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Développement versus Croissance

Pour une Géoéconomie de l'Afrique


Cadre conceptuel
Le développement et la croissance économique sont deux concepts distincts mais
interconnectés. Dans le contexte de l'Afrique, il est essentiel de comprendre la
différence entre ces deux notions.

La croissance économique fait référence à l'augmentation quantitative de


la production de biens et de services dans une économie donnée sur une
période donnée. Elle est généralement mesurée par le taux de croissance du
produit intérieur brut (PIB). Elle est souvent associée à des indicateurs tels que
l'augmentation des investissements, de la consommation, des exportations et de la
productivité. Elle est nécessaire à la création d'emplois et l’augmentation
du revenu national.

Le développement est un concept plus large et englobe des dimensions


économiques, sociales et environnementales : il vise à améliorer les conditions de
vie de la population, à réduire la pauvreté, à promouvoir l'éducation, la santé,
l'égalité des genres, la protection de l'environnement et la durabilité.

Le développement ne se limite pas à la seule croissance économique : il


implique une transformation structurelle de l'économie et des politiques
publiques visant à atteindre des objectifs de développement durable à
long terme.

Toutefois, les deux concepts sont ombilicalement liés et dépendants :


• Pas de développement socio-économique sans croissance durable et constante
sur de longues périodes ;
• Pas de croissance inclusive et endogène , sans développement concomitant
de l’économie, du territoire et des populations.

Dans le cas de l'Afrique, il est important de rechercher un développement


économique durable et inclusif, tout en veillant à la qualité de la croissance
économique et à sa constance : pour être utile, la croissance économique doit se
maintenir à des niveaux élevés sur de longs cycles. Bien que certains pays
africains aient connu une croissance économique rapide, les défis du
développement persistent, notamment la pauvreté, les inégalités, l'accès limité aux
services de base, l'insécurité, la vulnérabilité aux changements climatiques et la
faiblesse des politiques publiques.

Fiche 4 – Mohamed Bacha, Dr. 1


Pour une Géoéconomie du
développement de l'Afrique
La croissance économique en Afrique reste inégale, avec des pays qui rencontrent
encore des défis économiques et sociaux importants. La pandémie de COVID-19
a eu un impact négatif sur les économies africaines, avec une contraction
économique dans de nombreux pays en 2020. Cependant, malgré ces défis,
plusieurs pays africains continuent de faire des progrès économiques significatifs.

Il nen reste pas moibs que la géoéconomie de l'Afrique est un sujet


complexe et dynamique, car le continent africain est composé de nombreux
pays aux réalités économiques et aux potentiels divers. L’analyse géoéconomique
de l’Afrique peur s’articuler autour des points clés suivants :

L’Afrique est riche en ressources naturelles


L'Afrique est riche en ressources naturelles stratégiques dont la gestion est un défi
pour le continent, en raison de la mauvaise gouvernance et de la dépendance
excessive à l'égard des exportations de matières premières. Ces ressources
naturelles offrent des opportunités économiques importantes pour le continent
africain. Il est essentiel de mettre en place des politiques d'investissement
appropriées pour en tirer pleinement parti et promouvoir le développement socio-
économique.

1. Pétrole et gaz : Plusieurs pays africains possèdent d'importantes réserves de


pétrole et/ou de gaz : Nigeria, Algérie, Angola, Libye, Égypte et Congo
(RDC), Afrique du Sud, Mozambique, Tanzanie.

2. Minéraux et métaux : L'Afrique est riche en minéraux et métaux précieux.


Elle est le premier producteur mondial de diamants : Botswana, Afrique du
Sud et RDC en sont les principaux producteurs. D'autres minéraux abondent
également, tels que l'or, le cuivre, le cobalt, le platine, le coltan et le phosphate.

3. Terres arables : L'Afrique possède de vastes étendues de terres arables.


L'agriculture représente encore une part importante de l'économie de
nombreux pays africains, fournissant des denrées alimentaires et des matières
premières agricoles telles que le cacao, le café, le coton, le maïs, le riz, etc.

4. Eau douce : L'Afrique dispose de ressources en eau douce considérables, avec


de nombreux grands fleuves tels que le Nil, le Congo, le Niger et le Zambèze.
Ces ressources hydriques sont essentielles à l'agriculture, à la production
d'énergie hydroélectrique et à l'approvisionnement en eau potable.

