3,40 € lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO - N° 24 600 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Première édition

lefigaro.fr

MICHEL DESMURGET FINANCES

IL N’Y A PAS MEILLEUR ANTIDOTE DANS LES COULISSES DE BERCY,
À L’ABÊTISSEMENT DES ESPRITS OÙ LES MINISTRES NÉGOCIENT
QUE LA LECTURE PAGE 22 LEUR BUDGET PAGE 26

LE FIGARO SANTÉ
PAGES 11 À 14

Projet de loi immigration :

SÉNATORIALES
La majorité
Darmanin sous pression
de la droite Alors que l’Europe est frappée par une nouvelle crise migratoire, le ministre, pris en tenaille entre
et du centre une majorité divisée et une droite résolue à faire valoir ses positions, peine à faire avancer son projet.
confirme
PAGE 6 Gérald Darmanin n’a pas en transit par l’île italienne de vrait être discuté à la fin du dre parler de l’article 3, relatif è À MENTON ET À VINTIMILLE,
manqué, ce week-end, d’en- Lampedusa ne seraient pas les mois de novembre, le défi aux travailleurs sans papiers INQUIÉTUDE ET EXASPÉRATION
FACE À LA « SUBMERSION »
ARMÉNIE tendre le plaidoyer du pape
François en faveur de l’ac-
bienvenus - à l’exception des
réfugiés politiques - en Fran-
migratoire s’invite quotidien-
nement Place Beauvau. Et,
dans des secteurs en tension
que le gouvernement veut ré- MIGRATOIRE
Djermouk redoute
è LA FRANCE
cueil des migrants. Pas de ce. De la Cité phocéenne à plus la pression s’accroît sur gulariser. Emmanuel Macron
une nouvelle quoi convaincre celui qui Rome – où Gérald Darmanin le ministre, plus le consensus a pour sa part affirmé sur TF1 N’ACCUEILLERA-T-ELLE AUCUN
guerre après avait commencé sa semaine s’est aussi rendu lundi der- parlementaire autour d’une qu’« on ne pouvait pas ac- EXILÉ DE LAMPEDUSA, COMME
en certifiant que les milliers nier -, jusqu’au Sénat, où le future loi semble s’éloigner. cueillir toute la misère du L’AFFIRME DARMANIN ?
la perte de candidats à l’immigration projet de loi immigration de- La droite ne veut pas enten- monde ». PAGES 4, 5 ET L’ÉDITORIAL
du Haut-Karabakh
PAGE 8

FIN DE VIE Écologie, pouvoir d’achat : après une semaine Les pistes
faste, Macron tente de reprendre la main
L’avertissement
sans concession d’Attal pour
du pape
PAGE 10 lutter contre
JUSTICE le fléau du
Sept ans après,
les zones d’ombre harcèlement
de l’attentat scolaire
de Magnanville
PAGE 18 Le ministre de l’Éducation a
passé une journée à Copenha-
gue pour s’inspirer du modèle
RUGBY danois, l’un des plus efficaces
Pour Antoine d’Europe dans la lutte contre le
Dupont, le compte harcèlement à l’école. Alors que
à rebours est lancé le rectorat de Versailles est dans
la tourmente après la révélation
CAPTURE FRANCE 2

PAGE 19
de courriers inacceptables en-
voyés aux familles de victimes,
ÉNERGIE un plan interministériel sera
Prix de l’électricité dévoilé mercredi et devrait no-
tamment faciliter le contrôle de
en France : le grand Après l’accueil réussi du roi Charles III puis du pape François, le président rêve d’aborder sereinement une rentrée placée la majorité numérique, fixée à
pugilat national sous le signe du pouvoir d’achat. Hier soir, il a annoncé un geste sur le prix du carburant pour les « gros rouleurs ». PAGE 2 15 ans. PAGES 16 ET 17
PAGE 27

ÉDITORIAL par Vincent Trémolet de Villers vtremolet@lefigaro.fr

CHAMPS
LIBRES Le carrosse et la citrouille

L
n
Les chroniques
de Nicolas Baverez e trône, l’autel et le ballon ovale. Le roi Niger, Ukraine, Arménie, l’agenda est écrasant
d’Angleterre à Versailles, le pape à et notre poids diplomatique, déclinant. La pla-
et de Samuel Marseille, Antoine Dupont qui devrait nification écologique dont il a exposé les enjeux
Fitoussi retrouver les terrains avant la fin de la peut réveiller une colère des profondeurs. Si
PAGE 23 Coupe du monde. Pas de feux de pou- l’État surveille et punit le citoyen (le plus hum-
belles dans les rues de Paris, de voitures calcinées ble) à travers sa voiture, sa maison, sa chaudiè-
sur le Vieux-Port, de banlieues qui s’embrasent re, l’effet politique et social sera dévastateur.

@ FIGARO OUI
FIGARO NON
Réponses à la question
au coup de sifflet final : la France à l’endroit. Au
moins dans la galerie des Glaces, au Stade-Vélo-
drome et sur les chaînes d’info. Ce n’est pas tout
le pays, ce n’est qu’une semaine, mais c’est déjà
Pour le moment, c’est heureux, le chef de l’État
semble privilégier l’incitation plutôt que l’inter-

Pendant
diction. Méfiance,
toutefois, le diable
ça. On ne devrait pas s’étonner que la sixième administratif est dans
de samedi :
La France peut-elle aller puissance du monde soit capable d’organiser ces
une semaine, les détails. S’il ne
jusqu’en finale de la Coupe jours « historiques » (d’autant que l’un d’entre la France tient pas cette ligne,
eux avait été annulé une première fois pour des une révolte des cam-
du monde de rugby
sans Antoine Dupont ? raisons d’ordre public), mais, quand tout s’af- à l’endroit pagnes, comme celle
TOTAL DE VOTANTS : 183 706 faisse et se dérègle, les princes qui arrivent à que connaissent les Pays-Bas, n’est pas à exclu-
l’heure, les attroupements qui ne crient pas re. L’injonction présidentielle sur le prix du car-
NON OUI « Macron, démission ! » tiennent du miracle. Le burant montre qu’il est conscient de l’état de
36 % 64 % chef de l’État en est conscient. À tel point qu’il a tension des esprits. Si l’on ajoute à cela le grand
Votez aujourd’hui choisi de s’inviter dimanche soir dans les foyers déménagement du monde qui profite de nos
3’:HIKKLA=]UXYU]:?k@j@c@p@a";

sur lefigaro.fr pour partager avec les Français la fierté d’un pays aides gracieuses et de nos faiblesses tragiques
La visite du pape qui « sait accueillir le monde ». (« on ne peut accueillir toute la misère du monde »,
Emmanuel Macron, cependant, n’est pas un mo- a reconnu Emmanuel Macron), on comprend
M 00108 - 925 - F: 3,40 E

à Marseille est-elle
une réussite ? narque constitutionnel, mais le président de la
République. Il ne lui suffit pas de représenter le
que le chef de l’État ait voulu profiter jusqu’au
bout de cet été indien. Encore un instant, mes
SOLUTIONS AUTOMATISÉES
pays dont il a la charge, il doit conduire ses affai- chers concitoyens, avant que le carrosse ne re- POUR ENTREPÔTS INTELLIGENTS
ILLUSTRATION : FABIEN CLAIREFOND - res. Et c’est là que tout se corse. devienne citrouille. ■
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 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO

2 POLITIQUE
Emmanuel Macron espère tirer profit
de sa rentrée avant un automne incertain
Le chef de l’État, invité dimanche sur TF1 et France 2, a tenté de se projeter sur l’écologie et le pouvoir d’achat.

LORIS BOICHOT
£@lboichot
ET TRISTAN QUINAULT-MAUPOIL
£@TristanQM

ÉLYSÉE Emmanuel Macron ne

voulait pas laisser passer une si rare
occasion. La venue du pape à Mar-
seille, tout comme la visite d’État
de Charles III, ont pu se dérouler
sans accroc. Résultat, ces derniers
jours, plusieurs communicants du
chef de l’État le poussaient à pren-
dre la parole devant les Français.
«Il ne faut pas banaliser cette se-
maine historique», a insisté l’un
d’entre eux. «Il faut capitaliser sur
une rentrée en ordre», a plaidé un
autre.
C’est donc en direct de l’Élysée,
dans les journaux de «20 heures»
de TF1 et France 2, que le chef de
l’État a mis en perspective une
rentrée commencée le 30 août par
son sommet à Saint-Denis avec les
chefs des partis. En pleine Coupe
du monde de rugby, il a voulu met-
tre en avant l’attractivité interna-
tionale de la France. «Je voudrais
féliciter les Français», a-t-il lancé,
en s’en réjouissant : «Il y a peu de
pays, aujourd’hui dans le monde, qui
peuvent relever des défis concomi-
tants de cette nature».

Attentes et inquiétudes
À neuf mois des Jeux olympiques et
paralympiques, «la France a mar-
qué un but contre les grincheux qui
prétendent qu’on ne peut pas ac-
cueillir le monde entier», indique un
proche d’Emmanuel Macron. Le
chef de l’État l’assure : le pays est
prêt à héberger les sportifs inter-
nationaux l’été prochain.
Mais le président de la Républi-
que s’est aussi efforcé de dessiner
les contours d’un automne incer-
tain. Persistance de l’inflation, at-
tentes autour de la protection du
climat mais inquiétudes quant à ses
conséquences économiques, dé-
bats autour de l’immigration, cri-
ses internationales au Haut-Kara-
bakh et au Niger, d’où a été rappelé
l’ambassadeur français…
L’instabilité politique guette
toujours, mais les oppositions
pressent Emmanuel Macron
d’agir. Le pape François aussi.
Renvoyé à sa politique migratoire
par le chef de l’Église catholique -
dont il a assisté samedi au plai-
doyer pour l’accueil incondition-
nel des migrants, lors d’une messe
géante au Stade-Vélodrome -,
annoncé vouloir faire sortir la
France du charbon en 2027, en
convertissant ses deux dernières
centrales. «C’est une énergie fossile
et la plus polluante», a-t-il insisté.
Dans les foyers, les ménages de-
vraient être «accompagnés» pour
s’équiper de pompes à chaleur,
mais «on n’interdira pas» l’instal-
lation de chaudières à gaz neuves,
a-t-il assuré.
Dans son entourage, on défend
une écologie du «bon sens» et du
«progrès». «Contre ‘’l’écologie du
rien’’ défendue par le RN et ‘’l’éco-
logie du moins’’ de la Nupes, le chef
de l’État défend ‘’l’écologie du
mieux’’», juge son ancienne plume
Jonathan Guémas, aujourd’hui
membre de la direction du parti
présidentiel Renaissance.
Avec son plan pour la transition
écologique, Emmanuel Macron es-
père toutefois éviter de peser sur le
pouvoir d’achat des Français les
plus précaires. «Plus que jamais, les
Français sont seuls face à un mur de
Emmanuel Macron était Verts pour financer la transition
dimanche, en direct écologique. «Qu’a fait Emmanuel
de l’Élysée, 0l’invité Macron ? Il les a diminués», a dé-
des journaux ploré dimanche sur LCI la députée
de 20 heures de TF1 (Europe Ecologie-Les Verts) San-
et de France 2.
drine Rousseau.
CAPTURE FRANCE2
Dans le camp présidentiel, plu-
sieurs cadres veulent voir dans
l’entretien télévisé de dimanche
soir un moyen de recadrer les dé-
bats autour du bilan de l’exécutif.
«Emmanuel Macron incarne la mo-
dération face à la radicalité», juge le
porte-parole du parti Renaissance,
Loïc Signor. «Le chef de l’État est le
garant du temps long. Sur l’écolo-
gie, il fallait une mise en perspecti-
ve», salue pour sa part le député
(Renaissance) Marc Ferracci.
Outre des déplacements prévus
CONTRE-POINT
PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard
pour illustrer sa planification éco-
logique, Emmanuel Macron pré-
voit de rendre ses conclusions sur
la fin de vie. Le texte, qui pourrait
autoriser une très controversée
«aide active à mourir», est attendu
«dans les prochaines semaines» se-
lon son cabinet. Le chef de l’État
souhaite aussi recevoir à nouveau
les dirigeants de partis à l’Élysée
d’ici au début du mois de novem-
bre.
En attendant, il se rendra mer-
credi en Corse, où il doit commé-
morer le 80e anniversaire de la Li-
bération de l’île et tenter de
trouver un accord avec les natio-
nalistes au pouvoir autour d’un
statut d’autonomie à intégrer à la
Constitution. Il doit ensuite parti-
ciper vendredi à la réunion du
Conseil européen à Bruxelles. Loin
de Paris, où sa première ministre se
prépare à se replonger dans les dé-
bats houleux de l’Assemblée natio-
nale. Et à recourir à nouveau à l’ar-
ticle 49, alinéa 3 de la Constitution
pour faire adopter ses textes bud-
gétaires sans vote. Quitte à prendre
le risque d’être censurée par des
oppositions toujours aussi féroces.
Élisabeth Borne doit aussi re-
trouver le Sénat, que la droite
continue de dominer à l’issue des
élections sénatoriales de diman-
che. Un horizon moins enchanteur
que les images du dîner royal servi
à Versailles ou de la foule venue
écouter le souverain pontife au
Stade-Vélodrome. ■

L’optimisme contre les « passions tristes »

Emmanuel Macron a défendu une l’inflation qu’ils n’arrivent pas à
approche plus nuancée. surpasser», a prévenu un peu plus
«Nous, Français, nous faisons tôt sur BFMTV le président du Ras-

notre part», a déclaré le chef de
l’État. Il a approuvé le «message
d’universalisme» du pape François,
tout en revendiquant de se mon-
trer «rigoureux» : «On ne peut pas
accueillir toute la misère du mon-
de». Une semaine après l’afflux de
migrants à Lampedusa, il a appelé à
aider l’Italie à y faire face, à donner
«plus de moyens» aux pays de
transit, tout en distinguant les de-
mandeurs d’asile et les migrants
qui relèvent de l’immigration éco-
nomique.
S’agissant du projet de loi sur
l’immigration, Emmanuel Macron
souhaite un «consensus». Il ne re-
nonce pas à la régularisation de
travailleurs sans-papiers dans les
métiers en tension, mais il prévient
: «pas de droit inconditionnel à la
régularisation».
À la veille d’un Conseil de plani-
fication écologique, lundi à l’Ély-
sée, le chef de l’État a tenu à déve-
lopper sa vision de la lutte contre le
réchauffement climatique. Il
maintient son objectif de réduire
de 55% ses émissions de gaz à effet
de serre en 2030, malgré le scepti-
cisme de certains spécialistes du
climat. Ce cap n’est «pour l’instant
pas tenu», a pointé dimanche l’in-
1
semblement national (RN), Jordan
Bardella.
Dimanche soir, le président de
la République a essayé de donner
des garanties. Certes, il n’est pas
favorable à ce qu’on «indexe tous
les salaires sur les prix». Mais il
souhaite un «accord sur la modéra-
tion des marges» pour lutter contre
la hausse des prix alimentaire.
S’agissant des carburants, l’aide
«gros rouleurs» jusqu’à 100 euros
par voiture et par an, destinée à
ceux qui utilisent souvent leur vé-
hicule pour aller travailler, est ainsi
reconduite.
Pris en étau
Dans les stations-service, les dis-
tributeurs sont pour leur part inci-
tés à vendre l’essence à prix coû-
tant. Une annonce censée se
substituer à un récent fiasco :
l’autorisation de la vente à perte.
Une proposition de sa première
ministre, Élisabeth Borne, rejetée
par la grande distribution et finale-
ment écartée dimanche par Em-
manuel Macron. Pris en étau entre
ses mesures pour le pouvoir
d’achat, ses sept milliards d’euros
en faveur de la transition écologi-
que pour 2024 et le souci de ne pas
L
es Français sont moroses,
et ils ont des raisons de l’être :
l’inflation, le logement… Mais
la France porte beau, et elle a des
raisons d’être fière d’elle-même. Tel fut
le message d’un Emmanuel Macron
déterminé à ramer à contre-courant
du pessimisme ambiant. Aux prophètes
annuels d’une rentrée « chaude »,
le chef de l’État a opposé le constat
d’une rentrée chaleureuse où le pays
vibre unanimement pour les Bleus, où
l’opinion, indifférente aux polémiques,
est fière d’accueillir avec faste le roi
Charles III et de séduire le pape François,
qui n’avait pas voulu initialement
de contact avec la foule. Autant de
manifestations de joie dont Macron
aimerait qu’elles préfigurent
l’enthousiasme des JO l’été prochain.
Tout le défi d’Emmanuel Macron est de
convaincre que le pari de l’optimisme ne
relève pas de la méthode Coué. Et c’est
pour cela qu’il était important qu’au delà
des proclamations générales il y ait aussi
des annonces précises, comme celle sur
le prix de l’essence. Pour le chef de l’État,
le volontarisme est presque une méthode
de gouvernement. On se souvient du
candidat de 2016 déplorant les « passions
tristes » qui empêchent la France de
se redresser ou d’avancer. Mais force est
Si ce n’est pas
le chef
de l’exécutif
qui vante
le bilan
de l’exécutif,
»
qui le fera ?
était ainsi à double tranchant. Il était
normal que Macron défende son action
en matière de pouvoir d’achat,
d’écologie, de réindustrialisation ou
encore en matière diplomatique. Si ce
n’est pas le chef de l’exécutif qui vante le
bilan de l’exécutif, qui le fera ? Mais, dans
le ton, il y avait un petit côté « je dois
vous montrer ce que vous n’avez pas vu
de vous-mêmes ». Il y avait aussi l’aveu
implicite de l’urgence d’un service
après-vente que ni la première ministre,
Même si, au lendemain de sa réélection,
Emmanuel Macron avait juré être moins
« Jupiter » et plus « Vulcain », c’est-à-
dire moins celui qui décide de tout et plus
celui qui permet aux choses de se faire,
l’accélération des temps politique et
médiatique autant que le tempérament
personnel du président le poussent à être
en permanence au premier plan. Macron
n’a pas le goût de la rareté, que ce soit par
la parole, l’image ou le geste. Sa grande
interview-fleuve au Point a moins d’un
mois. Depuis, il a occupé le terrain avec
son initiative de Saint-Denis avec les chefs
de parti. Samedi, on l’a vu aux côtés du
pape et, ce lundi, on l’entendra à nouveau
faire les annonces sur la planification
écologique. Rajouter cet entretien à
20 heures participe de la saturation
de l’espace politique et médiatique par
le président. C’est intentionnel, et cette
méthode lui a parfois permis de
contourner des crises. Mais l’attente de
résultats est telle qu’en se réservant les
annonces il s’expose, faute de fusibles,
au risque maximal de la déception.
Et au réveil des « passions tristes ».

génieur Jean-Marc Jancovici,
membre du Haut Conseil pour le
climat, dans «Le Grand Jury RTL-
Le Figaro-M6-Paris Première».
A
faire déraper les dépenses, le gou- de constater que plus de six années ni les ministres, ni les parlementaires de
vernement prépare un budget sous de macronisme n’ont pas permis de leur la majorité, ni le parti n’ont fait. Ou, pire
contraintes. substituer des passions « heureuses » encore, n’ont pas fait de manière audible
Mais l’exécutif exclut toujours sans qu’on puisse en imputer ou convaincante. Comme si, là encore,

Comme un prélude à sa prise de l’augmentation des impôts sur les la responsabilité aux seuls Français. il y avait un petit côté « si je ne fais pas
parole lundi, Emmanuel Macron a grandes fortunes, réclamée par les Le plaidoyer présidentiel dominical les choses moi-même »…
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 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO
4 L'ÉVÉNEMENT
Projet de loi
immigration :
Darmanin
sous pression
Alors que le pape voudrait plus
de solidarité avec les migrants,
le ministre ferraille avec la droite pour
faire avancer le sujet au Parlement.
CLAIRE CONRUYT£@ClaireConruyt
ET TRISTAN QUINAULT-MAUPOIL
£@TristanQM
AU PREMIER RANG, samedi, des Ren-
contres méditerranéennes, organisées
à Marseille, Gérald Darmanin a pu
écouter attentivement le plaidoyer du
pape François en faveur de l’accueil
inconditionnel des migrants. De là à
inspirer la politique du ministre de
l’Intérieur, rien n’est moins sûr, alors
qu’il avait débuté sa semaine en certi-
fiant que les milliers de candidats à
l’immigration en transit par l’île ita-
lienne de Lampedusa ne seront pas les
bienvenus en France. À l’exception des
réfugiés politiques. «On ne peut pas
accueillir toute la misère du monde», a
réaffirmé Emmanuel Macron diman-
che sur TF1 et France, reprenant à son
compte les mots de Michel Rocard,
tout en félicitant l’action de son minis-
tre de l’Intérieur.
De la Cité phocéenne à Rome – où
Gérald Darmanin s’est rendu lundi
dernier - jusqu’au Sénat fraîchement
renouvelé, le défi migratoire s’invite
avec force dans la rentrée du patron de
Beauvau, au moment où un consensus
parlementaire autour d’une future loi
dédiée peine à se former. La posture
d’autorité du ministre ne convainc pas
la droite, partenaire incontournable
À Menton et à Vintimille, inquiétude et exaspération face à la « submersion »
VINCENT-XAVIER MORVAN
£@vincentxaviermo
NICE
« POUR LE MOMENT, ils ne sont pas
vraiment là, mais, c’est sûr, ils vont arri-
ver. » Assis devant leur résidence cossue
du bord de mer de Menton, dans le
quartier de Garavan, Martine et André
Bechu en sont persuadés. Les milliers de
migrants débarqués ces derniers jours à
Lampedusa, dans le sud de l’Italie, se-
ront bientôt à leur porte. Et la perspecti-
ve n’enchante guère les deux septuagé-
naires lillois qui partagent leur vie entre
la capitale nordiste et la « perle de la
France », aux allures, il est vrai, de petit
paradis. « Il y a vingt ans, Lampedusa
aussi, c’était un paradis. Et aujourd’hui,
les gens ne peuvent même plus aller à la
plage ! », soutient André, assez remonté,
qui songe désormais à vendre son ap-
partement pour quitter la région. « Et on
n’est pas les seuls », affirme-t-il.
Depuis 2011 que se fracassent ici des
vagues incessantes de migrants, au gré
des crises internationales entre prin-
temps arabe, conflit soudanais et guer-
res dans la corne de l’Afrique, la ville a
pourtant été relativement épargnée.
« De temps en temps, on en voit passer
un, et on se dit : “Tiens, il y en a un qui a
réussi” », raconte Martine. Car, une fois
à Menton, les réfugiés en provenance
du Sahel ou d’Orient ne s’attardent
guère. Ils n’ont qu’une hâte, traverser
la ville pour gagner ensuite Nice ou une
autre destination qu’ils ont en vue, en
France ou dans le reste de l’Europe. Ici,
il leur faut raser les murs en profitant de
1
la nuit pour éviter que la police ne les
intercepte.
Mais, ces derniers jours, des indices
alarmants font craindre le pire à ces re-
A
traités. La veille, à la gare de Menton-
Garavan, située en surplomb de leur im-
mais exigeant, qui se fait désirer. Le
drame humanitaire qui secoue la Mé-
diterranée creuse un peu plus des dé-
saccords déjà saillants entre l’exécutif
et Les Républicains. La droite ne croit
pas Gérald Darmanin quand il affirme
que les frontières de l’Hexagone seront
tenues.
« Le ministre de l’Intérieur ne pourra
pas tenir de telles promesses, lâche
Bruno Retailleau. La jurisprudence des
Cours suprêmes montre qu’il y a, en Eu-
rope, une idéologie selon laquelle chaque
migrant bénéficie d’un droit opposable
de s’installer là où il le souhaite. Un droit
qui, précisément, viole la volonté des
peuples. » Un constat préalable qui em-
poisonne les discussions sur le futur
projet de loi concocté par le ministre de
l’Intérieur.
Voix de la droite
indispensables
La semaine dernière, le chef de file des
sénateurs LR s’est entretenu avec lui,
principalement au sujet de l’autono-
mie de la Corse, où Emmanuel Macron
doit se rendre jeudi. Un rendez-vous
au cours duquel le projet de loi immi-
gration s’est invité dans l’échange,
mais « chaque camp a campé sur ses
positions », indique une source parle-
mentaire. Bruno Retailleau insiste :
« Au-delà du texte du gouvernement qui
ne changera rien, il faudra une révolu-
meuble, ils ont entendu des gradés ve-
nus prévenir la dizaine de réservistes de
la police nationale chargés de contrôler
les trains qu’ils devaient s’attendre, dans
les jours prochains, à être « submergés »
par les migrants remontés de Lampedu-
sa. Et il y a aussi ces travaux entrepris en
catimini par la municipalité pour viabi-
liser un terrain situé près du poste-fron-
tière de Saint-Ludovic et y installer des
« locaux de mise à l’abri » de migrants
en instance de refoulement. Le couple
imagine déjà un centre de rétention
ouvert à tous les vents. « Pour notre peti-
te-fille de 16 ans, qui aimait bien aller fai-
re un tour le soir avec sa copine dans la
vieille ville pour prendre des photos, c’est
fini, elle ne sortira plus toute seule », affir-
ment les Lillois. La préfecture a toutefois
renoncé entre-temps à cet emplace-
ment, projetant maintenant une simple
extension des locaux existants au pont
Saint-Louis, l’autre poste-frontière de
Menton. L’annonce de la réquisition de
50 chambres pour héberger des mineurs
non accompagnés dans l’hôtel voisin de
chez eux n’a fait que renforcer les crain-
tes de ces résidents, même si la mesure
“Lampedusa
Il y a vingt ans,
aussi, c’était
un paradis. Et, aujourd’hui,
les gens ne peuvent même
”
plus aller à la plage !
ANDRÉ BECHU, RETRAITÉ À MENTON
n’est pas encore entrée en vigueur et
n’est prévue qu’en dernier recours.
Pour appréhender ce qu’est réelle-
ment une ville débordée par la crise mi-
gratoire, il suffit de faire quelques kilo-
mètres et de passer de l’autre côté de la
frontière, à Vintimille. Depuis que les
autorités ont démonté le camp d’héber-
gement à la faveur du Covid, la situation
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en visite au poste-frontière Saint-Ludovic de Menton (Alpes-Maritimes), le 12 septembre.
tion juridique pour reprendre le contrôle
du chaos migratoire. »
Mais voilà, entre l’exécutif et la
droite, dont les voix parlementaires
sont incontournables pour adopter le
texte, les consultations stagnent. Les
élections sénatoriales passées, les dis-
cussions devraient toutefois repren-
dre, imaginent les sources parlemen-
taires les plus optimistes. En
attendant, « à ce stade, il n’y a pas
d’évolution », affirme Éric Ciotti. « Les
discussions se poursuivent », se borne-
t-on à répondre Place Beauvau alors
que Matignon met la pression sur le
ministre pour qu’il précise la façon
dont il entend former une majorité
parlementaire à même de faire aboutir
le texte. Au cœur de l’équation : l’arti-
cle 3, relatif aux travailleurs sans pa-
pier dans des secteurs en tension que
le gouvernement envisage de régulari-
ser. Une ligne rouge à la fois pour la
droite, qui ne veut pas en entendre
parler, et pour l’aile gauche de la ma-
cronie, qui n’imagine pas l’abandon de
cette disposition. «Les métiers en ten-
Des migrants se restaurent après une distribution de nourriture par une association, le 10 août, à Vintimille (Italie).
est redevenue ingérable. Livrés à eux-
mêmes, les migrants, soudanais et
érythréens en majorité, avec de plus en
plus de mineurs et de familles venus de
Guinée et de Côte d’Ivoire ces derniers
mois, campent sous l’autopont. On les
voit se laver le matin à même la rivière et
laisser derrière eux des déchets sur les
berges. En ville, ils déambulent entre la
gare, point de départ pour la France
quand ils ont trouvé un passeur, et les
locaux de l’association Caritas, qui leur
offre le couvert et, pour les familles, le
gîte pour quatre nuits maximum. « J’ai
travaillé toute ma vie, et maintenant, le
soir, je ne peux même pas aller me prome-
ner à la mer, c’est pas juste », proteste
Angela, longtemps femme de chambre
dans un grand hôtel de Monaco et
aujourd’hui retraitée. Dans le quartier
où elle vit, proche du lit de la Roya où
stationnent les migrants, elle en croise
sion, il faut d’abord essayer de faire que
ce soit nos compatriotes qui y aillent», a
tempéré le chef de l’Etat. Et d’ajouter :
«Il n’y aura pas de droit inconditionnel à
la régularisation» bien qu’il souhaite
trouver «un compromis». Le patron
LR, Éric Ciotti, avertit : « Nous ne cé-
derons pas. »
Selon nos informations, Gérald Dar-
manin réfléchirait à une nouvelle écri-
ture de l’article 3 : plutôt que d’inscri-
re la régularisation dans la loi, serait
ouverte aux préfets la faculté de régu-
lariser. « L’admission exceptionnelle au
séjour, un pouvoir propre aux préfets,
est déjà possible », réplique François-
Noël Buffet. Ajoutant : « C’est l’idée que
nous essayons de faire avancer : il n’y a
pas besoin d’une loi pour répondre à des
cas particuliers. »
Olivier Marleix, lui, y voit une « pro-
vocation ». « C’est se moquer du mon-
de : on ne va pas inscrire ce qui existe
déjà aujourd’hui ! Ou alors, M. Darma-
nin veut véritablement faire tomber le
gouvernement Borne », avertit le chef
du groupe des députés LR à l’Assem-
souvent, parfois alcoolisés. « Ils cassent
des bouteilles de verre par terre. Un soir,
avec des copines, on se baladait, et il y en a
un qui nous en a jeté une dessus. L’une
d’entre nous lui avait fait une remarque
parce qu’il faisait pipi dans la rue », té-
moigne-t-elle. Un autre habitant du
quartier, qui requiert l’anonymat, trou-
ve que « la ville n’est pas propre ». « Ils
jettent des habits, la nourriture qu’on leur
donne, des pommes, des bananes », ob-
serve-t-il. « Je ne suis pas raciste, mais il
y en a vraiment beaucoup. À la télé, ils di-
sent qu’ils sont 400 en ville. Je ne sais pas
si c’est exact, mais ils sont un peu partout,
sur la plage, sous le pont… », ajoute
l’homme dans un bon français.
En mai, les habitants, excédés, ont
porté à la mairie Flavio Di Muro, un pro-
che de Salvini, soutenu par une coalition
de partis d’extrême droite. En tête de
son programme : la question migratoire.
blée, qui n’écarte pas la possibilité du
dépôt d’une motion de censure afin de
contrer un texte que la droite jugerait
laxiste. Voilà le ministre de l’Intérieur,
constate un parlementaire LR, « pris
au piège ». « M. Darmanin, qui se pense
toujours plus malin que les autres, a
voulu faire de ce texte un totem politi-
que », renchérit un ténor LR. Fran-
çois-Noël Buffet renchérit : « Attention
aux signes que l’on envoie : mieux ré-
pondre aux cas particuliers mais, aussi,
être ferme. Il faut une tolérance zéro sur
l’immigration irrégulière. »
« Il faut cesser de reculer »
Et pendant ce temps, l’entrée du texte
au Parlement ne cesse d’être retardé.
Au Sénat, il devrait arriver dans le
courant du mois de novembre. « J’at-
tends de voir », commente, prudent,
un bon connaisseur du sujet au sein de
la Chambre haute. À l’Assemblée na-
tionale, le projet de loi devrait être dé-
battu à partir du mois de janvier.
« Cela fait un an que le calendrier glis-
se, et, à mon avis, ça va continuer »,
IBRAHIM EZZAT/ANADOLU AGENCY VIA AFP
« Nous gérerons le phénomène migratoire
en synergie avec la région et l’État, et
nous doterons nos forces de police de nou-
veaux outils, tels que le Taser, pour faire
face à l’illégalité et à la dégradation »,
promet ainsi l’élu dans un document ti-
tré « 10 actions concrètes en 100 jours ».
Pour Angela, la femme de chambre qui a
voté pour lui, c’est désormais « bien
mieux » qu’avant. « Il a commencé à net-
toyer les rues », assure-t-elle. « Comme
Meloni, il a fait beaucoup de promesses,
mais personne n’a la baguette magique »,
observe l’autre riverain, philosophe.
À quelques encablures, devant les lo-
caux de Caritas, une file de jeunes hom-
mes, patientant pour aller prendre leur
déjeuner, commence à s’allonger.
Christian Papini, le jovial directeur de
l’association, n’en compte pour l’heure
qu’une soixantaine. « Normalement, on
en a toujours 200, mais peut-être que de-
 LE FIGARO lundi 25 septembre 2023

L'ÉVÉNEMENT 5

La France n’accueillera-t-elle aucun exilé LA JUSTICE

de Lampedusa, comme l’affirme le ministre ?
MAYEUL ALDEBERT £@MayeulAldebert
« LA FRANCE veut une position de fer-
meté. » Depuis l’arrivée de 9 000 clan-
destins en deux jours sur la petite île
italienne de Lampedusa, au large des
côtes tunisiennes, le ministre de l’Inté-
rieur français affiche plus que jamais sa
volonté de lutter contre l’immigration
clandestine. Lundi dernier sur CNews
et Europe 1, mardi sur le plateau du
journal de 20 heures de TF1, jeudi sur
BFMTV… « La France n’accueillera pas
de migrants présents à Lampedusa », a
martelé tout le long de la semaine Gé-
rald Darmanin tout en affirmant, après
une rencontre à Rome avec son homo-
logue italien, que la France aiderait
l’Italie à tenir sa frontière. « Si les per-
sont poreuses », assure de son côté Pa-
trick Stefanini, conseiller d’État hono-
raire et ancien directeur de campagne
de la candidate LR Valérie Pécresse à
l’élection présidentielle.
À ce manque cruel de moyens, une
directive de la Cour de justice de
l’Union européenne vient de conclure,
dans un arrêt publié jeudi, que la Fran-
ce ne pouvait procéder au refoulement
vers un pays voisin d’un ressortissant
étranger entré irrégulièrement sur son
territoire (lire l’encadré ci-contre). En
“a raison
Gérald Darmanin
d’affirmer cette
posture de principe. Est-ce
qu’il a les moyens de la
traitement de leur demande ? Vont-ils les
renvoyer ? Ou les laisser passer ? »,
ajoute Damien Simonneau.
En attendant l’entrée en vigueur, au
niveau européen, du pacte asile et im-
migration, qui prévoit notamment une
relocalisation obligatoire des deman-
deurs d’asile dans les États membres,
l’Italie ne peut compter que sur le bon
vouloir, au cas par cas, de ses voisins
européens pour absorber les arrivées
en masse. En ce sens, l’Union euro-
péenne a adopté en 2022 un mécanis-
me de solidarité volontaire pour relo-
caliser les demandeurs d’asile. Depuis
Lampedusa, dimanche dernier, Ursula
von der Leyen a d’ailleurs exhorté les
pays européens à utiliser ce dispositif.
Mais d’après les données de l’Agence
européenne pour l’asile, seulement
EUROPÉENNE
RESTREINT LES
REFOULEMENTS
La France ne peut pas procéder
systématiquement au
refoulement d’un ressortissant
étranger entré irrégulièrement
sur son territoire. C’est
la conclusion d’un arrêt rendu
jeudi par la Cour de justice
de l’Union européenne (CJUE).
La CJUE était sollicitée
par le Conseil d’État français,
lui-même saisi par plusieurs
associations, sur la question
suivante : un pays qui a rétabli
les contrôles aux frontières
intérieures de l’UE, comme
la France le fait depuis 2015,
peut-il refouler sur cette seule

sonnes n’ont pas l’asile, elles doivent être
renvoyées immédiatement », a-t-il aussi
affirmé, précisant que les réfugiés poli-
tiques, en revanche, seraient accueillis
conformément au « devoir de la Fran-
ce ». L’Hexagone a-t-il seulement les
capacités de refuser sur son territoire
VALERY HACHE/AFP
”
mettre en œuvre ? Non
PATRICK STEFANINI,
CONSEILLER D’ÉTAT HONORAIRE
effet, ce dernier doit bénéficier, selon
une directive européenne dite « re-
tour », d’un délai pour quitter volon-
1 160 personnes ont ainsi été relocali-
sées en 2022, dont 1 043 en Allemagne,
qui a précisé depuis cet été refuser dé-
sormais les migrants venus d’Italie.
Sans mécanisme de relocalisation ni
volonté italienne de garder les mi-
grants aux frontières extérieures de
base un migrant qui franchit
irrégulièrement sa frontière,
sans tenir compte
d’une directive européenne
dite « retour », qui prévoit
que le ressortissant bénéficie

présage Olivier Marleix. Côté majori-
té, un bruit court : ne vaudrait-il pas
mieux lancer un débat sur l’immigra-
tion après les élections européennes ?
« Je ne vois pas la majorité présenter un
texte susceptible de les fracturer à
quelques mois de cette échéance », sug-
gère Marleix. « Attendre après les
européennes, ce serait une catastro-
phe », signale François-Noël Buffet.
« Cela fait des années que la France n’a
aucune politique migratoire cohérente.
Il faut cesser de reculer et avoir du cou-
rage. » Un cadre LR croit savoir que si
Gérald Darmanin « veut à tout prix
s’en sortir », il se sait « surveillé » par
Emmanuel Macron. « À ce rythme, je
suis persuadé que le camp présidentiel
sera contraint d’enlever l’article 3 ou de
renoncer au projet de loi. » François-
Noël Buffet, lui, ne « désespère pas »
de trouver un « accord ». « Je pense
qu’on trouvera une solution avec le
gouvernement. Je sens le ministre de
l’Intérieur ouvert, et soutenu par l’Ély-
sée. Mais de là à dire que cela ira jus-
qu’au bout… » ■
les migrants arrivés à Lampedusa ? tairement le territoire. l’Union, la France va nécessairement « d’un certain délai pour quitter
En théorie, selon le règlement de Surtout, Gérald Darmanin a évoqué devoir absorber une partie des récentes volontairement le territoire » ?
Dublin, dont la troisième formule est l’accueil, si ce n’est des migrants de arrivées. « Le ministre a raison d’affir- La CJUE a donc tranché, jugeant
entrée en vigueur en 2013, c’est à l’Ita- Lampedusa, des « réfugiés politiques ». mer cette posture de principe. Est-ce que « les normes et procédures
lie qu’il reviendrait d’étudier la de- Une catégorie qui n’existe pas telle qu’il a les moyens de la mettre en
communes prévues par
mande d’asile des 9 000 migrants de quelle, mais procède d’un examen de la œuvre ? Non », commente Patrick Ste-
Lampedusa en tant que pays d’arrivée. demande d’asile. Encore une fois, fanini. « Ses propos s’inscrivent dans la directive “retour” doivent
Mais depuis les premières grandes va- « tout dépend de ce que les Italiens déci- une stratégie politique assumée pour être respectées ».
gues migratoires de 2015-2016 et l’in- dent de faire : vont-ils envoyer les mi- marquer des points dans l’électorat de
tensification des flux, les principaux grants dans des centres fermés à Lam- droite », analyse pour sa part Damien
pays d’arrivée, Italie en tête, ne veulent pedusa et en Sicile en attendant le Simonneau. ■
plus - et ne peuvent plus - assumer
l’accueil et l’enregistrement des mi-
grants nouvellement venus. Résultat :
les migrants échappent à la surveillan-
ce des autorités administratives et re-
joignent clandestinement les pays du
nord de l’Europe, généralement en li-
gne de mire.
« Les migrants vont arriver à la fron-
tière franco-italienne dans les jours qui
viennent, exactement comme en 2015,
quand la Grèce a laissé passer des mil-
liers de migrants qui voulaient se rendre
en Allemagne », explique Damien Si-
monneau, maître de conférences en
science politique à l’Inalco. D’autant
plus que 60 % des personnes arrivées à
Lampedusa, selon Gérald Darmanin
lui-même, sont francophones et privi-
légient donc logiquement la France.
« Le ministère de l’Intérieur a renforcé
les moyens, notamment à Menton, pour
essayer d’intercepter et de renvoyer,
mais, même avec ces renforts, les Alpes

migratoire
main ils seront 500, ou même 800, comme
certains jours en 2016 et 2017, on ne peut
pas savoir », remarque-t-il.
En quittant Lampedusa, les candidats
à l’asile peuvent aussi choisir un autre
point de passage que Vintimille, comme
Bardonecchia ou Côme, s’ils veulent ga-
gner la Suisse. « C’est comme ça depuis le
11 juin 2015, depuis que vous avez fermé
les frontières », constate-t-il. Cette date,
il s’en souvient précisément parce que
émue par les images diffusées à la télévi-
sion. Des pères de famille viennent jouer
au ballon avec des réfugiés, profitant de
l’occasion pour donner une leçon d’hu-
manité à leurs enfants, et des lycéennes Au moment où notre pays entame
abandonnent leurs révisions du bac pour
venir servir aux migrants des gâteaux un plan de décarbonation majeur
confectionnés par leurs soins. Quelques […] il est impératif que les investis-
mois après cet exceptionnel épisode de
solidarité, le blocus de la frontière, avec seurs aient confiance en l’État.
les attentats de Paris, devient total. Il
perdure encore aujourd’hui, huit ans
après, et ne fait que se renforcer au fil

“deIlprésence
y a davantage
policière. Mais
des vagues de migration. Il implique dé-
sormais, au sein d’une « border force »,
les militaires de l’opération Sentinelle et
qu’est-ce que ça change ? mobilise même des drones.
Les migrants vont mettre Pourtant, observe Christian Papini
quatre jours à passer au chez Caritas en jetant un œil sur la file de
réfugiés qui patientent devant lui, tous

”
lieu de trois, voilà tout
CHRISTIAN PAPINI, DIRECTEUR DU CENTRE
CARITAS DE VINTIMILLE
c’est celle de son anniversaire. En ce
printemps 2015 déferle en effet une va-
gue venue des côtes libyennes, du Sou-
dan, d’Érythrée et de Somalie. Même
l’épisode de 2011, avec l’afflux de 20 000
ressortissants tunisiens en Italie, n’avait
pas eu de telles répercussions à Vinti-
mille. « Cela avait duré moins longtemps,
car le gouvernement leur avait donné des
papiers provisoires pour passer en Fran-
ce », se souvient-il.
Mais, en 2015, la France décide de blo-
quer la frontière à Menton pour s’oppo-
ser à ce nouvel afflux. Plusieurs centai-
nes de réfugiés campent alors, face aux
compagnies de gendarmerie, sur des ro-
chers battus par les flots, soutenus par
les candidats au passage réussissent, en
fin de compte, à rejoindre la France.
« Sinon, il y en aurait 4 000 aujourd’hui
dans la cour ! », s’exclame-t-il. Selon lui,
une fois rassemblés les fonds pour payer
les passeurs qui leur proposent des itiné-
raires par l’autoroute, la voie ferrée ou
encore le Pas de la Mort, un périlleux
sentier de randonnée à flanc de falaise,
les migrants ne restent guère plus de
trois jours à Vintimille, en dehors de
ceux qui n’ont pas d’argent ou qui se
mettent à boire. Lui aussi constate que la
situation a évolué depuis l’élection du
nouveau maire. « Il y a davantage de
présence policière, c’est certain, mais
qu’est-ce que ça change ? Les migrants
vont mettre quatre jours à passer au lieu
de trois, voilà tout », estime le directeur
de Caritas. Le contrôle aux frontières
obligerait aussi, selon lui, les exilés à
1

des militants No Border. On assiste alors prendre toujours plus de risques.

à un élan de générosité inédit de la part D’après son décompte, 47 ont déjà perdu
de la population locale. En général peu la vie depuis 2015, renversés par des voi-
impliquée, en dehors de quelques asso- tures sur l’autoroute ou électrocutés sur
A

ciations qui collectent vêtements, nour- le toit d’un train en tentant le passage
riture et produits d’hygiène, elle est vers la France. ■
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO
6 POLITIQUE
Sénatoriales :
la majorité de
la droite et du
centre confirme
Le scrutin révèle une stabilité de l’alliance
LR-centristes et une fragilité de la macronie.
CLAIRE CONRUYT £@ClaireConruyt,
EMMANUEL GALIERO£@EGaliero
ET PIERRE LEPELLETIER£@pierrelepel
PARLEMENT Le Sénat ne connaîtra pas la
tempête de l’Assemblée nationale. Le scru-
tin des élections sénatoriales a parlé diman-
che et, sans surprise, la majorité sénatoriale
de la droite et du centre confirme la stabilité
de ses forces sur les 170 sièges renouvelables
cette année. Parallèlement, la bonne tenue
de la gauche dans ce scrutin, deuxième for-
ce politique au Sénat, consolide le clivage
gauche-droite au sein de la Chambre haute.
À droite, le président de l’institution,
Gérard Larcher, s’est félicité de ces résul-
tats. «Le Sénat continuera à être ce contre-
pouvoir indispensable à la démocratie», a-t-
il écrit dans un communiqué. Le président
du groupe LR, Bruno Retailleau, a aussi ex-
primé sa satisfaction. « Ce soir, le groupe LR
sortira de cette élection conforté autour de
140 sénateurs. Nous demeurons le premier
groupe de très loin et la majorité sénatoriale
est confortée », confie le parlementaire au
Figaro. Selon lui, les résultats de ces élec-
tions sont les fruits de la « reconnaissance »
du travail réalisé par le Sénat « sur une li-
gne d’une opposition d’intérêt général, ni
pavlovienne, ni complaisante ». En outre, le
chef de file de la droite sénatoriale, consi-
dère que nombre de grands électeurs per-
çoivent « désormais » le Sénat comme une
institution jouant un « rôle fondamental »
pour la démocratie française. À Paris, les
Républicains ont sauvé leurs 4 sièges sor-
tants et la macronie a perdu le seul sénateur
Renaissance qu’elle comptait.
Si la droite se réjouit du score de ses alliés
de l’Union centriste, qu’elle évaluait en
progression de deux à trois élus dimanche
avant 20 heures, elle considère également
que cette élection est marquée par l’échec
de la majorité présidentielle, coupable selon
LR de conduire une politique de « recentra-
lisation trop éloignée du terrain qui découra-
ge les parlementaires et les élus locaux ».
Déconvenues macronistes
La majorité présidentielle, minoritaire et
dispersée, espérait pourtant conserver elle
aussi une forme de stabilité. Mais dimanche,
elle a essuyé un revers en Nouvelle-Calédo-
nie avec la défaite sévère et inattendue de la
secrétaire d’État à la citoyenneté Sonia Bac-
kès (lire ci-dessous). En dénonçant une
« trahison », la figure du parti présidentiel a
été contrainte de s’incliner devant le candi-
dat indépendantiste Robert Xowie, symbo-
le de l’entrée du FLNKS au Sénat. Seule mi-
nistre candidate engagée dans cette bataille
électorale, elle pourrait démissionner de
son poste cette semaine. « En outre-mer
comme en métropole, l’un des grands per-
dants de ce scrutin sera vraisemblablement le
parti d’Emmanuel Macron », lâchait un sé-
nateur LR dès dimanche matin, à la lecture
des premiers résultats ultramarins, mar-
qués par la victoire du candidat de droite
entré en dissidence sur le Caillou calédo-
nien, Georges Naturel.
Sans doute, les déconvenues macronis-
tes sont la conséquence des dernières mu-
nicipales de 2020. Le camp Macron y avait
essuyé une défaite nationale (2,22 %) et
l’on sait que le mode de scrutin des sénato-
riales impose un vote de « grands élec-
teurs » dont une écrasante majorité (95 %)
est composée de conseillers municipaux. À
l’avantage du camp Macron, l’ex-premier
ministre Édouard Philippe voit quelques-
uns de ses amis élus ou reconduits dans le
Maine-et-Loire et l’Orne.
7 H -9 H
EUROPE 1 MATIN
1
Dimitri Pavlenko
Retrouvez l’Edito politique à 7h53 avec Alexis Brézet
A
et Vincent Trémolet de Villers du Figaro
La gauche, qui avait quant à elle bon es-
poir de franchir dimanche soir la barre
symbolique des 100 sénateurs, se réjouissait
de sa légère progression au Palais du
Luxembourg. L’objectif est donc accompli
pour les trois groupes : socialiste, écologiste
et communiste. C’était le sens de l’accord,
scellé au début de l’été, entre les trois partis.
Les Insoumis n’avaient quant à eux pas été
intégrés dans l’alliance au regard de leur
trop faible ancrage territorial – disposant
par conséquent d’un nombre limité de
« grands électeurs ».
Agacées d’avoir été mis sur la touche, les
troupes de Jean-Luc Mélenchon avaient
décidé de présenter leurs propres listes. En
vain : aucun candidat Insoumis n’a réussi à
transformer l’essai dimanche. De l’avis de
certains socialistes, ces aventures mélen-
chonistes auraient même profité aux listes
socialistes. « Certains élus hésitaient à voter
pour nous car ils considéraient que nous nous
étions trop soumis aux Insoumis. Avoir une
liste face à nous a prouvé que nous étions bien
contre eux », résume un sénateur PS. Résul-
tat : LFI restera donc absente du Palais du
Luxembourg jusqu’au prochain renouvel-
lement de la Chambre haute dans trois ans.
En attendant, de nouvelles figures de gau-
che arriveront dès lundi au Sénat. On y re-
trouvera par exemple un ancien candidat à
l’élection présidentielle de 2022 avec Yan-
nick Jadot, élu sénateur de Paris.
Après le scrutin de dimanche, marqué
aussi par le retour de trois sénateurs RN (lire
ci-contre), les élus seront invités à désigner
les présidents des différents groupes politi-
ques à partir de mardi sachant que les grou-
pes devront être constitués le 3 octobre à
16 heures. Sans surprise, Gérard Larcher,
sénateur réélu dimanche dans les Yvelines,
devrait être également réélu pour un sixiè-
me mandat à la présidence le 2 octobre.
Deux jours plus tard, les membres du bu-
reau du Sénat seront également élus, les
commissions permanentes constituées et la
première séance de l’hémicycle renouvelé
aura lieu le 10 octobre. Deux grands débats
parlementaires sont déjà dans le viseur des
sénateurs issus du dernier scrutin : le budget
2024 et le texte sur l’immigration attendu au
Sénat en novembre. Chaud devant ! ■
Dans le camp Macron, la ministre Sonia Backès battue,
Édouard Philippe obtient plusieurs victoires
LORIS BOICHOT £@lboichot
ET TRISTAN QUINAULT-MAUPOIL
£@TristanQM
TRADUCTION logique d’élections muni-
cipales ratées, le camp Macron a essuyé
plusieurs défaites dimanche, à l’issue des
élections sénatoriales. Mais il maintient le
niveau de ses effectifs au Sénat, grâce à
l’élection d’une poignée d’amis
d’Édouard Philippe : le chef de l’État
conserve une quarantaine de soutiens -
sur 348 sénateurs -, répartis dans quatre
groupes.
Les difficultés récurrentes de la macro-
nie au Palais du Luxembourg ont été in-
carnées, dimanche, par la défaite inatten-
due de Sonia Backès. Seule membre du
gouvernement à briguer un siège lors des
élections sénatoriales, la secrétaire d’État
à la Citoyenneté a été balayée dans son fief
de Nouvelle-Calédonie.
79 000 grands électeurs (ici, à Perpignan) étaient appelés dimanche à renouveller 170 sénateurs.
Le Rassemblement national fait son retour
dans la Chambre haute
PAUL LAUBACHER £@Paul_Laubacher
JORDAN BARDELLA aime d’habitude les
pronostics électoraux. Pour la présiden-
tielle de 2022, il avait visé juste à propos
du score d’Éric Zemmour : 7%, au pre-
mier tour. Mais pour les élections sénato-
riales de ce dimanche 24 septembre, le
président du Rassemblement national
(RN) a préféré ne pas prendre de risque.
Tout juste disait-il à ses interlocuteurs : «
On a zéro sénateur. Si on en a un, c’est une
victoire. Si on en a deux, c’est victoire. Si on
en a trois… ». Le patron ne s’avance pas
tant il sait qu’il est difficile pour les candi-
dats RN d’aller convaincre des grands
électeurs de voter pour eux. Un spécialis-
te de la carte électoral frontiste avait ex-
pliqué l’enjeu du RN ainsi : « Petite vague
: un sénateur. Moyenne vague : deux séna-
teurs. Grosse vague : 3 ou 4 sénateurs ».
La bonne nouvelle frontiste est arrivée
vers 19h27. La tête de liste du parti dans le
Pas-de-Calais, Christopher Szczurek est
élu avec 600 voix, quand ses proches vi-
saient 500 suffrages. Premier adjoint
d’Hénin-Beaumont, fief de Marine Le
Pen, il arrive troisième, devant le PS et
Renaissance. Les départements du Nord
et de Seine-et-Marne offrent deux autres
bonnes surprises : Joshua Hochart et Ay-
meric Durox y sont élus sénateurs.
Victorieux face à elle, Robert Xovie de-
vient le premier indépendantiste calédo-
nien à siéger au Sénat. Un revers que So-
nia Backès a mis sur le compte d’une
« trahison » dans le camp des non-indé-
pendantistes, sur fond de rivalités avec la
maire de Nouméa, Sonia Lagarde, et
d’élection du candidat dissident des Ré-
publicains (LR) Georges Naturel.
Son maintien au gouvernement s’en
trouve remis en cause. L’Élysée n’avait
pas, en amont du scrutin, formulé de rè-
gle en cas de défaite - contrairement aux
précédentes législatives où trois minis-
tres battus avaient été contraints de dé-
missionner. Présente à Nouméa, cette
proche de Sébastien Lecornu et Gérald
Darmanin a échangé avec l’Élysée di-
manche par téléphone.
Bargeton battu à Paris
Elle est attendue mercredi à Paris pour un
entretien lors duquel son sort sera scellé.
Son maintien au gouvernement est « im-
possible », estime un familier du pouvoir.
À Matignon, où la secrétaire d’État est
peu appréciée, la défaite n’a pas été com-
mentée.
Parmi les anciennes ministres, Annick
Girardin (Outre-mer) a été élue dans son
fief de Saint-Pierre-et-Miquelon, à l’in-
verse de Brigitte Bourguignon (Santé),
battue dans le Pas-de-Calais. À Paris, le
camp présidentiel perd son unique siège
détenu par Julien Bargeton. Mais il sauve
celui occupé à Mayotte par Thani Moha-
«L’anomalie démocratique que constituait
l’absence du Rassemblement National au
Sénat est réparée» et le parti «progresse
fortement», s’est félicité son état-major
dans un communiqué.
Le RN avait abordé ces élections séna-
toriales avec beaucoup de réalisme, et un
peu d’ambition. Pour les troupes de Mari-
ne Le Pen et de Jordan Bardella, il y avait
tout de même un objectif : faire aussi bien
qu’en 2014, quand le Front national avait
fait élire deux sénateurs, dans les Bou-
ches-du-Rhône et dans le Var. Le parti de
Marine Le Pen avait perdu ses deux séna-
teurs : l’un, Stéphane Ravier, a rejoint Éric
Zemmour, et l’autre, David Rachline,
avait préféré rester maire de Fréjus. Les
territoires qui pouvaient permettre une
percée du RN ce dimanche étaient finale-
ment peu nombreux : les Hauts-de-Fran-
ce, dans l’Est et dans le Sud-Ouest.
Percée
Le parti à la flamme avait en tout cas deux
cibles : les Républicains (LR), à abattre, et
leurs grands électeurs, à séduire. Lors de
sa tournée dans les Hauts-de-France pour
soutenir les listes RN, Jordan Bardella s’en
était pris aux sénateurs LR, sortants ou
candidats. Pour le patron frontiste, ils in-
carnent cette « fausse opposition » à la
politique d’Emmanuel Macron, qui a voté
pour la retraite à 64 ans, qui pourrait né-
Seule membre du gouvernement en lice pour les sénatoriales, la secrétaire d’État
à la Citoyenneté, Sonia Backès, a été battue dans son fief de Nouvelle-Calédonie.
med Soilihi. Dans les Hauts-de-Seine,
les divisions entre macronistes ne les ont
finalement pas privés d’un précieux siè-
ge : Xavier Iacovelli (Renaissance) tout
comme Isabelle Florennes (MoDem),
candidate sur la liste du patron des séna-
teurs centristes Hervé Marseille, ont été
élus. Au total, les troupes étiquetées Re-
naissance devraient diminuer.
C’est du côté des philippistes d’Hori-
zons que des résultats ont été décrochés.
Dans l’Orne, l’ancien sous-préfet Olivier
.-C. MILHET/HANS LUCAS VIA AFP
gocier avec le gouvernement sur la loi Im-
migration. Il avait aussi fait le pari de pro-
mouvoir une meilleure protection et une
revalorisation du statut des élus locaux.
Le président RN et ses têtes de listes en
ont appelé aux grands électeurs « de droite
» à voter pour leurs listes, seules à même
de porter leur revendication au Sénat.
C’était, de toute façon, la seule stratégie
possible pour les troupes de Marine Le Pen
pour convaincre les maires et autres
grands électeurs de quitter le giron de LR
et d’aller glisser un bulletin RN dans
l’urne. Les candidats frontistes avaient fait
campagne contre l’installation des mi-
grants dans les villes rurales, l’abandon
des services publics et la baisse des moyens
financiers des communes. Des thèmes, se-
lon les stratèges marinistes, capables de
parler à la droite.
Au-delà des trois sénateurs élus, le par-
ti à la flamme confirme sa percée chez les
grands électeurs par rapport à 2017. Dans
les Pyrénées-Orientales, terre d’élection
frontiste, le candidat RN perd mais récolte
234 voix, contre 56 suffrages il y a cinq
ans. Dans les Landes, la candidate frontis-
te passe de 16 voix en 2017 à 86 en 2023. En
Mayenne, 33 grands électeurs ont voté
RN, contre 7 il y a cinq ans. Dans la Meuse,
la candidate du RN obtient 119 suffrages
(31 en 2017). Dans le Loir-et-Cher, le RN
emporte 83 voix (31 en 2017). ■
SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO
Bitz s’est imposé, tout comme le
conseiller régional Cédric Chevalier dans
la Marne, l’ancien maire de Melun Louis
Vogel en Seine-et-Marne, et le sortant
ex-LR Emmanuel Capus dans le Maine-
et-Loire. Édouard Philippe a multiplié les
déplacements avant le scrutin. Avec ses
nouveaux soutiens, a-t-il prévenu le
15 septembre dernier, il espère « conti-
nuer son implantation locale » et « consti-
tuer un élément solide d’un pôle central de
la Chambre haute ». ■

