils a
été arrêté. Que s’est-il passé ? Dans ce
film saisissant, entre thriller psycho-
logique et drame intimiste sur le poids
des secrets, c’est ce que va nous révéler
Joachim Lafosse à travers un flash-back
qui nous replonge quelques jours avant
les faits.
Avant même l’explosion du drame,
les tensions sont palpables dans la
grande maison bourgeoise où la famille
cohabite plus qu’elle ne vit, quasi
retranchée. La fille aînée, désormais
adulte, est partie depuis longtemps et
refuse de revenir. Reste le père,
François - au centre de l’attention
médiatique alors qu’il organise une
marche blanche en hommage à deux
jeunes filles disparues dont il représente
les parents - Astrid, vigie silencieuse de
la maisonnée, et Raphaël, leur fils
encore lycéen.
Huis clos oppressant
Rien n’est expliqué mais l’angoisse
sourd, à travers des regards furtifs, des
silences pesants, des pièces vides, un
écran d’ordinateur allumé en pleine
nuit, rapidement aperçu, quelques sons
« LA VIE RÊVÉE DE MISS
FRAN » : POÉTIQUE SOLITUDE
DANS CETTE DÉLICATE PLAIDOIRIE, UNE EMPLOYÉE DE BUREAU
INTROVERTIE VOIT SON COCON BOUSCULÉ.
CONSTANCE JAMET £@constancejamet
es spectateurs qui avaient laissé
L Daisy Ridley enfouissant dans le
sable les sabres lasers de ses
mentors au terme de la dernière
trilogie de La Guerre des étoiles
mettront du temps à reconnaître la co-
médienne britannique dans La Vie rêvée
de Miss Fran. Elle campe ici une em-
ployée de bureau introvertie restant sur
son quant-à-soi. Hors de question de se
mêler aux collègues qui papotent autour
de la machine à café ou de les retrouver
pour des soirées jeux. L’experte en ta-
bleaux Excel préfère savourer seule ses
sudokus et son fromage blanc.
Encline à se perdre dans son imaginai-
re, Fran échafaude mille et un scénarios
baroques au terme desquels elle trouve-
rait la mort. Non qu’elle souhaite mettre
fin à ses jours. Ses songes de forêts et
d’océans, de reptiles et d’insectes
grouillants sont plutôt une échappatoire
dans un quotidien qui la submerge. Tou-
tefois, cette foisonnante vie intérieure se
retrouve bousculée par la nouvelle recrue
de l’open space : Robert ne peut s’empê-
cher de vouloir sortir Fran de son cocon
protecteur.
Dose d’humour
Avec ce portrait austère et onirique du
poids de la solitude, la réalisatrice Rachel
Lambert embrasse la mélancolie de
l’existence, mais ne la condamne pas.
Son sujet est moins la dépression que la
difficulté de nouer des liens et de s’ouvrir
aux autres dans notre société moderne et
bruyante. Le minimalisme de ce film in-
dépendant, calibré pour les festivals de
Sundance et de Deauville, est contreba-
lancé par une bonne dose d’humour et un
décalage permanent. Fran, pour qui la
grande faucheuse est presque une amie,
étouffés, des mots échangés au
téléphone. Dans une mise en scène
resserrée d’une grande sobriété, la
narration s’étire, opaque et pesante,
pour mieux marquer les esprits ensuite
lorsque la vérité éclatera avec ses
se découvre des aptitudes insoupçonnées
de convive de « murder parties ». Ses
visions morbides piochent autant dans la
beauté du préraphaélisme que dans le
grotesque des scènes de Brueghel
l’Ancien. S’en dégage une forme d’apai-
sement, à l’image d’un film avare en
dialogues qui soigne ses silences et laisse
le temps s’écouler goutte à goutte.
Malgré son héroïne qui flotte, le film
n’est pas déprimant. Au contraire. Invi-
tant à l’introspection, il joue une petite
musique de chambre singulière qui
résonne dans notre monde de l’après-
-confinement. La pandémie a démontré
à quel point l’isolement était un fléau
universel. « La dichotomie entre la
richesse de Fran et ce qu’elle projette m’a
bouleversée. C’est une discrète. Être en
société, pour elle, c’est comme être nue.
Comment surmonter cette réticence pour
établir la connexion, dont nous avons be-
soin pour prospérer ? On peut avoir l’im-
pression qu’il est impossible de trouver sa
place, de toucher quelqu’un. Pourtant
cette personne serait ravie d’avoir un sou-
tien, une oreille », décrypte Daisy Ridley.
Certains seraient tentés de voir en
Robert (Dave Merheje) un chevalier
servant. L’actrice tempère : « La Vie
rêvée de Miss Fran n’est pas une comédie
romantique, même si certains jalons le
laissent penser. Ce film rappelle que la vie
est rarement une succession de feux
d’artifice. Le cours des choses ressemble
plutôt à une suite de petits et précieux
moments, des braises dans l’âtre. » Une
belle promesse. ■
« La Vie rêvée de Miss Fran »
Comédie de Rachel Lambert
Avec Daisy Ridley, Dave Merheje,
Parvesh Cheena
Durée 1 h 31
■ L’avis du Figaro : ○○¡¡
répercussions, dans la deuxième partie
du film.
Après Les Intranquilles, où il scrutait
un couple confronté aux emportements
du mari bipolaire, le réalisateur belge
frappe une nouvelle fois avec ce huis
Daniel Auteuil incarne un avocat
très médiatisé, qui défend une affaire
de pédophilie doublée d’inceste.
LES FILMS DU LOSANGE
clos oppressant, inspiré de l’affaire
Hissel, du nom de l’avocat des parents
de victimes de Marc Dutroux
condamné à son tour pour détention
d’images pédopornographiques.
Charisme mystérieux
Daniel Auteuil et Emmanuelle Devos,
qui n’avaient pas tourné ensemble
depuis L’Adversaire, de Nicole Garcia, il
y a vingt ans, y sont pour beaucoup. Le
comédien retrouve l’une de ses plus
belles partitions, celle d’un mani-
pulateur glaçant et silencieux auquel il
apporte une sombre profondeur et un
charisme mystérieux, dans la lignée de
ses films avec Claude Sautet.
Dans le rôle de celle qui s’est tue,
Emmanuelle Devos, en conflit intérieur
permanent, est bouleversante. Témoin
silencieux et victime elle aussi, sous
emprise d’un mari manipulateur, on la
voit se fissurer et perdre contenance
alors que l’inéluctable se rapproche,
s’accrochant malgré tout à ses men-
songes et ses dénis. Joachim Lafosse ne
la juge pas. Partagée entre la honte, la
culpabilité, un aveuglement permanent
à sauver les apparences et à vouloir
croire que cela est derrière eux, elle se
débat, prise à son propre piège et
marquée par le poids des années de
mutisme.
À l’heure de la libération de la parole
post-MeToo, Joachim Lafosse livre un
Silence percutant qui va faire grand
bruit. ■
« Un silence »
Drame de Joachim Lafosse
Avec Daniel Auteuil, Emmanuelle
Devos, Matthieu Galoux
Durée 1 h 39
■ L’avis du Figaro : ○○○¡
Judith Rosmair
9 – 21 janvier
spectacle en allemand
surtitré en français
Séverine Chavrier
16 janvier – 10 février
Danai Epithymiadi
30 janvier – 11 février
LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024
27
ZOOM
FESTIVAL LES
INCONTOURNABLES
Démarrer la nouvelle année
cinéma avec le meilleur
de l’année précédente.
La formule ne change pas.
Du 10 au 23 janvier 2024,
la nouvelle édition
des Incontournables,
organisé par UGC en partenariat
avec Le Figaro, Le Figaro
Magazine et Madame Figaro,
propose de (re)découvrir
dans 31 cinémas UGC
partout en France
25 des meilleurs films 2023,
au tarif de 5 euros la place.
Au programme, les blockbusters
d’auteur tels qu’Oppenheimer
de Christopher Nolan, Babylon
de Damien Chazelle et Barbie
de Greta Gerwig, la présidente
du jury du prochain Festival
de Cannes. Les derniers chefs-
d’œuvre des grands maîtres :
Killers of the Flower Moon de
Martin Scorsese, The Fabelmans
de Steven Spielberg, L’Enlèvement
de Marco Bellocchio, Les Feuilles
mortes d’Aki Kaurismaki,
Les Herbes sèches de Nuri Bilge
Ceylan. Un grand film trop
peu vu : Tar, de Todd Field avec
une Cate Blanchett magistrale.
Et nombre de films qui illustrent
la vitalité et la diversité du cinéma
français. Mon crime de François
Ozon, L’Amour et les Forêts,
de Valérie Donzelli, Les Algues
vertes de Pierre Jolivet ou Yannick
de Quentin Dupieux sont ainsi
au programme. Les Parisiens
auront la chance d’assister
à une séance en présence
de certains cinéastes. Justine Triet
accompagne Anatomie d’une
chute, palme d’or tout juste primé
aux Golden Globes. Jeanne Herry
(Je verrai toujours vos visages),
Thomas Cailley (Le Règne animal)
et Jean-Baptiste Durand (Chien
de la casse) viendront aussi
à la rencontre du public.
Renseignements sur www.ugc.fr
spectacle en grec
surtitré en français
www.colline.fr
15, rue Malte-Brun Paris 20e
métro Gambetta
A
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO
28 CULTURE
DANS CE BIOPIC CONSACRÉ
AU PEINTRE DE LA LUMIÈRE,
MARTIN PROVOST S’ATTACHE
À DÉCRIRE LE COUPLE
QU’IL FORMAIT AVEC MARTHE,
MUSE ET ÉPOUSE.
UNE VISION ROMANTIQUE
NON EXEMPTE DE MÉLO.
ÉRIC BIÉTRY-RIVIERRE
ebietryrivierre@lefigaro.fr
ur, dur d’être une muse. Il lui
D court après, tentant de percer
son mystère. Et ne trouve que
la lumière, la peinture. Fina-
lement, ce qu’il recherchait.
Portrait d’un couple ? Plutôt d’une quête.
Où c’est plutôt elle qui a le beau rôle. Céci-
le de France est plus grande et moins floue
