Vous êtes sur la page 1sur 99

A.-L.

Dupont
Cet atlas présente un panorama inédit de l’islam aujourd’hui :

• Plus d’un milliard de musulmans dans le monde : qui sont-ils ?


• Les facteurs d’unité de l’umma, la communauté : rites, lieux
d’étude et de pèlerinage, villes saintes, symboles architecturaux.
• L’islam politique : républiques islamiques, jihad, Frères
musulmans, charî‘a.
• Enfin, un xxie siècle qui débute en révélant des failles
dans les institutions et des inégalités grandissantes.

Les 120 cartes et infographies mises à jour offrent une lecture


indispensable pour renouer avec une vision juste, et apaisée,
de l’islam.

Atlas
Atlas de l’islam

Anne-Laure Dupont est maître de conférences en histoire à Sorbonne Université
et membre du Centre d’histoire du xixe siècle. Elle est spécialiste du monde arabe
et du Moyen-Orient aux xixe et xxe siècles.
Guillaume Balavoine est cartographe indépendant.

de l’islam
Lieux, pratiques et idéologie

Anne-Laure Dupont

En couverture : Prix France : 24 


Musulmane lisant le Coran le premier jour ISBN : 978-2-7467-6111-7

9:HSMHOG=\[VVV\:
du Ramadan dans la mosquée de Istiqlalen
en Indonésie, juin 2016
© Jefta Images / Barcroft Media via Getty
www.autrement.com Images / Barcroft Media via Getty Images TROISIÈME ÉDITION

9782746761117_AtlasDeLIslam_Couv.indd Toutes les pages 18/11/2021 15:42


Atlas de l’islam

01-09-Atlas_Islam_INTRO_NE2021-Maq2-BAT.indd 1 18/11/2021 10:41


Auteur
Anne-Laure Dupont est maître de conférences en histoire à
Sorbonne Université et membre du Centre d’histoire du xixe siècle.
Spécialiste du monde arabe et du Moyen-Orient aux xixe et xxe siècles,
elle a notamment publié, avec Catherine Mayeur-Jaouen et Chantal
Verdeil, Le Moyen-Orient par les textes xix e- xxi e siècle, Armand Colin,
Paris, 2011 et Histoire du Moyen-Orient du xix e siècle à nos jours, Paris,
Armand Colin, 2016.

Cartographe
Guillaume Balavoine co-dirige le service Infographies du Figaro.

Remerciements
Par leurs travaux, leurs idées, leurs conseils, leurs interventions
en séminaires, des conversations informelles, de nombreux amis,
collègues et étudiants ont nourri les trois éditions de cet atlas.
Ils reconnaîtront au fil des pages ce que je leur dois.
Je leur dis ma gratitude, spécialement à Catherine Mayeur-Jaouen
qui m’a rendu si passionnante l’histoire religieuse de l’islam.

Maquette
Création : Vianney Chupin
Conception et réalisation : Edire ; Twapimoa pour cette édition

Coordination éditoriale : Marie-Pierre Lajot et Chloé Pathé ;


Anne Lacambre pour cette édition
Relecture : David Mac Dougall
Fabrication : Margot Jourdan

ISBN : 978-2-7467-6346-3
© Autrement, un département de Flammarion, 2022.
87, quai Panhard et Levassor, 75647 Paris Cedex 13
www.autrement.com

Dépôt légal : janvier 2022


Dépôt légal des éditions précédentes :
© Éditions Autrement, 2005 et 2014.
Imprimé et relié en novembre 2021 par l’imprimerie Pollina, France

Tous droits réservés. Aucun élément de cet ouvrage ne peut être


reproduit, sous quelque forme que ce soit, sans l’autorisation expresse
de l’éditeur et du propriétaire, les Éditions Autrement.

01-09-Atlas_Islam_INTRO_NE2021-Maq2-BAT.indd 2 18/11/2021 10:41


Atlas de l’islam
Lieux, pratiques et idéologie

Anne-Laure Dupont
Cartographie : Guillaume Balavoine

TROISIÈME ÉDITION

Éditions Autrement
Collection Atlas/Monde

01-09-Atlas_Islam_INTRO_NE2021-Maq2-BAT.indd 3 18/11/2021 10:41


À l’origine de la
Émirat et r

Sultanat d

ATLAS
Campagne

Kaboul Cachemire Sultanat de


Ghor
Peshawar
Ghazni L’islamisation d
Lahore Tibet
de Multân
Expansion

Routes co

l’islam Sind
Ajmer
Delhi

Bénarès
Présence

Expansion
Ujjain Bhîlsa Bengale
Gujrat Expansion
YADAVA
Orissa

Mer d
Dawlatâbâd Deccan
Warangal Golfe du

’Om
KÂKATIYA
Bengale
HOYSALA

an

Mer
Dvarasamudra
COLA

d’A
Tanjore
Madurai

nd
a
PÂNDYA a

m
n Pattani Kelantan
Ceylan
Lamuri Trengganu

M
al
Perlak

ai
Samudra-Pasai

si
Aceh Malacca

e
Maldives
Rokan Johor
11 Siak
S u Kampar
m
at
ra Pa

O C É A N I N D I E N
Ban

500 km

6 Note sur les transcriptions


7 INTRODUCTION

11 PRÉSENCE DE L’ISLAM 35 LIEUX ET PRATIQUES DE L’ISLAM


12 Les origines 36 Les mosquées, lieux communautaires
14 La « grande discorde » et centres du culte
16 La diffusion de l’islam 38 Deux grandes mosquées contemporaines
18 L’islam transplanté 40 La Mecque et Médine, berceau de l’islam
20 Données démographiques et économiques 42 Lieux et rites de pèlerinage au Hedjaz
22 Des confessions variées 44 Un culte des saints vivace
24 Les langues de l’islam 46 Les foyers d’études religieuses
26 Les musulmans de Russie et du Caucase 48 Capitales d’islam
28 Une présence ancienne en Europe 50 Les ordres mystiques
30 De la transplantation à l’enracinement : 52 La résistance des confréries
l’islam en France 54 Les organisations musulmanes
32 Minorités religieuses en pays musulmans 56 De la conférence à la coopération islamique : l’OCI

01-09-Atlas_Islam_INTRO_NE2021-Maq2-BAT.indd 4 18/11/2021 10:41


AUTRICHE-
Chemin de fer du Hedjaz RUSSIE
Vienne HONGRIE Mer
Bagdad Routes de pèlerinage d'Aral
Damas Budapest Azov
Odessa
r Méditerranée Acre Dera FRANCE Routes maritimes
Najaf M
Haifa Bursa e
Samawa Rendez-vous des Belgrade
pèlerins ROUMANIE Crimée r
Jérusalem Amman Bosnie C
pour l’entrée en état Bucarest Caucas
e
a
Sarajevo
Gaza Basra de consécration (mîqât)

s
Herz. SERBIE Mer Noire Turkestan

p
OCÉAN

ie
Sofia Batoumi Tiflis
ITALIE MONT.
MaanA T L A N T I Q U E

nn
Corse Géorgie
ESPAGNE BULGARIE Trébizonde Bakou
Le Caire Suez Constantinople

e
ALBANIE
PORT. lfe

G
res Erzurum Arménie
Aqaba

o
aléa
B
Hafar Sardaigne Pe Salonique Ankara
rs Tabriz
al-Talabiyya iqu GRÈCE
Anatolie
Van
Tayma
e Smyrne
Ha’il Alger Sicile
Téhéran
Athènes Konya Mossoul
HEDJAZ Tanger
Oran
Tunis
Dodécanèse
Alep

Mada’in Salih Tunisie PERSE


Burayda Zilfi
Algérie Malte Crète Occupation Chypre Syrie
Al Wajh al-Sukya Protectorat italienne Beyrouth Bagdad
Conquête française Occupation
Nukra français 1912
Qus à partir de 1830 1881-1883
Mer Méditerranée britannique en 1878 Damas Ispahan
MAROC Riyad Annexion en 1914 Mésopotamie
Tripoli Palestine
Edfu Ouargla Benghazi Alexandrie Bassora
Yanbu Médine al-Yamana Jérusalem Chîraz
Komombo Afif Tripolitaine Cyrénaïque
Abyar Ali Madan
o

G
Ghadamès
Le Caire Suez Koweït lf
e
Aqaba
Conquête italienne Pe
Rabigh Protectorat
rs
Abyar Ali
Médine Djuhfa
1911-1912 britannique
Bahreïn
iqu
Rio de Oro Égypte 1899 e
(Esp.) Dhat Irq Hasa Qatar
Aydhab La Mecque
Occupation militaire
Hedjaz
Qarn al-Manazil britannique depuis 1882 Najd
Djedda Tâ’if Q U A RFezzan
T VIDE Protectorat en décembre 1914
Ghât Riyad
Médine
Yalamlam
Territoires temporairement occupés
Talaba Assouan
par les Ottomans au XVI e siècle

Me
Port Soudan
juhfa Territoires perdus par les Ottomans entre 1699 et 1812

r
au profit Sawakin
de l’Empire des Kunfida Ibl
Habsbourg et de l’Empire russe Djedda La Mecque
Dhat Irq
Territoires ayant échappé à la souveraineté ottomane
M