INTERNATIONAL
Trump 2 fait déjà trembler les Européens
L’hypothèse d’un retour aux affaires en 2025 de l’ex-président fait craindre à Bruxelles un repli américain.
ANNE ROVAN £@AnneRovan
CORRESPONDANTE À BRUXELLES
EUROPE Trump 1 avait été un cauchemar
pour les Européens. Trump 2 pourrait être
leur enfer. L’ancien président des États-
Unis a déjà fait connaître sa position sur la
guerre en Ukraine. Il répète à l’envi qu’il
ne lui faudrait pas plus d’« une journée »
pour régler le conflit.
La perspective de voir Donald Trump
revenir à la Maison-Blanche fait trembler
les Européens. Au siège de l’Otan, dans ce
bâtiment qui fait la fierté du secrétaire gé-
néral, Jens Stoltenberg, et que Donald
Trump déteste - trop cher et tellement
dépouillé ! -, le scénario s’installe et enve-
loppe d’un voile sombre les couloirs silen-
cieux de l’organisation. « L’Alliance se re-
met à peine des années 2016-2020, dont elle
était sortie polytraumatisée », soupire un
diplomate. À quelques kilomètres de là,
dans le quartier européen de Bruxelles,
une ville qualifiée de « trou à rats » par
l’ancien président, l’inquiétude infuse
dans les institutions de l’UE. « Ce serait un
désastre pour l’Ukraine et pour l’Europe.
Nous devons être prêts. Nous serons obligés
de faire les choses seuls, sans les Améri-
cains », s’alarme-t-on dans l’entourage
du haut représentant, Josep Borrell.
Être prêt ? Si Kiev travaille activement
à cette option, il est plutôt de bon ton à
Bruxelles de ne pas prononcer le nom de
Trump et de ne pas pointer les lourds en-
jeux qu’aura pour le Vieux Continent et
pour l’ordre mondial le résultat des élec-
tions américaines de novembre 2024. Et,
avant cela, une campagne qui risque d’ef-
friter l’engagement de l’Administration
Biden dans le soutien à l’Ukraine, laissant
dès l’an prochain les Européens davanta-
ge face à eux-mêmes et face à la Russie.
« Il y a une forme de déni, une peur d’aller
sur ce sujet, observe Camille Grand, spé-
cialiste des questions de défense au
Conseil européen pour les relations inter-
nationales (ECFR) et ancien secrétaire gé-
néral adjoint de l’Otan. Il ne faut surtout
pas parler de Trump pour ne pas créer la
prophétie autoréalisatrice ou envoyer le
mauvais signal à l’Administration Biden. »
Ne pas insulter l’avenir
Les diplomates américains de l’Otan, tous
tournés vers la préparation du prochain
sommet de l’organisation, qui célébrera
les 75 ans du traité, ne facilitent guère le
dialogue. « Il existe un fort soutien biparti-
san aux États-Unis quant à la nécessité de
soutenir l’Ukraine aussi longtemps que né-
cessaire, et nous nous félicitons de la maniè-
re dont les Alliés européens intensifient éga-
lement leur soutien à l’Ukraine », fait savoir
l’un d’eux, passant donc sous silence
l’érosion du soutien à l’Ukraine aux États-
Unis, tant au Congrès que dans l’opinion
publique américaine. Selon un sondage du
Pew Research Center réalisé en juin, 44 %
des électeurs républicains considèrent que
les États-Unis apportent trop de soutien à
l’Ukraine. Ils n’étaient que 17 % à penser
cela en mai 2022. Les quatre cycles d’aide
des États-Unis à l’Ukraine représentent
113 milliards de dollars. Soit 1,8 % des dé-
penses totales du gouvernement en 2022
(6 270 milliards de dollars).
Parmi les Alliés, seuls Emmanuel Ma-
cron et Viktor Orban ont mis les pieds
dans le plat. À front renversé. « Soyons re-
connaissants et remercions les États-Unis
d’Amérique. Est-ce que cette administra-
tion sera la même pour toujours ? Nul ne sait
le dire, et nous ne pouvons déléguer notre
sécurité collective et notre stabilité aux
choix des élections américains dans les an-
nées qui viennent », a questionné fin mai le
président français au Globsec de Bratisla-
va, poussant encore cette autonomie stra-
tégique qu’il défend depuis 2017. Ce ballon
d’essai, plusieurs fois lancé, est pour
l’heure toujours tombé à plat. Le dirigeant
hongrois, quant à lui, soutient ouverte-
ment Trump et se réjouirait de le voir re-
venir. « Continuez à vous battre, monsieur
le président ! Nous sommes avec vous »,
postait-il sur X (ex-Tweeter), en avril
dernier. Pour l’homme fort de Budapest,
proche de Vladimir Poutine, les Occiden-
taux en font trop sur le soutien à Kiev. Un
retour de Trump permettrait aussi de ren-
forcer les illibéraux européens, en dé-
montrant leur capacité de résistance.
Du côté des autres capitales et diri-
geants de l’UE, c’est silence radio. Rome a
la tête ailleurs, notamment sur la gestion
des vagues d’arrivées de migrants depuis
la Tunisie. L’Italienne Giorgia Meloni, qui
soutenait naguère l’ancien président
américain, a toutefois créé la polémique
ces derniers jours en séchant à la fois le
discours du président Zelensky à l’ONU et
LE FIGARO lundi 25 septembre 2023
7
Donald Trump, alors président des États-Unis, au siège de l’Otan, à Bruxelles, en juillet 2018. JAAP ARRIENS/NURPHOTO VIA AFP
la traditionnelle réception organisée par commerciale de certains de ses partenai- rin, de l’ECFR, dans une note consacrée à ge vers la Chine, pourrait à nouveau faire
Joe Biden dans le cadre de l’Assemblée res, a rompu avec le gaz russe tout en cher- « L’art de la vassalisation : comment la valoir que les Européens n’en font pas as-
générale des Nations unies. chant actuellement à renforcer sa base in- guerre de la Russie contre l’Ukraine a sez, voire réduire l’engagement des États-
Dans l’absolu, les Polonais, comme tous dustrielle de défense, etc. À marche forcée, transformé les relations transatlantiques ». Unis ou, pire encore, saper la foi dans l’ar-
les Alliés du flanc est de l’Otan, pourraient les premiers jalons de la « Commission « L’invasion russe à grande échelle de ticle 5 en menaçant de quitter l’Otan. Car
redouter les conséquences du retour de géopolitique » promise par « VDL » en l’Ukraine en février 2022 a fait plus que sim- l’objectif des 2 % de PIB, fixé par Barack
Trump, synonyme d’un nouvel affaiblis- 2019 ont été posés. Mais, comme le souli- plement remettre en question cette idée (se- Obama et repris à son compte par Donald
sement de l’Otan. Concentré sur les élec- gne Fabrice Pothier, PDG du cabinet de lon laquelle les Européens devaient être en Trump, ne sera pas atteint en 2024. Seule-
tions à venir, qui ont lieu le 15 octobre, le conseil politique Rasmussen Global, « il y a mesure de diriger la réponse aux crises de ment sept pays parmi les trente et un
PiS, le parti au pouvoir à Varsovie, veut un paradoxe. Si l’Europe est au clair sur ses leur région, NDLR). Elle l’a révélée presque membres sont dans les clous. Et quinze
croire qu’il saura le gérer et nouer des par- déficits, sur ce qu’elle doit faire pour les entièrement vide. La forte réponse améri- pourraient l’atteindre l’an prochain. Les
tenariats bilatéraux avec les États-Unis. compenser, les États-Unis sont devenus en- caine et l’accueil favorable que cette réponse Européens n’ont guère d’autre choix que
Après tout, Trump et Varsovie ont en core plus indispensables avec la guerre en a trouvé dans toute l’UE ont ramené l’Al- d’investir davantage l’Otan. « Il faut, assu-
commun une doctrine ultraconservatrice. Ukraine puisqu’ils donnent le la sur toutes liance dans son mode traditionnel de guerre re un diplomate, que l’Alliance demeure
Et le président Andrzej Duda avait été un les décisions critiques. » C’est aussi l’analy- froide », soulignent les auteurs. Dans ce pour que les Américains puissent y repren-
des rares en Europe - avec le Hongrois se que font Jérémie Shapiro et Jana Puglie- contexte, Trump 2, qui pivoterait davanta- dre demain toute leur place. » ■
Viktor Orban - à ne pas insulter l’avenir.
Après les élections de 2020, il avait atten-
du que le chef d’État déchu admette lui-
même sa défaite pour la reconnaître à son
tour. « Les pays de l’Est ont fait le dos rond
sous Trump 1, se montrant aimables avec lui
pour qu’il ne fasse pas de gestes inconsidé-
rés. Ils pensent toujours que les États-Unis
n’abandonneront jamais l’Europe », analy-
se Pierre Vimont, l’ancien ambassadeur
de France aux États-Unis.
Reste les Allemands. Ils seraient « téta-
nisés », affirment nombre d’interlocu-
teurs. Berlin n’a rien oublié de la manière
dont Trump maltraitait l’ex-chancelière
Merkel, lui mettant sous le nez les confor-
tables excédents commerciaux de son
pays et la faiblesse chronique des investis-
sements allemands en matière de défense.
Cette angoisse transpire jusqu’à « VDL »,
ex-ministre allemande de la Défense et
probable candidate à un second mandat à
la présidence de la Commission. « Cer-
tains pensent qu’il faut être d’autant plus
gentil avec Biden que Trump peut revenir »,
critique un diplomate européen. La Com-
mission tente, en tout cas, de boucler les
dossiers à plus forts enjeux, notamment
les taxes sur l’acier et l’aluminium, un hé-
ritage empoisonné de l’ère Trump.
Une Europe moins naïve
Redoutant d’être lâché par Washington
dans le soutien à l’Ukraine, les Européens
s’emploient aussi à dépasser l’horizon des
élections américaines pour inciter l’Ad-
ministration Biden à faire de même. Se
projetant jusqu’à 2027, ils ont promis dès
juin à Kiev 50 milliards d’euros de sub-
ventions et de prêts pour soutenir le pays
et aider à sa reconstruction. Puis 20 mil-
liards de plus pour le soutien militaire de
l’UE à l’Ukraine. De son côté, l’Adminis-
tration Biden tente de faire adopter par le
Congrès un nouveau cycle d’aides de
24 milliards de dollars qui permettrait de
répondre aux besoins de l’Ukraine jus-
qu’à… début 2025.
Si Trump est effectivement élu et avant
cela candidat, ce qui est loin d’être acquis
au vu des affaires le mettant en cause, il
trouvera une Europe bien différente de
celle qu’il avait laissée en 2020. Beaucoup
moins naïve et plus sûre d’elle-même.
Avec le Covid et la guerre à ses portes, l’UE
a pris conscience de ses faiblesses et de ses
dépendances. Elle essaie désormais de re-
constituer des chaînes de valeur dans les
technologies, s’est lancée dans des parte-
nariats pour mettre la main sur des maté-
A
riaux rares dont elle ne dispose pas, s’est
dotée d’outils pour répliquer à l’agressivité
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO
8 INTERNATIONAL
En Arménie, Djermouk redoute une nouvelle
guerre après la perte du Haut-Karabakh
L’Azerbaïdjan a des vues sur le sud du pays et a juré d’établir un corridor pour relier son enclave du Nakhitchevan.
PATRICK SAINT-PAUL £@psaintpaul
ENVOYÉ SPÉCIAL À DJERMOUK
CAUCASE Juché sur un pont, Ar-
men Tadevasyan désigne du doigt
une montagne de couleur sable au
loin. La frontière séparant l’Armé-
nie de l’Azerbaïdjan court sur la
crête à 12,5 kilomètres de la ville
thermale de Djermouk. « Mainte-
nant, regardez plus bas, invite le
directeur de la petite station de ski
de la ville, s’interrompant pour ti-
rer une longue bouffée sur sa ciga-
rette. Vous voyez cette colline de-
vant nous. Les soldats azéris sont
là, à 4 km. De là ils peuvent tout
voir, observer tous nos mouve-
ments. » L’armée arménienne a
établi ses positions sur la colline
d’en face, à 200 mètres des trou-
pes de Bakou. Dans la nuit du 12 au
13 septembre 2022, l’Arménie a été
confrontée à des affrontements à
grande échelle sur son territoire à
la frontière avec l’Azerbaïdjan.
À Djermouk, les forces azer-
baïdjanaises ont pénétré de sept
kilomètres à l’intérieur de l’Ar-
ménie, où ils ont établi de nouvel-
les positions militaires. Les habi-
tants ont une seule crainte : que la
victoire éclair des forces azerbaïd-
janaises dans le Haut-Karabakh
n’ait été que le prélude à une nou-
velle attaque sur leur ville.
« Le choc était immense en sep-
tembre 2022, se souvient Vardan
Sargsyan, vice-maire de Djer-
mouk. Les Azéris ont frappé avec
des drones, de l’artillerie, des ro-
quettes, des mortiers. Après trois
ou quatre heures de bombardement,
ils ont avancé avec leur infanterie.
Nous sommes une station thermale
pacifique, vivant du tourisme.
C’était la première fois que la guer-
re venait à Djermouk. Les habitants
et les curistes étaient hagards. Tout
le monde est descendu aux abris. ».
« Le monde turc »
Les combats ont fait plus de
200 morts côté arménien. D’après
Erevan 150 km2 de territoire se-
raient désormais occupés par
l’Azerbaïdjan, qui justifie son
agression par les frontières impré-
cises héritées de l’époque soviéti-
que. À Djermouk, les Azerbaïdja-
nais ont pris le contrôle des
célèbres sources d’eau chaude du
même nom.
Vardan Sargsyan en est certain.
Dès que l’Azerbaïdjan aura fini de
s’emparer du Haut-Karabakh, il
attaquera l’Arménie à Djermouk.
Le vice-maire pointe sa ville sur
une carte. « L’absence de réaction
après leur agression contre l’Art-
sakh (nom arménien du Haut-Ka-
rabakh) ne peut que les inciter à
continuer. Ici, nous ne sommes qu’à
26 kilomètres de l’enclave azérie du
Nakhitchevan, explique-t-il. C’est
le point le plus proche. Bakou a des
revendications sur tout le sud de
l’Arménie. C’est un but géopoliti-
que. S’il fait son couloir de Zan-
guezour, il prend toute la région du
Syunik. » Porte de l’Artsakh, cel-
le-ci est aussi frontalière de l’Iran.
Bakou veut ouvrir un « corridor
de Zanguezour », sous souverai-
neté azerbaïdjanaise, qui connec-
terait le pays à son enclave du
Nakhitchevan et par extension à la
Turquie, pays frère. Le président
turc Recep Tayyip Erdogan, qui
« totalement
soutien son allié azerbaïdjanais
dans ce projet, et le président
azerbaïdjanais, Ilham Aliev, réali-
seraient ainsi un rêve commun :
créer entre la Turquie, l’Azerbaïd-
jan et l’Asie centrale une région
qu’Ankara et Bakou désignent
sous le nom de « monde turc ».
Ilham Aliev a juré de prendre le
couloir de Zanguezour, « que l’Ar-
ménie le veuille ou non », laissant
présager une nouvelle guerre. De
son côté, le premier ministre ar-
ménien, Nikol Pachinian, juge ab-
surde un tel corridor et se dit prêt
à laisser les Azerbaïdjanais passer à
A
condition qu’ils empruntent une
route sous souveraineté armé-
nienne. Insuffisant pour Bakou.
Gavar
A ZE RB A Ï DJ A N l’ont »… Les préparatifs arméniens Le directeur de la station
L’Iran, qui a renforcé sa présence à Lac pour faire face à une nouvelle de ski de Djermouk, Armen
la frontière, a prévenu qu’il entre- Sevan agression sont invisibles à l’œil nu. Tadevasyan, désigne
rait en guerre aux côtés de l’Ar- Ni barrières physiques, ni barrages les collines, près de la ville, où
ménie si l’Azerbaïdjan prenait le A RM É NI E ARTSAKH militaires n’ont été érigés pour les troupes azerbaïdjanaises
Djermouk (HAUT-KARABAKH) se sont installées après
contrôle de Zanguezour. Le projet barrer la route aux forces de
une incursion militaire
priverait au passage l’Arménie de vers la Turquie Stepanakert Bakou. L’armée arménienne a-t- en territoire arménien
sa frontière avec l’Iran. Bakou et elle au moins miné le terrain en en septembre 2022.
Ankara auraient la mainmise sur M Latchine aval des nouvelles positions azer-
Za a s s ALBERT LORES POUR LE FIGARO
des routes commerciales vitales et ng Sisian baïdjanaises, pour ralentir leur
Ar
vers Bakou
ax
Goris
i f ezo
pourraient couper l’Iran de l’Eu- progression, s’enquiert-on. Ar-
e
SYUNIK
de ur
NAKHITCHEVAN
rope à tout moment. Erdogan et nguezour » men affiche un air offusqué. « Vous
(AZERB.) e Za
Aliev ont prévu une rencontre bi- rd Depuis la « révolution de ve-
Nakhitchevan rido IRAN ne voudriez quand même pas que
latérale, ce lundi dans l’enclave du or Kapan nous minions notre propre terre » ! lours », qui a porté Nikol Pachi-
Nakhitchevan. IRAN «C e s’exclame Armen. nian au pouvoir, les liens se sont
ant xe
« Tous les jours nous observons r o u te e xi s t Ara tendus entre Moscou et Erevan.
les mouvements des forces azéries,
50 km Erevan trahi par Moscou Vladimir Poutine voit d’un mau-
raconte Vardan Sargsyan. Ils forti- Territoires sous contrôle des Arméniens de l’Artsakh En 1990, l’Arménie avait conquis vais œil la démocratisation de
Territoires sous contrôle azerbaïdjanais depuis 2020
fient leurs positions et les renforcent par la force le Haut-Karabakh, au l’Arménie et son rapprochement
Offensives azerbaïdjanaises le 19 septembre 2023
avec des hommes et du matériel. Ils terme d’une guerre qui fit 30 000 de l’Occident. Opposant démo-
préparent très clairement quelque morts. Depuis, l’équilibre des for- cratie et sécurité, Vladimir Pouti-
chose. » Il y a un an, l’Arménie Réparé, l’hôtel Djermouk ces a clairement basculé du côté ne s’applique à démontrer, en Ar-
avait été débordée par la puissance conserve lui aussi les traces des de Bakou. « Grâce aux pétrodol- ménie comme en Ukraine, que les
de feu azerbaïdjanaise. éclats sur la façade. Frappée par lars, Bakou, qui n’était pas enfermé processus de démocratisation ap-
une roquette, la conduite de gaz dans une alliance sécuritaire avec portent le chaos. « De même que la
Déluge de feu située devant l’hôtel avait explosé. Moscou, a acquis des armes mo- guerre de 2020, la victoire éclair
Armen Tadevasyan désigne les La forêt autour de la paisible sta- dernes qui font la différence auprès azérie dans le Haut-Karabakh crée
stigmates des combats sur les fa- tion thermale avait pris feu. de ses alliés : la Turquie et Israël, un dangereux précédent qui semble
çades des bâtiments de sa petite Cependant Armen en est analyse Arek Kotchimiam, expert justifier le recours à la force plutôt
station de ski, criblés d’éclats. Sur convaincu : à la prochaine attaque, en questions de sécurité à Erevan. qu’à la diplomatie, juge Richard
son téléphone portable, il montre l’Arménie sera capable de repous- Depuis la guerre de 2020 en Art- Giragosian, directeur du Centre
le déluge de feu saisi par ses camé- ser l’assaut azerbaïdjanais. « Ce sakh, et avec la guerre en Ukraine, d’études régionales (RSC) à Ere-
ras de surveillance la nuit du 12 au n’est pas l’Artsakh, assure-t-il. la situation s’est aggravée. Moscou van. Cela ne fait que confirmer les
13 septembre 2022. « Ils nous ont Notre armée a des moyens ici. Elle a trahi Erevan qui avait payé 600 craintes que l’Azerbaïdjan ne se re-
frappé avec tout ce qu’ils avaient : ne les laissera pas passer. Et puis millions d’euros pour la livraison tourne désormais contre l’Arménie
des missiles Grad, des Smertch fa- tous les civils, des enfants aux d’armes russes. Elles ne sont ja- elle-même. Mais il y a une différen-
briqués en Turquie, des D30, des grands-parents se battrons à ses mais arrivées. Soit Poutine voulait ce essentielle pour l’Azerbaïdjan
drones, des bombes à fragmenta- côtés. On comprend qu’ils ont des les garder pour la guerre en Ukrai- par rapport à sa victoire précéden-
tion. On a mis quatre mois à démi- armes plus lourdes, mais il faut un ne, soit il ne voulait simplement pas te. Sur le plan militaire, toute action
ner la station. » cerveau aussi. Et ça, nos chefs les donner à l’Arménie. » de l’Azerbaïdjan à ce stade n’aura
pas l’élément de surprise, qui a été
crucial pour sa victoire militaire
dans le Haut-Karabakh. »
Les réfugiés d’Artsakh franchissent la frontière L’Arménie mise sur le soutien
de la communauté internationale
et sur l’isolement diplomatique
UN PREMIER groupe de réfugiés selon Ashout Baklarian, conseiller que provoquerait une agression
prévenu qu’une victoire de l’Azer-
Je suis fuyant le Haut-Karabakh est entré du président de la République sé- baïdjan équivaudrait à un nettoyage directe de Bakou contre son terri-
dimanche en Arménie. Quelques paratiste déchue de l’Artsakh, où ethnique et une catastrophe huma- toire et qui constituerait une nou-
dizaines d’habitants de cette en- vivent 120 000 Arméniens et at- nitaire, puisque les Arméniens ne velle escalade très sérieuse. « L’at-
brisé. Mais si clave, conquise la semaine passée tend de pouvoir partir pour l’Ar- veulent pas vivre sous le joug des taque du Haut-Karabakh a été
nous n’avons par l’Azerbaïdjan, principalement ménie, conformément aux enga- Azéris. » Dans une déclaration à la rendue possible par l’absence de
des femmes, des enfants et des gements pris par Bakou. « Je suis nation, le premier ministre armé- dissuasion, prévient Richard Gira-
plus d’avenir, personnes âgées, sont arrivés au totalement brisé, confie Ashout nien, Nikol Pachinian, s’est dit gosian. L’Azerbaïdjan a fait face à
c’est mieux centre d’accueil mis en place par le Baklarian, 55 ans, qui a combattu prêt à accueillir les réfugiés. « Si les peu de défis, et les coûts liés à son
d’abandonner gouvernement arménien à Korni- dans la première guerre en 1990. conditions adéquates ne sont pas agression militaire sont restés très
l’Artsakh »
ASHOUT BAKLARIAN,
dzor. « Environ 1 000 personnes ont
quitté la zone dimanche », confirme
Gegham Stepanyan, « ombuds-
Mais si nous n’avons plus d’avenir,
c’est mieux d’abandonner l’Art-
sakh. La plupart des gens se prépa-
créées pour que les Arméniens du
Haut-Karabakh puissent vivre dans
leurs foyers et s’il n’existe pas de
limités. Bakou est renforcé par la
perception de son influence sur
l’Union européenne depuis la
CONSEILLER
DU PRÉSIDENT
man » (représentant du peuple) rent à s’en aller. De toute façon les mécanismes de protection efficaces conclusion d’un accord gazier stra-
DE LA RÉPUBLIQUE pour les questions des droits de Azéris nous forcerons à partir. » contre le nettoyage ethnique, il est tégique, et par l’efficacité de son al-
SÉPARATISTE DÉCHUE l’homme en Artsakh, joint par té- « La majorité des habitants de probable qu’ils considéreront l’exil liance avec la Turquie. Il existe donc
DE L’ARTSAKH léphone. l’Artsakh partira pour l’Arménie, comme le seul moyen de sauver leur peu d’incitation réelle pour que
La totalité des forces armées de au moins 100 000 personnes, estime vie et leur identité », a-t-il dit. ■ l’Azerbaïdjan s’arrête mainte-
l’Artsakh aurait rendu les armes Gegham Stepanyan. Nous avions P. S.-P. (À EREVAN) nant. » ■

Giorgia Meloni
l’équilibriste
célèbre sa
première année
au pouvoir
La chef du gouvernement italien s’est forgé
un capital de confiance à l’étranger mais des
doutes émergent sur sa capacité à réformer.
VALÉRIE SEGOND
ROME
ITALIE Giorgia Meloni, la leader de Fra-
telli d’Italia, qui a remporté les élections
le 25 septembre 2022, a célébré ce
week-end le premier anniversaire de
son arrivée au pouvoir. Une vaste opé-
ration de propagande, bordée par un li-
vret intitulé L’Italie qui gagne. Une an-
née de résultats et un livre d’entretiens,
La Version de Giorgia, visant à ver-
rouiller le récit de cette première année.
Une année où la révolution promise
n’aura pas été ébauchée, malgré les
nombreuses annonces et l’énergie
qu’elle y a mises. Année néanmoins où
elle aura démontré ses qualités d’animal
politique.
Giorgia Meloni a conservé une légiti-
mité électorale intacte, étant même plus
populaire qu’il y a un an. Elle a contrôlé sa
majorité avec la Ligue et Forza Italia,
même si l’approche des européennes
commence à créer des tiraillements. Ses
rapports avec le président de la Républi-
que sont sereins. Mais c’est surtout à l’ex-
térieur qu’elle a surpris : à raison d’une
quarantaine de voyages dans le monde,
elle a rassuré les capitales et lissé son ima-
ge. Elle a tenu les finances publiques, per-
mettant à l’Italie d’emprunter sans mal
sur les marchés, avec des écarts de taux à
dix ans avec l’Allemagne plus faibles qu’il
y a un an. Malgré les sympathies pro-
Poutine chez ses alliés, elle s’est rangée
dans le camp atlantiste et derrière
l’Ukraine. Aujourd’hui, elle tient son
rang dans les organisations internationa-
les, et celle qui avait durement bataillé
contre l’Europe a su établir des rapports
de confiance avec Ursula van der Leyen
et la présidente du Parlement européen,
Roberta Metsola. L’Europe ? Elle en de-
mande toujours plus.
“retentissant
On n’a vu ni tournant
ni vrais
signaux de changement
”
par rapport au passé
LUCIANO FONTANA, DIRECTEUR
DE LA RÉDACTION D’« IL CORRIERE DELLA SERA »
Il est, certes, « plus facile et moins coû-
teux d’améliorer son image par une acti-
vité diplomatique à outrance que de s’at-
taquer aux problèmes de l’Italie », analyse
Giovanni Orsina, politologue à la Luiss.
« Ce gouvernement politiquement légitime
aurait pu mettre en œuvre son ambitieux
programme par étapes. Or on n’a vu ni
tournant retentissant ni vrais signaux de
changement par rapport au passé », ré-
sume le directeur de la rédaction d’Il
Corriere della Sera, Luciano Fontana.
Certes, elle n’a pas rien fait, ayant dé-
monté deux mesures de ses prédéces-
seurs : elle a recalibré le revenu citoyen,
désormais réservé aux personnes inaptes
à travailler. Et a mis fin au « super bonus
de 110 % », un crédit d’impôt pour fi-
nancer des travaux qui a laissé une fac-
ture de 100 milliards d’euros à l’État
italien.
Mais les grandes réformes qu’elle a
promis de mettre en œuvre d’ici à la fin
de la législature n’ont pas dépassé les li-
gnes directrices. Ainsi en est-il de la ré-
forme de la justice, de celle de l’autono-
mie différenciée des régions, de la
réforme fiscale. Les réformes de la
concurrence ou celle des retraites de-
mandées par Bruxelles ? Elles ne sont
évoquées que pour être enterrées. Quant
à la réforme des institutions avec l’élec-
tion directe du premier ministre, son
grand projet qui vise à lui donner plus de
LE FIGARO lundi 25 septembre 2023
INTERNATIONAL 9
EN BREF
Troubles au Kosovo
Des hommes masqués ont
« pris d’assaut » le monastère
de Banjska et sont encerclés par
la police kosovare. Peu de temps
avant ce dimanche, un policier
a été tué alors qu’il patrouillait
près de la frontière avec la
Serbie.Le premier ministre, Albin
Kurti, a fustigé une « attaque
criminelle et terroriste » soutenue
par « des responsables
de Belgrade ».
Deux Palestiniens tués
en Cisjordanie
Deux Palestiniens ont été tués
lors d’un raid mené par l’armée
israélienne dimanche, avant
l’aube, à Tulkarem, en Cisjordanie
occupée, dans un contexte de
recrudescence des violences dans
le conflit israélo-palestinien.
Royaume-Uni :
grogne policière
Nombre de policiers armés
de la police de Londres ont
stabilité, elle n’aura probablement pas la décidé de renoncer à leur port
majorité des deux tiers au Parlement. d’arme après l’inculpation pour
« Elle n’a pas de résultat en termes de poli- meurtre de l’un des leurs, qui
tique publique, mais en termes politiques, a tué par balle un jeune homme
analyse Giovanni Orsina. Car, par les seu- noir il y a un an. À la suite
les annonces, elle obtient le soutien de ses de ce mouvement de grogne
alliés, qui voient leurs idées de droite mises inhabituel, voire inédit, la
en avant même si elles ne déboucheront ministre de l’Intérieur, Suella
pas. » Mais, ce faisant, une petite musique Braverman, a exprimé son
commence à se faire entendre dans les Giorgia Meloni, présidente du Conseil des ministres italien, lors de son arrivée « entier soutien » aux policiers
sondages : ici, les Italiens se seraient at- au sommet de la Communauté politique européenne, au château de Mimi, à Bulboaca, armés, qui « risquent leur vie
tendus à des actions plus concrètes ; là, en Moldavie, le 1er juin. ANDREEA ALEXANDRU/AP pour assurer notre sécurité ».
des doutes émergent sur la capacité du
gouvernement à agir.
Par exemple, sur la lutte contre l’im-
migration illégale, ex-promesse phare :
alors que le nombre d’arrivées a été mul-
tiplié par deux, plus de sept Italiens sur
dix, selon Ipsos, estiment qu’elle n’a pas
tenu ses promesses. Et six sur dix, selon
EMG, ne sont pas satisfaits de la manière
dont elle gère le problème.
Plus inquiétant, l’exécution du vaste
plan de relance européen : ses demandes
de modification du plan et le change-
ment de sa gouvernance ont fait prendre
beaucoup de retard à l’Italie. « C’est pour
cela qu’elle a confié le dossier à son minis-
tre Rafaelle Fitto, et qu’elle ne s’expose ja-
mais dessus car il n’y a que des coups à
prendre », explique Giovanni Orsina.
Aussi l’entourage s’emploie-t-il à dis-
tiller l’idée que ses problèmes sont héri-
tés de l’ère Draghi.
Du reste, plusieurs mesures improvi-
sées ont commencé à sérieusement aga-
cer, dont entre autres la taxation addi-
tionnelle des « extra-profits » des
banques, une mesure si bricolée qu’elle a
fait monter les taux sur la dette italienne
et aura dû être revue plusieurs fois. Car la
confiance résiste mal aux propositions
populistes.
Toujours en campagne électorale,
Giorgia Meloni n’oublie jamais d’ali-
menter la ferveur de son électorat.
Quand la gauche est moribonde, elle
continue d’attaquer cette « arrogance
d’une gauche et d’un certain État qui lui
est lié ». Elle flatte ses aspirations sécuri-
taires, en réagissant à chaque fait divers
par une réponse pénale : contre les orga-
nisateurs de rave parties illégales, contre
les passeurs de migrants à Cutro, contre
les jeunes délinquants de la périphérie.
L’important est qu’elle incarne sa politi-
que, et en assume la responsabilité de-
vant ses électeurs.
Aussi son récit oscille-t-il toujours en-
tre deux représentations de l’Italie com-
me d’elle-même : d’un côté, l’Italie vic-
time, attaquée par l’extérieur qui veut
l’affaiblir, par la BCE qui a cassé sa crois-
sance, par les « pouvoirs forts » qui tor-
pillent ses initiatives, et l’opposition qui
traîne sa famille dans la boue. Ultra-ten-
due et sous contrôle, elle voit la conspi-
ration partout et se méfie de tout le mon-
de, concentre les décisions avec un
cercle restreint des fidèles de la première
heure (à l’exception de son sous-secré-
taire Alfredo Mantovano). De l’autre,
« l’Italie protagoniste », qui, jure-t-elle,
pèse sur la scène internationale,
convainc les autres de la suivre, et rap-
pelle les grandes organisations à leur
mission… Un côté fortement binaire qui,
loin de l’affaiblir, semble lui assurer une
popularité toujours très élevée.
Dans cette même duplicité, entre
l’Europe et ses vieilles amitiés antieuro-
péennes avec lesquelles elle n’a pas cou-
pé tout lien, elle poursuit son numéro
d’équilibriste. Si elle veut peser en Euro-
pe et intégrer l’alliance majoritaire au
Parlement européen, devra-t-elle choi-
sir son camp ? Pas sûr, car c’est juste-
ment cela qui lui permet de maintenir
A
ensemble toutes les sensibilités de la
droite italienne. ■
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO

10 SOCIÉTÉ
Fin de vie : l’avenir, qui, qu’on le veuille ou
non, se fera ensemble ou ne sera
pas ». Sinon dominera le risque de

l’avertissement
« la ghettoïsation, provoquant hos-
tilité et intolérance ». Finalement,
« la solution n’est pas de rejeter,
mais d’assurer, selon les possibili-
tés de chacun, un grand nombre

sans concession
d’entrées légales et régulières, du-
rables grâce à un accueil équitable
de la part du continent européen,
dans le cadre d’une collaboration

de François
Lors de son voyage à Marseille, ses
messages exigeants sur l’euthanasie et
l’immigration ont marqué les esprits.
ARTHUR BERDAH £@arthurberdah
ET JEAN-MARIE GUÉNOIS
£@jmguenois
RELIGION Les vingt-sept heures
passées par François à Marseille -
en rappelant qu’il ne venait pas
« en France » - ont été d’une den-
sité exceptionnelle, tant pour
l’Église que pour ses relations avec
les fidèles.
avec les pays d’origine ».
Dans l’avion qui le ramenait vers
le Vatican, François a confirmé
qu’il fallait s’atteler au problème
de l’immigration à sa source, en
favorisant le développement des
pays concernés, mais que l’urgen-
ce était de sortir les migrants em-
prisonnés dans les « lagers » en
Afrique du Nord et de les sauver
des naufrages en mer.
uUn message consolant
pour l’Église de France
ments des personnes âgés isolées, Cette visite éclair du pape dans la
qui, au lieu d’être valorisées, sont deuxième ville de France, l’im-
parquées dans la perspective pressionnante ferveur et la com-
faussement digne d’une mort dou- munion constatées lors de la mes-
ce, en réalité plus salée que les se pontificale dans le Stade-
eaux de la mer ? » Vélodrome ont eu l’effet d’un
Selon l’Élysée, Emmanuel Macron baume consolant pour les catholi-
a dit au pape à Marseille qu’« un ques français, marqués par la crise
texte » était en « chantier » mais des affaires des prêtres pédocri-
« non encore finalisé » et qu’un minels, dont beaucoup s’étaient
« calendrier général » avait été sentis quelque peu abandonnés
évoqué, sans « entrer dans les dé- par un pape qui refusait de venir

uUn
pape intransigeant sur
la question de la fin de vie
Ce n’était pas prévu, mais le projet
de loi sur la fin de vie s’est invité
dans le voyage du pape à Mar-
seille. Au point de s’imposer com-
tails ». L’Élysée a aussi précisé
que, lors de leur dernière rencon-
tre romaine, « le pape (avait) dit au
président qu’il s’agissait d’un sujet
français, national, et qu’il faisait
confiance au dialogue pour avancer
sur cette question sensible ».
vrer sa vision du drame migratoi-
re. De retour à Rome dimanche, le
pape a dit que « le droit de migrer
(était) en fait devenu pour beau-
coup une obligation, alors que de-
visiter la France.
En commençant son voyage, ven-
Le pape François Pour François, « dire “assez” aux dredi, par un « bonjour, Marseille,
salue la foule réunie migrants revient à fermer les yeux. bonjour, la France », le pape sem-
sur son passage, Tenter maintenant de “se sauver” ble avoir gagné les cœurs, témoi-
avenue du Prado, se transformera demain en tragé- gnant lors de ces heures pro-
avant sa messe géante die. Les générations futures nous vençales d’une joie visible et

me la note finale de ce déplace-
ment, en particulier lors de la
traditionnelle conférence de pres-
se dans l’avion du retour. Interro-
gé pour savoir s’il espérait faire
« changer d’avis » Emmanuel Ma-
cron sur la question - ils avaient
échangé, samedi matin, au Palais
du Pharo, à la demande du prési-
dent -, le pape a répondu qu’ils
n’avaient pas abordé cette ques-
tion. Mais il a rappelé que ce sujet
avait été sur la table lors de leur
rencontre au Vatican en octobre
2022. Le chef de l’Église catholique
avait alors dit, selon lui, au prési-
dent français : « Avec la vie, on ne
joue pas, ni au début ni à la fin. »
uSur
au Stade-Vélodrome,
vrait exister un droit à ne pas mi- remercieront pour avoir su créer les contagieuse. Si les positions de ce
à Marseille, samedi.
l’accueil des migrants, grer pour rester sur sa propre BENOIT TESSIER/REUTERS
conditions d’une intégration indis- pape continuent de susciter des
la constance de François terre », mais il a insisté à Marseille pensable, elles nous accuseront clivages, il aura séduit de nom-
La visite de François à Marseille, sur le devoir des catholiques d’ac- pour n’avoir favorisé que des assi- breux croyants et non-croyants.
qu’il a qualifiée de « ville mosaï- cueillir les migrants, au titre de la milations stériles. » L’artisan de l’incontestable réus-
que » en raison de la coexistence « défense de la vie » - au même ni- Certes, a-t-il concédé, « l’inté- site de cette visite est Mgr Aveline,
de multiples communautés d’ap- veau que la lutte contre l’avorte- gration est difficile », mais elle est archevêque de Marseille. Un
partenance, lui aura permis de li- ment ou l’euthanasie. « clairvoyante », car « elle prépare grand cardinal est né. ■
Aide active à mourir : coup de pression de la Cour européenne
La législation française actuelle, son mari puisse l’aider à mettre fin à juridique de Dignitas a rencontré
« C’est une
victoire d’étape
AGNÈS LECLAIR £@AgnesLeclair

NOUVELLE offensive juridique pour

Une phrase claire qu’il a relancée
dans l’avion et qui résume la pen-
sée de l’Église catholique sur
l’avortement comme sur l’eutha-
nasie, en ligne directe d’ailleurs,
avec tous les prédécesseurs du
pape François.
En réalité, l’Église, comme toutes
les religions, défend ardemment
les soins palliatifs pour limiter les
souffrances des patients, mais elle
refuse que l’on provoque active-
ment la mort. Dans cette logique,
elle s’oppose à l’acharnement thé-
rapeutique si la mort est inélucta-
ble. Celle-ci doit être naturelle,
jamais provoquée. Samedi soir,
François a justifié cette position en
expliquant qu’il ne s’agissait pas
d’une affaire « de foi », mais le
fruit d’un raisonnement « hu-
main ». Il en a situé l’enjeu : « Si on
laisse faire, a estimé le pape, cela
pourrait se finir par une politique de
non-douleur », qu’il a qualifiée
d’« euthanasie humaniste ».
Samedi matin, François l’avait
décrite : « Qui écoute les gémisse-
importante. Il est légiférer sur le suicide assisté et
particulièrement l’euthanasie. Dans le contexte sensi-
ble de l’élaboration d’un projet de loi
significatif sur l’aide active à mourir, la Cour
que, dans européenne des droits de l’homme
un contexte (CEDH) annonce ce lundi la commu-
nication au gouvernement français
national des requêtes de 31 adhérents de l’as-
incandescent, sociation Dignitas, français ou rési-
dant en France. Un nouveau coup de
la décision
pression pour le gouvernement alors
de la Cour que les derniers arbitrages d’Emma-
de Strasbourg nuel Macron sur une nouvelle loi
soit intervenue « fin de vie » sont attendus.
Les membres de Dignitas, connue
relativement pour pratiquer des suicides assistés
rapidement
ME PATRICE SPINOSI,
» en Suisse, mettent en cause l’absence
en droit français de « garanties ap-
AVOCAT DES PLAIGNANTS propriées et suffisantes concernant la
DE L’ASSOCIATION DIGNITAS faculté pour chacun de mettre fin à ses
jours au moment de son choix,
consciemment, librement et dans la
dignité ». Fin 2022, les requêtes de
l’association visant à faire reconnaî-
tre par la France un « droit au suicide
assisté » avaient été rejetées par le
Conseil d’État. Fin avril, elle s’est
donc tournée vers la CEDH.
qui interdit l’aide active à mourir,
contrevient-elle aux droits ou liber-
tés garantis par la convention euro-
péenne des droits de l’homme : droit
à l’autonomie personnelle, droit de
ne pas subir des traitements inhu-
mains ou dégradants ou encore la li-
berté de pensée et de conscience ? La
France va en tout cas devoir défen-
dre la loi Claeys-Leonetti de 2016 sur
la fin de vie devant le juge européen.
« Profonds changements »
« C’est une victoire d’étape importan-
te. Il est particulièrement significatif
que, dans un contexte national incan-
descent, la décision de la Cour de
Strasbourg soit intervenue relative-
ment rapidement, en seulement quatre
mois. Cela atteste de sa volonté de se
saisir de la question du suicide assisté
en Europe », souligne leur avocat,
Me Patrice Spinosi. « C’est la premiè-
re fois que la Cour européenne se pro-
noncera sur le droit à solliciter le suici-
de dans un pays qui n’a pas de
législation sur l’aide active à mourir
depuis 2002 (arrêt Pretty contre
Royaume-Uni) », ajoute leur conseil.
Atteinte de la maladie de Charcot
(SLA), Diane Pretty réclamait que
ses jours sans risquer de poursuites
pénales, au nom du « droit à une vie
décente ». Dans un arrêt d’une gran-
de portée, la CEDH avait alors estimé
que le « droit à la vie » (article 2 de la
Convention) ne comportait pas un
versant négatif, soit un droit à mou-
rir. Depuis, le juge européen ne s’est
penché que sur des lois autorisant
une forme d’aide active à mourir. En
2022, dans son arrêt de l’affaire Mor-
tier contre Belgique, elle a par exem-
ple validé la loi belge sur l’euthanasie
tout en condamnant des « défaillan-
ces du contrôle ».
Dignitas fait aujourd’hui valoir
devant le juge de Strasbourg les
« profonds changements » interve-
nus dans les sociétés européennes
ces dernières années pour l’amener à
revoir sa position. « Le Pays-Bas, la
Belgique, le Luxembourg, l’Espagne,
l’Autriche, l’Italie, l’Allemagne, la
Suisse et, bientôt, le Portugal, autori-
sent des formes d’aide active à mou-
rir », listent les requêtes des mem-
bres de l’association. Au-delà de
l’Europe, le Canada, l’Australie, la
Nouvelle-Zélande et plusieurs États
américains ont eux aussi fait évoluer
les droits. À l’étranger, le lobbying
plus de succès qu’en France. Les ac-
tions qu’elle a menées en Allemagne
et en Autriche ont entraîné des déci-
sions des Cours constitutionnelles.
En 2022, l’Autriche a ainsi dépénalisé
le suicide assisté.
« La Cour européenne a manifeste-
ment été sensible à notre argumenta-
tion faisant valoir que l’affaire ici en
jeu soulève des questions d’ordre mo-
ral ou sociétal et traite d’une problé-
matique nouvelle ou significative dans
le domaine des droits de l’homme »,
commente Me Spinosi.
Jusqu’à présent, la CEDH a pris en
compte la sensibilité éthique de la
question de la fin de vie et laissé une
marge d’appréciation aux États sur
ce sujet, en l’absence de consensus.
Pourrait-elle changer sa doctrine ?
« La jurisprudence de la Cour poursuit
un mouvement de renforcement de la
protection de l’autonomie personnel-
le », met en avant Me Spinosi. Une
condamnation de la France change-
rait la donne et aurait une forte réso-
nance. « Si la France était condam-
née, cela voudrait dire que tous les
autres États devraient eux aussi pré-
voir un accès à un droit à mourir dans
la dignité », avance l’avocat ■

Jean-Marc Jancovici : « La décroissance a commencé »

