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POLITIQUE

DE L’HABITAT :
D’UN ÂGE A UN AUTRE
Michel PREVOST

Aux lendemains de son indépendance, la Côte-d’Ivoire


affrontait deux défis en matière d’habitat : loger les
agents de 1’Etat qu’on s’employait à bâtir et faire face
aux conséquences d’une croissance urbaine (essentielle-
ment pour Abidjan, en ces années), dont tout indiquait
qu’elle serait forte.
Inversement, réalisée à Locodjro, une nouvelle zone
portuaire accompagnée d’une zone industrielle, aboutirait Population : 1930 : 2 millions 1960 : 3,8 millions
à se rapprocher de la ville : c’est d’abord pour la ville que Abidjan 1950 : 70 O00 h 1965 : 340 O00 h
cette opération est utile puisqu’elle permet de rééquilibrer
l’emploi moteur entre Nord et Sud (diminution du coût L’effort de la puissance publique fût considérable. En
des transports) et d’attirer au Banco une population diver-
1980, son intervention avait permis d’édifier le cinquième
sifiée, seul moyen d’en assurer la densification et d’amortir
les investissements réalisés. du parc de logements de l’agglomération abidjanaise.
Cette hypothèse sur l’évolution entre ville et port expli- La crise économique mondiale, qui frappe durement la
que également la difficulté à trouver une justification por- Côte-d’Ivoire a révélé l’inadaptation, pour ajourd’hui et
tuaire pour la zone industrielle de Locodjro, car il n’y a pour demain, de la politique du logement mise en oeuvre,
pratiquement plus de liens directs entre les entreprises non sans succès, au cours des deux décennies écoulées.
s’implantant en zone industrielle et le port, du fait de la Les autorités ivoiriennes sont, à présent, engagées dans
quasi-extinction de I’import-substitution. une profonde révision des objectifs et moyens de cette
Pour le port, faire aujourd’hui le choix de Locodjro politique.
c’est tenter de reprendre son ancien rôle vis-à-visde la ville, Ici, comme partout en Afrique, le défi du développe-
celui de catalyseur de l’emploi moteur : ce qui se justifiera ment doit aussi, sinon d’abord, être relevé sur le terrain
f- d’autant plus lorsque la capitale sera transférée à Yamous-
soukro, la fonction publique nationale ne sera plus là pour de la ville.
jouer ce rôle. Si cette voie est choisie, le port sera proba-
blement conduit à l’assumer jusqu’au bout en prenant en HORIZON 2010
charge non seulement des zones industrielles proches des Population : 1980 : 8,5 millions 2010 : 27 millions
Abidjan : 1980 : 1,6 million 2010 : 10 millions
quais, mais également des zones arrière-portuaires disper- Urbains/ruraux : 1980 : 40 % - 60 % 2010 : 74 % - 26 %
sées dans l’agglomération en commençant notamment par
le projet Garomar.
A plus long terme, le dialogue ville-port va être com- Un appareil de production
pliqué par l’introduction d’un troisième (( interlocuteur )>
de taille : le système de production pétrolière. On sent Si l’on comptait bien sur le dynamisme du secteur
d’ailleurs, dès aujourd’hui dans les conflits à propos de privé, on entendit confier à 1’État un rôle moteur pour le
l’affectation du cordon littoral à l’ouest du canal, s’esquis- financement et le développement de la construction
ser ce que pourront être ces relations le jour où la pro- sociale. A côté, le secteur (( informel B ne manquerait
duction pétrolière deviendra importante. La part de l’acti- pas de satisfaire de nombreux besoins.
vité portuaire liée au pétrole allant en s’accroissant, les
En 1963 et 1965 étaient fondées deux sociétés para-
responsables de ce secteur auront tendance à vouloir l’assu-
mer eux-mêmes en créant des zones de chargement et de publiques de promotion à vocation sociale. Ce fut
déchargement autonomes sans compter les zones d’abord la Société pour la gestion et le financement de
industrialo-pétrolières l’habitat (SOGEFIHA, société d’État).

