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La diplomatie au féminin : enjeux épistémologiques entre histoire des relations internationales et histoire du

genre
Laurence Badel

Bilan historiographique

Jusqu’aux années 2000, l’historiographie souligne le rôle des hommes dans les relations internationales en
particulier dans le domaine de la négociation internationale. Si on parle des femmes dans d’autres domaines,
on n’imagine pas en faire de véritables actrices des relations internationales. Pourquoi cette absence des
femmes ? Pourquoi ont-elle été inactives dans les relations internationales ? Pourquoi ont-elle été effacé de
l’histoire ? La réalité est plus complexe. Pour la période contemporaine, il est clair qu’au XIXe siècle,
l’exclusion des femmes de la vie civique va avoir des conséquences fortes y compris sur leur possibilité
d’accéder à des métiers internationaux. La société internationale qui se construit est société une masculine,
militarisée, aux valeurs viriles.

Les choses ont considérablement changé avec des travaux pionniers à l’étranger comme un ouvrage intitulé
Women, Diplomacy and International Politics Since 1500 (2015) de Carolyn James et Glenda Sulga qui
dynamise la recherche sur la place des Femmes dans les relations internationales ou bien encore article de
référence intitulé « Gender » (1990) de Emily S. Roserberg qui encourage au développement de l’histoire des
femmes en diplomatie et dans les relations internationales en disant que jusqu’à présent, on a écrit cette
histoire par le biais de l’exceptionnalité (c’est-à-dire qu’on a repéré des parcours exceptionnels de femmes).

Pour définir la diplomatie au féminin qui est thème de réflexion plus restreint que les femmes dans les
relations internationales, on va réfléchir à la place que tiennent les femmes dans l’ensemble des interactions
induites à l’exercice de missions diplomatiques : quelle place ont-elles tenu dans la négociation ? Quelle place
tiennent-t-elles dans la promotion des intérêts ? Il faut questionner la spécificité « féminine de l’exercice » de
ces missions et s’interroger sur le contenu de l’expression « diplomatie féministe ».

Suggestion n°1 : Ne pas faire du genre un facteur déterministe pour expliquer la place femmes en diplomatie

Leila Shahid née en 1949 est la grande représentante l’Autorité palestinienne en particulier en France de 1993
à 2005 et pendant quelques années auprès de l’UNESCO et l’Union Européenne. Yasser Arafat fait le choix
de lui confier cette représentation de ce qui n’est à proprement parlé une diplomatie puisque OLP
(Organisation de libération de la Palestine) n’est pas un état. Elle va donc être la représentante d’une proto-
diplomatie en l’occurrence à Paris. Cette femme est issue d’une famille de notables de Jérusalem
historiquement très engagée dans le nationalisme arabe. Son arrière-grand père est député au parlement
européen, maire de Jérusalem avant la grande guerre. La famille quitte la Palestine dans les années 30 lors
de la grande révolte arabe. Ce que dit la naissance de Leila Shahid c’est que beaucoup de femmes qui vont
être nommées à des fonctions de représentation sont souvent issues de famille de notables ou diplomates
quelque soit leur état d’origine.

Suggestion 2 : Se demander si l’entrée des femmes en diplomatie n’a pas essentiellement favorisé leur
capacité à assumer une mission particulière (mission d’information et de communication)

Jadvyga Chodakauskaite-Tubeliene (1891-1988), une des premières femmes cheffe de mission dans l’Histoire
contemporaine. Formée à l’université de Saint-Pétersbourg qui pendant la Première Guerre mondiale encadre
les activités culturelles et éducatives organisés à l’intention des réfugiés lituaniens ayant fui le front. Quant la
Lituanie déclare son indépendance, au début de l’année 1918, elle est chargée de mission suppléante à
Berne (Suisse) en 1918-1919, elle synthétise l’information et les directives reçues du conseil national lituanien.
Son rôle est de préparer des communiqués visant à expliquer auprès des grandes agences européennes ce
que veut faire le nouvel état.
Suggestion 3 : féminisation versus démocratisation des corps diplomatiques
La Seconde Guerre mondiale va faire sortir de ce régime de l’exceptionnel et qui va voir les états affichés
cette volonté de renouvellement, de démocratisation de leur corps diplomatique qui passe aussi par
l’ouverture vers les femmes. C’est la cas de la République fédérale d’Allemagne, dès sa création en 1949, le
directeur du personnel manifeste la volonté d’ouvrir le ministère aux femmes et cela se vérifie dans d’autres
états.