Invité du « Grand Jury RTL-Le Figaro-M6-Paris Première », l’ingénieur a regretté « le décalage entre le discours politique et les actes ».
SOLINE ROY £@so_sroy
CLIMAT Pour Jean-Marc Jancovici,
la question du réchauffement clima-
tique est à la fois très complexe… et
très simple : nous avons passé les pics
de production de charbon, de gaz et
de pétrole, a-t-il affirmé dimanche
au « Grand Jury RTL-Le Figaro-M6-
Paris Première ». Qu’on le veuille ou
non, « la décroissance physique a
commencé » pour les Français. « Le
monde dans lequel on vit s’est
construit sur deux siècles de consom-
mation croissante des énergies fossi-
les, et on voudrait en trente-cinq ans
s’en affranchir. On a mis la barre très
A
spécialiste de l’énergie. À la veille de
la présentation par Emmanuel Ma-
cron de sa stratégie de planification
écologique, l’hyperactif défenseur
du climat (il est président du think-
tank The Shift Project, associé du ca-
binet de conseil Carbone4, profes-
seur à Mines ParisTech et membre du
Haut Conseil pour le climat) a salué
une initiative « incontournable ».
Mais il reste sur ses gardes : « Il faudra
juger sur pièces. » Or Jean-Marc Jan-
covici a regretté « un décalage entre
le discours et les actes ».
« Quand vous changez les prati-
ques, il y a des gagnants et des per-
dants », et cela oblige à des décisions
« difficiles ». Mais « ne pas imposer de
« Quand vous remplacez votre voiture
de 2 tonnes par un vélo, c’est de la dé-
croissance, mais est-ce désagréa-
ble ? » La collectivité a son rôle à
jouer, par exemple en développant
les pistes cyclables et les transports
en commun.
« S’organiser autrement »
Là encore, nous n’avons guère le
choix : « Il y a 40 millions de voitures
particulières en France, et même si on
électrifie tout ce qu’on peut, on n’aura
jamais 40 millions de véhicules électri-
ques. Il faut s’organiser autrement. »
Jean-Marc Jancovici a aussi défendu
Jean-Marc Jancovici était l’invité, le nucléaire. « Si l’on veut des garan-
dimanche, du « Grand Jury ties (pour avoir l’électricité en per-
le solaire et l’éolien, par essence
fluctuants.
Capitalisme et démocratie sont
compatibles avec le climat… à condi-
tion de quelques ajustements. « La
réglementation environnementale
n’est pas du tout incompatible avec le
capitalisme. » Quant à la démocratie,
c’est « un système remontant, le som-
met bouge quand la base bouge. Au
Shift Project, nos vrais interlocuteurs,
c’est la société civile. » Il faut s’inter-
roger sur ce qui est « acceptable » par
la population. « Mais est-ce accepta-
ble d’avoir un nombre croissant de
gens qui ne pourront pas se déplacer ?
Est-ce acceptable, un monde où l’été
que nous venons de vivre n’est qu’une

haut, et on n’a pas tellement le choix », contrainte, c’est irréaliste ». Toutes RTL-Le Figaro-M6-Paris manence), on doit développer des plaisanterie au regard de ce qui nous
a affirmé le médiatique ingénieur ne sont pas indésirables, a-t-il glissé. Première » N. KOVARIK /AGENCE 1827 moyens de back-up » pour compléter attend ? » ■

lefigaro.fr/santé
DOSSIER
LA SANTÉ MENTALE
DES JEUNES
MISE À MAL PAGES 12 ET 13
Face à Alzheimer, les Ehpad contraints
d’accélérer leur transformation
Face à la hausse
des troubles
neurocognitifs
chez leurs
résidents,
les groupes
tentent d’inventer
l’Ehpad
de demain.
KEREN LENTSCHNER
£@Klentschner
GRAND ÂGE C’est une résidence
artistique hors du commun. Pendant
deux semaines, Régine, Marthe,
Paul * et les autres ont quitté la Villa
d’Épidaure, leur maison de retraite
située en région parisienne, pour un
manoir breton au cœur de la forêt de
Brocéliande. Atteints de la maladie
d’Alzheimer, ils ont participé à des
ateliers d’écriture, de théâtre et de
musique, accompagnés d’une art-
thérapeute, de musiciens et d’une
poétesse, ainsi que de certains de
leurs soignants. Cette expérience
inédite, qui a eu lieu il y a un an,
s’intègre dans un projet de recher-
che du groupe LNA Santé et donnera
naissance en 2025 à un documentai-
re d’un réalisateur indépendant.
« Nous sommes sortis de tout cadre
institutionnel, raconte Laure Jouatel,
directrice médicale de LNA Santé.
Cela nous a permis d’évaluer l’impact
de l’environnement sur le sommeil, la
qualité de vie, le moral de nos rési-
dents atteints de la maladie d’Alzhei-
mer, mais aussi sur la qualité de vie au
travail des professionnels. Nous
n’avons pas peur d’explorer des pis-
tes. Il nous faut réfléchir autrement à
ce que seront les Ehpad de demain. »
Comme LNA Santé, pionnier dans
le secteur, la plupart des groupes
d’Ehpad, qu’ils soient publics, pri-
vés ou associatifs, PME ou multina-
tionales, planchent sur une évolu-
tion de la prise en charge des
troubles neurocognitifs liés à
Alzheimer et aux maladies apparen-
tées (maladie à corps de Lewy, dé-
mences parkinsoniennes, démence
vasculaire et dégénérescences lo-
baires fronto-temporales). L’am-
pleur de la tâche est énorme. L’Ins-
pection générale des affaires
sociales (Igas) a publié mi-juillet un
rapport sur le sujet, sans appel : les
Ehpad « ne sont pas adaptés au
changement rapide du profil des rési-
dents qui présentent de plus en plus
des troubles cognitifs ». Près de la
moitié des Ehpad n’auraient aucun
dispositif adapté à la prise en charge
de la maladie. Et si la palette des dis-
positifs existants (pôles d’activité et
de soins adaptés, unités d’héberge-
ment renforcé, unités de vie Alzhei-
mer, unités cognitivo-comporte-
mentales…) est satisfaisante, il y a
trop de « difficultés de fonctionne-
ment et d’organisation » en raison
notamment de cahiers des charges
trop « rigides » et de « sérieux pro-
blèmes de recrutement ». Enfin,
l’Igas déplore un « investissement
dans les dispositifs spécialisés qui
s’est fait au détriment de l’absence de
transformation globale des Ehpad ».
Pourtant, il y a urgence : 1,2 mil-
lion de personnes sont atteintes de
PSYCHO
COMMENT APPREND-ON
À S’ADAPTER
AUX CIRCONSTANCES ? PAGE 14
Dans le cadre la maladie d’Alzheimer, et plus
d’un projet de recherche d’une personne sur trois parmi les
du groupe LNA Santé, 90 ans et plus. Compte tenu du
des personnes atteintes vieillissement de la population, les
de la maladie malades seront près du double en
d’Alzheimer 2050. « En France, 60 % à 70 % des
ont séjourné
résidents sont atteints de troubles
deux semaines
dans une résidence cognitifs liés à Alzheimer et aux ma-
artistique. ladies apparentées », estime Laure
ALOEST FILMS / Jouatel. « Nos Ehpad doivent
LES ESPRITS LIBRES s’adapter à l’augmentation du nom-
bre de résidents concernés mais aussi
à la variété des stades de la maladie
qui entraîne une palette de besoins
très différents, ajoute Delphine Mal-
let, directrice générale déléguée de
DomusVi. On n’accompagne pas de
la même façon le résident qui peut
encore accomplir certaines tâches
quotidiennes et celui qui présente des
troubles aigus du comportement. »
De l’aveu général, c’est tout le
modèle qui doit être repensé, du
domicile à l’Ehpad, du dépistage
précoce aux soins palliatifs. Si la ré-
flexion est engagée depuis une di-
zaine d’années, notamment dans la
foulée du plan Alzheimer (2008-
2012), la prise de conscience s’est
accélérée et les principaux groupes
d’Ehpad déploient de nouvelles
feuilles de route pour repenser l’en-
semble de leur accompagnement.
Le Covid et le confinement imposé
aux établissements ont sans doute
joué un rôle catalyseur. « La crise
sanitaire a montré une nouvelle fois
la nécessité de trouver le bon équili-
bre entre la sécurité du résident et sa
liberté d’aller et venir et de maintenir
du lien social », estime Monique Gi-
rard, directrice médicale du groupe
Colisée. « Un Ehpad doit rester un
lieu de vie, il ne doit pas ressembler à
un hôpital », renchérit Antoine
Piau, professeur de gériatrie au
CHU de Toulouse, directeur médi-
cal de Clariane (ex-Korian).
Sur le modèle des Pays-Bas, de
nombreux groupes s’efforcent de
mettre en place de petites unités au
sein des établissements. « Il y a une
vraie volonté de recréer un environ-
nement comme à la maison et de mo-
biliser les résidents autour d’activités
du quotidien qui permettent de sti-
muler leurs repères et de réduire ainsi
leur anxiété », commente Delphine
Mallet. Clariane teste des « maison-
nées » dans 4 établissements avant
de les déployer au niveau national :
la vie s’organise par étage, avec 8 à
12 résidents par unité de vie qui ont
leur propre salle à manger, leur piè-
ce commune mais aussi leur équipe
de soignants, afin de préserver leurs
repères. « On leur donne la flexibilité
d’adapter la routine quotidienne de
soins au rythme des résidents, expli-
que Antoine Piau. Cela permet de les
apaiser. Les familles doivent accep-
ter qu’à 11 heures, leur parent ne sera
pas forcément habillé et qu’il aura
commencé sa journée par une grasse
matinée ou une activité. »
“le résident
Nous aidons
à faire seul
un maximum de tâches
quotidiennes
afin de lui redonner
un sentiment de
”
contrôle sur sa vie
DELPHINE LANGLET, DIRECTRICE
DE LA FONDATION PARTAGE
Ces dernières acceptent de moins
en moins de voir leurs proches privés
de leur liberté, et l’Igas a pointé la
nécessité d’« encourager le dévelop-
pement d’Ehpad sans unités de vie
fermées » et de mieux encadrer
« contentions physiques et chimiques »
et « restrictions d’aller et venir ».
« Nous avons repensé nos unités pro-
tégées afin qu’elles soient des espaces
plus libres et ouverts dans un cadre sé-
curisé », raconte Delphine Langlet,
directrice de la Fondation Partage et
Vie qui gère 87 Ehpad. « Dans le cadre
de nos indicateurs de soins, nous es-
sayons de tendre vers le “zéro conten-
tion” (barrière au lit, ceinture au fau-
teuil…) », ajoute Monique Girard.
Les professionnels s’accordent à
penser que c’est toute l’architecture
des établissements qui doit être re-
pensée afin d’éviter les longs cou-
loirs, les grandes salles de réfectoire,
favoriser l’entrée de la lumière et la
distinction jour-nuit… Un chantier
dont s’emparent les groupes en cas
de rénovation ou de construction de
nouveaux bâtiments. À la Résidence
du lac (Alpes-de-Haute-Provence),
dédiée à l’accompagnement des
personnes atteintes de troubles neu-
rocognitifs, le groupe Colisée a veillé
à ce que l’architecture favorise la
sensation de liberté des résidents.
L’établissement comprend deux
unités de plain-pied ouvertes sur un
patio intérieur libre d’accès et sur
des jardins extérieurs sécurisés.
Tout concourt vers une indivi-
dualisation du parcours, notamment
pour mieux prendre en charge les
comorbidités. « On ne peut plus in-
dustrialiser les soins comme on le fai-
sait autrefois », insiste Antoine Piau.
Les groupes d’Ehpad, qui possèdent
aussi des cliniques (Orpea, Clariane)
et des services d’aide à domicile,
veulent renforcer l’interdisciplina-
rité. « Il faut favoriser la collaboration
entre gériatres, psychiatres, neurolo-
gues et rééducateurs », ajoute Pierre
Krolak-Salmon, directeur médical
d’Orpea, neurologue et gériatre, qui
a mis en place une plateforme de té-
lé-expertise pour réduire les passa-
ges aux urgences.
Les dernières années ont aussi fa-
vorisé un consensus autour d’un
usage plus limité des psychotropes,
connus pour leurs effets secondai-
res (risques de somnolence ou de
chute), et l’adoption de thérapies
non médicamenteuses, qu’il s’agis-
se de la méthode Snoezelen (stimu-
lation sensorielle), de musicothéra-
pie ou de médiation animale. Dans
les établissements de la Fondation
Partage et Vie, le déploiement de la
méthode Montessori a été accéléré
depuis trois ans, tout en continuant
à en évaluer les impacts cliniques et
organisationnels au travers d’une
étude. Dans chaque établissement,
des référents s’assurent du suivi.
« Nous aidons le résident à faire seul
un maximum de tâches quotidiennes
afin de lui redonner un sentiment de
contrôle sur sa vie, détaille Delphine
Langlet. Nous nous appuyons sur ses
LE FIGARO lundi 25 septembre 2023
STOCK.ADOBE.COM,
capacités résiduelles. La mémoire
des gestes du quotidien est souvent
peu atteinte par la maladie. » Parmi
les méthodes utilisées par Orpea,
qui a fait d’Alzheimer l’un des pi-
liers de sa reconstruction, figure la
thérapie par la réminiscence, qui
permet de travailler avec l’aide des
proches sur les souvenirs anciens
afin d’apaiser le malade. À partir de
l’automne, le groupe va mener des
expériences pilotes autour du
maintien du « rôle social » des rési-
dents, en les emmenant au marché,
en organisant un atelier pain…
« L’adoption de ces approches per-
met de désamorcer l’anxiété et de li-
miter les troubles du comportement
(cris, agitation, agressivité…) », dé-
taille son directeur médical.
Cela doit contribuer à « décloison-
ner santé, bien-être et qualité de
vie », selon Pierre Krolak-Salmon,
qui plaide pour plus de stimulation
cognitive, de relaxation et d’activi-
tés de psychomotricité. Des plans de
formation massifs sont déployés
dans les groupes pour éduquer les
soignants à ces nouvelles approches.
Mais il manque encore cruellement
d’encadrants, dédiés notamment à
ces tâches. « En France, tout le finan-
cement du système de santé est tourné
vers l’acte de soin pur, regrette Del-
phine Mallet. La prise en charge des
troubles cognitifs nécessite du temps
supplémentaire, individualisé, axé
autour du bien-être. Les dotations de
soins et dépendance des Ehpad, al-
louées par les ARS et les départe-
ments, ne le prennent en compte que
très partiellement. »
La crise sanitaire a aussi montré
la nécessité de renforcer les rela-
tions avec les familles. Les Ehpad
sont souvent leur ultime recours et
elles sont « très fragiles, rongées par
la culpabilité et épuisées, détaille
Delphine Langlet. Cela peut se tra-
duire par une méfiance à l’égard des
soignants que nous devons désamor-
cer. » Des outils de communication
se généralisent, mais aussi des « ca-
fés des aidants ». La mue du secteur
A
est en marche. ■
* Les prénoms ont été changés.
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO
12 DOSSIER SANTÉ
Covid : le moral des jeunes s’est-il rét
Trois ans après l’apparition du virus, les enfants et les adolescents sont plus nombreux à exprimer une vér
psychique. Un mal-être qui interpelle les professionnels, mais dont on ignore encore s’il sera durable.
ANNE PRIGENT
aprigent@lefigaro.fr
PSYCHIATRIE « Lou a toujours
été une petite fille drôle, pleine de
vie… Nous avons donc été très éton-
nés lorsque, à 12 ans, elle nous a de-
mandé de consulter un psy. Elle avait
des angoisses nocturnes, peur qu’on
vienne la tuer. Elle me dit que cela n’a
rien à voir, mais ces angoisses sont
survenues peu de temps après que la
mère d’une de ses amies a été tuée
par son ex-mari pas très loin de
l’école », raconte Maria. Aujour-
d’hui, Lou a 14 ans et est suivie de-
puis un an en centre médico-psy-
chologique. Ses angoisses sont
toujours là. Lou fait partie des
1,6 million des moins de 18 ans qui,
comme l’a rappelé la Cour des
comptes en mars dernier, souffrent
d’un mal-être profond. Soit 13 %
d’entre eux !
La pandémie de Covid-19 n’y est
pas étrangère. Angoisses, dépres-
sions, phobie scolaire, troubles du
comportement alimentaire et sur-
tout tentatives de suicide ont explo-
sé à la sortie du confinement. « Les
arrivées aux urgences pour situation
de crise ont augmenté de 30 % à la fin
de l’année 2020. Nous nous atten-
dions à une augmentation, mais pas
à cette explosion », explique le
Pr Marie-Rose Moro, directrice de
la maison des adolescents de l’hôpi-
tal Cochin, à Paris. « Nous avions
des pathologies sévères, des tentati-
ves de suicide graves. Nous avons vu
arriver des préadolescents de 11-
12 ans et surtout des jeunes filles »,
surenchérit le Pr Manuel Bouvard,
chef du service de pédopsychiatrie
au CHU de Bordeaux.
Depuis, le nombre de passages
aux urgences a diminué. « Mais il
reste bien supérieur à celui enregistré
avant la pandémie de Covid », rap-
pelle le Pr Marie-Rose Moro. La cri-
se sanitaire qui semble derrière
nous ne l’est pas forcément pour
tous ces jeunes, qui continuent à en
payer le prix. « Le Covid a été un ca-
talyseur. Des adolescents qui n’al-
laient pas trop mal ont vu leur santé
mentale se dégrader, et pour ceux
qui allaient déjà mal cela a été pire »,
résume le Pr Ludovic Gicquel, chef
du service de pédopsychiatrie à
Poitiers.
L’adolescence est une période de
fragilité émotionnelle durant la-
quelle les sources de stress sont
nombreuses. Mais tous les jeunes ne
sont pas égaux face à cela. « C’est un
peu comme une bouteille d’eau qu’on
remplit et qui finit par déborder.
Chaque individu va avoir une capaci-
té différente à gérer des facteurs de
stress qui s’accumulent et conduisent
à une dégradation potentielle de sa
santé mentale », illustre le Pr Ri-
chard Delorme. Cette capacité à ré-
sister dépend des propres facteurs
de risque de chaque enfant : les filles
sont plus vulnérables, de même que
les adolescents ayant un handicap
physique ou mental, ceux ayant des
difficultés d’apprentissage ou ayant
subi des violences physiques ou
sexuelles. S’ajoutent à ces fragilités
propres à l’individu les stress liés à
l’environnement. « Une séparation,
un décès, un déménagement… Tous
ces événements peuvent déstabiliser
un enfant fragile », affirme le Pr Ma-
nuel Bouvard.
Pour de nombreux enfants et
adolescents, le Covid a été le stress
de trop. D’autant plus quand leurs
parents, et de façon générale les
adultes, eux-mêmes inquiets, voire
perdus, n’ont pas su les rassurer.
Quant aux adolescents, ils ont à cet
âge besoin de s’éloigner de la cellule
familiale et leur référence sociale
passe alors par le groupe. Mais ils
ont été enfermés avec leurs parents
et coupés de leurs amis. « Nous leur
avons volé deux ans de scolarité. À
cet âge, c’est énorme ! Après le pre-
mier confinement, mon fils n’allait
pas très bien. Un jour que je le pous-
sais à aller voir ses amis, il a eu cette
phrase marquante : “Pourquoi j’irais
A
les voir ? On n’a plus rien à se racon-
ter on ne va plus au collège” », ra-
conte le Pr Olivier Bonnot, profes-
seur de psychiatrie de l’enfant et de
l’adolescent à l’université de Paris-
Saclay.
Maintenant que le Covid n’est
plus dans les esprits, la santé men-
tale de ces enfants et adolescents
va-t-elle s’améliorer ? Les spécia-
listes ne sont pas confiants. « Ils sont
un peu le symptôme de l’état de notre
société. Ils subissent de plein fouet la
crise climatique, la peur du déclasse-
ment, la guerre en Ukraine… Une
crainte de l’avenir qui se double d’un
stress de leur avenir immédiat que
l’école, la réforme du bac et Parcour-
sup entretiennent », affirme le
Pr Philippe Duverger, chef de servi-
ce de pédopsychiatrie du CHU
d’Angers. « Nous sommes dans une
société qui a une vision négative de
l’avenir et qui n’est pas bienveillante
vis-à-vis de sa jeunesse », ajoute le
Pr Marie-Rose Moro.
“ Nous sommes dans
une société qui a
une vision négative de
l’avenir et qui n’est pas
bienveillante vis-à-vis
de sa jeunesse
PR MARIE-ROSE MORO
” Source : Santé publique France, Enabee
Ce tableau inquiétant est cepen-
dant nuancé par certains spécialis-
tes, qui préfèrent évoquer le verre à
moitié plein. « Les taux de suicide
ont baissé de 40 % entre 2004 et
2018. C’est vrai en France comme
dans la plupart des pays occidentaux,
sauf aux États-Unis », souligne le
Pr Bruno Falissard, pédopsychiatre,
directeur du centre de recherche
Inserm en épidémiologie et santé
des populations (CESP) à Villejuif.
Pour lui, cette diminution du taux
de suicide est en partie liée au fait
que, par certains aspects, la société
est moins maltraitante avec les jeu-
nes. « Aujourd’hui, on parle plus des
violences ou encore de l’inceste, et
cela protège mieux les enfants », es-
time-t-il. Autre paradoxe, selon lui,
une des raisons pour lesquelles le
niveau de souffrance psychique ex-
Comment savoir si mon enfant
souffre, et comment l’aider ?
IL EST PARFOIS difficile de faire
la part des choses entre une crise
d’adolescence et un véritable
mal-être. Quelques conseils.
uSurveiller
les changements
de comportement
Tout changement chez un enfant
ou un adolescent mérite qu’on y
prête attention. L’adolescent qui
arrête l’activité sportive ou cultu-
relle qui lui plaisait jusqu’alors,
celui qui souffre de troubles du
sommeil, de l’alimentation, celui
qui ne veut plus voir ses amis ou
encore celui qui voit ses résultats
scolaires chuter et/ou qui ne veut
plus se rendre au collège ou au ly-
cée… Certes, ces changements
sont présents chez la quasi-totali-
té des adolescents. « Mais ce qui
doit alerter, c’est lorsque cela s’ins-
talle dans le temps », précise le
Pr Philippe Duverger, chef du ser-
vice de pédopsychiatrie à Angers.
Chez les plus jeunes, l’expression
du mal-être peut encore être plus
difficile à décrypter. « Ils vont
être en colère, irritables. On y voit
des troubles du comportement, on
le trouve pénible et on devient plus
sévère avec lui alors qu’il va mal »,
explique le Pr Olivier Bonnot,
professeur de psychiatrie à l’uni-
versité de Paris-Saclay et prati-
cien à l’hôpital Barthélemy-Du-
rand, dans l’Essonne.
uÉcouter
son enfant
Cela paraît une évidence : pour
savoir comment va un ado ou un
enfant, il faut parler avec lui et
Une hausse des syndromes dépressifs
durant la pandémie
Prévalence des syndromes dépressifs chez les 15-24 ans, en %
Syndromes majeurs :
Syndromes mineurs :
24
20
16
12
8
4
0
2014 2019
Source : Drees
Les troubles émotionnels
et du comportement chez les enfants
Troubles de santé mentale probables chez les enfants
de 6 à 11 ans,en 2022,en%
Trouble Trouble
émotionnel oppositionnel
6,6
10,6
3,7
1,4
FILLES
Davantage de consommation
de psychotropes
Délivrances de psychotropes aux jeunes de 0 à 19 ans, en 2021
En 2021, alors que 533 599 délivrances d’anxiolytiques
étaient attendues, il y en a eu en réalité 620 175
Anxiolytiques
Antidépresseurs
Antipsychotiques
Source : Hcfea
primée est plus élevé s’explique par
une meilleure attention aux autres.
« Ils communiquent beaucoup par
écrit via les réseaux et contrairement
à ce que pensent les adultes ils sont
très conscients de l’importance des
mots utilisés et développent une apti-
surtout écouter ce qu’il a à dire.
« Je conseille aux parents d’avoir
des moments privilégiés d’échan-
ges avec leurs enfants. Cela leur
permettra de constituer un baro-
mètre de la santé mentale de l’en-
fant sur lequel s’appuyer pour
évaluer s’il va bien ou pas », pré-
cise le Pr Richard Delorme, chef
du service de pédopsychiatrie de
l’hôpital Robert-Debré, à Paris.
uNe
pas hésiter à évoquer
les idées suicidaires
L’enfant, comme l’adolescent,
évoque rarement son mal-être.
« Les enfants parce qu’ils ne savent
pas ce que c’est et les adolescents
parce qu’ils ne parlent pas facile-
ment aux adultes », explique le
Pr Olivier Bonnot. C’est pourquoi
il recommande aux parents qui
observent chez leurs enfants des
petits signes qui les inquiètent de
les interroger très ouvertement.
« Il ne faut pas hésiter à demander
à son enfant s’il est triste en ce mo-
ment », affirme-t-il. Et si la ré-
ponse est positive, lui demander
s’il a des idées suicidaires. « En
posant cette question, vous n’aug-
mentez pas le risque de passage à
l’acte, au contraire. Si l’enfant ou
l’adolescent a des idées suicidaires,
cette simple question va le soula-
ger », insiste le Pr Olivier Bonnot.
uSavoir
mobiliser
les bonnes ressources
L’accès aux pédopsychiatres est
aujourd’hui particulièrement
difficile. « Nous n’avons pas trou-
Hommes Femmes
Hommes Femmes
Mai 2020 Nov. 2020 Juil. 2021
TDAH* Au moins
un trouble
15,3
9,4
6,6
13
4,6 5 5,6
3,2
GARÇON TOTAL
*Trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité
ATTENDU RÉEL
533 599 620 175
433 951 532 874
463 577 498 368
Infographie
tude à comprendre les autres supé-
rieure à celle qui existait il y a trente
ans. Mais cela a entraîné une diminu-
tion de leur seuil de tolérance à la vio-
lence verbale. Ils vont se sentir plus
rapidement agressés », analyse le
Pr Bruno Falissard. Plus que l’envi-
vé de consultation en cabinet de
ville et nous avons attendu un an
avant d’obtenir un rendez-vous en
centre médico-psychologique »,
raconte Maria, la maman de Lou,
qui souffre d’angoisses noctur-
nes. Pour pallier ce manque de
professionnels, les spécialistes de
la santé mentale de l’enfant met-
tent en place des ressources.
« Nous avons élaboré un site inter-
net, clepsy.fr, pour donner des
outils aux parents sur des problé-
matiques comme l’anorexie, l’an-
goisse, les idées suicidaires… Bien
évidemment, le digital ne peut pas
tout régler, mais c’est un premier
niveau d’accompagnement pour
les parents », explique le Pr Ri-
chard Delorme. Les pédopsy-
chiatres insistent également sur
le rôle important des soignants
de première ligne et sur la mise
en place de « Mon soutien psy »,
qui permet d’avoir accès à
huit séances de psychothérapie
remboursées. Enfin, les adoles-
cents peuvent trouver conseil et
écoute au sein des maisons des
adolescents, aujourd’hui plus
d’une centaine sur le territoire
français. « Quatre adolescents sur
dix qui poussent la porte de la
maison des adolescents à Poitiers y
viennent sans prendre de rendez-
vous. Et très souvent ce sont les
adolescents eux-mêmes qui y en-
voient des jeunes de leur âge », af-
firme le Pr Ludovic Gicquel, chef
du service de pédopsychiatrie à
Poitiers. ■
A. P.
Selon une étude ronnement, c’est donc la percep-
de la Cour des comptes, tion de cet environnement qui
1,6 million des moins changerait. Publiée la semaine der-
de 18 ans souffrent nière, une enquête de l’Injep (Insti-
d’un mal-être profond. tut national de la jeunesse et de
351213493/ZAKALINKA -
l’éducation populaire) et du Crédoc
STOCK.ADOBE.COM
(Centre de recherche pour l’étude et
Repérer plus pré
les adolescents à r
LE PR JEAN-LUC MARTINOT est
pédopsychiatre et dirige l’équipe
de recherche Inserm trajectoires
développementales et psychia-
trie, au Centre Borelli (École nor-
male supérieure Paris-Saclay,
université Paris-Saclay). Il a
mené des travaux montrant que
la dépression et l’anxiété entraî-
naient chez les adolescents des
modifications cérébrales avant
même l’apparition de symptô-
mes. Il plaide pour un dépistage et
une prise en charge précoces des
plus vulnérables.
LE FIGARO. - Que nous apprend
l’imagerie cérébrale sur
la vulnérabilité des adolescents
vis-à-vis de la dépression ?
Pr Jean-Luc MARTINOT. - En
suivant une cohorte d’adoles-
cents européens âgés de 14 à
16 ans, nous avons constaté que
les modifications de volume de
matière grise et de qualité de la
substance blanche de certaines
régions du cerveau à 14 ans
étaient un signe avant-coureur
de l’apparition d’une dépression
à 16 ans. Cela ne veut pas dire que
ces modifications sont la seule
cause de la dépression, mais elles
sont la marque d’une vulnérabi-
lité. Elles sont présentes alors que
les adolescents ne montrent pas
encore de véritable syndrome
clinique de dépression, mais ils
ont déjà des troubles de la régu-
lation émotionnelle. Par exem-
ple, rien ne les intéresse, ils sont
bougons, ils se replient sur eux-

tabli ?
ritable souffrance
l’observation des conditions de vie)
montre que 67 % des 18-30 ans sont
confiants pour les années à venir,
un chiffre en hausse de 7 points par
rapport à 2021. « Les stigmates de la
pandémie commencent à s’estom-
per », estiment les auteurs. ■
écocement
risque
mêmes, ou sont tristes,
anxieux, etc.
Cela veut-il dire que l’imagerie
du cerveau est un outil qui
permet de repérer précocement
les adolescents à risque de faire
une dépression ?
Il n’est pas question de faire du
dépistage avec l’imagerie par ré-
sonance magnétique (IRM), qui
reste un outil de recherche pour
nous aider à repérer et à com-
prendre les signes précoces de
vulnérabilité, et d’en déduire leur
correspondance avec des ques-
tionnaires. En revanche, comme
nous l’avons montré dans une ré-
cente étude sur les troubles an-
xieux, il serait possible, grâce à
des questionnaires appropriés, de
repérer les adolescents les plus à
risque de développer de vérita-
bles troubles anxieux avant même
que ceux-ci n’apparaissent.
Quel est l’intérêt de ce repérage
précoce ?
Cela souligne l’intérêt de la préven-
tion pour les adolescents les plus
vulnérables avant qu’ils ne soient
amenés à consulter. À l’étranger, il
existe des programmes de psy-
choéducation qui permettent
d’aider ces jeunes à faire face à des
moments d’angoisse et de prévenir
le développement de symptômes
cliniques. Ils sont pratiqués auprès
de petits groupes d’adolescents par
des personnels formés. Et cela
fonctionne ! ■
PROPOS RECUEILLIS PAR A. P.
QUELS
MÉDICAMENTS
CHEZ
L’ENFANT ?
En mars dernier, le Haut
Conseil de la famille,
de l’enfance et de l’âge
s’inquiétait dans un rapport
d’une « augmentation
continue de la
consommation de
médicaments psychotropes
chez l’enfant », avec 5 %
des enfants et adolescents
recevant une prescription
de ce type, soit deux fois
plus qu’il y a dix ans.
Sur la seule année 2021,
la délivrance
d’anxiolytiques aurait
augmenté de 16 %, et celle
d’antidépresseurs de 23 % .
Pourtant, ces médicaments,
et en particulier les
antidépresseurs, ne doivent
jamais être un traitement
de première intention
chez l’enfant et
l’adolescent. La prise
en charge est en effet
prioritairement
psychothérapeutique.
« Le premier traitement
passe par l’écoute
et la parole », insiste
le Pr Philippe Duverger.
Même lorsque
des médicaments
sont indispensables,
ils devraient toujours
être associés à une
psychothérapie. Peu
de molécules ont une
autorisation de mise sur
le marché (AMM) chez les
enfants. La fluoxétine est la
seule ayant une indication
dans la dépression chez
l’enfant. La sertraline et la
fluvoxamine l’ont pour le
traitement des troubles
obsessionnels compulsifs
(TOC). Pour les troubles
anxieux, la prescription
éventuelle de sertraline
se fera hors AMM. A. P.
2022
Année
de lancement
de l’étude Enabee par
Santé publique France pour
produire des indicateurs
sur la santé mentale
des 3-11 ans
31 14
Numéro
national
de prévention du suicide,
accessible tous les jours
quelle que soit l’heure.
Des ressources sont aussi
disponibles sur
le site 3114.fr
Fil Santé
Jeunes
est une ligne d’écoute dédiée
aux 12-25 ans, accessible 7j/7
de 9 h à 23 h, au 0 800 235 236. Des
informations et ressources sont
aussi disponibles sur le site
www.filsantejeunes.com
SANTÉ SANTÉ DOSSIER
Greffe : les promesses de l’IA
contre la pénurie d’organes
INSTITUT UNIVERSITAIRE DE FRANCE
PROFESSEUR
ALEXANDRE
LOUPY
● Chercheur
au Parcc (Paris
En France, 5 494 greffes ont été réalisées en 2022 mais 10 810 patients étaient encore sur liste d’attente
Cardiovascular au 1er janvier 2023. WHYFRAMESHOT/STOCK.ADOBE.COM
Research Center,
unité 970 Inserm/ AVIS D’EXPERTS La greffe
université de Paris) d’organes est une avancée majeu-
et directeur re dans l’histoire de la médecine,
de l’Institut qui a permis d’augmenter l’espé-
de transplantation rance de vie de milliers de patients
à travers le monde. Elle constitue
et de régénération
aujourd’hui le traitement de réfé-
d’organes Pitor.
rence pour les défaillances termi-
Professeur nales, en particulier rénales, car-
de néphrologie diaques, pulmonaires et
à l’hôpital Necker hépatiques, qui touchent des mil-
lions de personnes. Néanmoins,
l’accès à la greffe est limité par
une pénurie d’organes, et la prise
en charge clinique et thérapeuti-
que des patients greffés doit être
améliorée à l’ère de la médecine
de précision.
Si le nombre d’organes disponi-
bles augmente, cette progression
est moins rapide que celle du nom-
bre de patients en attente de gref-
fe, une des causes étant le vieillis-
sement de la population. En
France, 5 494 greffes ont été réali-
sées en 2022 mais 10 810 patients
PARCC
étaient encore sur liste d’attente au
1er janvier 2023. On estime que
plus de 100 000 personnes sont en
MARC attente de greffe aux États-Unis.
RAYNAUD La pandémie de Covid-19 a par
● Directeur ailleurs aggravé la situation : en
scientifique prenant en compte les données de
22 pays représentant 70 % de l’ac-
au sein de l’Institut
tivité de greffe mondiale, une étu-
de transplantation
et de régénération
d’organes Pitor,
Parcc (Inserm/
de menée par notre équipe publiée
en 2021 dans le Lancet Public
Health a montré une chute signifi-
cative du prélèvement d’organes
université dans le monde de 15 % en 2020.
Paris Cité) Comment sortir de cette impas-
se et proposer des solutions aux
patients qui attendent une greffe,
parfois depuis plusieurs années ?
C’est une problématique de santé
publique majeure, tant les coûts
humains, sociétaux et économi-
ques associés à la défaillance et à la
pénurie d’organes sont impor-
tants. En France, les traitements
de suppléance pour les patients en
attente de greffe rénale coûte-
raient jusqu’à 5 milliards d’euros
par an. Nos équipes de l’Inserm,
de l’Université Paris Cité et de
l’AP-HP se mobilisent donc de-
puis des années pour proposer de
nouvelles stratégies visant à amé-
liorer le succès des transplanta-
tions.
Des algorithmes d’IA dévelop-
pés à partir de données qualitatives
structurées et validées, en prenant
en compte la réalité de la pratique
clinique, pourraient permettre
d’optimiser les greffes en propo-
sant des outils à visée pronostique
ou diagnostique.
En collaboration avec 35 équi-
pes de 17 pays, nous avons déve-
loppé plusieurs outils pronosti-
ques permettant de prédire le
risque de rejet et de perte de l’or-
gane greffé, et donc de mieux
orienter la décision clinique et op-
timiser le traitement immuno-
suppresseur. Nous avons déve-
loppé et publié dans le BMJ en
2019 l’intégrative Box (iBox), pre-
mier algorithme universel de pré-
diction du risque de perte à long
terme du greffon rénal. Une se-
conde étude publiée en 2021 dans
The Lancet Digital Health, incluant
13 000 patients et 6 essais clini-
ques, a permis d’optimiser le suivi
des patients. Enfin, deux autres
publications de notre équipe
(dans Communications Medicine et
BMJ Open) ont montré la supério-
rité de l’iBox par rapport aux mé-
decins dans la prédiction du ris-
que de perte des greffons et dans
l’optimisation des essais théra-
peutiques.
Les principales sociétés savan-
tes européennes et américaines
de transplantation, ainsi que
l’Agence européenne des médi-
caments, ont approuvé le systè-
me iBox dès 2020. Cette décision
a conduit à son déploiement pour
le suivi de plus de 45 000 patients
dans le monde et à son rembour-
sement en France dans des solu-
tions logicielles d’aide à la déci-
sion médicale.
Nos travaux s’orientent actuel-
lement sur une approche similaire
pour les patients greffés du cœur,
du foie et des poumons, avec des
algorithmes d’IA d’aides au dia-
gnostic déjà prometteurs, comme
modèle prédisant la trajectoire du
greffé cardiaque que nous avons
publié en 2020 dans Circulation
ainsi que la construction d’un sys-
tème d’automatisation du dia-
gnostic du rejet publié en 2023
dans la revue Nature Medicine, qui
permet de reclasser et de corriger
plus de 40 % des diagnostics de
rejet.
“la complexité
Étant donné
et la
richesse de ces champs
de connaissance,
nous promouvons et
adoptons une approche
pluridisciplinaire
et collaborative
”
Pour mieux guider les médecins
dans la décision de transplanter ou
non un organe, nous avons
construit des algorithmes de simu-
lation des propositions d’organes,
dans une étude parue dans la revue
Jama Internal Medicine en 2019.
Nous avons démontré qu’une plus
grande utilisation d’organes pro-
venant de donneurs décédés plus
âgés pourrait bénéficier aux pa-
tients en liste d’attente. Même si
ces organes sont de moindre quali-
té, la balance bénéfice-risque reste
très largement favorable en termes
de qualité de vie, de quantité de vie
et de coût pour la société. Cette
étude a changé les pratiques aux
États-Unis, avec un ordre exécutif
de la Maison-Blanche visant à
améliorer l’utilisation des greffons.
Une alternative s’ajoute pro-
gressivement à la liste des straté-
gies pour lutter contre la pénurie
d’organes : la xénogreffe. Cette ap-
proche prometteuse, qui consiste à
greffer à l’homme un organe d’une
autre espèce, relevait de la scien-
LE FIGARO lundi 25 septembre 2023
13
ce-fiction il n’y a pas si longtemps
au sein de la communauté scienti-
fique. Mais la pénurie mondiale
d’organes a progressivement fait
prendre conscience de l’intérêt de
poursuivre les recherches et de
gros progrès ont été réalisés, no-
tamment par les technologies
d’édition du génome (Crispr-
Cas9) qui permettent de modifier
les organes provenant d’autres es-
pèces pour qu’ils soient davantage
compatibles avec le corps humain.
Aujourd’hui, ce sont des organes
génétiquement modifiés de porcs
que l’on utilise en xénogreffe : cet
animal est en effet un des meilleurs
candidats en raison de sa taille, de
sa disponibilité, de ses caractéris-
tiques d’élevage et de ses similitu-
des physiologiques avec l’homme.
Trois équipes américaines ont ré-
cemment procédé à des essais chez
l’humain : une xénotransplanta-
tion cardiaque a permis de main-
tenir la vie d’un patient souffrant
d’insuffisance cardiaque terminale
pendant deux mois*, et deux xé-
notransplantations rénales ont été
réalisées sur des sujets en état de
mort cérébrale.
Mais si les modifications généti-
ques des organes de porcs permet-
tent de limiter le risque de rejet, il
reste crucial de correctement ca-
ractériser la réponse immunitaire
qui se déclenche chez l’humain.
C’est ce que nous avons pu récem-
ment décrypter dans notre étude
publiée dans The Lancet en 2023,
en identifiant des cibles moléculai-
res pour optimiser les modèles de
porcs génétiquement modifiés,
ainsi que les traitements immuno-
suppresseurs à administrer aux
patients.
De nombreuses initiatives per-
mettant de lutter contre la pénurie
d’organes et de prolonger la lon-
gévité des greffons et des patients
sont envisagées. Notre équipe se
bat au quotidien pour faire pro-
gresser chacune de ces stratégies,
en particulier celles liées au déve-
loppement d’algorithmes basés sur
l’intelligence artificielle, le dé-
ploiement de logiciels d’aide à la
décision clinque, la construction
de plateformes de diagnostic de
précision et plus récemment la xé-
nogreffe.
Étant donné la complexité et la
richesse de ces champs de connais-
sance, nous promouvons et adop-
tons une approche pluridisciplinai-
re et collaborative, intégrant les
compétences de médecins, épidé-
miologistes, immunologistes, ma-
thématiciens, statisticiens et bio-
informaticiens. Ce mélange des
métiers et des compétences autour
de l’IA est un réel avantage dans le
domaine de la transplantation et
plus largement dans les autres dis-
ciplines médicales pour l’amélio-
ration du soin et la médecine de
précision.
* La même équipe vient d’annoncer
avoir greffé le 20 septembre
un cœur de porc génétiquement
modifié chez un second patient,
âgé de 58 ans.
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO

14 SANTÉ

Comment
apprend-on à
s’adapter aux
circonstances ?
Caractère et éducation pèsent lourd
sur notre flexibilité cognitive,
essentielle pour passer d’une tâche
à l’autre et contourner les obstacles.
nes de nature stressées, anxieuses,
NATHALIE SZAPIRO-MANOUKIAN obsessionnelles sont plus à risque car
elles sont davantage tétanisées par le
PSYCHO Changer de point de changement ou l’inconnu. D’autres
vue, de plan, d’opinion, etc., pour cherchent rapidement une solution
se sortir d’une impasse comme il alternative : changer de plan ne leur
s’en présente tôt ou tard dans la pose pas de problème particulier, el-

vie : un poste convoité disponible
mais pas dans le lieu géographique
escompté, une crème au chocolat
que l’on prévoyait de déguster et
qui a disparu du frigo, un mail ur-
gent auquel il faut répondre alors
qu’on est concentré sur un tout
autre dossier… Tous les jours, dans
les petites et grandes décisions de
notre vie, notre flexibilité cogniti-
ve est mise à l’épreuve. En man-
quer, c’est faire preuve de psycho-
rigidité, et en rester à ce qui était
DESSIN PINEL
les s’adaptent. »
Si le niveau de flexibilité cogniti-
ve dépend du caractère de chacun,
l’éducation reçue joue également
un rôle clé, explique Audrey Plata-
nia, psychologue du développe- cette étape. « Des petits jeux comme mension, conçu par des soignants, vue panoramique, et ainsi à élargir le
ment et directrice clinique et péda- “Jacques à dit” (où il faut suivre la comprend des cartes à tirer sur dif- champ des possibles. La première
gogique des centres Cogito’Z à consigne donnée uniquement si la férentes thématiques : l’adolescent étape est de l’aider à repérer les
Marseille : « La flexibilité cognitive phrase commence par “Jacques a doit alors trouver des arguments croyances qui limitent ses choix et la
fait partie des fonctions exécutives dit” et non pas “Jacadi a dit”) sont pour exposer le point de vue deman- seconde, de les défusionner de la
du cerveau qui sont les plus longues à très intéressants. Les jeux d’inver- dé dans le jeu (même s’il est contraire réalité des faits. Il lui est alors possi-
maturer. Un premier cap, vers sion de la consigne, également (si la à ses opinions), ce qui l’oblige à re- ble d’envisager une ou plusieurs al-
3-4 ans, correspond à la période consigne est “touche ta tête”, il faut garder la situation d’un autre œil », ternatives sans pour autant renoncer
COGITO’Z

prévu quels que soient les obstacles
rencontrés, donc se priver de cer-
taines opportunités parce que cela
rassure et que nos émotions in-
fluencent indéniablement notre
mode de pensée.
« Le cas classique est celui de la
personne qui attend son bus, donne
pour exemple Jeanne Siaud-Fac-
chin, psychologue clinicienne et
auteur de La Guérison émotionnelle
(Éditions Odile Jacob). Il est en re-
tard. Cinq minutes passent, puis
dix, et toujours rien. Certaines
continuent d’attendre car il est hors
de question qu’elles aient attendu
tout ce temps pour rien. Les person-
où l’enfant comprend que sa pen-
sée peut être différente de celle des
autres (avant, il pensait que tout le
monde partageait son point de vue).
L’encourager à se mettre à la place
de l’autre, développer son empathie,
est utile : par exemple, s’il prend le
jouet d’un copain, demandez-lui ce
qu’il pense, puis ce qu’il croit que
pense le copain et ce qu’il croit que
vous pensez, vous. »
Vers 7-8 ans se met en place un
élément très important, la fonction
d’inhibition. Elle permet à l’enfant
de mettre de côté une pensée pour
qu’une autre prenne sa place. Et là
encore, il est possible de favoriser
toucher son pied). Ces jeux deman-
dent à l’enfant d’inhiber une pensée
(la consigne) pour mener une action
La différente et encouragent donc la
flexibilité fonction d’inhibition », poursuit
cognitive Audrey Platania.
fait partie Enfin, le troisième cap est celui
de l’adolescence qui se traduit par
des fonctions un vaste élargissement du champ
exécutives des pensées et qui là encore, doit
du cerveau être encouragé. « Durant cette pé-
qui sont riode, l’adulte doit à la fois poser des
les plus longues limites et un cadre non négociable
à maturer »
AUDREY PLATANIA,
pour sécuriser son ado tout en l’invi-
tant le plus souvent possible à expri-
PSYCHOLOGUE mer son opinion et à développer ses
DU DÉVELOPPEMENT arguments. Le jeu de société 8e di-
insiste Audrey Platania.
« Changer d’angle de vue »
Heureusement, il est possible
d’améliorer sa flexibilité cognitive
à l’âge adulte. « Lorsqu’une person-
ne se sent coincée dans sa vie, qu’elle
a l’impression de répéter les mêmes
schémas malheureux, de ruminer le
passé ou d’appréhender le futur, une
psychothérapie peut s’avérer utile,
estime Jeanne Siaud-Facchin. Cela
l’aidera à repérer les croyances à
l’origine de ce manque de souplesse
et à changer d’angle de vue, un peu
comme le ferait le photographe qui
passerait d’une vue resserrée à une
à ses fondamentaux : c’est la troisiè-
me étape. »
La méditation, les activités artis-
tiques et créatives, l’apprentissage
de nouvelles compétences stimu-
lent également la flexibilité cogni-
tive en venant enrichir la représen-
tation qu’a la personne, du monde
qui l’entoure. De quoi y gagner en
qualité de vie et mieux vivre le pré-
sent. Certes, elle ne deviendra ja-
mais hyperflexible. Mais n’oubliez
pas que le cerveau a aussi besoin
d’automatismes et de routines pour
ne pas saturer, s’éparpiller et se
laisser distraire. Tout est question
d’équilibre ! ■

Et les courbes épidémiques transformèrent les fléaux en données

SOLINE ROY £@so_sroy
ELLES sont faites de pics et de creux,
nous mènent de plateaux en rebonds.
Elles supplient le monde de les aplatir en
dessinant les drames humains en train
de se jouer ou à venir. Que vous ayez
congrès de la British Medical Associa-
tion. Un médecin au chevet de son pa-
tient apprend sans nul doute de nom-
breuses choses sur le poison qui le
ronge et la façon dont l’organisme y
répond, mais pour vraiment compren-
dre la course des épidémies et les lois
qui les gouvernent il faut compiler les
bler avoir une incidence sur l’étiologie de
la maladie. » « Ce que le capitaine Maury
et l’amiral Fitzroy (pères de l’océano-
graphie et de la météorologie marine,
HISTOIRES
dies », déjà en place à Manchester, Sal-
ford, Birmingham, Newcastle et le
quartier de Marylebone, à Londres. En
août 1868, il en livre les résultats à ses
confrères. Et pour mieux comprendre
ces statistiques, il use d’une nouvelle
manière de les représenter : les courbes.
141 697 décès survenus en 1838 en An-
gleterre au et pays de Galles : les mala-
dies épidémiques sont saisonnières, ou
tout du moins « certaines constitutions
de l’air » leur sont favorables. Autre
point qui reste litigieux, le rôle des pa-

guetté ou fui ces vagues qui ont submer-
gé les médias durant la pandémie de Co-
vid, elles sont devenues un outil incon-
tournable de santé publique. Telles sont
les courbes épidémiques, qui ont pris
leur essor au milieu du XIXe siècle, no-
tamment sous la plume d’Arthur Ran-
some, médecin à Manchester.
Ransome n’a pas inventé la représen-
tation graphique des données. Avant
lui, et parmi de nombreux autres,
William Playfair, ingénieur économiste
devenu journaliste, maître chanteur et
révolutionnaire dans le Paris de 1789,
avait fait naître le camembert, les cour-
bes et les barres. Un siècle plus tard,
l’infirmière britannique Florence
Nightingale avait montré grâce à un
« diagramme sur les causes de la morta-
lité dans les armées de l’Est » que les sol-
dats mouraient bien plus de maladies
évitables que de blessures reçues au
combat. Ransome n’a pas non plus in-
venté l’utilisation des mathématiques à
des fins épidémiologiques : le Suisse Da-
niel Bernoulli avait fait figure de pion-
nier en mettant la petite vérole en équa-
tions dès 1760, et le monde colonial n’a
cessé de mesurer les hommes, leurs ri-
chesses et leurs fléaux dans tous les re-
coins de la planète. Mais le médecin bri-
tannique a montré à quel point, comme
quelques autres l’avaient pressenti, les
épidémies progressaient par vagues.
« Il n’est probablement pas d’usage
plus légitime des instruments de la sta-
observations menées par de nombreux
soignants, précautionneusement enre-
gistrées selon les mêmes standards. Le
décompte des morts ne suffit pas : « Ce
dont nous avons besoin (…) est d’un en-
registrement régulier, à intervalles suf-
fisamment courts, du nombre de nou-
veaux cas survenant dans des zones
définies, mais suffisamment larges ; et
parallèlement, d’un compte rendu nu-
mérique précis de toutes les circonstan-
ces concomitantes qui pourraient sem-
DE MÉDECINE
NDLR) ont fait pour la météorologie et la
navigation doit être tenté au nom de la
science médicale », professe Ransome.
Les données, il les a : la British Medi-
cal Association a adopté un « système
uniforme d’enregistrement des mala-
Outil politique
Ransome affirme qu’elles éclairent sept
notions importantes : « 1, les constitu-
tions épidémiques des différentes an-
nées ; 2, la contagion ; 3, l’onde de la ma-
ladie épidémique ; 4, la succession des
épidémies ; 5, les influences atmosphéri-
ques ; 6, les influences endémiques ; 7,
la prédisposition corporelle aux maladies
épidémiques. » Ses graphiques mon-
trent ce que son confrère William Farr
avait entrevu en examinant les
thogènes et la notion de contagion ;
Ransome refuse de s’engager sur « la
mer de la controverse sur la génération
spontanée », mais ses courbes mon-
trent que les épidémies suivent une
évolution cohérente avec la « théorie de
la propagation par contagion ». Enfin,
un coup d’œil suffit à se convaincre
qu’elles évoluent par vagues, dans une
course « remarquablement régulière,
presque symétrique, dans son ascension
et son déclin ; cette disposition est plus
nette dans l’évolution des maladies les
plus contagieuses, telles que la scarlatine
et la variole ». Plus tard, l’analyse de
chiffres recueillis en Suède lui montre-
ra que de courtes flambées s’inscrivent
parfois dans des cycles plus longs ; par
exemple, pour la scarlatine, un cycle de
quatre à six ans au sein d’une longue
vague de quinze à vingt ans, comme
« des ondulations à la surface de la houle
de l’océan ».
En 1868, Ransome lance un « appel
pressant aux membres de (la British Me-
dical Association) pour qu’ils utilisent
leur puissante organisation afin d’obte-
nir un enregistrement plus général et
plus précis des maladies dans l’ensemble
du pays ». Il est convaincu que sa mé-
thode permettra de « résoudre des pro-
blèmes qui comptent parmi les plus inté-
ressants de la science médicale et les plus
importants pour l’humanité ». Depuis,
les courbes épidémiques sont devenues
bien plus que des outils de connaissance
scientifique. Elles sont aussi un outil
politique, façonnées de façon à arborer
ARTHUR RANSOME

tistique que son application à l’étude des À gauche : les courbes de la variole à Manchester (trait plein) et à Saint-Marylebone (pointillés) de 1862 à 1864, publiées par une mine plus ou moins patibulaire se-
maladies épidémiques », déclare Arthur Arthur Ransome dans « The Scientific Uses of the Notification of Disease » (Proceedings of the Royal Society of Medicine, lon qu’il convient de rassurer les foules
Ransome en août 1868 devant le 1911). À droite : des courbes montrent la succession de différentes épidémies : variole, rougeole, coqueluche et scarlatine. ou de les convaincre d’agir. ■
A
 COMMUNIQUÉ

TROUBLES DU NEURODÉVELOPPEMENT

Les troubles DYS,

un enjeu médical
et sociétal

Les troubles du neurodéveloppement,

appelés aussi TND, touchent de plus
en plus d’enfants et peuvent avoir
un impact significatif sur leur
croissance et leur vie quotidienne.
Il est donc important de mieux
les comprendre pour prévoir un
accompagnement sur mesure.

