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- version préliminaire -
2
ECONOMIE DES EQUIPEMENTS
POUR L'EAU ET L'ENVIRONNEMENT
Coordinateur:
Jean-Philippe Terreaux
Cemagref
UR Irrigation
Groupement de Montpellier
361,rue Jean-François – BP 5095
34196 Montpellier Cedex 5
Tél.04 67 04 63 00 – Fax 04 67 63 57 95
jean-philippe.terreaux@cemagref.fr
3
Economie des équipements pour l’eau et l’environnement,
Coordinateur : Jean-Philippe Terreaux, 2005, version préliminaire, Cemagref, 203 pages
4
Le Cemagref, au cœur du dispositif de recherche et d'expertise en environnement,
est un organisme national ancré sur des partenariats territoriaux et bien inséré dans
l'espace européen. Il mène des recherches finalisées sur des enjeux identifiés ou
émergents liés au développement durable, après les avoir traduitsen questions
scientifiques et en objets de recherche La complexité des enjeux et des phénomènes
impose l'excellence scientifique pour développer et intégrer des connaissances
relevant de plusieurs disciplines.
5
Résumé
Cet ouvrage propose une approche inédite pour la résolution de problèmes relatifs à
l’économie des équipements pour l’eau et l’environnement, fondée sur les outils d’analyse
utilisés en économie et en sociologie.
Les trois premiers chapitres abordent la question de l’augmentation du prix de l’eau potable,
les différents instruments économiques envisageables pour la gestion de l’eau (potable ou
d’irrigation), puis l’évaluation des multiples coûts de renouvellement des réseaux d’eau,
notamment en milieu urbain. Les deux chapitres suivants portent sur la définition et le calcul
du coût de l’eau d’irrigation et sur la durabilité des équipements. Les chapitres six à neuf
traitent de l’évaluation économique et du coût environnemental d’un équipement public, ici en
l’occurrence celui d’un centre de stockage des déchets ménagers, au travers de la gestion
des conflits, des échelles d’organisation et de la modernisation des financements. Enfin, le
chapitre dix aborde l'exemple plus complexe de la gestion des pollutions diffuses induites par
les activités agricoles, quand elles altèrent fortement la qualité des eaux. Différents moyens
de lutte ainsi que les modalités de mise en place de mécanismes réellement incitatifs pour
enrayer ces pollutions sont présentés.
Summary
This book presents a new approach for the resolution of problems related to the economics of
water and environement equipments, based on the analytical tools used in economics and
sociology.
The first three chapters deal with the increase of drinking water price, the different economic
tools which may be used for drinking or irrigation water management, the assessement of the
different costs for operation, maintenance and replacement of water networks, especially in
urban areas. The next two chapters aim at defining and assessing the irrigation water costs
and the equipment sustainability. Chapter six to nine deal with the economical estimation of
the environmental cost of a public infrastructure - applied to municipal solid waste dumps -
taking into account issues such as organisation scales, modernization and updating of the
financial plans and methods for conflict management. Chapter ten deals with the reduction of
water diffuse pollution due to agricultural activities. Incentive mechanisms to reduce this
pollution are presented from both practical and theoretical viewpoints.
This book does not require any prerequisite knowledge. It is intended to all persons directly or
indirectly involved in the management of equipments for water and environment: decision-
makers, technicians and engineers working for the State services or local authorities,
consulting and design engineer departments, research and development institutes.
6
Sommaire
Présentation de l'ouvrage
Jean-Philippe Terreaux
Chapitre 1: Le prix de l'eau potable en France dans les années 1990: principaux enseignements
Marielle Montginoul, Olivier Alexandre
Chapitre 3: Renouvellement des réseaux d’eau potable : Quels coûts prendre en compte et comment les
évaluer?
Caty Werey, Jean-Luc Janel, Eugène Weber
Chapitre 5: Durabilité des équipements d'irrigation : nature de leur propriété et politiques publiques
Sébastien Loubier
Chapitre 7: L’implantation conflictuelle des équipements collectifs: Réflexions à partir de la gestion des
déchets
Rémi Barbier
Chapitre 8: L'évolution vers des territoires pertinents pour la gestion des déchets ménagers : influence
des lois sur les pratiques
André Le Bozec
Chapitre 9: La modernisation du financement du service des déchets ménagers par l'introduction d'une
redevance incitative au tri des emballages
Etienne Pierron, André Le Bozec
Chapitre 10: Restauration de la qualité des eaux de surface : comparaison de mécanismes incitatifs
Nadine Turpin , Philippe Bontems , Gilles Rotillon
7
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Présentation de l'ouvrage
Jean-Philippe Terreaux
Chapitre 1: Le prix de l'eau potable en France dasn les années 1990: principaux enseignements
Marielle Montginoul, Olivier Alexandre
1. Introduction
2. Une forte hausse du prix moyen au cours des années 1990
2.1. Une forte augmentation pour répondre aux normes
2.2. Vers une homogénéisation des prix pratiqués?
3. La structure tarifaire: du forfait au volume?
3.1. Avant 1992: une tarification essentiellement forfaitaire
3.2. La loi sur l'eau de 1992 et la tarification binôme
3.3. Vers une tarification uniquement au volume?
3.4. Conclusion sur les modes de tarification
4. Le prix: un facteur explicatif limité de la consommation d'eau potable
4.1. Une sensibilité au prix faible mais en progression
4.2. Le prix de l'eau: un des facteurs explicatifs du niveau de consommation
4.3. Les raisons de la baisse de la consommation en eau potable des années 90: le prix de
l'eau et d'autres facteurs
5. Conclusion: quel prix de l'eau demain?
5.1. La poursuite de la mise en conformité avec d'anciens textes
5.2. L'application de nouvelles normes plus sévères
5.3. La mise au jour de nouvelles sources de pollution non encore quantifiées
5.4. Le financement du renouvellement des réseaux de distribution d’eau potable.
Références bibliographiques
Chapitre 3: Renouvellement des réseaux d’eau potable : Quels coûts prendre en compte et comment les
évaluer?
Caty Werey, Jean-Luc Janel, Eugène Weber
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Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Chapitre 5: Durabilité des équipements d'irrigation : nature de leur propriété et politiques publiques
Sébastien Loubier
1. Contexte et problématique
2. L'irrigation et les politiques publiques en France
2.1. Place de l'irrigation en France
2.2. Les politiques publiques
2.3. Une nécessaire intervention publique: Détermination d'un taux minimal de subvention
des investissements initiaux
3. Nature de la propriété des équipements d'irrigation et horizon temporel des gestionnaires
3.1. Des droits de propriété des agents…
3.2. …à la propension à gérer les équipements à court terme
4. La maintenance et le renouvellement des équipements gérés par les ASA
4.1. Définitions
4.2. Les stratégies de gestion des ASA
5. Soutien public, maintenance et renouvellement
5.1. Incidence du soutien public initial sur le choix et le dimensionnement des
équipements: une zone d'arbitrage économique élargie
5.2. Incidence du soutien public escompté pour le renouvellement
9
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
1. Introduction
2. Méthodologies d'évaluation des externalités environnementales
3. Les applications aux décharges d’ordures ménagères : état de l’art et synthèse
4. Conclusion
Références bibliographiques
Chapitre 7: L’implantation conflictuelle des équipements collectifs. Réflexions à partir de la gestion des
déchets
Rémi Barbier
Chapitre 8: L'évolution vers des territoires pertinents pour la gestion des déchets ménagers : influence
des lois sur les pratiques
André Le Bozec
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Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Chapitre 9: La modernisation du financement du service des déchets ménagers par l'introduction d'une
redevance incitative au tri des emballages.
Etienne Pierron, André Le Bozec
Chapitre 10: Restauration de la qualité des eaux de surface : comparaison de mécanismes incitatifs
Nadine Turpin , Philippe Bontems , Gilles Rotillon
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Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Présentation de l'ouvrage
Jean-Philippe Terreaux
Cet ouvrage, que nous allons présenter plus en détail, aborde ainsi dans les trois
premiers chapitres le problème de l'augmentation du prix de l'eau potable (de combien,
pourquoi, comment, que nous réserve l'avenir?), les différents instruments économiques
envisageables pour la gestion de l'eau (potable ou d'irrigation), puis l'évaluation des multiples
coûts de renouvellement des réseaux d'eau, notamment en milieu urbain. Les deux chapitres
suivants, appliqués ici à l'eau d'irrigation, mais dont les résultats concernent bien d'autres
secteurs d'activités économiques, portent sur la définition et le calcul du coût de l'eau
d'irrigation, et sur la durabilité des équipements dans ce domaine.
12
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Enfin, dans une dernière partie, nous abordons un exemple plus complexe de gestion
des pollutions, celles diffuses induites par les activités agricoles, qui altèrent fortement la
qualité des eaux (et en particulier de ce fait imposent des traitements de potabilisation), dans le
but de mettre en place des mécanismes socialement acceptables et réellement incitatifs à une
amélioration de l'environnement.
Marielle Montginoul, au chapitre deux, nous décrit de manière générale les trois
principaux instruments économiques utilisés pour gérer la ressource en eau : le quota, la
tarification et le marché de l’eau. Le premier consiste à attribuer à chacun des utilisateurs une
quantité d'eau (un quota) de manière arbitraire, le deuxième à faire payer un prix qui augmente
avec le volume consommé, le troisième à permettre une réallocation de l'eau après qu'il y a eu
une première appropriation privée. Il est clair que cela s'applique à d'autres biens pour lesquels
il faut répartir au mieux une pénurie. Le choix d'un instrument dépend du niveau de rareté de
la ressource, de l’évolution de l’offre et de la demande, de la sensibilité au prix de la demande
mais aussi du coût de mise en place de ces instruments et notamment des informations
requises. Il est parfois de l'intérêt du gestionnaire de combiner ces différentes méthodes :
Marielle Montginoul nous donne ainsi l'exemple d'une combinaison des trois instruments
permettant d'obtenir un équilibre budgétaire satisfaisant pour le gestionnaire (par le biais d'une
tarification adaptée), de respecter un objectif d'équité (par l'attribution de quotas), et enfin de
tendre vers une meilleure efficience économique (à travers le recours à un marché de l'eau).
Caty Werey, Jean-Luc Janel et Eugène Weber abordent dans le chapitre trois le
problème du renouvellement des réseaux d'eau potable, et la mise en place des outils d'aide à
la décision nécessaires pour planifier les travaux, en particulier sur le plan budgétaire. Cela
nécessite entre autres d'évaluer les coûts directs, à l'échelle de la conduite puis du réseau, d'une
défaillance et d'une réparation, et les coûts sociaux liés à la rupture d'approvisionnement, sans
oublier les dommages aux tiers ou la gêne à la circulation.
13
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Sébastien Loubier poursuit dans le chapitre cinq par une étude de la durabilité des
équipements d'irrigation. Il nous présente tout d'abord quelle est la politique française en
matière d'irrigation, qu'il resitue dans un contexte international. Il nous montre en particulier
pourquoi une intervention publique est nécessaire. Cependant la nature de la propriété des
équipements d'irrigation (en particulier les différents droits de propriété des agents
économiques) n'est pas sans influence sur la propension à les gérer uniquement à court terme.
Différentes stratégies de gestion peuvent être envisagées, en tenant compte du fait qu'il y a le
plus souvent un arbitrage à faire entre maintenance et renouvellement si l'on veut éviter la
défaillance des équipements. De ce fait, le soutien public, tel qu'il est pratiqué actuellement, a
un impact élevé sur le choix et le dimensionnement des équipements. Ainsi le gestionnaire
peut adopter un comportement stratégique en terme de maintenance et être incité à négliger la
maintenance préventive, quitte par exemple à devoir procéder plus tôt au renouvellement des
équipements. L'actualisation, c'est à dire la préférence pour le présent, joue ici aussi un rôle
important. Différentes solutions d'amélioration du système en place sont alors proposées.
Les effets indirects non marchands doivent être de mieux en mieux intégrés lors de
l'implantation d'équipements publics. Jacques Méry montre dans le chapitre six comment ces
effets peuvent être mesurés dans le cas des décharges d'ordures ménagères. Après nous avoir
montré l'importance du choix du taux d'actualisation pour mieux prendre en compte le facteur
temps, il passe en revue les impacts d'une décharge, impacts globaux, comme l'effet de serre,
ou locaux comme les fuites de biogaz ou de lixiviat, le trafic routier induit, les pertes de bien-
être des riverains, mais aussi des effets positifs, comme la récupération éventuelle de biogaz à
des fins énergétiques. Il dégage ainsi quelques ordres de grandeur, et montre surtout qu'un
point faible de toute estimation est l'ensemble des incertitudes qui pèsent sur différents plans,
en particulier sur la pérennité des dispositifs d'étanchéité.
Les choix, supposés rationnels, sont de ce fait particulièrement difficiles, même dans
l'hypothèse où le décideur ne cherche que l'intérêt général. Mais que se passe-t-il lorsque
certains acteurs parviennent à brouiller ces repères de rationalité et cette notion d'intérêt
général, par exemple quand des opposants ou des militants veulent redéfinir ces termes ou
mettre en avant certaines incertitudes scientifiques? Rémi Barbier aborde ce problème dans le
chapitre sept et montre comment il est possible de proposer une autre légitimité aux
décisions, en donnant un nouveau contenu à ces concepts. Dans un premier temps il clarifie les
enjeux, souvent obscurs, de très nombreux conflits, et les motifs d'engagement de la plupart
14
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
des partenaires. Ensuite il présente les méthodes les plus fréquemment observées qui
permettent de contester un projet, ou de lancer des controverses publiques remettant en cause
les fondements, le contexte ou les objectifs du projet. Face à cela différents moyens sont
envisageables pour éviter un blocage : tout d'abord une conception négociée du projet, puis un
suivi partagé des nuisances de l'équipement (commissions locales d'information et de
surveillances par exemple) le tout dans le respect mutuel et le sens de la "juste mesure". Le
succès de telles démarches dépend de détails très concrets, fondés sur l'établissement d'un
contrat clair, si possible piloté par une personne bénéficiant localement d'un fort capital de
confiance.
15
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
pollutions diffuses d'origine agricole. Après avoir fait un état des lieux, analysé la place de ces
pollutions parmi les préoccupations des français, et après avoir rappelé les différents textes
réglementaires en vigueur, ces auteurs nous présentent sur le plan théorique les différents
moyens de lutte possibles, et comment en pratique un mécanisme incitatif à la réduction des
pollutions peut être construit. En fait plusieurs politiques sont possibles, avec des résultats
différents en terme d'efficacité globale, d'équité entre les agriculteurs, de réduction de la
pollution, de coûts pour les éleveurs selon les caractéristiques de leur exeploitation (taille,
production à l'hectare etc.).
Ces travaux ont tous été initiés dans le cadre du "thème mobilisateur" « Economie des
Equipements » du département « Equipements pour l'Eau et l'Environnement » du Cemagref,
entre 1997 et 2000, thème mobilisateur mis en place par Rémi Pochat. L'objectif était de faire
travailler ensemble les chercheurs en SHS (les sciences humaines et sociales) du département ,
ou au moins faciliter à ce niveau la communication et l'échange d'idées. Ces différents travaux
ont en fait permis d'initier de véritables recherches en ce domaine, qui ont conduit à apporter
des réponses aux décideurs publics et privés, notamment dans le cadre de contrats de
recherches et d'études ultérieurs. Que Rémi Pochat en soit ici remercié.
16
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Chapitre 1¤
*
Cemagref, Unité de Recherche Irrigation,
361 rue JF Breton, BP 5095, 34196 Montpellier Cedex 5
marielle.montginoul@cemagref.fr
**
DDAF, 45 bd Marcellin Berthelot 13200 Arles
olivier.alexandre@agriculture.gouv.fr
1. Introduction
1
Organisation de Coopération et de Développement Economiques
17
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
couvrir les coûts d’opportunité des services de l’eau : les coûts d’investissement,
d’exploitation, de maintenance ainsi que les coûts environnementaux’ (OCDE, 1989). En
1997, l’assemblée générale des Nations Unies va plus loin : non seulement il faut que « l’eau
paie l’eau » mais il faut aussi que les usagers soient incités à économiser l’eau : la tarification
doit donc servir non seulement à couvrir les coûts de l’eau mais aussi à allouer la ressource de
manière efficiente (United Nations, 1997). Cette tendance est confortée par la Directive Cadre
du l’Eau votée par le Parlement Européen en 1999 : son article 9 stipule que les "Etats
membres veillent, d’ici à 2010, à ce que la politique de tarification de l’eau incite les usagers à
utiliser les ressources de façon efficace et contribue ainsi à la réalisation des objectifs
environnementaux..."