Fiche 4 – Mohamed Bacha, Dr. 2


Croissance économique contrastée
Au cours des dernières années, plusieurs pays africains ont enregistré une
croissance économique significative. Les pays comme le Rwanda, l'Éthiopie, le
Ghana et la Côte d'Ivoire ont été salués pour leurs réformes économiques, leur
climat des affaires favorable et leur diversification économique. Cependant,
d'autres pays continuent de faire face à des défis économiques, tels que la
pauvreté, le chômage élevé et les infrastructures insuffisantes.

Quelques pays africains ont enregistré une croissance


économique significative

Plusieurs pays africains ont connu une croissance économique significative au


cours des dernières années :

1. Rwanda : Croissance économique soutenue grâce à des réformes


économiques, une stabilité politique relative et des investissements dans les
secteurs de l'agriculture, du tourisme et des TIC (technologies de l'information
et de la communication). Le pays s'est concentré avec succès sur la promotion
de l'entrepreneuriat et la facilitation des affaires.

2. Éthiopie : Une des économies à la croissance la plus rapide en Afrique. Le


pays a investi massivement dans les infrastructures, l'industrialisation et le
secteur manufacturier.

Il est devenu un centre régional pour les industries textiles, les produits
pharmaceutiques et l'énergie renouvelable. Il bénéficie d'un vaste marché
intérieur et d'une main-d'œuvre abondante.

3. Ghana : Croissance économique soutenue grâce à la diversification de son


économie, notamment dans les secteurs pétrolier, minier, agricole et
manufacturier. Le pays a également fait des progrès dans la promotion d'un
climat des affaires favorable et l'attraction d'investissements étrangers.

4. Côte d'Ivoire : Une des économies les plus dynamiques de l'Afrique de


l'Ouest. Le pays a bénéficié d'une stabilité politique accrue après une période
de conflits, ce qui a permis de stimuler les investissements et le commerce. Les
secteurs clés de l'économie ivoirienne comprennent l'agriculture (notamment
la production de cacao), l'industrie, les mines et les services.

Fiche 4 – Mohamed Bacha, Dr. 3


D'autres pays continuent de faire face à des défis
économiques
Effectivement, plusieurs pays africains continuent de faire face à des défis
économiques importants :

1. Pauvreté et inégalités : De nombreux pays africains sont confrontés à des


niveaux élevés de pauvreté et d'inégalités socio-économiques. Une grande
partie de la population vit dans des conditions de pauvreté extrême, avec un
accès limité à l'éducation, aux soins de santé et à d'autres services de base.

2. Chômage élevé : Le chômage, en particulier chez les jeunes et les diplômés


de l’enseignement supérieur, est un défi majeur dans de nombreux pays
africains. Le manque d'opportunités d'emploi formel, combiné à une
croissance démographique rapide, rend difficile la création d'emplois en
nombre suffisant pour absorber la main-d'œuvre disponible.

3. Infrastructures insuffisantes : De nombreux pays africains souffrent d'un


déficit d'infrastructures, notamment dans les domaines du transport, de
l'énergie, de l'eau potable et des télécommunications. Des infrastructures
inadéquates entravent le développement économique et limitent la connectivité
régionale et internationale.

4. Dépendance aux exportations de matières premières : Plusieurs pays


africains dépendent fortement des exportations de matières premières, ce qui
les rend vulnérables aux fluctuations des prix internationaux. Cette
dépendance limite la diversification économique et expose ces pays à des
risques économiques (notamment les risques d’ingérence).

5. Corruption et mauvaise gouvernance : La corruption et la mauvaise


gouvernance sont des problèmes persistants dans de nombreux pays africains.
Ces phénomènes ont un impact négatif sur l'environnement des affaires, les
investissements et la confiance des acteurs économiques.

Le commerce intrafricain reste


relativement faible
Pourvoyeurs de matières premières, les pays africains ont historiquement été
tournés vers les marchés internationaux, ce qui a entravé le développement des
échanges intra-africains. La mise en place de l'Accord de libre-échange
continental africain (ZLECAf) en 2019 vise à cet égard à stimuler le commerce
intra-africain en supprimant les barrières tarifaires et non tarifaires.

Fiche 4 – Mohamed Bacha, Dr. 4


Le commerce intrafricain reste relativement faible par rapport à d'autres régions
du monde, en raison notamment :

1. Barrières commerciales rédhibitoires : Les pays africains ont mis en place


des barrières commerciales telles que les droits de douane, les quotas
d'importation et les réglementations complexes, ce qui rend les échanges intra-
africains coûteux et difficiles. Ces obstacles entravent la libre circulation des
biens et des services à travers les frontières.

2. Infrastructures de transport déficientes : Les infrastructures de transport


en Afrique sont souvent insuffisantes et mal développées, ce qui rend le
commerce régional plus coûteux et moins efficace. Les routes, les voies
ferrées, les ports et les aéroports ont besoin d'investissements importants pour
améliorer la connectivité entre les pays africains.