R
entre le début du XIX e siècle et 1913 au profit : Port-Soudan Dhofa
Soudan

ou
er

Qarn al-Manazil Atbara

g
des États balkaniques anglo-égyptien Asir

e
Djizan
Ro

Sada Afrique occidentale


Minâ des puissances coloniales européennes Condominium ut
ao
ug

(France, Royaume-Uni et Italie) française


am
britannique et égyptien
ecque Afrique Massaoua
dr
e

1899 Sanaa
‘Arafa de ‘Abd al-‘Azîz Âl Sa‘ûd (Ibn Saoud) en 1911 Sanaa équatoriale Érythrée Hodeïda Ha
Mukalla
Muzdalifa Khartoum Yémen
Territoires demeurant sous française Conquête italienne
Occupation britannique
Yalamlam souveraineté ottomane en 1914 Aryab
Lac Tchad 1882-1890
Aden d'Aden en 1839
Taizz
Limites du Koweït et des sphères d’influence britannique Côte française
mitation du «petit»
35 59
et ottomane en Arabie et dans le golfe Persique n Djibouti
Nigeria de des Somalis
rinage (‘Umra) d’A
(conventions de 1913-1914)
(Royaume-Uni) ABYSSINIE
Aden lfe Somalie brit.
mitation du «grand» Sources : M. Ruthven, Historical Atlas of Islam, Harvard University Go
rinage (Hajj) Press,Cambridge, 2004 et S. Zeghidour, La vie quotidienne à
La Mecque de Mahomet à nos jours, Paris, Hachette, 1989. 200 km

59 ISLAM, POLITIQUE ET IDÉOLOGIE 83 CONCLUSION


60 L’Empire ottoman en 1914
62 De l’Empire ottoman à la Turquie
64 L’Arabie saoudite
66 La question de Palestine ANNEXES
68 Islam et nation au Pakistan 85 GLOSSAIRE
70 La République islamique d’Iran 88 LES PRINCIPALES DYNASTIES MUSULMANES
72 Les républiques d’Asie centrale et l’islam 90 LE TEMPS ET LES FÊTES DANS L’ISLAM
74 Les Frères musulmans 91 SOURCES DES CITATIONS
76 Diversité de l’islamisme 92 BIBLIOGRAPHIE
78 L’idéologie du jihâd 94 INDEX
80 Des usages actuels de la charî‘a

01-09-Atlas_Islam_INTRO_NE2021-Maq2-BAT.indd 5 18/11/2021 10:41


Note sur les transcriptions

N
ous avons pris le parti de transcrire
les caractères arabes selon l’usage
scientifique simplifié des arabisants,
en faisant en sorte que la lecture des
non-spécialistes ne soit pas gênée.
À l’usage qui consiste à dédoubler
certaines voyelles pour transcrire une consonne sans
équivalent dans l’alphabet latin, nous avons préféré
le signe « ‘ » (apostrophe inversée). Ainsi avons-nous
écrit « Ka‘ba » au lieu de « Kaaba ».
Les diphtongues sont rendues par les lettres « ay » plutôt
que « ei » : Husayn, par exemple, plutôt que Hussein.
Le caractère arabe transcrit par « s » se prononce tou-
jours comme dans « atlas », même entre deux voyelles.
Les voyelles brèves arabes sont transcrites par les lettres
« a », « i » et « u » (à prononcer entre « o » et « ou ») ; les
voyelles longues sont marquées par des accents circon-
flexes (â, î, û) – y compris dans des mots pourtant
passés en français comme « imam », que nous écrivons
ainsi « imâm ».
Nous nous en sommes néanmoins tenus à l’usage cou-
rant pour les noms propres très connus (Bagdad,
Nasser, Hezbollah) et pour certains noms communs qui
figurent dans le dictionnaire français (cheikh, ouléma).
Parfois, nous avons opté pour une position de compro-
mis : cheikh Zâyed plutôt que Zayed (nom francisé) ou
Zâyid (transcription scientifique simplifiée en usage
dans cet ouvrage mais possiblement déroutante). Dans
les mots et noms turcs, nous avons rendu certains
caractères accessibles aux lecteurs français.

01-09-Atlas_Islam_INTRO_NE2021-Maq2-BAT.indd 6 18/11/2021 10:41


INTRODUCTION

Un atlas historique
de l’islam
contemporain

À la mémoire ressentent quand même l’islam comme une part de leur


de Serge Dupont, culture et de leur identité… Quelques périphrases
mon père. apaisent les scrupules : on parlera des individus « de
tradition musulmane », ou « d’origine musulmane ».
Y gagnera-t-on cependant en précision ? Dans toutes
les tentatives de décompte, il faut accepter de rester
insatisfait.

UN AUTRE RISQUE RÉSIDE DANS L’ÉTABLISSE-


MENT DE LIAISONS HASARDEUSES entre des phé-
nomènes pourtant bien distincts, tels que les migra-
tions et les religions. Il était difficile pour nous de
relater la diffusion spatiale de l’islam sans évoquer les
grands mouvements de population contemporains.
C’est un fait qu’en France, par exemple, l’islam est
devenu la « deuxième religion » à la suite de l’immigra-

L
tion massive d’individus musulmans. L’appartenance
religieuse, pourtant, est tout à fait étrangère à la migra-
a cartographie des religions est, en géné- tion. C’est ainsi que notre double page sur la transplan-
ral, une entreprise difficile. « Le fait reli- tation de l’islam relève plus d’un atlas des migrations
gieux se prête à la description, à l’explica- que d’un atlas de l’islam à proprement parler. Elle nous
tion, à l’interprétation, mais fort mal à la a néanmoins paru nécessaire. Dans le même ordre
quantification », écrivait Brigitte Dumortier d’idée, fallait-il faire figurer la question de Palestine,
dans l’Atlas des religions (Autrement, dont les fondements n’ont pas grand-chose de reli-
Paris, 2002). Pour des raisons politiques et idéolo- gieux, dans un atlas de l’islam ? Nous avons répondu
giques, les statistiques sont toujours sujettes à caution, par l’affirmative dans la mesure où celle-ci est devenue,
majorées par les organismes religieux, minorées par dès les années 1930, une cause mobilisatrice pour les
les États. Tous les pays ne recensent pas non plus la musulmans du monde entier. Ici encore, il faut assumer
religion de leurs habitants. Deuxième difficulté métho- une certaine incertitude méthodologique et mettre en
dologique, également évoquée par Brigitte Dumortier : garde le lecteur, en l’invitant à une interprétation pru-
« Quel niveau d’appartenance religieuse cartogra- dente et critique de ce qui lui est proposé.
phier ? » Le monde compte aujourd’hui environ deux
milliards de musulmans. Certes… Mais quelle signifi- AJOUTONS QUE, TOUTE PÉDAGOGIQUE QU’ELLE
cation donner à ce chiffre ? Dans ces deux milliards PUISSE PARAÎTRE, LA REPRÉSENTATION GRA-
d’individus, il y a des croyants, des non-croyants, des PHIQUE DES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX n’a souvent
agnostiques, des pratiquants réguliers ou irréguliers, rien de neutre et alimente confusions, erreurs et vi-
des non-pratiquants. D’aucuns se revendiquent musul- sions anhistoriques du passé. Deux exemples. Nous
mans, d’autres non. Et il y a les athées, dont certains connaissons tous cette carte, généralement pleine de

01-09-Atlas_Islam_INTRO_NE2021-Maq2-BAT.indd 7 18/11/2021 10:41


verts de différentes nuances, qui montre l’expansion ful- L’islam, c’est tout à la fois une disposition du cœur (la
gurante de l’islam de la péninsule Arabique à l’océan soumission à Dieu), une religion, un ensemble de pays
Atlantique et à l’Indus, en un temps situé entre la mort et de peuples dont l’organisation politique, la législa-
du prophète Muhammad en 632 et l’avènement de la tion, le mode de vie sont imprégnés par cette religion,
dynastie abbasside en 750. Le présent atlas n’en fait un espace de civilisation (souvent désigné dans les lan-
pas l’économie. Ne suscite-t-elle pas, néanmoins, au- gues européennes par le mot Islam avec un I majus-
tant de questions qu’elle n’en résout ? Que se produi- cule), une idéologie parfois… Comment restituer
sit-il donc dans cette période ? Des pouvoirs musul- toutes ces dimensions ? Offrir aux lecteurs la vue d’en-
mans furent instaurés et, avec eux, un nouvel ordre semble de l’islam qu’ils sont en droit d’attendre vu la
politique et social. Mais la conversion, l’adhésion des place de celui-ci dans l’actualité, n’est-ce pas trop ambi-
populations conquises à l’islam, l’islamisation, com- tieux pour un atlas de moins de cent pages ? Ayant ces
bien de temps prirent-elles ? Bref, ce qui s’étendit, c’est questions en tête, nous avons cherché à éviter trois
un empire avant une religion. Il faudrait réfléchir de écueils. Le premier était de ne retenir que ce qui pouvait
surcroît à la durée de l’expansion de cet empire : un être aisément représenté sur des cartes, soit l’évolution
peu plus d’un siècle. Ce n’est effectivement rien à politique du « monde musulman » des origines à nos
l’échelle de l’histoire, mais une éternité à l’échelle des jours. L’islam ne serait alors apparu que comme une
vies individuelles et familiales. affaire de pouvoirs, et l’idée d’une relation consubstan-
tielle et immuable entre lui et la politique en aurait été
DES RÉSERVES DU MÊME T YPE PEUVENT ÊTRE renforcée dans le public. Nous souhaitions, au contraire,
EXPRIMÉES quant à la schématisation des branches de faire droit aux aspects religieux, restituer l’islam dans
l’islam qu’on retrouvera p. 14. Elle nous permet, certes, sa dimension spirituelle et cultuelle.
de nous y retrouver un peu dans la variété des confes-
sions islamiques mais reprend, au fond, des nomencla- LE DEUXIÈME ÉCUEIL CONSISTAIT À ENVISAGER
tures propres aux traités hérésiographiques. Elle sup- L’ISLAM DANS LA PERSPECTIVE – si pesante en-
pose une orthodoxie, que porterait le sunnisme, et des core aujourd’hui dans les manuels scolaires – d’une
« sectes » périphériques. C’est ainsi que les ibadites sont succession des « civilisations », autrement dit, à pri-
toujours situés dans la filiation des kharidjites que vilégier deux périodes : la période d’apogée de la
pourtant ils récusent. « civilisation arabo-islamique » ( VIIe- XIIIe siècles), et
la période contemporaine, marquée par le « réveil »
UNE FOIS ADMISE ET ASSUMÉE LA DIFFICULTÉ de l’islam. Cette vision est réductrice, d’abord parce
QU’IL Y AVAIT À CARTOGRAPHIER LES RELIGIONS, qu’elle est arabo-centrée, qu’elle associe le rayon-
il nous restait à imaginer comment rendre compte des nement de la civilisation islamique à l’existence de
quatorze siècles d’histoire de l’islam et de sa définition pouvoirs et d’États arabes, ensuite parce qu’elle
complexe dans le petit format imposé par la collection. implique l’idée d’une confrontation entre « la civili-