que Marthe. Elle est surtout aussi tour-
mentée et solaire. Vincent Macaigne, lui,
joue en retrait, respecte le caractère tai-
seux de Pierre Bonnard (1867-1947).
Au tournant du siècle, l’artiste a ren-
contré la belle. C’est encore la bohème à
Paris. Le « nabi japonard », comme ses
amis le surnomment, sait alors se montrer
espiègle, jouer le jeu de l’avant-garde,
être mondain. Il a rencontré cette lorette
DU BON, DU BEAU, DU BONNARD
qui se dit orpheline, fabrique des fleurs
artificielles mais accepte de poser au na-
turel. Et gratis. Une aubaine quand on
n’est pas de formation académique mais
un de ces anarchistes de La Revue blanche.
D’emblée il la représente nue sur les
draps froissés de l’amour : en voilà, une
Indolente (lire sous ce titre le livre source
de la psychanalyste Françoise Cloarec,
également auteur de La Vie rêvée de Séra-
phine de Senlis). En retour, elle fait la belle,
cache son jeu, s’invente un nom. Ne dira
jamais rien de sa famille sans le sou qu’elle
aide en cachette. Cela vaut à ce biopic
quelques scènes mélos dispensables.
À part ça, la vie est belle. Tant à Mont-
martre que dans les salons de ces indé-
pendants où l’excentrique Misia fait des
étincelles (Anouk Grinberg), plus libre
qu’aucune femme de son époque. Am-
biance hippie, ensuite, en Normandie,
devant le chalet La Roulotte, à côté de
Vétheuil (le tournage a eu lieu en réalité à
A
dix kilomètres de là, près de chez Martin
Provost, le réalisateur). On se baigne et
batifole tout nu dans les bois. Puis, peu à
peu, réclusion volontaire au Cannet, dans
une maison de poupée. Celle qu’on dé-
couvre est également un équivalent plus
spacieux que l’originale. Car la vraie exis-
te toujours, au-dessus du Musée Bonnard.
Toiles piquées au mur
Cette villa rose qui ne se visite qu’en cati-
mini était trop exiguë pour qu’une camé-
ra y évolue. Et puis une longue querelle
d’héritage, lorsque les descendants ont
découvert que Marthe avait une sœur et
des nièces, empêche toujours son ouver-
ture au public. Là-haut, pourtant, domi-
nant le golfe de la Napoule, le « charmant
pigeonnier » (la formule est de Matisse)
Cécile de France
et Vincent Macaigne
dans Bonnard,
Pierre et Marthe.
MEMENTO DISTRIBUTION
exsude encore la peinture. Figuiers et oli-
viers saturent le jardin en pente. Au prin-
temps, un amandier donne toujours cette
constellation blanche qu’a adorée le
peintre jusqu’à son ultime souffle. On en-
tre. Les rayons du jour découpent le sa-
lon, jouent dans les chambres à miroirs
de l’unique étage. Et, dans l’étroite salle
de bains, leurs prismes doublent les cou-
leurs du carrelage, sertissant la baignoire
dans laquelle, Marthe, bipolaire, effec-
tuait ses cures.
Devant un tel motif, Bonnard ne pouvait
capter la vibration de ce corps que depuis le
balcon. En prolongement du vieux Degas et
de ses femmes au tub, une autre Vénus sor-
tant des eaux s’inventait. Dans la pièce voi-
sine qui servait d’atelier subsistent les trous
des punaises. L’artiste travaillait en général
« SCRAPPER » : LA CLASSE
OUVRIÈRE EN MODE PASTEL
UNE GAMINE DÉBROUILLARDE FAIT FACE AU RETOUR
DE SON PÈRE BIOLOGIQUE. UNE TENDRE FABLE BRITANNIQUE.
CONSTANCE JAMET £@constancejamet
aîtres du cinéma social an-
M glais, Ken Loach et Stephen
Frears peuvent être rassurés.
La relève est là. Et féminine.
Découvert au Festival du film
britannique de Dinard, Scrapper est la fable
idéale pour commencer l’année en douceur.
Georgie, 12 ans, vit seule dans son HLM
depuis que sa mère a été emportée par un
cancer. Elle s’invente un oncle pour berner
les services sociaux et gagne un peu d’ar-
gent en volant des vélos. Cette routine im-
plose quand son père biologique revient
dans sa vie. Du haut de ses 30 ans, Jason
n’a pas le quart de la maturité de sa fille,
qu’il a abandonnée à sa naissance. Mais il
veut réparer ses erreurs. Pour amadouer la
sceptique Georgie (la précoce Lola Camp-
bell), qui le soupçonne du pire, Jason
(Harris Dickinson, l’insipide influenceur
de Sans filtre) propose de devenir son
complice. Il l’accompagne dans ses larcins,
sauf qu’aucun n’est vraiment doué !
La réalisatrice Charlotte Regan, dont
c’est le premier long-métrage, prend le
contrepied des clichés du genre. Pas de ciel
bas et oppressant, ni pluie battante ou pro-
blème d’alcool, le monde de Scrapper est
lumineux et pastel, à l’image des pavillons
jaune poussin et vert sauge du quartier où
Georgie a grandi. « Lorsque le septième art
évoque la jeunesse dans un milieu ouvrier et
populaire, c’est souvent sur le même mode :
palette désaturée, tout le monde est trauma-
tisé et malheureux sauf durant une minute
de sérénité à contempler un soleil couchant.
Cela ne reflète pas mon expérience. Ma fa-
mille et mes voisins débordaient d’humour
noir. Je voulais faire quelque chose de plus
joyeux où les enfants restent des enfants et
montrer comment les filles se débrouillent. Il
n’y a pas que les garçons qui font les
400 coups », plaide Charlotte Regan.
ses toiles piquées au mur. Cet éden minia-
ture a ainsi servi de laboratoire autant que
de thébaïde, ce que Martin Provost, très
respectueux des cadrages et de la mélanco-
lie de l’œuvre, rend fort bien.
Cela dit, Marthe trompée a-t-elle vrai-
ment retenu son homme par sa maladie ?
Le film penche pour cette hypothèse.
Mais il montre aussi un ménage hédoniste
au point de vivre un temps à trois. La ja-
lousie, la misanthropie ne sont venues
que progressivement. Bonnard, sous ses
dehors distants, était un coureur. En
1925, sa vie a basculé quand une de ses
autres compagnes et modèle s’est tran-
ché les veines (dans une baignoire, déjà !).
Il lui avait annoncé sa décision d’épouser
Marthe… Le drame expliquerait le repli
du couple. Il recevait encore, pourtant.
Certes moins qu’en Normandie, quand
Monet (André Marcon) et les autres arri-
vaient en barque, le pique-nique impres-
sionniste tout préparé. Tout cela est am-
plement décrit. On croise d’ailleurs au
passage Sérusier, Vallotton, Signac,
Vuillard (mais ni Fénéon ni Toulouse-
Lautrec, dommage).
Toutefois, du précurseur d’un Mark
Rothko, d’un Sam Francis ou d’une Joan
Mitchell, on ne saura rien. Le Bonnard de
Provost n’est qu’un coloriste ivre de so-
leil. Certes, il a voué à Monet et à Renoir
une sincère admiration, certes, il ne s’est
jamais ouvert à l’abstraction. Mais il a été
plus que leur dernier rejeton. Car il s’at-
tachait à rendre par des angles et reflets
sophistiqués, et par des tons toujours
plus riches, la fausse familiarité des cho-
ses du quotidien. Dans la monographie
parue récemment chez Hazan (280 p.,
110 euros), Stéphane Guégan rappelle
que « Bonnard aimait dissoudre les limi-
tes, entre l’intérieur et l’extérieur de l’es-
pace, la réalité et la fable, la rigueur et
l’accidentel, l’antique et le présent ». Cela
peut-il tout à fait se traduire en images
animées ? Quand bien même on sait la
délicatesse de Provost, déjà auteur de
l’excellent Séraphine, avec Yolande
Moreau, un film par sept fois césarisé. ■
« Bonnard, Pierre et Marthe »
Biopic de Martin Provost
Avec Cécile de France,
Vincent Macaigne, Stacy Martin,
Anouk Grinberg
Durée 2 h 02
■ L’avis du Figaro : ○○¡¡
Le réalisme de Scrapper n’exclut pas
une sacrée fantaisie. Comme ces arai-
gnées douées de parole ou ces murs bleu
azur où courent des nuages, donnant
l’impression que Georgie s’élève vers les
cieux. Sans oublier l’imagination débor-
dante de ce trublion, qui se représente
son géniteur sous les traits d’un vampire
et d’un gangster. Et commente façon faux
documentaire ses péripéties. « Quand on
demande à des enfants de raconter leurs
journées, ils embellissent leur récit. Je vou-
lais conserver cette qualité », décrypte
Charlotte Regan. La trentenaire, à l’ac-
cent cockney marqué, a aussi pensé à ses
amis de jeunesse : « Beaucoup de gamins
de la “working class” montrent un grand
sens des responsabilités et un émerveille-
ment enfantin. Lola avait un discours très
construit, mais était tout disposée à croire
encore à la petite souris. »
Nouvelle génération
Repérée par l’acteur Michael Fassbender,
qui l’a fait entrer dans sa boîte de produc-
tion, la Londonienne, peu à l’aise à l’école,
a découvert sa vocation à l’adolescence en
jouant les paparazzis dans son fief d’Is-
lington et en filmant des camarades rap-
peurs, apprenant avec des tutoriels sur
YouTube. Aux côtés de Charlotte Wells,
qui s’intéressait déjà à un duo père-fille
dans Aftersun, et de son amie Molly Man-
ning Walker, primée à Cannes pour How
to Have Sex et directrice de la photogra-
phie de Scrapper, Charlotte Regan confir-
me que la nouvelle génération de réalisa-
trices venues d’outre-Manche déborde
d’idées et affiche une sensibilité unique. ■
« Scrapper »
Comédie de Charlotte Regan
Avec Harris Dickinson, Lola Campbell
Durée 1 h 24
■ L’avis du Figaro : ○○○¡