3. Marchés fragmentés Le marché africain est fragmenté en plusieurs petites


économies nationales. Cette fragmentation réduit la taille du marché et limite
les opportunités d'économies d'échelle pour les entreprises. De plus, les
différences réglementaires et les disparités économiques entre les pays rendent
difficile la création d'un marché commun intégré.

4. Dépendance aux exportations externes : De nombreux pays africains sont


davantage tournés vers les marchés internationaux pour leurs exportations
plutôt que vers les marchés régionaux. Cette dépendance aux exportations
externes limite les incitations au commerce régional et renforce les liens
économiques avec des partenaires extérieurs.

Il convient de noter que malgré les défis, certaines régions en Afrique connaissent
une intégration économique plus poussée, notamment l'Afrique de l'Est avec la
Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE) et l'Afrique australe avec la
Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), qui ont réalisé des
progrès dans la promotion du commerce et de l'intégration régionale.

En 2019, l'Union africaine a lancé l'Accord de libre-échange continental africain


(ZLECAf), qui vise à créer une zone de libre-échange en Afrique. Cet accord vise
à réduire les barrières commerciales, à faciliter la circulation des biens et des
services, et à stimuler le commerce intra-africain. Sa mise en œuvre progressive
pourrait contribuer à renforcer le commerce régional en Afrique à long terme.

L’Afrique exerce toujours un attrait


croissant sur les investisseurs étrangers…
L'Afrique a attiré un intérêt croissant de la part des investisseurs étrangers, en
particulier de la Chine, qui a noué des partenariats économiques avec de

Fiche 4 – Mohamed Bacha, Dr. 5


nombreux pays africains. Les investissements chinois se concentrent
principalement sur les infrastructures, les ressources naturelles et les industries
extractives. Cependant, d'autres acteurs internationaux, tels que l'Inde, le Brésil et
les pays occidentaux, continuent également d'investir en Afrique, en raison
notamment :

1. L'abondance de ressources naturelles en Afrique, telles que le pétrole, le


gaz, les minéraux et les terres arables, a attiré l'attention des investisseurs
étrangers. Les sociétés internationales sont souvent impliquées dans
l'exploitation des ressources naturelles africaines, en particulier dans le secteur
des mines, du pétrole et du gaz.

2. L'Afrique est considérée comme un marché émergent avec un potentiel


de croissance économique significatif. La population africaine en expansion
rapide, associée à une classe moyenne croissante, offre des opportunités pour
les entreprises étrangères dans divers secteurs tels que la consommation, les
télécommunications, les services financiers, l'agroalimentaire, etc.

3. Les besoins en infrastructures en Afrique sont énormes, allant des routes


et des ports aux installations énergétiques et aux télécommunications. Les
investisseurs étrangers sont impliqués dans des projets d'infrastructures, que
ce soit par des investissements directs ou par des partenariats public-privé.

4. La stabilité politique croissante dans de nombreux pays africains et les


réformes économiques entreprises pour stimuler l'investissement ont
également contribué à attirer les investisseurs étrangers. Les gouvernements
africains ont mis en place des politiques favorables aux affaires, des régimes
fiscaux attractifs et des mesures pour promouvoir la transparence et la bonne
gouvernance.

5. La diversification de l’origine des investisseurs tend à réduire la part


des pays occidentaux. La Chine a joué un rôle majeur dans les
investissements en Afrique, en particulier dans les infrastructures, les
ressources naturelles et les industries extractives. Cependant, d'autres pays tels
que l'Inde, le Brésil, les pays occidentaux et les investisseurs du Golfe Persique
ont également montré un intérêt croissant pour les opportunités
d'investissement en Afrique.

Il reste que, malgré l'augmentation des investissements étrangers, des défis


subsistent, tels que la nécessité d'une meilleure coordination entre les
gouvernements africains et les investisseurs étrangers, la promotion de transferts
de technologie, la protection des droits des travailleurs et l'atténuation des risques
liés à la corruption et à l'instabilité politique.

Fiche 4 – Mohamed Bacha, Dr. 6


Il est essentiel que les investissements étrangers contribuent au développement
économique durable et inclusif en Afrique.

… mais reste confrontée à plusieurs défis


majeurs de gouvernance et de
développement socio-économique
Malgré les opportunités économiques, l'Afrique est confrontée à plusieurs défis
majeurs entravant le développement économique et la stabilité dans de nombreux
pays africains. Parmi ceux-ci, on peut citer la corruption, l'insécurité, les conflits
armés, les problèmes d'infrastructures, le manque d'accès à l'éducation et aux
soins de santé, ainsi que les changements climatiques.