01-09-Atlas_Islam_INTRO_NE2021-Maq2-BAT.indd 8 18/11/2021 10:41


sation islamique » qui, dans un lointain Moyen Âge, confréries, organisations islamiques nées à l’époque
aurait incarné la modernité avant de sombrer dans contemporaine. L’Organisation de coopération islamique,
la décadence jusqu’au XIXe siècle, et la « civilisation qui clôt cette partie, fait la transition avec la troisième, née
occidentale », qui serait devenue à la Renaissance d’une réflexion sur la notion d’« États musulmans ». Nous
l’unique réceptacle de ladite modernité, et porterait y exposons les origines et le rapport à l’islam de quelques
aujourd’hui des valeurs de raison, de progrès et de États contemporains, l’Iran d’une part, les États héritiers
démocratie défiées par l’islam résurgent. de l’Empire ottoman et des empires coloniaux russe et
britannique (Turquie, Arabie saoudite, Pakistan,
LE TROISIÈME ÉCUEIL ÉTAIT DE PRÉSENTER UN Ouzbékistan, Kazakhstan, Turkmé­ nistan, Kirghizstan,
« MONDE MUSULMAN » FIGÉ DANS LE TEMPS ET Tadjikistan) d’autre part. Ce faisant, nous laissons place à
DANS L’ESPACE, comme s’il n’y avait pas des millions des questions restées irrésolues dans les successions
de musulmans en Chine, en Russie, en Europe, en impériales et devenues de grandes causes islamiques, la
Amérique, comme si des millions de musulmans ne Palestine et le Cachemire. Nous terminons par la montée,
vivaient pas en dehors du « monde musulman », ou dans tous ces territoires recomposés au XXe siècle, de
plutôt, comme si le « monde musulman » ne se trouvait mouvements qui se réclament d’une interprétation
pas partout où vivaient des communautés musul- globalisante de l’islam et poussent parfois la logique de
manes, confrontées à des situations diverses. contestation jusqu’au jihâd.

NI « MONDE MUSULMAN » DONC, ENCORE MOINS DANS CE CADRE GLOBAL, NOUS NE PRÉTENDONS
DE « MONDE ARABO-MUSULMAN ». Nous avons tou- GUÈRE À L’EXHAUSTIVITÉ. Nous avons procédé par
jours pensé cet ouvrage comme un atlas de la religion « zooms », par illustrations des thèmes annoncés en tête
islamique. Pour en donner une vision à la fois rapide et, des doubles pages. Nous avons opéré nos choix en fonc-
si possible, juste, nous avons cherché à représenter ce tion de ce qui faisait sens pour la majorité des musul-
qu’elle était aujourd’hui, en nous plaçant dans la pers- mans, de l’actualité, du hasard de nos lectures, de nos
pective historique qui correspond à notre savoir et à notre compétences surtout. L’auteur de ces lignes n’est ni spé-
formation. L’atlas répond à trois questions : où y a-t-il des cialiste de la religion islamique, ni même d’histoire reli-
gens de religion musulmane ? Quels sont les hauts lieux gieuse, mais d’histoire culturelle et intellectuelle de
de l’islam ? Quelles relations religion et politique entre- mondes (arabe essentiellement) où l’islam est la religion
tiennent-elles dans les pays de tradition musulmane ? majoritaire, et elle a quelque connaissance des idéaux et
La première partie montre ainsi où vivent les musulmans des pratiques de ce qu’on appellera, faute de mieux, le
et comment s’explique leur présence dans telle région ou « réformisme musulman ». Par-delà les manques, notre
sur tel continent. La deuxième partie visite les institutions espoir est de donner des points de repère et d’apporter
et les lieux où se vit l’islam : mosquées, sanctuaire de un regard serein sur l’islam qui est, avant tout, une des
La Mecque, mausolées et centres de pèlerinage, madrasas, grandes aventures spirituelles de l’humanité.

01-09-Atlas_Islam_INTRO_NE2021-Maq2-BAT.indd 9 18/11/2021 10:41


10

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 10 18/11/2021 10:28


PRÉSENCE
DE L’ISLAM
Où vivent les musulmans ? Comment s’explique leur
présence en tel lieu ? Cette partie expose d’abord des
phénomènes dynamiques : la naissance et la diffusion de
l’islam par la conquête, la mission, la migration. Elle pho-
tographie ensuite les musulmans d’aujourd’hui en insis-
tant sur la diversité de leurs niveaux de vie, de leurs lan-
gues et de leurs confessions, et en montrant qu’ils sont
présents partout dans le monde. Dans cette perspective,
trois espaces sont privilégiés : la France qui représente
un cas de « transplantation » récente de l’islam, le monde
russe et les Balkans où celui-ci est très anciennement an-
cré. Pour finir, nous observons la position contrastée des
minorités non musulmanes dans les pays où l’islam est
majoritaire ou religion d’État : déclin des communautés
juives ; émigration des chrétiens d’Orient ; construction
de lieux de culte chrétiens dans des États pétroliers de la
péninsule Arabique qui répondent ainsi aux besoins de
leur main-d’œuvre étrangère.

1111

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 11 18/11/2021 10:28


PRÉSENCE DE L’ISLAM

Les origines
Prêché en Arabie par le prophète Muhammad entre 610 et 632 après J.-C., l’islam est
une attitude de soumission à un dieu unique, transcendant et miséricordieux, qui s’exprime
à travers une pratique exigeante et un effort constant de perfectionnement moral en vue
du salut dans l’au-delà. Selon le Coran, il ne s’agit pas d’une nouvelle expression
du monothéisme mais de la religion d’Abraham rétablie dans sa pureté : l’islam clôt
la révélation déjà reçue par les juifs et les chrétiens. Messager de Dieu, Muhammad fut aussi
le fondateur d’un État qui connut une expansion rapide et assura le succès de sa prédication.

L’ARABIE PRÉISLAMIQUE oasis du Hedjaz, des palmeraies et des éléments naturels telle la Pierre noire de
À la fin du VI e siècle, alors que ses cités caravanières comme La Mecque, La Mecque. Cette météorite était abritée
royaumes méridionaux avaient décliné, connaissaient une relative prospé- dans un temple cubique, la Ka‘ba, gardé
la péninsule Arabique était soumise rité. La population s’organisait en tri- par la tribu des Quraych. Une hiérarchie
aux influences perse, byzantine et bus tout à la fois rivales et unies par tendait néanmoins à s’instaurer entre
éthiopienne. Cette région désertique une langue élaborée et le sentiment un dieu supérieur et des divinités à son
et inhospitalière était le domaine des d’une origine commune. Les Arabes service. Christianisme et judaïsme étaient
pasteurs nomades. Seules quelques étaient polythéistes et vénéraient des connus. Les tribus des Ghassanides et

LA MÉDITERRANÉE ET L’ORIENT À LA VEILLE DE LA PRÉDICATION DE MUHAMMAD


Saxons
OCÉAN S Lac Balkhach
Bretons
Paris l a v e s Tu
AT L A N T I Q U E rcs
Bulgares
occidentaux
Mer
Pavie
Basques Toulouse Khazars
M
d'Aral Kachgar
Avars
Ravenne SOGDIANE
er

Alains
Tolède Corse Mer Noire Boukhara Samarcande
C

ILLYRICUM IBÉRIE
Rome
as

THRACE Tiflis
pi

Sardaigne Naples Constantinople Sinope Merv Bactres


Carthagène
en

Tingis Nicée ARMÉNIE Kaboul


ne

Sicile
ASIE Césarée Nîchâpûr
MAURITANIE Carthage Athènes MINEURE KHORASAN
NUMIDIE Syracuse
B e r b è Antioche MÉSOPOTAMIE Ecbatane Multân
Crète
r e
s M e r M é d i t e r r a n é e Chypre SYRIE Ctésiphon P E R S E
Tripoli Damas Suse
Jérusalem Bosra Hîra
Persépolis SIND
Kalb
Empire perse des Sassanides Alexandrie Gaza Tamîn MAKRÂN
Go