STYLE
GUERLAIN DANS LE SILLAGE DE SAINT-EXUPÉRY
QUATRE-VINGT-DIX ANS
APRÈS SON INOUBLIABLE
HOMMAGE À « VOL DE NUIT »,
LA MAISON DE PARFUM
POURSUIT SES AFFINITÉS
LITTÉRAIRES AVEC L’ÉCRIVAIN-
VOYAGEUR AUTOUR
DE LA FLEUR D’ORANGER.
PAULINE CASTELLANI
éroli Plein Sud, c’est
« N un vol au-dessus des
orangers du nord du
Maroc en allant vers le
sud, prévient Delphi-
ne Jelk qui a composé ce dernier opus
de la collection L’Art & La Matière de
Guerlain. C’est aussi un hommage à
Antoine de Saint-Exupéry et à son ami-
tié avec Jacques Guerlain, un parfum
pensé comme un carnet de voyage qui
fait écho à l’esprit d’aventure de l’écri-
vain. » Rappelons, ici, que Jacques
Guerlain avait composé juste après la
publication de Vol de nuit couronné
par le prix Femina en 1931, un parfum
de fourrure et d’hiver, chef-d’œuvre
ambré et chypré, portant son nom.
Une splendide évocation d’évasion
avec son flacon rayonnant au motif
d’hélices.
À l’ère des exploits aéronautiques et
des voyages en transatlantiques, des
premières courses automobiles et de la
création d’Air France, il devient alors
le sillage nocturne de ces femmes de
l’entre-deux-guerres à la modernité
qui affleure dans une robe de jersey de
soie ou un fume-cigarette serti de
brillants. Quatre-vingt-dix ans plus
tard, le parfumeur (dans le giron du
groupe LVMH) poursuit donc cette
conversation entre littérature et olfac-
tion en s’inspirant, cette fois, de Cour-
rier sud, premier grand roman de
Saint-Ex publié en 1929 et qui raconte
la vie, les vols exposés aux dangers et
MESURER L’ÉMOTION
QUE SUSCITE UN COSMÉTIQUE
DÉSORMAIS, LA BEAUTÉ FAIT APPEL AUX NEUROSCIENCES
POUR ÉVALUER L’IMPACT DES FORMULES SUR NOTRE BIEN-ÊTRE.
es soins de beauté doivent
« L commencer par le cœur et
l’âme, sinon les cosmétiques
ne serviront à rien », disait
Gabrielle Chanel dans les
années 1920, prédisant la tendance de la
« beauté holistique », ces formules qui
promettent de faire du bien autant à l’es-
prit qu’à la peau. Et ce n’est pas (que) du
marketing ! « Notre département des émo-
tions et du bien-être vise à cerner les critères
qui provoquent un coup de cœur pour un
soin ou un maquillage, mais aussi à optimi-
ser, par de minuscules ajustements, presque
du “fine tuning”, la subtilité d’une odeur ou
l’onctuosité d’une galénique, précise Marie-
Héloïse Bardel, responsable du pôle neu-
rosciences chez Chanel, qui vient de lancer
son Masque Revitalisant au Camélia Rouge
N° 1 (85 €) (ci-dessous). Cette congruence
sensorielle capable de générer une multitude
d’émotions positives est devenue essentielle
à la signature d’un cosmétique. »
Pour mieux comprendre les interactions
entre peau et cerveau, l’industrie de la
beauté se tourne ainsi vers
les neurosciences. « Plu-
sieurs méthodes permettent
d’évaluer les réactions res-
senties après l’application
d’un soin, explique Patrice
Bellon, président de Cos-
metoScent et coordinateur
de Cosmétiques, parfums et émotions.
L’apport des neurosciences (Cosmetic
Valley Editions). D’abord des outils psy-
chométriques, en fait de simples
questionnaires subjectifs sur l’hu-
meur et l’état d’esprit, mais aussi des
CHANEL ; ROGER & GALLET
outils physiologiques qui mesurent
des réactions inconscientes, comme
les variations du rythme cardiaque,
de la microsudation ou de la produc-
tion de salive, et enfin des outils com-
portementaux qui analysent les mo-
difications faciales comme l’eye-
tracking pour la dilatation de la
les exploits d’un pilote de l’aéropostale
sur la ligne Toulouse-Dakar… On pen-
se à Mermoz, à Guillaumet et à tous les
pionniers de l’aviation.
Entre vent frais et sable chaud
« Il l’écrit alors qu’il est lui-même chef
d’escale pour la société des lignes
aériennes Latécoère à Cap Juby, aujour-
d’hui Tarfaya, au sud du Maroc », ra-
content Alexandre Tanase, responsa-
ble des archives de la succession Saint
Exupéry-d’Agay, et Nicolas Delsalle,
délégué général de La Fondation An-
toine de Saint-Exupéry pour la jeunes-
se, qui entretient la mémoire, l’œuvre
et les valeurs de l’écrivain aviateur et
avec laquelle Guerlain s’est associé
pour concevoir cette nouvelle fragran-
ce. « Seul dans cette aéroplace aux por-
pupille ou la prosodie pour la fréquence et
l’intensité de la voix. On peut également,
grâce aux algorithmes de reconnaissance
faciale, guetter la moindre réaction au milli-
mètre près de la bouche, du nez, des sourcils
avant et après un stimulus. Mais, ce qui est
nouveau, ce sont les neurosciences appli-
quées aux parfums puisque l’on est désor-
mais capable de prouver scientifiquement
que tel accord peut booster la confiance en
soi, tel autre améliorer la qualité du sommeil
ou la concentration. »
Se sentir bien
Ainsi, grâce à l’apport des neurosciences, le
parfum dépasse sa seule fonction hédonis-
te. « Nous sommes aujourd’hui en mesure de
développer des accords “actifs” qui répon-
dent à cette quête d’apaisement, notamment
chez les jeunes, avance Sylvain Eyraud, di-
recteur marketing et communication de
Takasago. Par exemple, en corrélant les ma-
tières volatiles observées en forêt (l’air, la
feuille, le bois, la sève…) à des matières au
pouvoir relaxant validé par différentes ana-
lyses, nous parvenons à pro-
poser de grandes signatures
boisées qui procurent la
même sensation qu’une bala-
de en forêt et des effets béné-
fiques quantifiables sur la
santé tant mentale que physi-
que. Même chose avec des
accords brevetés qui permettent d’aug-
menter la qualité et la quantité de sommeil
jusqu’à 140 minutes par semaine. » Cer-
tes, cette connaissance des vertus du
parfum n’est pas nouvelle : en 1812,
la Commission royale des remèdes
secrets écrivait au sujet de la premiè-
re eau de Cologne mise en recette par
Jean Marie Farina avec romarin, mé-
lisse, essence d’orange, de bergamo-
te de néroli (170 € le litre à splasher
chez Roger & Gallet) (ci-contre) :
« Tu rends aux âmes souffrantes l’es-
pérance et la santé. » ■ P. C.
Néroli Plein Sud est une nouvelle création tes du Sahara, Saint-Exupéry accueille
de Guerlain inspirée de Courrier sud, en escale les avions qui relient Casa-
premier grand roman de Saint-Exupéry blanca à Dakar, porte secours aux nom-
(ci-dessus) publié en 1929. GUERLAIN breux pilotes qui ont des accidents dans
le désert, négocie avec les autorités es-
pagnoles et traite avec les tribus maures
qu’il connaît bien… C’est là, dans ce dé-
cor aride qu’il vit ses premières expé-
riences du désert dont il fera l’un de ses
grands imaginaires géographiques. »
Entre les dunes et l’océan, il s’im-
prègne de ces paysages qui devien-
dront si poétiques dans Courrier sud où
« le Sahara se dépliait dune par dune
sous la lune », mais aussi dans Terre des
hommes et surtout Le Petit Prince pu-
blié pour la première fois à New York
en 1943. Il émane de ce décor littéraire
mis en parfum par Delphine Jelk,
l’odeur d’une fleur d’oranger récoltée
Les Soirées PRESTIGE de
Jeudi 11 janvier, 20h
30
Lundi 22 janvier, 20h
Roberto ALAGNA, ténor
avec L’Orchestre Colonne Mozart, mon amour
30
Mardi 16 janvier, 20h Jeudi 04 avril 24, 20h
Orchestre de l’Opéra Royal
de Versailles
Concertos pour violon de J.S. Bach
Théotime
Langlois de
Swarte, Plácido DOMINGO, ténor
violon et direction Guiseppe VERDI - Nabucco (en version concert)
Réservations & Renseignements : 01 49 53 05 07 - www.sallegaveau.com
45 Rue La Boétie, 75008 Paris
LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024
29
à Khémisset, près de Rabat. Sa fraî-
cheur verte et florale, comme facettée
par les vents de l’Atlas, s’intensifie
progressivement au contact des épices
- curcuma, cannelle, gingembre, clou
de girofle - puis des bois portés par un
vétiver racé et la chaleur du santal.
« Exactement comme lorsque l’on che-
mine vers le sud et que l’air devient, à
mesure que l’on s’approche du désert,
plus chaud et les couleurs plus ocre »,
observe la parfumeuse. Une création
en forme de dégradé olfactif dont
l’écrin s’illustre, dans une belle édition
limitée, de dessins originaux issus des
manuscrits de l’écrivain. ■
Néroli Plein Sud, Guerlain, 325 € les 100 ml
(disponible dans son édition Saint-Exupéry
limitée à 1 000 exemplaires,
475 € les 200 ml).
30
Christophe
BARBIER,
auteur, metteur
en scène, comédien
Pauline COURTIN
soprano
Vadim SHER, pianiste
Orchestre
Appassionato
Mathieu HERZOG
direction
30
A
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO
30 VOYAGE
NOUVELLES LIAISONS
EN FRANCE COMME EN EUROPE,
RENAISSANCE DE TRAINS
D’EXCEPTION : VOICI DE QUOI
ATTIRER DE NOUVEAUX
ADEPTES DU VOYAGE
EN CHEMIN DE FER.
NOTRE SÉLECTION
DE HUIT CIRCUITS
COUP DE CŒUR
À TRAVERS LE MONDE,
POUR VIVRE LA MEILLEURE
EXPÉRIENCE SUR LES RAILS,
EN VERSION LUXE
OU PLUS ABORDABLE.
JEAN-MARC DE JAEGER
jmdejaeger@lefigaro.fr
J
amais les Français n’avaient
autant pris le train qu’en 2023.
L’été dernier, 24 millions de
voyageurs ont emprunté les
grandes lignes, soit 1 million de
plus qu’en 2022 qui fut déjà une année
record. Et à voir le succès inédit des
dernières ouvertures des ventes, avec
des TGV complets en quelques minu-
tes, 2024 devrait entretenir cette dyna-
mique. Il n’en fallait pas plus pour il-
lustrer le succès du train auprès de
voyageurs soucieux de se déplacer en
réduisant leur empreinte carbone. En
France comme en Europe, l’année sera
marquée par la création de nouvelles
liaisons par la SNCF ou par son nouveau
concurrent espagnol, la Renfe. Voulu
par le gouvernement, le « passe rail »
est attendu pour l’été. Il permettra
d’emprunter à volonté l’ensemble des
TER de l’Hexagone pour 49 € par mois.