Cette évolution explique la forte hausse du prix de l’eau potable des années 1990
(section 2) et le changement de structure tarifaire (section 3). Cette augmentation a été l’un
des facteurs explicatifs de la baisse de la consommation d’eau observée durant cette décennie
(section 4).
Historiquement, la première hausse brutale du prix de l’eau s’est produite vers 1971
pour incorporer la taxe d’assainissement (accroissement de 30 à 40% du prix) (Valiron, 1991).
Après une accalmie d’une vingtaine d’année durant laquelle ce prix1 a connu une progression
plus faible que le niveau général des prix, il a très fortement augmenté (cf. figure 1)2 : entre
1991 et 2000, il s’est accru de 70% en euros courants, passant de 1,56 à 2,65 €/m3, et de 48%
en euros constants. Le rythme de progression s’est toutefois ralenti : très fort au début des
années 90 (+ 11% par an), il tend maintenant vers le taux de croissance du niveau général des
prix (+ 1,7% entre 1999 et 2000 contre 1,6% pour l’inflation). Cette forte augmentation est
due principalement aux nouvelles normes imposées par la loi sur l’eau de 1992 et les
différentes directives européennes sur la gestion de l’eau.
La mise en œuvre de trois objectifs fixés par la loi sur l’eau de 1992 a conduit à une
augmentation significative du prix de l’eau :
1
Le prix de l’eau potable est en fait un prix moyen de l’eau établi à partir du calcul d’une facture type pour une
consommation de référence définie par l’INSEE à 120 m3.
2
Il est important de préciser la source sur laquelle l’analyse porte : sauf mentions contraires, les chiffres présentés
ci-après proviennent des études réalisées chaque année (entre 1991 et 2000) par la DGCCRF (Direction Générale
de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) auprès d’un échantillon de 738 communes
réparties sur l’ensemble du territoire français et représentant, en 1999, 23 millions d’habitants. Notons que cet
échantillon sur-représente les grandes communes et sous-représente les communes rurales. A partir de ces chiffres,
nous avons procédé, dans la majorité des cas, à une comparaison des situations en « euros constants 2001 », pour
éliminer le facteur inflation.
18
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Pour inciter les consommateurs à économiser l’eau, le forfait qui était l’un des moyens les plus
usités pour faire payer l’eau jusque dans les années 90 (cf. section 3) a été interdit par la loi
sur l’eau du 4 janvier 1992 dans son article 13. Elle préconise la mise en place d’une
tarification proportionnelle aux mètres cube d’eau consommés voire d’une tarification binôme
pour les abonnés1. Une dérogation est prévue exceptionnellement si « la ressource en eau est
naturellement abondante et si le nombre d’usagers raccordés au réseau est suffisamment
faible, ou si la commune connaît habituellement de fortes variations de population ».
80%
70%
60%
50%
Facture totale
40%
30%
Eau distribuée
20%
10%
0%
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000
(euros constants)
350
euros
Facture totale
300
250
200
Assainissement
150
Eau potable
100
50
0
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000
(euros courants)
Figure 1 : Evolution de la facture d’eau entre 1991 et 2000 (DGCCRF, 2001)
2.1.2. Pour que l’eau paie l’eau, une obligation d’équilibre budgétaire.
Jusqu’en 1992, il n’y avait aucune obligation d’équilibre budgétaire pour le service
rendu par la distribution de l’eau et par la collecte des eaux usées. Cela a conduit la plupart des
communes qui géraient l’eau en régie à ne pas différencier le coût de l’eau des autres charges
qu’elle supportait. La base du calcul du prix de l’eau pouvait alors être surprenante : ainsi, à
Nevers jusqu’en 1910, le prix payé pour l’eau potable ne dépend pas du coût réellement
supporté mais du prix du loyer (Goubert, 1986).
1
L’abonné est la personne qui reçoit la facture d’eau. Il peut être un ménage ou un « groupe de
ménages » dans le cas, par exemple, d’immeubles où l’abonné peut être unique (le syndic).
19
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
C’est pourquoi, pour que l’eau paie l’eau et uniquement l’eau, l’instruction comptable
M49 du 10 novembre 1992 oblige de son côté l’équilibre du budget des services des eaux des
communes. Un budget « eau » annexe au budget de la commune doit être créé.
2.1.3. Pour que l’eau soit restituée au milieu dans le meilleur état possible, une obligation
d’assainissement.
La Directive Européenne sur le traitement des eaux usées de 1991 a été retranscrite
dans la loi sur l’eau française de 1992, rendant obligatoire l’assainissement (collectif ou non
collectif) à horizon de 2005.
Ser
l’environnemen
16%
au
vice
Service de
de l’ e
l’ en
Ser onne
de l
vir
53%
vic men
ce
eau ’
Servi
ed
32%
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42%
t
1% 31% 2%
Distribution de l'eau
Redevance préservation des ressources
Collecte et traitement des eaux usées
Redevance pollution
FNDAE + VNF + TVA
Figure 2 : Décomposition du prix de l’eau (DGCCRF, 2001)
L’éventuel processus d’homogénéisation est analysée dans cette section sous trois
angles : la géographie, la taille des communes et le mode de gestion1.
1
Les observations présentées maintenant sont toujours issues de l’enquête de la DGCCRF. Elles reposent sur des
comparaisons statistiques sommaires en terme d’écart observé entre deux types de situation. Pour une plus grande
validité, une étude économétrique réalisée sur un grand nombre de communes aurait été nécessaire pour mettre en
20
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Cette diversité semble logique : selon l’endroit, les conditions d’accès à la ressource,
le niveau de traitement préalable à la distribution, la manière d’assainir les eaux usées varient,
ce qui induit différents niveaux de coûts et donc des prix de l’eau.
Artois-Picardie
Seine-Normandie
Rhin-Meuse
Loire-Bretagne
Rhône-Méditerranée-Corse
Adour-Garonne
Figure 3 : Progression de la facture d’eau entre 1991 et 2000 en fonction des bassins
hydrographiques (euros constants 2001) (DGCCRF, 2001)
2.2.2. Un écart de prix selon la taille de communes sensiblement le même depuis 10 ans
En excluant Paris, la disparité selon la taille des communes ne s’est pas très fortement
réduite au cours des années 90 : le rapport entre la facture moyenne la plus chère et la moins
évidence l’importance relative des différents facteurs dans la constitution du prix de l’eau : géographie, taille de la
commune, mode de gestion, etc. Elle n’a pas, à notre connaissance, été réalisée.
21
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
chère (selon la taille de la commune) était de 1,11 en 1991 et de 1,09 en 2000 (Tableau 1).
C’est dans les communes de moins de 5000 habitants que l’on rencontre les factures les plus
faibles, malgré l’augmentation des prix la plus importante (hors Paris) et ce sont les
communes de 10 000 à 100 000 habitants qui ont les factures les plus fortes.
1
Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.
2
Quand la distribution de l’eau potable (ou l’assainissement ) est assurée par les services de la
collectivité locale, on parle de régie ; quand elle est confiée par contrat à durée déterminée à une
entreprise privée qui devient responsable de l’exploitation du service, on parle de délégation.
22
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
euros
2000
350
2000
2000
300
250 1991
1991
1991
200
150
100
50
0
Régies Services délégués Services en gestion mixte
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000
Régies Services délégués Services mixtes
1
Enquête réalisée en 2000 par le Service Central des Enquêtes et des Etudes Statistiques, SCEES du
Ministère chargé de l’agriculture et l’Institut Français de l’Environnement, IFEN.
23
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Le forfait a été l’un des moyens les plus usités pour faire payer l’eau jusque
dans les années 90. Mais l’absence de comptage ne signifiait pas pour autant que la
tarification était toujours identique. Cette dernière pouvait dépendre :
- du nombre de personnes résidant dans le logement (Paris, règlement de 1881)
(Goubert, 1986). Prenons par exemple le cas de la commune de Goux-les-Usiers
qui appliquait depuis 1984 une tarification forfaitaire en se référant au nombre
d’habitants (pour 2 personnes, le tarif annuel était de 152 F ; pour 3 à 5 personnes,
de 228 F ; pour 6 personnes, de 304 F) et au nombre de tête de bétail (12 francs par
tête) (Menetrier, 1991) ;
24
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Nous retrouvons ces résultats dans l’étude réalisée par (Piquet, 1988) pour
les gestions directes en région parisienne où trois modes de tarification
prédominent (et correspondent à près de 99% des volumes d’eau potable facturés) :
plus on s’éloigne du centre de Paris, plus les gestionnaires ont tendance à adopter
une tarification avec un forfait minimum de consommation mais aucun ne semble
avoir opté pour une tarification strictement forfaitaire (Tableau 3).
(en % par ligne) Tarif monôme Tarif binôme Tarif binôme avec forfait
Paris 100 0 0
Petite Couronne 92 5 3
Grande Couronne 42 18 40
Région 79 8 13
Tableau 3 : Modes de tarification en gestion directe
dans la région parisienne d’après (Piquet, 1988)
1
Fond National d'Adduction d'Eau Potable.
2
Notons toutefois que « si en milieu urbain, la tarification sans comptage est inexistante, un nombre
important de consommateurs urbains pour lesquels l’eau potable est incluse dans les charges
collectives d’une résidence sont en fait ramenés à ce type de tarification » (FNDAE, 1992).
25
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
3. Elle permet de faire payer plus cher les abonnés qui ont des
consommations très faibles, par exemple les populations saisonnières (Boistard,
1993b). Ainsi, (Ballay and Boistard, 1988) constate que « 60% des consommateurs
résidant dans des collectivités où la part relative de la population saisonnière est
supérieure à la moyenne nationale ont une tarification avec un forfait de
consommation, contre 38% seulement pour ceux qui résident dans une collectivité
où cette capacité est inférieure à la moyenne nationale » en 1985.
Mais ce forfait est décrié : d’abord, il n’est pas équitable. Ainsi, à Nevers
(commune qui appliquait une tarification forfaitaire), « certains abonnés
consommaient outre mesure : un industriel taxé à 25 hectolitres en dépensa 80 ou
100. On put alors estimer que 20% de l’eau distribuée étaient ‘sans emplois
connus’ ! » (Goubert, 1986). Et surtout, il n’incite pas les ménages à économiser
l’eau. Cela explique la tendance observée dès le milieu des années 1980 à
l’abandon du minimum de consommation ou au moins à sa réduction au profit
d’une tarification binôme sans forfait ou monôme (sans partie fixe) (FNDAE,
1992).
26
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
La règle est une facture d’eau par abonné. Mais le montant de la part fixe
n’est pas nécessairement identique quel que soit l’abonné. Il dépend de trois
critères :
Le niveau de consommation : dans certains cas, la part fixe varie selon le niveau de
consommation : la part fixe sera différente si l’on consomme plus ou moins de 500
m3 à Soustons (40) (Ministère de l'Equipement des Transports et du Logement et
Office International de l'Eau, 2000) ; dans certaines communes gérées par la
Société des Eaux de Marseille, une prime fixe « liée à l’usage par tranche de 20
m3 » est définie.
27
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
1
http://www.seaus.org/jurisprudence/abonnement.html
2
par exemple Tribunal Administratif de Bordeaux 25/06/1998 n°95-01350, SLEE-Dumez c/Syndicat
des copropriétaires de la Résidence « Bleue Marine ».
3
A notre connaissance, seules trois enquêtes récentes sont disponibles. Elles portent sur une année
donnée et ne concernent pas forcément la facture d’eau dans sa globalité :
- (DGCCRF, 1999) : données 1997 uniquement sur la part ‘distribution de l’eau’ pour 692
communes métropolitaines. Enquête ensuite affinée par le METL (Ministère de l'Equipement des
Transports et du Logement and Office International de l'Eau, 2000) sur 70 collectivités de cet
échantillon mais principalement tournée sur les collectivités ayant des niveaux de parts fixes élevées
(supérieures à 76 €).
- (IFEN, 2001) : données 1998 sur un échantillon représentatif du cas français de 5000
collectivités locales.
- (Consommation Logement et Cadre de Vie, 2001) : données 2001 sur l’assainissement
uniquement pour 133 communes intercommunales de moins de 100 000 habitants dans 44
départements.
4
Les observatoires des prix de l’eau ne présentent que des valeurs en prix moyen (pour une
consommation type de 120 m3). S’ils nous permettent de voir les différences de prix de l’eau
pratiqués par les différentes communes et selon les clés classiques présentées dans la section 2
(géographie, type de gestionnaire, …), ils ne renseignent pas sur les types de structure et en particulier
sur le poids de la part fixe dans la facture d’eau.
28
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
comparant ces deux chiffres, la part fixe serait équivalente à une consommation de
23 m3 (IFEN, 2001).
En 2000, pour les 42% des collectivités de l’échantillon ayant choisi une
tarification binôme, la part de la partie fixe de l’assainissement varierait de 2,3% à
65,3% du prix total de l'assainissement facturé (Consommation Logement et Cadre
de Vie, 2001).
Plus de 76 €
De 46 à 76 €
5% Moins de 15 €
11% 25%
Entre 15 et 46 €
59%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Moins de 15 € Entre 15 et 46 € De 46 à 76 € Plus de 76 €
Le niveau de la part fixe n’est donc pas homogène d’une commune à une
autre, même en le rapportant par rapport au montant de la partie proportionnelle.
Le Tableau 4 résume quelques cas particuliers trouvés dans la littérature ou
collectés sur les sites Internet des communes ou des syndicats. De ce tableau
(même s’il faut faire très attention par rapport à des conclusions hâtives), a l’air de
se dégager une tendance à la baisse du poids de la part fixe : celle-ci correspondait
à une consommation d’eau d’environ 100 m3 avant la loi sur l’eau, cette moyenne
semble être réduite de moitié voire davantage.
29
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Plus que le niveau de la part fixe, certains consommateurs relayés par des
associations contestent même sa légitimité. Citons à ce propos le cas du syndicat
intercommunal d’adduction d’eau potable et d’Assainissement de Baurech,
Cambes et Saint-Caprais de Bordeaux : 16 abonnés se sont élevé contre le passage
d’une tarification monôme à une tarification binôme, changement réalisé pour
financer l’extension des réseaux d’eau potable et d’assainissement (Conseil d'Etat,
2002). Citons également le cas de certaines associations de consommateurs (telle la
CLCV - Consommation Logement et Cadre de Vie et l’UFC - Union Fédérale des
Consommateurs) qui contestent le caractère selon elles injustifié d’une part fixe
dans la facture d’eau (et en particulier pour l’assainissement1). Elles invoquent le
fait (1) que certaines communes (comme Marseille) n’ont pas « d’abonnement »
(tarification monôme) et que (2) d’autres services publics ne la pratiquent pas
(comme la téléphonie mobile, …).
1
Le décret n° 2000-237 du 13 mars pris pour l'application des articles L. 224-7 à L. 2224-12 du code
général des collectivités territoriales et modifiant le code des communes réaffirme la possibilité de
mettre en place une partie fixe pour la redevance d'assainissement collectif.
30
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
100% monôme
binôme
86%
80%
60% 54%
46%
40%
20% 14%
0%
Alimentation en eau potable Assainissement
% des communes
100% monôme
binôme
80%
70%
66%
60%
40% 34%
30%
20%
0%
Alimentation en eau potable Assainissement
% de la population
31
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Nous nous sommes focalisés dans cette section sur la différenciation entre
la part fixe et la part variable. Comme nous l’avons souligné, les études récentes
sur ce sujet sont rares et encore plus rares (voire inexistantes) sont celles portant
sur l’analyse de la structure globale de la facture d’eau. Or les cas d’étude
paraissent à ce niveau très divers. Prenons le cas de la Société des Eaux de
Marseille (SEM) et de la tarification en vigueur pour 59 communes dont elle a
l’entière gestion (eau potable et assainissement). Seules 14% ont la même structure
32
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
1
Un tarif spécial est destiné aux abonnées qui bénéficient du Fonds National de Solidarité,
l’équivalent en mètre cube de l’abonnement est alors de 25.