Ayla Bakr
Empire romain d’Orient (Empire byzantin) Tayyi’ Pe
lfe

ÉGYPTE rsi
HEDJAZ que Suhâr
Royaume des Wisigoths Khaybar Hanîfa Azd
Khuzâ‘a Qays
Royaume des Lombards Bérénice NAJD
Syène Yathrib Kinda
Royaume des Francs
Me

La Mecque
Quraych
r

Bakr Tribus arabes NUBIE


ASIR
Ro

Tribus arabes dotées d’une organisation étatique : Dongola Kinâna O UT


Najrân
ug

Méroé MA
Mârib D R A
e

Lakhmides , vassaux des Sassanides Adulis Sanaa HA


Aksoum YÉMEN Dioscoridis
Ghassanides , vassaux des Byzantins Aden
Éthiopiens
Alains Autres peuples que les Arabes OCÉAN INDIEN

Routes commerciales terrestres


Routes commerciales maritimes 600 km

12

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 12 18/11/2021 10:28


L’EXPANSION FULGURANTE DE L’EMPIRE ARABE MUSULMAN
Saxons Bulgares
OCÉAN S T Lac Balkhach
Bretons Paris l a v e s ur
AT L A N T I Q U E cs o
ccidentaux
Poitiers Magyars
(732) Mer Talas
Pavie Venise (751)
Basques Avars Sièges de Constantinople M d'Aral Kachgar
Toulouse 673-678 et 717-718
AL-ANDALUS (721) TRANSOXIANE

er
Ravenne Khazars
Tolède (712) Corse Mer Noire Samarcande

C
Bulgares Boukhara

as
Cordoue Rome IBÉRIE
Tiflis (709) (712)
Jerez de la

pi
Orihuela (756) Sardaigne Naples Constantinople Sinope (655)
Merv (651) Balkh
Frontera

en
(711) Ceuta (699) Nicée ARMÉNIE
Kaboul

ne
Carthage
Sicile Nîchâpûr
Fès (695) Tunis Athènes Césarée Mossoul
Tahuda TABARISTAN KHORASAN
(641)
(683) Syracuse Antioche (636) Hamadhân
Agadir Kairouan Multân
Crète Chypre IRAK Nihâwand (642) (712 )
IFRÎQIYYA S Y R I E Bagdad
Mer Méditerranée (649)
Tripoli Damas (635) Ispahan (643)
Al-Madâ’in
(647) Barqah Yarmouk (636) Al-Qâdisiyya PERSE
Ghadamès (644) (636)
Kûfa SIND
TRIPOLITAINE Alexandrie Jérusalem (638)
Basra Istakhr (649) MAKRÂN
(642)

Go
Expansion de l’Empire musulman... Fustât
Ayla (Bassora)
Pe Daybul

lfe
(Le Caire) rsi (711)
à la mort de Muhammad (632) que
Suhâr

A
ÉGYPTE

E
D
sous le califat d’Abû Bakr (632-634) OMAN

JA

R
Médine A

Z
Assouan B
sous le califat de ‘Umar (634-644)
I E

Me
La Mecque
sous les califats de ‘Uthmân et ‘Alî (644-661) (630)

r
NUBIE
sous la dynastie des Umayyades (661-750)

Ro
Dongola T
OU

ug
Zone neutre entre l’Empire romain d’Orient Méroé MA

e
Sanaa RA
et l’Empire musulman (688-965) YÉMEN HA
D
Socotra
Aksoum
Empire romain d’Orient (Empire byzantin) Aden
Éthiopiens
Royaume wisigoth de Todmir Villes fondées pendant la conquête OCÉAN INDIEN
Royaume des Lombards Villes fondées dans la seconde moitié du VIII e siècle
Royaume des Francs Lieux de batailles 600 km

des Lakhmides, émigrées en Syrie et en de « réciter » la parole divine – en arabe dérable dans les décennies suivantes ne
Mésopotamie où elles avaient fondé de qara’a, d’où vient le mot al-Qur’ân, le cesse d’intriguer. Ses causes sont à cher-
petits royaumes vassaux des Byzantins Coran, « la Récitation ». Commença alors cher dans l’affaiblissement des Empires
et des Sassanides, adhéraient au christia- une prédication, destinée à la fois aux byzantin et sassanide, la foi et la bravoure
nisme monophysite et nestorien. Dans la polythéistes, aux juifs et aux chrétiens, des conquérants arabes, la réponse
péninsule même, des groupes de chré- qui condamnait les idoles et proclamait apportée par l’islam à l’inquiétude reli-
tiens et de juifs influençaient le dévelop- l’unicité absolue de Dieu. En 622, devant gieuse qu’avaient exprimée les débats
pement d’un monothéisme non encore l’hostilité des Mecquois dont les intérêts sur la nature du Christ dans les Églises
organisé. économiques et la culture étaient mena- d’Orient.
... cés, Muhammad dut se réfugier à Yathrib,
la future Médine. De ce moment datent
la transformation du message en une
Verbatim religion élaborée et la naissance d’une
communauté organisée pour la défense
LES CINQ PILIERS DE L’ISLAM
« Voici les versets du Coran, et la propagation de la nouvelle foi. Son
Chahâda
d’un livre clair ; c’est une dogme central est l’unicité divine. Il est Profession de foi
direction et une bonne nouvelle résumé dans la formule de la chahâda :
pour les croyants qui s’acquittent « J’atteste qu’il n’y a d’autre dieu que le Hajj
de la prière, qui font l’aumône Dieu et que Muhammad est l’Envoyé de Zakât Pèlerinage
tandis qu’ils croient fermement Dieu » – une formule très assonancée en Aumône à La Mecque
à la vie future. » arabe dont la traduction ne rend compte
Coran, XXVII, 1-3. ni de la force ni de la musicalité.
...
DU MESSAGE À L’EMPIRE
Salât Sawm
LA PRÉDICATION DE MUHAMMAD Le Prophète se fit aussi chef politique et
Cinq prières Jeûne du mois
Muhammad, un caravanier illettré né mena une guerre contre les Mecquois, quotidiennes de ramadan
vers 570 dans la puissante tribu des victorieuse en 630. À sa mort, en 632, un
Quraych, eut à l’âge de quarante ans la État musulman avait déjà commencé à Les cinq piliers sont
vision de l’ange Gabriel qui lui ordonna unifier la péninsule. Son expansion consi- les obligations rituelles des musulmans.

13

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 13 18/11/2021 10:28


PRÉSENCE DE L’ISLAM

La « grande discorde »
Le Prophète n’avait pas désigné de successeur (khalîfa en arabe, d’où le français « calife »). Aussi
la communauté musulmane primitive se déchira-t-elle après sa mort en un conflit qui culmina entre 656
et 661 et reste connu sous le nom de « grande discorde » (al-fitna al-kubrâ). C’est dans cette période que
se formèrent les partis à l’origine des groupes sunnites, chiites et kharidjites. Initialement séparés par
la question politique du califat, ceux-ci développèrent des particularités théologiques et juridiques. L’islam
se constitua ainsi en trois grandes branches qui ne cessèrent elles-mêmes de se ramifier au long des siècles.

DES GUERRES DE SUCCESSION [de la communauté] ». Ayant éclaté en mul- des docteurs de la Loi, le raisonnement par
À L’ORIGINE DES BRANCHES tiples courants, ils subsisteraient à travers analogie avec un cas antérieur et l’inter-
DE L’ISLAM les ibadites, bien que ceux-ci se voient plus prétation personnelle du juriste en fonc-
Les successeurs du Prophète furent choisis volontiers aujourd’hui comme la cinquième tion, par exemple, de l’intérêt (maslaha)
dans la tribu de Quraych mais pas néces- école juridique sunnite (madhhab). En 661, de la communauté musulmane. Le degré
sairement dans son propre clan, ce qui après le meurtre de ‘Alî par un kharidjite, d’appréciation de ces différentes sources
provoqua les plus graves dissensions. Après Mu‘âwiyya fut reconnu comme calife par explique l’existence de quatre écoles ou
la mort de Muhammad, la communauté l’immense majorité des musulmans. Avec rites juridiques (madhhab-s) qui portent
de Médine élut Abû Bakr (632-634), puis lui, le califat devint héréditaire. Il est le fon- chacune le nom de leur fondateur, les
‘Umar (634-644) et ‘Uthmân, dont l’assassi- dateur de la dynastie umayyade qui régna juristes théologiens Abû Hanîfa (699-767),
nat, en 656, ouvrit une ère de guerres entre à Damas jusqu’en 750, avant d’être supplan- Mâlik bin Anas (711-796), Al-Châfi‘î (767-
musulmans. Le clan umayyade auquel il tée par les Abbassides. 820) et Ahmad bin Hanbal (780-855). Leurs
appartenait contesta d’emblée le nouveau ... divergences concrètes portent sur les ques-
calife, ‘Alî, cousin et gendre du Prophète, tions de propriété, de mariage et de succes-
et se mobilisa derrière Mu‘âwiyya, le puis- sion, et sur les pratiques cultuelles (interdits
sant gouverneur de la Syrie. Après s’être SUNNISME ET CHIISME alimentaires, rituel de la prière). Si le sun-
vainement affrontés à Siffîn sur le moyen Au IXe siècle, apparut le nom de « sunnites » nisme devint majoritaire, ‘Alî n’en conserva
Euphrate en 657, les deux camps recouru- c’est-à-dire ceux qui adhèrent à la tradition pas moins des partisans, chî‘a, terme fran-
rent à un arbitrage qui se révéla défavora- (sunna), à la norme fixée par les dires et la cisé en « chiites ». Pour ceux-ci, les succes-
ble à ‘Alî. Mécontents, des partisans de ce pratique du Prophète (hadîth). L’heure était seurs légitimes de Muhammad étaient
dernier firent sécession en défendant le à la fixation du droit musulman (fiqh), dont ses seuls descendants, auxquels ils attri-
principe d’un pouvoir collégial et électif : on la sunna, avec le Coran, constituait la prin- buèrent une fonction de guide politique
les appela les kharidjites, « ceux qui sortent cipale source, les autres étant le consensus et spirituel (imâm). Le martyre de Husayn,