Une offre qui pourrait faire de nou-
veaux adeptes du chemin de fer, sou-
vent rebutés par la cherté des billets. La
renaissance des trains d’exception pas-
sera quant à elle par celui de La Dolce
Vita Orient-Express, le palace sur rails
du groupe Accor, dont les premiers dé-
parts sont annoncés pour l’automne en
Italie. Pour un séjour en Europe sans se
ruiner, ou pour goûter à l’expérience
d’une croisière ferroviaire haut de
gamme, voici notre sélection de trains
à emprunter en toutes saisons.
HIVER
uL’Afrique
du Sud en mode
« Explorer »
L’African Explorer, nom du Shongololo
Express quand il est privatisé, chemine
entre la Namibie et l’Afrique du Sud
pendant l’été austral. Une période aux
conditions idéales pour les excursions à
la journée, entre safaris (parc national
d’Etosha) et visites de sites naturels
(canyon de la rivière Fish). « Autrefois
classé trois étoiles, ce train est monté en
gamme après son acquisition par Rovos
Rail en 2016 et offre désormais un stan-
ding proche de son célèbre Pride of Afri-
ca, décrit comme le plus luxueux au
monde », souligne Laure Jacquet, direc-
trice de Discovery Trains, seule agence
à commercialiser ce circuit avec guide
francophone.
Circuit francophone de Windhoek au Cap
(14 jours dont 8 nuits à bord)
du 21 février au 6 mars 2025,
entre 9 890 € et 11 720 € par personne
selon la cabine (base deux personnes),
vols non inclus. Autre départ du 18
au 31 octobre 2024. Discoverytrains.net
uLes
aurores boréales
à portée de rail
Rejoindre les confins du nord de l’Eu-
rope sans prendre l’avion, mission im-
possible ? Depuis la France, franchir le
cercle polaire arctique prend entre
deux et trois jours en train. Ce périple
jusqu’à la Laponie suédoise ou les îles
Lofoten, en Norvège, invite à faire des
pauses dans les capitales scandinaves
lors des correspondances. Si un tel
périple peut se faire tout au long de
l’année, l’hiver est la période privilé-
giée pour, avec un peu de chance, aper-
cevoir les aurores boréales depuis votre
couchette.
Depuis Paris gare de l’Est, TGV inOui
jusqu’à Francfort (sncf-connect.com),
ICE jusqu’à Hambourg (int.bahn.de),
train de nuit jusqu’à Stockholm
puis un autre jusqu’à Narvik (sj.se).
Autre itinéraire possible via Göteborg,
Oslo, Trondheim et Bodo (vy.no). Entre
A
200 € et 500 € l’aller simple selon les dates
de départ et les classes de confort choisies.
DE LA NAMIBIE À L’ÉCOSSE EN TRAIN :
HUIT PÉRIPLES AUX QUATRE SAISONS
« L’ITINÉRAIRE
DU MOIS »
Des petites lignes traversant
des paysages pittoresques
aux grands itinéraires
transfrontaliers, la rédaction
du Figaro Voyage propose
chaque mois un itinéraire réalisable
uniquement en train, que nous
avons testé et approuvé. Étapes,
confort, budget, réservations…
Toutes les clés pour préparer
vos prochaines escapades
sans avion sont à retrouver sur
lefigaro.fr/voyages
Rejoindre les confins du nord
de l’Europe en Laponie suédoise
à bord du train surnommé
« Arctic Circle Express ».
TROIS LIVRES SUR LES RAILS
■ Voir le monde en train (Jean-Baptiste
Bonaventure, Le Chêne, 384 pages,
39,90 €). En quatre-vingts lignes de
chemin de fer, du tortillard à l’assaut
des montagnes au train d’exception
fendant le désert, ce beau livre déroule
un panorama complet de tout ce que le
transport ferroviaire offre de plus spec-
taculaire à travers le globe. Un appel à
s’installer sur son siège ou sa couchette
pour le simple plaisir des paysages.
PRINTEMPS
uRéveil dans la jungle malaisienne
Si le départ est donné à Singapour,
c’est bien à la découverte de la Malaisie
que nous invite l’Eastern & Oriental Ex-
press. Après quatre ans d’interruption, le
train d’exception du groupe Belmond ac-
cueille de nouveau les voyageurs en quê-
te d’exotisme à partir de février. Réno-
vées pendant la pandémie de Covid-19,
les 15 voitures couleur crème et vert sa-
pin s’immiscent à travers l’épaisse jungle
malaisienne que l’on voit défiler depuis la
plateforme d’observation à ciel ouvert.
Au programme, une immersion dans les
forêts tropicales du parc national de Ta-
man Negara et la découverte des tradi-
tions malaisiennes sur l’île de Penang.
Circuit « Wild Malaysia », 4 jours/3 nuits :
à partir de 3 100 € par personne en cabine
Pullman. Départ toutes les semaines
du 4 mars au 13 mai 2024. Belmond.com
uDe
Bruxelles à Prague
au bout de la nuit
Après un court trajet de Paris à Bruxel-
les en Eurostar, on embarque à bord du
IWONA - STOCK.ADOBE.COM
■ En train. 32 itinéraires pour voyager
autrement en Europe (Voyages Galli-
mard, 320 pages, 25 €). Refaire la route
de l’Orient-Express sans se ruiner, tra-
verser la Suède… Ce guide donnera des
idées aux voyageurs qui rêvent de faire
un tour d’Europe sans avion et en pre-
nant leur temps. Un ouvrage collectif
auquel votre serviteur a participé à la
troisième édition, en l’enrichissant de
nouveaux itinéraires.
train de nuit lancé en mars 2023 par Eu-
ropean Sleeper. S’il relie actuellement
trois fois par semaine la capitale belge à
Berlin, il sera prolongé jusqu’à Prague
(15 heures de trajet) à partir du 25 mars
2024. Avant de débuter son séjour dans
la capitale tchèque, pourquoi ne pas
s’offrir une journée de promenade à
Dresde ? Pour une randonnée printa-
nière au pied des montagnes gréseuses
de la Suisse saxonne, on descend une
demi-heure plus tard à Bad Schandau,
où l’Elbe marque la frontière entre
l’Allemagne et la République tchèque.
Depuis Paris gare du Nord, Eurostar
jusqu’à Bruxelles-Midi, à partir de 29 €
(eurostar.com), puis train de nuit à partir
de 49 € la place assise, 79 € la couchette
et 139 € le compartiment
en wagons-lits (europeansleeper.eu).
ÉTÉ
u uLe
L’Espagne verte
version grand luxe
Le Transcantabrico Gran Lujo, l’un des
quatre trains de luxe exploités par la com-
pagnie nationale Renfe, nous promène à
travers l’Espagne verte, dans la clémence
estivale des montagnes cantabriques et de
la Costa Verde. À taille humaine, ce palace
sur rails offre un service privilégié aux oc-
cupants des 14 suites spacieuses réparties
dans sept voitures Pullman originales.
Après une excursion urbaine au Pays bas-
que ou dans une cité médiévale de Galice,
on profite des paysages depuis la voiture
panoramique ou dans les salons qui nous
transportent au début du XXe siècle.
Circuit de 8 jours/7 nuits : 8 900 €
par personne en suite double.
D’avril à octobre, départ tous les 14 jours
de Saint-Sébastien ou de Saint-Jacques-
de-Compostelle (renfe.com).
uRandonnée
écossaise
au saut du lit
S’endormir dans l’effervescence de
Londres et se réveiller en Écosse, c’est
possible en empruntant l’un des deux
trains de nuit encore en circulation au
■ L’Aventure en train de nuit. Guide
complet (Les Others, 68 pages. PDF
gratuit à télécharger sur leso-
thers.com). Cette revue indépendante
qui s’adresse aux passionnés de nature
et d’aventure livre ici ses idées de ran-
données accessibles au départ des gares
desservies par les Intercités de nuit, des
Hautes-Alpes à l’Ariège en passant par
la Côte d’Azur.
J.-M. J.
MICHAEL SCHMUCKER
La voiture panoramique
du Shongololo Express, un train
qui circule pendant l’été austral
entre la Namibie et l’Afrique du Sud.
Royaume-Uni. Le Caledonian Sleeper
relie deux fois par jour en près de huit
heures la capitale britannique aux gran-
des villes écossaises comme Édimbourg
et Glasgow. En été, on s’offre les gran-
des étendues des Highlands en descen-
dant encore plus au nord à Inverness ou
Fort William. À la descente, des sentiers
invitent les randonneurs à se perdre
dans une agréable fraîcheur estivale au
milieu des glens, lochs et fjords.
Depuis Paris gare du Nord, Eurostar
jusqu’à Londres Saint-Pancras,
à partir de 39 € (eurostar.com).
On rejoint à pied (10 minutes)
la gare d’Euston pour embarquer
dans le train de nuit Caledonian Sleeper,
à partir de 58 € en place assise ou 220 €
la cabine privative pour deux personnes
(sleeper.scot).
AUTOMNE
Canada aux couleurs
de l’été indien
Au Canada, le début de l’automne est
surnommé la « saison des couleurs ».
Autant dire que c’est le moment parfait
pour en prendre plein la vue à bord du
Canadien. Deux fois par semaine, il
parcourt en quatre jours les 4 400 km
qui séparent Toronto, au Québec, à
Vancouver, sur la côte Pacifique. Les
voitures panoramiques, dotées de
sièges surélevés par rapport au reste
du train, offrent une vue unique sur
des paysages, radicalement différents
d’une saison à l’autre. Libre à vous de
faire le trajet d’une seule traite ou d’im-
proviser des étapes dans les plaines
du Saskatchewan ou les montagnes
Rocheuses dans l’Alberta.
Prix variable selon la saison. En automne,
pour l’ensemble du trajet, compter
au minimum 350 € le siège inclinable
ou 590 € la couchette. La cabine privative
classique et la cabine Prestige démarrent
respectivement à 1 050 € et 3 700 €
par personne si occupation double
(viarail.ca).
uBerlin,
de jour comme de nuit
Jamais les capitales française et alle-
mande n’auront été aussi bien reliées.
Depuis sa relance en décembre par la
compagnie autrichienne ÖBB, neuf ans
après sa fermeture, le Nightjet Paris-
Berlin circule trois fois par semaine dans
chaque sens (13-14 heures de trajet). Il
deviendra quotidien à partir de l’autom-
ne, au moment où la SNCF et la Deutsche
Bahn devraient inaugurer un TGV di-
rect. Berlin sera alors accessible en sept
heures sans changement depuis Paris.
Train de nuit Paris-Berlin
à partir de 29,90 € la place assise,
59,90 € la couchette et 94,90 € la cabine
privée, avec douche pour certaines
et petit-déjeuner inclus (nightjet.com).
NOUVEAU