Une prise en charge De nouveaux outils de diagnostic

adaptée à chaque TND et d’accompagnement
Les troubles du neurodéveloppement regroupent un en- Aujourd’hui, des équipes de recherche d’excellence,
semble de conditions, d’origine génétique ou environ- financées par le mécénat des Mutuelles AXA à tra-
nementale, qui affectent le fonctionnement du cer- veau vers son programme santé, développent de nouvelles

et du système nerveux.
Ils peuvent se manifester dès la petite enfance et persis-
ter tout au long de la vie.
Parmi les troubles les plus courants, on retrouve l’au-
tisme, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans
hyperactivité (TDAH), les troubles DYS comme la
dyslexie, la dyspraxie ou la dysphasie, et le trouble du
spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF).
Ces troubles peuvent entraîner des difficultés dans diffé-
rents domaines tels que la communication, les interac-
tions sociales, l’apprentissage, la coordination motrice
1 6
approches pour diagnostiquer les TND le plus tôt
possible et accompagner les enfants et leur famille. enfant
Premier exemple, le projet de François Jouen (doyen de sur
la section Sciences de la Vie et de la Terre de l’École est touché par un trouble
Pratique des Hautes Études) s’intéresse à l’activité mo- du neurodéveloppement
trice des nourrissons : « Nous filmons puis analysons par
ordinateur les mouvements des bébés pour fournir aux
parents et aux spécialistes des outils de diagnostic pré-
coce de la neurologie des enfants et pouvoir ainsi réagir
au plus vite en cas de troubles du neurodéveloppement. »
Deuxième exemple, le travail de recherche du profes-

et la gestion des émotions.
Il est important de savoir que les TND ne sont pas le
résultat d’un manque d’intelligence ou d’efforts de la
part de l’enfant. Et que chaque enfant peut présenter
des symptômes différents et être affecté de manière va-
riable par ces troubles.
Les TND nécessitent donc une prise en charge adap-
tée et un soutien approprié.
35000
seur Stéphane Bezieau (chef du service de génétique
médicale du CHU de Nantes) vise à développer des
tests simples, applicables dans les laboratoires de gé-
nétique moléculaire, pour suivre l’évolution de la ma- naissances par an sont concer-
nées par les TND*
ladie et adapter les soins en conséquence. « Le but est
d’identifier chez chaque enfant atteint d’un TND la cause
de son trouble s’il est d’origine génétique et de fournir des
modèles pour concevoir de futures thérapies, et cela au ni-
veau international. »

LES MUTUELLES AXA ENGAGÉES POUR LA SANTÉ DE DEMAIN

En complément de ses actions de mécénat en faveur de la solidarité, de l’environnement et des territoires,
les Mutuelles AXA ont lancé un programme de santé doté d’un budget de 45 millions d’euros sur trois ans
visant à soutenir des projets innovants et transformants en France autour de la jeunesse, du grand âge
et de la formation d’excellence des jeunes scientifiques. Pour en savoir plus : https://mutuelles-axa.fr/
mecenat/mecenat-sante.html

*source : «La stratégie nationale autisme et troubles du neuro-développement »

(document de la Haute Autorité de santé MAJ 01/08/2023 disponible sur le site www.has-sante.fr).
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO
16 SOCIÉTÉ
Harcèlement scolaire :
au Danemark, Attal cherche
la « recette du bonheur »
Le ministre, qui dévoilera son plan mercredi, a passé une journée dans
l’un des pays d’Europe qui gèrent le mieux, et de longue date, ce fléau.
CAROLINE BEYER £@BeyerCaroline
ENVOYÉE SPÉCIALE À COPENHAGUE
ÉDUCATION Le jour se lève sur les
canaux de Copenhague, dans un
bal de joggeurs et de cyclistes. Ce
22 septembre, Gabriel Attal enta-
me une journée marathon dans la
capitale du Danemark, pays d’Eu-
rope qui, avec la Suède et l’Islan-
de, affiche le taux de harcèlement
scolaire le plus bas. Le sémillant
ministre de l’Éducation est venu
chercher, aux abords de la mer
Baltique, l’inspiration en matière
de prévention. Un déplacement
très politique, alors que l’acadé-
mie de Versailles est dans la tour-
mente, depuis le suicide, le 5 sep-
tembre, de Nicolas, 15 ans, et la
révélation d’inacceptables cour-
riers du rectorat. Ce lundi, Gabriel
Attal sera en visite au rectorat,
avant la présentation, le 27 sep-
tembre, d’un plan interministériel
de lutte contre le harcèlement.
Parmi les pistes, le contrôle de la
majorité numérique à 15 ans, la
confiscation du téléphone porta-
ble, voire le bannissement des ré-
seaux sociaux pour les harceleurs.
Viendront ensuite, la semaine sui-
vante, les résultats de l’enquête
administrative liée au harcèle-
ment et au suicide du jeune Nico-
las, puis le bilan des audits qu’il a
récemment lancés dans tous les
rectorats de France. Crise systé-
mique ou dysfonctionnement de
A
l’académie de Versailles, réputée
la plus difficile ? « On a l’impres-
sion d’être dans un MeToo du har-
cèlement », lâche un de ses
conseillers.
« Je rapporte quelques ingré-
dients de la recette du bonheur da-
nois », a conclu Gabriel Attal de-
vant une cinquantaine de Français
réunis à l’ambassade de France au
Danemark, à l’issue de ce dépla-
cement au pas de course, mêlant
échanges avec les institutionnels,
“à bâtir
Je veux contribuer
une école qui
rend heureux. À l’échelle
politique, en France,
on ne pense pas assez
le bonheur, ses moteurs,
ses freins, son
potentiel
”
GABRIEL ATTAL,
MINISTRE DE L’ÉDUCATION
séances de selfies et autographes
dans les cours de récréation. Ren-
contre au sommet avec la princes-
se héritière Mary, dont la fonda-
tion accompagne le programme
Fri for Mobberi (« Libéré du har-
cèlement »), lancé en 2007, séan-
ce pratique avec de jeunes éco-
liers, passage au Lycée français et
dans un commissariat de Copen-
hague, où des policiers en unifor-
me patrouillent sur le web, dans
Course
de nuit
et apero
INSCRIPTIONS SUR
www.crossduigaro.com
l’univers de Minecraft ou sur Tik-
Tok… « Je veux contribuer à bâtir
une école qui rend heureux. À
l’échelle politique, en France, on ne
pense pas assez le bonheur, ses mo-
teurs, ses freins, son potentiel », a-
t-il affirmé du Danemark, ce pays
où « le bonheur est une forme de
politesse discrète, mais aussi un
projet politique assumé ».
Le modèle est-il transposable à
la France ? À l’école Vibenshus,
dans le quartier huppé d’Oster-
bro, 17 élèves assis en cercle parti-
cipent à une séance de gestion du
conflit et des émotions, sous la
houlette d’une institutrice et de
trois adultes. Le programme Fri
for Moberri, une heure hebdoma-
daire dédiée à l’apprentissage de
la tolérance, de la bienveillance,
du respect, mais aussi du courage,
y a été mis en place. Destiné aux
enfants de 0 à 9 ans, il est déployé
à ce jour dans 46 % des écoles et
60 % des crèches danoises (voir
interview ci-dessous). « On ne
pourra jamais faire comme au Da-
nemark, mais on peut s’inspirer de
son expérience, estime Malene
Rydahl, Danoise installée en
France depuis vingt-huit ans,
auteur en 2014 du livre Heureux
comme un Danois et professeur à
Sciences Po, où elle enseigne le
bien-être et la confiance. À Paris,
elle pilote l’expérimentation de
l’heure hebdomadaire d’empa-
thie, dans des classes de sixième
des collèges Jacques-Prévert
24/11/23
DOMAINE NATIONAL DE
SAINT-CLOUD
Gabriel Attal a
rencontré, vendredi,
à Copenhague,
la princesse héritière
Mary, dont la fondation
travaille, depuis de
nombreuses années,
sur la problématique
du harcèlement.
MAISON ROYALE DANOISE
(6e arrondissement) et Maurice
Utrillo (18e). « Une heure obliga-
toire d’intelligence émotionnelle,
pour comprendre l’autre, sans se
confondre avec lui, explique-t-el-
le. Mais, au Danemark, l’histoire
est très ancienne. C’est en 1975
qu’une réforme a officialisé
« l’heure de classe » dans toutes
En Espagne, l’IA au
« service » des harceleurs
MATHIEU DE TAILLAC £@mdetaillac
MADRID
DIMANCHE dernier, Miriam Al
Adib, gynécologue de 46 ans, ren-
tre d’un déplacement profes-
sionnel. Arrivée chez elle, dans la
commune d’Almendralejo, en Es-
trémadure (ouest de l’Espagne),
l’une de ses filles, âgée de 14 ans,
lui tend son téléphone portable :
« Regarde ce qu’on m’a envoyé ! »
La médecin voit alors une photo de
sa fille, le visage parfaitement re-
connaissable, le corps entièrement
nu. L’image a été générée par une
application d’intelligence artifi-
cielle qui propose de « déshabiller »
la photo de la personne que l’utili-
sateur lui soumet… « J’étais inquiè-
te, parce que l’image est extrême-
ment réaliste. Il est impossible de
savoir si l’image est réelle ou si c’est
un montage si l’on ne connaît pas
précisément le corps de la personne.
Et puis on se demande où vont atter-
rir ces images ! »
Miriam Al Adib enregistre alors
sur-le-champ une vidéo sur son
compte Instagram, qui compte plus
de 100 000 abonnés intéressés par
ses interventions sur les sujets
d’éducation et de santé sexuelles.
Elle demande aux victimes de pré-
venir leurs parents et aux auteurs
de mesurer la gravité de leurs actes
et de retirer les images des plate-
formes où ils auraient pu les en-
voyer. Plusieurs mères de famille
rentrent en contact et découvrent
que des dizaines d’images circulent
sur les portables de collégiens
d’Almendralejo. « Certaines filles
avaient reçu les photos en juillet, et se
taisaient de peur de se faire gronder
par leurs parents ! », raconte la gy-
nécologue. Au moins l’une d’elles
reçoit une tentative d’extorsion, et
la plupart font l’objet de moqueries
à la rentrée scolaire. À ce jour,
22 plaintes ont été déposées à la
police espagnole, dix mineurs ont
été identifiés comme auteurs pré-
sumés, et tout le pays s’inquiète de
cette nouvelle pratique.
les écoles et pour tous les niveaux.
« Lorsque mes parents ont divorcé,
le professeur a réuni les élèves de
ma classe autour de moi en deman-
dant : “Comment peut-on aider
Malene ?” », raconte cette femme
de 48 ans. En 2014, ce dispositif a
été complété par une réforme axée
sur le bien-être et la lutte contre le
En Espagne, les moins de 14 ans
ne peuvent pas être mis en examen.
Pour les autres, le parquet envisage
de les accuser d’« élaboration, dis-
tribution et détention de pornogra-
phie enfantine ». En effet, selon
l’article 189, les « images réalistes
des organes sexuels d’un mineur à
des fins principalement sexuelles »
peuvent rentrer dans ce cas de figu-
re. Pour Samuel Parra, avocat spé-
cialiste de la cyberdélinquance, « le
caractère réaliste des images est ici
évident, il reste à savoir si le tribunal
considérera comme acquise la moti-
vation sexuelle ». À défaut, Me Parra
indique l’article 173, qui punit « les
traitements dégradants ».
« Des jeunes
inconscients »
Les délits liés à la pornographie en-
fantine peuvent entraîner des pei-
nes allant jusqu’à 9 ans de prison,
qui, pour les auteurs âgés de 14 à
18 ans, est purgée dans un centre
pour mineurs. Pour les moins de
14 ans, les parents devront affron-
ter la responsabilité civile des actes
de leurs descendants. « Une indem-
nisation de 10 000 euros a été impo-
sée pour des photos dépourvues de
tout contenu sexuel, qui contreve-
naient simplement à la protection des
données, indique l’avocat. On peut
imaginer que dans le cas d’Almen-
dralejo, les sommes soient quatre ou
cinq fois plus importantes. »
Miriam Al Adib considère que
« les garçons impliqués ne sont pas
des criminels, mais des jeunes in-
conscients de la gravité de leurs ac-
tes. À l’adolescence, quand on s’an-
goisse au moindre bouton d’acné,
l’impact de ces images peut être
terrible. Vous imaginez si une fille
s’était suicidée ? ». Pour Samuel
Parra, la législation espagnole est
parfaitement adaptée pour lutter
contre ces nouveaux comporte-
ments rendus possibles par l’intel-
ligence artificielle. Les deux espè-
rent que l’affaire d’Almendralejo,
première de ce type à être médiati-
sée, serve d’exemple en Espagne et
dans le monde. ■

harcèlement scolaire. « La sécurité
psychologique est un des piliers du
système scolaire danois. Ici, la
question de la légitimité ne se pose
pas, contrairement à la France, où
le syndrome de l’imposteur est très
présent », affirme Malene Rydahl,
qui en a régulièrement la preuve
lorsqu’elle accompagne des pa-
Les secrets de la réussite du modèle
« anti-intimidation » danois
PROPOS RECUEILLIS PAR
SLIM ALLAGUI
COPENHAGUE
BJORN HOLSTEIN, professeur
émérite à l’Institut national de
santé publique de l’université de
Syddansk, a participé à plusieurs
enquêtes relatives au harcèlement
à l’école. Il explique les raisons du
succès de la méthode danoise.
LE FIGARO.- Le Danemark est en
tête des pays d’Europe où le taux
de harcèlement scolaire est le plus
EGV
bas. Quelle est la méthode danoise
qui a permis de juguler ce mal ?
BJORN HOLSTEIN. - Selon nos
enquêtes, le nombre de cas de
harcèlement a diminué d’une ma-
nière drastique entre 2002 et 2022.
L’une des raisons est le lancement
par deux ONG de l’initiative Fri
for Mobberi (« libéré du harcèle-
ment ») en 2007, un programme
éducatif et préventif de lutte
contre le harcèlement destiné aux
enfants de 0 à 9 ans où ils appren-
nent la tolérance, la bienveillance,
le respect et le courage. Des re-
cherches de suivi démontrent que
ce programme a un effet positif
sur l’empathie et les compétences
socio-émotionnelles des enfants.
Le rôle de guide des parents
auprès de leurs enfants est très
important dans ce contexte pour
encourager le vivre-ensemble et
combattre l’exclusion. Ce pro-
gramme est étendu à ce jour à
60 % des crèches, 62 % des mater-
nelles et 46 % des classes primai-
res et des garderies périscolaires.
Mais il ne se suffit pas à lui seul.
Ainsi l’État a pris l’initiative d’une
législation en 2017 exigeant que
toutes les écoles primaires et les
collèges aient une stratégie anti-
harcèlement. Par ailleurs, les élè-
ves et les parents ont la possibilité
de porter plainte auprès d’un or-
ganisme de recours si l’établisse-
ment qu’ils fréquentent n’a pas de
stratégie anti-intimidation ou en
cas de manque ou de réponse in-
trons du CAC 40 ou de PME. « Une
des conséquences de l’élitisme à la
française », poursuit-elle, avant
d’avouer, malgré tout, « une forme
d’admiration » pour le système
français. « Au Danemark, c’est le
plus mauvais élève qui fixe le niveau
de la classe. En France, c’est l’in-
verse », résume-t-elle.
suffisante à des cas concrets de
harcèlement.
Le Danemark a-t-il mis fin
au harcèlement à l’école qui
se propage aussi sur les réseaux
sociaux ?
Non, il faut rester vigilant et pour-
suivre les efforts à l’école, où les
éducateurs tentent d’enseigner
“
Le rôle de
guide des parents
auprès de leurs
enfants est
très important (...) pour
encourager le vivre-
ensemble et combattre
l’exclusion
”
BJORN HOLSTEIN, PROFESSEUR
DE L’UNIVERSITÉ DE SYDDANSK
aux élèves les bons comporte-
ments sur les réseaux sociaux afin
de limiter le harcèlement numéri-
que. Il ressort de la loi de 2017 que
la stratégie anti-harcèlement des
« Ici, on ne nous apprend pas à
avoir la meilleure note, mais une
meilleure note que la précédente. Le
comportement des profs nous rend
plus indépendants », explique à
Gabriel Attal Mathis, élève de pre-
mière au Lycée français Prins
Henrik. Dans cet établissement de
700 élèves (dont une moitié de
écoles doit inclure une stratégie
contre le harcèlement digital,
même si les dernières enquêtes
auprès des écoliers montrent que
le harcèlement scolaire touche
bien plus d’élèves que le harcèle-
ment numérique, qui touche un
public différent.
La méthode danoise est-elle
transposable en France ?
Le programme Fri for Mobberi re-
pose sur des thématiques univer-
selles pour les enfants et ne
s’adresse pas spécifiquement aux
enfants danois. Je pense donc que
cela fonctionnera dans tous les
pays, y compris en France. Il exis-
te de nombreux autres program-
mes visant à prévenir le harcèle-
ment. Et les recherches sur
l’efficacité de ces dispositifs mon-
trent qu’ils ont souvent un effet
positif. Quant à la loi de 2017, dont
la force réside dans le fait qu’elle
contraint les écoles à élaborer des
lignes directrices pour lutter
contre le harcèlement, je ne sais
pas si elle peut être transposée im-
médiatement en France. ■
Français), l’empathie et la respon-
sabilisation sont au cœur du pro-
jet. À partir du CM2, les élèves
sont libres de rentrer chez eux
lorsqu’un trou apparaît dans leur
emploi du temps. Et dès les CE1,
les plus petits prennent le bus
pour aller à l’école.
« psycho-
La sécurité
Mais les deux systèmes sont-ils
comparables ? Au Danemark, les
effectifs par classe sont peu élevés.
L’année correspondant à notre CP
logique est est une année de transition pour
un des piliers apprendre à « vivre ensemble ».
du système L’apprentissage de la lecture n’in-
tervient qu’à 7 ans. Les notes sont
scolaire proscrites jusqu’à 14 ans. Les élè-
danois. Ici, ves restent dans la même classe,
la question avec les mêmes camarades, du CP
au lycée. Trente ans plus tard, on
de la les retrouve attablés aux terrasses
légitimité ne des cafés, à la sortie du bureau, à
se pose pas,
contrairement
16 heures le vendredi. Ici, les
éboueurs sont bien payés car ils
jouent un rôle utile à la société. Le
à la France, où taux de syndicalisation des salariés
le syndrome atteint 70 %, contre moins de 8 %
de l’imposteur en France. Dans ce pays protes-
tant, la collectivité prime sur les
est très individus. Sur les réseaux sociaux,
présent » les comptes de la Police Online
Patrol, créée en 2022, sont suivis
MALENE RYDAHL,
PROFESSEUR par pas moins de 130 000 jeunes,
À SCIENCES PO dans un pays de six millions d’ha-
bitants. La défiance n’est pas dans
les mœurs. On ne plaisante pas
avec l’autorité. Au Danemark, un
piéton traversant au feu vert en-
court une amende de 115 euros.
La politique migratoire, elle, est
stricte et ultra-sélective. La pré-
servation du modèle est au cœur
des enjeux et le bonheur se vit
avant tout entre Danois.
Choc de cultures visible lors du
déjeuner de Gabriel Attal avec des
responsables politiques et associa-
tifs et des leaders d’opinion. Dans
ce pays où le harcèlement scolaire
n’est pas un délit, ils s’étonnent
qu’un élève harceleur soit changé
d’établissement, comme le pré-
voit un récent décret français. La
notion de sanction du harceleur
les laisse aussi perplexes. « Dans
les situations graves, c’est l’éta-
Rue de Grenelle,
le ministre et
le tremplin du régalien
DÉCRYPTAGE
Tristan
Quinault-Maupoil
£@TristanQM
LE PREMIER trimestre de l’année
scolaire débute seulement, qu’un
changement notable agite le gou-
vernement. Le plus populaire de la
classe n’est plus Bruno Le Maire.
Les récentes enquêtes d’opinion en
attestent (BVA pour RTL ; Kantar
pour Le Figaro Magazine) : Gabriel
Attal est devenu le membre de
l’exécutif le plus plébiscité par les
Français. À 34 ans, le ministre de
Lancé en 2007 et destiné l’Éducation nationale signe ce
aux enfants de 0 à 9 ans,
mois-ci une rentrée politique réus-
le programme éducatif
sie, comme peu de ses collègues
et préventif de lutte
contre le harcèlement peuvent s’en prévaloir. Le choix de
Fri for Mobberi marquer ses débuts Rue de Grenelle
leur apprend la tolérance, par des actes forts sur le terrain ré-
la bienveillance, galien (interdiction de l’abaya, lutte
le respect et le courage. contre le harcèlement scolaire) lui
JAKOB CARLSEN/MARY donne des ailes. Même si d’autres
FONDEN recours doivent être examinés, le
Conseil d’État a d’ores et déjà
conforté le ministre dans sa quête
de préserver la laïcité à l’école. Pour
reprendre un vocable chéri des ma-
cronistes, Gabriel Attal « délivre ».
Pour le dire autrement : il joint les
gestes à la parole. Ce qui n’est plus si
courant dans cet exécutif où les ini-
tiatives sont aussi nombreuses que
rares sont les résultats concluants
(l’échec de la vente de carburant à
perte est l’exemple le plus récent).
Quand cinq policiers entrent
dans une salle de classe pour inter-
peller un harceleur présumé, on
s’interroge sur le dosage de la réac-
tion. Lui veut croire qu’on lui saura
gré de ne pas tergiverser. Le minis-
tre, qui a fait ses classes à gauche, a
compris que la soif d’autorité du
pays n’est pas anecdotique. Son ha-
bilité politique a déjà réussi à tasser
les critiques apparues lors de sa no-
mination autour de sa scolarité
dans un établissement privé très
prisé des élites parisiennes ou de
LE FIGARO lundi 25 septembre 2023
SOCIÉTÉ 17
blissement qui est sanctionné », ex-
pliquent-ils en substance.
« Est-ce que tout est compara-
ble ? La société danoise est massi-
vement confiante. Mais c’est aussi
parce que son école est telle qu’elle
est », affirme le ministre en fin de
journée, après avoir tombé la cra-
vate. À 14 ans, élève de l’École al-
sacienne, Gabriel Attal a subi le
harcèlement, et même le cyber-
harcèlement, sur Skyblog, du
temps où Facebook n’existait pas.
Vingt ans plus tard, il veut agir sur
la prévention. Dans l’académie de
Versailles, ce lundi, il devra se po-
sitionner sur la gestion de « ce
fléau » par l’institution scolaire.
L’audit qu’il a déclenché a déjà
démontré que dans cette académie
“apprend
Ici, on ne nous
pas à avoir
la meilleure note,
mais une meilleure
note que la précédente.
Le comportement
des profs nous rend
plus indépendants
”
MATHIS, ÉLÈVE DE PREMIÈRE AU LYCÉE
FRANÇAIS PRINS HENRIK, À COPENHAGUE
plusieurs courriers, froidement
administratifs, hors sol, dénués
d’empathie, avaient été rédigés.
« Des dizaines ? Des centaines ?
Quelles directives ont été données ?
Comment ? J’en aurai le cœur net »,
poursuit-il. En cette rentrée sco-
laire, l’ambitieux ministre pro-
met, dans tous les domaines, des
« décisions tranchées, comme sur le
sujet de l’abaya ». Mais l’éducation
n’est-elle pas le « domaine réser-
vé » du président ? « Cela en fait un
domaine préservé », rétorque Ga-
briel Attal. Et la présidentielle de
2027 ? « Je ne me retrouve pas dans
les propos consistant à se projeter à
quatre ans, alors que les Français
ont l’impression que la dernière
présidentielle, c’était il y a deux
mois », conclut-il. ■
son CV, qu’un apparatchik ne re-
nierait pas. De la même façon, il a
su faire fructifier à son profit la
tutelle présidentielle à l’heure où
Emmanuel Macron entend intégrer
l’Éducation nationale dans son
« domaine réservé ». Contraire-
ment à nombre de ses collègues,
paralysés par l’ombre de l’Élysée, il
s’en accommode comme il ne se
soucie guère de Matignon.
Gare au « mammouth »
Mercredi sera présenté le plan de
lutte contre le harcèlement qu’Éli-
sabeth Borne voulait incarner. La
préparation de l’événement (une
sorte de colloque improbable à Ma-
tignon le jour de la présentation du
budget 2024, la même semaine que
la présentation des arbitrages sur la
planification écologique) a fait bon-
dir la Rue de Grenelle où l’on vou-
lait révéler les annonces au plus
près des intéressés, dans un collège,
à la faveur d’un agenda moins en-
combré. Ni une ni deux, les mesures
ont été opportunément éventées
ces derniers jours. Gabriel Attal a
filé au Danemark pour en poser les
jalons et dérouler un discours sur
« le bonheur » qui « doit être un ob-
jectif politique ».
Son récent déjeuner de deux
heures avec Nicolas Sarkozy l’a
convaincu de saisir toutes les occa-
sions d’apparaître en mouvement.
12 millions d’élèves, et plus encore
de parents : voilà un public consé-
quent, un vaste terrain à conquérir
pour qui a une ambition débordan-
te. Mais gare au « mammouth », si
rétif au mouvement, toujours prêt
à piétiner les imprudents. Rue de
Grenelle, les plus gros chantiers
(apprentissages des fondamentaux,
capacité à orienter les élèves) res-
tent à être initiés pour stopper la
déliquescence de ce service public,
qui, aux yeux des Français, ne rem-
plit plus ses promesses. Un bon tri-
A
mestre ne permet pas de présager
de la suite de l’année. ■
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO

18 SOCIÉTÉ

Sept ans après,

les zones
d’ombre de
l’attentat de
Magnanville
Le procès de cette attaque islamiste
qui a coûté la vie à deux policiers
débute ce lundi, devant la cour

d’assises spéciale.
JEAN CHICHIZOLA
JUSTICE Un couple de policiers as-
sassinés à leur domicile un soir de
printemps par un terroriste isla-
miste. Leur fils de 3 ans séquestré
pendant des heures par le tueur
qui trouve la mort dans l’interven-
tion du Raid. À partir de lundi, la
cour d’assises spéciales va replon-
ger dans l’horreur de l’attentat de
Magnanville (Yvelines), le 13 juin
2016. Un drame qui compte encore
des zones d’ombre, sept ans après
les faits. Si le terroriste, Larossi
Abballa, est décédé, son complice
présumé sera dans le box. Et les
charges pesant contre Mohamed
Lamine Aberouz sont lourdes :
complicité d’assassinats terroris-
tes, complicité de séquestration
terroriste d’un mineur et associa-
tion de malfaiteurs terroriste. Pour
l’accusation, Mohamed Lamine
Aberouz, qui nie farouchement,
était présent aux côtés de son ami
Larossi Abballa ce soir du 13 juin
2016, comme le démontrerait une
trace ADN retrouvée sur l’ordina-
teur des victimes utilisé par ce
dernier. Selon l’ordonnance de
mise en accusation signée le 3 dé-
cembre 2021, il aurait par ailleurs
contribué « à l’endoctrinement
idéologique » d’Abballa, participé
avec lui « à des groupes de discus-
sion virtuels composés de sympathi-
sants de l’État islamique ayant pour
objet l’organisation et la commis-
sion d’assassinats notamment au
préjudice de policiers », entretenu
avec son complice présumé « des
contacts téléphoniques, physiques
et virtuels, contacts s’accélérant à
la période à laquelle Larossi Abballa
entamait ses préparatifs opération-
nels ». Enfin, il lui aurait fourni
« les références idéologiques ser-
vant de bases à la rédaction de sa
revendication ». À noter que les
deux hommes ont eu la même
fiancée, Sarah Hervouët, condam-
née pour une tentative d’attentat
en 2016 près de Notre-Dame.
Le procès sera aussi l’occasion
d’explorer la galaxie djihadiste des
Yvelines et de revenir sur le dérou-
lé des faits. Ce 13 juin 2016, Larossi
Abballa a pénétré au domicile de
Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans,
commandant au commissariat des
Mureaux (Yvelines), et de sa com-
pagne Jessica Schneider, 36 ans,
agente administrative au commis-
sariat de Mantes-la-Jolie (Yveli-
nes). Il a tué les deux policiers à
l’arme blanche avant de se retran-
cher avec leur fils dans le pavillon.
L’attentat est revendiqué par le
terroriste sur les réseaux sociaux et
l’État islamique en endosse la res-
ponsabilité. Après l’intervention
du Raid, plusieurs écrits sont re-
trouvés sur place. Une lettre ma-
nuscrite : « Ô vous Français, sachez
que notre religion s’établira en dépit
de l’aversion de certains d’entre
vous. » Une seconde lettre menace
de mort « policiers, surveillants pé-
nitentiaires, journalistes, députés,
maires » et cite plusieurs noms
d’universitaires, journalistes en
précisant : « C’est super simple, il
suffit de les attendre devant leurs lo-
caux. » La lettre vise aussi des rap-
peurs qui se sont « moqués du Sei-
gneur » et qu’il appelle à tuer
pendant leurs concerts.
« On égorgera
vos enfants »
On peut enfin également lire : « On
vous attendra devant vos demeures
et on égorgera vos enfants. »
L’auteur de ces lignes est bien
connu des services de police et de
renseignement. Né en 1991 à Meu-
lan-en-Yvelines, Larossi Abballa
habitait, avant de passer à l’acte,
dans le quartier du Val-Fourré à
Mantes-la-Jolie, la ville où tra-
vaillait Jessica Schneider. Petit dé-
linquant, il a adhéré à l’islam radi-
cal et a été condamné en 2013 à
trois ans de prison dont six mois
avec sursis dans un dossier de fi-
lière djihadiste vers le Pakistan. Le
jugement du 30 septembre 2013
relevait qu’il était « candidat à un
départ pour mener le djihad armé,
d’abord au Pakistan puis en Tuni-
sie », « suppliait » ses complices
« de le choisir en vue d’un prochain
départ, envisageant même de partir
dans un premier temps en Tunisie ou
de commettre des actes violents sur
le territoire national ». Trois ans
plus tard, l’islamiste a opté pour la
seconde option. Selon l’ordonnan-
ce, « il n’a pas été établi comment,
ni pourquoi » il a choisi le couple de
policiers, mais on sait qu’Abballa a
effectué, le 9 juin 2016, des recher-
ches sur internet au nom de « Jes-
sica Schneider » et s’est rendu plu-
sieurs fois à Magnanville avant
l’attentat.
Quelles étaient les relations en-
tre le terroriste et Mohamed La-
mine Aberouz ? Ce dernier était-il
présent à Magnanville comme le
laisserait supposer son ADN re-
trouvé sur l’ordinateur des victi-
mes utilisé par Abballa ? Telles
sont les questions clés du procès.
Pour les juges d’instruction, « il
apparaît peu vraisemblable
(qu’Aberouz) ait pu ignorer la na-
ture des activités et projets (d’Ab-
SYLVAIN THOMAS/AFP
Le 13 juin 2016, balla) ». Pour l’ADN, si l’accusé
Jean-Baptiste Salvaing évoque « la possibilité d’un trans-
et Jessica Schneider fert secondaire ou indirect » par
ont été poignardés à une poignée de main ou un trajet
leur domicile et leur fils anodin dans la voiture d’Abballa,
séquestré. Le meurtrier les magistrats instructeurs parlent
ayant trouvé la mort d’une hypothèse « peu convain-
lors de l’intervention du
Raid, c’est son complice cante étant constaté que la concen-
présumé, Mohamed tration de l’ADN trouvé (…) était
Lamine Aberouz, bien supérieure à celle des ADN
qui est jugé aujourd’hui. trouvés dans le véhicule ». Les dé-
bats sur ce point s’annoncent des
plus vifs. En 2021, Me Vincent
Brengarth, représentant Moha-
med Lamine Aberouz, avait dé-
noncé une « mise en accusation
parfaitement injustifiée tant d’un
point de vue juridique que factuel au
vu de l’absence de toute participa-
tion de (son client) à l’attentat. Il
est totalement étranger à ces faits
dramatiques ».
Pour sa part, l’un des avocats
des parties civiles, Me Thibault de
Montbrial, insistait la même année
sur les zones d’ombre du dossier,
que le procès a peu de chance
d’éclairer : « Après ces années
d’instruction, il demeure la frustra-
tion et l’inquiétude de ne toujours
pas savoir pourquoi le commandant
Salvaing a été ciblé et comment les
islamistes ont eu accès à son adres-
se personnelle. » ■

Chantage au porno : deux hackeurs devant la justice

Les prévenus filmaient leurs victimes à leur insu, pendant qu’elles regardaient des vidéos. Ils sont jugés durant quatre jours à Paris.
ANGÉLIQUE NEGRONI
anegroni@lefigaro.fr
PROCÈS En infiltrant des milliers
d’ordinateurs et en filmant à leur
insu ceux qui regardaient des
films pornographiques, ils sont à
l’origine d’une des premières af-
faires de « sextorsion » à grande
échelle. Pour ces faits commis du-
rant plusieurs mois en 2019, deux
petits génies de l’informatique,
jugés à partir de ce lundi 25 sep-
tembre à Paris, peuvent se targuer
d’avoir fait trembler des milliers
de victimes en leur demandant
une rançon de 500 euros sous pei-
ne de publier, pour chacune d’en-
tre elles, deux vidéos prises à leur
insu. C’est ainsi que les deux jeu-
nes hommes mettaient en garde
leurs proies, dans un mail stan-
dardisé : « Je suis un hackeur qui a
piraté votre appareil (…). J’ai créé
une vidéo en double écran : la pre-
mière partie montre la vidéo que
vous regardiez (vous avez de bons
goûts, ah ah ah) et la deuxième
partie montre votre webcam (…).
Mon logiciel a obtenu tous vos
contacts et fichiers (…). En cas de
non-exécution, j’enverrai l’enre-
gistrement à tous vos contacts. » Et
de préciser : « Y compris vos pa-
rents, vos collègues. »
L’affaire éclate en 2019, alors
que plusieurs centaines de plain-
tes sont déjà recensées. En Fran-
ce, les autorités comprennent très
A
créé par ces cybercriminels est
terriblement contagieux. Conta-
minant l’ordinateur par une sim-
ple pièce jointe adressée par mail,
il se propage ensuite comme une
traînée de poudre par le biais de
tous les contacts aspirés, raflant
au passage les mots de passe, les
documents confidentiels… et l’in-
timité des personnes. L’alerte
concernant cette tornade, qui se
déchaîne au sein de milliers d’or-
dinateurs, est alors donnée par le
ministère de la Justice auprès de
tous les parquets. Pour le recueil
des plaintes, une adresse électro-
nique est créée : cyber-chanta-
ge@interieur.gouv.fr.
Confiée à un juge d’instruction
parisien, Pascal Gastineau, « l’af-
Les deux geeks
de 21 ans auraient
réussi à extorquer près
de 1,3 million d’euros
à leurs victimes.
GORODENKOFF -
STOCK.ADOBE.COM
faire cryptoporno » donne lieu à
diverses investigations. Celles-ci
permettent très vite de localiser
les cybercriminels : deux geeks de
21 ans, Jordan et Augustin, basés
en Ukraine. Les deux s’étaient
rencontrés par le biais de jeux vi-
déo en ligne et avaient ensuite fait
route commune vers l’Europe de
l’Est, fief d’une partie de la pirate-
rie informatique.
Très vite, les deux complices
sont arrêtés. Le 9 septembre 2019,
Jordan est interpellé à sa descente
d’avion, à Roissy, en provenance
d’Ukraine. Se sachant recherché,
Augustin se rend trois mois plus
tard. Face aux policiers, tous deux
se montrent assez coopérants, ra-
contant comment ils ont confec-
tionné cette machine infernale. Ils
reviennent sur la création de leur
virus, baptisé « Varenyky »… en
référence à un plat traditionnel
ukrainien ! À partir des ordina-
teurs infectés, ils expliquent com-
ment les caméras se mettaient à
fonctionner à distance. Celles-ci
se déclenchaient à partir de mots-
clés à connotation sexuelle que les
deux prévenus avaient sélection-
nés et qui correspondaient à ceux
pianotés sur le clavier par l’utili-
sateur de l’ordinateur. Puis les
images étaient stockées sur un
serveur et un mail automatique de
rançon partait dans la foulée.
Arrêtés à temps
Les deux virtuoses ont, semble-
t-il, été arrêtés à temps. Aucun
film compromettant n’aurait été
envoyé et toute cette machinerie
informatique avait encore quel-
ques défauts, réduisant ainsi son
efficacité. Le serveur mis en place
s’était notamment révélé sous-di-
mensionné face à l’afflux d’images
à stocker, d’autant que les camé-
ras se mettaient parfois inopiné-
ment en marche. Les gains résul-
tant de ce chantage, minimisés par
leurs auteurs, n’ont pas été aussi
importants que prévu, même si la
somme de 1,3 million d’euros est
évoquée dans l’affaire. Le flou ré-
side toutefois sur le nombre de
personnes ayant accepté de verser
une rançon : embarrassées, elles
se sont montrées plutôt discrètes.
durant l’instruction, se sont mu-
tuellement jeté la pierre ? Pour
Me Raphaëlle Rischmann, l’avocat
de Jordan, le chapeau que l’on fait
porter à son client est trop grand.
« Il y avait à ce moment-là d’autres
équipes qui envoyaient des mails de
chantage en ciblant notamment le
ministère de la Justice. On a cru que
Jordan et son complice en étaient à
l’origine, ce qui s’est révélé faux.
Mais tout n’a pas été tiré au clair
dans cette affaire », assure-t-elle.
Quant à Augustin, son nom a
circulé en 2019 dans une autre af-
faire, au préjudice de banques
françaises, où des comptes privés
ont été vidés. « À ce stade, il n’est
pas mis en cause dans cet autre
dossier », avertit son avocat,
Me Jean-Laurent Panier, qui évo-
que pour son client un passé com-
pliqué. Le divorce de ses parents
et un père informaticien intraita-
ble l’ont précipité dans cette affai-
re pour laquelle il est jugé aujour-
d’hui. « Il a voulu montrer à son
père qu’il était capable et a voulu
faire un coup d’éclat », dit-il.
Dans l’attente de leur procès,
qui va s’étaler sur quatre jours,
ces deux surdoués, qui compa-
raissent libres, ont renoué avec ce
qu’ils savent faire de mieux. « Jor-
dan travaille dans son domaine de
compétence », indique Me Risch-
mann, sans vouloir en dire da-
vantage. Quant à Augustin, jus-
qu’alors autodidacte, il cherche à
décrocher un diplôme en infor-

vite qu’il s’agit là d’une véritable Que vont dire ces deux préve- matique. Après la piraterie, la
prouesse informatique. Le virus nus à la barre du tribunal, eux qui, respectabilité… ■

SPORT
Pour Antoine Dupont,
le compte à rebours est lancé
Le retour du demi de mêlée, opéré de la pommette vendredi, est espéré pour le quart ou la demi-finale.
DAVID REYRAT £@DavidReyrat
ENVOYÉ SPÉCIAL À AIX-EN-PROVENCE
RUGBY Après l’abattement, l’es-
poir. Et le début d’un haletant
feuilleton. Quand Antoine Dupont
va-t-il rejoindre les Bleus ? Quand
pourra-t-il reprendre l’entraîne-
ment collectif ? Et, surtout, quand
retrouvera-t-il le terrain ? Car, en
24 heures, la donne a changé.
Vendredi matin, tout le monde
redoutait un forfait du capitaine
du XV de France pour la suite de la
Coupe du monde. Samedi matin,
tout le monde compte sur ses
doigts à peine décroisés : le quart
de finale le 15 octobre ? L’éven-
tuelle demi-finale le 21 octobre ?
Il faut dire que tout s’est accélé-
ré. Comme Le Figaro l’avait révélé
sur son site, la décision d’opérer
Antoine Dupont de sa fracture
maxillo-zygomatique a été prise
vendredi après-midi et le joueur a
été opéré dans la soirée. Une fois
la décision prise, il n’était plus
question de tergiverser mais de
lancer la course contre la montre
sans perdre la moindre seconde.
Deux petites plaques en titane ont
Le rugby est-il
devenu un sport
trop dangereux ?
VINCENT BORDENAVE
£@bordenavev
APRÈS Romain Ntamack,
l’ouvreur titulaire du XV de Fran-
ce, en match de préparation, c’est
au tour du capitaine et joueur star
de l’équipe, Antoine Dupont,
d’avoir rejoint l’infirmerie (frac-
ture zygomatico-maxillaire). Le
parallèle entre les deux histoires a
de quoi surprendre. Les deux
joueurs se sont blessés lors de
matchs qu’ils n’étaient pas censés
jouer. Une piètre prestation de
l’équipe réserve la semaine précé-
dente (défaite contre l’Écosse le
5 août dernier et petite victoire
contre l’Uruguay le 14 septembre)
a forcé le sélectionneur du XV de
France à revoir ses plans. Si le sort
du demi d’ouverture est scellé de-
puis plusieurs semaines, le capi-
taine des Bleus « va pouvoir revenir
au sein de l’équipe de France dans
un processus de reprise sportive
progressive et sous contrôle médi-
cal », a précisé la FFR après son
opération, sans donner davantage
d’indications.
« Une fracture zygomatico-
maxillaire est une lésion grave,
réagit le Dr Jean Chazal, neurochi-
rurgien et ancien président de la
commission médicale de l’ASM
Clermont Auvergne. C’est une ré-
gion stratégique sur le plan fonc-
tionnel… plus la commotion qui n’a
pas manqué de se produire, le cer-
veau étant juste au-dessus et en
arrière. C’est une blessure assez
rare dans le rugby et un arrêt de
trois mois est classique. Le joueur
de Clermont Sébastien Vahaamahi-
na avait subi quelque chose de si-
milaire en Coupe d’Europe et avait
arrêté sa carrière (fracture du nez
et de la base du crâne). Le staff a
pris la décision de faire jouer Antoi-
ne Dupont la deuxième mi-temps
d’un match déjà largement gagné.
Qui plus est, contre une nation de
niveau très inférieur, qui est lancée
dans l’arène d’un sport violent, et
dont les joueurs ne maîtrisent
qu’imparfaitement la technique. »
Depuis plusieurs années, les
articles racontant l’évolution des
gabarits dans le rugby se succè-
dent. Le passage au profession-
nalisme a totalement transformé
ce sport, et a fait des rugbymen
de haut niveau des surhommes,
donc été fixées pour consolider sa
pommette droite et le staff trico-
lore a enclenché le chronomètre.
Les temps de passage sont ins-
crits sur la flèche du temps si cher
à Fabien Galthié. Antoine Dupont,
qui se repose chez lui, à Toulouse,
rejoindra le groupe à Aix-en-Pro-
vence en milieu de semaine. Place
alors à « une reprise progressive
sous contrôle médical », selon la
FFR. Pour l’entraînement collec-
tif, il faut attendre au moins dix
jours. Et sans contact. On arrive
au 6 octobre et le dernier match
de poules des Bleus face à l’Italie à
Lyon. Sans Dupont, évidemment.
Et pour le quart de finale, le 15 oc-
tobre au Stade de France, très
probablement contre l’Afrique du
Sud, tenante du titre ?
Une icône
C’est justement toute la ques-
tion, et elle n’a pas fini d’agiter
les médias ces prochaines se-
maines tant le joueur a basculé
dans une autre dimension de-
puis le début de cette Coupe du
monde. Il était déjà la tête d’af-
fiche du rugby français. Il en est
devenu l’icône, sortant du cadre
alors que ce sport s’est toujours
targué d’être accessible à tous, et
ce, quelle que soit sa morpholo-
gie. Une tendance qui n’a fait que
s’accélérer ces dernières années.
Un joueur comme l’Australien
Will Skelton avec ses
140 kg était un véritable ovni
quand il a célébré sa première sé-
lection face à la France, en 2014.
S’il reste un des joueurs les plus
impressionnants de la Coupe du
monde 2023, il n’est même pas
sur le podium des participants les
plus imposants. Cette évolution a
un impact énorme sur le jeu,
mais aussi sur la santé des
joueurs. Les blessures font bien
entendu partie du sport et sont
monnaie courante. Cette Coupe
du monde ne fait pas exception.
« Un véritable sport
de combat »
« Le rugby est entré dans une nou-
velle dimension, commente Jean
Chazal. D’un sport universitaire
inventé pour occuper les mains, les
pieds et la tête, il est devenu un vé-
ritable sport de combat, mais qui
n’en a sans doute pas encore pris la
mesure. » Depuis plusieurs an-
nées, le sujet prend de plus en plus
d’ampleur. De nombreux anciens
joueurs ont entamé des procédu-
res en justice contre leur fédéra-
tion et des drames survenus sur le
terrain sont venus alerter l’opi-
nion. « Le risque est de plus en plus
pris en compte, commente le
Dr Jean-François Chermann, mé-
decin neurologue. La prévention
des dangers, et plus particulière-
ment des commotions cérébrales,
est un sujet mis sur la table. Ce
n’est pas le cas dans tous les sports
de contact. »
Sur les vingt-cinq dernières
années, les joueurs ont gagné
3 cm et 13 kg en moyenne. Un
changement qui a des consé-
quences. Par exemple, les ailiers
les plus rapides courent environ à
36 km/h. En 1995, Philippe Saint-
André, qui occupait le poste en
équipe de France avec ses 78 kg,
dégageait à cette vitesse une
énergie de 3 900 joules. Aujour-
d’hui, les cinq joueurs néo-
zélandais jouant à l’aile dépassent
ou frôlent les 100 kg. Un joueur
qui tente de les arrêter alors qu’ils
sont lancés à pleine vitesse se
prend 5 000 joules, soit l’équiva-
des aficionados pour devenir
une personnalité publique du
fait des audiences télé pulvéri-
sées par l’intérêt soudain du
grand public pour le ballon ova-
le. Sa médiatisation a explosé et
les directs approximativement
cadrés devant l’hôtel des Bleus
se multiplient sur le petit écran.
Où chaque phrase, chaque indi-
ce alimente le débat.
L’Anglais Shaun Edwards, en
charge de la défense tricolore, a
confié dans sa chronique pour le
Daily Mail qu’il serait « surpris
que Dupont ne soit pas disponible
Victime d’un choc pour le quart ou la demie ». Sur
tête contre tête son compte X, la star a réjoui ses
avec le centre fans avec un post vu plus de
Johan Deysel, 6 millions de fois : « Touché mais
jeudi à Marseille,
pas coulé. Hâte de retrouver le
lors du match
contre la Namibie, groupe. » C’est sûr, il va revenir.
Antoine Dupont, Et cette certitude va booster le
le capitaine des Bleus, moral de ses coéquipiers. Avec
reçoit des soins. « Super Dupont », tout va bien
PETER CZIBORRA/REUTERS se passer. Il faut l’espérer pour
lent d’un petit scooter à 20 km/h,
plusieurs fois par match ! « Les
blessures font désormais partie du
jeu, juge Jean-François Cher-
mann. On doit mettre en place des
dispositifs pour empêcher que leur
« deEn matière conséquence ne soit trop grave sur
le long terme. En matière de com-
motion cérébrale, il faut donc évi-
commotion ter à tout prix qu’un joueur com-
motionné risque un nouveau choc.
cérébrale, Il faut s’assurer que le joueur sorte,
il faut éviter et qu’il ne reprenne pas la compé-
à tout prix tition avant d’être totalement ré-
tabli. » Des clubs, comme l’ASM à
qu’un joueur Clermont-Ferrand, ont mis en
commotionné place des dispositifs pour suivre la
risque récupération de joueurs en tra-
çant certains biomarqueurs. « Les
un nouveau fédérations devraient mettre en
choc. Il faut place ce dispositif partout, indique
s’assurer Jean Chazal. Il suffit de prélever
une goutte de sang et de l’analyser
que le joueur dans un automate. C’est un petit
sorte, et qu’il investissement, mais indispensable
ne reprenne pour la santé des joueurs. À long
terme, les conséquences des com-
pas la motions répétées sont dramati-
compétition ques : on parle de démence préco-
ce, très handicapante. »
avant d’être
totalement « Le cerveau a un rôle
rétabli »
DR JEAN-FRANÇOIS
déterminant »
Les commotions ne sont pas les
CHERMANN, MÉDECIN seules blessures du rugbyman. Le
NEUROLOGUE genou fait régulièrement des sien-
nes. Plus un joueur est musclé,
plus il est résistant. Mais des par-
ties du corps comme les tendons
ne sont pas protégées. L’articula-
tion subit une telle pression mus-
lui surtout. Car le risque que sa
blessure ne s’aggrave en cas de
nouveau choc n’est pas négli-
geable. Ni secondaire. Sa santé
est également en jeu. Un sujet
qui, lui aussi, va envahir les mé-
Après trois jours de repos,
les Bleus retrouvent le terrain
Ce lundi sonne la fin
des « vacances » des Bleus.
Libérés vendredi matin après
la victoire contre la Namibie,
ils ont passé trois jours
en famille. Certains sont
même rentrés chez eux. Ainsi,
Charles Ollivon, qui assurera
le capitanat jusqu’au retour
d’Antoine Dupont, a posté une
photo de lui en train de bricoler
dans sa maison varoise. Ballade
13kilos
et 3 centimètres de plus
en moyenne pour les joueurs
en vingt-cinq ans
culaire sur la prise de décision au
moment de crocheter qu’il arrive
qu’elle cède. « Là encore, le cer-
veau a un rôle déterminant, analy-
se Jean Chazal. Notre corps nous
envoie des signes de faiblesse, qu’il
faut savoir écouter. Mais à force de
chocs, une partie clé du cerveau
dans ce processus est détériorée, il
s’agit de l’insula, région fortement
impliquée dans la régulation de
nombreuses fonctions cérébrales,
notamment la freination de l’activi-
té du système musculaire lorsque
celui-ci est fatigué. L’atteinte de
l’insula elle-même désinhibe le
joueur dans son effort musculaire,
ce qui peut expliquer chez lui la ré-
pétition des blessures lorsqu’il
souffre à la fois de fatigue muscu-
laire et cérébrale. »
Cela explique d’ailleurs que
certains joueurs soient réguliè-
rement blessés : ils ne sont plus
capables de savoir quand ils doi-
vent sortir du terrain. Dans le
cas de la blessure d’Antoine Du-
pont, la situation est inverse,
c’est sans doute par manque de
LE FIGARO lundi 25 septembre 2023
19
dias et animer les réseaux so-
ciaux ces prochaines semaines.
Et comme les médecins s’échar-
pent déjà sur le sujet, ça promet.
La Dupontmania n’est pas près
de retomber. ■
en famille pour Cyril Baille
ou passage chez le coiffeur
pour Uini Atonio, au vu de leurs
réseaux sociaux. De retour
à l’hôtel Renaissance d’Aix-
en-Provence, dimanche soir,
les joueurs retrouveront le
terrain ce lundi. Entraînement
à 17 heures. Avec, peut-être,
les premières indications pour
la composition d’équipe contre
l’Italie, le 6 octobre à Lyon. D. R.
lucidité que le joueur namibien
ne s’est pas bien baissé au mo-
ment du placage. « On retrouve
là encore le rôle essentiel joué par
certaines structures cérébrales
dans la prise de décision et le
contrôle du mouvement, juge
Jean Chazal. Ce que le staff et
certains préparateurs physiques
semblent ignorer. »
Force est de constater que la
tendance ne va pas à l’améliora-
tion. Les équipes compensent le
risque de blessure en étoffant
leur banc ou en prenant en
compte cette réalité. En match
de préparation, l’équipe d’Afri-
que du Sud a aligné pour la pre-
mière fois sept avants sur son
banc de remplaçants… un moyen
de faire rentrer plus de joueurs
lourds et frais, face à des adver-
saires déjà fatigués. La « révolu-
tion » a été répétée ce samedi
lors du match décisif contre l’Ir-
lande, finalement perdu par les
Springboks. « C’est vraiment
dommage sur le long terme pour
le sport, regrette Jean Chazal. Ce
qui se passe chez les profession-
nels a un impact dans toutes les
autres catégories. Le jeu devient
de plus en plus brutal et donc de
plus en plus dangereux à tous les
niveaux. Et les instances ont les
outils pour infléchir cette tendan-
ce, en interdisant par exemple les
placages à deux, en organisant
les catégories jeunes par poids…
A
Mais elles s’y refusent, souvent
par négation du problème. » ■
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO

20 SPORT

L’Afrique du
Sud en quart :
bonne
ou mauvaise
nouvelle ?
Battus par l’Irlande, les Springboks
devraient croiser la route des Bleus.
ARNAUD COUDRY £@ArnaudCoudry
RUGBY Les dés sont jetés. Le choc de
samedi soir, dans un Stade de France
totalement acquis à la cause des Ir-
landais victorieux des Sud-Africains
(13-8), a dessiné une partie du ta-
bleau final de la Coupe du monde.
Les Bleus, qui devraient finir en tête
de la poule A après leurs succès
contre les All Blacks et a priori contre
les Italiens (le 6 octobre), devraient
croiser le fer, dès les quarts de finale,
avec les Springboks, champions du
monde en titre qui devraient finir
deuxièmes de la poule B. Un choc qui
s’annonce titanesque. À l’image de la
victoire des Bleus en novembre der-
nier au Stade-Vélodrome (30-26).
« Je n’avais jamais connu une intensité
pareille. C’était un peu la guerre sur le
terrain », avait alors confié Cameron
Woki, le deuxième ligne tricolore.
Samedi face au XV du Trèfle,
l’Afrique du Sud a perdu de son effi-
cacité et de sa force de frappe. Plu-
sieurs explications. Il y a d’abord et
surtout eu une faillite des buteurs
sud-africains. L’ouvreur Mannie
Libbok et le demi de mêlée Faf de
Klerk ont en effet laissé échapper pas
moins de 11 points : trois pénalités et
une transformation. Rédhibitoire à
ce niveau de compétition. Le retour
aux affaires de Handré Pollard, bu-
teur attitré lors du sacre de 2019 mais
absent samedi, devrait permettre de
régler ce problème d’efficacité.
Autre couac, les Verts ont su do-
miner les Boks sur l’un de leurs
points forts : la guerre des rucks, un
secteur où Peter O’Mahony et ses
coéquipiers ont récupéré sept turn-
overs. « L’Irlande a trouvé les moyens
de nous battre. Nous n’avons pas mar-
qué de pénalités. Nous n’avons pas su
franchir leur ligne. Nous avons laissé
passer des opportunités », a reconnu
le sélectionneur Jacques Nienaber.
Depuis la dernière Coupe du mon-
de, les Boks ont fait évoluer leur jeu,
délaissant le systématique jeu de dé-
possession (rendre le ballon au pied à
l’adversaire pour essayer de le met-
tre à la faute) pour laisser leur ligne
de trois quarts électrique s’exprimer.
Cela a été le cas contre l’Irlande, mais
ça n’a pas fonctionné. « Je pense que
nous avons manqué de précision,
confirme le flanker et capitaine Siya
Kolisi. Nous n’avons pas su conserver
le ballon et renverser le jeu. »
Désormais sous pression
Les Sud-Africains étaient pourtant
arrivés en France en pleine confiance
après leur succès historique contre
les All Blacks, laminés 35-7 en match
de préparation fin août. Trop sûrs de
leurs forces ? Ils ont, dans ce Mon-
dial, tenté des coups, en alignant no-
Samedi soir, au Stade
de France, lors du match
Afrique du Sud-Irlande,
les deux équipes
n’ont pu marquer
qu’un essai chacune,
les Sud-Africains
par Cheslin Kolbe
(50e, ici avec le ballon)
et les Irlandais
par Mack Hansen (33e).
PAUL DELORT/LE FIGARO
tamment quatre demis de mêlée sur Attention toutefois au rouleau
la feuille de match contre la Rouma- compresseur springbok. Seule na-
nie et un inédit banc en 7-1 (sept tion triple championne du monde
avants, un arrière) samedi, pensant (1995, 2007, 2019) avec la Nouvel-
que ce groupe de remplaçants sur- le-Zélande (1987, 2011, 2015), deux
nommé le « bomb squad » ferait la fois demi-finaliste (1999, 2015),
différence. Raté. l’Afrique du Sud ne s’est inclinée
Même s’ils tentent de relativiser la que deux fois en quarts de finale en
portée de l’échec de samedi, les sept participations depuis 1995. En
Springboks reconnaissent qu’ils vont 2003 face aux All Blacks (9-29) puis
être désormais sous pression face à la en 2011 face aux Wallabies (9-11).
France, l’équipe hôte de cette Coupe Deux équipes qui, épuisées, avaient
du monde. « On savait que ce match chuté dans la foulée en demi-fina-
(contre l’Irlande) serait difficile. Il ne le. Les victoires contre les Boks
faut pas trop s’appesantir sur une dé- laissent des traces. ■
faite, il faut rebondir et se concentrer
sur la suite », insiste le capitaine. 3E JOURNÉE COUPE DU MONDE
Mais le sélectionneur Jacques Niena- GR. A FRANCE 96-0 NAMIBIE
ber concède : « Maintenant, on a plus GR. B AF. DU SUD 8-13 IRLANDE
de pression pour aborder les quarts. GR. B ECOSSE 45-17 TONGA
Quand il y a moins de pression, c’est GR. C GEORGIE 18-18 PORTUGAL
plus facile à gérer. Mais les joueurs GR. C GALLES dim. AUSTRALIE
s’habituent à la pression à mesure que GR. D ARGENTINE 19-10 SAMOA
la compétition avance. » GR. D ANGLETERRE 71-0 CHILI

Nasser al-Khelaïfi : « Kylian Mbappé mérite le Ballon d’Or »

Le président du PSG s’est exprimé devant quelques médias, dont « Le Figaro », samedi, pour tirer un premier bilan du début de saison.
ber, lui qui a inscrit huit des dou- Plus impliqué que jamais au dans son ensemble. C’est en tout ris. Dans le dernier épisode de ce

« problèmes
Tous les CHRISTOPHE REMISE £@CRemise77

FOOTBALL « Nouvelle identité,

que nous nouveau style, nouvelle culture. »
avons Nasser al-Khelaïfi a fait le point
devant quelques médias, dont Le
rencontrés Figaro, samedi, au Campus PSG,
restent dans rappelant que « la Ligue des
la famille champions n’est pas du tout une
obsession, c’est fini. Je l’ai dit lors
et Kylian fait de la première conférence de pres-
partie de se avec Luis Enrique » le 5 juillet
la famille »
NASSER AL-KHELAÏFI,
dernier. Nouveau projet, nou-
veau PSG. « Ensuite, les résultats
suivront, ajoute le président. Nous
PRÉSIDENT DU PARIS
SAINT-GERMAIN construisons une équipe qui joue
vraiment en équipe. »
Depuis le début de saison, les
progrès en termes de collectif
sont sensibles. Mais on voit aussi
et surtout Kylian Mbappé flam-
ze buts parisiens avant le Classi-
que face à l’OM dimanche soir.
Lequel Mbappé semblait pourtant
proche de la sortie cet été. Les
deux camps se sont rabibochés
avant PSG-Lorient. On ne sait pas
(encore) ce qui a occasionné ce
rapprochement. « NAK » n’a pas
dévoilé de secret à ce sujet. « Tous
les problèmes que nous avons ren-
contrés restent dans la famille et
Kylian fait partie de la famille »,
affirme-t-il, « fier de ce que lui et
toute l’équipe font ». Une chose est
sûre : le président et le PSG en-
tendent pousser la candidature du
capitaine des Bleus pour le Ballon
d’Or. Verdict le 30 octobre.
« Nous avons le meilleur joueur du
monde et pour moi, il mérite le Bal-
lon d’Or », jure Nasser al-Khelaïfi.
quotidien, et notamment lors du
mercato ou dans le dossier Mbap-
pé, le patron « essaie d’être plus
cas l’idée d’un président qui vise à
« promouvoir le football français »
et qui raconte une anecdote par-
feuilleton teinté d’amertume, le
septuple Ballon d’Or argentin a
regretté que le Paris Saint-Ger-
proche de l’équipe et du club, car je lante au sujet du maillot : « Hier main ne célèbre pas son titre de
pense que c’est un moment vrai- (vendredi), j’étais avec Nike pour champion du monde. « On parle
ment important dans une nouvelle le maillot 2025-2026 et la première beaucoup à l’extérieur, je ne sais
ère pour construire la base », assu- chose que j’ai dite, c’est : “Où est le pas ce qu’il a fait ou ce qu’il n’a pas
re-t-il. Une base qui doit permet- drapeau français ?” Parce que dit », a d’abord indiqué Nasser al-
tre au PSG de briller, mais aussi quand on joue la C1, on veut rendre Khelaïfi. Et de poursuivre : « Nous
de faire briller le football français tous les Français fiers de leur club avions célébré Messi à l’entraîne-
français. » ment et en privé. Mais avec res-
6E JOURNÉE LIGUE 1 pect : nous sommes un club fran-
MONACO (3)
NANTES (9)
0-1
5-3
NICE (2)
LORIENT (14)
Messi, pas heureux
à Paris
A priori, Lionel Messi n’a, lui, pas
çais. C’était bien sûr sensible de
faire la fête au stade… Nous devons
respecter le pays qu’il a vaincu, ses
BREST (1) 1-0 LYON (17)
METZ (11) 0-1 STRASBOURG (4) autant apprécié son passage sur coéquipiers de l’équipe de France
LE HAVRE (5) 2-1 CLERMONT (18) les bords de la Seine que Nasser et nos supporteurs aussi. Mais il
LENS (16) 2-1 TOULOUSE (15) al-Khelaïfi. L’Argentin s’en est était, et est encore, un joueur in-
MONTPELLIER (13) 0-0 RENNES (8) confié à plusieurs reprises dans croyable. Nous étions fiers de
PARIS SG (7) dim. MARSEILLE (6) les médias, affirmant par exemple l’avoir ici. » Le sentiment n’était
LILLE (10) mardi REIMS (12) qu’il n’a « pas été heureux » à Pa- visiblement pas partagé. ■