LES BRANCHES DE L’ISLAM Bataille de Siffîn


(657)

SUNNITES KHARIDJITES CHIITES GHULÂT


QUATRE nusayris/alaouites, druzes
ÉCOLES ahl al-haqq*, alévis,
JURIDIQUES bektachis, etc.

malikites hanafites hanbalites chafiites ibadites ismaéliens zaydites duodécimains


ou imamites

wahhabites musta‘liens nizarites usûlis akhbâris chaykhis

sulaymanites daoudites bâbis, bahâ’is

Source : S. Mervin, Histoire de l’Islam. Doctrines et fondements, Flammarion, Paris, 2000. * Adeptes de la vérité

14

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 14 18/11/2021 10:28


petit-fils du Prophète, survenu en 680 à
GÉNÉALOGIE DES IMÂMS CHIITES ET DES DYNASTIES QURAYCHITES
Karbalâ’ sur ordre de Yazîd, le deuxième
calife umayyade, est l’acte fondateur du
Quraych
chiisme en tant que confession, non plus
seulement parti politique. Il est commé- ‘Abd Manâf

moré jusqu’à aujourd’hui le 10 muharram


‘Abd Chams Hâchim
(‘Âchûrâ).
... Umayya

DYNASTIE ‘Abd al-Muttalib


UMAYYADE
LES RAMIFICATIONS DU CHIISME (661-750)
‘Abbâs ‘Abd Allâh Abû Tâlib
Les querelles de succession qui éclatèrent MUHAMMAD
à plusieurs reprises à la mort d’un imâm (m. 632)

donnèrent naissance aux trois grands DYNASTIE Fâtima 1. ‘Alî


groupes zaydite, ismaélien et chiite duodé- ABBASSIDE (m. 661)
(750-1258)
cimain (imamite). La secte des kaysanites, Muhammad b.
qui reconnaissait comme quatrième imâm 2. Hasan 3. Husayn al-Hanafiyya
(m. 669) (m. 680) (m. 661)
Muhammad bin al-Hanafiyya, fils de ‘Alî et
d’une autre épouse que Fâtima, ne survécut Hasan Zayd 4. ‘Alî Zayn al-‘Âbidîn
Source : S. Mervin, Histoire de l’Islam. Doctrines et fondements, Flammarion, Paris, 2000.

pas au-delà du VIIIe siècle et se fondit dans (m. 713)


KAYSANITES
d’autres courants. Elle avait été cependant
la première à élaborer une forme de chiisme ZAYDITES Zayd 5. Muhammad al-Bâqir
(m. 733)
religieux autour des concepts d’occultation
et d’absence du Mahdî (le « bien-guidé »), 6. Ja‘far al-Sâdiq
(m. 765)
pleinement intégrés par la suite à la doc-
trine chiite. D’autres groupes venus à divini- Ismâ‘îl 7. Mûsâ al Kâzim
(m. 755) (m. 799)
ser les imâms, à croire en la métempsycose
et à interpréter librement la Loi islamique 8. ‘Alî al-Ridâ
furent condamnés comme « extrémistes » ISMAÉLIENS (m. 818)

(ghulât) par les tenants de l’orthodoxie. 9. Muhammad al-Taqî


Des religions et prophéties nouvelles appa- (m. 835)
MUSTA‘LIENS NIZARITES
rues au XIXe siècle, enfin, se rattachent 10. ‘Alî al-Hâdî
historiquement à l’islam : le babisme et le (m. 868)

baha’isme, issus du chiisme iranien, et la


11. Hasan al-‘Askarî
secte ahmadiyya, implantée dans l’actuel (m. 873 ou 874)
Pakistan où elle est aujourd’hui réprouvée.
... 12. Muhammad al-Mahdî
en occultation

CHIITES DUODÉCIMAINS (ou IMAMITES)


LES CHIITES DUODÉCIMAINS Les noms accompagnés d’un numéro sont les douzes imâms reconnus par la majorité des chiites.
Les duodécimains forment le groupe
majoritaire du chiisme, représenté notam-
ment en Arabie orientale, au Liban, en
Irak, en Inde, au Pakistan, en Afghanistan. La doctrine spécifique du chiisme est tions iraniennes (1906-1909, 1979) et de la
En Iran, le chiisme duodécimain domine : l’imâmat, complément de la prophétie : formation de l’État irakien (1920), des oulé-
85 % des habitants s’en réclament ; il est la communauté ne peut se passer d’un mas endossèrent aussi un rôle politique.
religion d’État depuis le XVIe siècle et au guide dont l’exégèse est nécessaire à la Sa justification doctrinale est le « gouver-
fondement du régime issu de la révolu- compréhension de la Révélation. En l’ab- nement du juriste-théologien » (velâyat-e
tion de 1978-1979. sence de ce guide, les oulémas peuvent le faqîh) qui inspire la Constitution de la Répu-
Les duodécimains reconnaissent une lignée représenter : c’est du moins la conception blique islamique d’Iran mais n’a jamais fait
de douze imâms, d’où leur nom. Selon leur des chiites usûlis devenue dominante au l’unanimité dans le clergé chiite.
croyance, le douzième, surnommé al-Mahdî, XVIIIe siècle, après une longue controverse
« le Bien-Guidé », n’est pas mort, mais seu- avec les chiites akhbâris (traditionalistes).
lement occulté, et son retour attendu fera
triompher la justice sur terre.
Les oulémas se sont ainsi progressivement
octroyé les attributs religieux et juridiques
Verbatim
Comme les sunnites, les chiites confessent de l’imâm, y compris la capacité d’interpré- « Il serait temps
que Dieu est un, que Muhammad est son ter la loi divine (ijtihâd). de revisiter entièrement
prophète et que les morts ressusciteront. Ils Chaque fidèle doit choisir l’un de ces
la mémoire de la fitna
qui […] continue d’imposer
accordent au martyre une place particulière interprètes de la loi (mujtahid) comme un une lecture hérésiographique
qu’expliquent historiquement les échecs pôle (marja‘) à imiter et à suivre. Les oulé- des différences doctrinales
politiques subis par les imâms et leurs morts mas chiites assument ainsi une direction dans l’islam des premiers
violentes. Transfigurés par la foi, ces événe- spirituelle les apparentant à un clergé, siècles. »
ments symbolisent la souffrance assumée réalité étrangère au sunnisme. Aux XIXe et Cyrille Aillet, 2012.
au nom de la vérité et de la justice. XXe siècles, dans le contexte des révolu-
15

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 15 18/11/2021 10:28


PRÉSENCE DE L’ISLAM

La diffusion de l’islam
Au milieu du VIIIe siècle, la première phase d’expansion du territoire de l’islam était achevée.
Celui-ci se consolida au cours des siècles suivants grâce à la fusion des conquérants
et des peuples soumis et à la synthèse qui s’opéra entre la nouvelle religion et les cultures
locales. Dans le même temps, le domaine de l’islam continua à s’étendre en Europe,
en Asie et en Afrique, par suite de nouvelles conquêtes ou le long des routes commerciales.
La prédication et l’exemple des mystiques musulmans jouèrent partout un grand rôle
dans l’enracinement populaire du message.

UNE ISLAMISATION d’un pouvoir musulman et le moment où s’observe dans le sous-continent indien, où
LENTE ET INÉGALE l’islam devint la religion majoritaire. Dans les une longue domination politique musul-
Très difficile à établir, le rythme de l’islami- Balkans ottomans, les conversions ne furent mane (sultanat de Delhi, Empire moghol)
sation fut en tout cas beaucoup plus lent jamais massives, sauf parmi les Slaves de n’entraîna qu’une islamisation partielle de
que celui de la conquête. Plusieurs siècles Bosnie et les Albanais et, plus localement, la population, et inégale selon les régions.
s’écoulèrent souvent entre l’avènement en Bulgarie. Un phénomène comparable ...