présente

LA REVANCHE
DE LA LANGUE FRANÇAISE...

On ne le dit pas assez : la

langue française exerce un
charme profond auprès des
autres langues. On l'aime
ainsi, conquérante... et
revancharde de ses anglicismes
envahissants.

Ce sont 100 mots ou expressions

qui ont pleinement séduit nos amis
étrangers au point qu'ils les ont
consignés dans leurs dictionnaires.
Tous ont une histoire qui les a exportés
avec succès en Angleterre,
en Allemagne, en Italie, en Espagne
ou même en Chine ou au Japon.

Du culinaire au chic, charme ou

séduction en passant par des registres
plus inattendus, découvrez comment
la langue française a marqué de son
sceau lexical, désormais indélébile,
la langue de ses voisins.

Sous la plume de Jean Pruvost, professeur émérite,

éminent linguiste et multirécompensé pour cela.

9€,90
150 pages, EN VENTE ACTUELLEMENT
Chez tous les marchands de journaux et sur www.figarostore.fr
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO

32 TÉLÉVISION
LES QUATRE VIES DE KARL LAGERFELD
DE SON ENFANCE À HAMBOURG À SON ASCENSION PARISIENNE,
DE SA NOMINATION CHEZ CHANEL À SON STATUT DE ROCK STAR,
CETTE PASSIONNANTE SÉRIE DOCUMENTAIRE RÉVÈLE
LA COMPLEXITÉ D’UN COUTURIER « BIGGER THAN LIFE ».
En cela, il était très différent
PROPOS RECUEILLIS PAR
HÉLÈNE GUILLAUME hguillaume@lefigaro.fr de Saint Laurent.
On voit à travers les images et les témoi-

A
vant la diffusion prochaine
de la série attendue Kaiser
Karl, le documentaire en
quatre épisodes réalisé par
Guillaume Pérez et Anne-
Solen Douguet retrace à travers une pro-
fusion d’images d’archives et de témoi-
gnages la vie et l’œuvre du couturier le
plus connu de l’histoire de la mode, dis-
paru il y a cinq ans.
LE FIGARO. - Cette série est pour vous
une première incursion dans la mode.
En quoi le sujet vous intéressait-il ?
Guillaume PÉREZ. - Ce n’est pas tant la
mode, même si c’est un reflet de la société
formidable, que Lagerfeld, personnage
fascinant comme on en fait plus. Et ce,
bien avant la dernière période, celle de la
« marionnette », du col
blanc et des mitaines
noires. Ces trois heures
nous ont permis de mon-
trer que, depuis ses dé- ○○○◐
21.00
buts, il possède une am-
bition à laquelle il n’a jamais dérogé, mais
aussi une capacité de travail rare ! Au fil
des épisodes, on voit la façon dont il a lit-
téralement créé le système contemporain
de la mode en s’émancipant d’une certai-
ne idée de la couture réservée aux prin-
cesses, d’un monde en voie de disparition.
D’ailleurs, il raconte qu’il s’ennuyait dans
ses premières expériences chez Balmain et
Patou où le rythme n’était pas assez élevé
et la création trop plan-plan à son goût.
gnages qu’à leurs débuts, Saint Laurent
et Lagerfeld ont énormément en com-
mun. Le premier vient d’Oran, l’autre de
Hambourg, donc loin de Paris. Ils sont
issus de milieux bourgeois, leur mère a
beaucoup d’influence sur leur personna-
lité et notamment sur leur rapport à leur
homosexualité - Karl a souvent répété
qu’elle lui avait expliqué très jeune que
c’était aussi banal qu’une couleur de
cheveux… Leur rencontre a lieu quand
ils remportent un prix au concours
Woolmark en 1954, et ils deviennent très
amis. C’est Pierre Bergé qui, quelques
années plus tard, va les éloigner. Leurs
carrières aussi vont prendre une trajec-
toire différente. Saint Laurent connaît la
célébrité jeune dès la fin des années 1950
et incarne le couturier sur son piédestal,
vulnérable et sujet aux addictions. Karl,
c’est l’inverse, il est un
mercenaire au service
des maisons pour les-
quelles il travaille, et
s’intéresse bien plus au
business qu’on ne le Karl Lagerfeld, Révélation gerfeld va devenir la personnalité la plus Claudia Schiffer - c’est la période où son
croit. Il ne boit pas, ne fume pas, ne se retrace, à travers une profusion célèbre de la mode. grand amour Jacques de Bascher meurt
drogue pas et n’a pas de sexualité. L’un d’images d’archives du sida, et lui grossit démesurément. En
se drape dans la posture de l’artiste qui et de témoignages, la vie et l’œuvre Grâce à Chanel qui le recrute en 1982 ? 2000, il fait son régime, puis signe une
souffre pour créer, l’autre est un bulldo- du couturier le plus connu C’est d’abord lui qui va rendre son lustre collection avec H&M qui le propulse véri-
zer qui ne se plaint jamais et qui adore ça. de l’histoire de la mode. à la marque. On oublie aujourd’hui qu’à table rock star jusqu’à ses derniers jours.
KM PRODUCTIONS
En 1983, grâce à, ou plutôt à cause de, son arrivée, la maison n’est plus grand- Sa créativité sur le long terme est hors
Pierre Bergé, Saint Laurent est l’objet chose, elle vit sur les ventes du parfum norme. Si vous regardez l’histoire de la
d’une grande rétrospective au Met à New No 5 et habille des clientes vieillissantes. mode, tous les designers s’essoufflent au
York. Karl dira que le faire entrer au mu- C’est lui qui réinvente les codes Chanel, bout de dix ans. Lui ne s’est jamais arrêté.
sée, c’était l’enterrer. Il a raison : dès qui va créer des images d’abord en s’ap- Je ne vois que Picasso pour revendiquer
lors, l’aura de Saint Laurent pâlit et La- puyant sur Inès de la Fressange puis sur une telle longévité créative. ■