33
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
tarifaire car elle est de type monôme (prix uniquement en fonction du volume
consommé que ce soit pour l’eau ou pour l’assainissement) (Tableau 6). Pour les
autres, il y a presque autant de communes que de structures tarifaires car elles
combinent différents systèmes à savoir :
Des structures binômes simples ou par paliers croissants. Et les 27% qui
ont adopté la structure par paliers n’ont ni les mêmes niveaux de paliers1, ni le
même nombre (la grande majorité n’a qu’un seuil, deux communes ont 3 paliers et
une 4) ; 54% d’entre elles l’appliquent exclusivement sur la partie eau potable, les
autres également sur la partie eaux usées (et quand c’est le cas, le niveau des
paliers peut également différer2).
1
En moyenne pour la partie eau potable, le premier seuil est à 46 m3 (mais cela s’échelonne
entre 18 et 120 m3).
2
Pour la commune de Cuges les Pins, il y a 3 paliers pour l’eau potable et l’eau usée. Si le
premier seuil est commun (30 m3), le second est de 90 m3 pour l’eau potable et de 120 m3
pour l’eau usée.
35
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Les études décrites dans le Tableau 5 sont toutes très partielles : elles ont
été réalisées sur des échantillons de population et/ou sur une région précise. De
plus, à part celle de Le Coz, elles ont été conduites à l’échelle de la commune, une
description fine des comportements individuels étant dès lors exclue. Elles ne
peuvent donc que difficilement prétendre à une représentativité des comportements
en matière de consommation d’eau potable des français.
Les limitations de la portée des résultats étant données, notons que ces
études ont été conduites en France sur trois périodes :
- Les premières (Point ; Boistard ; Pouquet et Ragot) ont été réalisées sur
des données antérieures à l’épisode de forte augmentation du prix des années
1990 : ces études sont caractérisées par des élasticités prix très faibles (entre -0,20
et -0,10) (sauf pour le long terme dans l’étude de Boistard) ;
- Les deuxièmes sont à cheval sur les deux périodes (Nauges ;
Azomahou) : elles concluent, sauf pour le cas de la Gironde, à une élasticité prix
plus importante que les premières, de -0,23 à -0,22.
36
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Certaines variables ont été reconnues par des tests statistiques comme étant
des facteurs explicatifs de la consommation d’eau : la température, la pluviométrie,
le type et l’âge du logement, la surface habitable, le taux d’équipement, la présence
d’un jardin ou d’une piscine, le revenu, la taille et l’âge moyen du ménage, le prix
de l’eau. Toutefois :
- Ces variables ne sont pas forcément statistiquement significatives dans
tous les contextes. Ainsi, le climat est un facteur explicatif de la consommation
d’eau en Gironde mais pas en Moselle.
- Il peut y avoir une évolution au cours du temps. Ainsi, selon l'Association
des Responsables de Copropriété (2001), si durant les premières années suivant une
augmentation de prix on observe des économies significatives, au cours du temps,
il y a un relâchement.
37
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
D’après les éléments qui viennent d’être décrits, nous pouvons maintenant
donner les principales raisons de la baisse de la consommation d’eau observée dans
les années 901. La première est naturellement la forte progression du prix de l’eau.
Mais ce n’est pas la seule, d’autres facteurs expliquent cette baisse. Nous
distinguons deux niveaux d’analyse (qui se complètent) :
1
Il est communément admis, sans qu’il y ait eu d’étude réalisée au niveau national, qu’après les
années d’après guerre pendant lesquelles la consommation d’eau a fortement augmenté, il y a eu une
inversion de la tendance au cours des années 90.
38
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Nous reprenons ici les conclusions de l’étude (Jaskulke et al., 2000) qui
portait sur un quartier de Paris dans lequel une baisse de la consommation a été
constatée. Les principales raisons de cette baisse sont les suivantes :
1. « Le type d’occupation et le taux d’occupation (déménagement de
bureaux, nombre de jours de fermeture, vacances scolaires pour les logements,
etc.) ;
2. La politique d’économie des ‘grands comptes’ : les gros consommateurs
privés et publics ‘économiques’, peu décentralisés dans leur gestion, ont initié des
opérations ‘anti-fuite’ dont les résultats ont été rapidement visibles sur la
consommation locale ;
3. La restructuration des patrimoines : changement d’activité,
réhabilitation, transformation des bureaux en logements, aménagement d’espaces
verts à arrosage automatique, etc. ».
Quelle sera l’évolution du prix de l’eau potable dans les années à venir ?
Depuis 1999, sa croissance s’est fortement infléchie, mais des éléments pourraient
présager à une reprise de la hausse :
39
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
des eaux, des périmètres de protection sont déterminés par déclaration d'utilité
publique, dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la loi no 92-3 du
3 janvier 1992 sur l'eau. » Or, compte tenu du temps nécessaire pour mener la
procédure de "mise en conformité" des captages (Grandguillaume and Séropian,
2002) et du nombre de situations à régulariser, un retard important a été pris. Fin
2000, « seuls 30% des captages d’eau potable du territoire sont correctement
protégés » (Burlot, 2001). Notons toutefois que l’impact sur le prix de l’eau
pourrait être moins élevé que ce qu’il semblait de prime abord selon l’étude
réalisée par Sodexper pour le Commissariat Général au Plan (Grandguillaume and
Séropian, 2002).
40
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
10% des stations (sur 927) suivies par le Réseau National de Connaissance des
Eaux Souterraines (RNES) avaient une teneur en nitrates supérieure à la valeur
limite définie pour les eaux destinées à la consommation humaine (50 mg/l)
(Detoc, 2002).
Certains éléments polluants ne sont pas encore intégrés dans les contrôles
réalisés sur les eaux de consommation. C’est le cas en particulier des pesticides.
Ces derniers ne sont, à l’heure actuelle, pas systématiquement recherchés dans les
eaux du fait du coût élevé des analyses (800 € par analyse pour 20 composants).
Or, lorsque de telles analyses sont réalisées, leur présence est souvent détectée.
Ainsi, « l’analyse de l’ensemble des analyses d’eau disponibles de 1998 et 1999
[réalisées par l’IFEN], tous types de réseaux confondus, montre que 54% des 4094
points de surveillance des eaux souterraines sont altérés par la présence de
pesticides » (Detoc, 2002). De plus, les coûts de traitements étant élevés, il faudra
rechercher de nouvelles ressources, ce qui induira de nouveaux coûts
d’investissement et donc une hausse probable du prix de l’eau.
Depuis leur construction, ces réseaux n’ont pas fait l’objet d’une politique
de renouvellement systématique. Le patrimoine vieillissant, le problème de son
renouvellement apparaît et semble très coûteux. Pour davantage d’information sur
ce domaine, se référer au chapitre de Werey et al. .
Références bibliographiques
(2000a). Décret n° 2000-237 du 13 mars pris pour l'application des articles L. 224-
7 à L. 2224-12 du code général des collectivités territoriales et modifiant le code
des communes. JORF.
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motivations réelles du choix du mode de tarification des services publics de
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Sciences et Techniques de l'Environnement Ecole Nationale des Ponts et
Chaussées, Paris, 347 p..
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Communes, 1625: 55-56.
Cambon-Grau S., 2000, Baisse des consommations d'eau à Paris : enquête auprès
de 51 gros consommateurs, TSM (Techniques, Sciences et Méthodes), 2, 37-46.
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Conseil d'Etat, 2002, Un arrêt de principe qui valide la part fixe pour l'eau et
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lycées bretons : état des lieux des 65 premiers lycées diagnostiqués, Rennes, 6 p.
Detoc S., 2002, L'état des ressources en eau souterraine en France. Etat qualitatif et
quantitatif des eaux souterraines - la directive cadre européenne. Colloque
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Société Hydrotechnique de France, 13 et 14 mars, 39-46.
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Guellec A., 1993, Quelles sont les missions du comité de bassin ?, Courants
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l'assainissement, Paris, ENPC.
46
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
47
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
48
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Nous listons ici toutes les variables qui ont été décrites comme étant susceptibles
d’influer sur le montant de la consommation d’eau en France. En gras apparaissent
celles pour lesquelles un lien statistique significatif a été établi par des études
économétriques. Nous indiquons également le sens dans lequel elles jouent (+ si
plus elles sont importantes, plus la consommation est élevée, - si c’est l’inverse).
49
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Accès à la ressource unique (+) / (Le Coz, 1998) ; (Grangé et al., 1999) ; Bouffard
diversifié (-)
Taux d’équipement + (Girardot et al., 1972; Centre d'information sur l'eau,
1995; Maresca, 1997; Pouquet and Ragot, 1997;
Association des Responsables de Copropriété, 1998;
Le Coz, 1998; Nauges, 1999; Alexandre and
Azomahou, 2000)
Equipements ménagers moins - (Guellec, 1995; Agence de l'Eau Loire-Bretagne and
consommateurs d’eau Conseil Régional de Bretagne, 1999)
Contrat d’entretien de la - (Association des Responsables de Copropriété, 1998;
robinetterie Agence de l'Eau Loire-Bretagne and Conseil
Régional de Bretagne, 1999; Cambon-Grau, 2000;
Jaskulke et al., 2000)
Fuites1 + (Centre d'information sur l'eau, 1995 ; Guellec, 1995;
OPHLM, 1997; Conseil Régional de Bretagne, 2001)
Besoins en eau pour l’extérieur + Bouffard
Présence d’un jardin + (Le Coz, 1998)
Type d’arrosage asperseur (+) /
goutte à goutte (-) /
arrosage
automatisé (-)
Présence d’une piscine + (Girardot et al., 1972; Le Coz, 1998)
2. Caractéristiques du ménage
Revenu du ménage + (Direction Départementale de l'Equipement 92 et al.,
; Dufour, 1995; Pouquet and Ragot, 1997;
Association des Responsables de Copropriété, 1998)
Taux d’activité du ménage Chômage (-) (Alexandre and Azomahou, 2000)
Taille du ménage + (Girardot et al., 1972) ; CREDOC (1995) ; (Maresca,
1997; Pouquet and Ragot, 1997; Le Coz, 1998;
Grangé et al., 1999; Azomahou, 2000)
Age moyen du ménage - (Association des Responsables de Copropriété,
1998 ; Le Coz, 1998; Alexandre and Azomahou,
2000; Azomahou, 2000; Francheteau, 2002)
Catégorie socio-professionnelle Elevée (-)2 (Girardot et al., 1972; Dufour, 1995; Le Coz, 1998)
du ménage
3. Prix de l’eau
Niveau du prix de l’eau - (Brechet, 1982 ; Saisatit, 1988) ; Site du Cartel OIEau ;
(Le Coz, 1998); (Alexandre and Azomahou, 2000)
Evolution du prix de l’eau
1
Données sur les fuites : robinet en goutte à goutte, 35 m3/an ; robinet avec mince filet d’eau, 140
m3/an ; fuite d’une chasse d’eau, 175 m3/an ; robinet avec filet d’eau, 438 m3/an.
2
Les ménages appartenant à un milieu socioculturel élevé seraient économes car ils chercheraient à
éviter le gaspillage de ressources naturelles.
50
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
51
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Chapitre 2¤
Marielle Montginoul
1. Introduction
¤
Référence: Montginoul M., 2004, Les instruments économiques pour la gestion de l’eau :
entre concurrence et complémentarité, in J.P. Terreaux (Ed.), Economie des Equipements
pour l'Eau et l'Environnement, Cemagref, Antony.
52
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
2.1. La tarification
53
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Un système de quotas est mis en place pour allouer une ressource limitée
en plafonnant la consommation des usagers. C’est un mécanisme autoritaire dans le
sens où il contraint directement les décisions des agents au lieu de modifier
indirectement leur comportement par l'émission de signaux sur le marché.
Généralement critiqué dans la littérature économique pour sa rigidité, il est
fréquemment utilisé, en particulier du fait de sa facilité de mise en oeuvre, de son
aspect équitable et accepté par la société.
54
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
55
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
56
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Un changement dans l’offre1 peut être pris en compte par les différents
types d’instruments. Toutefois, ces instruments sont toujours définis par rapport à
une année de référence. Ainsi, quand la demande en eau augmente, le quota
garantit une quantité maximale d'eau prélevée dans les cours d'eau, tandis que la
tarification (elle aussi rigide à moyen terme) entraîne une augmentation de la
quantité d'eau consommée.
Tarification Tarification
Q1 Q2 Quantité Q1 Q2 Quantité
57
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
58
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Nous avons vu que les instruments de gestion sont concurrents dans le sens
où plusieurs d’entre eux permettent de répartir la ressource en eau. Toutefois, cette
concurrence est amoindrie par le fait qu’ils ne peuvent pas tous tenir compte des
contraintes qui se posent au système (rigidité de la demande par rapport au prix,
coût de mise en place, etc.) et d’atteindre certains objectifs. Le tableau 1 positionne
ces différents instruments en fonction de l’objectif du gestionnaire (répartition
efficience, répartition équitable, équilibre budgétaire). Deux contextes ont été
distingués pour l’efficience : en statique, l’environnement est stable, tandis qu’en
dynamique l’outil de gestion doit prendre en compte le fait que l’état de
l’environnement évolue.
59
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Le fleuve Charente est, quant à lui, caractérisé par une forte variabilité de
la ressource en eau. Pour résoudre ce problème, les acteurs ont décidé de combiner
une tarification binôme par paliers croissants (par l’imposition d’un prix dissuasif
en cas de dépassement des volumes de référence) et un quota-temps (interdictions
avec tour d’eau) lorsque la ressource en eau est insuffisante. Dans ces conditions,
une tarification est construite pour inciter les agriculteurs à économiser de l’eau : il
s’agit du mécanisme principal d’allocation de la ressource, celui qui détermine le
niveau de consommation de chaque irrigant. Ainsi, le système de base dans le cas
de la Charente est l’instauration d’une tarification incitative pour répondre à une
sécheresse moyenne et permettre l’équilibre budgétaire (ici partiel) du
gestionnaire. En cas de pénurie d’eau plus importante, un système de quotas
1
Plus exactement, la tarification peut être assimilée à une tarification avec volume
forfaitaire, le quota restant en vigueur mais les agriculteurs étant autorisés à consommer
davantage d’eau sous contrainte d’un paiement supplémentaire.
60
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
QUOTA TARIFICATION
Eau rare M1 M2 M3 M4 M5 M6 Eau abondante
Rigidité Quota volume Tarification Quota temps Tarification Tarification Tarification Souplesse
(avec sanctions) par paliers et tarification par paliers proportionnelle forfaitaire
(avec palier binôme simple (avec paliers ou binôme simple
dissuasif) incitatifs)
61
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
pour une année, la législation française n’ayant pas défini de droits d’eau (seules
des autorisations annuelles sont données).
D’autres systèmes ont été créés pour permettre une réallocation du droit
d’eau sur le long terme. Ainsi, dans le sud-ouest des Etats-Unis, des marchés pour
l’eau souterraine ou de surface fonctionnent. Ils permettent de transférer des droits
d’eau de l’usage agricole (premier usage historiquement et donc celui possédant les
droits) vers les villes. Mais il est alors nécessaire de prendre en compte les
conséquences sur les personnes ne participant pas à l’échange mais que sont
affectées (les « tiers ») ce qui réduit de ce fait les quantités échangées (Saliba,
1987).
Les trois instruments sont parfois combinés. Ainsi, au Pakistan (pays doté
du plus grand périmètre irrigué du monde), une allocation initiale lors de la
domination britannique a consisté en la mise en place d’un système de quotas
répondant à un souci d’équité (Jurriens and Mollinga, 1996). Schématiquement,
tout acre cultivé a droit d’accès à l’eau (exprimé en temps de prise d’eau, donc en
tours d’eau). En parallèle, une tarification forfaitaire est instaurée pour financer le
coût du système. Toutefois, ce système ne permet plus de maximiser la production
agricole, les droits d’eau n’ayant pas évolué depuis la conception. Comme un
changement brutal n’est pas envisageable pour des raisons d’acceptabilité, la
62
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Les trois instruments peuvent être utilisés pour atteindre trois objectifs
parfois contradictoires : l’équilibre budgétaire du gestionnaire (grâce à une
tarification de l’eau), l’équité (à l’aide de l’instauration de quotas qui permettent
une allocation initiale équitable) et l’efficience avec les marchés de l’eau (qui
permettent des réallocations après l’allocation initiale). Ces instruments ne doivent
cependant pas être mis en place systématiquement à tous les niveaux, mais
uniquement lorsque les bénéfices espérés sont supérieurs aux coûts induits.