o. R.S.T. O. M. Fonds Documentaira


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CITES AFRICAINES
AFRICAN CITIES

Ce fut ensuite, par la fusion de deux sociétés datant pleinement fondée, pouvait-elle être longtemps contour-
l’une de la période coloniale et l’autre des années 1960, la née ? Devait-on encore s’attendre à ce qu’elle fut limitée
création de la Société ivoirienne de construction et de aux seuls cadres supérieurs ?
gestion immobilière (SICOGI, société d’économie La nécessité, tout comme la volonté, d’engager sans
mixte). La Caisse centrale de coopération économique tarder le processus du développement, en donnant satis-
participe au capital de la SICOGI et lui apporte des con- faction aux cadres, conduisit 1’État à loger nombre de ses
cours à des conditions privilégiées. Pour assurer un agents, qualifiés pour la circonstance (( d’ayants-droit H
financement efficace des outils de production qu’on (médecins, enseignants, militaires et hauts responsables
venait de créer, était institué en 1968, l’Office pour le des services de 1’État). L’option fut cependant ouverte de
soutien de l’habitat économique (OSHE). Celui-ci était percevoir une indemnité, à charge pour l’ayant-droit de
chargé de gérer les ressources publiques consacrées au trouver un logement à sa convenance. Au résultat, la
secteur et alimentées principalement par une taxe sur les quasi totalité des intéressés devait préférer le logement
salaires. direct par 1’État.
En 1971, le dispositif était complété par la création de Le patrimoine public ne suffisant pas à tous les
la Société d’équipement des terrains urbains (SETU), besoins, les bénéficiaires de logements gratuits devenant
chargée de réaliser et coordonner les travaux de viabilisa- plus nombreux, 1’État en vint à bailler une partie de plus
tion et de desserte des terrains à bâtir. en plus considérable du parc de la SOGEFIHA et de la
Enfin, l’appareil de financement du secteur devait être SICOGI, mais encore un nombre grandissant de loge-
amélioré par la fusion de l’OSHE, en 1977, avec la Ban- ments privés.
que nationale pour l’épargne et le crédit (BNEC),
laquelle avait été fondée en 1975. Cet établissement se Par souci d’assurer l’accès au logement des familles à
voyait affecter la totalité des deniers publics réservés à la bas revenus, décision était prise en 1970 de diminuer,
construction. La BNEC se devait d’assurer le finance- puis bloquer, les loyers de l’habitat économique des
ment des sociétés para-publiques mais encore, de sociétés para-publiques.
manière générale, tous concours à la promotion de
l’habitat économique. Dans le système bancaire ivoirien,
la BNEC tenait seule la place d’une véritable banque
de l’habitat.
Un édifice lézardé dans la crise
Dans ce contexte, les sociétés para-publiques ont pu
construire jusqu’à 72 O00 logements, au total. Au plus 1975 : la Caisse centrale de coopération économi-
fort de son activité la seule SICOGI était parvenue à met- que, bien que toujours actionnaire de la SICOGI, décide
tre en chantier 5 O00 logements l’an. de ne plus apporter de concours privilégiés, partout en
Afrique, dans le domaine de l’habitat. Ceci entamera
quelque peu les activités de la société. Fort heureuse-
ment, la BNEC créée à cette même date et gérant les
Une politique du logement fonds publics affectés au secteur pourra prendre le relais..