LE CARAVAGE DE TOULOUSE, MIRACLE OU MIRAGE ?

CE DOCUMENTAIRE S’EMPLOIE À DÉMÊLER LES MYSTÈRES ENTOURANT LA BELLE ET RARE TOILE RETROUVÉE DANS UN GRENIER, EN 2014.
Le documentaire L’Affaire Caravage, l’engagement dans l’action », s’interroge XVIe siècle. Ou des deux hommes à la
BENJAMIN PUECH bpuech@lefigaro.fr de Frédéric Biamonti, qui parvient à le professeur florentin Gianni Papi ? Et fois. Nicola Spinosa, l’ancien directeur
rendre haletant ce voyage au pays des puis certaines parties seraient trop du Musée de Capodimonte, à Naples, se
n se plaît à imaginer les ex- experts, suit le spécialiste de la peinture « grotesques ». John Gash, de l’univer- demande si Louis Finson n’a pas com-

O perts, comme Les Tricheurs

du même peintre (1595),
cherchant à deviner les
cartes dont chacun dispo-
sait pour attribuer ou non la précieuse
Éric Turquin dans ces efforts pour
convaincre acheteurs et connaisseurs.
Le tableau est alors estimé à 120 millions
d’euros. Une somme qui, déboursée,
ressemblerait à une authentification.
sité d’Aberdeen, pense le contraire.

Scruté à la loupe
Dans un tissu, une main posée, il décèle
certains de ces « petits détails peints de
plété le travail du Caravage.
Judith décapitant Holopherne a fini par
être vendu en 2019. De gré à gré. La vente
aux enchères, avec une mise à prix de
30 millions d’euros, a été annulée au der-
LE CARAVAGE

Judith décapitant Holopherne (détails),
une toile à créditer au Caravage,
au Flamand Louis Finson...
ou aux deux peintres ? Le film
L’Affaire Caravage, de Frédéric Biamonti,
parvient à rendre haletant
ce voyage au pays des experts.
toile au Caravage. En 2014, un Judith
décapitant Holopherne, jumeau d’un ta-
bleau conservé à Rome, était déniché
par une famille toulousaine dans un
grenier. Les spécialistes ont passé de
longues heures à décortiquer chaque
détail de cette illustration d’une scène
des livres deutérocanoniques, pour
rendre finalement des avis contraires.
Le Louvre lui-même a paru hésitant.
Turquin engage sa crédibilité profes- manières instinctives » par le Lombard. nier moment. Selon le New York Times,
sionnelle dans cette vente. Il fait face à L’expertise d’un ingénieur physicien l’acquéreur se nommerait Tomilson Hill,
des contradicteurs de poids. Mina Gre- semble d’ailleurs invalider la thèse de la un milliardaire et collectionneur améri-
gori, l’une des références en la matière, copie. Les différentes étapes de la pein- cain. Combien a-t-il déboursé, et avec
reconnaît une toile de maître, mais pas ture montrent une construction pro- quelle conviction ? On ne le sait pas. Mais,
du Caravage. Pour gressive, tâtonnante, de d’après La Gazette Drouot, l’œuvre pour-
d’autres, il s’agit d’une l’œuvre. Une hypothèse rait finir par être accrochée aux cimaises
copie de belle facture
du Judith de Rome. Où
○○○◐
21.00 est ensuite évoquée : la
toile serait de Louis Fin-
d’une grande institution, outre-Atlanti-
que. Le cartel indiquant l’attribution sous
est « la puissance et son, un Flamand du le tableau serait alors scruté à la loupe… ■

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé MOTS À CASER SUDOKU

1 2 3 4 5 6 7 8 Placez les mots de la liste dans la grille ci-dessous. En partant des chiffres déjà placés, remplissez les
PROBLÈME N° 6497 grilles de manière à ce que chaque ligne, chaque
HORIZONTALEMENT 1 2 LETTRES HEU PÈRE VIÈLE 8 LETTRES colonne et chaque carré de 3 x 3 contienne une
1. Rassemble les petits colis. - 2. Jeune fille qui portait CG INA RACE HUITIÈME seule et unique fois tous les chiffres de 1 à 9.
une chemise jaune. - 3. Entamés au bord. - 4. Calcule 2 E-M PRÉ TRÈS 6 LETTRES
juste. Aliment troqué. - 5. Sépare les frères et sœurs. EN RAS NOUGAT 9 LETTRES
FACILE

Ne connaîtra jamais la vie de couple. - 6. Allège 3 ER SIS

5 LETTRES SALETÉ ÉCOEURANT 9 5 8 3
les cycles mais c’est symbolique. A l’air chagriné. - 7. ET STE
BERNÉ ÉMANATION 5 84 2 9
Poissons-perroquets. - 8. Protègent les loups par 4 IN TEE
HÉROS 7 LETTRES ENSEIGNER
temps de chien. Agent de chance. - 9. Va attraper la ISARD ASSORTI ESSARTAGE 4 1 3 7
gueule de bois. Il fait partie des issues dans le domaine 5 3 LETTRES 4 LETTRES MASSE DRESSER INTÉRESSÉ 38 6 5 4
agricole. - 10. Blanchie dans la mer. À peine visible. - 11.
BAN CALE OCÉAN ÉTENDRE PERSISTER
Patte d’oie au bord des chemins. - 12. Conduites de 6 BAU CÈNE OGIVE ROULADE PORCHERIE 1 7 3
transport en mer.
7
BEC GORE RÉUNI SPENCER 6 1 2 7 9
GRILLE 4601

COU NOIR RISÉE

VERTICALEMENT
9 2 6 8
8 8 2 34 7
1. Féviers d’Amérique. - 2. Femme androïde. - 3. A plus
d’une taille au firmament. Versa du jus de pomme. 9 5 1 6 4
- 4. Coin à iris. Élève des perruches et des perroquets.
Article étranger. - 5. Salé moins longtemps que le 10
gendarme. À forte dose. Service d’ordre. - 6. Élevés au 3 1 4
DIFFICILE

grand air. À cacher sur les planches. - 7. Côté maternel. 11

Distribution des cartes. - 8. Rappelées à notre mémoire. 6 1 2
12 2 3
8 9 1
SOLUTION DU PROBLÈME N° 6496 98
HORIZONTALEMENT 1. Prairial. - 2. Réfracte. - 3. Ocre. Hou.
- 4. Boissons. - 5. Luc. Uri. - 6. Épais. Er. - 7. Ment. ESA. - 8. Amiens.
TÉLÉCHARGEZ 3 2 5
GRILLE 4602

L’APPLICATION
- 9. Tés. Aire. - 10. Intensif. - 11. Stem. Sni. - 12. Essuyage. 4 7
VERTICALEMENT 1. Problématise. - 2. Recoupements. - 3.
4 5 1
A

Africanistes. - 4. Ires. Ite. Ému. - 5. Râ. Sus. Nan. - 6. Ichor. esissA.