POLOGNE
L’EXPANSION OTTOMANE Sièges de Vienne Podolie
1672
DU XIVE AU XVIIE SIÈCLE 1529 et 1683
Moldavie Khanat tatar
Mer
d'Aral
AUTRICHE
Hongrie Transylvanie de Crimée
1526 M
1526 Crimée er
Valachie 1475 C
Serbie
as

Mer Noire
Géorgie
pi

Roumélie
en

Andrinople Constantinople
ne

Trébizonde
Azer

1361 1453
1461
Brousse Ankara
1326 Tabriz
ba

Anatolie an
ïd

Morée
j

Alger Alep Mossoul


Tunis
1519 1574
Crète Syrie PERSE
Chypre 1516
1645-49 1570-71 Bagdad
Damas 1534
M e r M é d i t e r r a n é e
Tripoli Basra
1551 1547
Le Caire
G

lf
o

e
Pe
Égypte rsiq
ue
1517 Hedjaz

Médine
Me

Expansion ottomane
(conquêtes et territoires vassalisés)
r

La Mecque
R

Beylik d’Osman, fondateur de la dynastie ottomane, avant 1300


o
u

e
g

L’Empire ottoman à la mort du sultan Bâyezîd Ier (1403)

Territoires soumis au XV e siècle (1413-1481)

L’Empire ottoman en 1574 Yémen

Les ultimes offensives (1574-1683)


Territoires disputés par les Ottomans aux Safavides
et sous leur souveraineté de 1590 à 1612 400 km

16

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 16 18/11/2021 10:28


LA DIFFUSION DE L’ISLAM EN ASIE DU SUD-EST À l’origine de la présence de l’islam en Inde
Émirat et raids des Ghaznévides aux Xe-XIIe siècles

Sultanat de Delhi sous Îltutmich (1211-1236)

Campagnes de Malik Kâfûr (1307-1311)

Kaboul Cachemire Sultanat de Delhi sous Muhammad ibn Tughluq (1335)


Ghor
Peshawar
Ghazni L’islamisation de la Malaisie et de l’Indonésie
Lahore Tibet Expansion de l’islam vers l’archipel indonésien au XIIIe siècle
Multân
Routes commerciales Sultanats
Delhi
Ajmer Présence musulmane aux XIIIe-XIVe siècles
Sind
Bénarès
Expansion de l’islam aux XVe-XVIe siècles
Ujjain Bhîlsa Bengale
Gujrat Expansion de l’islam aux XVIIe-XVIIIe siècles
YADAVA
Orissa
Mer d

Dawlatâbâd Deccan
Warangal Golfe du
’Om

KÂKATIYA
Bengale Mer de Chine Mindanao
HOYSALA Mer de
an

Mer

méridionale
Dvarasamudra Sulu
COLA
d’A

Tanjore Ternate
Mer de
Madurai
nd

Brunei Tidore
Célèbes
a

PÂNDYA a
m

n Pattani Kelantan

Molu
Ceylan
Lamuri Trengganu
M
al

qu
Perlak s
ai

Samudra-Pasai

e
si

Aceh Malacca Bornéo Célèbes


e

Maldives Mer de
Rokan Johore
Siak
Banjarmasin Makasar Banda
S u Kampar
m
at
ra Palembang Mer de Java
Cirebon 1 Tuban Timor
O C É A N I N D I E N Gresik
Banten 2 Trowulan
3
Java Majapahit
500 km 1. Demak 2. Mataram 3. Pajang

L’EXPANSION TERRITORIALE À la même époque, marchands et mysti- califat abbasside de Bagdad (1258). Mais
DE L’ISLAM ques avaient déjà donné naissance à des les Mongols finirent par embrasser l’islam
La deuxième phase d’expansion territo- communautés musulmanes au sud du et le diffusèrent jusque dans le bassin de
riale commença vers le XIe siècle. Liée aux Sahara et le long des côtes africaines et la Volga. Au XIVe siècle, le lettré arabe Ibn
conquêtes turques et mongoles, elle doit asiatiques de l’océan Indien. L’islam était Battûta pouvait se rassurer : malgré les
aussi beaucoup à l’apostolat des ordres aussi présent au nord de l’île de Sumatra. vicissitudes politiques, l’islam était présent
mystiques qui se structuraient simulta- De là, il devait gagner Malacca, fondée en du Maroc à la Chine et des steppes d’Asie
nément. En Asie Mineure, la puissance 1403, puis se diffuser dans la péninsule à l’océan Indien. Une civilisation originale
byzantine et le christianisme commen- malaise et l’archipel indonésien, le long était née.
cèrent à reculer après la victoire des des voies commerciales entre l’Inde et
Turcs seldjoukides à Mantzikert (1071) les Moluques. L’instauration de pouvoirs
et la fondation du sultanat de Roum. Au musulmans contribua ensuite à son enra-
déclin de ce dernier (fin du XIIIe siècle), cinement au XVIe siècle.
émergea la maison d’Osman, qui se bâtit
un empire dans les Balkans et s’empara
L’irruption des Turcs seldjoukides dans
le monde musulman avait fait réagir
Verbatim
de Constantinople (1453), avant de se la chrétienté franque. Les croisés et les
tourner vers l’Afrique et le Proche-Orient États qu’ils fondèrent au Proche-Orient « Lorsque j’étais au milieu
musulmans. Venus de Ghazni et de Ghor, (XIIe-XIIIe siècles) menacèrent un temps des musulmans, fût-ce
d’autres Turcs musulmans entreprirent la le territoire de l’islam, mais échouèrent à aussi loin qu’en Chine,
conquête de l’Inde continentale à par- l’entamer. La reconquête chrétienne fut en je me trouvais en famille. »
tir du XIe siècle. Fondée en 1193, Delhi revanche durable en Sicile et en Espagne Ibn Battûta (1304-v.1377).
devint bientôt le siège d’un sultanat où elle s’acheva en 1492. Au XIIIe siècle,
qui, à son apogée (première moitié du un autre danger pour les populations et
XIVe siècle), contrôlait presque tout le les pouvoirs musulmans en Asie vint des
sous-continent. conquérants mongols, destructeurs du
17

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 17 18/11/2021 10:28


PRÉSENCE DE L’ISLAM

L’islam transplanté
Du fait de migrations d’ampleur mondiale au XXe siècle, des communautés musulmanes
se développent sur tous les continents. Les migrants, certes, ne sont jamais comptabilisés
en fonction de leur confession et il est rare que celle-ci ait directement à voir avec la migration.
C’est de fait que de nombreux migrants, originaires d’Afrique, d’Asie, de Turquie, ont quitté
des pays où l’islam imprègne la culture collective et relève de « l’évidence sociale » (O. Roy),
pour d’autres où ils sont, et resteront durablement, en situation de minorité religieuse.

RELIGION ET IMMIGRATION MAGHRÉBINE EN FRANCE (1962-2009)


1. Les immigrés* originaires du Maghreb depuis 1962, en milliers 2. Dénominations religieuses des immigrés et
Tunisie Maroc Algérie descendants d’immigrés** des pays du Maghreb en 2008, en %
2 000 Musulmans Autres religions (judaïsme, Sans religion
catholicisme, protestantisme)
% de la pop. indiquée par rapport
au nombre total des immigrés en France 1 621
ALGÉRIE
1 500 4,4
Immigrés 1
1 298,3
1 166,7 1 220,6 86 13
4,7
995,2 5 5
12,2
Descendants d’immigrés
1 000 66,5 3,5 30
4,7
11 12,1
9,1 MAROC ET TUNISIE
1,5 607 6,6
3,5 Immigrés
500 406,3 3,3 13,3 87 3 10
1,1
14,3 14,8 13,3 13,4 Descendants d’immigrés
11,6 11,7
65,5 12,5 22
0
1962 1968 1975 1982 1990 1999 2009 0 20 40 60 80 100
*Personnes résidant en France et nées étrangères dans un pays étranger **Personnes nées en France et ayant au moins un parent immigré.
Sources : INED ; INSEE, Population immigrée 2005 ; Trajectoires et origines. Enquête sur la diversité des populations en France, premiers résultats octobre 2010,
INED-INSEE, documents de travail 168 [en ligne], p. 125. Champ de l’enquête : adultes de 18 à 50 ans (nés entre 1958 et 1990).

PHÉNOMÈNES MIGRATOIRES est européen (Albanais, Bosniaques) sont expérience partagée de la colonisation,
DES ANNÉES 1950 À AUJOURD’HUI de tradition musulmane. puis de l’immigration en trois phases dans
La présence récente d’un grand nombre Parallèlement au phénomène de trans- l’ancienne métropole : dans la première
de musulmans dans des pays où l’islam plantation de populations musulmanes, il moitié du XXe siècle, entrée régulière de
n’était pas de tradition est à replacer dans convient de relever l’attractivité des pays travailleurs algériens ; des années 1950 à
le contexte des flux migratoires entre producteurs de pétrole, comme les États 1970, afflux massif de travailleurs maro-
pays du Sud et pays industrialisés depuis de la péninsule Arabique et naguère la cains et tunisiens ; à partir de 1974, fin de
les années 1950. Libye. Ceci n’est pas sans incidence, non l’immigration de travail et regroupement
Le phénomène est aussi un héritage plus, sur les évolutions de l’islam contem- familial. Les immigrés des pays musul-
des empires coloniaux, ce que reflète la porain. De la sorte, bien ou mal perçue par
destination préférentielle des migrants : la main-d’œuvre immigrée, l’influence de
Indiens, Pakistanais et Bangladais en
Grande-Bretagne, Africains de l’Ouest
l’Arabie saoudite et de la doctrine wahha-
bite qu’elle véhicule en sort renforcée. Verbatim
et du Nord en France ou dans des pays ... « Dire que l’islam est
transplanté signifie que les
francophones (Belgique)… Les émigrants
turcs, quant à eux, privilégient largement
musulmans vivant en Europe
et en France n’y ont pas
l’Allemagne, avec laquelle leur pays noua LA FRANCE, PAYS D’IMMIGRATION simplement déplacé leur
des liens étroits à la fin du XIXe siècle. DE MAGHRÉBINS MUSULMANS religion, mais cherchent
Depuis les années 1980, les flux se diversi- « Maghreb » est le nom arabe des pays à la vivre dans un contexte
fient et les migrations régionales prennent du Couchant, en particulier du Maroc. entièrement nouveau. »
de l’ampleur, par exemple entre l’Europe En France, ce qui réunit Marocains, Algé- Projet n° 231.
orientale et balkanique, et l’Europe occi- riens et Tunisiens sous la dénomination
dentale. Beaucoup de migrants du sud- de « Maghrébins », c’est, outre l’islam, une
18