5. Conclusion
63
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Références bibliographiques
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Risk in Natural Management, 435-448.
Saliba B. C., 1987, Do water markets "work"? Market transferts and trade-offs in
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Strosser P., 1997, Analysing alternative policy instruments for the irrigation sector
- an assessment of the potential for water market development in the Chishtian
64
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
65
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Chapitre 3¤
Renouvellement des réseaux d’eau potable :
Quels coûts prendre en compte et comment les évaluer?
*** in memoriam
¤
Référence: Werey C., J.-L. Janel, E. Weber, 2004, Renouvellement des réseaux d’eau
potable: Quels coûts prendre en compte et comment les évaluer? in J.P. Terreaux (Ed.),
Economie des Equipements pour l'Eau et l'Environnement, Cemagref, Antony.
66
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Deux approches peuvent être utilisées, l’une s’appuyant sur les coûts
historiques, c’est à dire les données d’archives relatives à la construction des
différents éléments du réseau, c’est un coût de renouvellement à l’identique qu’il
faut actualiser, l’autre faisant référence à une valeur à neuf, c’est à dire, au coût
d’un renouvellement avec les techniques et les matériaux mis en œuvre
actuellement. Deux échelles d’évaluation sont envisageables :
67
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Une approche plus fine est envisageable à l’échelle d’un tronçon (défini
comme un élément de conduites homogène pour les différents paramètres), si des
données d’environnement sont disponibles.
La valeur à neuf d’un tronçon Vtron peut être définie par la relation suivante
(Janel & alii, 2001)
avec:
Vter valeur à neuf des terrassements sur la longueur du tronçon,
Vcana valeur à neuf de la fourniture et pose des canalisations constituant le tronçon,
68
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Le Tableau 2 montre les données qui peuvent être prises en compte pour
déterminer les différents coûts :
Cette méthode d’évaluation a été mise au point et appliquée sur les données
recueillies par le Conseil Général du Bas-Rhin à l’occasion de l’inventaire
départemental des réseaux d’eau potable réalisé en 2000. L’information sur les
branchement n’étant pas assez précise ; un coût pour les branchements a été
déterminé à partir du nombre et de la longueur moyenne des branchements par
matériau.
69
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
avec :
coût de la main d’œuvre = coût horaire d’une équipe de 3 hommes et d’1 engin
durée de l’intervention = 6,5*diamètre0,285
coût pour l’équipement (compresseur, compacteur) : une même valeur pour tous les
diamètres
coût du manchon = fonction de la longueur, l’épaisseur, le diamètre de la
conduite…
coût du repavage, au m2, sur une longueur de 3,60m, avec des largeurs de
tranchées fonction du diamètre de la conduite
frais généraux = 20% du coût de réparation total, pour frais de contrôle et imprévus
Les taux horaires pour la main d’œuvre sont déterminés de la façon suivante :
70
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Les taux horaires ainsi déterminés et les prix unitaires pour le remblai et le
manchon permettent de déterminer un coût standard pour l’intervention « pose
d’un manchon ».
Ces deux exemples s’appuient sur des données spécifiques au service mais
après traitement donnent un coût moyen, standard, pour toute intervention.
La première démarche utilisée pour le coût de renouvellement à partir de
factures est également applicable ici, elle permet de tenir compte de tous les types
de réparations et non seulement de la mise en place d’un manchon qui certes est
majoritaire mais est considéré comme exclusif dans les deux approches proposées
ci-dessus.
71
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Il est à noter que certains de ces effets indirects concernent plus l’incident
rupture et d’autres les travaux de réparation. Un certain nombre de ces coûts
existent également mais dans une moindre mesure lors de travaux de
renouvellement.
72
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
La différence entre les deux interventions est que la première est réalisée
dans l’urgence avec tous les problèmes liés au fait que les « gens »
(consommateurs d’eau, riverains, automobilistes…) n’ont pas pu être prévenus de
la survenance d’une gêne. La seconde est programmée, ce qui permet de prévenir
les différents acteurs concernés et de prévoir des solutions de substitution (eau en
bouteille, report d’un rendez-vous chez le dentiste, déviation…) et d’information et
ainsi de réduire l’effet des nuisances.
Les coûts sociaux liés à la réparation et au renouvellement comprennent l’effet dû à
la coupure d’eau chez les consommateurs proches le temps d’intervenir sur le tuyau
et les effets liés à l’ouverture et à la fermeture de tranchée et à la réfection de la
chaussée qui vont concerner les usagers de la rue (riverains professionnels et
particuliers, automobilistes….).
Nous nous intéressons ici à l’évaluation de certains des coûts sociaux énumérés plus
haut.
avec :
R1 résultat d’exploitation annuel/chiffre d’affaire annuel HT
R2 chiffre d’affaire annuel/effectif
N effectif de l’entreprise
avec :
R7 : coefficient de capital : capital d’exploitation moyen/valeur ajoutée CDB
73
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
avec :
Ci : coût mensuel associé à l’action d’acheter l’eau ailleurs
Pa : coût moyen de fonctionnement d’une voiture (par km)
m : nombre de km par voyage pour aller chercher l’eau
R : nombre de voyages estimé par semaine (estimé à 1,62)
M : nombre de semaines par mois (env.4,33)
Dans une approche similaire à celle utilisée par EDF qui évalue le
préjudice d’une coupure de chauffage de 8h, au coût d’une nuit d’hôtel, on peut
utiliser le coût d’un repas pris à l’extérieur pour un foyer, en considérant que la
survenance de la coupure d’eau aux heures du repas de midi notamment pourrait
décider le foyer à déjeuner au restaurant (Werey 2000a 2000b).
Il est à noter que l’on fait ici l’hypothèse que tous les usages ne sont pas
substitués, certains sont seulement retardés (lessive…).
74
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Une autre approche possible serait de transposer les résultats des études de
coûts de dommages liés à d’autres types d’inondations (Torterotot 1993, Le
Gauffre&alii 2001), sous réserve que l’on soit en mesure d’établir une
correspondance entre les coûts et les caractéristiques respectives des submersions,
mais aussi de prendre en compte les caractéristiques des bâtiments touchés. On
peut également se fonder sur des indicateurs établis dans les études citées
précédemment. Le tableau 4 présente, par exemple, une échelle numérique, pour le
facteur de vulnérabilité, basée sur la valeur des biens exposés à l’inondation, par
type d’habitat:
Cette gêne concerne les automobilistes mais également les usagers des
transports en commun.
-Pour les automobilistes, on peut évaluer le coût de la perte de temps par
(Angot 1991) :
C Tr = Tr ⋅ RHM ⋅ D (8)
avec :
75
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
-Pour les usagers des transports en commun, on peut utiliser le barème d’indemnités que
réclament les compagnies de transports en commun aux concessionnaires de réseaux
(Montori 2002). L’évaluation repose sur l’étude de la déviation envisagée, elle prend en
compte la fréquence de la ligne de bus et la longueur de la déviation. Le coût représente
le coût des kilomètres à faire en plus, ce coût est basé sur la rémunération du chauffeur
et le prix du carburant. Il est nécessaire de tenir compte s’il s’agit d’un jour de semaine
ou non. Les éléments pris en compte par la CTS (Compagnie des Transport
Strasbourgeois) sont donnés dans le tableau 5 :
5. Conclusion
76
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Références bibliographiques
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thesis, Department of civil engineering, Masschussets Institute of Technology,
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l’innovation », Université Paris IX Dauphine, Générale des Eaux, 90p.
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Strasbourg, UMR GSP, 36p.
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Strasbourg1, ENGEES, 156p.+ a.
77
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
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d’Ingénieur ENGEES, UMR GSP, 99p.
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Montori J., 2002, Evaluation des coûts sociaux liés à une défaillance ou à des
travaux sur le réseau d’adduction en eau potable. Mémoire d’ingénieur Engees,
UMR GSP, 70p.
78
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Torterotot, J.P., 1993, Le coût des dommages dus aux inondations : estimation et
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of AWWA, 74(1982), pp.140-147.
Werey C., 2000a, Politiques de renouvellement des réseau d’eau potable. Thèse de
Doctorat en « Sciences de gestion », U.L.P. Strasbourg1, UMR GSP, 162 p.
79
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Chapitre 4¤
** Cemagref – Montpellier
La première difficulté est de définir quel type de coût sera intégré dans ce
calcul. Ici nous ne tiendrons pas compte des coûts, ni d'ailleurs des bénéfices,
environnementaux associés à l'irrigation, à cause des difficultés de mesure qu'ils
posent. Nous supposons seulement que les différentes contraintes imposées aux
systèmes irrigués permettent à ces coûts de ne pas franchir certains seuils (par
exemple par le respect de débits d'étiage).
¤
Référence: Terreaux J.P., G. Gleyses, S. Loubier, 2004, Définition du coût de l'eau d'irrigation:
Méthode et applications, in J.P. Terreaux (Ed.), Economie des Equipements pour l'Eau et
l'Environnement, Cemagref, Antony.
80
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Dans un premier temps (section 2) nous revenons sur les fondements des
calculs permettant la comparaison de paiements ayant lieu à des dates différentes et
nous indiquons pourquoi il est nécessaire d'actualiser les recettes et dépenses (coûts
et bénéfices) liés à un projet donné. Les projets ou parties de projets (barrage,
pompes) ayant des durées de vie différentes, nous montrons comment on peut
contourner ce problème en travaillant sur un horizon infini. Sections 2.4 et 2.5 on
aborde le problème du choix du taux d'actualisation. Ce point a fait l'objet de
débats récents, notamment dans le cadre des calculs relatifs à la lutte contre l'effet
de serre. Nous examinons pourquoi la solution consistant à utiliser des taux dits
"hyperboliques" doit être évitée. Nous appliquons ensuite, section 3, la méthode
proposée à différents périmètres irrigués, et section 4 nous commentons les
résultats obtenus.
81
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
nous les jugeons peu importantes, mais parce qu'elles seront l'objet de travaux
ultérieurs. Elles présentent en effet des difficultés importantes de mesure, ou
d'intégration des résultats de ces mesures dans les calculs, qui nécessitent une
approche spécifique.
- Ces coûts sont répartis à travers le temps, avec ou non limitation de la
durée (c'est à dire en horizon fini ou infini). Lorsqu'ils ont lieu dans un futur
proche, ils sont en général assez bien connus, encore que certains projets publics
ont des coûts qui dépassent assez largement les budgets initialement prévus, mais il
s'agit alors plutôt d'un biais inhérent aux processus de décision,
- Certains coûts sont aléatoires, notamment, mais pas uniquement, ceux
qui ont trait à la maintenance et à l'entretien.
La démonstration (voir par exemple Frayssé et al., 1990) est fondée sur la
notion de coût d'opportunité. Par exemple si l'on cherche à savoir s'il est intéressant
ou non de réaliser un investissement, alors on peut considérer qu'à sa place, il serait
possible d'investir les sommes disponibles sur le marché financier (Gollier, 1997).
En conséquence le revenu issu du projet doit être au moins égal au taux de
placement sans risque sur ce marché.
C'est à dire que tout autre choix conduirait à une suite de revenus nets
dominée par la suite de revenus nets qu'il est possible d'engendrer à partir du projet
de valeur actualisée maximale. Notons que ce choix du meilleur projet est objectif
au sens où il ne dépend pas des préférences intertemporelles de l'agent (préférence
pour le présent plus ou moins marquée). Le taux r est issu du marché financier et
n'est pas lié à l'agent considéré (voir Terreaux, 1997 où l'on montre que r peut être
plus grand ou plus petit que le taux d'escompte psychologique de l'agent). D'autre
part on montre aisément que ce choix du meilleur projet est indépendant des autres
activités, des autres flux de recettes et de dépenses de l'agent, ce qui permet une
décentralisation des décisions. On peut aussi montrer aisément que le projet ayant
la plus grande valeur actualisée en termes réels (sans inflation) est aussi le meilleur
projet (au sens précédent) en termes nominaux (avec inflation).
82
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
d'horizon de travail prend ici toute son importance. Le plus simple, nous y
reviendrons, consiste à supposer un service de l'eau à partir de la date de mise en
service du périmètre irrigué, et sur une durée infinie. Son coût est alors celui de
l'ensemble des dépenses passées et à venir sur cette même durée infinie.
Bien entendu des recherches ont été menés pour étendre ces résultats, d'une
part dans le cadre de marchés imparfaits, d'autre part dans celui de situation où les
risques voire les incertitudes ne pouvaient être négligées. Pour ne pas alourdir
l'exposé, nous ne mentionnerons pas les résultats obtenus. Le lecteur intéressé
pourra se reporter, pour ce qui concerne le risque, à Sidibe (1999), Gollier (1997)
ou Brown (1983) et Prince (1985), et pour ce qui a trait à l'imperfection des
marchés financiers à Frayssé et al. (1990).
83
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Certains auteurs ont cru devoir rejeter l'actualisation au motif que les
valeurs actualisées diminuant exponentiellement avec le temps, leur utilisation
semble poser problème sur de longues périodes. Il s'agit en fait d'un curieux
renversement du problème (voir Frayssé et al., 1990) puisque c'est justement
lorsque l'immobilisation des capitaux est longue qu'il est primordial pour
l'investisseur privé ou public de pouvoir comparer les recettes et/ou les dépenses à
des dates très éloignées, donc d'une façon ou d'une autre, d'actualiser.
Les projets dont il est question ici sont des projets dont la durée de vie est
de l'ordre de plusieurs décennies (barrages, réseaux de tuyauterie, etc.). Il serait
tentant sur un horizon aussi lointain d'appliquer un taux d'actualisation décroissant
avec l'horizon d'investissement.
Il est nécessaire ici de faire une distinction entre deux types de méthodes
d'actualisation: l'actualisation 'classique', dite exponentielle, avec un taux identique
pour le futur année après année, faute d'information plus précise sur les
opportunités alternatives d'emploi des fonds. Rien n'empêche alors ce taux d'être
d'autant plus faible que l'horizon d'immobilisation des fonds est plus important, ce
qui semble correspondre à de nombreuses observations empiriques. Ainsi Gollier
(1997) propose d'utiliser des taux de 5% pour les projets d'horizon à moyen terme
(50 à 100 ans) et des taux beaucoup pus faibles (de l'ordre de 1.5%) lorsque les
investissements sont faits pour le long terme (au delà de 200 ans).
84
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
85
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
(1995) à 1.5 à 2, valeur que l'on retrouve dans Pearce (1994)), ce qui conduit à un
taux d'actualisation de 3 à 4 % selon le premier auteur.
86
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Nous présentons Fig. 1 les coûts au m3 obtenus pour chacun de ces cas.
Rappelons qu'aucune conclusion générale ne peut être tirée de la comparaison de
cas individuels, en matière de hiérarchie générale des coûts par exemple entre les
périmètres individuels et les périmètres collectifs.
€ / m3
0,450
0,389
0,375
0,300
0,224
0,225
0,146
0,150
0,081
0,075
Figure 1: Coût de l'eau d'irrigation (voir texte) en €/m3, pour les quatre sites étudiés
Ce coût se répartit entre quatre composantes (voir Fig. 2): Les coûts
d'exploitation, de maintenance, la dépréciation physique du capital et le coût
d'opportunité du capital.
87
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
toutefois à ne pas faire de double compte avec les coûts des salaires des personnes
affectées à la maintenance.
Pour les quatre cas étudiés, le coût d'opportunité du capital (c'est à dire le
coût d'immobilisation des fonds dans les investissements) représente entre 24 et
34% du coût de l'eau et le coût de dépréciation physique du capital entre 31 et 39%
de ce coût. Les coûts de maintenance représentent entre 10 et 18%. Les coût
d'exploitation entre 13 et 30%.