La puissance coloniale avait instauré un droit au loge- 1976 : la situation financière de la SOGEFIHA justi-
ment gratuit pour tous les agents de l’administration. La fie qu’on dresse un diagnostic, qui aboutit, en 1977, à un
Côte-d’Ivoire héritait de cet usage. Allait-on revenir sur plan de redressement, passant notamment par la révision
cet avantage, au moment où 1’État indépendant était de la politique des loyers. Le dispositif convenu ne put
dans la nécessité de susciter des vocations pour son ser- être mise en œuvre ;
vice et s’employait à retenir au pays l’élite de ces fils ? 1979 : instruction est donnée à la SOGEFIHA de ne
Force était aussi de prendre acte de ce que l’accès au cré- plus entreprendre de nouveaux programmes ;
dit immobilier était encore hors de portée du plus grand 0 1980 : la BNEC est dessaisie de la gestion des res-

nombre des fonctionnaires. sources publiques réservées au secteur habitat. Désor-


Enfin, la Côte-d’Ivoire s’était engagée à loger gratuite- mais, ces deniers réintègrent le budget de 1’État. I1 n’y a
ment les expatriés employés dans son administration. plus de (( ressources affectées B au soutien de la politique
Ceci devait beaucoup peser par la suite. De quelques cen- de l’habitat, sinon une ligne appelée Fonds de soutien à
taines dans les années 1960, les expatries vinrent par mil- l’habitat (FSH), dont le crédit varie selon la conjoncture.
liers. Bien naturellement, les cadres nationaux seraient
conduits à demander un droit égal à celui accordé à leurs Les premières lézardes de l’édifice mis en place apparu-
collègues étrangers. I$nt peu avant que les effets de la crise économique mon-
Une telle pression, justement compréhensible, voire diale ne pèsent de plus en plus sur le pays. Les décisions

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Modes d’habiter à Abidjan

p d u c t i o n des sociétés para-publiques (3019-1983) Importance de la location (I984)


SOGEFIHA : 36 O00 logements, dont 74 % a Abidjan, 7 % dans les vil-
les de l’intérieur et 19 % en zones rurales Type Résidentiel imS$Aéiére Spontané

SOCOGI : 35 730 logements, dont 95 % a Abidjan et le solde dans


les villes de l’intérieur % de locataires 87 % 71 % 85 % 65 %

L’activité de la SOGEFIHA en zones rurales était conforme aux instructions


qui lui avaient été données, a sa création.
Taux d’effort consacré au logement par type d’habita
(I984)
[Leparc (1984) moyen et
I type d’habitat évoiutif économique bon standing
societe
Type d’habitat Résidentiel Evolutif Spontané
immobilibre % duR 17 % 14 % 16 %

% du parc 10 % 15 % 50 % 25 % Loyer mensuel moyen/revenu mensuel moyen des catégories socio-


professionnelles distribuées dans ces types d’habitat.
% de la popula- Taux d’effort consacré au logement par catégorie professionnelle
tion 7% 20 % 48 % 25 % Employés sans qualification : 13,75 % du RMm
Employés qualifiés : 13,07 % du RMm
* L’identification (( société immobilière )) correspond aux productions des Cadres : 11,30 % du RMm
sociétés para-publiques et privées. Si en 1980, le parc des sociétés para-
publiques comptait pour 20 % des logements de l’agglomération, il en repré- On rappellera, pour mémoire que le standard international en matière de
(( ))
sente ajourd’hui un peu moins de 15 % ; ceci en raison de l’arrêt quasi totale politique de l’habitat porte A. 25 %,en moyenne du revenu le taux d’effort
de la production des sociétés et de la croissance du parc liéà celle de la popu- des ménages.
lation urbaine. A noter que le parc de bon et moyen standing représente 39 %
du patrimoine abidjanais de la SOGEFIHA et 27 % de celui de la SICOGI.

In istribution de la population dans le parc (1984)