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 18 18/11/2021 10:28


mans se détachent bien moins de la reli-
gion que ceux venus d’Italie, d’Espagne
UNE DIASPORA CHIITE LIBANAISE
ou d’Asie du Sud-Est. En 2008-2009, 10%
1. Familles de Bint Jbail vivant à l’étranger 2. Installation de familles de Bint Jbail
des adultes (18-50 ans) sondés par des en 1994 (estimations basses) à Detroit et dans sa région au XXe siècle
enquêteurs INED et INSEE se déclaraient
Pays arabes
sans religion, contre 19 % de l’ensemble 400 384
Europe Detroit : 1 601
des immigrés et 45 % des Français métro- Afrique 350
politains. La perte du sentiment religieux Amérique 100 100 300 290 298
150
paraît également moindre chez leurs des- latine
(dont au moins 250 232
200
cendants.
...
135 au Brésil)
200
Australie 271
1 801 157
172

États- 150

DES CHIITES DU LIBAN SUD Unis 100


350 68
Canada
AUX QUATRE COINS DU MONDE 50
Les villas à l’architecture tapageuse, le plus 0
avant 1961- 1971- 1976- 1981 1986- après
souvent inhabitées, qui parsèment les New York : 100 1960 1970 1975 1980 1985 1990 1991
collines du Liban Sud veulent symboliser
Source : M. Jaber, La Zone libanaise occupée (en arabe), Institut d’études palestiniennes, Beyrouth, 1999.
la réussite des innombrables enfants du
pays qui ont émigré pour fuir les difficul-
tés économiques, l’instabilité politique et,
à partir de 1975, la guerre civile et l’occu- le continent américain, avec une forte mans commencèrent à entrer en nombre
pation israélienne. concentration dans la zone métropoli- après la Seconde Guerre mondiale. De
L’exemple de Bint Jbail est significatif. En taine de Detroit, notamment à Dearborn, nombreuses institutions religieuses et
1994, près de 3 000 familles originaires ville où siège la Ford Motor Company culturelles – tel le Bint Jbail Cultural Center
de cette localité chiite toute proche de et dont 20 % à 30 % des habitants sont à Dearborn – font de la région de Detroit
la frontière israélienne vivaient à l’étran- d’origine arabe. L’immigration libanaise un grand centre communautaire musul-
ger. Elles représentaient 15 000 habitants dans le nord-est industriel des États-Unis man aux États-Unis. Elles témoignent d’un
d’une ville qui en enregistrait 32 000, remonte au XIXe siècle. Longtemps une ancrage dans la réalité américaine tout en
dont 3 000 permanents. La première des- minorité infime des migrants au regard reproduisant les divisions idéologiques
tination des émigrants de Bint Jbail est des chrétiens de différents rites, les musul- des chiites libanais.

LES FLUX MIGRATOIRES DANS LE MONDE À LA FIN DU XXE SIÈCLE


Asie de l'Est
et du Sud, Inde

Amérique du Sud,
États-Unis, Iran
Japon
AMÉRIQUE Amérique du Nord Îles du
DU NORD Canada Pacifique

États- Russie
Unis
Japon
Chine

Kazakhstan ASIE DU
Estonie ASIE Kighizistan
Brunei SUD-EST
Lettonie CENTRALE
Venezuela Suisse Malaisie
UE
SOUS- Australie
Singapour
MONDE CONTINENT
LATINO ET MAGHREB Israël INDIEN
Pérou CARAÏBE Arabie et
Libye pays du Golfe Nouvelle-
Bolivie Zélande
Mali
Projection J. Bertin, 1953.

Éthiopie Europe,
Côte d’Ivoire
Argentine ex-Yougoslavie
Rwanda
AFRIQUE
DE L’OUEST Gabon
Grandes zones d’émigration économique

Principaux flux migratoires mondiaux


Pays à immigration forte
Migrations régionales
(de 3 à 15 % de la population totale)
Afrique
Pays à immigration massive du Sud Migrations de travailleurs très qualifiés
(plus de 15 % de la population totale)
Grande zone de mobilité de travail
Source : C. Wihtol de Wenden, Atlas des migrations dans le monde, Autrement, Paris, 2005.

19

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 19 18/11/2021 10:29


PRÉSENCE DE L’ISLAM

Données démographiques
et économiques
La répartition actuelle des musulmans, ou des individus de culture musulmane, est le reflet des évolutions décrites
précédemment. Resté de loin la religion dominante dans ses premiers foyers du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, l’islam
est fortement implanté en Afrique subsaharienne et en Asie centrale. C’est dans les pays très densément peuplés d’Asie
du Sud-Est que ses effectifs sont les plus considérables, malgré un poids relatif assez faible à l’échelle régionale. Phénomène
plus récent, presque tous les pays d’Europe et d’Amérique du Nord abritent désormais des communautés musulmanes.

PRÈS DE DEUX MILLIARDS DE MUSULMANS EN 2020


Suède
Norvège
Russie
Royaume-Uni Pays-
Bas Danemark
Allemagne Ukraine Azerbaïdjan
Belgique Kazakhstan
Suisse Autriche Turkménistan
France Mongolie
PLUS DE DÉTAIL 1 2 5
SUR L’EUROPE 3 4 Géorgie 13 Kirghizstan
PAGE 29 Espagne 6 7 Turquie
Italie
Tadjikistan
Grèce 8 Syrie Japon
Chine Corée
Tunisie Liban
Maroc Irak Iran Afghanistan du Sud
10 9
11 Népal
Koweït
Algérie Pakistan
Libye Bahreïn
Égypte Qatar
Sahara occidental Bangladesh
12
Mauritanie Arabie Hongkong
saoudite Birmanie
Niger Tchad Oman
Mali
Érythrée
Sénégal
Soudan Yémen
Inde Viêtnam OCÉAN
Gambie Thaïlande
Guinée-Bissau
14
Bénin
Philippines PACIFIQUE
Djibouti Cambodge
Guinée Nigeria Soudan
Sierra Leone du Sud Éthiopie Sri Lanka
Togo Brunei
Liberia Rép. Malaisie
Ghana centrafricaine
Somalie Maldives
Côte d’Ivoire Cameroun Ouganda Singapour
Gabon Rwanda Kenya
Burundi
OCÉAN Indonésie
ATLANTIQUE Rép. dém. Tanzanie OCÉAN
du Congo
Comores INDIEN
Malawi
Zambie Mayotte (Fr.)

1. Bosnie-Herzégovine Mozambique
2. Serbie
3. Monténégro Zimbabwe Maurice
Madagascar
4. Kosovo
5. Bulgarie Australie
6. Albanie
7. Macédoine
8. Chypre (dont République
turque de Chypre du Nord) Afrique du Sud
9. Israël
10. Territoires palestiniens
11. Jordanie
12. Émirats arabes unis
13. Ouzbékistan
14. Burkina Faso
Source : Pew Research Center,The Future of World Religions : Population Growth Projections, 2010-2050,
2015 (projections établies sur la base d’estimations de la population musulmane par pays en 2010).

20

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 20 18/11/2021 10:29


UNE POPULATION MUSULMANE …DANS DES PAYS AU DÉVELOPPEMENT INÉGAL
CROISSANTE
L’islam est numériquement la deu-
xième religion du monde et celle dont

Source : Rapport sur le développement humain 2020, PNUD.


le nombre de fidèles croît le plus vite.
Selon que ses adeptes sont dénombrés
en valeur absolue ou en valeur relative,
le centre de gravité de l’islam se déplace
de l’Asie du Sud-Est à l’ensemble africain
et moyen-oriental. Huit pays comptent

*Indicateur de développement humain


plus de 50 millions de musulmans : Indo-
nésie, Pakistan, Inde, Bangladesh, Turquie,
Iran, Égypte et Nigeria. La proportion des
musulmans dans la population totale de
ces pays est très variable : plus de 95 % en
Turquie, en Iran, au Pakistan et en Égypte,
autour de 90 % au Bangladesh et en IDH* en 2019
Indonésie, 50 % au Nigeria et 15 % en Inde. Très élevé (0,898) Élevé (0,753) Moyen (0,631) Faible (0,513)
L’indice indiqué est l’indice moyen par catégorie. Moyenne mondiale : 0,737.