- 7. Atonies. Ring. - 8. Leus. Raréfié. 58 2
 LE FIGARO mercredi 10 janvier 2024

TÉLÉVISION Tous les programmes

dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag MÉTÉO PAR 33
ÉPHÉMÉRIDE St-Guillaume
À LA DEMANDE Soleil : Lever 08h41 - Coucher 17h14 - Dernier croissant de Lune

21.10 21.10 21.10 MATIN

Esprits criminels Marianne Des racines et des ailes Le Cercle des neiges -6
Série. Policière Série. Judiciaire Magazine 30
-5
-3 -5 -4
-4 -2
-4 -3
-2
-3 -3 -3
-4
-2
-2 -3 -3
-3
EU. 2022. Saison 16. Avec Joe Man- Fra. 2023. Saison 2. Avec Marilou Prés. : Carole Gaessler. 1h57. Mon En 1972, un avion uruguyen
tegna, Paget Brewster. Ça recom- Berry, Alexandre Steiger. 2 épisodes. village de l’Aveyron à la Provence. transportant une équipe de 30 -4
mence. Inédit. Une adolescente a été Inédit. À Marseille, Gérard Loiret Inédit. Dans l’Aveyron, Carole Gaess- rugby s’écrase en altitude, dans -1
-4
kidnappée par un tueur qui s’en prend a été retrouvé mort au bord d’une ler part à la rencontre de passionnés la cordillère des Andes, après une 1
généralement à des familles. Les rivière. L’arme du crime : une boule de qui mettent toute leur énergie et leur erreur de pilotage. Les survivants, 0 -1
enquêteurs mettent tout en œuvre pétanque. enthousiasme à préserver leur village. sans nourriture, recourent à des 4 7
pour la retrouver saine et sauve. mesures drastiques pour survivre. 2
22.53 Dans les yeux d’Olivier. Maga- 23.07 Des racines et des ailes. Maga- 1
Quand ils apprennent par radio que 0
23.05 Esprits criminels. Série. zine. Enfants : les victimes oubliées zine. Prés. : Carole Gaessler. Terroirs 8 6
les recherches ont été abandon-
Policière. Dressé pour tuer. Inédit. des violences conjugales Inédit. d’excellence en Bretagne
nées, un petit groupe part à pied 4 60
chercher du secours. Ce n’est pas
la première fois que l’histoire du 8
Vol Fuerza Aérea Uruguaya 571 est APRÈS-MIDI
adaptée à l’écran. En 1993, Frank
21.09 20.55 21.10 Marshall en avait tiré le ilm « Les
20
-1
Karl Lagerfeld : Révélation Proxima Patron incognito Survivants » avec Ethan Hawke.
Ce « Cercle des neiges » repré- 0
Documentaire Film. Drame Magazine 0 2 2
sentera l’Espagne à la prochaine
0 1
cérémonie des Oscars. On doit le
1 1
ilm à J.A. Bayona qui, avec « he 2
Impossible », avait déjà adapté 0 1 1
1
l’histoire vraie du tsunami de 2004. 1
1 2 2
1

Fra. 2023. Réal. : Guillaume Perez,
Anne-Solen Douguet. 1h49
2 épisodes. Inédit. Qui était Karl
Lagerfeld ? Retour sur la vie souvent
mythiiée de ce créateur de mode
qui a marqué de son empreinte le XXe
siècle en France et en Europe.
22.59 Without Sin. Série. Suspense.
Fra/All. 2019. Réal. : Alice Winocour. 1h50. Édouard Falguières – Guinot 2 3
1h41. Avec Eva Green, Matt Dillon. Mary Cohr. Édouard Falguières, 30 0 5
Une spationaute française se prépare patron du groupe Guinot Mary 13.00 Points de vue. 2 3
à rejoindre la Station spatiale interna- Cohr, spécialisé dans les produits de 18.30 Le Buzz TV.
8 11
tionale. Pour cela, elle doit laisser sa beauté, va découvrir les coulisses de Julie Hammett, présentatrice 8
ille sur Terre pendant un an. son entreprise. de « Julie jusqu’à minuit » sur 4 4
BFMTV. Interviewée par Nicolas 10
22.40 «Lolita», méprise 23.00 Patron incognito. Mag.Laurent 10
Vollaire et Damien Canivez. 70
sur un fantasme. Documentaire. de la Clergerie, président de LDLC. 19.00 Bienvenue 11
en Île-de-France. Présenté par 13
Victoire Sikora. 20.30. L’Affaire
Caravage. Documentaire.
T (en °c)

19.38 Touche pas à mon poste ! Div.

21.18 Mongeville
19.50 Marié(e) à tout prix. Div.
21.05 Enquêtes criminelles
19.15 Quotidien. Divertissement.
21.25 Les visiteurs
22.30 <-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40

Série. Policière. Fra. 2018. Saison 1. Magazine. Prés. : Nathalie Renoux. Film. Comédie. Fra. 1993. Réal. : Jean- ALGER 10/14 AMSTERDAM -4/-1 ATHÈNES 5/9
LOIC VENANCE/AFP

Avec Francis Perrin, Gaëlle Bona, Joël 2h05. Tu ne convoiteras pas la Marie Poiré. 2h00. Avec Jean Reno, 7/11 -6/-1 -8/-3
BARCELONE BELGRADE BERLIN
Dupuch. La ferme de Louise. Antoine femme de ton frère. Inédit. En 2016, Christian Clavier. Un chevalier
et Valentine mènent l’enquête pour Alexandre Dubrunfaut, 29 ans, est et son idèle écuyer passent d’un trait BERNE -4/1 BRUXELLES -8/-1 BUDAPEST -4/0
élucider la mort d’une ouvrière agri- retrouvé mort carbonisé, non loin de de l’an 1123 à l’année 1992. Pour les COPENHAGUE -2/0 DUBLIN 5/7 LISBONNE 9/16
cole, retrouvée dans les décombres Valenciennes. Un mois plus tard, son deux voyageurs temporels, le choc LONDRES 0/4 MADRID 5/8 PRAGUE -9/-3
d’une grange détruite par un incendie. frère David, 32 ans, est interpellé. est particulièrement rude. RABAT 15/19 ROME 7/12 TUNIS 7/12
23.10 Mongeville. Série. Policière. 23.10 Enquêtes criminelles. Mag. 23.25 90’ Enquêtes. Magazine. Le Club
Le Figaro Culture JEUDI VENDREDI SAMEDI
Spécial cinéma. Jean-Christophe
Buisson reçoit Denis Podalydès
-3/1 -2/2 -3/1
(notre photo). Avec Clara Géliot,
20.04 C à vous la suite. Talk-show. 20.05 Wheeler Dealers France. Doc. 19.50 Pétain et les Francs-maçons. chef du service cinéma du Figaro -2/5 -3/2 0/5 -4/1 -2/4 -5/-1
Documentaire. Réal. : Jean Barat. Magazine, et Étienne Sorin,
21.05 La grande librairie 21.10 Les reines journaliste culture au Figaro. 0/4 -4/3
Magazine. Prés. : Augustin Trapenard. de la mécanique 20.50 La Chine, -4/3
1h30. En direct. Invités : Sylvain Documentaire. Fra. 2023. Réal. : Julien rêves et cauchemars
Tesso, Hervé Le Corre, Cécile Coulon,, Crumière, Christophe Goyer. 1h25. Documentaire. Fra. 2022. Réal. : Ilana
Pour regarder -4/2 6/9 -2/5 2/8 -2/8 2/9
Marion Fayolle et Denis Infante. Valve, roulement et céramique. Inédit. Navaro, Karim Miské. 2h40. le Figaro TV ?
À Vedène, Aurélie se charge d’un 3 épisodes. Pendant plus de 2 000 Canal 34 de la TNT
22.38 C ce soir. Talk-show. En direct.
Prés. : Karim Rissouli et Camille Diao.
monstre de 40 tonnes. ans, la Chine s’est imaginée au centre en Île-de-France ou sur les box lachainemeteo.com
du monde, sans égale et sans rivale. SFR 468 Orange 345 Par téléphone : LIVE 24/24 Sur L’APPLI
Avec Laure Adler, Arthur Chevallier. 22.35 Les reines de la mécanique.
GRATUITE
23.47 C dans l’air. Magazine. Documentaire. L’aboutissement. 23.30 Mères révolutionnaires. Doc. Free 904 Bouygues 305 2,99 €/appel La Chaîne Météo

MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°3724

LOUPE AGENT NON KILOEURO BEAU LAISSER CITÉ UN DÉFA- FACE BALOUR-
DE PRO PAPAL ADMISE PARLEUR DE CÔTÉ BIBLIQUE GAP EN QUI EST À PARADIS VORISÉE INFÉRIEURE DISES
ASPIRAI FAIT COURT DE DU PIED
TOISON HOMME SAINT HAUT EN ALLEZ, PARTIE LIQUIDE POUR LES INTEN- DANS L’AIR
VIRILE ERRANT ABRÉGÉ DU LAIT COULEUR ÎLE D’ITALIE DEHORS ! CANETONS TIONS HABITUDES DU TEMPS
MAYON- RENDUE
NAISE FAIBLE
RELEVÉE
ARME ACHE-
À FEU MINERAS
NARRÉE BLAN- CAJOLEUR,
PAR LE CHEUR ORPHÉE CÂLIN
MENU MALADIVE L’APAISA
DE SA LYRE ORNÉ DE
ASTUCE ASSUJETTI DRAPEAUX
BON BREVET LIMITE À BROUILLE PASSAGE JEAN,
SOUTIEN TECHNIQUE FRANCHIR LES ENTRE POÈTE ET
HÉRACLÈS CARTES DEUX PEINTRE
AGRIPPER L’ENLEVA UN DISQUE PLI D’ÂGE PORTES ALSACIEN
OUVER- PORTION CARRÉ DE MIS DU
TURES INDIVI- VIGNES POIDS
MURALES DUELLE GRANDS LE CHROME
IMPÔT NATIONALE ARBRES EN BREF
PETIT COMME UN
NOBLE SŒUR ET TERRITOIRE
TEXTE
FEMME AVEC DES
EXAMEN DE D’OSIRIS COBRA
FACULTÉS TROUS
VIEILLE RELATIF DENTELLES RÉPARE UN
FILLE AU VENT À L’AN- OUBLI EN
CONDI- GLAISE FIN DE
TROUÉS MENT C’EST ZÉRO LETTRE
VILLE AUX IL EST BIEN S O L U TI O N D U N U M É R O P R É C É D E N T
ARÈNES AFFAIBLIR CONNU DE
PHYSI- LA COU-
A V I B O B S I A O A S I
TANTALE QUEMENT E N V O U T E R S H E R I F S D U B I T A T I F
AU LABO TURIÈRE
T A U E X A C T R E S A L E R E N T R E R
OPTIMISTE BLONDE L I N G A M S A R C L E E A C E T I F I E R R
ATTITUDES GROS QUI PEUT
MOTS L I E N C I S E A U X A M O N S O T T I S E
IMPAR- SE FAIRE
TIALES SIFFLER A L L O N G E E I D E A L E T A G S R E L U T
A L T O T R A C E M A T A L I A N E E R S
MACHINES
A