csp Cadres Employés Employés sans
travaux publics (BTP) s’effondraient pour tomber en
1980 à la moitié de ce qu’ils Ctaient en 1977. Alors,
qu’entre 1975 et 1978 ce secteur avait progressé (25 Yo
qualifiés qualification l’an, en moyenne) trois fois plus vite que l’ensemble de
l’économie, il était conduit à réduire de moitié ses effec-
RMm : 8 fois RMm : 3 fois RMm : 1 a 2 tifs entre 1980-1982. Au cours du troisième trimestre
Type d‘habitat le Smig le Smig fois le Smig 1981, le nombre de logements mis en chantier n’était que
de 620. Enfin, les engagements pris avant 1980 aboutis-
1 Logement économique 63 % 22 % 6%
Moyen et bon standing 11 % 2% 0% saient à un processus d’endettement extérieur grandis-
1 Résidentiel 10 % O O sant.
Evolutif, spontané et tra- La crise venait de révéler la fragilité du système : aux
ditionnel 16 % 76 % 94 %
difficultés financières des sociétés - (de la SOGEFIHA,
(100 %) (100 %) (100 %) surtout) - liées en particulier à la politique des loyers,
correspondait aussi une inadaptation des mécanismes de
RMm : Revenu mensuel moyen
CSP : catégories socio-professionnelles financement après 1980. Les ressources à long terme à
des coûts acceptables pour une politique sociale de
l’habitat, se faisaient de plus en plus rares, jusqu’à deve-
de 1979 et 1980, qui entérinaient déjà la fiñ d’une épo- nir inexistants. Le blocage de l’appareil, conjugué à celui
que, tosmbèrent aux moments où la situation économique de l’économie générale allait engendrer un effondrement
s e dégradait profondément. Les cours du café et du dramatique de la construction, au cours des années 1980-
cacao connaissaient une grave dépression, privant la 1984.
Côte-d’Ivoire de la plus substantielle de ses ressources.
La capacité de l’épargne nationale, qui avait pu financer Une nouvelle Dolitiaue de l’habitat
une très grande partie des investissements dans les années
1975, ne concourait plus en 1977 qu’à 53 Yo de ceux-ci, 0 1981 : lancement du Plan quinquennal 1981-1985.

pour tomber, en 1980, à 38 Yo des besoins. Les crédits à Le document prend acte de ce que la politique antérieure
moyen et long terme accordés au secteur bâtiment- n’est plus de circonstance.
CITÉS AFRICAINES
AFRICAN CITIES