Solheim Cup : Céline Boutier, un nul amer
Le match nul (14-14) face aux Américaines permet à la Française et à ses coéquipières de conserver le trophée.
LAURENT LOUËT £@LaurentLouet
GOLF Si, chez les hommes, l’Europe
mène 11 victoires à 9 (pour 1 nul)
contre les États-Unis en Ryder Cup
depuis 1979, les Européennes, elles,
courent toujours après les Améri-
caines au palmarès de la Solheim
Cup. Créée en 1990, l’épreuve fémi-
nine a été remportée à 9 reprises
par les golfeuses du Vieux Conti-
nent, contre 10 à leurs adversaires.
Et le match nul (14 points à 14) en-
registré ce week-end sur le par-
cours de la Finca Cortesin (Espagne)
n’y change rien. Grâce à ce partage
des points, la capitaine Suzann Pe-
tersen et ses joueuses conservent le
trophée en Europe.
Cette 18e édition a été indécise
jusqu’au bout avant que l’Europe
soit certaine de conserver la Cou-
pe. Au matin des matchs en simple,
A
lait attendre l’après-midi pour que
se dessine une tendance. La pre-
mière à céder était l’Américaine
Rose Zhang (20 ans), jeune prodige
californienne, vainqueur de son
premier tournoi disputé comme
professionnelle sur le LPGA Tour.
La joueuse d’Irvine s’inclinait de-
vant l’Irlandaise Leona Maguire
(28 ans), qui faisait déjà partie de
Open de France : le bon coup de Ryo Hisatsune
Une victoire inédite. Jamais
aucun joueur japonais ne s’était
imposé à l’Open de France
depuis 1906 et la première
victoire d’Arnaud Massy.
Ryo Hisatsune (21 ans,
166e mondial) remporte le plus
vieil Open d’Europe continentale
l’équipe européenne victorieuse de
la Solheim Cup en 2021. Un signe ?
S’ensuivait un mano à mano au ta-
bleau des scores, chaque équipe
prenant l’avantage alternative-
ment. Jusqu’à la défaite de la Fran-
çaise Céline Boutier face à Angel
Yin (2 & 1). Il fallait alors tout le ta-
lent de l’Anglaise Caroline Hedwall
et de la Suédoise Maja Stark pour
d’un dernier tour en 66, soit
cinq coups sous le par, le joueur
débarqué du pays du Soleil-
Levant découvrait le parcours
Albatros du Golf National. Il
devance les Anglais Jeff Winther
et Jordan Smith (- 12). Un
moment en tête du leaderboard,
et l’Allemand Yannick Paul (- 9),
respectivement 2e et 4e
l’an dernier, n’ont pas résisté au
retour du Japonais. Le Français
Julien Brun (- 9) termine à une
belle 6e place tandis qu’Adrien
Saddier (- 6) et Alexandre Levy
(- 5) sont dans le top 20.
entretenir l’espoir. Le point du sa-
lut européen était gagné par l’Es-
pagnole Carlota Ciganda devant
son public. Symbolique.
Si Céline Boutier sort grandit
d’une troisième victoire personnel-
le en Solheim Cup, elle y a contribué
cette année en faisant surtout… acte
de présence. En 2021, la native de
Montrouge avait bouclé sa deuxiè-
me participation avec 1 victoire,
1 nul et 1 défaite. En 2019, alors roo-
kie, elle avait frappé fort en gagnant
tous ses matchs. Cette année, son
duo formé avec l’Anglaise Georgia
Hall s’est incliné lors de chacune
des sessions de foursomes, avant la
cruelle défaite en simple face à une
adversaire situé en 33e position
mondiale, loin derrière elle. Céline
Boutier aura certainement à cœur
d’offrir un tout autre visage lors de
la 19e Solheim Cup, qui se jouera du
10 au 15 septembre 2024 au Robert
ZOOM
F1 : Verstappen vainqueur,
6e sacre pour Red Bull
Dominateur lors des essais,
auteur de la pole samedi,
Max Verstappen (Red Bull)
a fait cavalier seul dimanche au
Japon pour glaner un 13e succès
cette saison et le 48e en carrière.
Le Néerlandais, qui a devancé
les pilotes McLaren Lando Norris
(2e) et Oscar Piastri (3e),
se rapproche un peu plus
d’une troisième couronne
des pilotes qu’il pourrait
décrocher le samedi 7 octobre
au Qatar lors de la course sprint,
en terminant simplement devant
Sergio Perez (abandon au Japon).
En attendant, Verstappen a offert
un sixième sacre à Red Bull chez
les constructeurs. Dimanche
royal et saison « incroyable »,
pour Christian Horner, le patron
de l’écurie autrichienne. Du côté
des Français, Alpine a retrouvé
le sourire avec Esteban Ocon (9e)
et Pierre Gasly (10e), dans
les points, même si ce dernier n’a
guère apprécié de devoir laisser

les deux équipes partageaient la sur le score total de - 14. Auteur le Danois Rasmus Hojgaard (- 11) L. L. (AU GOLF NATIONAL) Trent Jones Golf Club, à Gainesville, passer son coéquipier, mieux
marque (8-8) dimanche. Et il fal- en Virginie. ■ placé au classement des pilotes.
 le figaro Lundi 25 Septembre 2023

LE CARNET DU JOUR
Les annonces sont reçues
avec justiication d’identité
du lundi au vendredi
de 9h à 13h et de 14h à 18h
(excepté les jours fériés)
et tous les dimanches
communications
L'association Agir pour la Paix
avec les Chrétiens d'Orient
vous invite à un
récital lyrique
avec Joachim Bresson, ténor,
et Hugues Reiner, piano,
Mme Maurice Delamarche,
née Bernadette Colas,
son épouse,
Claire Delamarche,
Axelle Delamarche,
Martin, Hippolyte et Violette,
François-Xavier Delamarche,
Dafnée et Airy,
Grégoire Delamarche,
Guillaume Delamarche,
ses enfants et petits-enfants,
ont la tristesse
Chantal de La Laurencie,
son épouse,
Gilles et Isabelle,
Xavier et Grace,
Henri,
ses enfants,
ses neuf petits-enfants
vous font part
du rappel à Dieu de
Hubert de LA LAURENCIE
21
On nous prie de faire part
du rappel à Dieu de
Pierre SALATS
X 50,
directeur international
d'IBM France,
le 21 septembre 2023,
à l'âge de 93 ans, muni
des sacrements de l'Église.
De la part de

Cultiver
de vous faire part La cérémonie religieuse Germaine Salats,
de 9h à 13h. le jeudi 28 septembre 2023,
du rappel à Dieu de sera célébrée née Bourgeois,
à 20 h 30, en l'église protestante
unie de l'Annonciation, le mardi 26 septembre 2023, son épouse,
19, rue Cortambert, Paris (16e). à 10 heures,
M. Maurice DELAMARCHE

Elles doivent nous parvenir
avant 16 h 30
pour toutes nos éditions
du lendemain,
Entrée libre avec collecte.
deuils
Isabelle, Laurence, Hélène
sa liberté,
en l'église Saint-Léon, Philippe Salats,
chevalier Paris (15e). Delphine et François
des Arts et des Lettres, Denis-Paternault,
Sabine et Vincent Combes,
ses enfants,
c’est cultiver
le 20 septembre 2023,
à l'âge de 87 ans. Armand, Philippine, Ombeline,
Vaucresson (Hauts-de-Seine). Charles, Gaëtan et Germain,
La messe de funérailles ses petits-enfants.
sera célébrée Mme Henri Latil,

et Christine Bochet,
avant 13 h les dimanches. ses filles,
font part du rappel à Dieu de
Mme Henri BOCHET
née Antoinette Lepage,
Courriel le 20 septembre 2023,
carnetdujour@media.figaro.fr dans sa 95e année.
La cérémonie religieuse
Téléphone sera célébrée
le mardi 26 septembre, à 10 h 30,
le mardi 26 septembre 2023,
à 14 h 30, en l'église
Saint-Léon de Nancy.
Une messe en mémoire
du défunt aura lieu
le mardi 26 septembre 2023,
à 9 heures, en l'église
Saint-Jean-Baptiste de Verdun.
L'inhumation se déroulera
dans l'intimité familiale.
Cet avis tient lieu de faire-part.
sa curiosité.
née Claude Ribadeau Dumas, La cérémonie religieuse
son épouse, sera célébrée
le mercredi 27 septembre,
Sophie Latil, à 14 heures, en l'église
Frédéric Latil, Saint-Philippe-du-Roule,
Stéphanie et Christophe à Paris (8e),
Condat, suivie de l'inhumation
Guillaume et Valérie Latil, au cimetière du Montparnasse.
ses enfants,
Louis et Chloé,
Lucas et Prune, Charles Tremblay,
Lucien et Stella, Teaiki, son époux,
Hianau, Hugo, Julie, Laureline, Véronique et Philippe Emerat,

01 56 52 27 27
sur notre site
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Du lundi au jeudi
26 € jusqu’à 25 lignes
24 € à partir de 26 lignes
Vendredi ou samedi
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Réduction à nos abonnés :
nous consulter
Les lignes comportant des
caractères gras sont facturées
en l'église Sainte-Thérèse,
à Boulogne-Billancourt.
Jean-Baptise et Quiterie,
Victoire, Emmanuel, Flore,
Christophe et Christine
Tremblay,
Frédéric et Marie-Pierre
Céleste,
ses petits-enfants, Tremblay,
ses enfants,
Monique Gonzalez de Linares,
son épouse,
Émile, son arrière-petit-fils, ses petits-enfants
et arriere-petits-enfants
Jackie Champion,
son père, ont la tristesse
Bénédicte et François-Xavier de faire part du décès de ont la tristesse
Audrey Champion, Richard, de faire part du décès de
son épouse, Tristan et Armelle
Jules, Zoë et Eve, Gonzalez de Linares, Christiane TREMBLAY
ses enfants, Soizick et Vincent Dobler,
Henri LATIL
née Petit,
Olivier Champion, ses enfants,
son frère, le 20 septembre 2023,
survenu le 21 septembre 2023,
ses 9 petits-enfants
les familles Champion, et ses 2 arrière-petites-filles
à l'âge de 92 ans, à l'âge de 92 ans, munie
des sacrements de l'Église.
à Asnières-sur-Seine.
Moulène et alliées Recevez Le Figaro chaque jour et
font part du rappel à Dieu de
ont la douleur La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
ses magazines le week-end.
de faire part du décès de Notre-Dame-de-l'Assomption,
Amédée-Noël
Notre-Dame-du-Bourguet,
à Forcalquier à Auvers-sur-Oise, Accédez aux versions numériques
Renaud CHAMPION GONZALEZ de LINARES
(Alpes-de-Haute-Provence), le mardi 26 septembre, du journal, des magazines et
le mercredi 27 septembre, à 15 h 30.
le 14 septembre 2023,
à 14 heures. des hors-séries culturels ainsi
à l'âge de 49 ans. le 20 septembre 2023,
à l'âge de 88 ans. Elle sera suivie de l'inhumation
qu’aux applications Figaro Jeux
La cérémonie religieuse
au cimetière de Forcalquier. Pierre et Mireille Wajnglas, et Le Figaro Cuisine.
sera célébrée La cérémonie religieuse Michel et Michelle Wajnglas,
en l'église Saint-Denys- sera célébrée en l'église Françoise Wajnglas,
du-Saint-Sacrement, Une messe sera également
Sainte-Maure-Saint-Britte, dite pour lui, en l'église Philippe et Emmanuelle
68 ter, rue de Turenne, 3, rue de l'Église, Wajnglas,
à Paris (3e), Saint-Denys de Vaucresson,
à Sainte-Maure-de-Touraine ses enfants,
le vendredi 29 septembre 2023, (Indre-et-Loire),
le samedi 30 septembre,
à 10 heures.
à 10 h 30. le mardi 26 septembre 2023, ses 9 petits-enfants,
à 15 heures, ses 19 arrière-petits-enfants

279€ pour
suivie de l'inhumation
sur la base de deux lignes ; au cimetière
et son arrière-arrière-petit-fils

les effets de composition de Sainte-Maure-de-Touraine. ont la tristesse

de vous annoncer le décès de
6 mois
Emmanuel et Catherine Véron, Isabelle, Arnaud, Jérôme
sont payants ; Cet avis tient lieu de faire-part.
Marianne Véron Lottman,
Nicolas Véron
Lévêque,
Blandine de Sinety Mme Ginette WAJNGLAS au lieu de 594€
chaque texte doit comporter et Catherine Baude,
née Stein,
ont la tristesse fondatrice de la société
ses frères, sœur
un minimum de 10 lignes. et belles-sœurs, de faire part du décès de Vainglas international,
Jean-Pierre Lapérouse, survenu le 21 septembre 2023,
Stéphane, Géraldine, son époux, à l'âge de 98 ans.
Valentine et Bruno, Nicole LÉVÊQUE
Aurélien et Emmanuelle, Pascal Lapérouse (†), née Parent,
veuve de La cérémonie religieuse aura
Naissances, Commémoration, Jérémie et Kerstin, Nathalie Lapérouse, lieu le mercredi 27 septembre,
Adoptions, Signatures, Charlotte et Sylvain, ses enfants, Michel Lévêque La culture de la liberté depuis 1826
à 10 h 30,
Dimitri et Cécile, Margaux Gasiorowski, en l'église Saint-Pierre
Baptêmes, Départsen Alexandre et Liza, Lorraine Gasiorowski,
Fiançailles, retraite, survenu le 21 septembre 2023, de Charenton-le-Pont,
ses neveux et nièces, Louis Gasiorowski, suivie de l'inhumation,
Mariages, Vœux, ses petits-enfants, à l'âge de 96 ans, à Lyon.

ABONNEZ-VOUS
à 15 h 30, au cimetière
Anniversaires, Deuils, Romain, Eline, Charles, de La Framboisière
Victoire et Fabien, ainsi que toute la famille La cérémonie religieuse
Centenaires, Condoléances, Jeanne et Solal, Marc, Julie, sera célébrée (Eure-et-Loir).

AU FIGARO
FêtedesMères, Remerciements, Lemmy, Simon, William, ont la douleur le mardi 26 septembre,
FêtedesPères, Souvenirs, ses petits-neveux de vous faire part à 10 heures,
Saint-Valentin, Messeset et petites-nièces, du rappel à Dieu de en l'église Notre-Dame,
à Vierzon (Cher). messes
Noces, anniversaires,
Arthur, Raphaël, Alix,
Communica- Officesreligieux, ses arrière-petits-neveux Danièle LAPÉROUSE Une messe sera célébrée
À renvoyer dans une enveloppe afranchie à :
tionsdiverses, Prised’habit, et arrière-petite-nièce, née Bouchard, le jeudi 28 septembre 2023, LE FIGARO ABONNEMENT
Conférences, Jubilé, à 19 h 15, en l'église 45 avenue du Général Leclerc 60643 CHANTILLY CEDEX
Thèses, ainsi que ses fidèles amies, ancienne présidente Notre-Dame-des-Champs,
Jubilésacerdotal, Marie-Rose, Anne, Sylvie, de la Croix-Rouge de Senlis, Dachstein (Bas-Rhin). 91, boulevard
Portesouvertes, Ordination, vice-présidente
Distinctions, Vœux ont l'immense peine de la Croix-Rouge de l'Oise, Hervé et Caroline
du Montparnasse, Paris (6e),
à l'intention de OUI, je m’abonne à la Formule CLUB pour 279€
Nominations, monastiques. d'annoncer la mort de Manhès d'Angeny au lieu de 594€, soit 53% de réduction. Je reçois
et leurs enfants, Mme Bernard DESCHAMPS
à son domicile, née Alix Sudre. pendant 6 mois Le Figaro du lundi au samedi,
Suzel GILBERT le 20 septembre 2023, Sophie Manhès d'Angeny
accompagné des cahiers thématiques et des
née Véron, à l'âge de 83 ans. et ses enfants rappelée à Dieu le 9 août 2023.
magazines du week-end. J’accède à leurs versions
Reprise des annonces sur : La cérémonie religieuse ont la douleur
numériques et aux hors-séries culturels ainsi qu’aux
le 17 septembre 2023, sera célébrée de faire part du décès de
carnetdujour.lefigaro.fr au terme d'une longue le jeudi 28 septembre, Une messe sera célébrée applications Figaro Jeux et Le Figaro Cuisine.
et cruelle maladie. à 15 heures, en l'église en l'église
www.dansnoscoeurs.fr de Mont-l'Évêque (Oise), M. Thierry Saint-Pierre-de-Chaillot,
Les obsèques auront lieu suivie de l'inhumation MANHÈS d'ANGENY à Paris (16e), Nom :
le mercredi 27 septembre, dans le caveau familial, le mercredi 27 septembre 2023,
à 16 heures, au crématorium au cimetière ancien de Senlis. à 11 heures, à l'intention de Prénom :
du cimetière du Père-Lachaise, survenu le 19 septembre 2023. Adresse :
Paris (20e). Danièle nous a quittés. Mme Maurice PÉROUSE
Tél Abonnements : Ils remercient de tout cœur
C'était un océan d'Amour.
Elle a rejoint l'éternité
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
née Monique
Lambot de Fougères,
Code postal : Ville :
pour améliorer le suivi
01 70 37 31 70 le personnel
des Jardins d'Alésia
qui l'a si bien entourée.
et restera pour toujours
le Grand Amour de notre Vie.
Priez pour elle !
Saint-Martin, à Dachstein,
le mardi 26 septembre,
à 14 h 30.
rappelée à Dieu le 15 août 2023,
dans sa 99e année.
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 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO
22 CHAMPS LIBRES
DÉBATS
ENTRETIEN
MICHEL
DESMURGET
Dans son essai Faites-les
lire ! Pour en finir
avec le crétin digital,
le docteur
en neurosciences Michel
Desmurget* a fait un
immense travail de
compilation de données
pour démontrer que
le niveau de lecture
a considérablement baissé
chez les jeunes,
essentiellement en raison
de l’envahissement des
écrans. Pourtant, la lecture
dès le plus jeune âge,
et notamment la lecture
avec des adultes,
est essentielle pour le
développement intellectuel
et émotionnel de nos
enfants. En ce domaine,
l’école ne peut pas tout :
il invite les parents
à encourager
dès le plus jeune âge
des pratiques de lecture
quotidienne. Non
seulement la lecture
n’est pas ringarde à l’heure
du numérique, mais elle
est indispensable pour
gagner la guerre
des cerveaux face
à l’intelligence artificielle.
DESSIN FABIEN CLAIREFOND
A
Il n’y a pas meilleur antidote
à l’abêtissement des esprits que la lecture
PROPOS RECUEILLIS PAR
EUGÉNIE BASTIÉ ebastie@lefigaro.fr
ET GUILLAUME DAUDÉ gdaude@lefigaro.fr
LE FIGARO. – Vous constatez le déclin
de la lecture chez les enfants.
Certains nient ce constat. À quel point
la lecture décline-t-elle ?
Michel DESMURGET. – Si certaines en-
quêtes prétendent qu’il n’en est rien,
l’effondrement est cependant très net.
Il faut regarder précisément ce qui est
mesuré : ces enquêtes estiment qu’il y a
entre 85 % et 90 % de lecteurs, soit tous
les enfants non illettrés, pour en
conclure que nous sommes tous lec-
teurs, sans se préoccuper du temps et
des contenus de la lecture. Aucune dif-
férence n’est faite entre le livre de cui-
sine et le roman. Certains comptent
même les livres audio.
Même en prenant cette définition très
large de la lecture, les adolescents qui
lisent tous les jours ou presque en de-
hors de l’école, pour le plaisir, ne re-
présentent que 25 % de leur classe
d’âge. Des études plus sérieuses, com-
me celles qui émanent du ministère de
la Culture, montrent que dans les cin-
quante dernières années, la proportion
de gros lecteurs est passée de 35 % à
11 %. Cette catégorie concerne ceux qui
lisent 20 livres par an – ce qui exige
vingt à trente minutes de lecture par
jour. Pour donner un ordre d’idée, si les
jeunes passaient à lire la moitié du
temps qu’ils consacrent aujourd’hui
aux jeux vidéo et visionnage de films et
séries, ils pourraient lire 120 livres par
an ! Ce phénomène est constatable par-
tout : aux États-Unis, le nombre de ly-
céens qui lisent tous les jours est passé
de 60 % à 16 % en cinquante ans. Le
constat est indiscutable : les jeunes li-
saient plus avant.
Quelle est la raison de cette chute ?
Le principal facteur de ce déclin est le
numérique. Le temps consacré à la lec-
ture de livres a diminué à proportion de
la pénétration des écrans. Or ce temps
libre consacré volontairement à la lec-
ture est crucial : l’enfant qui ne lit que
ce qu’on lui donne à l’école ne devien-
dra jamais un lecteur. Dans La Fabrique
du crétin digital, je montrais à quel point
les écrans nuisent au développement de
nos enfants. Des gens me demandaient :
merci pour le constat, mais quelle est la
solution ? C’est le sens de ce livre : je
n’ai pas trouvé de meilleur antidote à
l’abêtissement des esprits que la
lecture.
Vous parlez de l’« effet Spoutnik » :
lorsque les pays asiatiques sont entrés
dans le classement Pisa, on s’est rendu
compte qu’ils étaient bien meilleurs
que nous. Qu’est-ce qui fait
que des pays comme
la Chine soit
si performants
sur le plan de la lecture par rapport
à la France ?
La différence de niveau est aussi gran-
de entre la France et l’Estonie, qui est le
pays le plus avancé de l’OCDE et de
l’Europe, qu’entre l’Estonie et la Chine
ou Singapour. D’abord, leurs enfants
lisent plus : entre 40 % et 50 % des jeu-
nes Chinois lisent tous les jours. Ces
pays ont aussi pris des mesures au ni-
veau étatique pour réguler le temps
passé devant les écrans, car ils se sont
aperçus que ces usages avaient sur la
performance scolaire des impacts très
délétères, par opposition à la lecture
qui a des effets positifs massifs sur cette très jeune, car, spontanément, nous
même réussite scolaire, sur le dévelop-
pement intellectuel et ce qu’on appelle
la « literacy ». Ces mesures sont sou-
vent dénoncées comme un contrôle de
«
Le principal facteur de ce déclin
est le numérique. Le temps consacré
à la lecture de livres a diminué à
proportion de la pénétration des écrans
la pensée. Pourtant, les enfants ont
toujours le droit aux mêmes contenus
qu’avant - internet et les jeux vidéo
sont les mêmes ; c’est seulement le
temps qui leur est consacré qui est di-
minué.
Un journaliste a interrogé un dirigeant
chinois pour comprendre pourquoi une
telle politique était mise en place alors
qu’elle va à l’encontre de leur industrie
numérique et du jeu vidéo. Sa réponse
était simple : ces enfants sont l’avenir
de leur pays, c’est pourquoi l’accent est
mis sur la réussite scolaire et la perfor-
mance intellectuelle. Faire lire nos en-
fants, c’est assurer l’avenir de notre
pays à travers le lien entre « literacy » et Certains généticiens américains,
performance économique.
Un certain nombre de connaissances
sont nécessaires, mais pourquoi
les apprendre par le livre et par l’écrit,
alors qu’elles sont aussi sur internet ?
Pourquoi faut-il privilégier le livre
par rapport à internet, l’écrit
par rapport à l’oral ?
Aucun outil ne permet un apprentissa-
ge aussi optimal et aussi profond que le
livre. Si on compare le livre à internet,
tout d’abord, l’auteur du livre prend
son lecteur par la main et le guide pas à
pas. Sur internet, au contraire, le savoir
est complètement fragmenté. Internet
est utilisable par ceux qui sont déjà spé-
cialistes du sujet en question : des
connaissances préalables sont néces-
saires pour chercher l’information qui
est éparpillée, pour être capable d’éva-
luer les contenus, savoir les interroger
et faire les liens entre eux. Une étude
Pisa a montré que les pays, dont la
Chine, dans lesquels les enfants utili-
sent le mieux internet sont ceux où les
enfants l’utilisent le moins. La capacité
à utiliser les ressources de Google s’ac-
quiert en dehors de Google. Par ailleurs,
il semble que la narration (raconter une
histoire) favorise la mémorisation et la
compréhension.
Ensuite, si on compare l’audio et le li-
vre, plus le texte est exigeant, plus
l’avantage est à l’imprimé. L’individu
retient moins bien un contenu sous for-
me vidéo ou audio que sous forme écri-
te. À l’écrit, on peut en effet revenir en
arrière, vérifier une phrase mal com-
prise, mieux voir la structure, etc.
Et pourquoi le papier par rapport
à l’écran ?
À l’écran, il y a des liens hypertextes,
des notifications, etc. qui sont autant
de sources de distraction et de
perte d’attention. Dans le cas
de la liseuse, la lecture est
aussi souvent plus superfi-
cielle. Les étudiants,
dans leur grande majo-
rité, disent qu’ils se
concentrent mieux
sur papier. Pour-
quoi ? Le papier a d’autres. C’est ce qu’on appelle l’« effet
une unité spatiale Matthieu » : à celui qui a on donnera
qui permet de
créer une re-
présentation
mentale du texte, alors qu’il est beau-
coup plus difficile de se repérer sur une
liseuse. On retient beaucoup mieux la
chronologie des événements dans un
livre, car on les y situe matériellement.
Umberto Eco résume ainsi cette inven-
tion indépassable : « Le livre est comme
la cuillère, le marteau, la roue ou le ci-
seau. Une fois que vous les avez inventés,
vous ne pouvez pas faire mieux. »
Vous montrez dans votre livre
que nos cerveaux ne sont pas faits
pour la lecture. Selon vous, la lecture
nécessite alors un entraînement
ne sommes pas des animaux lecteurs.
Comment s’explique ce phénomène ?
Le langage est très vieux, mais la lecture
a seulement 4 000 ou 5 000 ans, et, pour
la majorité de la
population,
quelques centai-
nes d’années
seulement. Le
» cerveau ne pos-
sède pas d’aire
dédiée à la lectu-
re, mais il sait apprendre. Ce processus
est long, et fonctionne un peu comme
une intelligence artificielle : il faut y
rentrer un grand nombre d’informa-
tions. Par exemple, si un lecteur nor-
mal, qui lit entre 250 et 300 mots par
minute, rencontre le mot « ange » avec
un « c » à la place du « e », il lit quand
même le « e », car le cerveau a un mo-
dule statistique et sait que la combinai-
son « gc » n’existe pas. La vitesse à la-
quelle le cerveau va décoder dépend du
nombre d’informations engrangées. Un
enfant qui ne lit pas assez ne pourra pas
décoder efficacement.
comme Robert Plomin, estiment
qu’il existerait un gène de la lecture qui
favoriserait le goût de lire chez certains
enfants. Pour vous, au contraire,
ce goût est entièrement construit ?
Robert Plomin réussit à prédire 3 % à
4 % des différences de performances en
lecture à l’entrée au collège grâce à ses
gènes. Qu’il y ait une base génétique
dans les facultés de lecture, personne
« Une étude Pisa a montré que les pays,
dont la Chine, dans lesquels les enfants simulateur so-
utilisent le mieux internet sont
ceux où les enfants l’utilisent le moins
ne le nie, mais la lecture partagée (le fait sant Madame Bovary, on éprouve
pour un parent de lire à voix haute avec
son enfant NDLR) a une influence qui
est quatre à cinq fois supérieure : l’en-
vironnement a une suprématie massive
sur la génétique.
Un enfant à qui on lit peu d’histoires à la pour cela que les livres de fiction ont un
maternelle affiche, par rapport à son
homologue exposé quasi quotidienne-
ment, un retard de développement
d’un an au primaire. Grâce à une lectu-
re partagée quasi quotidienne, le QI
verbal (portion de l’intelligence humai-
ne qui prend en compte le langage, le
raisonnement et nos connaissances)
d’un enfant gagne plus de 10 % : le
moyen devient favorisé et le favorisé se
retrouve avancé.
« Faites-les lire » : vous vous adressez
principalement aux parents. Selon
vous, cette éducation se joue d’abord
dans la famille et non pas à l’école ?
Pour le langage, il est évident que la fa-
mille a le premier rôle. La responsabili-
té de l’école est souvent mise en cause,
mais, quand les enfants y entrent pour
la première fois, les différences de ni-
veau sont déjà déterminantes pour leur
réussite. Quand un enfant connaît déjà
beaucoup de mots, il a plus de facilité à
en apprendre d’autres et à comprendre
ceux qu’il ne connaît pas. C’est une rè-
gle générale : plus on a de connaissan-
ces, plus c’est facile d’en acquérir
davantage et à celui qui n’a rien on lui
enlèvera ce qu’il a. Les inégalités ont
ainsi tendance à se creuser.
L’école ne peut pas remplacer la fa-
mille. Un enfant, entre ses 1 et 5 ans, à
qui on lit quasi quotidiennement une
histoire aura entendu en moyenne, à
6 ans, si on compte l’histoire et les
commentaires parentaux, plus de
1,5 million de mots et il aura augmenté
son vocabulaire de 25 % à 30 %. C’est le
contexte qui déclenche le plus de mots
entre les parents et les enfants, plus
qu’au cours d’un jeu ou d’un repas.
Vous critiquez aussi l’appauvrissement
du langage dans les livres pour enfants
- par exemple, la réécriture
du Club des cinq…
Une orthophoniste avait l’habitude de
dire que sa fille était bilingue oral-écrit.
Elle avait raison : l’écrit est une seconde
langue. Il y a plus de richesse langagière
dans un livre pour enfants d’école ma-
ternelle que dans une conversation en-
tre adultes. Les mots rares sont ceux qui
ne font pas partie du corpus des
10 000 mots les plus utilisés. Par exem-
ple, le mot « hagard » se rencontre
1 fois sur 2 millions de mots à l’oral,
13 fois sur 1 million à l’écrit. Dans un li-
vre d’enfant de primaire, il y a 30 mots
rares pour 1 000 termes ; dans une
conversation d’adultes éduqués, il y en
a quinze.
À la fin de votre livre, vous faites
le portrait d’un diplômé de grande
école qui gagne très bien sa vie mais
qui n’ouvre jamais un livre.
Qu’est-ce qu’on perd quand on ne
fréquente pas les livres, les mots rares
et le passé simple ?
Tous les grands tyrans de l’histoire de
l’humanité ont ciblé en premier les li-
vres et le langage. Pourquoi ? Car le lan-
gage sert à penser, et plus il est pointu,
plus la pensée est précise. Certes, on
peut être heureux sans la lecture : c’est
le Gamma dans Le Meilleur des mondes.
Il est dans une servitude dont il ne peut
même plus s’apercevoir, n’ayant plus
les outils intellectuels pour la compren-
dre. Il est formaté au plus près des be-
soins de l’économie et abruti de diver-
tissements. Je n’ai pas envie que ma fille
ressemble à un Gamma. La lecture est
un outil d’émancipation. Elle nous ap-
porte des connaissances, mais aussi
l’imagination, la créativité, le langage,
l’expression orale et, bien sûr, la pensée.
La lecture a aussi des effets sur l’intelli-
gence émotionnelle et sociale - l’empa-
thie. Quand un livre est adapté au ciné-
ma, les personnages perdent toujours
en complexité. Le livre permet de ren-
trer dans la logi-
que du person-
nage, c’est un
cial. Avec un
dictionnaire, on
» comprend
qu’est la trahi-
ce
son, mais, en li-
l’émotion, tant du point de vue du traî-
tre que du trahi. La réaction cérébrale à
une émotion qui est éprouvée dans un
livre est similaire à la réaction à une
émotion qui est réellement vécue. C’est
effet positif sur les capacités émotion-
nelles. Une baisse majeure des capacités
d’empathie et une augmentation du
narcissisme s’observent chez les jeunes
générations, corrélativement au déclin
de la lecture.
Pour vous, la lecture d’un manga
ne vaut pas celle de Madame Bovary :
contre les idéaux égalitaristes, vous
expliquez que tout ne se vaut pas
en lecture. Que répondez-vous à ceux
qui défendent que toute lecture
est bonne à prendre ?
Il n’y a pas autant de mots dans un
manga que dans un chapitre de roman.
Certes, il vaut mieux que les jeunes li-
sent des mangas et des BD plutôt qu’ils
se gavent de téléréalité. Mais seuls les
livres (notamment de fiction) ont une
influence sur le développement du lan-
gage et des capacités de lecture : l’écart
entre la France et l’Estonie dans les
évaluations Pisa correspond à celui en-
tre le petit lecteur et le gros lecteur. Les
BD, mangas, etc. ont par comparaison
un effet nul, voire délétère sur ces dé-
veloppements. Les BD et mangas ne
sont pas une voie d’entrée vers la lectu-
re de livres : les études montrent que ce
ne sont pas les mêmes populations. Les
bienfaits de la lecture se trouvent uni-
quement dans les livres.
*Docteur en neurosciences, Michel
Desmurget est chercheur au CNRS
et directeur de recherche à l’Inserm. Il a
publié un ouvrage remarqué, La Fabrique
du crétin digital. Les dangers des écrans
pour nos enfants (Éditions du Seuil, 2019).
Il publie Faites les lire ! Pour en finir avec
le crétin digital (Éditions du Seuil, 2023).

CHRONIQUE
Nicolas Baverez
£@NicolasBaverez
DESSIN CLAIREFOND
SAMUEL FITOUSSI
Chaque lundi, pour Le Figaro, notre chroniqueur
pose son regard ironique sur l’actualité.
Cette semaine, il s’intéresse aux remous
provoqués, en Belgique francopohone,
par une formation sur l’éducation sexuelle
désormais obligatoire au collège.
Dassault Médias
(actionnaire à plus de 95 %)
14, boulevard Haussmann
75009 Paris
Président-directeur général
Charles Edelstenne
Administrateurs
Thierry Dassault,
Olivier Costa de Beauregard,
Benoît Habert,
Rudi Roussillon
UE : l’élargissement ne fait pas un projet
Europe est en
L’
première ligne face
au basculement
de l’histoire provoqué
par l’invasion
de l’Ukraine par
la Russie. La guerre est de retour sur
le continent, de très haute intensité
en Ukraine, hybride contre l’Union.
La mondialisation éclate en blocs.
L’inflation et de retour et les taux
d’intérêt s’envolent.
Dans cette nouvelle configuration
multipolaire, volatile et violente,
l’Europe se découvre très vulnérable.
Elle acquitte le prix fort pour
sa dépendance à la Russie pour
les hydrocarbures, à la Chine pour
les biens essentiels et les énergies
renouvelables, aux États-Unis pour
la technologie, la sécurité et le GNL.
Son sous-investissement dans la
défense la laisse désarmée face
à la menace existentielle de la Russie
et la place entièrement dans la main
des États-Unis à travers l’Otan, qui
pourrait ne pas survivre à un second
mandat de Donald Trump. Son
industrie est prise en étau entre le
protectionnisme de l’IRA et le dumping
de Pékin pour relancer ses exportations
industrielles. Enfin, l’Europe
est le continent le plus touché
par le réchauffement climatique.
Simultanément, le processus de
décision de l’Union apparaît très lourd,
lent et inadapté à la gestion des crises
qui se multiplient et s’entrecroisent,
de la pandémie de Covid à la guerre
en Ukraine en passant par les chocs
énergétiques et alimentaires, le retour
de la « stagflation » ou les vagues
migratoires. Et ce même si des progrès
sont intervenus et que la Commission a
fait preuve de réactivité et d’efficacité
dans l’approvisionnement et la
Un bug dans la matrice intersectionnelle
A
u début du mois,
le Parlement
de la Fédération de
Wallonie-Bruxelles
a rendu obligatoire au
collège une formation
sur l’éducation sexuelle. Il s’agira,
entre autres, d’apprendre aux élèves
que « l’identité de genre peut être
identique ou différente, se rapprocher,
s’éloigner, correspondre, ne pas
correspondre, différer, osciller…
de celle assignée à la naissance ».
Dans la foulée, plusieurs organisations
islamiques ont appelé à se rassembler
contre l’initiative du ministère
de l’Éducation. Puis la situation
s’est envenimée : des protestataires
- décrits pudiquement par Le Monde
comme des extrémistes « religieux »,
il est vrai que quelques chrétiens
s’y étaient mêlés - ont incendié
plusieurs écoles.
Une situation qui place nos amis
intersectionnels dans une position
délicate. Ce n’est pas tant la
dégradation de bâtiments publics
par des minorités opprimées
qui les dérange (jurisprudence Nahel :
la méthode est acceptable
si les causes défendues sont nobles),
ni l’intolérance religieuse (ils
s’accommodent bien des abayas), mais
le fait que cette intolérance s’exprime
contre l’enseignement de la théorie
du genre. Dominés
contre dominés, et
donc embouteillage
à l’intersection :
faut-il prendre le
parti des minorités
religieuses ou celui
des minorités
sexuelles ?
Condamner certains
musulmans pour
SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions
(société éditrice) Alexis Brézet
14, boulevard Haussmann
75009 Paris
Directeurs adjoints de la rédaction
Président Gaëtan de Capèle (Économie),
Charles Edelstenne
Laurence de Charette
(pôle audiovisuel), Anne-Sophie
Directeur général, von Claer (Style, Art de vivre, F),
directeur de la publication Philippe Gélie (International),
Marc Feuillée Anne Huet-Wuillème (Édition,
Photo, Révision, DA),
OPINIONS CHAMPS LIBRES
distribution des vaccins contre le
Covid, l’aide à l’Ukraine qui a mobilisé
plus de 62 milliards d’euros, la mise
en place des sanctions contre la Russie
ou de mesures antidumping visant
les véhicules électriques chinois afin
d’éviter un désastre industriel pire
encore que celui des panneaux solaires.
Sauf à perdre la maîtrise de son
destin et à être ravalée au rang d’objet
de la rivalité entre les géants du
XXIe siècle, l’Union n’a d’autre choix
que de s’adapter à la nouvelle donne
mondiale. Il lui faut repenser ses
principes, en réintégrant les impératifs
de souveraineté et de sécurité,
son périmètre, sa gouvernance
et ses politiques. Et elle doit le faire vite
compte tenu de la gravité des risques
qui pèsent sur elle.
En raison du surplomb de la guerre
d’Ukraine et de la volonté
de manifester le soutien à Kiev,
l’élargissement s’est imposé comme
le fil conducteur de la réinvention de
l’Union. Ainsi, Ursula von der Leyen,
dans son discours sur l’état de l’Union
prononcé le 13 septembre,
s’est prononcée en faveur d’un
élargissement à 35 pays à l’horizon
2030 et a annoncé que la Commission
engageait un travail de réexamen des
politiques et de réflexion sur le budget.
Simultanément un groupe franco-
allemand composé de 12 experts
a rendu public les conclusions d’un
rapport sur l’élargissement intitulé
« Naviguer en haute mer » qui fixe
quatre priorités : le renforcement de
l’État de droit via des sanctions durcies
en cas de manquements ; la réforme
des institutions avec l’extension des
pouvoirs du Parlement et l’unification
des modes de scrutin, le resserrement
de la Commission, la réorganisation du
Conseil autour d’un quintette ;
leur rejet de la théorie du genre, n’est- sévit davantage en Seine-Saint-Denis
ce pas adopter une attitude excluante
et occidentalo-centrée ? Le logiciel
intersectionnel dysfonctionne.
La guerre intestine n’en est sans doute
qu’à ses débuts. En 2015 aux États-
Unis, les habitants de la ville de
Hamtrack ont élu un conseil municipal
à majorité musulmane. L’événement
fut célébré comme une victoire
de la tolérance face à la rhétorique
réactionnaire du candidat Trump.
Huit ans plus tard, ce même conseil
municipal interdisait l’affichage
de drapeaux LGBT sur les bâtiments
publics de la ville. « Les progressistes
se sentent trahis », déplorait le
Guardian, rapportant que les résidents
musulmans, massés dans l’hôtel
de ville, avaient applaudi à tout
« Dominés contre dominés,
et donc embouteillage
à l’intersection : faut-il prendre
le parti des minorités religieuses
ou celui des minorités sexuelles ?
rompre le vote unanime des élus
municipaux. Avec une naïveté
touchante, Karen Majeswki, ancienne
maire de la ville, se déclarait vexée du sexuelles tout en affirmant que
manque de réciprocité des musulmans
puisque, en 2005, le conseil municipal
à majorité chrétienne avait autorisé la
diffusion de l’appel à la prière depuis
les mosquées cinq fois par jour.
Et, en France, comment se porte
l’intersectionnalité ? Quelques
hypothèses : il est plus difficile d’être s’oppriment parfois entre elles, mais
homosexuel à Roubaix qu’à Neuilly,
les femmes qui portent l’abaya sont
en moyenne moins affranchies des
stéréotypes de genre que celles qui ne
le portent pas, et l’hétéronormativité
Jacques-Olivier Martin (directeur Directeur artistique
de la rédaction du Figaro.fr), Pierre Bayle
Rédacteur en chef
Étienne de Montety (Figaro Frédéric Picard (Web)
Littéraire), Bertrand de Saint- Directeur délégué
Vincent (Culture, Télévision), du pôle news
Yves Thréard (Enquêtes, Bertrand Gié
Opérations spéciales, Sports, Éditeurs
Robert Mergui
Sciences), Vincent Trémolet
Anne Pican
de Villers (Politique, Société,
Débats Opinions)
LE FIGARO lundi 25 septembre 2023
23
l’augmentation et la flexibilité modernisation de l’éducation et de la
du budget ; la réalisation santé, la réindustrialisation, la
de l’élargissement par une révision transition climatique et le réarmement.
simplifiée ou par un traité spécifique L’élargissement a ainsi pour condition
si la modification des traités actuels préalable la réforme des politiques
s’avérait trop difficile. européennes pour les mettre en
Ces démarches ont en commun de cohérence avec celles des États en
faire de l’élargissement de l’Union une application du principe de subsidiarité
fin en soi, sans jamais poser la question et pour les adapter aux changements du
de son projet politique ni de son monde, qu’il s’agisse de la régulation
articulation avec les nations et les du grand marché, qui ne peut obéir à la
peuples. L’ensauvagement du monde et seule concurrence, du mandat de la
la prolifération de la violence imposent BCE, indûment limité à la stabilité
de repenser l’Union en termes monétaire, ou encore des accords de
de souveraineté et de sécurité Schengen afin d’instaurer un contrôle
économique, sanitaire, climatique strict des frontières extérieures de
et militaire, donc de communauté de l’Union dont l’afflux de migrants sur
destin. Or celle-ci n’a rien d’évident l’île de Lampedusa rappelle l’absolue
comme le rappellent la proximité nécessité et l’urgence.
de la « démocratie illibérale » hongroise Pour l’heure, l’élargissement de
avec la Russie de Vladimir Poutine ou l’Union fait l’impasse sur le projet
la suspension des livraisons d’armes européen alors qu’il doit être redéfini
à l’Ukraine par la Pologne. Elle suppose autour de la défense de la démocratie.
en tout état de cause que les citoyens Il s’inscrit dans la continuité de
puissent se prononcer sur la question de la méthode Monnet qui contourne
savoir ce qu’ils veulent faire et avec qui. le politique par le droit, l’économie
Par ailleurs, ces projets reposent et la technocratie. Il épouse la vision
sur une extension continue des allemande, exposée par Olaf Scholz
compétences, des politiques et du à Prague puis à Strasbourg, d’un grand
budget de l’Union. De fait, l’intégration marché régulé par un État de droit,
de l’Ukraine, qui devra être adossé à la garantie de sécurité
reconstruite pour un coût compris américaine et gouverné à la majorité
entre 500 et 750 milliards d’euros, qui qualifiée - plaçant Berlin en position
est une superpuissance agricole et qui d’unique arbitre. Il exclut d’emblée la
compte 44 millions d’habitants dont construction d’une Europe-puissance,
les revenus moyens sont très faibles, alliée des États-Unis mais souveraine,
implique des dépenses considérables seule à même de répondre aux défis
et demande une redéfinition de la d’un système mondial restructuré
politique agricole commune comme autour de blocs et d’une montée
des politiques régionales de cohésion. des risques géopolitiques, financiers,
Il en va de même pour l’adhésion sanitaires ou climatiques.
des pays balkaniques. Ainsi conçu, l’élargissement de
Mais les ressources de l’Union l’Union revient effectivement à naviguer
ne peuvent pas croître indéfiniment en haute mer, mais sans cap, sans
alors que les États membres, souvent boussole et sans capitaine. Par temps de
surendettés, sont appelés à financer la tempête, c’est l’assurance du naufrage.
les événements corroborant
que dans la Creuse. (On pourrait aussi la pensée intersectionnelle sont
citer certaines des paroles de Médine, toujours des faits de société
invité aux universités d’été d’EELV (d’où l’importance accordée à la
et LFI : « Un bon mariage vaut mieux faute de Luis Rubiales, qui a volé
qu’un marivaudage, (…) préserve un baiser à une joueuse de football
ta virginité » ; « les pseudo-féministes, espagnole) tandis que les autres
ces bourgeoises hystériques pleines de sont toujours des faits divers sans
fumisteries »). Bref, l’intersectionnalité valeur (honte à celui qui tente
en pratique, c’est moins bien qu’en d’en tirer des leçons).
théorie. Suffisant pour remettre en
cause la théorie ? Non. Voici comment
la gauche intersectionnelle résiste
à la réalité.
1. Elle ne s’interroge pas sur ses
contradictions. Quelques questions
Les rencontres
qu’elle ne se pose pas : peut-elle
continuer à militer contre la
du FIGARO
masculinité toxique en encourageant GILLES KEPEL
l’accueil inconditionnel de gens qui
ne correspondent pas Alexis Brézet
toujours à l’idée que
Sandrine Rousseau
se fait de l’homme
déconstruit ? À parler
et Vincent Trémolet
de Villers recevront
Gilles Kepel,
FABIEN CLAIREFOND
de culture du viol politologue
»
tout en expliquant
que l’abaya - et l’idée
qu’une femme
et spécialiste
de l’islam et du
monde arabe
dévoilant un avant-bras dénudé serait
contemporain.
une provocatrice - est un simple bout
de tissu ? À combattre les violences Le 10 octobre à 20 h Salle Gaveau.
Tarif : 25 €. Abonnés : 20 €.
les institutions que nous avons créées Réservations : 01 70 37 18 18
pour protéger les femmes de
la violence masculine - la police
ou www.lefigaro.fr/rencontres.
et la répression pénale - doivent être
déconstruites ?
2. Elle construit une réalité
alternative. Certes, les minorités
ce n’est rien par rapport à ce que leur
inflige le mâle blanc cisgenre, ennemi Ce soir à 20h sur le site
commun sur lequel repose la promesse du Figaro, présenté
de l’intersectionnalité. Comment par Philippe Gélie
s’accrocher à cette idée ? Comme ceci :
FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy FR
9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 93290 Tremblay-en-France
Tél. : 01 56 52 20 00 Midi Print, 30600 Gallargues-le-Montueux Ce journal
ISSN 0182-5852 se compose de :
Fax : 01 56 52 23 07 Édition nationale
Commission paritaire n° 0426 C 83022 1er cahier 24 pages
Pour vous abonner Lundi au vendredi de 7 h à 18h ; Cahier 2 Économie
Président-directeur général sam. de 8 h à 13 h au 01 70 37 31 70. Fax : 01 55 56 70 11 . 8 pages
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A
est imprimé sur un papier UPM porteur de l’Ecolabel européen sous
direction.redaction@lefigaro.fr le numéro FI/011/001. Eutrophisation : Ptot 0.002 kg/tonne de papier.
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO - N° 24 600 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

> FOCUS
lefigaro.fr/economie NOUVELLE
PANNE
À LA GARE
LE MONDE TRAVAIL MONTPARNASSE
DANIEL KRETINSKY TENSIONS AUTOUR La circulation des trains a été inter-
REVEND SES PARTS DE LA LOI PLEIN-EMPLOI rompue dimanche sur l’axe Atlantique,
À XAVIER NIEL PAGE 31 À L’ASSEMBLÉE PAGE 28 provoquant d’importants retards au
départ et à l’arrivée en gare Montpar-
nasse. Une énième galère pour Tan-
guy, dont le train avait déjà eu plus de

Dernières tractations avant

quatre heures de retard lors de la pan-
ne géante survenue le 28 juillet der-
nier à la suite de violents orages. Ce
dimanche, c’est un défaut d’alimenta-
tion électrique à Massy (Essonne) qui

la présentation du budget
est à l’origine d’importantes perturba-
tions sur l’ensemble de l’axe Atlanti-
que. « Je me suis rendu compte du re-
tard, par hasard, en consultant l’appli
SNCF, on n’a pas eu un message à
Le gouvernement devrait dévoiler, mercredi, un projet de loi de finances prudent bord du train », déplore cet usager ré-
pour 2024, avec 16 milliards d’économies. Récit dans les coulisses des négociations. gulier de la ligne qui dessert sa Breta-
gne natale. Lui aura finalement eu une
À Bercy, on entre dans la dernière grandes lignes sont connues. Le tandis que les intérêts de la dette devront attendre 2025 pour voir la heure et demie de retard sur son train
ligne droite de mois de tractations projet de loi de finances 2024 est bondiront de 9,5 milliards d’euros, baisse d’impôts de 2 milliards pro- Quimper-Paris, détourné à Nantes.
avec les ministères pour bâtir le placé sous le signe de la prudence, à 48,1 milliards l’an prochain. mise par Emmanuel Macron. Sur le Au total, plusieurs dizaines de trains
EMMANUEL DUNAND/AFP; VINCENT ISORE/IP3 PRESS/MAXPPP; JONATHAN ERNST/REUTERS; FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO; JOEL SAGET/AFP

budget 2024. Les négociations ont
été rudes, et certains ont su se mon-
trer habiles. À quelques jours de la
présentation du texte mercredi, ses
avec une légère teinte écologique.
Prudence, car le gouvernement a
dû réviser sa prévision de croissan-
ce pour 2024 à 1,4 % au lieu de 1,6 %
Pour tenir ses objectifs de déficit front des économies, ce budget de-
public (4,4 % pour 2024), Bercy doit vrait en contenir 16 milliards, en
renoncer aux largesses fiscales des grande partie liées à la fin du bou-
précédents budgets. Les ménages clier énergétique. PAGE 26
Prix
de l’électricité :
TGV inOui ou Ouigo ont ainsi été
concernés par les perturbations de-
puis le début de matinée, avec près de
deux heures de retard jusque dans la
soirée pour les trains au départ de
Paris, en direction de Saint-Malo,
Bordeaux, Toulouse ou La Rochelle.
Certains trains ont même été suppri-
més, comme le Ouigo prévu à 15 h 48
en direction de Nantes ou encore le
TGV inOui de 18 h 31 pour Tours.
Et la situation était encore plus criti-

le bras de fer que pour les voyageurs arrivant gare

Montparnasse, avec plusieurs trains
affichant plus de cinq heures de retard.
entre EDF À l’origine de la panne, « un câble
d’alimentation rompu », indique la

et l’État SNCF, qui précise que « les équipes

SNCF sont sur place pour procéder
aux réparations ». Contactée, la
SNCF explique que « la circulation des
Vendredi, Élisabeth Borne trains a pu reprendre sur la ligne à
(à gauche) a donné au PDG grande vitesse Atlantique », mais
seulement « sur une voie », et restait
d’EDF, Luc Rémont donc « fortement perturbée ». Des
(à droite), deux semaines retards étaient toujours à prévoir
pour revenir vers l’exécutif dans la soirée, malgré « une reprise
du trafic estimée à 18 h 30 ».
avec une proposition Un problème technique de plus pour la
tarifaire acceptable. L’enjeu gare Montparnasse, mais loin d’être
aussi grave que la panne géante qui
est crucial : le prix de l’avait paralysée pendant plus d’une
l’électricité est déterminant semaine, du 27 juillet au 6 août 2018.
Un incendie s’était alors déclaré sur le
pour la compétitivité réseau électrique haute tension.
française mais aussi pour P. LB.

la santé d’EDF. PAGE 27

le PLUS du
FIGARO ÉCO
L'HISTOIRE Un coup de pouce
UN AUTRE
Les promesses du patron de Tesla pour de nouvelles
REGARD
Transition
n’engagent que ceux qui les croient mines en France
usk fait tourner la tête du premier ministre indien, Narendra Modi, « Je signe à nouveau des permis fiscal incitatif. Ce crédit d’im-

M
énergétique : d’extraction en France. Et cela pôt ne concerne cependant
de tous les chefs d’État le patron de Tesla affirmait : « Modi se soucie
la déprime de la planète. À les croire, vraiment de l’Inde parce qu’il nous pousse faisait longtemps que ce n’était que les usines impliquées di-
des Européens Tesla est sur le point à faire des investissements importants, pas arrivé. » Roland Lescure, rectement dans les technolo-
PAR ANNE DE GUIGNÉ d’investir dans chacun de leur ce que nous avons l’intention de faire. ministre délégué à l’Industrie, gies que souhaite promouvoir
PAGE 30 pays pour implanter une usine d’assemblage Je suis convaincu que Tesla sera en Inde, et ce, s’est félicité vendredi de la re- Bruxelles, à savoir l’hydrogè-
ou de batteries électriques. Dimanche, dès que cela sera humainement possible. » prise des projets d’exploration ne, les batteries, l’éolien, le
le premier ministre thaïlandais, Srettha minière dans l’Hexagone. Il photovoltaïque et les pompes à
Venu en France à l’occasion de Choose France
s’exprimait devant les mem- chaleur. Avec l’ajout souhaité
LIBRES Thavisin, en était convaincu après en mai et de VivaTech en juin, Musk avait
bres du comité des métaux en loi de finances, « la France
ÉCHANGES une rencontre du dirigeant à New aussi laissé croire au président Macron
stratégiques, la structure réu- sera l’un des rares pays, avec les
York : « Tesla envisagerait qu’il allait placer ses pions dans nissant pouvoirs publics et États-Unis, à bénéficier d’une
Comment Macron de créer une usine de fabrication l’Hexagone : « Il est très probable que privés et destinée à gérer la sé- telle mesure dans le domaine
conjugue de véhicules électriques », a-t-il Tesla y fera quelque chose de très curité d’approvisionnement minier », s’est félicité Roland
sans vergogne assuré à son retour à Bangkok, important dans les années à venir. » Il y a du pays. Lescure.
évoquant même un investissement quelques jours, le Wall Street Journal citait
néolibéralisme global d’au moins 5 milliards
Les projets sont aujourd’hui Ce crédit d’impôt représentera
l’Arabie saoudite, candidate pour principalement dans le lithium au maximum 45 % des inves-
et populisme de dollars, réalisé installer une usine Tesla dans - un dans le Massif central et tissements (Capex) et jusqu’à
PAR JEAN-PIERRE ROBIN par Tesla et par Google le royaume. Cette fois, deux en Alsace. Roland Lescu- 200 millions d’euros par pro-
PAGE 30
et Microsoft dans le patron d’X (ex-Twitter) re souhaite en augmenter le jet. Pour être conforme au
des data centers. s’est fendu d’un post sur son nombre. Pour inciter les par- droit européen, il faudra que
Il y a deux mois, Elon réseau : « Totalement ties prenantes à se lancer, une 50 % au moins du chiffre d’af-
DÉCRYPTAGE Musk déclarait faux ! » Si tous ces pays mesure, proposée dans le ca- faires réalisé par les produits
Les Français à quelques jours espèrent se trouver dre du projet de loi de finan- issus des mines soit destiné, de
redécouvrent d’intervalle son intérêt sur la feuille de route ces, permettra aux projets manière directe ou indirecte, à
pour l’Inde et… du constructeur d’exploitation minière en des entreprises exerçant dans
le vrai prix France de bénéficier d’un cré- les secteurs de l’hydrogène,
la France. En effet, au succès mondial. Il est
de l’alimentation en juin, lors de la visite plus que probable que tous dit d’impôt. des batteries, de l’éolien, du
PAR OLIVIA DETROYAT d’État aux États-Unis ne seront pas élus… ■ V. C. Le projet de loi industrie verte photovoltaïque ou des pompes
A

PAGE 30 comporte déjà un dispositif à chaleur. E. E.