Veronica Sutherland est la première ambassadrice mariée nommée à Abidjan en 1987. Exemple irlandais, où
la barrière du mariage est établi dès la proclamation de la nouvelle république d’Irlande liée à son entrée dans
la communauté économique européenne en 1973. La loi est abrogée le 31 juillet 1973. Soit la barrière du
mariage est inscrite dans la loi, soit elle existe de manière officieuse dans d’autres états.

Suggestion 4 : examiner les interactions entre l’espace national et l’espace international

L’une des grandes spécificités de l’histoire du XXe siècle est ce que les juristes appellent un nouveau sujet du
droit à savoir les organisation internationales. Juridiquement, il y a 2 grands sujets du droit : les états et les
organisations nationales. L’ONU joue un rôle important en affirmant dans son préambule et son article 8,
l’égalité homme-femme, le rejet de toute discrimination fondée sur la race, le sexe, la langue et la religion ; en
instituant une sous-commission puis une commission de la condition de la femme rattachée au conseil
économique et social, en mettant en place à partir de 1975, une année internationale de la Femme qui
correspond à la toute première conférence ONU femme pour faire évoluer les positions en la matière. Depuis
1959, l’ONU a des années internationales. 3 autres conférences se tiendront, la dernière se tient à Pékin en
1995.

Aux cotés de l’ONU et des autres organisations internationales, il faut parler du rôle des instituions
européennes qui ont un impact important dans le domaine social et vont devoir se montrer en accord dans
leurs pratiques avec les principes qu’elles préconisent à l’échelle internationale (en particulier au moment où
la Commission européenne prend conscience que cette égalité homme-femme n’est guère respectée à
l’époque en son sein).

Suggestion 5 : Réfléchir à ce que le genre « fait » aux politiques extérieures et internationales

Pour conduite cette réflexion, on s’appuie sur la notion de « diplomatie féministe » pour définir les enjeux que
cela pose aux historiens des relations internationales. Cette notion est une expression propre à la France,
ailleurs les états parlent de politique extérieure féministe qui désigne l’intégration de la défense et de la
promotion des droits des femmes voire l’intégration de la perspective du genre dans l’élaboration des
politiques étrangères. Les tous premiers états sont occidentaux, une exquise de mondialisation avec le
Mexique, la Libye et le Chili. Les états comme la Suède et les états nordiques qui renvoient à une tradition de
développement de l’état social et une tradition d’états qui ont été des états auprès desquels, les premières
ambassadrices ont été accrédité. Ce qu’il faut ajouter et que si ces états ont inscrit la diplomatie féministe
comme pilier officiel d’autres conduisent des politiques en faveur de l’égalité des genres sans faire un
paradigme de la politique extérieure. Par exemple, l’Autriche adopte des mesures favorables à la parité et
promotion des femmes au sein de son ministère des Affaires étrangères. De la même manière le Royaume-
Uni adopte une loi en faveur de l’égalité des genres. Ce qui est intéressant à voir est qu’une nation dévolue
l’Écosse en a fait un argument fort pour s’affirmer, Nicolas Sturgeon qui vient d’abandonner le pouvoir a
justement revendiqué la composition d’un cabinet équilibré entre les sexes en 2017 et s’est affirmé comme
l’un des héros de la cause des femmes sur la scène internationale.

Au terme de cet exposé, une question se pose : Que nous dit la diplomatique féministe de l’évolution des
politiques étrangères et internationales et en quoi cela nous permet-il de renouveler notre écriture de l’histoire
de ces politiques ?

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