Nous avons intégré dans ces différentes valeurs la part des frais supportés
par la puissance publique sous forme de subventions: dans les trois cas
correspondant aux réseaux collectifs (B, C et D) les coûts de maintenance et
d'exploitations sont pris en charge par le gestionnaire des réseaux, mais les coûts du
capital ne le sont qu'à hauteur du tiers à la moitié de leur montant.
Site A B C D
88
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
12%
maintenance
34%
exploitation
30%
dépréciation physique
coût d’opportunité
24%
Nappe
(Prélèvement individuel)
33%
39% 31%
13% 23% 23%
(Réseau collectif)
Dans Gleyses et alii (2001) on indique aussi quelle est la sensibilité du coût
de l'eau à la durée de vie des équipements.
4. Commentaires
89
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Les calculs réalisés sur des cas concrets ont permis, bien que leurs résultats
ne soient pas généralisables, d'avoir quelques conclusions qualitatives. Tout
d'abord, les différences de coût constatées s'expliquent essentiellement par le
dénivelé et aussi la distance entre la ressource et les parcelles irriguées, la pression
et le débit à la borne d'irrigation. Le coût en capital (dépréciation physique du
capital et coût d'opportunité) est la principale composante du coût de l'eau, et la
part du coût d'opportunité est d'autant plus élevée que les réseaux sont composés
d'équipements à durée de vie longue.
Références bibliographiques
Brown S.P.A. 1983, A note on environmental risk and the rate of discount, Journal
of Environmental Economics and Management, 10, 282-286.
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nicht haubare Holtzbestände für die Waldwirschaft besitzen, Allgemeine Forst und
Jagd-Zeitung, 25, 441-455.
90
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Gleyses G., S. Loubier, J.P. Terreaux, 2001, Evaluation du coût des infrastructures
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Toulouse, miméo, 22 p.
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Warner J.T., S. Pleeter, 2001, The personal discount rate: Evidence from military
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91
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Chapitre 5¤
Sébastien Loubier*
1. Contexte et problématique
Il ne fait donc aucun doute que l'irrigation jouera, comme par le passé, un
rôle majeur dans la satisfaction des besoins alimentaires des populations et qu'au-
delà de l'opportunité de créer de nouveaux périmètres irrigués de plus en plus
coûteux, il est dans l'intérêt de tous d'assurer une gestion durable de l'existant.
¤
Référence: Loubier S., 2004, Durabilité des équipements d'irrigation: nature de leur
propriété et politiques publiques, in J.P. Terreaux (Ed.), Economie des Equipements pour
l'Eau et l'Environnement, Cemagref, Antony.
1
Ce chapitre est issu d’un travail de doctorat réalisé au Cemagref – Montpellier. La thèse,
soutenue en juillet 2003, est consultable en texte intégral sur le site
http://www.montpellier.cemagref.fr
92
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Or, d’un point de vue économique, rien ne justifie a priori qu’un système
est plus durable lorsqu’il ne bénéficie pas de soutien financier public. Il est donc
nécessaire de distinguer clairement cette notion de durabilité du point de vue de
chacun des deux agents concernés : les gestionnaires et les bailleurs de fonds.
1
Il faudrait ajouter les coûts environnementaux, administratifs…
93
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Superficie
française irriguée
56% 44%
Autres
ASA SAR
réseaux
1
Les ASA sont des groupements de propriétaires constitués en vue de permettre l’exécution
et l’entretien à frais communs de travaux immobiliers tant d’utilité publique que privée.
94
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
1
Voir également le chapitre 4 de l’ouvrage pour plus de détails.
95
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
i(1 + i) N
Soit : I 0 (1 − α ) + M + E < CAP
(1 + i) N − 1
(CAP − E − M)[(1 + i) N − 1]
C’est-à-dire : α > 1 −
I 0 i(1 + i) N
ou α > seuil d’acceptabilité.
Ceci n’est cependant valable que lorsque le taux d’inflation est inférieur au
taux de croissance des dépenses de maintenance, pour que l’avantage retiré du
remboursement des annuités en monnaie dépréciée soit supérieur au différentiel de
coût de maintenance.
96
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
propriétaire plein dispose des cinq droits alors qu'un simple usager ne dispose que
des droit d'accès et de prélèvement.
Au sein des SAR, la répartition des droits est parfaitement claire. L'État,
possède le droit d’aliénation et l’utilise puisqu’il laisse en concession aux SAR la
gestion des infrastructures c’est-à-dire les droits de gestion et d’exclusion alors que
les usagers ne disposent que des droits d’accès et de prélèvement1.
Sur les périmètres gérés par les ASA la distinction est nettement moins
claire. Certains usagers peuvent ne posséder que les droits opérationnels2 alors que
d’autres jouissent des 5 droits. Si tous les usagers ne disposent pas des 5 droits, à
l’inverse, tous ceux qui dispose des 5 sont usagers ou propriétaires.
Mais la question n’est pas tant d’avoir des droits mais de savoir quelle distribution
de ces droits permettra d’atteindre un objectif donné (Sandberg 1993).
Comme tous les agents économiques, les agriculteurs ont une préférence
pour le présent, que l’on représente généralement par le taux d’actualisation. Mais
1
Certains représentants des usagers peuvent également partager avec la SAR les droits de
gestion et d’exclusion.
2
C’est le cas des locataires ou fermiers non mandatés par leur propriétaire pour les
représenter en assemblée générale ou bien des propriétaires ne disposant pas de la
superficie ou du débit d’équipement minimal leur conférant le droit d’être représenté en
Assemblée Générale.
97
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
bien plus que les autres, ils sont soumis à un ensemble de risques et
d’incertitudes1 : risque climatique, risque de marché, risque foncier2… incertitudes
sur la disponibilité future de la ressource compte tenu de l’évolution des conflits
d’usages, sur les objectifs des politiques publiques à venir tant au niveau agricole
que d’aménagement du territoire (hydraulique agricole)…
Dans le système des SAR, les différents droits n’étant jamais possédés par
les mêmes agents, et le concédant imposant un « cahier des charges3 » au
gestionnaire, les infrastructures ont plus de chances d’être gérées durablement4
qu’au sein des ASA gérées par des usagers possédant l’intégralité des droits. Les
ASA se comportent parfois comme un fermier n’ayant aucun cahier des charges à
suivre en terme de maintenance et de renouvellement des équipements et qui sont
tentées de faire un maximum d’économie sur les coûts de maintenance tant que
l’ouvrage reste opérationnel (Plantey 1999).
4.1. Définitions
1
Selon (Knight 1921), les risques caractérisent les situations ou l'on dispose de
distributions de probabilités des principales variables et l'incertitude définit celles où ces
distributions ne sont pas connues.
2
Risque de ne pas avoir de repreneur de l’exploitation lors du « départ » à la retraite.
3
Obligation d’effectuer des provisions pour maintenance et renouvellement des
équipements (J.O.R.F. 1982).
4
Nous ne portons pas ici de jugement de valeur sur les ASA, qui permettent par ailleurs de
s’adapter rapidement à des changements de contexte externe (PAC par exemple) et qui
permettent de réduire considérablement les coûts de la fonction d’exploitation souvent
assurée par des adhérents bénévoles (Lesbats et al. 1996).
98
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Pour une analyse économique, il est bien plus simple de ne considérer que
la maintenance préventive, la maintenance corrective et le renouvellement. Ce
dernier pouvant être déclenché selon un critère d’obsolescence, de défaillance ou
selon un critère économique en fonction du types d’équipement et de la qualité de
maintenance effectuée.
1
Qui se compose du contrôle systématique (maintenance effectuée selon un échéancier
établi selon le temps ou le nombre d'unité d'usage, il s'agit de l'ensemble des actions
programmées d'entretien courant et périodique) et de la maintenance conditionnelle
(subordonnée à un type d'événement prédéterminé révélateur de l'état de dégradation d'un
élément du système).
2
Obsolescence: "vieillissement technologique de l'équipement industriel dû à l'apparition
d'un matériel nouveau de meilleure qualité ou d'un plus grand rendement " (dictionnaire
ROBERT).
99
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Probabilité de Seuil
défaillance d'obsolescence
Seuil de
défaillance
Temps
T T
D O
Notons que pour les équipements qui ont un taux de croissance des
défaillances inférieur au taux d’actualisation, c’est-à-dire dont le coût total
100
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Coût
CM
C
E
CMAR
CMAM
TE Temps
1
La maintenance et l’exploitation des réseaux est généralement financée par la section de
fonctionnement (ou compte de résultat) alors que les activités de financement des
investissements sont regroupées sous la section d’investissement (ou bilan). Cette
distinction s’adapte d’ailleurs très bien à la plupart des tarifications binômes dont l’assiette
de la partie fixe est essentiellement composée des annuités d’emprunt.
2
Le très fort niveau de soutien public favorisait également l’analyse ou la comptabilité
séparée de ces fonctions.
3
Dans certains pays, où il est économiquement souhaitable de maintenir l’irrigation et où il
n’est socialement pas possible de recouvrer auprès des usagers l’intégralité des coûts
d’exploitation et de maintenance, rien ne pousse le gestionnaire à analyser finement la
fonction de financement des infrastructures.
101
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Une analyse institutionnelle montre (Loubier, 2003) qu’au sein des ASA la
gestion des activités d’allocation est particulièrement bien assurée mais que les
stratégies de gestion de la maintenance et du renouvellement des équipements
souffrent d’un manque d’intérêt et de moyens.
Ces stratégies que nous qualifions de court ou moyen terme (Garin et al.
2001), consistent généralement à assurer un niveau de maintenance préventive
1
Un AMP est « une stratégie pour la création ou l’acquisition, la maintenance,
l’exploitation, la réhabilitation, la modernisation et le renouvellement des biens
d’équipement pour l’irrigation afin de fournir un niveau de service convenable au moindre
coût et durablement » (van Hofwegen et al. 1997). Les AMP reposent sur le concept déjà
ancien de coût de cycle de vie (Life Cycle Cost).
2
Voir (Wade 1988 ; Ostrom 1992 ; Baland et al. 1996 ; Agrawal 2001) pour une revue
complète des principes de gestion durable des ressources en propriété commune.
102
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
minimal1 afin d’éviter une rupture de service trop longue en cours de campagne et
à ne pas tenir compte de la consommation actuelle de capital fixe, c’est-à-dire à ne
pas effectuer de provisions ni pour la croissance des coûts futurs de maintenance
corrective ni pour le renouvellement des équipements. Plusieurs facteurs2
permettent d’expliquer ces choix de stratégie qui sont à la base conditionnés par le
degré de soutien public comme nous le montrons dans le paragraphe suivant.
1
Certaines ASA raisonnant à très court terme négligent sciemment la maintenance
préventive quitte à engendrer des coûts importants de maintenance corrective et à accélérer
les fréquences de renouvellement des équipements dans un futur risqué et incertain.
2
Économique, psychologique, sociologique, technique, juridique, politique, historique et
relatif aux sciences de gestion (Garin et al. 2002).
103
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Probabilité de
Seuil d'obsolescence
défaillance
équipement
Sur-
Seuil de
défaillance
Zone d'arbitrage entre
Maintenance et Renouvellement
Matériel de
pointe
T D
T O
Temps
104
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
(1 + b) (1 + a) T − (1 + b) T
t =T T T p (1 + a) T − 1
mt = V. (1 + a) − 1 (1 + a) − 1 T
MT = ∑ (1 + a) t
b(a − b)(1 + a) T
−
ab(1 + a) T
− 2 +
a (1 + a) T −1 a(1 + a) T
+
a(1 + a) T
t =1
105
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
5,0%
C1 = 4,4%
4,0%
3,0%
2,0%
1,0%
0,0%
0 5 10 15 20 25 30 T1 =3535 40
106
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
5,0%
4,0%
C2 = 3,5%
3,0%
2,0%
1,0%
0,0%
0 5 10 15 20 25 T2=30
30 35 40
1
Le terme stratégique suppose une connaissance des causes et des conséquences des
actions entreprises. Or, certaines ASA optent pour des stratégies dites de maintenance
médiocres faute de disposer d’informations suffisantes et fiables sur les conséquences de
leurs actions. D’autres, conscientes des causes et des conséquences sont à la fois dans
l’incapacité de sous-traiter la maintenance et techniquement incapables de l’effectuer elles
mêmes.
107
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
5,0%
4,0%
C3 = 3,0%
3%
2,0%
1,0%
0,0%
0 5 10 15 20
T3 = 21 25 30 35 40
108
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Faible Forte
Faible
Soutien public escompté 1
3
Fort 4
3. Pour un niveau de soutien public faible et une préférence pour le présent élevée
(Zone 3, figure 8), les gestionnaires ont tendance à renouveler leurs
équipements assez tardivement. En effet, un fort taux d’actualisation, toutes
choses égales par ailleurs, ne signifie pas que les équipements seront
renouvelés plus tôt ; au contraire. Les gestionnaires qui ont une forte
préférence pour le présent acceptent de supporter des coûts de maintenance
élevés mais dévalorisés, plus longtemps que s’ils avaient une faible préférence
pour le présent. Par contre, pour ces gestionnaires là, les stratégies de faible
maintenance sont très attractives même pour des niveaux de soutien public
relativement faibles, risquant d'occasionner des transferts de coûts vers la
puissance publique plus que proportionnels au niveau d'intervention.
109
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
6. Conclusion et perspectives
110
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
bien le renouveler. Or, la capacité des gestionnaires à faire cet arbitrage dépend
essentiellement des systèmes d’information dont ils disposent et de l’horizon
temporel auquel ils raisonnent.
111
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
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114
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Chapitre 6¤
Jacques MERY
jacques.mery@cemagref.fr
1. Introduction
115
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
physique. On peut en effet très bien imaginer que les riverains d’une décharge
subissent une perte de bien-être, quand bien même n’y aurait-il aucun flux
physique mesurable émis. La quantification de cette perte de bien-être ne peut
évidemment plus se faire par les sciences de l’ingénieur synthétisées par exemple
dans les démarches d’analyse de cycle de vie ou d’évaluation des risques, mais doit
faire appel aux sciences sociales.
116
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Par contre très peu d’études (Charpin et al, 2001 ; HM Treasury, 2003)
proposent d’appliquer des concepts plus novateurs, comme les taux décroissants
dans le temps dont la justification est d’ordre à la fois technique (Weitzmann,
2001) et psychologique (Frederick et al, 2002) ou comme les taux fondés sur la
démographie dont la justification est qu’une préférence collective doit être la
somme des préférences d’individus mortels (Kula, 1997 ; Bayer, 2003).
Facteur 1 an 5 10 20 50 100
d’actualisation ans ans ans ans ans
D(t)=1/(1,08)t 0,93 0,86 0,46 0,21 0,02 0,00
D(t)=1/(1+0,1t) 0,91 0,67 0,50 0,33 0,17 0,09
Tableau 1: évolution de facteurs d’actualisation pour des taux constants et
décroissants
117
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
On peut distinguer les impacts locaux du principal impact global qui est
l’effet de serre du méthane.
Les économistes qui ont tenté une évaluation de ces dommages arrivent à
quelques % de la richesse mondiale (avec des variations pouvant être importantes
entre pays), soit entre 1 et 20 euros la tonne de carbone, qu’il s’agit ensuite de
convertir en tonne de méthane à l’aide du potentiel de réchauffement global du
méthane par rapport au gaz carbonique. L’étendue des valeurs obtenues due aux
incertitudes sur un tel horizon temporel, les problèmes méthodologiques et éthiques
rencontrés (sensibilité au taux d’actualisation, valeur de la vie humaine et de la
biodiversité) et la probabilité faible mais non nulle d’un scénario catastrophique
118
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Par contre, les odeurs engendrées par certains composés (H2S, organiques),
même non dangereuses, peuvent conduire à une perte de bien-être des riverains
(qui peut, elle, engendrer des problèmes de santé). On est alors obligé d’évaluer
explicitement le consentement à payer ou recevoir des personnes concernées. Le
coût de ces évaluations fait qu’elles ont rarement été appliquées à ce seul problème.