tt Au-delà de la seule politique de l’habitat social, Une transformation des règles du jeu
c’est bien la mise en place d’une politique globale
qui est en cause D . L’ampleur de la réforme ainsi engagée aboutira à un
Plan 1981-1985, bouleversement considérable du paysage économique de
tome 2, volume 2, page 725. l’habitat. Mais, nul ne peut songer que la situation pré-
sente puisse être rapidement retournée par quelques
Novembre 1982, le président de la République pro- mesures régaliènnes. I1 y aura des étapes, selon un proce-
nonce une allocution radio-télévisée, à l’occasion de la sus qu’il faut concevoir. Par où, et alors comment, enta-
Journée mondiale de l’urbanisme. I1 confirme la néces- mer les règles présentes pour mettre en mouvement le
sité de réviser la politique du secteur. système actuel ? Ceci renvoie à l’examen des mécanismes
réels qui ont créé l’habitat d’aujourd’hui.
a La mise en cause de nombreuses pratiques de la L’intervention de 1’État a permis aux sociétés para-
première période de notre indépendance tient autant publiques de produire un parc composé aux deux tiers de
au changement d’échelle de notre économie qu ’à la logements économiques ;le solde étant de l’habitat inter-
conjoncture ; c’est la combinaison des deux que médiaire. Aujourd’hui, ce parc représente un peu moins
nous devons surmonter. Par ailleurs, les critiques de 15 “o des logements.
qui ont été faites aux mécanismes en place jusqu ’en Dans la nécessité de satisfaire au plus vite les besoins
I980 demeurent et, en outre, avec 1ӎvolutionnatio- les plus pressants et compte tenu des ressources disponi-
nale, les problèmes à résoudre, aujourd’hui et dans bles aux lendemains de l’Indépendance, on avait choisi
les dix années à venir, ne sont pas ceux des années de privilégier le logement économique, fortement sou-
1970... Le contexte économique actuel nous oblige à tenu par 1’État. Cette option de première urgence sacri-
reconsidérer les politiques conduites antérieurement fiait, au moins dans l’immédiat, la production d’un habi-
et à réorienter 1’intervention financière de IY?tat B tat intermédiaire de bas et moyen standing. Faute qu’on
ait, en cours de route, réaménagé la priorité initiale en
Janvier 1983 : révision radicale de la politique du faveur de cet habitat, il s’est produit une pression de plus
logement des agents de 1’État. Désormais seuls les (< per- en plus forte sur le logement économique des sociétés
sonnels en tenue >) bénéficient de la gratuité. Une liste para-publiques. L’effondrement de la production, au
limitative précise quels fonctionnaires ont droit à une cours du quinquennat qui s’achève (1981-1985), n’a pu
indemnité de logement. Ceux d’entre-eux qui sont logés qu’ajouter au phénomène. La SICOGI n’aura produit au
dans le patrimoine public ou baillé par l’État verront leur cours de la période que quelques 1 O00 logements, cepen-
indemnité prélevée sur leur solde et acquitteront, en sus, dant qu’une part importante du FSH était consacrée au
une redevance proportionnelle à leur grade. soutien financier de la SOGEFIHA. Mais encore, les très
sévères restrictions bancaires au financement de l’habitat
0 31 mai 1983 : le gouvernement adopte une (t Décla- des familles à revenus très supérieurs à la moyenne ont
ration de politique économique >) liée au second prêt abouti à porter plus haut l’origine des tënsions qui s’exer-
d’ajustement structurel accordé par la Banque mondiale cent sur le logement économique.
à la Côte d’Ivoire. Au nombre des engagements ainsi pris Les promoteurs privés se sont orientés vers la pro-
figurent les orientations de la réforme de la politique de duction de haut standing, correspondant aux finance-
l’habitat. ments qu’ils obtenaient et inspirés qu’ils étaient par
Le bout du chemin est clairement indiqué. I1 s’agit de l’objectif économique d’une forte rentabilité. Ont-ils
désengager peu à peu 1’État jusqu’à la limite de sa voca- trouvé dans le système qui prévalait des raisons de
tion essentielle qui est d’orienter et inciter. Dans l’immé- s’employer dans le logement intermédiaire et, a fortiori,
diat, il importe d’assainir la situation des sociétés para- économique ?
publiques. Ceci doit passer en particulier par une Les investisseurs particuliers ont, selon leurs capacités,
réforme de la politique des loyers. C’est une nécessité investi dans l’habitat évolutif et ponctuellement dans
pour libérer les finances publiques en faveur d’une l’intermédiaire. Ne disposant pas d’une capacité substan-
relance que l’effondrement de la production impose, tielle d’autofinancement et de facilités pour accéder .au
mais encore et surtout que la réalité économique du mar- crédit bancaire (mais les règles de celui-ci étaient-elles
ché immobilier commande. On créera des mécanismes de adaptées à cette clientèle ?), ils ne pouvaient s’engager
financement à long terme, fondés sur une mobilisation sur le marché du logement économique du type société
grandissante de I’épargne privée de manière à couvrir para-publique. Leur démarche correspondait moins à
sinon la totalité, du moins la plus grande partie du une stratégie d’investissement à terme qu’à celle de trou-
champ de l’habitat. ver, peu à peu, des revenus complémentaires grandis-