 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO
26 L'ÉVÉNEMENT
À Bercy, dans les coulisses
de la bataille du budget 2024
Le forcing de Darmanin, le désaveu de Clément Beaune, l’éloquence de Dupond-Moretti…
Le gouvernement met la dernière main à son projet de loi de finances, présenté mercredi.
RÉCIT
JULIE RUIZ PEREZ £@julieruizperez
FINANCES PUBLIQUES Le texte a
beau compter au moins 200 pages
qui ne se lisent pas comme un ro-
man, les arcanes du projet de loi de
finances offrent néanmoins chaque
année un festin délectable de sus-
pense et de drame où s’entremê-
lent intérêts, angoisses, ambitions
intimes et raison d’État. Le budget
2024 sera présenté mercredi, com-
me le veut la coutume au cours de
la dernière semaine de septembre.
À quelques jours du lever de ri-
deau, les grandes lignes du texte
Cette
accélération
du désendet-
tement est
fondamentale
au moment
où tous nos
partenaires
européens sont
engagés dans
cette voie » planification écologique.
BRUNO LE MAIRE,
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
ET DES FINANCES
JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO
1
A
sont connues. Il est placé cette an-
née sous le signe de la prudence,
avec une légère teinte écologique.
Prudence, car les perspectives
économiques sont en demi-teinte.
Le gouvernement a dû réviser sa
prévision de croissance pour 2024
à 1,4 % au lieu de 1,6 % tandis que
les seuls intérêts de la dette bondi-
ront de 9,5 milliards d’euros, à
48,1 milliards l’an prochain.
Pour tenir ses objectifs de déficit
public (4,4 % pour 2024), Bercy
doit tenir les cordons de la bourse
et renoncer à la politique de lar-
gesse fiscale qui caractérisait les
« estDarmanin
précédents budgets. Les ménages
devront attendre 2025 pour voir la
baisse d’impôts de 2 milliards pro-
mise par Emmanuel Macron. Sur le
front des économies, ce budget de-
vrait en contenir 16 milliards, en
grande partie liées à la fin du bou-
clier énergétique.
Pour autant, dans un contexte
de hausse de prix persistant, il ac-
tera l’indexation sur l’inflation des
prestations sociales, des retraites
et du barème de l’impôt sur le re-
venu, pour un coût estimé à
25 milliards. En quête de sens pour
ce texte ménageant la chèvre et le
chou, le gouvernement met en
avant son volet écologique, en ré-
pétant que ce budget consacrera
7 milliards supplémentaires pour la
« Celui du 6e »
Deux hommes sont chargés de
porter le narratif de ce texte dispa-
rate. Dans les couloirs intermina-
bles de Bercy, on les appelle « celui
« lesPendant
du 5e » et « celui du 6e ». « Celui
du 6e », depuis six ans, c’est Bruno
Le Maire, ministre de l’Économie,
qui ne manque jamais de rappeler
sa longévité à ce poste. « Il incarne à
lui seul la politique économique du
pays. Le budget, c’est son moment, il
ne le laissera pas passer », confie un
proche. Cette année, il a pris les rê-
nes du dossier très tôt : au début de
l’année, il réunit les gens de la Di-
rection du budget pour leur serrer
la vis après un budget 2023 que
certains jugent « un peu bâclé » et
« deux années de “quoi qu’il en
coûte” où ils avaient perdu l’habitu-
de de dire non » . Le budget est un
levier de pouvoir pour le ministre
de l’Économie, qui semble avoir
fait des performances économiques
du pays son arme principale dans la
guerre de succession à l’Élysée qui
fait déjà rage en coulisse. Sur les
plateaux, il défend ces performan-
ces comme un candidat à une réé-
« Beaune
lection défend son bilan.
Face aux grandes ambitions
de son ministre de tutelle, le
nouvel « homme du 5e » peine à
trouver sa place. « Il a du mal à
en placer une ! », s’exclame un
député macroniste à propos du
discret Thomas Cazenave, nou-
veau ministre délégué au Budget
tout juste nommé cet été. « Sous
Darmanin, c’était la guerre ouver-
te ; les cabinets se battaient comme
des chiffonniers pour chaque petite
annonce », raconte un familier des
lieux. Car le budget est un texte
dense qui fourmille de mesures qui
peuvent donner une belle visibilité
aux ministres en interview sur les
plateaux ou dans les colonnes d’un
quotidien.
Plus qu’une question de vanité,
les annonces sont une puissante
arme politique. Au printemps, par
exemple, le cabinet du ministre de
l’Intérieur laisse fuiter que Gérald
Darmanin ne se pliera pas à l’exer-
cice, pourtant imposé à tous les mi-
nistères, des propositions d’écono-
« aGabriel Attal
mies sur leur périmètre. Une façon
de défier la locataire de Matignon
- dont il espère reprendre le bail à
l’époque - et de montrer à son ad-
ministration que le ministre les
protège des coupes budgétai-
res. « Darmanin est le roi de la
manœuvre. L’année dernière, il
a totalement acculé Bercy en annon-
çant 1 milliard de crédits en plus pour
la police avant d’avoir le feu vert »,
SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO
commente un membre de la ma-
jorité mi-outré, mi-admiratif.
Mais la méthode ne réussit pas à
tous les coups. Cette année, Clé-
ment Beaune l’a appris à ses dé-
pens. Il y a quelques semaines,
il annonçait qu’une nouvelle taxe
sur les billets d’avion apparaîtrait
dans le budget. « C’est une manière
de faire le forcing, décrypte un fin
connaisseur de la vie politique. Il
le roi de
met sa crédibilité en jeu, ça peut rap-
porter gros comme ça peut coûter
cher. » Ce sera plutôt la déveine
pour le ministre des Transports,
la manœuvre, dont la proposition annoncée en
l’année grande pompe est finalement en-
dernière terrée. « Bercy n’a jamais confirmé
une taxe sur les billets d’avion, donc
il a totalement
acculé Bercy
UN MEMBRE
» Bercy ne va pas confirmer son aban-
don », commente sèchement le
cabinet de Bruno Le Maire. En clair,
DE LA MAJORITÉ malgré ses efforts, Clément Beaune
a perdu son arbitrage.
Les arbitrages, en bon jargon,
désignent une succession de réu-
nions qui ont lieu au début de l’été
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
entre le ministre du Budget - à
l’époque, encore Gabriel Attal -, les
ministres et, pour traiter des dos-
siers les plus litigieux, Bruno
Le Maire et la première ministre.
En 2023, cette période coïncide
avec celle des rumeurs persistantes
de remaniement. Certains, notam-
ment dans les « petits » ministère,
sont donc plus arrangeants que
d’habitude avec Bercy. « Ce n’était
réunions
pas le moment d’être une source
de problèmes », ironise un ministre.
D’autres en profitent pour préparer
d’arbitrages, l’avenir. « Gabriel Attal était un peu
Olivier moins mordant que d’habitude à la
réunion sur les crédits à allouer à
Dussopt a été l’éducation », sourit un participant.
un redoutable Certains, comme Éric Dupond-
tacticien »
UN PARTICIPANT
Moretti, se lancent dans de grands
discours pour décrire leur vision
pour leur ministère… et mettre en
valeur leurs talents d’orateur.
« Cette réunion est une gourman-
dise, débute, emphatique, le minis-
tre de la Justice. On sent qu’on a
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
l’écoute de Bercy et que la justice
n’est plus en voie de clochardisa-
tion ! » Il faut dire que, cette année,
la négociation n’a pas été aussi ser-
rée que d’habitude avec l’éloquent
garde des Sceaux. « La Justice, l’In-
térieur et la Défense étaient un peu
protégées par leur loi de program-
mation (qui sanctuarise les augmen-
tations de budget jusqu’en 2027,
Clément
met
NDLR). Ça a fait quelques jaloux »,
décrit un conseiller. D’autant plus
au moment où chacun a dû plan-
cher sur 5 % d’économies à propo-
sa crédibilité ser sur son ministère.
en jeu, ça peut Les dossiers qui n’ont pas pu être
rapporter gros « fermés » lors de ces réunions, ont
ensuite navigué entre les bureaux
comme ça de la « PM » (première ministre) et
peut coûter du « PR » (président de la Républi-
cher »
UN FIN CONNAISSEUR
que) pour en ressortir sous forme
de « lettres plafonds ». Ces longues
missives signées de la main d’Élisa-
DE LA VIE POLITIQUE
beth Borne ont détaillé en juillet, à
chaque ministre, les crédits qui lui
seront alloués pour l’année pro-
chaine. Comme souvent, « la ré-
ception des lettres a été un véritable
STEPHANIE LECOCQ/REUTERS
drame ». Olivier Dussopt, qui sor-
tait à l’époque de l’éprouvante ba-
taille des retraites, espérait, par
exemple, qu’avec les 17 milliards
d’économies de la réforme, son
ministère serait dispensé de par-
ticiper à l’effort budgétaire. Malgré
des réunions d’arbitrages où l’an-
cien ministre des Comptes publics
a été « un redoutable tacticien » en
été un peu
jouant sur les cordes sensibles de
la première ministre et du prési-
dent pour défendre son budget, il
moins mordant devra tout de même se serrer un
que d’habitude peu la ceinture l’année prochaine.
« Quand on est presque au plein-
à la réunion
emploi, c’est normal de mettre moins
sur les crédits d’argent pour lutter contre le chô-
pour mage », répète doucereusement
» Bercy, qui a triomphé dans ce bras
l’Éducation de fer. Au-delà des inévitables pos-
UN PARTICIPANT tures, un proche de Bruno Le Maire
16
Mds €
d’économies grâce
notamment à la fin
du bouclier
énergétique
considère tout de même que « grâ-
ce aux 16 milliards d’économies réa-
lisées avec la fin du bouclier tarifaire,
ce budget n’a pas vraiment fait de
perdants. Mis à part le Logement et
le Travail, cette manne à permis de
satisfaire un peu tout le monde et
d’éviter les gros coups de sang. »
Satisfaits ou déçus, les ministres
ont dû se faire une raison pendant
la pause estivale, puisque, après le
25
Mds €
temps des tractations en coulisses, pour les indexations
s’est ouvert en septembre le temps
des retraites,
des arbitrages fiscaux. Dans ce
deuxième round de l’élaboration
du budget, Bercy s’engage dans un
prestations et impôts
sur l’inflation
combat contre les différents ac-
teurs qui risquent d’être lésés par
les mesures fiscales. Fin août,
Patrick Martin, le président du
Medef, s’avance sabre au clair pour
demander au patron de Bercy de
tenir sa promesse de supprimer
le reste de la CVAE - un impôt de
production - dans le prochain
budget. À ce moment-là, le sujet
est déjà un point de tension entre
l’Élysée - qui aurait bien remis
cette baisse d’impôt de 4 milliards
à plus tard au nom du sérieux bud- En dehors
gétaire - et Bercy, qui préférerait
étaler la suppression sur quatre ans des sujets
en commençant dès 2024. C’est
environ-
cette deuxième option qui figurera
dans le texte. nementaux,
Au cours de ces tractations de la
nous fermons
rentrée, Bercy est certainement
aidé par la petite musique qui com-
mence alors à émerger selon la-
la porte
quelle ce budget serait celui des à toute hausse
hausses d’impôts. Cet air entêtant
agace dans toutes les strates de la
majorité, surtout les plus hautes.
fiscale »
THOMAS CAZENAVE,
Depuis quelques semaines, les pis- MINISTRE DES COMPTES
PUBLICS
tes d’augmentation de taxes et de
suppressions de niches fiscales qui
étaient arrivées sur la table à la fa-
veur du coup de chaud provoqué
par la menace de dégradation de la
notation française, ont presque
toutes été balayées « sur consigne
de l’Élysée ».
Menace du 49.3
À l’heure où les poids lourds ont
déjà le regard tourné vers 2027,
le parti d’Emmanuel Macron
doit se préparer à lui survivre
politiquement et, pour ce
faire, se trouver des mar-
queurs identifiables par le
grand public. À la faveur de
la préparation de ce bud-
get, Renaissance semble
avoir tranché. « Nous
sommes le parti des bais-
ses d’impôt », résume un
ministre Marcheur de la
première heure. Une
conviction qui se répète
comme un mantra sur
les moquettes fatiguées
de l’hôtel des Ministres à
Bercy, où s’enchaînent
les petites nuits depuis
des semaines.
Ce sera le cas jusqu’à
« la nuit du budget », cel-
le de mardi à mercredi, où
les plus proches conseillers de
l’« homme du 6e » et de « celui
du 5e » fignoleront les détails du
dossier de presse jusqu’aux petites
heures avant d’attaquer avec « le
jour le plus long » au matin du
27 septembre. Conférences de
presse, Conseil des ministres, pré-
sentation du texte en commission
NEDIR DEBBICHE/PHOTOPQR/LA DEPECHE DU MIDI/MAXP
aux deux chambres du Parlement,
vote de la trajectoire budgétaires en
session extraordinaire, les cabinets
de Bruno Le Maire et de Thomas
Cazenave seront sur tous les fronts.
Dès le lendemain, il faudra pas-
ser par les fourches Caudines du
Parlement, avec leurs cortèges
d’amendements à examiner en
commission et de diatribes en
séance publique. La menace de la
motion de censure et du 49.3 pla-
nent. Alors qu’il met le point final
à ce texte qu’il prépare depuis de
long mois, Bercy ne peut avoir
qu’une certitude : la bataille du
budget aura bien lieu. ■

ÉCONOMIE
Prix de l’électricité en France : le grand
pugilat national
Élisabeth Borne
donne
deux semaines
à EDF pour clore
le débat sur la
future régulation.
RÉCIT
BERTILLE BAYART £@BertilleBayart
ÉNERGIE Deux semaines. C’est le
délai qu’Élisabeth Borne a donné,
vendredi matin à Matignon, au
PDG d’EDF, Luc Rémont, pour
revenir vers le gouvernement
avec une proposition tarifaire
acceptable. La veille, la première
ministre et les quatre ministres
concernés (Bruno Le Maire à
l’Économie, Agnès Pannier-
Runacher à la Transition éner-
gétique, Roland Lescure à
l’Industrie, Laurence Boone aux
Affaires européennes), avaient
arrêté la position de l’exécutif sur
le sujet aussi complexe qu’inflam-
mable de la future régulation de
l’électricité nucléaire.
Deux semaines, donc. Un
dernier « sprint » pour fixer le
« prix moyen le plus bas possible »
selon la formule d’une source
proche de l’exécutif. Sinon ? La
question reste en suspens.
Personne ne s’aventure à verba-
liser le risque d’une crise de gou-
vernance à la tête de l’électricien.
Un an presque jour pour jour après
qu’Emmanuel Macron lui a
confirmé à l’Élysée sa nomination,
dix mois après sa prise de fonction,
Luc Rémont marche sur une corde
raide. « Il n’y a rien de personnel »,
assure une source proche du
dossier. « La discussion avec Luc
Rémont est sereine, mais le sujet est
majeur », explique une source
gouvernementale.
En jeu : un arbitrage entre la
compétitivité de l’électricité en
France, à l’heure où l’ambition de
réindustrialisation est érigée en
priorité absolue, et la profitabilité
d’EDF, entreprise la plus lourde-
ment endettée d’Europe (65 mil-
liards d’euros de dette nette). Au
fond, un choc des philosophies
comme la France en a le secret :
EDF, redevenue à 100 % publique,
est-elle encore une entreprise
commerciale, qui finance ses
investissements et son avenir, ou
l’exécutant d’une politique
publique ?
“ La discussion
avec le PDG d’EDF,
Luc Rémont,
est sereine, mais
le sujet est majeur
UNE SOURCE GOUVERNEMENTALE
”
Le temps presse. Sur ce point au
moins, tout le monde est d’accord.
Le 1er janvier 2026, le système
actuel de régulation tombe. Les
acteurs du marché doivent savoir
dès cet automne ce qui viendra
après l’Arenh (accès régulé à
l’électricité nucléaire historique).
Ce mécanisme conçu en 2010 dans
le cadre de l’ouverture à la concur-
rence de l’électricité en Europe
comme un partage de la rente
nucléaire, est une mise à dispo-
sition par EDF à ses concurrents
d’un volume important de la
production du parc nucléaire
(100 TWh) à un prix d’ami
(42 euros le MWh). Quand la crise a
fait exploser les prix de marché,
tandis que la production d’EDF
s’est effondrée à cause des arrêts
liés à la corrosion découverte sur
certains réacteurs, l’Arenh est
devenue une machine à creuser
des pertes dans les comptes d’EDF.
Mais c’est aussi un ballast pour
contenir la flambée de la facture,
notamment pour les grands
industriels qui y ont directement
accès. « Nos voisins européens,
notamment allemands, nous envient
l’Arenh », expliquait aux députés
Agnès Pannier-Runacher début
juillet. Après l’Arenh, l’exécutif
veut un système garantissant des
prix bas, autrement dit une redis-
tribution large de la rente nucléai-
re. « C’est une attente forte de la
part des entreprises, des citoyens, et
de la classe politique », explique une
source gouvernementale. Une
autre confirme : « Cette attente
d’une protection forte des consom-
mateurs est ressortie de façon una-
nime du format “Saint-Denis” (la
réunion avec les chefs de parti
organisée par Emmanuel Macron
le 30 août, NDLR). »
L’idée générale devant guider le
futur cadre tarifaire est partagée
par tous : il faut redonner de la vi-
sibilité de long terme aux acteurs et
protéger les consommateurs de la
volatilité. Mais le gouvernement et
EDF divergent sur la méthode. Luc
Rémont plaide pour un mécanisme
marchand mêlant des offres sur le
marché de gros à cinq ans voire da-
vantage – l’entreprise commence à
les tester depuis dix jours – pour
ancrer les perspectives de prix, et
des contrats négociés de façon bi-
latérale et commerciale avec les
grands clients. L’exécutif penche
pour une garantie publique. L’idée
d’un CFD (contract for difference)
unique, fixant un prix plancher et
un prix plafond pour l’ensemble de
la production du parc nucléaire
existant, a été évacuée. Un plan-
cher aurait en effet pu être inter-
prété à Bruxelles comme une ga-
rantie de revenus pour EDF, autant
dire une aide d’État pour laquelle la
Commission risquait d’exiger des
contreparties affectant le périmè-
tre de l’entreprise. Exit le plan-
cher, reste le plafond. Un seuil de
prix au-delà duquel la rente sera
captée par l’État et redistribuée à
l’ensemble des consommateurs.
C’est ce curseur qu’il faut placer
d’ici à deux semaines.
Luc Rémont a avancé le chiffre
de 120 euros le MWh. Hors de
question pour l’État. Les éléments
de langage partagés dans tous les
ministères ces derniers jours se ré-
fèrent, déférents, au discours
d’Emmanuel Macron à Belfort en
février 2022 : « Nous mettrons en
œuvre, en accord avec la Commis-
sion européenne, une nouvelle régu-
lation de l’électricité nucléaire afin
que les consommateurs français,
Élisabeth Borne ménages et entreprises, puissent
a demandé, vendredi, bénéficier de prix stables, proches
au PDG d’EDF, des coûts de production de l’élec-
Luc Rémont (à droite), tricité en France. » Une exigence
de revenir que le président de la République
vers le gouvernement devrait réaffirmer ce lundi,
avec une proposition
tarifaire acceptable. en clôture du Conseil de la plani-
FRANÇOIS BOUCHON/ fication écologique.
LE FIGARO ; Ces coûts de production ont été
ROMUALD MEIGNEUX/SIPA réévalués par la commission de ré-
gulation de l’énergie dans un rap-
port rendu en juillet dernier et dont
la synthèse a été révélée par le site
Contexte en début de semaine. Un
mauvais coup pour EDF sur la for-
me et sur le fond. Sur la forme, Luc
Rémont n’a pas apprécié de voir,
ce qu’il considère relever du secret
des affaires de l’entreprise, être
étalé sur la place publique. Et il l’a
fait savoir, avec véhémence, à la
représentante du ministère de la
Transition énergétique en conseil
d’administration mercredi, com-
me l’a révélé BFM Business. Le mi-
nistère a diffusé la synthèse de la
note de la commission de régula-
BATAILLE DES PRIX tion de l’énergie (CRE), une dé-
AUTOUR
marche, précise-t-on, faite à la
DE L’ÉLECTRICITÉ
42
demande du secrétaire général de
l’Élysée Alexis Kohler, que Luc Ré-
mont a rencontré la semaine der-
nière, et du directeur de cabinet de
euros la première ministre.
le MWh
Tarif de l’Arenh,
ce volume
Sur le fond, la CRE a estimé le
« coût complet » de production
d’EDF sur le parc existant
(Flamanville 3 compris) à 60,7 euros
d’électricité nucléaire le MWh pour la période 2026-2030.
vendu à d’autres
fournisseurs d’électricité Le chiffre sur la même période est de
56,7 euros pour le « ruban », c’est-
à-dire la production de base qui
60,7 correspond au profil de consom-
mation de certains gros utilisateurs.
On est en tout cas loin, très loin, des
euros 120 euros de plafond demandés par
Luc Rémont. « Les travaux de la CRE
le MWh établissent ainsi une référence objec-
Coût complet tive tant pour les volumes
de la production nucléaire prévisionnels que pour le prix », a
d’EDF sur le parc existant réagi l’Uniden, l’Union des
pour la période industries utilisatrices d’énergie.
2026-2030, selon
la Commission de « La CRE a répondu à la question qui
régulation de l’énergie lui était posée. Or cette question était
erronée », analyse un proche du
dossier. Ses calculs s’inscrivent en
effet dans la perspective d’un CFD,
120 et sans prise en compte de l’inves-
tissement dans le futur parc d’EPR2.
euros Quoi qu’il en soit, il faut mainte-
nant s’entendre sur un prix moyen
le MWH supérieur à ces 60,7 euros, afin,
précise une source gouvernemen-
Prix plafond
de l’électricité tale, de tenir compte de la trajec-
proposé par EDF toire financière d’EDF. Autrement
dit, il faut que les cash-flows de
l’entreprise restent cohérents avec
la notation que lui attribuent les
agences.
Mais ce « plus » s’annonce min-
ce. C’est le sens de l’arbitrage rendu
jeudi. L’exécutif a une obsession :
la compétitivité, au nom de la réin-
dustrialisation et de la décarbona-
tion. Les industriels s’impatientent.
« Ils se roulent par terre dans les jar-
dins de l’Élysée depuis des mois ! »,
plaisante un proche du dossier. De-
puis le début de l’année, explique
un expert, EDF négocie avec un
pool de grands consommateurs re-
présentatifs. L’électricien veut ap-
porter la preuve que la négociation
commerciale peut fonctionner
pour former des prix acceptables
par tous (et plus raisonnables que
“queIl l’État
est temps
définisse
le cadre du marché
de l’électricité.
Les disputes
actuelles retardent
la décarbonisation
industrielle
de la France
”
PHILIPPE DARMAYAN, ANCIEN PRÉSIDENT
D’ARCELORMITTAL FRANCE
les prix de marché actuels encore
gonflés par le risque d’indisponibi-
lité des réacteurs encore en répara-
tion). Cette stratégie d’offres « full
merchant » comme on dit chez
EDF, plutôt que de prix adminis-
trés, avait aussi reçu le soutien pu-
blic du patron de TotalEnergies.
Patrick Pouyanné et Luc Rémont
ont multiplié les numéros de duet-
tistes sur les estrades des conféren-
ces patronales. Pour EDF, l’appui
d’un concurrent est précieux en
vue de la discussion avec la Com-
mission européenne. Mais « il ne
faut pas se leurrer, ce qui intéresse
TotalEnergies, c’est l’accès à la rente
nucléaire, pas le modèle d’entreprise
d’EDF », commente un expert.
En dehors du producteur d’alu-
minium Trimet avec lequel un
contrat de 22 TWh pour dix ans a
été conclu fin juin, rien n’est à ce
jour sorti de ces discussions tous
azimuts. « EDF est actionnaire de
Trimet, ce qui en fait un cas particu-
lier », précise un proche du dossier.
Un autre affirme que ces négocia-
tions avancent bien. « Il faut re-
trouver l’habitude de la négociation
LE FIGARO lundi 25 septembre 2023
27
commerciale. Ces contrats exis-
taient avant l’Arenh », rappelle un
proche du dossier. « Tout le monde,
industriels et fournisseurs, s’est
habitué à dépendre de l’allocation de
la coke de l’Arenh par processus
administratif », plaisante un bon
connaisseur du dossier.
Vendredi, Élisabeth Borne a fait
part à Luc Rémont de son exigence
d’apporter « une réponse spéci-
fique, avec de la visibilité et des prix
très abordables », pour les
hyper-électro-intensifs et les
électro-intensifs (HEI et EI). Les
premiers consomment 6 KWh par
euro de valeur ajoutée, les seconds
2,5 KWh. Et ces entreprises seront
de plus en plus nombreuses avec la
stratégie d’électrification des
process industriels et le dévelop-
pement de nouvelles activités
(hydrogène, batteries…).
« Il est temps que l’État définisse
le cadre du marché de l’électricité.
Les disputes actuelles retardent la
décarbonation industrielle de la
France », a twitté samedi l’ancien
président d’ArcelorMittal France
Philippe Darmayan, auteur d’un
rapport l’an dernier sur l’appro-
visionnement en électricité des
industriels français. « Il faut trouver
des solutions pour les HEI, les EI, et
pour les 33 000 autres entreprises
industrielles de France, explique
une source gouvernementale, la
difficulté étant qu’un prix moyen ne
signifie pas grand-chose pour des
entreprises dont le seuil de compéti-
tivité par rapport à leurs concur-
rents européens ou américains varie
du simple au triple. » L’Uniden esti-
me à 40 TWh les besoins des sites
hyper-électro-intensifs (10 à 12
TWh) et électro-intensifs (30 TWh)
et rappelle que leurs « concurrents
mondiaux s’approvisionnent à des
prix entre 40 et 80 dollars le MWh en
Chine, et 30 à 50 dollars le MWh aux
États-Unis… »
En toile de fond de ce débat se
pose la question du financement du
futur parc d’EPR2, dont trois paires
ont déjà été décidées. L’état de son
bilan interdit à EDF de porter seul
cette charge. Mais l’entreprise
entend y participer. Le tarif de
l’électron dans les années à venir
déterminera le volume d’inves-
tissements que l’électricien pourra
y consacrer. Selon le prix où sera
placé le curseur, c’est la contri-
bution respective du consom-
A
mateur d’électricité et du contri-
buable qui est en réalité arbitrée. ■
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO
28 ENTREPRISES
L’obligation faite
aux allocataires
du RSA
de réaliser
15 à 20 heures
d’activité
par semaine
fait polémique.
Le texte s’est
mis à dos
les syndicats
et les élus locaux.
THOMAS ENGRAND
£@EngrandThomas
SOCIAL Avant même le com-
mencement des débats, des accu-
sations de conflit d’intérêts à l’en-
contre du rapporteur du texte,
Marc Ferracci, qui l’ont conduit à
renoncer à cette mission ; pen-
dant l’examen du texte, des oppo-
sitions qui quittent la commission
des affaires sociales avant la fin.
Les débuts du projet de loi plein-
emploi à l’Assemblée nationale
n’auront pas été de tout repos.
L’état d’esprit risque de ne pas
être très différent dans les pro-
chains jours, alors que le texte doit
être étudié à partir de lundi dans
l’Hémicycle. Preuve que les dépu-
tés avaient des choses à dire, la
commission a étudié plus de mille
amendements en trois jours. Plu-
sieurs centaines d’autres sont at-
tendus lors du passage en séance.
Une demi-surprise pour un
projet de loi qui s’est rapidement
mis à dos les oppositions mais aus-
si les syndicats et de nombreux
élus locaux. Deux points en parti-
culier cristallisent les antagonis-
mes, à commencer par l’obliga-
tion faite aux allocataires du RSA
de réaliser 15 à 20 heures d’activi-
té par semaine. Dès le début, les
représentants des salariés
s’étaient emportés contre cette
disposition qu’ils apparentaient à
« du travail forcé » selon la CGT.
Un vocable repris notamment par
les partis de gauche et que le gou-
vernement et l’ensemble des pro-
moteurs du texte se sont évertués
à démonter. Ce ne sera « ni du tra-
vail gratuit, ni du bénévolat obliga-
toire », n’a cessé de répéter Olivier
Dussopt, le ministre du Travail. En
effet, les formations, l’aide active
Distribution : des innovations au service du pouvoir d’achat
Les grandes surfaces et les chaînes spécialisées ne misent plus sur le métavers ou les innovations spectaculaires.
MARIE BARTNIK
£@mariebartnik
COMMERCE Back to basics. Dans
le secteur de la distribution,
l’heure n’est plus aux fantaisies du
métavers et autres hologrammes
spectaculaires autant que coû-
teux. « L’inflation incite les acteurs
à revenir aux fondamentaux du
commerce », constate Arnaud
Gallet, directeur du salon Paris
Retail Week, qui avait lieu la se-
maine dernière Porte de Ver-
sailles, et qui a attiré cette année
20 000 visiteurs, davantage que
l’année dernière.
Le prix est redevenu le premier
critère de choix des clients, loin
devant la qualité des produits ou le
respect de l’environnement, relè-
ve une étude réalisée par Havas à
l’occasion de ce salon dédié au
commerce omnicanal. Prix com-
pétitifs, offres spéciales et pro-
duits de meilleure qualité sont ce
que les consommateurs attendent
dès lors en priorité.
Les innovations technologiques
plébiscitées lors de la Paris Retail
Week reflètent ces préoccupa-
A
tions. Comme en 2022, les solu-
tions de paiement ont occupé une
Les heures d’activité
ne seront « ni du travail
gratuit, ni du bénévolat
obligatoire », a répété
le ministre du Travail, Olivier
Dussopt (ici à l’Assemblée
nationale en juillet).
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
Débuts conflictuels pour le projet
de loi plein-emploi à l’Assemblée
BERZANE NASSER/ABACA
Il faut que le
gouvernement
cesse de prendre
les caisses
de retraite
complémentaire
et d’assurance- Une gouvernance décriée
Conscient de l’agitation que cette
chômage pour mesure allait provoquer, le gou-
sa tirelire vernement avait initialement
choisi de ne pas mentionner les
d’argent
de poche » 15 heures dans le projet de loi.
Problème : à l’opposé du spectre,
SOPHIE BINET, SECRÉTAIRE
GÉNÉRALE DE LA CGT,
CRITIQUANT LE MODE
DE FINANCEMENT
DE LA RÉFORME CHOISI
PAR L’EXÉCUTIF
grande place dans les allées. La
solution cette année lauréate de
cette catégorie propose aux clients
de s’identifier grâce aux veines de
leurs mains. Une technologie
conçue par Ingenico qui promet
d’accélérer le paiement et de ré-
duire les fraudes.
Paiement fractionné
Mais ce sont surtout les solutions
de paiement fractionné qui ont re-
tenu l’attention des distributeurs.
Oney, Alma, Floa, PayPal ou Klar-
na proposent aux clients de régler
une nouvelle robe ou un ordina-
teur en trois ou quatre fois, sans
autre formalité qu’un paiement
par carte bancaire. En période
d’inflation, la formule rencontre
un grand succès. Quatre Français
sur dix y ont déjà eu recours, selon
Kantar. Pratique pour les clients,
elle est aussi intéressante pour les
commerçants en ce qu’elle lève un
frein à l’achat et « permet une
hausse du panier moyen de 20 % à
70 % », promet Oney, qui vient de
signer avec le Parc Astérix. Si le
paiement fractionné est adopté
par les plus grands sites internet
d’e-commerce, il a encore du ter-
rain à conquérir dans les magasins
physiques.
à la recherche d’emploi ou un
parcours de soins pourront entrer
dans cette catégorie. Pour enfon-
cer le clou sur ce sujet sensible, les
soutiens du texte rappellent que
les devoirs du bénéficiaire ne se-
ront pas imposés unilatéralement.
Ils seront le fruit de discussions
entre l’allocataire et l’agent qui le
prend en charge. Des explications
qui n’auront pas suffi à calmer les
attaques. « Il y a une confusion vo-
lontaire entre activité et travail
dans l’opposition de gauche. C’est
le jeu politique, on l’a vu pendant
ces trois jours » , se plaignait un
député en sortant de commission.
la droite reste attachée à cette
obligation. Premier à avoir étudié
le texte, le Sénat, où les LR sont
majoritaires, l’a réécrit noir sur
blanc : le bénéficiaire « doit exécu-
ter 15 à 20 heures », peut-on lire
Lauréate cette année
au salon Paris Retail
Week, la solution
conçue par Ingenico,
qui propose aux clients
de s’identifier grâce
aux veines de leurs
mains, doit permettre
d’accélérer le paiement
et de réduire les fraudes.
JEAN-BAPTISTE QUENTIN/
PHOTOPQR/LE PARISIEN/
MAXPPP
dans le document rendu en juillet.
Un entêtement qui a obligé la
commission des affaires sociales
de l’Assemblée nationale à couper
la poire en deux. Elle a laissé le
chiffre mais y a apporté une dose
de progressivité et de la condi-
tionnalité. Les termes de la Cham-
bre haute ont ainsi
été remplacés par
« doit effectuer jus- Plus de
qu’à 15 à 20 heures en
fonction de la situa-
tion de la personne
concernée ». Cette
version ne pourrait
1 000
amendements
toutefois n’être que
temporaire en fonc- déposés en trois jours présentes dans les diffé-
tion du rapport de en commission
force dans l’Hémicy- des affaires sociales. tion. Elles ont obtenu
cle. Plusieurs centaines pour le moment un ré-
Second sujet de d’autres sont attendus sultat mitigé.
friction, la gouver- lors du passage
en séance
nance de la future en-
tité chargée de cha-
peauter tous les acteurs qui
œuvrent au retour à l’emploi. Le
but est de casser le fonctionnement
actuel « en silo » et d’optimiser les
ressources. Mais personne ne tom-
be d’accord sur un organigramme
« Les clients sont à la recherche
de solutions pour consommer
comme avant, malgré la baisse de
leur pouvoir d’achat », constate
Arnaud Gallet. La seconde main
est une autre option pour y par-
venir. Vinted s’est hissé en tête
des sites de vente de mode en li-
gne les plus consultés. Les distri-
buteurs traditionnels offrent de
plus en plus souvent un tel servi-
ce à leurs clients. Créé par le site
Recommerce, Circular X est une
plateforme clés en main qui aide
les distributeurs et les marques à
récupérer les produits qu’ils ont
commun. D’un côté, les différents
échelons territoriaux voient dans
cette structure une atteinte à leur
pré carré respectif - la formation
pour les régions, la gestion du RSA
pour les départements et les mis-
sions locales pour les intercommu-
nalités. « France Travail : un projet
flou, régressif et recen-
tralisateur », titraient
ainsi dès le mois de mai
les régions de France
dans un communiqué où
elles exposaient tout le
mal qu’elles pensaient
de cette réforme et exi-
geaient d’être davantage
rents organes de direc-
Même avis chez les
syndicats, où l’on de-
mande à être mieux re-
présenté, sans succès pour le mo-
ment. « Nous avons redit ce que
nous voulions en termes de gouver-
nance, à savoir une place importante
des partenaires sociaux (…) au ni-
veau national et régional », a souli-
vendus pour leur redonner une
seconde vie. La start-up a déjà
signé avec Leroy Merlin ou Bou-
langer.
Ticket de caisse récupéré
par QR Code
Toutes les solutions qui permet-
tent aux commerçants de gagner
en efficacité sont enfin bienve-
nues dans une période où l’infla-
tion compresse leurs marges.
« C’est un critère crucial, relève
Arnaud Gallet. Celles qui y contri-
buent tout en améliorant l’expé-
rience client sont gagnantes. » La
start-up espagnole Naiz Fit,
créée en 2017, recommande par
exemple aux clients des sites de
mode en ligne la meilleure taille
pour leur morphologie, en fonc-
tion de la coupe du vêtement. Un
plus pour le client, moins sou-
vent déçu par son achat, mais
aussi pour le commerçant, car ce
service réduit les très coûteux
retours produits – que Zara s’est
par exemple résolu à facturer
l’année dernière. Chez Silbon,
une marque espagnole cliente de
Naiz Fit, le taux de retour est pas-
sé de 20 % à 7 %.
Plusieurs start-up s’engouf-
frent enfin dans la brèche laissée
gné Olivier Guivarch, secrétaire
confédéral à la CFDT.
Dans le même temps, d’autres y
voient « un cauchemar technocrati-
que », selon la CGT, qui viendrait
encore ajouter une strate adminis-
trative supplémentaire à un secteur
qui n’en manque pas.
Prise entre ces avis contraires, la
majorité pointe plutôt que ces nou-
velles dispositions « doivent être
vues comme un cadre, selon les mots
de Paul Christophe, député Horizon
et corapporteur du texte, où chaque
région garde une certaine marge de
manœuvre ». Ce projet de loi aura
au moins eu le mérite de mettre
d’accord les représentants du sala-
riat et du patronat. Les deux étant
vent debout contre le choix du gou-
vernement de ponctionner une
partie des excédents de l’Unédic
- l’organisme paritaire qui gère
l’assurance-chômage - pour finan-
cer la mise en place de sa réforme.
« Il faut que le gouvernement cesse
de prendre les caisses de retraite
complémentaire et d’assurance-
chômage pour sa tirelire d’argent de
poche », a ainsi cinglé la numéro un
de la CGT, Sophie Binet. ■
ouverte par la suppression du tic-
ket de caisse automatique, effec-
tive depuis le 1er août. 73 % des
clients sont pour, relève un son-
dage réalisé par OpinionWay
pour la fédération de la distribu-
tion Perifem. Le ticket n’en reste
pas moins précieux, surtout en
cette période de variation des
prix. Neuf personnes sur dix le
vérifient régulièrement et six sur
dix le conservent pour faire leurs
comptes.
La start-up Ostra-K propose
aux clients de récupérer leur tic-
ket de caisse au moyen d’un QR
Code ou d’un NFC – plus instanta-
né qu’un mail et plus universel
qu’une carte de fidélité dématé-
rialisée. Un moyen de proposer
aux clients toute une palette d’in-
formations supplémentaires (ga-
ranties, informations techni-
ques…) sur leur téléphone, et
surtout des promotions, dont ils
sont en ce moment si deman-
deurs. De quoi les faire revenir
dans l’enseigne. Les demandes af-
fluent, dans le secteur de la gran-
de distribution comme de la res-
tauration rapide. ■
» Lire aussi le décryptage
+ d’Olivia Détroyat PAGE 30
 LE FIGARO lundi 25 septembre 2023

AVEC
DÉCIDEURS 29
PROPOS RECUEILLIS PAR
FRÉDÉRIC DE MONICAULT
fdemonicault@lefigaro.fr

MANAGEMENT Les boulangeries

Paul, avec 822 millions d’euros de
chiffre d’affaires en 2022, repré-
Maxime Holder
sentent l’essentiel de l’activité du
groupe Holder. Le directeur géné-
ral, Maxime Holder, pilote un
groupe qui repose à la fois sur ses
« Nous sommes
succursales et des boutiques fran-
chisées.

LE FIGARO. - Paul compte plus

de 800 points de vente dans
attachés à
le monde. Exportez-vous
des recettes françaises
ou les adaptez-vous ?
Maxime HOLDER. - Nous sommes
la méritocratie »
un ambassadeur de la France, nos
clients viennent chercher la
culture et la gastronomie de notre
Le directeur général du groupe familial
pays. Nous leur proposons des
produits typiquement français et,
Holder met l’accent sur le rôle
plus globalement, un art de vivre
à la française. Mais nous devons de la promotion interne dans l’entreprise.
aussi nous adapter à la culture de
chaque pays. Au Koweït, on man-
ge son croissant avec des corni-
chons. En Angleterre, le thé est
deux fois plus fort qu’en France.

Vous opérez en propre en France,

au Royaume-Uni et à Singapour,
en franchise ailleurs.
Cela implique-t-il deux types
de management ?
Si les enjeux de chacun sont dif-
férents, les fondamentaux res-
tent les mêmes. Dans les succur-
sales, le fait de participer à une
aventure collective prime. La
franchise, elle, s’inscrit d’abord
dans la perspective d’un par-
cours entrepreneurial, avec un
risque au départ. Pour autant, les
valeurs et engagements de mar-
que, en termes de qualité des
produits, de services aux
consommateurs et d’exigence
pour les équipes, sont partagés
par tous. Mon rôle consiste jus-
tement à m’assurer que ces fon-
damentaux sont bien en place
partout, à commencer par le plus
important : le goût !
Comment maintenir une culture
commune avec à la fois
des succursales et des franchisés ?
Quel que soit le statut, nous som-
mes une seule et même maison.
Notre approche et nos enjeux sont
communs et les équipes sur le ter-
rain aussi. Quand un directeur de
région parle à un franchisé ou à
une succursale, les références
d’expérience du client et de qualité
sont identiques. Ce qui n’empêche
pas d’avoir des discussions indivi-
dualisées sur les problématiques de
chacun.
Aujourd’hui, les jeunes sont
réticents à travailler dans la
restauration. Comment
faites-vous pour recruter ?
C’est bien simple, dans notre
secteur, les filières métiers
n’accueillent plus suffisamment
de candidats. En revanche, le
phénomène de reconversion est
dynamique. Depuis le Covid, le
flux de personnes désireuses de
se réorienter dans la boulange-
rie-pâtisserie ne faiblit pas.
Nous les formons et leur offrons
un métier.
Ce dispositif de formation maison
facilite-t-il la promotion interne ?
Peut-on passer d’un CAP
à un poste d’encadrement ?
Un exemple parmi beaucoup
d’autres : le directeur actuel de
Paul France a commencé comme
pâtissier. Bien sûr, nous regardons
le diplôme, mais, chez Paul, un
diplôme ne vous poursuit pas
pendant vingt ans. Cette mérito-
cratie à laquelle nous sommes très
attachés est un moyen supplé-
mentaire de fidéliser les salariés.
Les salariés des franchisés
ont-ils les mêmes perspectives
que vos propres salariés ?
Nous avons créé une école interne
et des parcours de formation pour
tous nos franchisés. Certains de
nos salariés sont eux-mêmes de-
venus locataires gérants ou fran-
chisés. Donc je crois que tous nos
partenaires, quelle que soit la
taille de leur entreprise, ont à
cœur de proposer des opportuni-
tés d’évolution à leurs équipes.
« Un exemple parmi Comment remédiez-vous de nutrition sont ainsi importants partie de mes études pour cela. Un
beaucoup d’autres : au turn-over important pour nos salariés. Ils apprécient premier virage vers le consulting
le directeur actuel dans votre secteur ? aussi de pouvoir parler au patron m’a permis d’acquérir une vision
de Paul France Nous avons une large gamme actionnaire en direct. très transversale des entreprises.
a commencé comme d’outils de motivation. Du point Avant que mon père et mon frère
pâtissier. Bien sûr,
de vue financier, notre système de Dans vos boulangeries comme ne fassent tout pour me convain-
nous regardons
le diplôme, mais, chez primes est calculé en fonction de dans les bureaux, on porte cre de rejoindre le groupe familial,
Paul, un diplôme chaque magasin, au plus près du la blouse. Pourquoi ? arguant de cette belle aventure. Je
ne vous poursuit pas marché local. Mais l’aspect rému- Au départ, mes parents et leur pe- n’ai jamais regretté de leur avoir
pendant vingt ans », nération ne suffit pas à fidéliser : tite équipe travaillaient dans un cédé !
explique Maxime l’équilibre vie professionnelle-vie local restreint, boulangers et ad-
Holder. NICOLAS privée, le sens donné au travail ou ministratifs : la blouse était donc Pourquoi êtes-vous basé
MATHEUS encore les valeurs de l’entreprise indispensable pour des questions à Londres ?
sont des éléments importants. d’hygiène. Aujourd’hui, ces acti- En 2000, j’étais déjà parti à Lon-
Notre politique en matière de RSE vités ne sont plus concentrées au dres pour ouvrir un premier Paul.
et notre engagement sur les sujets même endroit, mais la blouse in- Une expérience qui m’a permis de
duit une forme de respect pour comprendre qu’il fallait nous
l’ensemble des collaborateurs en adapter pour réussir en dehors de
magasin qui portent un uniforme. France. Quand, en 2011, j’ai pris
Vous seriez venu au siège à Lille, je en charge le développement in-
vous aurais reçu en blouse. ternational, il était important
pour moi d’être basé à l’étranger.
Vous représentez la cinquième En dix ans, nous sommes passés
génération. Vous sentez-vous de 18 à 52 pays. C’est ce qui m’a
dépositaire d’un héritage ? permis de gagner mes galons de
Ma mission première consiste à directeur général et de consolider
continuer à donner du travail à l’élan de Paul au-delà de nos fron-
CONFIDENCES plus de 11 000 personnes. Ensuite,
il s’agit de poursuivre le dévelop-
tières C’est une fierté. Et mon
épouse, qui est médecin, est fran-
pement d’un patrimoine familial. co-britannique. Elle exerce à
LES QUALITÉS QUE VOUS APPRÉCIEZ
Enfin, nous sommes issus d’un Londres. Nous avons décidé que la
CHEZ UN COLLABORATEUR ? terroir, le nord de la France, que carrière de l’un ne pénaliserait ja-
La ténacité, le sens des autres. nous avons à cœur de promou- mais celle de l’autre. ■
voir. Nos trois manufactures, qui
LA PERSONNE QUI VOUS INSPIRE ? réalisent les fonds de tartes et les
Mon père. viennoiseries, sont implantées
dans cette région. Retrouvez du lundi
au vendredi,
UNE PENSÉE FAVORITE ? Était-il écrit que vous travailleriez
« LE TALK DÉCIDEURS ».
Ce mot de Napoléon Bonaparte : « La plus forcément un jour chez Paul ? Aujourd’hui : Antoine Fichet,
grande des immoralités est de faire un métier Au départ, je voulais être haut cofondateur de Daan Tech.
qu’on ne sait pas. » fonctionnaire et j’ai mené une En vidéo sur lefigaro.fr/decideurs

UNE HEURE DANS LE BUREAU DE... PAR Quentin Périnel

Julien Haussy : « Mon domicile ressemble à mon lieu de travail »

Chaque lundi, un dirigeant
ouvre sa porte au « Figaro ».
Les cordonniers sont les plus
mal chaussés, dit-on. L’adage
ne s’applique pas à Julien Haus-
sy, fondateur, il y a quinze ans,
des agences immobilières Espa-
ces atypiques. En pleine crise fi-
« deJ’aidire
nancière, cet ancien banquier
d’affaires a parié sur cette niche
à un moment où le terme « aty-
pique » n’avait pas sa popularité
actuelle…
Julien Haussy passe son temps
entre Paris et Goult, dans le Lu-
beron. Il reçoit chez lui, dans
son bureau de télétravail. Un
dans le quartier du Marais. Son
plus beau coup de cœur.
Julien Haussy, en l’an 2000,
travaillait à la Défense, dans les
télécoms. Un lieu d’affaires pas
vraiment atypique. Quoique…
Peut-être l’est-il devenu avec le
temps : c’est un débat…
coutume
que
La règle d’or :
l’indépendance
mon bureau, Toujours est-il que les bureaux
c’est surtout de ses agences sont aux anti-
podes de l’atmosphère du
mon quartier de Puteaux. « Même
ordinateur mon bureau, ne ressemble pas à
et mon Julien Haussy, fondateur d’Espaces atypiques, dans son appartement un bureau, plaisante-t-il. Pire
téléphone.
JULIEN HAUSY
» parisien. SEBASTIEN SORIANO/LE FIGARO
mosphère qui émane du lieu est
tout à fait propice au télétra-
vail… L’entrepreneur, très mo-
bile, y compris chez lui, a néan-
moins un faible pour un espace,
une petite alcôve et sa fenêtre,
avec vue sur le ciel et sur le Mu-
sée Picasso.
« J’ai coutume de dire que mon
bureau, c’est surtout mon ordi-
nateur et mon téléphone », glisse
l’entrepreneur, qui passe un à
deux jours par semaine au siège
de son entreprise. Ses collabora-
teurs ont également leur liberté
dans la gestion de leurs journées
de travail. Car l’une des règles

web du Figaro. « Mon apparte-
espace atypique, bien sûr, un ment est atypique, tout comme les
duplex d’environ 150 m2 avec bureaux de nos agences », préci-
des mansardes et une jolie hau- se Julien Haussy, qui emploie
teur sous plafond. Le voisin est désormais 550 personnes dans
illustre, Picasso et son musée, en 84 agences dans 62 départe-
plein Marais. ments. Et ce n’est pas un coup
Il a trouvé ce bien pendant le marketing. Ce grand gaillard de
deuxième confinement comme 1,90 m l’assure : l’atypisme em-
M. Tout-le-Monde : en consul- brasse son existence tout entiè-
tant une annonce immobilière, re. C’est aussi valable pour ses
dans une seule case et qui font
toujours ce « pas de côté » qu’il
aime tant.
Et, en matière de pierre, on
peut parler de prouesse puisqu’il
se targue d’avoir toujours vécu
dans des espaces originaux, peu
importe la localisation : son pre-
mier appartement à Belleville,
puis dans le XVIe à Paris, Ro-
mainville, Pantin, puis à nou-
– ou mieux ! – mon domicile
ressemble à mon lieu de travail.
J’ai une table Knoll ovale iconi-
que et une “lounge chair” si-
gnée Eames. » Ce passionné de
design a en effet chez lui plu-
sieurs pièces de chez Vitra ou
Cassina, qui semblent se fon-
dre dans cet appartement à la
décoration épurée.
Rien – ou presque – ne traîne.
Une assiette de raisins blancs est
posée dans la cuisine, de l’autre
d’or dans ce métier, selon lui,
est l’indépendance.
Il ne cache pas qu’il aimerait
se lancer dans un nouveau seg-
ment : des lieux atypiques…
pour les professionnels. La de-
mande est croissante, surtout à
Paris. Dehors, le silence. Une
paix royale. Derrière l’impo-
sante porte cochère de l’hôtel
particulier, une petite rue à
sens unique, « qui ne demande
qu’à être piétonnisée ». L’avenir
A

en l’occurrence publié sur le site amis, qui ne rentrent jamais veau le XVIe, avant d’atterrir ici, côté de la pièce. Disons-le : l’at- nous le dira. ■
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO

30 CHRONIQUES
Comment Macron conjugue sans
UN AUTRE REGARD vergogne néolibéralisme et populisme
ANNE DE GUIGNÉ £@adeguigne

La vision économique se veut libérale mais la méthode est populiste.