119
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Le trafic induit
On peut se demander si cet impact indirect doit être pris en compte, dans la
mesure ou toute autre technique de traitement des déchets induirait aussi un trafic,
en particulier un incinérateur. Son évaluation est de mieux en mieux cernée
(Boiteux, 2001), mais la contribution à l’effet de serre du transport routier conduit
aux même problèmes d’évaluation que celle du biogaz et l’évaluation de la
nuisance sonore nécessite d’évaluer le consentement à payer ou recevoir des
personnes concernées, sauf à adopter la méthode des coûts de réparation (coût d’un
mur anti-bruit).
Bien que les désagréments subis par les riverains puissent être directement
occasionnés par les impacts précédents (sous forme de problèmes de santé
notamment), on peut très bien imaginer que l’image négative de la décharge,
indépendamment de toute pollution due à un flux physique, puisse diminuer leur
bien-être. C’est là que l’on s’aperçoit du caractère très général de la théorie
économique par rapport à des approches comme les analyses de cycles de vie qui
ne peuvent accéder, par définition, qu’aux flux matériels voire énergétiques (bruit).
120
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Synthèse
121
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
122
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
4. Conclusion
Cela ne signifie toutefois pas qu’il n’y a pas d’impact physique sur
l’environnement : aux fuites de lixiviats déjà mal connues sur les décharges
construites récemment, s’ajoute la question de la pérennité de leurs dispositifs
d’étanchéité à long terme. Cette épée de Damoclès des décharges justifie les
recherches en cours sur le stockage en bioréacteurs, destiné à accélérer
artificiellement la dégradation des déchets afin de ne plus avoir de source
potentielle de pollution quand le temps de défaillance de l’étanchéité sera atteint.
Ces techniques peuvent contribuer au développement durable en ce sens que
chaque génération assume ses propres déchets, sans transmettre de cadeau
empoisonné à ses successeurs.
Références bibliographiques
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124
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Chapitre 7¤
Rémi Barbier
¤
Référence: Barbier R. , 2005, L’implantation conflictuelle des équipements collectifs,
Réflexions à partir de la gestion des déchets, in J.P. Terreaux (Ed.), Economie des
Equipements pour l'Eau et l'Environnement, Cemagref, Antony.
125
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
La première question que nous pouvons tenter de clarifier est celle des
motivations qui peuvent pousser des « personnes ordinaires » à s’engager dans un
conflit à propos d’un projet technique. On peut distinguer cinq motifs explicatifs
différents, qui peuvent évidemment se combiner et évoluer dans le temps : le motif
des intérêts, celui de la sociabilité, celui du ressentiment, celui des craintes et
inquiétudes, et enfin celui de la responsabilité.
Le motif des intérêts est le plus répandu, en sciences sociales comme dans
les interprétations spontanées des porteurs de projet. Les opposants poursuivraient
tout simplement la défense de leurs intérêts particuliers, et notamment de leurs
intérêts de propriétaires : quoi qu’ils en disent, ils visent surtout à préserver la
valeur d’un patrimoine inévitablement menacé par la proximité d’un équipement
générateur de nuisances. C’est d’ailleurs ce qui est sous-entendu lorsqu’on parle de
conflit nimbyiste (de l’acronyme nimby : not in my back-yard, soit : pas dans mon
jardin !). Lorsqu’on soumet cette explication à des opposants, loin de s’en
offusquer, ils reconnaissent qu’il y a bien là pour certains un facteur explicatif de la
mobilisation : « C’est vrai que ça a joué, on ne peut pas dire le contraire, la décote
[immobilière] pouvait aller jusqu’à 30 à 40%. Il y a des gens qui ont donné 1000F
pour l’association, maintenant que le projet est annulé, ils sont moins motivés »,
explique par exemple le président d’une association de défense du cadre de vie
constituée pour lutter contre un incinérateur. Il faut reconnaître que la figure du
propriétaire a joué historiquement un rôle central dans l’émergence de la société
démocratique bourgeoise, et que de nombreux comportements relèvent de la
défense des intérêts privés. Toutefois, au moins dans le contexte culturel français
contemporain, les intérêts particuliers semblent avoir plus de mal à légitimer une
opposition publique. Comme nous le verrons, les acteurs manifestent une
compétence à mobiliser d’autres catégories d’intérêts.
126
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
127
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
perturbation des équilibres naturels et les risques pour la santé. Ceux-ci relèvent de
deux catégories : ceux qui s’inscrivent dans une alternative de vie ou de mort, à
travers la pollution de l’air et de l’eau ; ceux qui s’inscrivent dans une logique de
propagation de maladies nouvelles, voire de mutation (génétique).
La prise de parole du profane porte désormais aussi bien sur les sciences et
les techniques, naguère abandonnées aux experts, que sur la prétention de la
puissance publique à détenir le monopole d’établissement de l’intérêt général. On
peut voir dans le premier point la contrepartie du rôle décisif joué par les
technosciences dans la construction du « monde commun ». Sur fond d’élévation
générale du niveau culturel et de professionnalisation des mouvements associatifs,
la fin d’une certaine conception de la science la rend également plus accessible :
entourée d’une large publicité, la généralisation des controverses et des débats
d’experts apparemment irréductibles empêche la science de jouer son rôle habituel
de juge de paix entre les intérêts et les passions humaines. La figure du Savant
s’efface devant celle du chercheur perplexe en quête d’une vérité incertaine,
comme par exemple à propos des dioxines émises par les incinérateurs : quels
peuvent être les effets de faibles doses à moyen ou long terme ? Par ailleurs, la
montée en puissance du thème de la « société du risque » (Beck, 2001) donne une
actualité nouvelle à cette définition anthropologique de la pollution, ce « danger
qui guette les étourdis » (Douglas, 1992), qui invite à l’exercice d’une vigilance
collective. Enfin, l’émergence de nouvelles formes d’intérêts, comme ceux des
générations futures ou de la nature, complique et parfois déstabilise le clivage
traditionnel entre intérêt général et intérêts particuliers. En fin de compte, les
monopoles du savoir et de la légitimité sont mis en cause, et à travers eux les
mécanismes régulateurs du modèle traditionnel d’implantation.
128
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Une chose est d’avoir de « bonnes raisons » de se mobiliser, une autre est
de passer à l’acte. On sait bien, depuis Olson (1978), que l’action collective peut
tout simplement ne jamais démarrer en raison du phénomène du « passager
clandestin ». Chacun peut en effet être amené à tenir le raisonnement suivant : si
d’autres se mobilisent et que la contestation réussit, alors ma contribution
personnelle n’est pas essentielle et par ailleurs je bénéficierai également des
résultats obtenus (par exemple l’abandon du projet) ; si personne d’autre ne se
mobilise, alors j’aurai perdu en vain du temps et éventuellement de l’argent. La
théorie de l’action collective voit dans l’intervention d’acteurs spécifiques, les
entrepreneurs en opposition, une solution possible à ce problème (Neveu, 2000).
Outre le temps qu’ils consacrent à leur cause, les apports de ces entrepreneurs sont
de plusieurs ordres. Mais avant de les passer en revue, dressons brièvement le
portrait de quelques-uns de ces acteurs-clefs.
129
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Deux grandes logiques d’action peuvent être identifiées chez les opposants
aux projets, reflétant des ambitions et stratégies spécifiques. La première logique,
largement répandue, est celle de la protestation réactive. Elle consiste à dresser
contre le projet un catalogue de critiques et de revendications sans nécessairement
chercher à en faire un argumentaire cohérent. Tel est le cas, étudié par Barouch
(1987), d’une association de riverains constituée contre l’implantation d’une
décharge. L’isolement de l’association fut la conséquence de ce choix et de cette
volonté de « se limiter aux questions concernant l’intérêt local ». Face à une
protestation réactive, les porteurs de projet vont combiner l’une ou l’autre des
stratégies suivantes : engager une démarche d’ajustement du projet à la marge,
voire de compensation ; miser sur l’isolement, le (relatif) discrédit attaché au
localisme et l’épuisement progressif des protestataires ; faire remonter le débat sur
les principes légitimant le projet.
130
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Venons-en aux opérations réalisées par les opposants engagés dans une
controverse. Nous en citerons deux principales, la réception du projet technique, et
l’extension des intérêts défendus. Les opérations de « réception de l’objet
technique » permettent aux protagonistes de la controverse de transformer l’objet,
de le recontextualiser (Barthélémy et Quéré, 1995). La réception du projet s’entend
tout d’abord dans une perspective historique. C’est ainsi qu’au terme d’un travail
de réception, un projet de plate-forme de compostage de boues de stations
d’épuration se retrouva lié à une « série d’agressions contre la nappe phréatique
alsacienne », faisant sens pour la population locale et installant avec force le thème
de la faillibilité des systèmes techniques.
131
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
L’extension pourra le cas échéant viser des biens communs plus fragiles ou
socialement moins bien constitués que ne l’est l’intérêt général. Parmi ceux-ci, on
peut citer le patrimoine. Sous réserve qu’elle soit réussie, la patrimonialisation
permet d’établir un lien entre des entités relevant de mondes a priori assez
éloignés : éléments du patrimoine naturel, paysager, historique, générations
présentes, générations futures… On peut ainsi construire un ensemble composite,
défendable selon plusieurs perspectives, ancré dans « la matérialité du monde »
(Trom, 1999), donc mieux à même de résister à l’évidence institutionnalisée de
l’intérêt général et de la rationalité des choix. Bien souvent, la patrimonialisation
procède par identification et sélection d’aménités territoriales ou de singularités
naturelles, transformées en emblèmes d’un monde à défendre : ainsi telle
association qui fonde son opposition à un projet de décharge sur la « proximité de
trois villages, de deux écoles, de trois sites classés », ainsi que sur la présence « au
cœur de la décharge » d’une orchidée faisant l’objet de mesures de protection
(Barbier et Waechter, 2001).
132
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
133
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
intéressant sur la réalité qui, sans eux, aurait été négligé » (Stengers, 1997). Cela
fait, non seulement la rationalité du projet se trouve renforcée mais aussi son
acceptabilité : comme l’explique Callon (1996), lorsqu’un scénario est élaboré
progressivement et collectivement, alors « il s’impose aux différents acteurs parce
qu’ils s’en savent les auteurs ». On n’oubliera pas enfin qu’une procédure doit être
à la fois efficace, juste et à un coût acceptable.
Cela dit, comment faire ? On peut citer des exemples de référendum sur
des projets techniques, par exemple un incinérateur. Mais il est clair que le vote
n’est pas, loin s’en faut, la seule méthode permettant d’inscrire le profane,
apparaissant ici sous les traits du citoyen, dans un processus de choix technique.
Procédure de participation historique, l’enquête publique s’adresse surtout à
l’habitant porteur d’intérêts : cette forme de médiation entre conception et
consultation, pourtant récemment dépoussiérée, reste néanmoins sujette à la
critique traditionnelle du « trop peu, trop tard ». Pour le porteur de projet, le rêve
serait évidemment de jouer la participation avec le riverain idéal, un autre lui-
même partageant ses connaissances, représentations et objectifs : on a déjà
mentionné l’inanité de cet espoir. Quels seraient alors les dispositifs permettant de
mobiliser d’autres figures que celles du citoyen, de l’habitant ou du riverain idéal ?
134
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Giddens (1994) a montré que notre rapport aux grands systèmes techniques
était un rapport ambivalent, une sorte de « pacte placé sous le signe d’un mélange
de déférence et de scepticisme, de confort et de crainte ». Parce que nous n’avons
pas véritablement le choix, nous faisons confiance à ces systèmes et cette confiance
repose à la fois sur un acte de foi envers les savoirs sous-jacents, envers les
professionnels qui les mettent en œuvre, mais aussi sur une « foi pragmatique »
issue des observations que nous faisons jour après jour du bon fonctionnement
général de ces systèmes. Or, pour tout un ensemble de raisons (cf supra : les motifs
de l’engagement), cette foi pragmatique est profondément altérée dans le domaine
de la gestion des déchets. Souvent faute de mieux, menacés par un équipement
avec lequel les relations ne pourront que difficilement être « routinisées » par un
pacte de confiance, les riverains s’efforceront de conjurer le risque et de limiter les
nuisances par l’exercice d’une surveillance partagée avec l’administration et
l’exploitant. Cette exigence de suivi partagé est également impliquée par la
vigilance requise par la société du risque. Imposée souvent par l’action spontanée
des acteurs, relayée parfois au niveau réglementaire, elle doit faire partie intégrante
du modèle d’expérimentation collective.
135
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
136
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Références bibliographiques
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139
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Chapitre 8¤
André Le Bozec 1
Cemagref
Unité de recherche Gestion environnementale et traitement biologique
17, avenue de Cucillé, CS 64427 35044 RENNES Cédex
andre.le-bozec@cemagref.fr
¤
Référence: Le Bozec A., 2004, L'évolution vers des territoires pertinents pour la gestion
des déchets ménagers: influence des lois sur les pratiques, in J.P. Terreaux (Ed.),
Economie des Equipements pour l'Eau et l'Environnement, Cemagref, Antony.
1
Je remercie Alain Tetu du Conseil Général du Génie Rural des Eaux et des Forêts et
Pascal Mallard du Cemagref de Rennes de leurs conseils avertis de relecture qui ont permis
d'apporter des améliorations sensibles à cet article écrit en avril 2002.
2
Loi N° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République.
3
Loi N° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale.
4
Une liste des sigles utilisés est donnée à la fin du texte.
5
Loi N° 92-646 du 19 juillet 1992 relative à l’élimination des déchets ainsi qu’aux
installations classées pour la protection de l’environnement.
140
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
141
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
142
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Les SIVOM
Les SIVU
Les syndicats mixtes sont une forme attractive pour l'exercice de l'activité
" traitement des déchets " dès lors que le champ d'action territoriale concerne à la
fois des communes, des syndicats de communes et/ou des communautés de
communes. Leur place dans l'exercice de la compétence "traitement" est appelée à
croître.
143
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Possibilité
Forme
Compétences Compétence
de transfert
d'intercom- Statuts d'EPCI
obligatoires DMA à un autre
munalité
EPCI1
A fiscalité Communauté 12 ( avant 1999) De plein droit Non
propre urbaine 6 (depuis 1999)
Communauté 4 blocs +3 En option ou Oui
d'agglomération options facultative
Communauté de 2 blocs + 1 option En option Oui
communes
Sans Syndicat à Non possible
fiscalité vocation unique
propre (SIVU)
Syndicat à Non possible
vocation
multiple
(SIVOM)
Syndicat mixte Non possible
Tableau n° 1 - Les statuts de coopération intercommunale
1
Cette possibilité de transfert est examinée au §3.3.1.
144
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Nous avions ainsi montré (A. Le Bozec 1999) que l'exercice des activités
de collecte et/ou traitement, sous la contrainte de seuils minimums pour le
dimensionnement des équipements, détermine l'étendue de la coopération
intercommunale. Aujourd’hui, nous semblons assister à un arrangement de
communautés pour l’exercice de compétences qui comprennent ou non, selon les
conditions locales, celle de l’élimination des déchets. Il en résulte que la
territorialisation du service se réalise avec des constantes et les autorités
organisatrices de tailles voisines présentent des similitudes quant aux compétences
exercées et aux statuts adoptés.
Etendue de
l’intercommunalité
Choix du statut de l’EPCI
Seuils minimums
d’exercice d’activités Compétences exercées
145
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Pop (CC) < Pop (SIVOM) < Pop (SIVU)< Pop (SM) < Pop (CU)
La compétence " Elimination et valorisation des déchets des ménages " est
unique et comprend les activités de collecte et de traitement. Les procédés
techniques de collecte et de traitement s'appuient sur des seuils minimums
différents de population (porteurs du tonnage de déchets) qui orientent peu ou prou
les formules intercommunales.
146
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
collecte, notamment pour les usines d'incinération, les centres de tri, les centres de
stockage des déchets et, dans une moindre mesure, pour les unités de compostage.
Nous sommes donc en présence d'une intercommunalité large dépendant du choix
technologique de traitement et d'une intercommunalité plus restreinte en collecte,
résultat d'une volonté politique.
Quatre types d'autorités organisatrices ont été définis (A. Le Bozec 1994)
que nous schématisons ci-après (schéma n°2) et que nous présentons dans le
tableau n°2 suivant. De plus et très logiquement, l'existence d'une liaison entre
l'exercice des activités de production et le choix du statut des groupements de
communes a pu être établie :
- Les AOC+T =AOC + AOT ont la compétence "Elimination des déchets
ménagers" et exercent les deux activités "collecte" et "traitement". Ce sont des
EPCI à vocation unique et spécialisée (SIVU) et les EPCI urbains (CA et CU).