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sants. Au demeurant, en raison des loyers pratiqués par tion des concours de 1’État auprès des secteurs stratégi-
les sociétés para-publiques et des aides dont elles bénéfi- ques que nous venons d’identifier.
ciaient, l’évolutif, produit du tâcheronnage, s’est trouvé Les deniers publics étant fort comptés en cette période
en concurrence avec une partie de l’économique des de crise et lourdement grevés, dans le domaine de l’habi-
sociétés. tat par la situation de la SOGEFIHA, 1’État devra faire
Au résultat, la distribution du parc et son occupation appel momentanément à des ressources extérieures.
révèlent que l’habitat économique fait défaut, cependant Le paysage économique de l’habitat ne changera pas
que ses règles d’amortissement sont entravées par la poli- du tout au tout du jour au lendemain. La ville conservera
tique des loyers, et qu’il est à l’usage d’une majorité de quelque temps encore le visage de ses vingt-cinq ans. Le
cadres moyens. Ceux-ci n’ont pas trouvé de logements tâcheron continuera longtemps à monter, au fil des mois,
intermédiaires de moyen standing, ce parc étant très les murs de parpaings qui sont le lingot du G pauvre D.
insuffisant. Des mécanismes de péréquation fondés sur les bases du
La seule importance du phénomène locatif indique nouveau système devront être inventés pour des finance-
assez qu’il engendre, à coup sûr, des revenus considéra- ,merits adaptés aux familles à bas revenus. Mais, déjà on
bles. Comme hier, ceux-ci sont en partie réinvestis dans aura commencé à relever le défi du développement
l’évolutif, puisque les mécanismes actuels conduisent à urbain dans la crise et préparer les chemins d’un nouvel
cela. âge de la politique d’habitat I

Une mobilisation et réorientation


des ressources

Si la contribution de 1’8tat à la production de la ville a


été considdrable, tout démontre aussi que celle du privé le L’URBANISATION ET
fut également. Après tout, celui-ci a bâti plus des trois
quarts d’Abidjan ; de ses quartiers résidentiels à ses
zones insalubres.
LES DROITS
De toute évidence, il a bien existé une capacité natio-
nale d’épargne qui s’est investie dans l’immobilier. Celle-
COUTU MIERS
ci s’est tournée, selon la raison économique, vers les cré-
neaux habitat que le système offrait à chaque acteur. Pierre-Claver KOBO
Aussi, la question qui est aujourd’hui posée est moins
de trouver des ressources (il y a des revenus locatifs, entre
autres) que de capter l’épargne potentielle, la transfor- Parmi les problèmes auxquels se trouvent confrontés
mer et l’orienter vers les créneaux d’habitat qui font les aménageurs urbains lorsqu’ils doivent agrandir le
défaut. périmètre urbain, viabiliser de nouveaux espaces, l’un
Du point de vue de l’investisseur, il s’agit de rendre des plus délicats à résoudre est, sans conteste, la (( bar-
attractif des secteurs. La libération de la politique de rière )) foncière constituée par les terrains détenus coutu-
loyers pratiqués par les sociétés para-publiques, qui avait mièrement. Le fait est que, nulle part en Afrique noire, la
faussé les rapports entre l’économique et l’évolutif, est domanialisation, la nationalisation ou l’immatriculation
une première réponse. La rareté des crédits bancaires fait ne sont parvenues à faire disparaître les modes de tenure
que les temps sont révolus d’une forte rentabilité à court foncière coutumière. Leur vitalité est telle que les ignorer
terme sur l’habitat haut de gamme. Et le départ massif au nom de la stricte légalité, c’est bien souvent se con-
des expatriés a détendu ce marché. De sorte que l’épar- damner à l’échec ou allumer des révoltes populaires. Ces
gne potentielle doit pouvoir trouver à mieux s’employer, perspectives ont conduit les pouvoirs publics urbains
si elle trouve en face des mécanismes de financements dans la quasi totalité des États africains, à mettre au
longs. point des procédés originaux pour s’assurer la maîtrise
L’équilibre des forces, qui résultent de l’ancien effective des possessions foncières coutumières nécessai-
système, peut être ainsi rompu par la révision de la politi- res à l’urbanisation.
que des loyers et le réaménagement des règles de finance- I1 en va ainsi en Côte-d’Ivoire et particulièrement à
ment appliquées à l’habitat économique et intermédiaire. Abidjan avec l’opération dite (( purge des droits coutu-
I1 reste à donner l’impulsion nécessaire à l’ébranlement miers B. Celle-ci vise à l’extinction des droits sur le sol
de la situation actuelle. Cela doit provenir d’une action des détenteurs coutumiers par suite du versement
de relance, soutenue par le redéploiement et la modula- d’indemnités compensatrices par la puissance publique.

O. R. S.T. O. M. Fcnds Documixtaire


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