QUI DON- A I E N B A L O T T E I N S I G N E
NENT UN S A C C I E L U N I T E N O T E
CALIBRE T E T I E R E P E L E D E S U E T E S
 mercredi 10 janvier 2024 LE FIGARO

34
School of Economics (LSE) à 30 ans,
PORTRAIT CE JEUNE publication sur l’innovation, les iné-
ÉCONOMISTE, PROFESSEUR galités, mais aussi l’inflation ou le
commerce international dans les
À LA LONDON SCHOOL meilleures revues de son domaine.
OF ECONOMICS, VIENT « Il a apporté des contributions incon-
tournables à la science économique sur
DE PUBLIER UN ESSAI le lien entre inégalité et innovation et
sur la méthode d’analyse structurelle-
REMARQUÉ SUR L’ÉDUCATION résiduelle (shift-share), (qui permet
ET L’INNOVATION. IL MÈNE d’étudier les différences d’évolution
entre les territoires, NDLR) », avance
DE FRONT, AVEC BRIO, Philippe Aghion, aujourd’hui profes-
seur au Collège de France. Ce dernier
CARRIÈRE ACADÉMIQUE ET donnait le cours de macroéconomie
PARTICIPATION AU DÉBAT PUBLIC. intermédiaire à Harvard lorsque le
jeune Jaravel effectua à Boston son an-
née de césure de Sciences Po. Il se rap-
pelle bien l’étudiant, qui était venu
frapper à la porte de son bureau entre

XAVIER JARAVEL deux cours, avec un projet déjà bien fi-

celé de recherche sur les inégalités. Sa
réussite apparaît d’autant plus impres-

HOMO ŒCONOMICUS
sionnante que, contrairement à de
nombreux autres jeunes chercheurs
français issus de la filière scientifique
de l’École normale, l’ancien élève de

ENGAGÉ
Sciences Po est quasiment venu aux
mathématiques par l’économie.

“desXavier a apporté

PAUL DELORT/ LE FIGARO

contributions
Anne de Guigné
incontournables

”
adeguigne@lefigaro.fr à la science économique
PHILIPPE AGHION, ÉCONOMISTE

« Pour son âge, il est déjà très avancé

dans sa carrière, appuie Alexandra
est un garçon pays, responsable, selon ses calculs, vélation pour l’économie alors que d’enthousiasme et de cœur à l’ouvra- Roulet, professeur à l’Insead, qui le

C’
méthodique, qui
sait où il va et ne
perd pas de
temps en che-
min. Ponctuel,
courtois et mo-
deste, Xavier
Jaravel ne joue pas les stars. À 34 ans,
l’économiste affiche pourtant un par-
cours hors du commun. Son premier
essai, Marie Curie habite dans le Morbi-
han (Seuil), a été salué par la critique et
vient d’être récompensé par le 25e prix
du livre d’économie. L’économiste y
aborde la question des inégalités face à
l’innovation. Il démontre le lien entre le
décrochage éducatif hexagonal et le ra-
lentissement de la productivité dans le
d’un manque à gagner pour l’économie
française de 140 milliards d’euros. Le
chercheur ne se contente pas de cibler
le problème, il propose quelques solu-
tions simples pour démocratiser la
culture de l’innovation.
Cet essai grand public est une bon-
ne introduction aux travaux de Xavier
Jaravel. S’y retrouve notamment son
souci de répondre aux grandes ques-
tions macroéconomiques en s’ap-
puyant sur les outils de la microéco-
nomie, qui lui permettent d’établir
des relations de cause à effet. C’est en
première année de Sciences Po que
cet excellent élève, qui grandit dans
une petite ville de l’Isère face au mas-
sif de la Grande-Chartreuse, a une ré-
son professeur, Étienne Wasmer, dé-
clare à ses étudiants que « l’économie
n’a pas de parti ». La phrase aura sans
doute échappé à la majorité de l’am-
phi, mais elle enchante le jeune hom-
me, qui affirme faire de l’économie
pour « dire la vérité ».
Se déclarant « centriste, de droite et
de gauche », il se retrouvera assez na-
turellement à phosphorer quelques
années plus tard pour les équipes de
campagnes d’Emmanuel Macron,
dans un groupe de travail animé par
Jean-Noël Barrot, un de ses confrères
économistes, aujourd’hui ministre de
la Transition numérique. Le locataire
de Bercy évoque « un type qui est
toujours partant, et met beaucoup
ge ». Son essai est fidèle à cette ligne :
tout en s’attachant à la question des
inégalités, thème peu porté à droite, il
démonte quelques certitudes de la
gauche, notamment sur la taxation
des plus riches. Pour le chercheur,
l’économie est bien plus qu’un terrain
de jeu intellectuel, elle « a vocation à
être appliquée », martèle-t-il. « Xavier
poursuit un double objectif, analyse
Philippe Aghion, qui fut son profes-
seur à Harvard. Il veut avoir à la fois
une influence académique et une in-
fluence sur le plan politique. C’est, je
crois, très important pour lui. »
Côté académique, l’affaire est déjà
dans le sac. Il y a deux ans, il a reçu le
prix du meilleur jeune économiste du
Cercle des économistes et du journal
Le Monde. Ses études ont été menées
tambour battant : master et doctorat à
Harvard, après un passage à Scien-
ces Po, recherche à Stanford, titulari-
sation comme professeur à la London
croisa à Harvard durant leurs années
de thèse. Je ne vois en France, au sein
de notre génération, que très peu d’éco-
nomistes, par exemple Gabriel Zucman,
qui ait progressé aussi vite. » Ce grand
bosseur assure ne pas avoir sacrifié ses
week-ends de ski et ses heures de pia-
no, l’instrument traversant la Manche
au fil de ses affectations.
Ces dernières années, il a aussi
consacré de plus en plus de temps aux
questions de politique publique, en
prenant une mobilité de dix-huit mois
en 2021 à l’Inspection générale des
finances à Bercy, rejoignant le Conseil
d’analyse économique, une institution
de réflexion rattachée à Matignon,
présidant le comité d’évaluation du
plan France Relance… Avec toujours,
en toile de fond, la volonté de faire en-
trer dans le débat public les conclu-
sions de la recherche économique. « Il
faut être patient, on finit toujours par
être entendu », assure cet optimiste. ■

UN DERNIER MOT Par Étienne de Montety

edemontety@lefigaro.fr

Remaniement (re-ma-ni-man) n. m.
Correction, qui peut être sévère.
mmanuel Macron a effectué un remaniement du gouvernement

E en changeant de premier ministre.

Le mot vient du latin manus qui désigne la main. Remaniement ne signifie pas
nécessairement reprendre en main ; plutôt reprendre la main.
Un jour le président de la République estime que le gouvernement (ou son chef)
n’est plus assez maniable. Alors il remanie. C’est une arme qu’il faut manier avec soin.
D’autant que pendant l’exercice, certains manigancent quand d’autres manifestent
leur mécontentement. Il faut savoir joindre l’art à la manière.
Voici donc Gabriel Attal grand manitou de la majorité.
S’il se débrouille bien, on pourra peut-être dans les semaines
qui suivront ce remaniement parler d’Attalmania. ■

FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ

Édouard Philippe entre fiction et réalité
La série Dans l’ombre, du nom du livre écrit
il y a quelques années par Édouard Philippe
(photo) et son ami Gilles Boyer, aujourd’hui
député européen, est achevée. Elle sera diffusée
sur France 2 dans le courant de l’année.
Les deux premiers épisodes seront présentés lors
du festival Séries Mania, à Lille, du 15 au 22 mars.
THOMAS SAMSON/AFP

Les deux comparses racontent l’histoire

d’un apparatchik qui œuvre, dans les coulisses
du pouvoir, pour servir la carrière politique
d’un candidat à l’élection présidentielle.
Toute ressemblance avec le tandem ne saurait
être tout à fait fortuite… Dans le casting,
Swann Arlaud, Karin Viard et Melvil Poupaud.

Sylvain Tesson, parrain du Printemps des poètes

L’écrivain sera le parrain de la 25e édition du Printemps des poètes, qui se tiendra
du 9 au 25 mars. L’événement célébrera « La grâce », à travers de nombreuses
manifestations. Pour cette année, le choix s’est porté sur le baroudeur, qui place
haut la poésie comme compagne de voyage. «Je collectionnais les branle-bas
poétiques. Le plus claquant, de Byron : “Again to sea !”. Le plus éternel du Christ :
“Viens et suis-moi.” Yeats : “I will arise and go now, and go to Innisfree” »,
A

écrit-il dans Avec les fées, paru ce 10 janvier (Les Équateurs).