147
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
communes communes
communes
société privée
dim PC = dim PT ou AOC + AOT dim PT > dim PC
ou AOT
148
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
De plus, nous avons observé en 1996 (A. Le Bozec 1999) l'émergence d'un
phénomène nouveau de juxtaposition de groupement de communes AOD exerçant
la seule activité "déchetterie", les communes étant de plus adhérentes à un EPCI de
collecte. Constaté dans certains départements, cet arrangement territorial n’est pas
justifiable et de plus n'est pas conforme à la loi du 12 juillet 1999.
149
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Avant 1992, les EPCI créés sont, dans 91 % des cas, de type syndical.
Après 1992, les EPCI nouvellement créés sont à fiscalité propre dans 84 % des cas.
Un basculement brutal s'est donc opéré en 1992.
150
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
151
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
152
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Circulaire NOR INT B 00 00249 C du 10 novembre 2000 du Ministère de l'Intérieur " Gestion de
l'élimination des déchets ménagers"
Circulaire NOR INT B 01 00197 C du 5 juillet 2001 du Ministère de l'Intérieur " Pertinence et
exercice effectif des compétences"
Loi N° 2001-1275 du 28 décembre 2001 (loi de finances 2002), art 109, " TEOM et REOM par les
syndicats mixtes
153
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
154
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
155
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
156
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
157
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Le principe de retrait des communes, qui participent à une CA ou à une CU, des
syndicats dont ces communes sont membres pour les compétences obligatoires et
optionnelles de ces communautés. Alors, ce retrait des communes membres du
syndicat n'est pas soumis à l'acceptation du conseil syndical et des autres
communes membres, il s'impose au syndicat.
158
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Elimination
AOC
+
AOT
Communes SM ou EPCI
Traitement
AOC AOT
EPCI SM
Communes
EPCI SM ou Département
Communes
Elimination Traitement
AOC AOT
159
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
160
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
La taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Son assiette n'est pas
modifiée, il s'agit d'un impôt direct additionnel à la taxe foncière sur les propriétés
bâties qui est sans rapport avec le service et indifférente à tout effort de tri de la
part des ménages. Elle peut faire l'objet de modulations du taux selon le niveau du
service rendu (fréquence de collecte). Cette disposition n'est pas nouvelle, mais elle
est clairement rappelée dans la loi, car elle semble mal connue des groupements de
communes qui préfèrent la simplicité et ont tendance à uniformiser les règles de
tarification. La TEOM peut être complétée par une partie du budget de la
collectivité pour financer le service des déchets ménagers. Le financement d'un
service des déchets assimilés se fera par une redevance spéciale.
161
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Mais, face à l'intérêt d'un mode de financement identique sur un même périmètre
de collecte des déchets, les conséquences attendues sont doubles. D'une part, les
clés de ventilation, que se donnaient les EPCI pour déterminer les contributions des
communes, remontent souvent à la création du syndicat de communes et prenaient
en compte la richesse fiscale pour cimenter la solidarité intercommunale (potentiel
fiscal) (A. Le Bozec 1994). L'effet de cette disposition disparaissant, des tensions
sont à craindre entre communes riches et communes pauvres ou entre communes
rurales et communes urbaines dans les structures intercommunales. Il n'est pas
interdit de penser que les ménages de certaines communes connaissent une
croissance de leur taxe ou redevance du fait de cette disposition.
L'analyse réalisée en 1996 (A. Le Bozec 1999) sur les régions Bretagne et
Pays de Loire a permis de mettre à jour des particularités départementales et
d'effectuer des rapprochements en dégageant des similitudes de situations au regard
de la gestion des déchets ménagers et assimilés.
162
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
l'Orne (48 hab/km²) doit faire coopérer une quarantaine de communes contre
seulement 10 pour la Loire Atlantique (154 hab/km²) pour atteindre 25000
habitants par EPCI. L’évaluation de l'intensité de l'intercommunalité en s'appuyant
sur l'étendue intercommunale exprimée selon la population moyenne regroupée, ou
selon le nombre moyen de communes, ne conduit pas à la même conclusion. De
plus, sur l'ensemble des deux régions, l'intercommunalité de gestion (type syndical)
est prépondérante sur l'intercommunalité de projet (à fiscalité propre) dans la
proportion respective, en 1996, de deux tiers contre un tiers pour la compétence
déchets. Néanmoins des différences existent entre les départements, certains ont
fait une grande place à l'intercommunalité de projet et d'autres à l'intercommunalité
de gestion. Mais depuis 1992, les structures nouvelles sont largement dominées par
les EPCI à fiscalité propre.
163
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Ils seront notamment amener à jouer un rôle important pour la mise en œuvre des
installations de traitement-valorisation desservant les collectivités rurales et les
villes petites et moyennes. On verra donc coexister dans les départements, d’une
part, des communautés urbaines ou d’agglomérations qui auront les moyens
d’exercer la totalité de la compétence collecte et traitement sur leurs territoires et
d’autre part, des EPCI de plus faible taille qui exerceront la collecte et qui, soit
chercheront à construire leur installation de traitement, soit rechercheront une
solution auprès d’un syndicat mixte départemental ou d’une société privée.
5. Conclusion
164
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Références bibliographiques
165
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
166
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Chapitre 9¤
¤
Référence: E. Pierron, A. Le Bozec, 2004, La modernisation du financement du service
des déchets ménagers par l'introduction d'une redevance incitative au tri des emballages,
in J.P. Terreaux (Ed.), Economie des Equipements pour l'Eau et l'Environnement,
Cemagref, Antony.
167
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
168
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
n
S = ∫ u (q ( p )),θ ) − ∑ pi q i ( p1 ,..., p n ,θ )g (θ )dθ (1)
θ i =1
n
π = ∑ pi Qi ( p1 ,..., p n ) − CT (Q1 (.),..., Qn (.) ) (2)
i =1
∫
agrégée pour le bien i, égale à Qi = qi ( p1 ,..., p n ,θ ) g (θ )dθ . Afin d’obtenir
θ
l’efficacité allocative, le monopole public cherche à maximiser la fonction de bien-
être social qui est la somme du surplus du consommateur et du profit du
producteur, représentée par :
n
Max W = S + π =
pi ≥ 0 ∫ u (q (
θ
1 ( p 1 )),..., q n ( p n ), θ ) − ∑ p i q i ( p 1 ,..., p n , θ ) g (θ ) d θ + π (.)
i =1
(3)
∂Q j ∂CT
La résolution de ce programme nous donne ∑ ∂p
p j − ∂Qj = 0 , ce
j i
∂CT
qui nous donne quel que soit j et quel que soit i, p j = C ' j où C 'j = , c’est-à-
∂Q j
dire qu’à l’optimum le prix est égal au coût marginal. Une telle règle de tarification
maximise le bien-être social mais ne prend pas en compte l’équilibre budgétaire du
monopole. Dans le cas où le monopole fait face à des coûts fixes élevés, une telle
tarification ne lui permettra pas d’atteindre l’équilibre budgétaire puisqu’il aura un
coût marginal inférieur à son coût moyen. Dans ce cas, la tarification au coût
marginal, appelée aussi tarification de premier rang, conduit les pouvoirs publics à
subventionner le déficit à travers des prélèvements de taxes sur les consommateurs,
ce qui est socialement coûteux et peu incitatif en faveur d’une gestion efficace du
monopole.
169
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
croissants1, un déficit qui doit être financé par la puissance publique ». Cependant,
comme nous l’avons déjà évoqué ci-dessus, de tels transferts peuvent provoquer
des distorsions entre les usagers et les non-usagers. En outre, si un système de
tarification ne fait supporter aux usagers qu’une partie des coûts, ne risque-t-il pas
de conduire, en ne favorisant pas la révélation des préférences, à une demande
excessive?
170
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
- lorsque la demande ne s’exprime pas sous la forme d’un flux régulier mais
présente des pointes saisonnières (tarification de pointe (Crew M., 1995)) ;
n
π = ∑ pi Qi ( p1 ,..., p n ) − CT (Q1 (.),..., Qn (.)) ≥ 0 (4)
i =1
171
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
La tarification prend de plus en plus de nos jours le rôle d’un outil incitatif.
On entend par-là, qu’un système tarifaire doit pouvoir permettre à la fois
l’équilibre budgétaire mais aussi inciter les individus à révéler leurs préférences
dans l’objectif de pouvoir ainsi orienter leurs comportements. Or, dans le cas de la
fourniture de biens publics, les individus ont tendance à ne pas révéler leurs
véritables préférences et à se comporter comme des passagers clandestins. C’est
pourquoi la mise en place de mécanismes de contribution volontaire et de
tarification permettant la révélation des préférences est nécessaire.
θ θ
W = ∫ V (θ ) g (θ )dθ + ∫ (θu (q,θ ) − V (θ ) − C ' q (θ )) g (θ )dθ − K ,
θ θ
(5)
qui est une fonction agrégée de l’utilité du consommateur selon ses préférences et
du profit du producteur qui tient compte de l’hétérogénéité des consommateurs.
172
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
1
En effet, à l’optimum parétien, le prix d’un bien est égal au coût marginal de production
de ce bien.
173
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
A + ( p − C ' ) q ( p, θ ∗ ) 1 1
programme nous informe que A = = . On peut
A 1+ λ ε A
interpréter ce résultat de deux façons distinctes. Dans un premier temps, A nous
rappelle l'indice de Lerner1. En effet, il nous indique que l'écart relatif entre le prix
et le coût marginal doit être proportionnel à l'inverse de l'élasticité prix, notée ε A .
Le coefficient de proportionnalité est alors fonction du nombre d'abonnés, du
nombre d'unités consommées et de la consommation totale du consommateur
marginal. Dans un second temps, la relation définit la charge fixe optimale, notée
A, qui peut s'interpréter comme le prix optimal de participation. Le coût d'accès du
consommateur marginal est donné par (p-C')q(p,θ*). Du moment où p>C', la firme
dégage un profit marginal sur le consommateur marginal. De plus, nous pouvons
préciser que λ2 doit être strictement positif, pour que la contrainte budgétaire soit
respectée. Dans le cadre du service des déchets, la partie fixe peut prendre la forme
d'un abonnement forfaitaire.
174
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Plusieurs types majeurs du système « unit pricing » ont été implantés dans
les municipalités. Ils sont principalement de deux natures : ceux fondés sur le
volume des déchets, et ceux fondés sur le poids des déchets.
175
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
176
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
soucier du nombre de programmes qu’ils utilisent, la majorité des villes ont rendu
compte que la quantité collectée de déchets solides avait diminué après
l’introduction du PAYT.
177
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
178
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
179
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Le système tarifaire est constitué, d'une part, des paramètres du tarif qui nécessitent
un dispositif d'identification et de comptage de la consommation du service et,
d'autre part, de l'assiette constituée par les dépenses servant de base à l'application
du tarif.
180
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
La totalité des dépenses répartie selon une structure binomiale comprenant une
partie fixe par foyer et par an et une partie calculée selon la production de déchets
(C. C. Villefagnan et C. C. Dannemarie) ou le nombre de vidage des bacs (S. M.
de Montaigu-Rocheservière).
Les dépenses de collecte couvertes par une contribution fixe et les dépenses de
traitement réparties selon le volume des bacs (librement choisi par l’usager) (C. C.
Kaysersberg). La collectivité suit ainsi la structure de ses dépenses, variables pour
le traitement (payées en F/t) et fixes pour la collecte en considérant qu'au regard du
passage de la benne, les coûts sont engendrés, que le bac soit présenté ou non à la
collecte.
Enfin, les dépenses relatives aux deux flux ( ordures ménagères et emballages
ménagers ) sont réparties distinctement. C'est l'orientation qu'envisage la C. C. des
Pays de Mormal et de Maroilles de mettre en application en 2003. Le tarif sera
composé de deux parties dont chacune sera calculée selon le nombre de
présentations du bac (puce et informatique embarquée). Une première partie
couvrira les dépenses du flux des ordures ménagères résiduelles (1er bac) (collecte
181
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
+ traitement) et une deuxième partie couvrira les dépenses du flux des déchets
d'emballages ménagers (2ème bac) (collecte + tri).
Il est indéniable, comme pour tout système de tarification, que des usagers
cherchent à adopter des comportements de resquilleurs pour réduire leur
contribution. Les comportements déviants semblent très faibles ( brûlages,
compactages, transferts,..) et surtout observables au démarrage des changements
tarifaires. Toutefois, aucune collectivité n'a mis en place un service de nettoyage de
dépôts sauvages.
182
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
C.C.P. Mormal/ Maroilles OMR : collecte, Achat de sacs OMR : consommation de Variable Coût total selon le volume
Syndicat SMIAA sacs (nombre, taille) de déchets
OMR : traitement 2002 pour 10 sacs de 50l
JM : collecte et tri : 10€ et 120l : 14,50€
1 déchetterie
C. C. Région Dannemarie OMR : collecte et traitement OMR : Poids 2002 Coût total du service
DEM/JM : collecte et tri Nombre vidages du bac 0,45 €/vidage + 0,22 €/kg réparti selon une clé entre
Collecte des encombrants vidages et tonnages
4 plates-formes déchets verts + Fixe : 15,25 €/foyer/an
Location bac OMR
C. C. Vallée Kaysersberg OMR :Collecte OMR : volume du bac, et 2001 collecte : partie fixe
sacs apportés sur les points Fixe : 64,80 €/foyer/an
DEM/JM : collecte + tri de regroupement en écarts (78,50 €/foyer/an : écarts)
Ville de Besançon OMR :Collecte DEM/JM : OMR : Volume du bac 1999 Collecte : selon fréquence
Collecte et tri (en cours de Collecte : 91,45 € x et "temps"
mise en place ) fréquence collecte x temps
unitaire de vidage
S. M Montaigu OMR : Collecte OMR : Nombre de vidages 2002 pour un bac de 120l Coût total du service
Rocheservière fourniture et maintenance bac du bac Fixe : 75 €/foyer. réparti selon :
DEM/JM :Collecte et tri 1/3 en fixe
Fourniture sacs , Déchetteries
OMR : Traitement
2/3 en variable
Variable : 3,51 €/vidage
183
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
4. Les tarifs assis sur des paramètres de production de déchets conduisent à une
plus grande réduction des quantités de déchets (> 25 %).
5. Les tarifs s'appuyant sur les paramètres de demande de service (volume du bac,
nombre de vidages) devraient conduire à une approche plus aisée de l'équilibre
budgétaire. Néanmoins, le S. M. de Montaigu-Rocheservière a connu un déficit
budgétaire de 13 % la première année par rapport à son budget primitif (difficulté à
anticiper le comportement des habitants).
184
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
8. Contrairement aux idées reçues, les impacts négatifs des systèmes tarifaires
(rejets sauvages, brûlage, tassement des déchets, impayés, contestations…) souvent
évoqués pour rejeter la redevance, ne sont pas pour les collectivités des motifs de
rejet du système. Les désagréments qui apparaissent au départ, soit s'estompent,
soit trouvent une solution de correction par l’information du citoyen et si nécessaire
par le recours à des mesures coercitives (amendes).
9. Le cas des foyers d'une à deux personnes doit faire l'objet d'une attention
particulière pour éviter de les pénaliser, bien souvent involontairement en raison,
soit de la capacité technologique des bacs (difficile de descendre sous 80 litres),
soit de les amener à stocker des ordures ménagères (au-delà de la semaine), avec le
paramètre du nombre de vidage.
12. Le récipient à usage multiple, bac roulant, comme interface entre l'usager et le
service de collecte permet des combinaisons variées pour responsabiliser le citoyen
face au tri.
- Formule 1 : indépendante du volume du bac (Dannemarie)
pesée individuelle un bac distribué par foyer
185
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
3. Conclusion
Le travail en cours se poursuit par une simulation réalisée sur deux des
collectivités précédentes afin d'examiner les conditions de flexibilité et de
gouvernabilité du système tarifaire dans un objectif d'accroître l'efficacité du tri des
déchets par les citoyens sous la contrainte de l'équilibre budgétaire.