Transition énergétique :

la déprime des Européens
Officiellement, la feuille de route
reste inchangée. L’Europe vise à
réduire ses émissions de gaz à effet
de serre de 55 % d’ici à 2030, par
rapport à 1990. L’objectif est
ambitieux et nécessite de
profonds changements dans les
usages. Las, de tous côtés,
l’adhésion des citoyens, lessivés
par dix-huit mois d’inflation, à ce
programme austère mais
nécessaire semble flancher. Et les
politiques apparaissent de plus en
plus démunis face au fameux
dilemme entre la fin du monde et
la fin du mois (ou les prochaines
élections).
En Allemagne, la coalition a
renoncé à rendre obligatoire le
remplacement des chaudières au
gaz et au fioul. D’une grande
prudence depuis les « gilets
jaunes », l’exécutif français a évité
de s’engager sur ce terrain miné.
Il est néanmoins soumis à la même
tension entre injonctions à la
décarbonation et soutien du pou-
voir d’achat des plus modestes,
comme l’illustrent ses ater-
moiements autour du prix des
carburants. La semaine dernière,
Élisabeth Borne a ainsi annoncé
les nouvelles mesures de plani-
fication écologique le jour même
où les stations-service étaient
incitées à vendre à perte l’essence.
En Grande-Bretagne, le
premier ministre conservateur a
de son côté assumé un franc tour-
D
d’hésitation, les États-Unis consi-
dèrent désormais la transition
énergétique comme une opportu-
nité économique et géopolitique.
Elle leur donne l’occasion de
« mettre fin à la désindustrialisa-
tion qui ronge le pays et fragilise sa
société, redorer leur leadership à
l’international, et se relancer dans
la compétition pour la suprématie
économique et industrielle face à la
Chine », comme l’écrivent Yves
Perrier et François Ewald dans
leur passionnant essai (1) sur la
politique économique française,
paru au printemps.
L’empire du Milieu a de son côté
bâti sa croissance économique de-
puis les années 2000 sur l’utilisa-
tion massive des énergies fossiles
et ses ressources abondantes en
charbon. Dépendant en revanche
des importations étrangères en
gaz et en pétrole, Pékin perçoit
alors la transition énergétique
comme un moyen de réduire sa
dépendance vis-à-vis de l’étran-
ger, tout en consolidant sa puis-
sance industrielle. « Dans des sec-
“transition
Pékin perçoit la
énergétique
comme un moyen de
réduire sa dépendance
vis-à-vis de l’étranger,
tout en consolidant sa
ans la même semaine,
les fastes du château
de Versailles pour
recevoir le roi
Charles III et le
chaudron du Stade-
Vélodrome de Marseille pour parti-
ciper à la messe du pape François.
En revanche, l’assemblée annuelle
des Nations unies à New York, le
grand raout géopolitique mondial,
a été radiée du programme prési-
dentiel. Les choix d’Emmanuel
Macron restent impénétrables,
comme les voies de la providence
qui l’a porté il y a plus de six ans à
l’Élysée.
« Je suis oiseau, voyez mes ailes. Je
suis souris, vivent les rats ! » Telle la
chauve-souris de la fable, le chef de
l’État entend échapper à toute clas-
sification et briser les codes, reven-
diquant en même temps l’étiquette
de « néolibéral » et celle de « popu-
liste », toutes deux jugées infaman-
tes, selon le camp où l’on se place.
Mais il en faudrait plus pour détrui-
re la confiance en soi du plus jeune
président de la Ve République.
« La société change : je vais vous
armer pour trouver votre place dans
ce changement, plutôt que de pré-
tendre vous protéger contre lui »,
lance-t-il, péremptoire, sur son
compte Twitter le 15 octobre 2017.
L’économiste Bruno Amable, qui
vient de publier un « Que sais-je ? »
(PUF) sur le « néolibéralisme », voit
dans cette déclaration, certes robo-
rative, la preuve que son « action
“réformatrice” est toute entière
tournée vers une transformation du
modèle socio-économique français
globalisation des échanges étendue
à la planète entière a provoqué une
mise en compétition totale des
économies nationales. Ces nouvel-
les règles se sont également appli-
quées au sein de l’Europe, dont le
marché intérieur est devenu ultra-
concurrentiel.
Tel fut dès l’origine le projet
politique d’Emmanuel Macron,
estimant, à juste titre, que le pays
avait pris du retard dans les deux
LIBRES registres, qu’il s’agisse de la
compétitivité économique ou de
ÉCHANGES l’organisation bureaucratique de la
JEAN-PIERRE ROBIN société française. D’où ces deux
mesures emblématiques que
furent, d’un côté, la suppression
dès l’automne 2017 de l’ISF, censée
ne plus pénaliser le succès indi-
viduel des entrepreneurs, et, de
l’autre, pratiquement au même
moment, l’annonce d’un dédou-
blement des classes dans les zones
d’éducation prioritaire.
Promesses incessantes
Ce projet d’émancipation des
jeunes des banlieues, pour dire les
choses crûment, constitue une
conviction forte et durable du chef
de l’État. Il l’a réaffirmé cet été,
faisant de l’enseignement son «
domaine réservé ». Parodiant
François Hollande (« mon ennemi,
c’est la finance »), le candidat à la
présidentielle de 2017 avait déjà
expliqué en Seine-Saint-Denis :
« Moi, j’ai un ennemi, c’est l’assi-
gnation à résidence. Les gens blo-
qués dans leur situation… cantonnés
dans leur quartier. » La démarche
confère au néolibéralisme une jus-
tification sociale : promouvoir les
élites entrepreneuriales, la « start-
up nation », tout en aidant les plus
démunis à sortir de la mouise.
Emmanuel Macron « assume »
(terme qu’il adore) son néolibéra-
lisme. Quitte à déclarer : « Nous
sommes de vrais populistes, nous
sommes avec le peuple, tous les
jours. » Le chef de l’État s’adressait
à un parterre de maires à l’Élysée
fin novembre 2018, alors que le
mouvement des « gilets jaunes »
exprimait une violence sidérante.
Or, depuis lors, ce « populisme »,
mot piégeux, n’a cessé d’accom-
pagner son action, au point de
s’inspirer, malgré lui, de Donald
Trump, l’ex-président américain,
et du Brésilien Jair Bolsonaro.
Les méthodes sont les mêmes
chez les trois hommes. Promesses
incessantes de baisses d’impôt, lais-
sant croire à l’opinion publique que
l’État est en mesure de créer du
pouvoir d’achat « quoi qu’il en
coûte » (Margaret Thatcher se
retournerait dans sa tombe, elle
pour qui l’argent public n’existait
pas !). Personnalisation du pouvoir
sans précédent sous la Ve Républi-
que. Communication permanente, à
l’instar de Trotski pour la révolu-
tion, quel que soit le sujet (le prési-
dent annonce en personne le 15 sep-
tembre une déduction fiscale pour
la restauration des lieux de culte).
Mais aussi le désaveu systématique
des corps intermédiaires, particu-
lièrement des syndicats, ce qui a fait
dire à Laurent Berger, alors secré-
taire général de la CFDT, que le chef

nant : il a repoussé de plusieurs
années l’entrée en vigueur de
mesures anticarbone, décidées
par ses prédécesseurs, afin
d’éviter à ses concitoyens les
lourdes dépenses nécessaires au
renouvellement de leur voiture ou
de leur chauffage. Rishi Sunak
assure ne pas renoncer à l’objectif
de neutralité carbone d’ici à 2050
mais vouloir l’atteindre « d’une
manière meilleure, et plus propor-
tionnée », sans, bien sûr, expliquer
comment le décalage de calen-
drier se rattrapera.
L’Europe, qui s’était mise, bien
avant les autres puissances, en
ordre de bataille pour faire face à
la transition écologique, affronte
ainsi une profonde crise de sens,
déprime qui menace de laisser le
Vieux Continent dépassé sur ce
terrain par les États-Unis et la
puissance industrielle
teurs comme l’automobile, la Chine
veut capitaliser sur les avantages
qu’elle tire de la transition énergé-
tique pour se positionner comme un
grand concurrent direct des grands
constructeurs américains
européens », avancent encore nos
auteurs.
Entre ces deux géants, l’Europe,
dont les compétences en matière
énergétique restent largement à
l’échelon des États, avance de
tractation en tractation à pas bien
lents. Depuis un an, sous
l’influence notamment française,
elle tente de convertir son
engagement en faveur du climat
en actions concrètes favorables à
son industrie, comme l’a
démontré l’ouverture récente
d’une enquête sur les subventions
”
selon des principes néolibéraux ». de l’État était « un populiste soft ».
Pour le professeur de l’université de Le populisme n’est pas l’apanage
Genève, spécialiste de l’évolution
du capitalisme, « on trouverait diffi-
cilement dans les années 2010-2020
un acteur politique plus typiquement
« Nous sommes de vrais populistes,
nous sommes avec le peuple,
tous les jours »
des extrêmes. Il peut être le mode
de comportement d’un centriste
conjuguant benoîtement libé-
ralisme économique et obésité
néolibéral qu’Emmanuel Macron ». EMMANUEL MACRON obscène des finances publiques.
et Il convient en effet d’envisager le
« néolibéralisme » dans ses deux
dimensions, économique et
sociale. D’un côté, la primauté ab-
solue de l’entreprise dans la vie
économique, telle que l’a formulée
dans les années 1960 Milton
Friedman, au nom de l’efficacité.
Le Prix Nobel d’économie 1976, dé-
nonçait les interventions de l’État
qui avaient présidé à la reconstruc-
tion de l’après-guerre en Europe et
aux États-Unis. De l’autre, une
conception de la société où la liber-
té individuelle doit l’emporter sur
l’État-providence. Dans la prati-
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO

Chine. Malgré la virulence des
débats, entretenus notamment
par les proches de Donald Trump,
les doutes aux États-Unis quant à
la nécessité de la transition
apparaissent en effet moins
profonds, car le pays, tout comme
la Chine, a réussi à intégrer cette
mutation dans sa stratégie de
puissance. Après des années
publiques chinoises aux auto-
mobiles électriques. Cela suffira-
t-il à redonner une perspective
aux citoyens ? Les prochaines
élections le diront. ■
(1) « Quelle économie politique
pour la France ? Pour un nouveau pacte
État-entreprises-citoyens »,
d’Yves Perrier et François Ewald,
L’Observatoire, 2023.
que, la doctrine néolibérale, qui se
voulait une réponse, tant au libéra-
lisme économique du XIXe siècle
qu’aux politiques d’inspiration plus
ou moins marxiste, s’est imposée à
partir des années 1980. Tout
d’abord, avec la révolution libérale
Thatcher-Reagan. Puis, dans la
décennie suivante, et suite à
l’effondrement de l’URSS, la Emmanuel Macron lors de son discours devant les maires de France, le 21 novembre 2018, à l’Élysée.

Les Français redécouvrent le vrai prix de l’alimentation

enclenché une vague inflationniste
CHRONIQUE touchant les coûts de production
Olivia Detroyat de toutes les entreprises. Celles de
l’agroalimentaire ont été particu-
£@Oliviader
lièrement affectées. Des céréales à
tarifs, faisant déferler la vague in-
flationniste en début d’année. Avec
retard, et au moment où certaines
matières premières commençaient
à refluer sur les marchés mon-
décennie de guerre des prix qui
avait eu un double effet négatif.
Premièrement, celui d’éroder les
marges des industriels de l’alimen-
taire, deuxièmement celui de
passée, en ces temps d’inflation,
au second plan. Certes, l’informa-
tion du consommateur est primor-
diale, et toute tentative de trom-
perie doit être sanctionnée. Mais,

Shrinkflation, valse des étiquettes,

profiteurs de crise… Depuis
deux ans, les Français sont en prise
au quotidien avec un phénomène
inédit depuis quarante ans : une
inflation dans les grandes surfaces
qui dépasse les 20 %. Viande,
volaille, produits transformés,
couches, shampoings, lessives…
Aucun linéaire ou presque
n’échappe au phénomène. En
cause : la brusque reprise écono-
mique à la sortie du Covid à la fin de
l’année 2021, puis le déclenche-
ment de la guerre en Ukraine, en
février 2022.
En bousculant les chaînes logis-
tiques mondiales, et notamment
A
l’alimentation des animaux, en
passant par l’énergie, le sucre, les
engrais, les emballages ou la logis-
tique, les charges des agriculteurs
et des industriels de l’alimentaire
qui ont pu être épargnées par cette
poussée de fièvre se comptent sur
les doigts d’une main.
Cette flambée des coûts n’a pas
eu de conséquences immédiates
dans les grandes surfaces, les com-
merces de bouche, les boulangeries
ou les restaurants. Soucieux de ne
pas faire fuir leurs clients, nom-
breux sont ceux qui ont d’abord
absorbé une partie de cette infla-
tion, au moins dans la première
moitié de 2022. Plusieurs rapports
publics soulignaient d’ailleurs le
phénomène fin 2022. Mais la vio-
diaux. Ce qui a créé une incom-
préhension chez les Français.
En cascade, le poids de l’alimen-
tation dans le budget des ménages
français a connu une poussée iné-
dite. En baisse constante depuis la
Deuxième Guerre mondiale, celui-
ci est passé de 13 % à 19 % en deux
ans. Soit le deuxième poste de
dépenses, derrière le logement.
« Un juste équilibre se situerait pro-
bablement entre ces deux chiffres »,
rappelle Arnaud Rousseau, prési-
dent du syndicat agricole FNSEA.
De fait, la récente hausse des prix
vient rappeler un implacable
constat : produire de l’alimentation
a un coût. Ce postulat avait déjà été
posé en 2018 et 2021, au moment
des lois Egalim 1 et 2, qui visaient
transformer le Caddie en variable
d’ajustement face à l’apparition de
nouvelles dépenses (télécoms,
loisirs…). « Considérer que l’alimen-
tation n’est pas une dépense obli-
gatoire a contribué à fragiliser la
filière », analyse ainsi un haut res-
ponsable agricole.
Dilemme politique
Vouloir faire baisser arbitrairement
les prix en rayon, comme tente de
le faire actuellement l’exécutif,
comporte aussi un risque non né-
gligeable : celui que les agriculteurs
soient à nouveau fragilisés par une
nouvelle pression sur leurs prix.
Le débat actuel autour de la
shrinkflation (la diminution des
formats sans baisse de prix) achève
tout comme le coût des ingrédients
varie et les attentes des consom-
mateurs évoluent, un produit n’a
« l’alimentation
Le poids de
pas vocation à garder le même prix dans le budget
au kilo éternellement.
Dans ce contexte, le dilemme
des ménages
- politique - de l’équilibre entre la est passé
juste rémunération des agricul- de 13 % à 19 %
teurs, la santé des entreprises de en deux ans.
l’agroalimentaire et la préservation Soit
du pouvoir d’achat des Français
reste entier. En revanche, la res- le deuxième
ponsabilité sociale des acteurs de la poste
filière face à un tel choc budgétaire, de dépenses,
elle, est certaine. D’où l’inflation derrière
récente des dons des industriels à
l’aide alimentaire, qui dépassent
désormais les 35 millions d’euros.
le logement »
Le prix de la tranquillité ? ■

celles des céréales et de l’énergie, lence du choc a ensuite contraint à préserver le revenu des de montrer combien la question du
ces deux secousses mondiales ont ces professionnels à relever leurs agriculteurs. On sortait alors d’une juste prix de l’alimentation est + » Lire aussi PAGE 28
 LE FIGARO lundi 25 septembre 2023

MÉDIAS et PUBLICITÉ 31

Après cinq ans de malentendus, Daniel Kretinsky sort du « Monde »

Actionnaire du quotidien depuis 2018, le milliardaire tchèque revend ses parts à Xavier Niel.
OLIVIA DÉTROYAT £@Oliviade
PRESSE Quelques semaines après
avoir gagné son bras de fer avec
Xavier Niel et Matthieu Pigasse
pour prendre le contrôle de Casi-
no, Daniel Kretinsky solde les
comptes d’un autre bras de fer
perdu, qui l’avait opposé au même
Xavier Niel et à la rédaction du
Monde. Samedi, le milliardaire
tchèque a annoncé la cession à
L’homme d’affaires Xavier Niel des 49 % qu’il détient
tchèque Daniel dans Le Nouveau Monde, l’une
Kretinsky a cédé 49 % des sociétés actionnaires du
des parts qu’il détenait quotidien du soir, qui détient elle-
dans Le Nouveau Monde. même 27 % du Monde libre, struc-
JOEL SAGET/AFP
ture contrôlant elle-même 72,5 %
de la société éditrice du Monde.
Daniel Kretinsky avait acquis
cette participation fin 2018 auprès
de Matthieu Pigasse, alors autre
actionnaire important du Monde,
aux côtés de Xavier Niel et Pierre
Bergé. Le montant de la cession
avoisine 50 millions d’euros, selon
plusieurs sources confirmant les
informations du Financial Times,
soit près de deux fois moins
que la mise de départ de Daniel
Kretinsky.
La sortie du capital du Tchèque
solde un épisode agité dans l’his-
toire actionnariale du Monde, qui
en a connu beaucoup. L’irruption
inattendue d’un milliardaire
étranger et quasi inconnu au capi-
tal du groupe avait semé l’émoi au
sein de la rédaction. Quelques
mois plus tôt, le magnat tchèque,
qui a fait fortune en rachetant des
centrales à charbon, avait mis la
main sur Marianne et était en pas-
se de racheter le pôle magazines
de Lagardère, dont Elle.
Fondation
Parmi les proches de Kretinsky,
on reconnaissait ce week-end
« une arrivée réalisée sur la base
d’un malentendu ». Il faut dire
qu’aucun des autres actionnaires
du Monde n’avait été consulté par
Matthieu Pigasse sur l’opportunité
de la cession d’une partie de ses
parts, et surtout pas Xavier Niel.
Ce qui avait mis quelque peu à
l’épreuve le duo composé par le
créateur de Free et le banquier
d’affaires. Et surtout incité Xavier
Niel à mettre en place des struc-
tures pour assurer l’indépendance
capitalistique du groupe Le
Monde. Fin 2019, la signature par
les deux actionnaires d’un droit
d’agrément permettant aux sala-
riés d’avoir leur mot à dire sur
l’entrée d’un nouvel actionnaire
au sein du capital avait apaisé les
tensions. Tout comme la cession
début 2022 par Matthieu Pigasse
de ses 49 % dans Le Nouveau
Monde à Xavier Niel, ce dernier
les transférant par la suite dans
une fondation créée en 2021, le
Fonds pour l’indépendance de la
presse, et désormais structure de
contrôle du groupe Le Monde. De
la même manière, les parts ache-
tées par le milliardaire français à
Daniel Kretinsky seront apportées
à ce Fonds pour l’indépendance.
« Ces annonces marquent deux
étapes importantes pour la gouver-
nance du groupe et pour la sanc-
tuarisation de l’indépendance de
ses rédactions, a réagi dimanche le
groupe Le Monde dans un com-
muniqué. (…) Son retrait clarifie
définitivement la situation au sein
de notre capital. »
Actionnaire minoritaire et privé
de tout pouvoir, Daniel Kretinsky
a donc préféré revendre ses parts,
fût-ce à perte. Cela sans pour
autant renoncer à son appétit dans
les médias. Le produit de sa
cession ayant vocation à de futurs
investissements dans le secteur. ■

L’Asie, nouvelle terre de conquête

des géants de la publicité
Attirés par de nouveaux modes
de consommation et l’émergence des
classes moyennes, des groupes comme
Havas, Publicis, WPP ou JCDecaux
multiplient les investissements.
CLAUDIA COHEN £@ClaudiaECohen
COMMUNICATION « Le XXIe siècle
sera celui de l’Asie », assure au
Figaro Yannick Bolloré, président-
directeur général du groupe de
communication Havas et prési-
dent du conseil de surveillance de
Vivendi. Sur le continent le plus
peuplé du monde (4,7 milliards
d’habitants), la Chine inventait
il y a quelques années le modèle
du « social commerce » : le fait
d’acheter un produit ou un service
à travers un réseau social,
encouragé par une combinaison de
« live shopping » et de campagnes
de promotion d’influenceurs…
Aujourd’hui, c’est l’Inde qui part à
l’assaut du paiement sur smart-
phone, faisant miroiter de nom-
breuses nouvelles opportunités
pour le marché du marketing et de
la publicité. La semaine passée, par
exemple, WhatsApp (propriété de
Meta) lançait dans le pays son ser-
vice de paiement par message pour
les entreprises. L’activation des
paiements marchands permettant
niablement accéléré la digitalisa-
tion de la publicité. Au fil des mois,
l’e-commerce dans l’empire du
Milieu est devenu ultraconcurren-
tiel par son nombre d’opérateurs,
avec Alibaba, JD, Pinduoduo ou
encore Temu, qui se livrent une
bataille effrénée pour séduire les
consommateurs, à coups de pro-
motions et de campagnes marke-
ting. Au-delà de la Chine et du Ja-
pon (pays dans lequel sont nés les
géants de la communication Dent-
su et Hakuhodo), des économies
moins matures comme l’Inde, les
Philippines, la Thaïlande, le Viet-
nam et l’Indonésie s’illustrent dé-
sormais comme des marchés
d’avenir pour les publicitaires.
Lors du deuxième semestre de
cette année 2023, la croissance des
investissements publicitaires en
Inde est par exemple attendue en-
tre 20 % et 25 %. « Il y a un essor
notable de la classe moyenne sur Dans une station analyse Jane Lin-Baden. Ce date en dessous de la moyenne du l’activité est axée sur la Chine et la
plusieurs de ces marchés, où la de métro de Shanghaï, contexte de freinage de l’écono- groupe », précise Jean-Charles région Asie-Pacifique, avec des bu-
consommation reste nettement en Chine, en juin. mie, couplé à la montée des ten- Decaux. reaux dans l’empire du Milieu et à
moins développée qu’aux États- Sur le plan de la création, sions géopolitiques face aux États- Tous les géants mondiaux de la Singapour. Un an plus tôt, le géant
Unis ou en Europe », analyse Kate le continent asiatique Unis, pousse par ailleurs plusieurs communication multiplient leurs de la communication tricolore (spé-
affiche sa différence sociétés mondiales à opérer une
Scott-Dawkins, global president of emplettes dans la région Apac. cialisé notamment dans la tech et la
avec certains pays
business intelligence chez GroupM occidentaux stratégie d’atténuation des risques Havas a, par exemple, procédé à sept data) annonçait le lancement de SCB
(filiale du groupe WPP, numéro un (« de-risking ») vis-à-vis de la acquisitions depuis la pandémie, Tech X, une coentreprise entre son

“enL’Asie
joue de plus mondial de la communication).
plus un rôle de Dans ses prévisions pour l’année
2024, GroupM estime que Singa-
centre de gravité pour pour (16,5 %), l’Inde (13,6 %), les
nos clients mondiaux
et c’est une région
d’innovation
Philippines (11,4 %) et le Sri Lanka
(9,4 %) enregistreront les plus
forts taux de croissance de recettes
publicitaires. « Les spécialistes du
en ajoutant, souvent,
dans les campagnes
publicitaires,
« un aspect délirant,
voire trash ».
QILAI SHEN/BLOOMBERG
Chine, en délocalisant une partie
de leur chaîne de production in-
dustrielle vers l’Asie du Sud-Est,
où le coût du travail est plus faible.
Si l’Asie reste le plus grand mar-
ché mondial sur les volets de l’e-
commerce et du jeu vidéo, chaque
pays du continent jouit de ses pro-
dont l’agence de digital marketing entité Publicis Sapient et Siam Com-
Pivot Roots, en Inde, durant l’été mercial Bank (SCB), créant ainsi
l’un des plus grands opérateurs de la
fintech en Asie du Sud-Est…
“territoires
Sur la plupart des
asiatiques,
Enfin, sur le plan de la création
publicitaire, le continent asiatique
affiche également sa différence
nous avons encore avec certains pays occidentaux. « Il

”
pour nous
JANE LIN-BADEN, MANAGING PARTNER
DE LA RÉGION ASIE-PACIFIQUE
DE PUBLICIS GROUPE
notamment à la plateforme de col-
lecter davantage de données afin
de mieux personnaliser les publi-
marketing comme L’Oréal ne s’y pres dynamiques et spécificités. une forte marge y a souvent dans les campagnes un
trompent pas, et soutiennent toutes Du côté de l’Indonésie, par exem- de progression pour aspect délirant, voire trash, qui té-
les opportunités de développement ple, un pays de plus de 270 millions moigne d’une créativité publicitaire
marketing dans ces régions », d’habitants dont beaucoup ont un
les investissements folle », estime un expert du marke-
abonde Kate Scott-Dawkins. accès limité aux services ban- autour des écrans ting. Bien loin du côté pasteurisé et
« L’Asie joue de plus en plus un caires, l’expansion de la fintech digitaux, qui se situent politiquement correct qui envahit
rôle de centre de gravité pour nos est particulièrement importante. à date en dessous de la depuis quelques années les spots
clients mondiaux - exemple, le sec- « Parmi les annonceurs présents à diffusés outre-Atlantique ou sur le

cités des annonceurs en fonction
du profil des utilisateurs.
Dans un secteur publicitaire
multimilliardaire, l’Asie-Pacifique
(Apac) représente l’un des
marchés les plus dynamiques ces
dernières années, et en constante
évolution. Après l’Amérique du
Nord, la région représente aujour-
d’hui la deuxième plus grande
dépense publicitaire au monde,
avec plus de 208 milliards de
dollars d’investissements. Près de
la moitié étant toujours captée par
la Chine, selon les dernières don-
nées de Statista. Des géants com-
me Samsung, McDonald’s, Visa,
Procter & Gamble ou Nestlé ont
fait depuis longtemps de l’Asie une
teur automobile en Chine -, et c’est
une région d’innovation pour
nous », glisse de son côté Jane Lin-
Baden, managing partner de la
région Asie-Pacifique de Publicis
Groupe. En 2022, la zone Apac a
représenté 9 % (1,176 milliard
d’euros) du revenu net total de Pu-
blicis. En Chine, néanmoins, ces
derniers temps, le ralentissement
économique - avec notamment
l’ajustement du secteur immobi-
lier et le chômage des jeunes - re-
flète aujourd’hui un changement
de comportement des consomma-
teurs. « On voit apparaître un mo-
dèle de dépenses dans lequel la pre-
miumisation continue de croître,
tandis qu’une plus grande attention
travers l’Asie, la banque et finance,
l’automobile, la cosmétique, les té-
lécoms, le luxe, le voyage, et bien
entendu l’e-commerce ainsi que des
208
milliards
marques locales chinoises inconnues
en France, restent des secteurs
forts », commente Jean-Charles
Decaux, directeur général du
groupe éponyme. La région Asie-
de dollars Pacifique représente près d’un
quart du chiffre d’affaires de
Montant
des investissements JCDecaux, la moitié environ pro-
publicitaires venant de Chine. Le groupe occupe
en Asie-Pacifique. plus de 1 000 Abribus à Delhi et
Après l’Amérique New Delhi, et opérera l’aéroport
du Nord, la région de Bangalore pour les douze pro-
Apac représente chaines années. « Sur la plupart des
la deuxième territoires asiatiques, nous avons
encore une forte marge de progres-
”
moyenne du groupe
JEAN-CHARLES DECAUX, DIRECTEUR
GÉNÉRAL DU GROUPE ÉPONYME
2023. « La démographie y est très
jeune et de nombreux usages de
consommation diffèrent grandement
des États-Unis ou de l’Europe », ana-
lyse Yannick Bolloré. « En dehors de
la Chine, dans les régions où le pouvoir
d’achat des populations reste modes-
te, nous assistons surtout à la montée
des investissements des annonceurs
issus de secteurs qui font beaucoup de
volume, comme l’alimentaire, la
distribution et l’automobile bon
marché », précise le dirigeant.
De son côté, Publicis mettait la
main l’an passé sur Wiredcraft, une
continent européen. En Asie du
Sud-Est, les professionnels sentent
par ailleurs une volonté de certai-
nes entreprises de recentrer leur
message sur des valeurs locales,
devant l’expansion des standards
occidentaux.
Malgré l’engouement, plusieurs
freins culturels continuent à
persister dans certaines régions
asiatiques, où les publicitaires
souhaiteraient étendre leurs inves-
tissements. « Il est parfois difficile
de faire des affaires dans ces
régions, au-delà de l’instabilité
politique, confie un patron français
du secteur. Les codes dans le monde
du business ne sont pas toujours les
mêmes, et certains marchés en
A

plus grande dépense

région primordiale pour leur est portée au retour sur investisse- publicitaire au monde sion pour les investissements autour société de conseil en produits nu- dehors de la Chine restent très
croissance. La pandémie a indé- ment pour les achats du quotidien », des écrans digitaux, qui se situent à mériques et de technologie, dont désorganisés. » ■
 mauvais
genre ?
numéro 36 / mardi 26 septembre 2023 / supplément du figaro n° 24601 commission paritaire n° 0421c83022 / ne peut être vendu séparément

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au Théâtre
de la Porte
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LANCÉE EN 2015, LA « CINÉMATHÈQUE DES CINÉASTES » FAIT PEAU NEUVE. POUR LA JOIE DES CINÉPHILES.
ÉTIENNE SORIN esorin@lefigaro.fr
endredi 22 septembre, une
V belle brochette de cinéastes
se tasse dans l’arrière-salle
du restaurant Grand Amour,
à deux pas de la gare de l’Est.
Autour de Pascale Ferran sont réunis
Cédric Klapisch, Laurent Cantet, Ber-
trand Bonello et Rebecca Zlotowski.
Michel Hazanavicius est en retard. Tout
comme Olivier Nakache et Éric Toledano,
qui prennent finalement place côte à côte
- hors de question de les séparer. Tout ce
beau monde mouille le maillot pour
LaCinetek, conçu à l’origine (en 2015)
comme un « site amical et arborescent ».
Ces cinéastes-cinéphiles ne sont pas des
génies du marketing mais ils sont des
passionnés. LaCinetek n’est pas une
plateforme de vidéo à la demande comme
les autres. Pas d’algorithmes mais des
réalisateurs qui composent la liste de leurs
films de chevet.
Quelque 120 cinéastes de tous les pays
ont enrichi un catalogue fort de
3 000 films. Jacques Audiard (fan de Cha-
plin), Justine Triet (fan de Guitry et Berg-
man), Martin Scorsese (fan de Kurosawa
et Kubrick), mais aussi Aki Kaurismäki,
Wim Wenders, Cristian Mungiu, Jessica
Hausner ou Damien Chazelle se sont
prêtés au jeu. Certains titres se recoupent
– Vertigo, de Hitchcock, et L’Aurore, de
Murnau, sont souvent cités. Mais parmi
les classiques et les pépites du site,
955 titres étaient inédits en VOD au mo-
ment de leur mise en ligne.
Un fragile équilibre économique
Huit ans après son lancement, LaCinetek
augmente son offre (de dix films à une
centaine par mois) en même temps que
son tarif (de 2,99 euros à 4,99 euros).
L’abonnement illimité n’est toujours pas
le genre de la maison. « L’offre pléthorique
sur les plateformes provoque un tel vertige
qu’on ne sait pas quoi regarder », justifie
Laurent Cantet. Face à l’hypermarché
Netflix, LaCinetek tient de l’épicerie fine.
L’éditorialisation est son credo. Le 28 sep-
tembre démarrent ainsi une rétrospective
Delphine Seyrig et une carte blanche à
Xavier Dolan. L’écrivain Nicolas Mathieu
est l’invité du mois pour parler de Fahren-
heit 451, de Truffaut.
Association loi 1901, LaCinetek est in-
dépendante et fragile financièrement.
ENCHÈRES
GÉRARD DEPARDIEU DISPERSE
250 ŒUVRES D’ART DE SA COLLECTION
À DROUOT PAGE 37
Sur la terre, d’Eugène Leroy
LE VAUDEVILLE
EST LOIN
D’AVOIR DIT
SON DERNIER
MOT PAGE 36
Avec 90 000 abonnés depuis sa création,
dont un pic pendant le confinement, la
plateforme espère élargir sa base. On sug-
gère d’ouvrir le club à des réalisateurs
d’horizons différents. Pourquoi pas
Franck Dubosc ? Rebecca Zlotowski sem-
ble ignorer que le Patrick de Camping est
aussi réalisateur. « Si, si », lui confirme
Klapisch. Il précise : « Nous avons sollicité
Francis Veber et Alain Chabat. Nous sou-
haitons ne pas avoir de frontières, dans
tous les sens du terme. »
Et puisqu’on tient tous ces auteurs dans
la même pièce, ils ont forcément un avis
sur le rapport de la Cour des comptes qui
épingle la surabondance de films aidés par
le CNC. « Il manque de nuance, répond
Klapisch, alors que la France vit un
moment très créatif, à la différence de
Hollywood. La Règle du jeu, de Renoir, n’a
pas marché en salle avant d’être considéré
comme un chef-d’œuvre… » Pascale
Ferran enfonce le clou : « Le cinéma fran-
çais, sur les deux dernières années, c’est
deux palmes d’or, un lion d’or et un ours
d’or. Réjouissons-nous ! » Dans la jungle
du streaming, l’arbre délicat et nécessaire
qu’est LaCinetek résiste. Réjouissons-
A
nous. ■
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO
34 L'ÉVÉNEMENT
MAÎTRISER
LA MÉTÉO,
ENFIN
1 2
PASCAL GRANDMAISON
pgrandmaison@lefigaro.fr
leuvra-t-il dans une heure ?
P À LA CAMPAGNE OU
Quelle température fera-t-il
ce week-end ? Aurons-nous
du soleil à la Toussaint ? Nei-
gera-t-il à Noël ? S’il est un
sujet incontournable des discussions de
comptoir et des préoccupations des
Français, c’est bien celui de la météo.
Dans ce monde pas encore entièrement
numérisé, beaucoup de nos activités
restent soumises aux aléas du temps et
au rythme des saisons. Que ce soit pour
une sortie familiale au bord de la mer,
pour la pratique du sport en plein air,
pour l’organisation de festivités popu-
laires (foires, festivals, concentrations)
ou pour la gestion d’un domaine
agricole, voire d’un simple jar-
din, la qualité et la précision
des réponses apportées se ré-
vèlent cruciales. Après s’être
longtemps reposés sur les pré-
visions de la télé ou de la radio,
les Français ont massivement
adopté les applications mobiles
afin de bénéficier d’une expertise
locale, accessible à tout instant.
Le problème, c’est qu’il existe des
centaines de services, gratuits ou
payants, promettant monts et mer-
veilles. Et il est impossible de déni-
cher le Graal de la prescience atmos-
phérique sans réellement
comprendre ce qui se trame derrière
le vernis des interfaces numériques.
Un fonctionnement complexe
« Pour réaliser des prévisions météo, il
convient dans un premier temps de
récupérer les informations concer-
nant l’état de l’atmosphère, expli-
que Florent Schindler, directeur
de l’information de Météo Con-
sult-La Chaîne Météo (propriété
du groupe Figaro depuis 1988).
Cela consiste à agréger les don-
nées des bouées en mer, des ra-
dars au sol, des ballons-son-
des, des images satellite, des
radars de précipitations et en-
fin les résultats des projections des su-
percalculateurs américains, allemands,
japonais ou français… Nos experts ana-
lysent les données brutes afin de déter-
miner les scénarios les plus probables. »
La plupart de ces données sont mises à
disposition gratuitement, à l’exception
notable des images satellite ou des car-
tes de précipitations. Les services mé-
téo nationaux peuvent ainsi mouliner
l’ensemble des infos pour dresser des
prévisions à l’échelle de la France.
Grâce aux progrès de l’informatique,
ces dernières s’améliorent régulière-
ment d’une journée tous les dix ans. En
2023, elles présentent 80 % de fiabilité
pour les deux jours suivants. Il reste
cependant plus aisé de confirmer dix
jours de beau temps en été en présence
d’un anticyclone que d’effectuer un
pronostic à 24 heures au milieu d’un
automne agité.
En France, il existe deux services
majoritaires, Météo-France et Météo
A
Consult (dont La Chaîne Météo repré-
sente le volet grand public, financé par
AVANT DE SE DÉCIDER
POUR UN WEEK-END
À LA MONTAGNE, RIEN
DE TEL QU’UN BULLETIN
MÉTÉOROLOGIQUE
LOCAL ET PRÉCIS.
MAIS OÙ LE TROUVER ?
3 conditions de vent avant de s’élancer. ■
INSTALLER SA STATION PERSONNELLE
Si vous ne vous contentez pas des
prévisions générales, sachez qu’il est
possible d’installer sa propre station
météo à la maison. Les férus de jardi-
nage pourront débuter avec la station
météo rétroéclairée avec une sonde in-
térieure/extérieure sans fil de Avidsen
(50 €) pour relever les températures
en temps réel, les minimales et maxi-
males, l’hygrométrie, la pression
atmosphérique ou les phases lunaires.
Plus évoluée et connectée à un
smartphone, la station météo intelli-
gente de Netatmo (190 €) mesure la
température et l’humidité intérieures
et extérieures, le volume sonore et la
la pub). Le premier est l’organisme offi-
ciel de la météorologie et de la climato-
logie en France. On le retrouve sur les
apps mobiles, sur le Net ou dans les
journaux télévisés. Le second s’adresse
aux particuliers comme aux profession-
nels souhaitant des estimations person-
nalisées. Il se décline sur les téléphones
et le web ainsi que sur le canal 160 de
Canal+. En parallèle, de multiples ap-
plications mobiles ont fleuri, profitant
de la gratuité des données. Certaines,
spécialisées, peuvent avoir un intérêt
spécifique, mais la plupart ont été dé-
veloppées à l’étranger et se contentent
de reprendre des informations basi-
ques, voire imprécises, sans offrir de
plus-value à part une interface graphi-
que attrayante. Beaucoup d’usagers se
contentent d’ailleurs de l’application
native de leur téléphone. Il faut savoir
qu’elle est fournie par un acteur améri-
cain, comme Google sur Android, et
qu’elle ne bénéficie ni de l’expertise lo-
cale ni de la précision des alternatives
hexagonales.
qualité de l’air intérieurs ainsi que la
pression atmosphérique. Des prévi-
sions météo et de pollution sont égale-
ment fournies par des organismes spé-
cialisés. Grâce aux alertes mobiles, il
est possible d’être prévenu quand la
température devient négative afin de
rentrer les plantes au bon moment.
Elle peut être complétée d’un pluvio-
mètre (70 €) et d’un anémomètre
(100 €). En bonus, il est possible de
consulter les relevés des stations Ne-
tatmo dans 170 pays (navigation très
lente).
Plus orienté domotique, le capteur
météo – pro de Homematic IP (260 €,
Réputée pour la fiabilité de ses prévi-
sions, Météo-France reste incontourna-
ble. C’est elle qui est également chargée
1. Capteur météo - pro
de Homematic IP (260 €,
Box Homematic indispensable).
des alertes en cas de danger causé par
les intempéries. Malheureusement, son
2. Station météo intelligente
Netatmo (190 €). Peut être
application mobile gratuite offre une complétée par un pluviomètre (70 €)
et par un anémomètre (100 €).
ergonomie discutable. La localisation
3. Station météo avec sonde
automatique est imprécise. De nom-
breuses options comme les cartes de vi-
intérieure/extérieure
sans fil Avidsen (50 €).
gilance ou la météo des forêts renvoient
sur un site internet, nous écartant de
l’app. On attend une mise à jour
convaincante ! Plus efficace, celle de
La Chaîne Météo bénéficie d’une granu-
larité de 1 km en plaine comme en mon- SERVICE
tagne et de l’expertise de dix météoro-
PERSONNALISÉ
logues. Elle est idéale pour s’informer
dans les coins les plus reculés du pays. Pour des besoins spécifiques
Son passé dans la météo marine (Météo (organisation de festivités,
Consult a été créé pour les plateformes suivi d’un chantier…),
pétrolières) la rend idéale également
Météo consult (meteoconsult.fr)
près des côtes. On aime beaucoup les
cartes animées des précipitations en décline une série
temps réel. On ne lui reprochera que d’abonnements (à partir
l’inévitable pub à l’ouverture (garantis- de 5,50 € par mois) à l’intention
sant sa gratuité) et l’absence d’un wid- des professionnels comme
get à afficher sur l’écran d’accueil. des particuliers. Ils incluent
l’envoi par mail de bulletins
Éviter les apps américaines
détaillés sur cinq jours
Plus minimaliste, la gratuite Today
pour un lieu précis.
Weather ravira les esthètes avec son in-
terface épurée, se limitant aux infor- Pour les organisations
mations principales. Ici, pas d’expertise de mariages, séances photo
propre, car elle prend ses sources ou travaux, il est possible
auprès de dix fournisseurs, principale- d’appeler le 01 39 28 19 90
ment outre-Atlantique, mais aussi de pour bénéficier
Météo-France. On évitera les cham- d’une consultation avec
pions américains tels qu’Accuweather,
un prévisionniste (49 € l’appel).
The Weather Channel ou l’app native
Météo des iPhone, pas assez régionales
et précises à notre goût, pour nous
concentrer sur des acteurs qui ont eu la
bonne idée de se spécialiser. C’est le cas
de Surfline : Wave & Surf Reports (ser-
vices premium à 5,99 € par mois), qui
« prévisions
Réaliser des
météo,
cible les surfeurs en affichant la hauteur cela consiste à
des vagues, le vent en direct, la météo, agréger les données
la température de l’eau et les marées de
la plupart des spots, webcams à l’appui. des bouées en mer,
Il ne lui manque que la langue française. des radars au sol,
Les adeptes du parapente ou du wing- des ballons-sondes,
suit se tourneront vers Météo-Para-
pente (gratuite) ou Windy : Prévisions des images satellite,
du vent. Indispensables pour préparer des radars
un vol, elles devront impérativement se de précipitations
doubler d’une observation visuelle des
et enfin les résultats
des projections des
supercalculateurs »
FLORENT SCHINDLER,
DIRECTEUR DE L’INFORMATION
DE MÉTÉO CONSULT-
LA CHAÎNE MÉTÉO
Box Homematic indispensable) affiche
sur une application mobile les mesures
de température, d’humidité, de vitesse
et de direction du vent, de luminosité
ainsi que les heures d’ensoleillement et
de précipitations. Associé à des action-
80 %
HOMEMATIC IP ; NETATMO ; AVIDSEN
neurs de volets ou des thermostats, il
permet de réagir rapidement aux
conditions météorologiques en bais-
sant automatiquement les volets en cas Fiabilité des services nationaux
d’orage ou en mettant en marche le de prévision météorologique
chauffage lorsque la température com- pour les deux jours à venir
mence à baisser. À défaut de maîtriser
les caprices du ciel, on peut apprendre
à les anticiper intelligemment. ■
P. G.

STYLE
VALÉRIE GUÉDON vguedon@lefigaro.fr
ET HÉLÈNE GUILLAUME hguillaume@lefigaro.fr
ENVOYÉES SPÉCIALES À MILAN
est tellement
« C’ Claudia ! »,
chaque
du défilé Versace, vendredi soir.
nous
glisse à l’oreille notre
voisine, quasiment à
passage
Claudia ? Schiffer, bien sûr ! Avec Naomi
(Campbell), Cindy (Crawford), Linda
(Evangelista) et Christy (Turlington),
l’Allemande aux mensurations parfaites
formait, dans les années 1990, The Big
Five, qui sont d’ailleurs à l’affiche, ces
jours-ci, de la série-docu Les Supermo-
dels sur Apple TV. Des cinq fantastiques,
Claudia était la blonde idéale, le sosie de
Brigitte Bardot, les jambes kilométriques
en plus. Alors à l’époque, tous les looks
de baby doll, le vichy, les mini-tailleurs
en tweed, les ensembles veste et micro-
short accessoirisés de gros nœuds dans
les cheveux étaient pour elle. Chez Cha-
nel, dont elle fut l’égérie de Karl Lager-
feld en 1993 mais aussi chez Versace
- Gianni l’a même fait poser (au centre)
dans ses inoubliables campagnes shoo-
tées par Richard Avedon.
Voilà pourquoi la silhouette Versace
du printemps-été 2024 - tailleur mini-
jupe en jacquard de soie duchesse à da-
mier assorti de ballerines en cuir argent-
rappelle tant l’iconographie du top-mo-
dèle. Quelques-unes des plus belles filles
du moment ont beau se succéder sur le
catwalk - Kendall (Jenner) en robe tra-
pèze immaculée brodée de cabochons à
l’encolure ; Vittoria (Ceretti), l’Italienne
qu’on dit en couple avec Leonardo DiCa-
prio, en soutien-gorge et minijupe noirs ;
Gigi (Hadid) dans un fourreau en mesh
métallique (la spécialité de la maison)
jaune citron - rien n’y fait. Notre voisine
ne voit que « Claudia ». Elle l’a tant ap-
pelée de ses vœux que l’Allemande,
aujourd’hui âgée de 53 ans, finit par arri-
ver, magnifique dans une robe du soir en
mesh métallique damier bordé de den-
telle. Le public applaudit à tout rompre,
regrette qu’elle ne revienne pas au final.
Mais se console quand la blonde incen-
diaire de la maison apparaît : Donatella
Versace. Car, quoi qu’il arrive à la fin,
c’est toujours Donatella, la star ! V. G.
Samedi après-midi, des hordes de fem-
mes sexys et de dandys surapprêtés se
pressent devant le QG de Dolce
& Gabbana, Viale Piave. À l’intérieur,
What Was I Made For ?, la chanson de
Billie Eilish pour le film Barbie, fait patien-
ter les invités. Un quart d’heure passe, une
demi-heure, trois quarts d’heure… La
voix plaintive de la chanteuse commence
MONIC/DOLCE&GABBANA, VERSACE, 2023 LAUNCHMETRICS SPOTLIGHT, ISIDORE MONTAG / GORUNWAY.COM / FERRAGAMO, ALESSANDRO LUCIONI / GORUNWAY.COM / JIL SANDER
à nous porter sur les nerfs. Soudain, le si-
lence. Et puis non, ça recommence pro-
voquant les huées et les rires de la salle qui
n’en peut plus. Enfin, Kylie Jenner arrive,
puisque c’était elle qu’on attendait, et le
show peut commencer.
« Cette collection s’intitule “Woman”
parce qu’elle est un hommage à toutes les
femmes (…), expliquent Domenico Dolce
et Stefano Gabbana dans une note en-
voyée aux journalistes. De magnifiques
mannequins ont défilé pour nous, non seu-
lement des jeunes filles, mais aussi des
femmes adultes, mûres, qui assument leur
féminité. Nous les aimons dans toutes
leurs formes, leur singularité et leur beau-
té ! Pour nous, le style n’a pas d’âge. (…)
C’est une collection très graphique. Il n’y a
pas de broderie et il n’y a presque pas de
bijoux, les femmes sont dépouillées de
toutes leurs fioritures. »
FERRAGAMO ET JIL SANDER,
VESTIAIRE ÉPURÉ POUR SACS EN VUE
Maximilian Davis, le directeur artisti-
que de Ferragamo depuis un an, a (déjà)
installé un style. Une femme sexy sans
chichi, un chic à l’italienne épuré et dé-
sirable. Son vestiaire pour l’été pro-
chain est de la même étoffe. Le designer
anglais, originaire de Trinité-et-Toba-
go, « trace un lien entre dress codes ita-
lien et caribéen », nous dit la note d’in-
tention. De cette tension entre deux
mondes (qui, a priori, n’ont pas grand-
chose à voir), naissent de magnifiques
robes caftan en soie à motifs figuratifs
bicolores, trench-coats « parapluie » en
coton verni à tomber, tailleurs de wor-
king girl à manches fendues, le tout
dans une gamme de couleurs saturées
allant du bleu céruléen au noir de jais.
Et une ribambelle de sacs que les filles
tiennent sur le bras comme si elles pré-
sentaient un objet sous cloche. Au menu
cette saison, le Hug, nouveau classique
Dolce & Gabbana
TUTTA LA MODA !
CE WEEK-END À MILAN,
LA BLONDE CLAUDIA
ET LA PANTHÈRE NAOMI
ONT EMBRASSÉ LES PODIUMS
DES TONITRUANTS VERSACE
ET DOLCE & GABBANA.
POINT DE SUPERMODÈLE,
MAIS UN SUPER VESTIAIRE
CHEZ LE DISCRET
BOTTEGA VENETA.
transformé en pochette brillante, le
Fiamma dans une version luxueuse à
bandoulière avec, en guise de fermoir,
un briquet issu des archives, et, pour le
soir, des minaudières en cuir glacé
frangées de perles de bois.
Ce samedi après-midi, à Milan, les dé-
filés s’enchaînent mais ne se ressemblent
pas. On court dans les rues de la cité lom-
barde, entre deux ondées, slalomant en-
tre les habitants de la ville en week-end.
Direction le show Jil Sander. Bien que
cette Fashion Week soit dédiée aux col-
lections femmes, certaines griffes mon-
trent leurs vestiaires pour les deux gen-
res. Et c’est bel et bien l’homme Jil
Sander qui nous tape dans l’œil. Le jazz
extatique d’Alice Coltrane résonne dans
la salle au plafond perclus de longues
bandes de plastique blanc. Une ambiance
de cocon intello qui sied à merveille à ces
Bottega Veneta
« Dépouillées de leurs fioritures » a tout
d’une litote tant les mannequins sont
peu vêtus sur le podium, amazones sans
complexes dévoilant leurs charmes en
bas nylon, gaines, corsets et lingerie à
dentelle chantilly, tout en noir ou tout en
blanc. Elles portent bien quelques robes
à pois légères, boléro sur culotte, par-
dessus en vinyle léopard, parka-cul nu,
tailleur impeccable à la jupe fendue (le
tailoring est toujours ici très réussi),
trench-coats en PVC à résille, ou encore
rockers aux cheveux gominés, les oreilles
piquées d’anneaux de faux diamants. Ils
ont un charme fou. Et on leur volerait
bien leurs chemises à col pelle à tarte aux
pointes lestées d’une « chips » en argent
martelé, leurs pantalons taille haute et
feu de plancher, leurs blazers et pardes-
sus à carrure prononcée et leurs bermu-
das à plis. Cela tombe bien. Les filles qui
leur emboîtent le pas arborent une ver-
sion « féminisée » de leurs dégaines. Ain-
si que de très belles robes longues en
maille chaussette et jupon de taffetas.
Autre point commun entre les deux
sexes, les sacs que tous tiennent bien en
vue. Soit de nombreuses variations du
Cannolo, inspiré de la fameuse pâtisserie
italienne du même nom ; le coussin Goji,
dans toutes les tailles, calé sous l’aisselle
et le nouveau venu baptisé Vertigo, as-
semblage de bandes de cuir en spirale. ■
V. G.
Versace
robes courtes de soubrette en crêpe noi-
re à plastron et poignets blancs. Naomi
Campbell clôt le show et enfonce le clou,
« panthère noire » en dessous chics per-
chée sur escarpins.
Les « Designers » (comme on les ap-
pelle) ont toujours cultivé les références
cinématographiques - ici, on peut y voir
la brune Sophia Loren en guêpière noire
dans Hier, aujourd’hui et demain (Vitto-
rio De Sica, 1964) ou la blonde Catherine
Deneuve en porte-jarretelles blanc dans
Ferragamo
LE FIGARO lundi 25 septembre 2023
35
Belle de jour (Luis Bunuel, 1967). Dans les
rangs, certains se demandent quelles
clientes se risqueront à porter cette cor-
seterie parfaitement réalisée mais, som-
me toute, très impudique. Le pari est
osé, certes, mais pas perdu pour les Dol-
ce au regard du nombre de jeunes fem-
mes quasiment en culotte dans les rues
de Milan qu’on croise aussi à Paris et
(beaucoup) à New York.
La Fashion Week de Milan aussi a sa
H. G.
fièvre du samedi soir. Elle ne se vit pas
sur les parquets d’une boîte disco, mais
cette saison, sur un sol carrelé figurant
une mappemonde aux dessins naïfs
d’océans et de continents chez Bottega
Veneta. Depuis ses débuts sur les po-
diums en février 2022, le Français Mat-
thieu Blazy, directeur artistique de cette
très belle marque de maroquinerie de
Vicence en Vénétie (dans le giron de Ke-
ring), a déployé sa vision autour du
mouvement - « si vous portez un sac,
c’est que vous partez quelque part », di-
sait-il pour son premier show. Après
une trilogie italienne nourrie, entre
autres, par ses idoles Carlo Mollino et
Gaetano Pesce, ainsi que par le savoir-
faire de la maison, il franchit cette fois
les frontières transalpines pour un tour
du monde hors des sentiers balisés.
« Quand j’étais gamin, j’étais fasciné par
les jeux et les cartes du monde sur les boî-
tes de Choco Pops, explique-t-il très sé-
rieusement en backstage. Nous sommes
partis de cette idée d’un voyage, n’impor-
te lequel, ce peut être sur le chemin de
Compostelle ou même imaginaire depuis
sa maison. En étudiant des images et des
documentaires, en écoutant des sons que
ce soit des gongs chinois ou des didjeri-
doos aborigènes, nous nous sommes ins-
pirés de traditions de partout, du Pérou,
de Russie, de l’Asie du Sud-Est. Sans vou-
loir effacer ces cultures, au contraire pour
créer de nouvelles formes et de nouveaux
personnages. Je parle souvent de La Co-
médie humaine de Balzac, c’est vraiment
cette idée que chaque collection étoffe no-
tre galerie de personnages qui peuvent
aussi revenir d’une saison à l’autre. »
Ainsi en guise de premier look de cet été
2024, une jeune femme en maillot trico-
té inspiré des costumes de bain des an-
nées 1910, porte dans son panier en van-
nerie de cuir une tenue de la collection
précédente.
Quand la plupart des marques de luxe
sanctuarisent leurs propres codes et pa-
trimoine, lui prend la liberté immense
d’un ailleurs, tel un Phileas Fogg de la
mode (ou plutôt Passepartout tellement
le garçon est curieux et exalté). Après sa
première collection pour l’hiver 2022-
2023 de vêtements « basiques » façonnés
en cuir (une prouesse technique) qui a
soulevé les foules, il prend donc le risque
aujourd’hui de l’expérimentation. Si
l’émotion est toujours là, l’impact est
moins évident. Chaque look est si riche,
si sophistiqué que le format d’un défilé
est frustrant. Il faudrait pouvoir toucher
chaque pièce, que l’on nous explique
l’histoire derrière les jupes en tissage au
rendu « primitif », les bustiers en cuir
moulé, les escarpins en feuille de pal-
mier, les gros pulls au tricotage expéri-
mental, les manteaux en jacquard touffu
façon fourrure, les tuniques en cuir rou-
ge comme délavé… Ces voyageurs d’un
jour ou de plusieurs portent d’immenses
polochons en croco havane, des carta-
bles en Intrecciato bleu piscine et des
sacs en cuir en trompe-l’œil « jour-
naux ». Une maroquinerie d’exception
sans logo mais signé de la touche Blazy,
le geek de l’artisanat. ■ H. G.
A
Jil Sander
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO
36 CULTURE
À gauche : Vincent Dedienne (assis) campe le rentier Fadinard dans Un chapeau de paille d’Italie. À droite : la rocambolesque Puce à l’oreille, avec Anna Cervinka (à gauche) et Pauline Clément.
IL COURT, IL COURT LE VAUDEVILLE
DEUX GRANDS METTEURS EN SCÈNE, ALAIN FRANÇON ET LILO BAUR, MONTENT RESPECTIVEMENT « UN CHAPEAU DE PAILLE D’ITALIE », DE LABICHE, ET « LA PUCE
À L’OREILLE », DE FEYDEAU. DEUX CLASSIQUES DU BOULEVARD INDÉMODABLES. UN GENRE THÉÂTRAL SOUVENT DÉCONSIDÉRÉ MAIS QUI TIENT TOUJOURS L’AFFICHE.
ANTHONY PALOU apalou@lefigaro.fr
ans son Histoire du théâtre,
D l’universitaire Alain Viala
écrit : « Le vaudeville était à
l’origine une pièce un peu
farcesque scandée par des
morceaux chantés. Elle perd peu à peu les
parties chantées et gagne en retour des
intrigues compliquées menées sur un
rythme endiablé, comme dans Un
chapeau de paille d’Italie de Labiche
(1851). »
Eugène Labiche (1815-1888) a
composé plus de 150 comédies et
vaudevilles et son Chapeau de paille
d’Italie demeure, avec Le Voyage de
monsieur Perrichon ou Embrassons-
nous, Folleville !, sa pièce la plus célèbre.
PHILIPPE
DECOUFLÉ
COMPAGNIE DCA
Stéréo Création 2022
4 22.10.2023
lavillette.com •
A
Sans elles, nous n’aurions sans doute ni
Le Dindon, Un fil à la patte, La Dame de
chez Maxim, ni La Puce à l’oreille de son
digne héritier Georges Feydeau (1862-
1921), prince des imbroglios réglés
comme du papier musique. La comédie
de mœurs, autrement et plus agréable-
ment appelée vaudeville, est une satire
de la vie bourgeoise. L’intrigue enjouée
tourne toujours autour de l’argent et de
l’amour. C’est un tourbillon de qui-
proquos, de rebondissements impré-
visibles et parfois de jeux de mots tirés
par les poils de la moustache IIe Répu-
blique ou second Empire.
Ce remue-ménage prend aussi un
autre nom à la consonance plus
péjorative, celui de théâtre de
boulevard, les boulevards du baron
Haussmann, préfet de la Seine, qui
voulait faire de Paris une ville de Baur, « un ingénieux système de tour-
prestige. C’était l’époque des lampes à nette qui permet de dissimuler des
arc où les colonnes Morris attiraient amants adultères en appuyant sur un
l’attention des flâneurs. Le succès du simple bouton ». La metteuse en scène a
vaudeville ne s’est jamais démenti. Pas
une année sans qu’un théâtre ne monte
une comédie de Labiche ou une farce de
Feydeau.
Ainsi, à la Comédie-Française,
pouvons-nous voir, mis en scène par
Lilo Baur, un classique du genre : La
transposé l’action dans les années 1960
à la montagne pendant la période de
Noël, « cette période propice aux stimu-
lations du bien-être de l’âme, ce moment
de l’année où il est question de chaleur et
de rapprochement ».
Selon elle, la satire de mœurs à la
Puce à l’oreille. Il s’agit d’une reprise (la Feydeau reste pertinente : « La fidélité,
pièce fut montée en 2019) et nous nous la jalousie, l’amour et la passion, avec les
en réjouissons. C’est une pièce rocam- chagrins qui les accompagnent, sont des
bolesque qui rassemble tous les thèmes éternels. Chez Feydeau, un peu
ingrédients qui ont fait la fortune de comme chez Molière, ce sont les
Feydeau désormais « pléiadisé » : situa- domestiques qui cassent les codes, disent
tions abracadabrantesques auxquelles les choses sans y mettre les formes,
s’ajoute le thème du sosie, une histoire prennent des amants sans se poser de
de bretelles et, sous la direction de Lilo questions. Ils osent ce que leurs
employeurs bourgeois ne font pas (…)
Dans cette pièce, Raymonde Chandebise
confie à son amie que son mari, Victor-
Emmanuel, lui faisant moins l’amour,
elle a songé à prendre pour amant
l’associé, et meilleur ami, de son époux,
ce qui, pour elle, vaut mieux que de se
jeter dans les bras d’un inconnu. »
“comme
Chez Feydeau, un peu
chez Molière,
ce sont les domestiques
”
qui cassent les codes
LILO BAUR
Le public bourgeois peut aisément
s’identifier à ce type de situation. Le
vaudeville de Feydeau est souvent
rattaché aux amants dans le placard et
aux portes qui claquent. Elles claquent,
bien sûr. Mais par quel courant d’air ?
Par des bourrasques pas si légères
que ça. Il s’agit souvent de tornades
langagières puisque à force de ne plus
Visuel © Roméo Ricard • Créa Marie Victoroff / EPPGHV 211 avenue Jean-Jaurès 75019 Paris • RCS Paris B 391 406 956 •
s’entendre, l’absurde pointe son nez. Et
c’est ainsi que Feydeau est un écrivain
Licences PLATESV-R-2021-010525/PLATESV-R-2021-010530/PLATESV-R-2021-010570 • Impression Westgraphy
vertigineux. Plus que son aîné Labiche ?
De son côté, Alain Françon met en
scène ces jours-ci, au Théâtre de la
Porte Saint-Martin, Un chapeau de
paille d’Italie - une comédie en cinq
actes, ce qui n’était pas fréquent à
l’époque -, avec Vincent Dedienne
dans le rôle du rentier Fadinard.
L’univers du vaudeville n’est pas
vraiment étranger à Alain Françon. Il a
monté Feydeau à plusieurs reprises
dont La Dame de chez Maxim (en 1990),
mais jamais Labiche.
Si on lui demande quelle est la
différence entre les deux auteurs, Alain
Françon se souvient d’une conver-
sation avec Benno Besson, acteur et
metteur en scène suisse qui fut
l’assistant de Bertolt Brecht, qui lui
disait : « Labiche est social, pas
Feydeau. » « Il aimait le premier, pas le
second. Moi, je lui disais que Feydeau
avait presque inventé le théâtre de
l’inconscient. Chez Labiche, on trouve
une trame sociale. Dans Un chapeau de
paille d’Italie, il y a plusieurs dualités :
les gens de la campagne qui déboulent en
ville et voient leur univers se lézarder. Ou
encore l’adultère et le mariage, les invités
et les intrus, etc. Le souci de Labiche était
de faire parler le milieu qu’il connaissait,
à savoir la petite bourgeoisie. Il voulait
reproduire son langage. »
JEAN-LOUIS FERNANDEZ ; BRIGITTE ENGUERAND/DIVERGENCE
Labiche était une sorte d’ento-
mologiste de son milieu qu’il épinglait
comme on épingle des insectes sur une
plaque de liège. N’avait-il pas écrit en
octobre 1880 : « Je me suis adonné
presque exclusivement à l’étude du bour-
geois, du “philistin” ; cet animal offre des
ressources sans nombre à qui sait le voir.
Il est inépuisable. C’est une perle de
bêtise qu’on peut monter de toutes les
façons. » « Chez Labiche, reprend Alain
Françon, tout est plus complexe que ça
en a l’air. Pour un metteur en scène, le
souci est de ne surtout pas perdre le
comique et en même temps, il faut aller
plus loin que ça. Bergson disait que “le
rire, c’est l’humain confronté à la
mécanique” et l’équilibre entre les deux
est assez difficile à trouver. »
Le metteur en scène parle avec un
respect jovial de Labiche. Il dit à ses
acteurs de le jouer comme si c’était « un
rêve de jour ». Il est vrai que la
confusion est reine dans Un chapeau de
paille d’Italie. On se croit toujours au
bon endroit alors qu’on est ailleurs.
Tous les lieux se mélangent comme
dans un songe. À la fin, les personnages
ne savent plus où ils habitent. Ou plutôt
si : en pleine déréliction. Le vaudeville
signifie-t-il encore quelque chose
aujourd’hui ? Si « vaudeville » veut dire
« voix de la ville », alors pratiquement
rien. « Vous voyez, dans Un chapeau de
paille d’Italie, avec le groupe Feu !
Chatterton, nous n’avons gardé
uniquement que le chœur de la noce et les
chœurs des invités de la baronne mais
cela redonne à la pièce une incroyable
énergie. » Feu le vaudeville ? Pas
encore.
Théophile Gautier dans sa célèbre
préface à Mademoiselle de Maupin,
préface qui était avant tout un
manifeste esthétique, tirait sur les
journalistes blasés qui essaient de
« nous guérir du vaudeville en prouvant
chaque jour, par leurs feuilletons, que
tous les Français ne sont pas nés malins.
“toutChezestLabiche,
plus complexe
”
que ça en a l’air
ALAIN FRANÇON
– En vérité, nous ne trouvons pas grand
mal à cela, bien au contraire, et nous
nous plaisons à reconnaître que
l’extinction du vaudeville ou de l’opéra-
comique en France (genre national)
serait un des plus grands bienfaits du
ciel. – Mais je voudrais bien savoir quelle
espèce de littérature ces messieurs
laisseraient s’établir à la place de
celle-là. Il est vrai que ce ne pourrait être
pis. »
Théophile Gautier, qui n’avait pas
complètement tort, ne pouvait se dou-
ter que le vaudeville - qui était apprécié
des dadaïstes ! - allait ouvrir la voie à
deux dramaturges de génie : Ionesco et
Beckett. ■
La Puce à l’oreille, à la Comédie-Française
(Paris 1er), jusqu’au 1er janvier 2024.
www.comedie-francaise.fr
Un chapeau de paille d’Italie, au Théâtre
de la Porte Saint-Martin (Paris 10e),
jusqu’au 31 décembre.
www.portesaintmartin.com