1. Pauvreté et inégalités : Une grande partie de la population africaine vit


dans la pauvreté, avec un accès limité à l'éducation, aux soins de santé, à l'eau
potable, à l'assainissement et à l'électricité. Les inégalités économiques et
sociales persistent, avec une concentration des richesses entre les mains d'une
élite restreinte.

2. Insécurité et conflits : Certains pays africains sont confrontés à des conflits


armés, à l'instabilité politique et à l'insécurité. Les conflits peuvent entraver le
développement économique, déplacer des populations, détruire les
infrastructures et compromettre la gouvernance.

3. Accès limité aux services de base : De nombreux pays africains accusent


des déficits énormes en matières d’infrastructures socio-économiques.
L'insuffisance des investissements dans les infrastructures sociales de base est
un obstacle majeur à l'amélioration des conditions de vie de la population.

4. Dépendance aux matières premières : La dépendance excessive de


nombreux pays africains aux exportations de matières premières expose leur
économie aux fluctuations des prix mondiaux et à la volatilité des marchés
internationaux. Cette dépendance limite la diversification économique et la
création d'emplois durables.

5. Changement climatique et environnement : L'Afrique est vulnérable


aux effets du changement climatique, tels que les sécheresses, les inondations
et la dégradation des terres. Ces impacts environnementaux peuvent avoir des
conséquences graves sur l'agriculture, la sécurité alimentaire, l'accès à l'eau et
la santé des populations.

6. Gouvernance et corruption : La mauvaise gouvernance, la corruption et


l'inefficacité des institutions publiques sont des défis majeurs en Afrique. Ces

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problèmes peuvent entraver la mise en œuvre de politiques efficaces,
décourager les investissements et miner la confiance des acteurs économiques.

Ces défis sont-ils insurmontables ?


La plupart des pays africains a mis en place des stratégies et des réformes visant
la promotion d'une croissance économique inclusive et durable :

• Promotion de la bonne gouvernance


• Renforcement des institutions
• Investissement dans les infrastructures
• Diversification économique et industrielle
• Amélioration de l'accès aux services de base.

La géoéconomie de l'Afrique est marquée toutefois par une diversité de réalités


économiques, allant de la croissance rapide à des défis persistants. Le continent
africain possède un immense potentiel économique, mais il s’avère encore
incapable à relever les défis structurels pour réaliser pleinement ce
potentiel.

Pour relever les défis du développement et de la croissance, il est essentiel de


mettre en œuvre des politiques économiques et sociales efficaces inscrites dans
un cadre de planification stratégique et dotées d’une vision de développement a
llng terme, condition sine qua non pour

1. Améliorer la gouvernance des systèmes productifs ;

2. Initier des investissements massifs dans les secteurs productifs et


créateurs de richesse

3. Promouvoir l'investissement dans les infrastructures et élargir l’accès


équitable aux services publics ;

4. Favoriser la création d'emplois durables (au sens économique du terme) et


5. Inclure toutes les forces sociales progressistes dans la dynamique de
développement.

Il est nécessaire d'adopter des cadres organisationnels, des


politiques et des stratégies qui favorisent à la fois la croissance
économique et le développement humain :

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• Instituer des modes d’organisation de l’économie qui réhabilitent les
mécanismes de planification stratégique et dotent les Etats africains de
visions de développement de long terme

• Densification des investissements dans l'éducation et la recherche


scientifique ;

• Mise à niveau des infrastructures socio-économiques et notamment de


transport et de télécommunications ;

• Relèvement du niveau de prise en charge de la santé par la réhabilitation du


secteur public des hôpitaux et la mie en place de l’obligation légale d’égal
accès aux soins sur tout le territoire ;

• Appui massif à l'agriculture durable basée sur la promotion des variétés et


semences locales ;

• Rationalisation de l’action du secteur public en densifiant l’investissement


productif, industriel et technologique porté par les États.

• La promotion du secteur privé porteur d’initiative et de savoir-faire ;

• Veiller a la diversification industrielle et à l’élargissement des systèmes de


transformation de matières premières locales.

Le développement inclusif implique également la participation


active des populations africaines dans la prise de décisions
économiques et politiques, condition incontournable de la bonne
gouvernance.
Alors que la croissance économique est un aspect important du développement, il
est essentiel de viser un développement économique plus large et durable, en
tenant compte des dimensions sociales et environnementales, pour améliorer les
conditions de vie et le bien-être des populations africaines.

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