Remerciements
186
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Références bibliographiques
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tarification et de fiscalité relatives à la collecte des déchets ménagers, European
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Turvey R., 1976, Analyzing the marginal cost of water supply, Land economics,
52, 2, 158-169.
188
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Chapitre 10¤
C'est ce dernier phénomène qui nous intéresse. Les pollutions diffuses des
eaux par les nutriments, apparaissant comme relativement peu spectaculaires, ne
bénéficient que de moyens de lutte réduits. De plus, bien que ces pollutions soient
¤
Référence: Turpin N., P. Bontems, G. Rotillon, 2005, Restauration de la qualité des eaux
de surface: comparaison de mécanismes incitatifs, in J.P. Terreaux (Ed.), Economie des
Equipements pour l'Eau et l'Environnement, Cemagref, Antony.
189
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
connues depuis longtemps (Catroux, et al., 1974, Ctgref, 1974), elles sont en
constante augmentation dans la plupart des régions d'Europe, sauf dans les pays
scandinaves et au nord de l'Ecosse (European Environment Agency, 2002). Enfin,
elles sont associées au "développement" de l'agriculture et des régions : peut-on
tenter de limiter les pollutions diffuses sans affecter leur compétitivité (Bureau et
Mougeot, 2004) ?
L'excès de nutriments dans les rivières, les lacs et les nappes phréatiques
apparaît comme un problème d'importance moindre devant la pollution des eaux
par les matières organiques à l'échelle mondiale. Dans les pays développés
cependant, l'augmentation continue, depuis plusieurs décennies, d'apports de
nutriments aux eaux douces s'est traduite par une dégradation sensible de leur
qualité. D'une part, l'apport aux populations d'une eau conforme aux normes de
potabilité (en Europe moins de 50 milligrammes de nitrates par litre) pose des
problèmes de plus en plus aigus. D'autre part, l'augmentation de la quantité de
phosphore a provoqué des phénomènes d'eutrophisation en eaux de surface, avec
prolifération de phytoplancton et de végétaux. Des proliférations algales liées aux
flux d'azote ont été constatées en eaux marines. Le déséquilibre des quantités
relatives d'azote et de phosphore dans les eaux, enfin, perturbe fréquemment les
écosystèmes, avec dans certains cas apparition de cyanophycées produisant des
neuro-toxiques (Auby, et al., 1994).
190
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
l'Union européenne en 1991. Ces bassins devront figurer, à court ou moyen terme,
dans les zones vulnérables définies par la Directive Nitrates.
60
sauvegarde des plantes et des animaux
50
développement de nouvelles technologies
40 respectueuses de l'environnement
réduction de la pollution de l'air et de
30 l'atmosphère
lutte contre la pollution de l'eau, des rivières et
20 des lacs
10
0
1998 1999 2000 2001 2002
Figure 1 : répartition des actions que l'Etat doit mener en priorité dans le domaine de la
protection de l'environnement (adapté d'après Ifen, 2002).
La qualité des eaux fait partie des sujets d'inquiétude, mais elle se situe de
plus en plus loin derrière la qualité de l'air pour l'opinion publique. A contrario, les
départements et les régions consacrent un budget important à la protection de
l'environnement (3,4 % de leurs dépenses totales), dont les deux tiers pour la
protection des eaux ; ce budget évolue peu sur les dernières années (Ifen, 2003).
Pour les décideurs locaux, la protection de la qualité des eaux devient un enjeu
191
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
d'importance pour les années à venir, même si cet enjeu est souvent occulté par des
pollutions importantes et spectaculaires (Erika par exemple).
- les nutriments ne sont pas des substances toxiques, leur présence dans les eaux ne
devient un problème que lorsqu'elle dépasse certains seuils et dans certaines
conditions. Par exemple, le phosphore est indispensable à la croissance des algues
et du phytoplancton dans les rivières, et donc à toute la chaîne trophique. Si le
phosphore est présent en quantités importantes, il va permettre une augmentation
de la croissance des micro et macrophytes, un accroissement de la biomasse, plus
de poissons pour les pêcheurs... Mais dans certains endroits de la rivière, ceux de
moindre profondeur (ayant donc une eau plus chaude, moins riche en oxygène), ou
ceux de courant plus faible (permettant une meilleure fixation des algues), il peut
arriver que la croissance algale soit telle qu'elle consomme tout l'oxygène
disponible : dans ce cas, le milieu, devenu eutrophe (trop riche), ne permet plus aux
vertébrés de vivre et on assiste à des mortalités de poissons.
- les nutriments ne sont, la plupart du temps, pas rejetés directement dans l'eau par
les activités anthropiques, mais ils transitent dans le sol, où ils interfèrent avec des
cycles biogéochimiques de longueur diverse (de quelques heures à plusieurs
centaines d'années) et ne transitent vers l'eau que sous l'influence d'événements
climatiques stochastiques. On ne peut donc pas se contenter de limiter les
émissions directes comme ce qui est réalisé pour les pollutions ponctuelles. On ne
peut pas non plus, la plupart du temps, mesurer les émissions liées à l'activité d'un
pollueur potentiel, même s'il est bien identifié : tout au plus peut-on, de façon
coûteuse, utiliser des indicateurs approchant un risque d'émission, comme des
achats d'engrais, des bilans de minéraux, un niveau d'intensification, un indicateur
de qualité des sols, certains processus de production réputés polluants, etc.
192
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
cohérence l'ensemble des textes antérieurs portant sur la gestion de l'eau, et prend
en compte plusieurs rapports sur l'état de l'environnement et la mise en œuvre de la
politique européenne. La Directive insiste sur la nécessité de réduire les émissions
de produits dangereux dans les eaux, et considère que "l'eau n'est pas un bien
marchand comme les autres mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et
traiter comme tel". Cette directive demande aux Etats membres de coordonner les
mesures administratives au sein de districts hydrographiques, dont la définition est
très proche de celle des six bassins liés aux agences de l'eau. Chaque district
administratif doit faire l'objet d'une analyse de ses caractéristiques, de l'incidence
de l'activité humaine sur l'état des eaux (de surface et souterraines) et une analyse
économique de l'utilisation de l'eau. Avec comme objectif de prévenir la
détérioration de l'état de toutes les masses d'eau de surface, mais aussi de préserver,
améliorer et restaurer ces masses d'eau, les Etats membres sont priés de prendre
toutes les mesures nécessaires, et en particulier de veiller à l'application des
Directives européennes existantes. Il faut noter que la directive impose le retour à
un "bon état écologique" de toutes les masses d'eau, cet objectif étant plus
contraignant que simplement produire de l'eau potable partout.
Les régulations mises en place à ce jour pour tenter de limiter les pollutions
diffuses agricoles sont presque toutes de type "command and control" : le
régulateur demande aux pollueurs potentiels d'adopter des pratiques qu'il juge
bonnes1 ou de limiter l'emploi d'un intrant potentiellement polluant2 et il se charge
de faire adhérer les pollueurs potentiels en assurant un contrôle du règlement qu'il
impose. Le point important est la définition des bonnes pratiques, réalisée par le
régulateur, et sur laquelle les agents régulés ont peu de prise. Une fois définies, les
"bonnes pratiques" sont imposées le plus souvent par des lois, parfois sous forme
d'accord volontaire (contrats entre des sociétés de distribution d'eau et groupe
d'agriculteurs, CTE, CAD). Ce type de régulation est connu pour poser plusieurs
problèmes lorsqu'il s'applique aux pollutions diffuses :
- d'une part il est fait l'hypothèse a priori que le régulateur connaît bien
les relations entre les pratiques qu'il impose et les phénomènes de pollution qu'il
cherche à réguler, ce qui, parce que les pollutions diffuses sont de nature
stochastique, est loin d'être vérifié.
- d'autre part le contrôle de l'adoption effective des pratiques est
quasiment impossible. Aussi surprenant que cela puisse paraître un certain
nombre de mesures agro-environnementales existantes sont dans ce cas
(Instance Nationale d’Evaluation du Contrat Territorial d’Exploitation, 2003).
1
les mesures agri-environnementales, le PMPOA ou les codes de bonnes pratiques
agricoles élaborés dans le cadre de la Directive nitrates en sont des exemples.
2
par exemple, la Directive nitrates impose une limitation de la quantité d'azote d'origine
animale épandue sur les parcelles agricoles.
193
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
194
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
agents à révéler correctement leur vrai coût de dépollution, le régulateur peut faire
dépendre sa politique de contrôle de cette révélation, et répartir de façon efficace
l'effort de réduction des rejets entre les agents. Bien entendu, les agents ont intérêt
à manipuler l'information qu'il transmettent au régulateur. Pour assurer une
révélation correcte des coûts de dépollution, le régulateur doit alors introduire
plusieurs instruments : il propose aux agents un ensemble de contrats, qui
comporte, pour chaque valeur du paramètre que le régulateur cherche à connaître,
un objectif d'effort de réduction des rejets associé à un transfert monétaire. Et pour
inciter chaque agent à choisir le contrat qui correspond à son véritable coût de
dépollution, le régulateur lui assure par le transfert monétaire au moins la rente
qu'il gagnerait en mentant sur ses coûts (Salanié Bernard, 1994).
coût
marginal coût
(e1) marginal dommage
(e2) marginal (x)
taxe2
taxe1
e1 e2
e : émissions
Figure 2 : application d'une taxe individuelle pour que chaque agent égalise son
coût marginal avec le dommage marginal qu'il génère dans le cas de deux types
d'entreprises polluantes ayant des caractéristiques très différentes
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Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
revenu des agriculteurs sur un bassin versant, diminuer la pollution de l'eau liée à
l'activité agricole et limiter les transferts monétaires des contribuables vers les
agriculteurs. Ce régulateur ignore une caractéristique importante de la population
d'agriculteurs dont il veut limiter la pollution1. Par contre, il a à sa disposition une
fonction de répartition des types dans la population d'agriculteurs, et des fonctions
reliant le type, la production réalisée et les émissions de polluants qu'il souhaite
limiter. Dans notre cas d'application, une étude préalable (par enquête d'un
échantillon représentatif de la population, par l'utilisation de modèles
hydrologiques) a permis de les déterminer sur le bassin considéré.
1
Cette caractéristique est appelée le type de chaque agriculteur.
196
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
maximisation
d'une fonction de bien être
distribution du type θ
sous contraintes
modèles économiques : de participation
relation entre θ et production
menu de contrats :
1 contrat =
1 production autorisée
+ 1 transfert
contrat adapté
si le θ annoncé contrat qui pénalise l'éleveur
est le vrai s'il cherche à tricher sur son θ
197
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Une fois construit un mécanisme non linéaire, nous avons introduit dans le
modèle trois types de régulations :
- nous avons d'abord recherché quelle serait la taxe sur les engrais azotés1,
uniforme (la même pour tous les éleveurs) et optimale dans notre situation
(celle qui maximise la somme du profit des éleveurs, diminuée du dommage et
du coût des transferts).
- nous avons ensuite examiné quel serait l'effet d'une extensification linéaire :
chaque éleveur se voit imposer de diminuer son niveau de production laitière
par hectare, la diminution étant identique pour tous les éleveurs.
- enfin, nous avons déterminé quel serait la limitation optimale d'emploi des
engrais minéraux azotés.
198
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
mécanisme non linéaire "ext.50". Avec ces trois mécanismes, tous les éleveurs
voient leur profit diminué. Nous avons alors testé la possibilité pour le régulateur
d'attribuer une subvention aux éleveurs, élaborée de façon à ce qu'une proportion α
d'éleveurs augmentent leur profit après régulation. Pour pouvoir comparer plus
simplement ces différentes régulations, nous présentons leurs conséquences
lorsqu'elles permettent à la moitié des éleveurs de bénéficier de leur mise en place
(α = 50 %).
80
ext.. 75
70
60
taxe N + t
ext. lin. + t
ext. 5050 quota N min. + t
BMP1
40
BMP3
30 BMP2
ext. 25
20
bénéfice 10
légende :
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Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Les mécanismes représentés par des ronds blancs ne permettent pas d'atteindre la valeur
guide de 25 mg [NO3-]/l en année moyenne, ceux représentés par des losanges noirs
atteignent, voire dépassent, cette limite.
mécanismes non linéaires :
ext. autoritaire. » : extensification non linéaire (le taux varie selon l’agriculteur ), imposée à tous les éleveurs
« ext. α» : extensification non linéaire associée à une subvention élaborée de façon à ce que à α %
des agriculteurs de bénéficient de la mesure.
modification de techniques :
« BMP1 » : fertilisation raisonnée
« BMP2 » : épandage raisonné des engrais organiques (valorisation sur toute la surface fourragère en
tenant compte des rotations)
« BMP 3 » : BMP1 + BMP2
régulations linéaires :
« taxe N » : taxe sur les engrais azotés
« quota N min » quota d’engrais
« ext. lin. » : extensification linéaire (taux identique quel que soit l’agriculteur)
«+t»: mesure précédente avec un niveau de l'instrument permettant d'atteindre le niveau de
dommage du mécanisme non linéaire "ext.50" + redistribution d’une subvention construite pour que 50 %
bénéficient de la mesure.
- une taxe sur les engrais minéraux azotés, fixée au niveau permettant de
maximiser le bien être ici, 0,23 € par kg d’azote (ce qui est élevé par rapport au
prix des engrais) ne permet pas de diminuer sur notre bassin les émissions vers le
cours d’eau de façon suffisante pour atteindre la valeur guide de 25 mg/l. Elle se
traduit par un bénéfice en raison du coût social marginal d’utilisation des fonds
publics. Si l’on augmente le niveau de la taxe et qu’on l’associe à une subvention
redistribuant son montant, il devient possible d’atteindre cette valeur guide, mais
à un coût extrêmement élevé pour la société (35 €/kg N évité).
- les mécanismes non linaires testés se traduisent par un bénéfice pour la société :
dans notre cas, les agriculteurs de type élevé sont incités à désintensifier leur
production laitière plus que ce qu’ils seraient amenés à effectuer en information
200
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
complète1, au bénéfice des agriculteurs possédant un type plus faible. Cette ré-
allocation de « niveaux d’intensification » crée une distorsion, qui est cependant
sur notre cas suffisamment faible pour que les émissions de nitrates soient en
dessous de la valeur guide de 25 mg/l. Deux mécanismes ont été analysés ici :
une extensification non linéaire autoritaire qui pénaliserait tous les agriculteurs, et
un mécanisme qualifié de « politique » associant une subvention conçue pour
qu’une proportion donnée d’agriculteurs bénéficient de la mesure.
5. Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons comparé une taxation non linéaire du niveau
de production à des politiques uniformes basées sur la réduction d'intrants, la
diminution du niveau de production ou imposant l'adoption de bonnes pratiques.
Cette comparaison a été menée à l'aide d'un modèle s'appuyant sur la théorie de
l'Agence et alimenté par des données provenant du bassin versant du Don.
D'autre part, sur le bassin du Don, qui est consacré à un élevage intensif,
nous avons mis en évidence plusieurs politiques permettant de respecter la valeur
guide européenne de 25 mg de nitrates par litre d'eau (en année moyenne). Parmi
ces politiques, le mécanisme non linéaire est le seul qui conduise à un bénéfice
social positif.
1
Si le régulateur pouvait avoir accès sans coût à toute l’information connue de chaque
agriculteur, ainsi qu’à la relation entre ses pratiques et les émissions d’azote résultant dans
l’eau, il pourrait construire un mécanisme dit en information complète, dans lequel il
affecterait à chaque agriculteur exactement le coût du dommage lié à sa production
individuelle.
201
Economie des équipements pour l'eau et l'environnement
Remerciements
Les travaux dont quelques résultats sont présentés ici ont été rendus
possibles par l'appui financier du Cemagref (Thème mobilisateur Economie des
Equipements), de l'Union européenne sur le bassin du Don dans le cadre du projet
AgriBMPWater (http://www.bordeaux.cemagref.fr/adbx/agribmpwater/index.html), du
Conseil régional et de l'Union européenne sur le sous-bassin du Cétrais (Turpin, et
al., 2001).
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algues vertes dans le bassin d'Arcachon, 163 p.
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goods from agriculture, American Journal of Agricultural Economics, 78, pp. 935-
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