SA COLLECTION EST À L’IMAGE
DU PERSONNAGE IMPULSIF,
EXCESSIF ET CURIEUX DE TOUT.
SES 250 ŒUVRES
RASSEMBLÉES AU GRÉ
DE SES RÔLES,
DE SES VOYAGES
ET DE SES RENCONTRES
SONT À VENDRE, LES 26
ET 27 SEPTEMBRE, À DROUOT.
BÉATRICE DE ROCHEBOUËT
bderochebouet@lefigaro.Fr
mateur d’art atypique que
A Gérard Depardieu, refusant
d’accrocher ses tableaux aux
murs, préférant les empiler
au sol, parfois même face
cachée, pour donner un esprit artiste
à son hôtel particulier de la rue du
Cherche-Midi, dans le très chic 6e arron-
dissement de Paris. Chez lui régnait un
joyeux désordre organisé. Ses coups de
cœur étaient accumulés librement, fou-
gueusement. À l’image du personnage
aussi impulsif et excessif que sensible,
monstre sacré du cinéma qui n’a pu
s’empêcher de tomber dans la démesure
et ses dérives, aujourd’hui rattrapé par
des affaires judiciaires.
Sa collection est son reflet, son double,
lui qui, en acteur prolifique, presque
boulimique, a su incarner tant de rôles,
dans près de 200 films. À commencer par
Rodin, dans Camille Claudel, film de
Bruno Nuytten sorti en 1988, qui l’incita à
acheter trois bronzes de cet ogre de la
sculpture du XIXe siècle dans lequel il se
reconnaissait, dont le Paolo et Francesca,
épreuve à patine noire, signée et numé-
rotée 7/8, fonte du Musée Rodin de 1982 ,
inspirée par le chant V de l’Enfer de La
Divine Comédie de Dante (estimation
60 000 € à 80 000 €).
« Il faut laisser sortir ses monstres, si on
ne veut pas que ce soient eux qui nous
bouffent, écrivait l’acteur, dans son livre
de 2017, où il se désigne comme tel :
Depardieu Monstre. « J’ai connu un potier
dans le Berry : quand ça le faisait chier de
faire des assiettes, toujours les mêmes, il
prenait sa terre et il faisait un monstre. Un
énorme monstre. En terre cuite. Et il disait :
“Je fais ça parce qu’il faut que ça sorte !
J’en ai plein comme ça à l’intérieur de
moi !” Il avait raison. » Depardieu a sans
doute expié le monstre qui était en lui en
faisant l’acquisition de L’Homme qui
marche de Germaine Richier, réalisé du-
rant l’exil de l’artiste en Suisse, pendant
la Seconde Guerre mondiale.
Comment ne pas faire un rapproche-
ment entre cet homme de bronze et le
colosse Depardieu ? La figure a des pro-
portions difformes. Elle semble attaquée
dans sa chair, à la fois piégée dans la glai-
se, mais voulant en émerger. L’aspect de
sa carnation et de ses membres la rend
menaçante. Ses mains entrouvertes,
s’apparentant à celles d’un étrangleur et
son visage abîmé, accentué par ce nez
cassé et cet œil exorbité, l’éloignent de
tout réalisme, si bien que l’on ignore si
elle prend vie ou perd progressivement
son humanité.
Parler vrai,
avec ses tripes
À une estimation de 500 000 €
à 800 000 €, cette seule épreu-
ve d’un agrandissement effectué
en 1961 à partir de L’Homme
qui marche créé en 1945 par
Germaine Richier et fondue
en bronze par Susse est la
pièce phare de la vente qui
se tiendra sous le marteau
d’Ader, les 26 et 27 sep-
tembre, à Drouot. Elle
détone au milieu des
250 œuvres rassem-
blées par l’acteur, au
fil de ses rôles, de ses
voyages et de ses
rencontres. Dans les
salles du haut de
l’hôtel des ventes où
elle était exposée pen-
dant tout le week-end, on
ne voyait qu’elle, « par sa
forme pleine, solide (où) trous
et perforations se conduisent
comme des éclairs dans la ma-
tière » disait Germaine Richier,
en 1959. Cette œuvre, qui avait
été exposée à la galerie Hervé
Odermatt, en 1973, à Paris, Gé-
rard Depardieu n’avait jamais
voulu s’en séparer, ni la prêter,
pas même pour la grande ré-
trospective qui s’est tenue
de mars à juin 2023, au
Centre Pompidou. « J’ai
LE FIGARO lundi 25 septembre 2023
CULTURE 37
EN BREF
UNE SALLE
COLETTE NUCCI
Le 2 octobre, les proches
de Colette Nucci, la directrice
du Théâtre 13, disparue
le 10 mai 2023, baptiseront
une salle à son nom. Parmi
les invités seront présents
Jacques Toubon, qui l’avait
nommée en 1999,
Alexis Michalik, Salomé Lelouch,
Myriam Boyer,
Justine Heynemann, Johanna
Boyé ou Stéphanie Tesson.
Théâtre 13/Glacière,
103 A, boulevard
Auguste-Blanqui, Paris 13e.
Tél. : 01 45 88 62 22
« ANATOMIE
D’UNE CHUTE »
DÉPASSE LE MILLION
GÉRARD DEPARDIEU MONSTRE SACRÉ
DE SPECTATEURS
Le film de Justine Triet, palme
AU CINÉMA COMME EN ART
d’or cette année, a dépassé
le million d’entrées un mois
après sa sortie en salle, ont
annoncé samedi son distributeur
et sa productrice. Le million a été
croisé le chemin de Gérard Depardieu Deux œuvres de la collection turale), Louis Marcoussis, André Mas- dépassé vendredi soir, a déclaré
pour la première fois en 2018, à l’occasion de Gérard Depardieu, son, Alexandre Calder, Odilon Redon. à l’AFP le distributeur,
de la vente du contenu de son restaurant, en vente à l’hôtel Drouot : Joan Miro plus classiques, il a aimé la Jean Labadie (Le Pacte). « Bravo
la Fontaine Gaillon, explique le commis- Composition T1971-E20, touche puissante, épaisse, explosive, du Justine Triet, merci
saire-priseur David Nordmann de acrylique sur toile mouvement Cobra d’un Asger Jorn ou aux spectateurs », a écrit
l’étude Ader. Il m’avait alors fait visiter de Hans Hartung, 1971 (ci-dessus), Karel Appel. Et surtout celle d’Eugène la productrice Marie-Ange
estimée entre 50 000 et 80 000 €,
l’établissement, partageant avec moi Leroy, l’artiste de Tourcoing, révélé par Luciani sur Instagram. Anatomie
et L’Homme qui marche,
anecdotes et huile d’olive au goulot. Puis un agrandissement post mortem l’Allemand Georg Baselitz dans les an- d’une chute dépasse largement
il avait filé sur son scooter, pressé de fuir de la sculpture de Germaine nées 1980 et mort en 2000. Il achètera la dernière palme d’or française,
cette aventure qui l’avait tant passionné Richier (en bas), estimé ceux du Dr Philippe Laloy, mécène du Titane (306 293 entrées en 2021),
et tant déçu. » Grâce à cette première entre 500 000 € et 800 000 €. peintre : un ensemble de 23 toiles (dont et devance Dheepan,
rencontre - suivie de la vente des pan- GERMAINE RICHIER/ADAGP, PARIS 2023 ; le Petit Michel de 1975, 30 000 à 50 000 €, de Jacques Audiard, en 2015
neaux du graveur italien Marco Del Re HANS HARTUNG/ ou Sur la terre, 1977, 80 000 à 120 000 €), (663 000 entrées). Il fait jeu égal
sur le thème des Muses gourmandes que PHOTO PHILIPPE FRAYSSEIX/ 7 eaux-fortes et son unique sculpture. avec La Vie d’Adèle, d’Abdellatif
l’acteur avait commandés pour son res- ADAGP, PARIS 2023 Gérard Depardieu fait aujourd’hui le Kechiche (1,036 million
taurant dont il s’est séparé en 2019 -, vide, se sépare de tout ou presque, avec d’entrées en 2013), et pourrait
Depardieu l’a recontacté, trois ans plus son hôtel particulier du 6e qui est à ven- espérer rattraper Entre les murs,
tard, pour orchestrer aujourd’hui cette dre depuis des années, au prix fou de de Laurent Cantet (1,6 million
nouvelle dispersion. « Il a joué le jeu, ac- 50 millions d’euros. ■ en 2008), autres palmes d’or
cepté d’exposer publiquement sa collec- www.ader.com françaises des années 2000.
tion, qui ne l’avait jamais été, d’y mettre
son nom et de s’en séparer. À l’exception
d’un seul bronze, La Danse, hommage à
Camille Claudel et souvenir du magistral
Rodin qu’il a incarné. »
Quand l’acteur reçoit le commissaire-
priseur dans son antre de la rue du Cher-
che-Midi, avec son confrère Xavier Do- En coproduction avec l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz et avec la participation artistique du studio I’ESCA
minique, ce jour-là, il est « plongé dans
une biographie de Matisse, il nous parle de
son admiration pour le maître de La Danse KAD JACQUES
MERAD WEBER
et de La Joie de vivre et sa rivalité avec Pi-
casso. Il parle d’art, comme il parle du vin,
avec passion, sensibilité et connaissance.
Car l’autodidacte de Châteauroux connaît
son affaire sur le bout des doigts. »
Dans un court audio de 3 minutes, sur
YouTube, réalisé à l’occasion de la ven-
te, Gérard Depardieu parle vrai, avec ses
tripes : « Il y a beaucoup de choses qu’on
ne peut pas dire sur l’art parce que pour
moi, l’art, c’est la vie. Ce n’est certaine-
ment pas une provocation. Le geste, tu ne
t’en lasses jamais, ça te plaît, ça te prend
dans le ventre, ce n’est pas intellectuel du
tout, et encore moins spéculatif. Il y a
simplement quelque chose qui te touche,
des bleus, une forme, des choses qui te
rappellent des peintures, dit-il. Je
ne vais jamais dans les musées,
car tu en sors ivre mort.
C’est difficile de vivre
avec des tableaux, ça
t’absorbe. Je n’aimais
pas clouer un tableau.
C’est pourquoi, je ne les
ai jamais accrochés
RUY BLAS
aux murs. Ils vien-
nent par eux-mê-
mes. La peinture est
forte. C’est un choix
qui peut t’annuler,
t’anéantir, en même
temps. C’est un mo-
nument avec des
âmes d’enfants. »
Crédits photos : Bernard Richebé - Numéro de licence : L-R- 21-14708
Faire le vide
La matière, irrégulière, dif-
forme, âpre, foisonnante,
est le fil conducteur de la MISE EN SCÈNE JACQUES WEBER À PARTIR DU
collection de Depardieu. Le AVEC STÉPHANE CAILLARD, BASILE LARIE, JEAN-PAUL MUEL, 27 SEPTEMBRE
lisse, l’évident ne l’intéres- MAGALI ROSENZWEIG, JOSÉ ANTONIO PEREIRA, SAHRA DAUGREILH
se pas. Outre des Hans MILENA SANSONETTI, JULIEN GALLIX, ALEKSANDRA BETANSKA, ALEXIS RUOTOLO, MARIANA MONTOYA YEPES, GASPARD GEVIN-HIE, JORIS MUGICA, MAÏA LAITER
Hartung, Poliakoff, Olivier COLLABORATRICE ARTISTIQUE : CHRISTINE WEBER - SCÉNOGRAPHIE : EMMANUELLE FAVRE - COSTUMES : MICHEL DUSSARRAT
Debré, Henri Michaux ASSISTANT COSTUMES : MAXIME FONTANIER - LUMIÈRES : GEORGES LAVAUDANT / CRISTOBAL CASTILLO
(23 œuvres révélant une ob- SON : PIERRE ROUTIN - MAQUILLAGE COIFFURE : MICHELLE BERNET - VIDÉO : JULIEN SOULIER - ACCESSOIRES : HÉLÈNE FIEF
session pour les états alté- LOCATION 01 86 47 72 77 WWW.THEATREMARIGNY.FR OU WWW.FNAC.COM
rés de la conscience,
partant de tâches
A
pour arriver à une
sorte de danse pic-
 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO

38 TÉLÉVISION
« THE REVENANT » DICAPRIO TRAVERSE LES TÉNÈBRES
ALEJANDRO IÑARRITU FILME AVEC MAESTRIA LA STAR AMÉRICAINE
DANS LE RÔLE D’UN TRAPPEUR DESCENDU AUX ENFERS ET BIEN
DÉCIDÉ À EN REVENIR GRÂCE À SA SOIF DE VENGEANCE TOTALE.
de brume ? Enveloppé d’une peau de
ÉRIC NEUHOFF eneuhoff@lefigaro.fr bison, du givre dans la barbe, il trébu-
che dans un désert de blancheur. Il
a vengeance est un plat qui rampe, dévale des montagnes à plat

L se mange froid, mais quand

même. Dans The Revenant,
triplement oscarisé (sur seize
nominations en 2016), elle
suppose des températures polaires, des
rivières gelées, des couches de neige à
rendre jaloux un moniteur de ski. Dans
le Missouri des années 1820, un trap-
peur n’a de cesse que
de punir ses compa-
gnons qui l’ont aban-
donné et dont l’un a tué
son fils métis sous ○○○◐
21.10
ses yeux. La première
demi-heure en met plein la vue. Les
chasseurs sont attaqués par des Indiens
du cru, ils fuient sur un bateau som-
maire, ne sont plus qu’une dizaine.
DiCaprio commet l’erreur de croiser
un grizzly dans la forêt. Mâle ou femel-
le ? Femelle, à coup sûr, car l’animal
veut protéger ses petits. Pour cela, il
déchire l’intrus à coups de griffes, le
secoue, le traîne sur le sol, s’éloigne,
revient pour donner l’estocade. La
séquence est hallucinante de vérité. On
sent l’odeur du plantigrade. On voit
son souffle. Il est évident qu’aucun
cascadeur ne se cache sous ces poils.
Héros en mille morceaux
DiCaprio n’en a pas fini avec les en-
nuis. On l’enterre vivant. Il a les côtes
défoncées, la jambe en miettes, a été à
moitié égorgé. Il grogne. Dans le
meilleur des cas, il grommelle. À qui
parler, d’ailleurs, dans cet infini noyé
ventre. Son but : rejoindre le fort pour
régler ses comptes. Cela prendra du
temps. Le film s’approche parfois du
manuel de survie en milieu hostile. La
nourriture ne surprendra pas les habi-
tués d’El Bulli. Cela va du poisson cru
attrapé à mains nues dans un torrent
et dévoré tel quel aux bouts de viande
prélevés sur des sque-
lettes d’animaux en
passant par des racines
enfouies sous la boue
glacée. La situation
exige un menu inven-
tif. Cela s’appelle respecter le produit.
Il s’agit d’accommoder les restes com-
me dans cette scène d’anthologie où le
héros qui est tombé d’une falaise se
déshabille pour s’enfouir dans la car-
casse de son cheval mort qu’il vient de
découper. La méthode risque de ne pas
plaire aux amateurs de PMU.
Iñarritu accumule les morceaux de
bravoure. Les meilleurs se situent au
début. C’est Jeremiah Johnson revu et
corrigé par Terrence Malick. La beau-
té surgit, intacte, brutale, dans des En 2016, Leonardo DiCaprio lyriques, quelques embardées oniri- rempli de ténèbres hostiles, de senti-
paysages inviolés. Le territoire qu’on a remporté l’oscar du meilleur ques - l’épouse lévitant dans un ments shakespeariens, de détails my-
scrute le plus est peut-être le visage de acteur pour ce rôle. champ, par exemple. Mais c’est le prix thologiques. Le réalisateur montre
DiCaprio. Mâchoires crispées, regard TWENTIETH CENTURY FOX FILM à payer pour que ce héros en mille toutes les dimensions de cette histoi-
intense, l’acteur est instinct pur, pré- CORPORATION. ALL RIGHTS RESERVED/FTV morceaux continue à rester debout. Sa re, se hisse au niveau de cette Odyssée
sence totale. Sans un mot, il sauve du folie a des chances de gagner. contrariée par une météo extrême. Il
viol une captive indienne, trouve un Le Mexicain Alejandro Iñarritu, qui descend aux enfers et en remonte. La
moyen inattendu pour se débarrasser s’inspire partiellement du roman civilisation, elle, demeure aux abon-
de son ennemi. Iñárritu retourne éponyme de Michael Punke, semble nés absents. Chef-d’œuvre ? On ne
presque aux temps du muet. Il aurait obsédé par cette grandeur, emporté sait pas. Grand film, en tout cas, très
pu nous épargner certaines visions par cette course à la vie. L’écran est beau film. ■

« INFILTRÉ(E) », AUDREY FLEUROT EN MODE MOUCHARDE

FACE À THIERRY NEUVIC, ASSEZ BUTOR, L’ACTRICE INCARNE UNE CHIMISTE QUI NOYAUTE LES TRAFIQUANTS D’UNE DROGUE DÉVASTATRICE.
mien. » Infiltré(e) la met en scène dans le qu’il est double. Écrit pour elle, il s’ins- plutôt bien charpentée. L’image est
JULIA BAUDIN £@BaudinJ rôle d’Aurélie, veuve, mère célibataire crit dans le récit comme la figure sacrifi- belle. Marseille est admirablement mise
d’un ado trop secret pour être honnête. cielle d’une société malade, gangrenée en scène. Les enfants des rues, en tête
oilà longtemps qu’on atten- par une criminalité aussi créative Charlie Paulet et Sumaï Cardenas, éton-

V dait des retrouvailles entre

« La série possède pas mal des ingrédients
d’une belle œuvre : postulat, enjeux,
traitement, personnages, dont le mien »,
explique Audrey Fleurot. F. LEFEBVRE/FTV
les auteurs-producteurs-
réalisateurs d’Un village
français et l’égérie Audrey
Fleurot, alias Hortense Larcher dans la
saga historique de France 3. Voilà qui est
fait… « En cinéma comme en télévision, il
y a des propositions qui ne se refusent pas,
confie l’héroïne d’HPI. S’agissant d’In-
filtré(e), au-delà de mon plaisir à tra-
vailler de nouveau avec Frédéric Krivine,
Jean-Philippe Amar et Emmanuel Daucé,
la série possède selon moi pas mal des
ingrédients d’une belle œuvre : postulat,
enjeux, traitement, personnages, dont le
Raskolnikov en jupons
Elle est chimiste dans un laboratoire en
lien avec la police. Acculée à voler une
saisine afin de réparer une bêtise de son
rejeton, elle accepte, contre son gré,
d’infiltrer un réseau de trafiquants
d’UBH, une nouvelle drogue de syn-
qu’impossible à éradiquer. Le constat
accablant sert de postulat à cette série.
« Notre dispositif de lutte contre le trafic
et la consommation de stupéfiants est
discutable en termes de santé publique
et complètement inefficace. Nous voulions
le montrer au travers d’un récit susceptible
nent par leur naturel. La question se
pose toutefois du choix de Thierry
Neuvic pour incarner un commissaire,
responsable de l’infiltration d’Aurélie
entre révolte et lassitude extrême. Non
seulement son jeu ne convainc pas, mais
il déséquilibre cette série. Notre atten-
thèse dévastatrice. C’est le seul moyen de conduire le téléspectateur à s’interroger tion se reporte sur le personnage
pour elle d’échapper à la prison (et aux sur le bénéfice réel pour les citoyens d’Audrey Fleurot en prise avec des
services sociaux). L’histoire d’une fem- de l’opération qu’elle décrit », souligne voyous, là aussi un brin caricaturaux.
me sur la sellette, une Raskolnikov en Frédéric Krivine dans sa Mais le savoir-faire
jupons aux prises avec la peur et une note d’intention. L’in- éprouvé des créateurs
autorité toute-puissante bien qu’exsan-
gue à laquelle elle ne peut échapper. Le
trigue, qui emprunte au
polar, au film de mafia et
○○◐¡
21.10 fait oublier ces défauts et
l’on se laisse happer par
personnage est d’autant plus profond au drame familial, est ces six épisodes. ■

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé RONDE DES MOTS ©

1 2 3 4 5 6 7 8 Trouvez les mots correspondant aux définitions centrales et inscrivez-les autour de la case qui leur revient. La première lettre de chaque
PROBLÈME N° 6405 mot est indiquée par le triangle. Chaque mot se lit dans le sens des aiguilles d’une montre.
HORIZONTALEMENT 1
1. A franchi le rubicond. - 2. Ils donnent des coups d’épée
dans l’eau. - 3. Ancienne compagnie marocaine. Sigle en 2
Exemple L C D G E T
tous sens. - 4. Mise à jour. - 5. Est passé au salon.
Bouche remplie d’eau. - 6. Irrigue la Toscane. Passage de 3 R E
DAME IMPÔT
Sganarelle. - 7. Multiplier les divisions. Le petit rapporteur. APPORTER BOÎTE À JOLIE ANALYSÉ
4 DE DE
- 8. Voix de cinéma. Doué pour le commerce. - 9. DU POIDS CLOUS FLEUR AVEC SOIN
COMPAGNIE DÉPENDANCE
A trouvé place dans une minute. Fis fi du qu’en-dira-t-on.
- 10. Langue proche du finnois. Vient après vous. - 11. 5 E S
A fendu l’armure. Proche de Rodez. - 12. Sursaut
convulsif. 6 T
7
VERTICALEMENT GROUPE ACCROCHER FAIT DÉCODE D'UTRECHT
1. Mises au vert. - 2. Il donne de bonnes vibrations. - 3. MOUTARDE
8 DE UN MONTER
SAUVAGE
LES OU DE
Couvert d’argent. Faux dur. - 4. Médite ou rumine. DIVINITÉS SOLITAIRE LA PÂTE INDICES LA HAYE
Langue dure et pointue. - 5. Vers latin. Caractères 9
d’imprimerie en double. Grande au Mexique et aussi au
Brésil. Propose plusieurs options. - 6. Ils crachent et 10 A T U E I A
prennent le large pour se défendre. Des bourricots. - 7.
Pour des figures avec un aspect neuf. - 8. S’exprime 11
avec des mots simples et rêve que tout le monde le SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT
comprenne. 12
1 7 2 5 6 4 8 3 9 2 6 9 4 5 7 1 3 8 6 7 5 4 1 9 8 3 2 LETTRES EN PLUS
8 9 5 2 3 7 6 1 4 4 5 8 1 2 3 6 9 7 8 4 9 6 3 2 7 5 1 CABRER - SCAMPI - EMPIRE - BRÈCHE.
SOLUTION DU N°4494

SOLUTION DU N°4495
SOLUTION DU N°4493

SOLUTION DU PROBLÈME N° 6404 3 6 4 1 9 8 5 2 7 3 7 1 6 9 8 4 2 5 3 1 2 7 5 8 9 4 6

9 4 7 6 8 3 1 5 2 1 4 7 9 8 2 3 5 6 7 9 8 3 2 1 4 6 5 LETTRES EN MOINS
HORIZONTALEMENT 1. Phishing. - 2. Lycéenne. - 3. Apollo. - 4. Ton. Édam. - 5. Étés. Omo. - 6. Sh. Avril.
2 8 6 4 5 1 9 7 3 6 8 3 7 4 5 2 1 9 2 6 1 5 4 7 3 9 8 Les mots à trouver sont :
- 7. Beau. ESO. - 8. Accros. - 9. Natel. Mi. - 10. Die. Yves. - 11. Éructent. - 12. Sérosité. 5 3 1 9 7 2 4 6 8 9 2 5 3 6 1 7 8 4 4 5 3 8 9 6 1 2 7 SALVE (Potage, crotte, cocher, ravier,
6 5 8 7 2 9 3 4 1 7 3 6 5 1 9 8 4 2 5 2 4 1 8 3 6 7 9 monder).
VERTICALEMENT 1. Plates-bandes. - 2. Hypothécaire. - 3. Icône. Acteur. - 4. Sel. Sauré. Co. - 5. Hèle. GLUON (Lisse, cabot, dorer, juter, tribu).
A

4 2 3 8 1 6 7 9 5 8 9 4 2 3 6 5 7 1 1 3 7 9 6 5 2 8 4
olytS. - 6. Inodores. Vei. - 7. NN. Amis. Ment. - 8. Gemmologiste. 7 1 9 3 4 5 2 8 6 5 1 2 8 7 4 9 6 3 9 8 6 2 7 4 5 1 3

25_09_23_P2 7 20/09/2023 09:19

 LE FIGARO lundi 25 septembre 2023

TÉLÉVISION Tous les programmes

dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag MÉTÉO PAR 39
ÉPHÉMÉRIDE St-Hermann
À LA DEMANDE Soleil : Lever 07h41 - Coucher 19h42 - Lune croissante

21.10 21.10 21.10 MATIN

Les bracelets rouges Iniltré(e) he Revenant La Forêt 11
S é r ie . D r a m a t iq u e S é r i e . P o l ic i è r e F ilm . A v e n t u r e s 40
10
11 7 5
14 9
6 6
14
15 7 7
7
8
14 8 7
8
F r a . 2 0 2 2 . S a is o n 4 . A v e c L é o F r a . 2 0 2 2 . S a is o n 1 . A v e c A u d r e y F le u - E U / T a i/ H K . 2 0 1 5 . R é a l . : A leja n - Le retour de l’automne et
L o r l é a c ’ h . 2 é p i s o d e s I. n é d ti . Z o é e s t r o t . 2 é p i s o d e s I. n é d ti . P o ur e n q u êter d r o G o n z á l e z I ñ á r r ti u . 2 h 3 0 . A v e c des soirées pluvieuses sied 10 7
p r is e à O x f o r d , m a is l ’ é v o l u t i o n d e s o n s u r u n e n o u v e l le d r o g u e q u i f a ti d e s L e o n a r d o D iC a p r io . A u d é b u t d u X I X e parfaitement à cette mini-série 8
7
c a n c e r p o u r r a ti t o u t c o m p r o m e t t r e . r a v a g e s , u n c o m m i s s a ri e d e m a n d e à s iè c le , u n tr a p p e u r , a t t a q u é p a r u n télévisée policière française, de 8
E m m a s e ra p p ro c h e d e s o n p è re e n u n e c h i m is t e d e l a p o l ic e d ’ i n i tl r e r l e o u r s e t a f a ib l i p a r s e s b le s s u r e s , p a r - facture classique mais très ei- 10 8
a tt e n d a n t q u ’ i l lu i d o n n e s o n r e in . r é s e a u d e tr a i q u a n t s . c o u rt 3 0 0 k i l o m è tr e s p o u r r e tr o u v e r cace, sortie et difusée sur Net- 10 16
l ’ a s s a s s i n d e s o n i ls . lix en 2017. Dans les Ardennes, 12
23.10 New York Unité Spéciale. Série. 23.00 Unité 42. Série. Policière. 14
l’étrange disparition d’une 10
Policière. Un soir de Noël - Le procès Parties 1 et 2. Blogomum. 23.50 Outre-mer : la cuisine des 15 14
adolescente dans la forêt mobi-
Wheatley - L’afaire Cabot 00.40 Dix pour cent. Série. étoiles. Doc. Réal. : Alicia Castanheira.
lise une brigade de gendarmerie 11 10
et une professeure au passé
mystérieux. Tous les ingrédients 14
du bon polar sont en place pour APRÈS-MIDI
une enquête tendue dans une
21.09 20.50 21.10 immensité végétale inquiétante.
20
21
66-5 La dernière marche L’amour est dans le pré Emmenée par le solide Samuel
Labarthe et la très convaincante 21
S é r ie . D r a m a t iq u e F ilm . D ra m e T é l é r é a l ti é 21 20 21
Suzanne Clément, la mini-série
22 23
« La Forêt » se laisse regarder
21 22
très agréablement, au rythme 20
enlevé des six épisodes, rapide- 22 24 23
21
ment avalés. 24
23 24 22
24

F r a . 2 0 2 3 . S a is o n 1 . A v e c A l ic e I s a a z . E U / G B .1 9 9 5 . R é a l . : T i m R o b b in s . F r a . 2 0 2 3 . 0 h 4 5 . 2 é p is o d e s . 24 25
2 é p i s o d e s I. n é d ti . R o x a n e p e n s e q u e A v e c S u s a n S a ra n d o n . U n e n o n n e , q u i L e s s éj o u r s à la f e r m e s e p o u r s u i v e n t . 10 25 24
R u d y e t P a s q u a le o n t é t é m a n ip u lé s a c c o m p a g n e u n c o n d a m n é à m o rt S i p o u r c e rt a in s le s c o u p s d e c œ u r 8
 L   .  
27 25
p a r l a p o l ic e . E l l e i n t e r r o g e s o n c l i e n t d a n s s e s d e r n i e r s j o u r s , s y m p a t h is e à d e s d é b u t s s e c o n i r m e n t , d ’a u tr e s 18.30 L   . Jérémy Côme.
28 24
s u r l ’ i d e n t ti é d ’ u n c e r t a i n M a x , l o u t é l a f o is a v e c c e l u i- c i e t a v e c l e s f a m i l l e s n e p a r v ie n n e n t p a s à s e d é c id e r . Présentateur du « Quiz 27
s u r le s p h o t o s . d e s e s d e u x v ic t i m e s . du chrétien en marche » sur KTO. 26 28
23.10 L’amour vu du pré. Div. Interviewé par Sarah Lecœuvre 25 24
22.55 Narvalo. Série. Humoristique. 22.50 Ex Machina. Film. Science- Émission 8. Inédit. et Damien Canivez.
Tout permis - Camisole iction. Avec Alicia Vikander. 00.00 Et si on se rencontrait ? Div. 27 10
19.00  BB 
B e B 
25
Présenté par Victoire Sikora.

22.30
T (en °c)
<-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40
20.32 Touche pas à mon poste ! Div. 19.50 Les cinquante. Jeu.Inédit. 20.45 Quotidien. Divertissement. L   L   BB B

21.20 Commissaire Magellan 21.05 Jack Reacher 21.25 Les gardiens

S. SORIANO/LE FIGARO

Série. Policière. Fra. 2020. Saison 1. Film. hriller. EU. 2012. Réal. : Chris- de la galaxie 2 ALGER 19/25 AMSTERDAM 12/20 ATHÈNES 22/30
Avec Jacques Spiesser. Le bonheur topher McQuarrie. 2h10. Avec Tom Film. Fantastique. 2017. Réal. : James 16/26 15/24 10/21
BARCELONE BELGRADE BERLIN
des autres. Inédit. Alors qu’il célèbrait Cruise. Un sniper tire six fois, tuant Gunn. Avec Chris Pratt. Marqués
le mariage de sa ille, qu’il a élevée cinq personnes. L’homme, apparem- par une importante révélation, les BERNE 4/20 BRUXELLES 11/21 BUDAPEST 16/23
seul, un organisateur de cérémonies ment responsable du carnage, n’a Gardiens de la galaxie, aidés par de COPENHAGUE 15/17 DUBLIN 14/19 LISBONNE 18/29
est retrouvé mort, assassiné. Magel- qu’une réponse lors de son interroga- nouveaux alliés, traversent le cosmos LONDRES 16/21 MADRID 12/28 PRAGUE 9/19
lan se charge de l’enquête. toire : «Trouvez Jack Reacher». à la recherche d’autres aventures. RABAT 17/23 ROME 16/28 TUNIS 19/26
22.59 Commissaire Magellan. Série. 23.30 Pearl Harbor. Film. Guerre. 23.55 Les gardiens de la galaxie. Film. Magazine Présenté par Philippe
Gélie (notre photo). Invités :
Françoise Thom, historienne MARDI MERCREDI JEUDI
et soviétologue, maître
de conférences à la Sorbonne, 12/22 14/21
et, Michel Duclos, ancien 14/22
20.05 C à vous la suite. Talk-show. 19.20 Vintage Mecanic. Doc. 20.20 C’est un complot ! Doc. ambassadeur, conseiller spécial 16/21 8/22 14/20 10/24 13/20 15/24
à l’Institut Montaigne.
21.05 Le génie des arbres 21.10 Mont-Saint-Michel, 20.50 8 jours qui ont fait Rome Avec les journalistes 11/25 13/25
Documentaire. Fra. 2020. Réal. : Monaco : déis XXL en mer Documentaire. GB. 2017. Réal. : du Figaro Laure Mandeville 15/24
Emmanuelle Nobécourt. 1h30. Documentaire. Fra. 2023. 1h10. Inédit. Gareth Johnson. 2 épisodes. Rome a et Fabrice Nodé-Langlois.
13/26 14/25 15/28 15/26 15/29
Les arbres sont les meilleurs alliés Les méga-structures érigées sur la appuyé son pouvoir sur sa puissance 16/27
des hommes pour préserver la vie mer igurent parmi les plus grands militaire, après avoir vaincu sa rivale
sur Terre. La science met en lumière déis des bâtisseurs. C’est le cas de Carthage et le légendaire Hannibal
le rôle des arbres, modèles de rési- Monaco et du Mont-Saint-Michel. lors de la bataille de Zama. lachainemeteo.com
lience et de gestion des ressources. Par téléphone : LIVE 24/24 Sur L’APPLI
22.35 Sous-marin et navires mili- 22.05 Pompéi, le secret de la villa
GRATUITE
22.40 C ce soir. Talk-show. taires : Techno XXL. Documentaire. de Civita Giuliana. Documentaire. 2,99 €/appel La Chaîne Météo

MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°3634

JAMAIS EUT UN PRÉNOM À LA MODE BASE JEUNES COUP DE SOUMIS À ANSE TISSU ENFIN
REPU PRIX ÊTRE FÉMININ DE LAN- QUALITÉ FILLES EN POKER UNE NIPPONNE DÉCEVANT ARRIVÉE
PROCHE C’EST DU CEMENT RÉCOM- FLEURS
GROS- CITÉ ALLE- PENSÉE CLÉ À DISCIPLINE APPRIS ET POUR UN TRAVAUX
SIÈRETÉ AUTORISER MANDE POISON GERCÉ ESSAI MÉMOIRE SÉVÈRE RETENU ÉCOSSAIS DIRIGÉS
À FAIRE
TOURNER
LA TÊTE
CRÉDENCE
ANCIEN SY AU RÉTABLIT A LA
AVOIR CINÉMA LA BARRE GOUTTE IL FRÉTILLE
AU CORPS DANS UN
QUI AGIT À ANTIQUES MACHINE À BOCAL
SA GUISE CHARRUES CLASSER USURE
F V S T E M R D A S O I
DRÔLES ACCES- C R O I
S E U R M O U V O I R S E C O U S S E
SOIRE DE I N S
E C T I C I D E T R A N S M I S S I O N
CHIFFRES A C C E
S S I B I L I T E E P O U S S E T A G E
ROMAINS CHEMINÉE
T E R
A L U N E E R A S E U R S R M O
R I S M A I N E U S A T A M A T I C O N E
IVAN ET ESSUIE- NOIX À O C E S E A U X F E R U E S O U L I E R
BORIS MAINS AMANDE I N S I S T E S N E L L E A
V A N C E S E
A R S E P T E T U I M I R C E P
VILLE DE COLORER À HALTE, K A R A T E R E A L R E C A S E D E E S S E
LA DRÔME LA POÊLE ESCALE C A G E T T E R O S E R A I E C O L T A N
FÊTE MU- COMÉDIEN W C E R S E G A I A S P A S M E L E I L A
SULMANE SIMPLE FRANÇAIS MATIÈRE O B S C E N E P R O N O M
D’ESPRIT DE S U R E E N J E U D O C
AIR À HABIT DE NUISETTE R E C T E U R E T O U R D I
SUCCÈS MARIN T U B A G R E S O L U TI O N I S A R A I N
CONTRA- CELUI-CI SUR LA A S
I N C
S O U
A G
R D I
D U N U M É R O S
B A S
T A T U
S
T
E T
R
DICTIONS THÉÂTRE BOUSSOLE A T I E R S P R É C É D E N T E G O A C E
PLOMBER POPULAIRE LE MOT DE MESURE R I P E R H T C L A R I F I E
UNE DENT L’ÉGOÏSTE ANGULAIRE S E R A C R E I M A M
M I L S O I E B T H Q N O T O I R E S
PERSONNA- S E I S M E C A R A P A C E O B I T I T O
LISATION M S N E A N T I S E R N A P Y J A M A E L
A E D E A R R I V E E S P L E E N T I R E
I N N E I E S C O R T E E A R C A I R N
EN PORTÉE T V P A C S E I A R A I T I M O R E
AFFRAN- D E I T E E S S A R T P O U R R I A N E F
ENTRE LE E R R A T A D O R A N T E F O S S I L E
CHIR JUNIOR ET LE RAPACE
Y EST À O E S O P H A G E C U I S S E B O S T A N
BÊTES DU LE L’AFFÛT P U E C E N S O R A T U B A C E T E T E
HARPAIL VÉTÉRAN K I T T E E N T S O B R E A I R R T T
G R A U S A U C E E U I L A R D R E E R
COMMU- F R O L E R M I N E S T R O N E S F R I S E E
LANIÈRE D’UNE
A

NICATION A M E H O U E R T E E
FIXÉE AU GRANDE I M P R O D R S C E L L E R
HARNAIS SPI- PRÉCISION M E T N O E L A R O L L E
RITUELLE P E S E V I N I F S F E U S

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 lundi 25 septembre 2023 LE FIGARO
40
Ronan Planchon
rplanchon@lefigaro.fr
usqu’à la dernière minute, on
J
s’est juré de ne pas résumer le
personnage par l’une de ces for-
mules éculées dont les journalis-
tes raffolent, par paresse intellec-
tuelle ou ignorance crasse,
parfois les deux. Et puis on a cédé.
Oui, Daniel Riolo, figure de
l’émission « L’After Foot » sur RMC, fait
partie de ces personnalités qui « ne lais-
sent personne indifférent ». Avec sa com-
munauté de fans qui likent à tout-va ses
publications sur les réseaux sociaux (il
compte 625 000 abonnés sur Twitter) et
ses détracteurs. Surtout quand le jour-
naliste de 53 ans publie, à l’issue de deux
saisons marquées par le fiasco de la finale
de la Ligue des champions 2022, l’affaire
Pogba ou le dossier Hamraoui-Diallo, un
livre enquête passionnant aux allures de
voyage au cœur de la voyoucratie du
foot, sur fond d’islamisation et de
magouilles financières, intitulé Chaos
football club et cosigné avec Abdelkrim
Branine (Éditions Hugo Sport). Dans le
monde ouaté du ballon rond, où mieux
vaut ne pas faire de vagues, l’ouvrage a
« fait le buzz » , comme on dit.
Si le terme voulait encore dire quelque
chose à l’ère des youtubeurs Squeezie et
Michou, on pourrait d’ailleurs qualifier
Daniel Riolo d’influenceur. Depuis un
quart de finale de Ligue des champions
en avril 2006, le journaliste et éditoria-
liste distille ses opinions - tranchées -
dans « L’After Foot », sous la gouverne
de l’indéboulonnable présentateur du
CapaPictures / Europe 1
A
DANIEL RIOLO
ICONOCLASTE
DU FOOT
PORTRAIT LE JOURNALISTE,
PASSIONNÉ DE SPORT
ET DE POLITIQUE, EST
UNE FIGURE DE L’ÉMISSION
« L’AFTER FOOT » SUR RMC.
ÉGALEMENT ÉDITORIALISTE,
IL EST SUIVI SUR TWITTER
PAR QUELQUE
630 000 FIDÈLES.
11H -13H
PASCAL PRAUD ET VOUS
du dans la demi-heure à notre SMS par
un « oui » franc et sans ambiguïté, mal-
gré une saison « éreintante ». En plus de
la campagne de promotion de son livre,
Daniel Riolo a passé deux semaines au
Qatar pour la Coupe du monde de foot,
anime une émission de poker sur RMC,
intervient dans « Estelle Midi » sur la
même station, et codirige la déclinaison
papier de « L’After Foot ». Pour ne rien
arranger, ce père de famille (sa fille
aînée s’apprête à quitter le cocon fami-
lial, son grand drame) fait l’objet de
plaintes en diffamation déposées par
Didier Deschamps, sélectionneur de
l’équipe de France de football et Chris-
tophe Galtier, ex-entraîneur du PSG.
L’un lui reproche des propos jugés
agressifs tenus à l’antenne, dans sa
gestion du cas Benzema, l’autre l’accuse
d’avoir révélé un mail de l’ancien
directeur sportif de l’OGC Nice, à sa
direction, accusant le coach du PSG de
racisme.
À vrai dire, c’était gagné d’avance.
Le journaliste est un fidèle lecteur du
Figaro, le cœur à droite. En 1988, son
premier bulletin dans l’urne est pour
Jacques Chirac, avec le succès que l’on
connaît (Mitterrand l’emporte avec
54 % des voix). Il votera Sarkozy en 2012
sans grand enthousiasme. Le côté bling-
bling de l’ancien président de la Répu-
blique l’emballe moyennement. Sa
droite, c’est celle qui préfère les écrits
SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO
de Jean-Claude Michéa à ceux d’Alain
Minc, celle du non au référendum de
2005, de Philippe Séguin et d’Henri
Guaino. Bref, « une droite qui ne trouve
jamais sa place ».
L’espace d’un instant, on a cru que
Daniel Riolo exécrait davantage le néo-
libéralisme que la gauche radicale. Il
coupe. Le Franco-Italien regrette que la
France soit « le seul pays où l’extrême
programme Gilbert Brisbois, au point gauche est aussi présente dans l’espace
d’avoir façonné une génération des pas- public », juge les idées des maires éco-
sionnés de foot, lassés des résultats bruts logistes de Grenoble et Bordeaux, Éric
et des lieux communs. Tout y passe : des Piolle et Pierre Hurmic « dangereuses »
choix tactiques de l’entraîneur du PSG et s’émeut que l’on ne combatte pas as-
au mercato de l’OM en passant par l’af- sez le discours des Insoumis dans les
faire Pogba ou le style de jeu de Didier médias. Est-ce la raison pour laquelle
Deschamps - qu’il juge faiblard. Am- cet adorateur du politologue Jérôme
biance rock’n’roll dans un monde du Fourquet troque parfois le costume de
foot où dominent les codes du rap. Un journaliste sportif pour celui d’éditoria-
café du commerce garanti (presque) liste « toutologue » dans « Les Grandes
sans analyses de comptoir qui peut se Gueules » de RMC, puis « Estelle Midi »
vanter d’être le premier podcast de sur RMC ? Est-ce par simple appétence
France, devant « Les Grosses Têtes » de pour la vie des idées ? Par lassitude de
Laurent Ruquier. commenter les dernières sorties noc-
turnes de Neymar ? Ou bien parce que
Une saison « éreintante » ses patrons ont compris que son rire
Après la sortie de Chaos football club, en goguenard, ses punchlines, sa capacité à
avril dernier, on a voulu rencontrer son s’approprier « l’évidence » et le « bon
auteur. Quelques semaines plus tard, le sens » collent parfaitement au ton de la
rendez-vous est fixé au café Le Murat, station ? Sans doute un peu de tout ça.
brasserie très chic du 16e arrondisse- L’année prochaine, « L’After Foot »
ment de Paris à 800 mètres du Parc des fêtera ses 18 ans, et ensuite ? « Quand le
Princes et à deux pas du club de tennis foot des années 1980-1990 aura totale-
où le journaliste a l’habitude de taper la ment disparu de l’imaginaire collectif des
balle. « Je me suis fixé pour objectif d’être jeunes et que Platini sera aux oubliettes,
classé 15-1 à la fin d’année », confie-t-il, ce sera difficile pour nous », confes-
avant de rectifier : « Je vais l’être. » se-t-il. Dans cette sous-culture de
Quand on a sollicité Daniel Riolo, l’instant, « L’After » sera peut-être,
l’homme, qui a fêté ses 53 ans, a répon- bientôt, l’émission d’avant. ■
UN DERNIER MOT Par Étienne de Montety
edemontety@lefigaro.fr
Rectrice (rek-tri-s’) n. f.
Pourrait se voir décerner les palmes de l’académie la plus calamiteuse.
’ancienne rectrice de l’académie de Versailles a présenté ses excuses après
L des révélations concernant de graves dysfonctionnements de ses services.
Le mot vient du verbe latin regere qui signifie diriger. Comme son homologue
masculin le recteur, la rectrice dirige les services de l’Éducation nationale
dans une région. Et si tout n’est pas toujours carré dans un rectorat, à Versailles
ça ne tournait plus rond, jusque dans la façon d’arrondir les angles.
Après la polémique sur un courrier aux termes mal venus, la rectrice a été obligée
de s’expliquer. Et de rectifier.
On ne sait pas précisément la teneur de celui-ci. Était-il seulement écrit recto verso ?
On apprend que son ton trop direct et déplacé a heurté les parents qui ont eu
le sentiment d’être mal reçus. Sur les sujets de harcèlement, au rectorat, le meilleur
ton est le recto tono et la ligne à suivre la rectiligne : celle qui va droit au but.
En tout cas ladite rectrice s’est excusée. Recta ! Après des jours de silence
embarrassant, peut-on vraiment appeler cette réaction de la rectitude ? ■
FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ
Labro, l’Américain
La collection « Quarto » compte à son catalogue les
œuvres de Michel Déon, Patrick Modiano ou Régis
Debray. Et bientôt celles de l’écrivain et journaliste
JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO
Philippe Labro. Consacré à la part américaine
de l’auteur, le volume est publié à l’occasion
du 60e anniversaire de l’assassinat de J.F. Kennedy.
Soit un livre de plus de 1 000 pages, où on retrouve
quelques-uns de ses titres les plus fameux, dont
L’Étudiant étranger, ou On a tiré sur le président…
Depuis plus d’un demi-siècle, Philippe Labro
aborde en effet tous les thèmes de la politique,
de la littérature et de la société d’outre-Atlantique.
On retrouvera avec intérêt le parcours
biographique illustré de l’auteur, ainsi
qu’une préface inédite. Parution le 16 novembre.