LES MUSULMANS Une grande majorité de musulmans vit


DE CHINE dans des pays en développement, sinon
Le nombre de musulmans dans les pays dits les moins avancés.
en Chine, de 20 à 160 L’indicateur retenu ici est l’indicateur du
Canada millions, est l’un des plus développement humain, un indice com-
difficiles à estimer. Ils posite en base 1, calculé par le Programme
appartiennent à 10 des des Nations unies pour le développement
55 minorités nationales (PNUD) depuis 1990, à partir de quatre
reconnues officiellement.
États-Unis Ouïgours, Kazakhs, Kirghiz, éléments : l’espérance de vie à la nais-
Tatars, Ouzbeks et Tadjiks sance, la durée moyenne de scolarité, la
OCÉAN durée attendue de scolarité et le revenu
– musulmans turcophones
ATLANTIQUE ou persanophones – national brut par habitant. Des huit pays
résident dans la région mentionnés ci-dessus, seuls la Turquie
autonome du Xinjiang, et l’Iran se classent bien au-delà de la
Dongxiang, Salar et Bao’an moyenne mondiale (0,737), avec un indice
dans les provinces du respectif, en 2019, de 0,820 et 0,783. La
Gansu et du Qinghai Hui et même année, celui des six autres pays
dans la région autonome
Hui du Ningxia. Les Hui, oscillait entre 0,718 (Indonésie) et 0,539
Venezuela musulmans de langue (Nigeria). Malgré des situations nationales
chinoise, sont dispersés sur et régionales très variables, les inégalités
le territoire. Interdit de développement peuvent nourrir des
pendant la Révolution frustrations et alimenter la croyance en
Population musulmane culturelle, l’islam connut,
en 2020*, une confrontation de deux civilisations,
estimation en millions
comme toutes les religions « l’occidentale » et « l’islamique ».
et sectes en Chine, un
200
renouveau à partir des
150
années 1980. Au Xinjiang,
75 nom chinois (« Nouvelle
25
Frontière ») du Turkestan,
affirmation identitaire
Verbatim
10 ouïghoure et répression
5
1 étatique accentuée sous le
président Xi Jinping, au « Les musulmans
Population comprise entre 10 000 et 100 000 de l’Inde : une minorité
nom de la lutte contre le
Part de la population musulmane*, terrorisme et de l’unité de cent millions d’âmes. »
en % de la population totale du pays nationale, s’alimentent Christophe Jaffrelot,
Argentine mutuellement, sur fond de 1996.
0 5 20 50 90 100 sinisation et de restriction
*Seuls les pays où cette population est supérieure
de la pratique de l’islam.
à 10 000 individus ont été retenus. De même, seuls
les pays avec une population musulmane supérieure
à 100 000 individus sont nommés.

21

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 21 18/11/2021 10:29


PRÉSENCE DE L’ISLAM

Des confessions variées


Les deux milliards de musulmans ne forment pas un bloc monolithique. Les divisions survenues après la mort
de Muhammad, la variété des modes de diffusion de l’islam (conquêtes, commerce, missions, colonisation,
migrations) et l’immensité des territoires où il s’est implanté, chacun avec sa culture et son histoire propres,
sont à l’origine d’une grande diversité de confessions et de pratiques. Dans les États marqués par la tradition
islamique, le statut juridique et politique des groupes minoritaires musulmans varie de la non-reconnaissance
officielle à la conquête du pouvoir (ainsi les sunnites en Irak au XXe siècle et les alaouites en Syrie ba‘thiste).

LA RÉPARTITION DES ÉCOLES Afrique noire et au Maghreb, le cha- turques exercèrent longtemps le pou-
JURIDIQUES SUNNITES fiisme au Proche-Orient, en Afrique et voir (Égypte, Tunisie…). Le wahhabisme,
Si la coexistence de plusieurs écoles juri- en Arabie orientales, ainsi qu’en Asie héritier de la tradition hanbalite, n’est
diques n’est pas rare, en Égypte notam- du Sud-Est. École des mondes turc et majoritaire qu’en Arabie saoudite et au
ment, quelques grands ensembles se indien, le hanafisme est aussi présent Qatar.
dessinent : le malikisme domine en dans le monde arabe où des dynasties ...
LES CONFESSIONS ET LES ÉCOLES JURIDIQUES MUSULMANES RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE
FÉDÉRATION Ibadisme : Sunnisme : Chiisme :
DE RUSSIE
malikite duodécimain
chafiite ismaélien
hanafite alaouite
hanbalite druze d
(wahhabite)
KAZAKHSTAN
alévî
MONGOLIE zaydite
1 2
3 BULGARIE OUZBÉKISTAN KIRGHIZSTAN
ALBANIE 4 5
TURKMÉNISTAN
GRÈCE TURQUIE TADJIKISTAN
CHINE
TUNISIE
CHYPRE 6 dSYRIE AFGHANISTAN
IRAK IRAN
MAROC 7
8
ALGÉRIE 9
PAKISTAN
LIBYE 10
Sahara ÉGYPTE QATAR INDE
occ. ARABIE BANGLADESH
É.A.U.
SAOUDITE
OMAN MYANMAR
MAURITANIE (BIRMANIE)
MALI
NIGER TCHAD SOUDAN
SÉNÉGAL ÉRYTHRÉE YÉMEN THAÏLANDE
11 BURKINA FASO PHILIPPINES
12 GUINÉE DJIBOUTI
15
13 GHANA NIGERIA SOUDAN ÉTHIOPIE SRI LANKA
RÉP.
14 BRUNEI
LIBERIA CÔTE CENTRAFRICAINE DU SUD
D’IVOIRE MALAISIE
CAMEROUN
OUGANDA SOMALIE EN % DE LA POPULATION
KENYA MUSULMANE MONDIALE
1. Bosnie-Herzégovine RWANDA
2. Serbie RÉP. DÉM. BURUNDI 3,5 % Autres chiites* INDONÉSIE
3. Kosovo DU CONGO
Chiites 0,7 % Ibadites
TANZANIE
4. Macédoine duodécimains
5. Azerbaïdjan MALAWI
6. Liban 8,4 %
7. Israël MOZAMBIQUE
8. Jordanie
9. Koweït
10. Bahreïn 87,4 % Sunnites
11. Gambie (toutes écoles
12. Guinée-Bissau confondues)
13. Sierra Leone
14. Togo 1 000 km
15. Bénin
D’après S. Couprie - LÉPAC, Atlas de l’islam, in Histoire et Patrimoine n° 9, Milan Presse, Toulouse, 2004. *Zaydites, ismaéliens et «extrémistes»

22

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 22 18/11/2021 14:32


LA COMPLEXITÉ LE GOLFE, UN CARREFOUR RELIGIEUX

Gulf/2000 Project, Columbia University.


DE LA GÉOGRAPHIE RELIGIEUSE
IRAN
DU GOLFE
Le golfe Persique et la péninsule Arabique, Chiraz
IRAK
où se concentrent à peu près tous les rites
Koweït
et confessions, illustrent parfaitement la KOWEÏT Bûchahr
diversité de l’islam. Malikites (Koweït), cha-
fiites (sud du Yémen, Émirats arabes unis),
Golfe

Source :
wahhabites y côtoient les adeptes des
principales branches du chiisme : chiites Bandar ‘Abbâs
Persique
duodécimains (Iran, Irak, Bahreïn) ; ibadites
’Ormuz
soit, au total, trois millions de personnes it d
Damman BAHREÏN ro
ARABIE ét
qui ont pour principal foyer le sultanat Manama O.

D
SAOUDITE
d’Oman – les autres vivant au Maghreb
(au Jabal Nafûsa, sur l’île de Djerba et au Doha Dubaï
Mzâb) ; zaydites des hautes terres yémé- QATAR
nites enfin, dont les imâms fondèrent Abu Dhabi
Riyad
l’État actuel du Yémen après la Première
Guerre mondiale. La carte montre que les ÉMIRATS ARABES UNIS OMAN
Sunnisme : Chiisme : Ibadisme :
divisions confessionnelles ne coïncident
wahhabite duodécimain Autres religions
pas avec les divisions ethniques et natio-
malikite, chafiite et hanafite Les régions désertiques apparaissent en blanc
nales, qu’il n’y a pas les Arabes sunnites 75 km
d’un côté, les Iraniens chiites de l’autre.
Les très nombreux immigrés non musul-
mans récents – sans parler des anciennes RÉPARTITION DES DRUZES TURQUIE

minorités juives, zoroastriennes ou chré- AU PROCHE-ORIENT (ANNÉES 1990)


tiennes en Irak et en Iran – ajoutent à la
JABAL
complexité religieuse de la région.
...
Antakya

Presses de l’IFPO, Beyrouth, 2011 (http://books.openedition.org/ifpo/1907).


AL-SUMMÂQ
Alep

Idlib

Source : C. Roussel, Les Druzes de Syrie. Territoire et mobilité,


Verbatim
« Pour les chiites, Husayn Mer
[…] est le « prince des martyrs »,
Méditerranée
dont la passion est explicitement Homs SYRIE
comparée à celle de Jésus . » (363 000 druzes)
LIBAN
Heinz Halm, 1995. (350 000 druzes)

Beyrouth 1. Aley
MATN
1 2. Ba‘qlîn
2 3. Rachâyâ
CHOUF Damas DAMAS ET SA GHOUTA
3
LES DRUZES : Hâsbayâ Jaramânâ
COMMUNAUTÉ ET TERRITOIRES WÂDÎ AL-TAYM IRAK
Les druzes doivent leur nom au prédica- JABAL AL-CHAYKH (MONT HERMON)
GALILÉE GOLAN
teur al-Darazî mais le fondateur de leur Haïfa
Yarkâ
OCCUPÉ
Répartition des druzes
religion, née entre 1017 et 1020 d’une au Proche-Orient
Suwayda (années 1990)
scission de l’ismaélisme et de l’affirmation Dâliyat al-Karmil CARMEL (Soueida) en milliers d’habitants
de la divinité du calife fatimide du Caire (Daliyat Carmel) Mafraq JABAL AL-‘ARAB 300
(DJEBEL DRUZE) 250
al-Hâkim (r. 996-1021), s’appelle Hamza. RÉGION
Persécutée en Égypte, la communauté sur- Tel-Aviv D’AMMAN
Zarqâ’ (Zarka)
vécut à l’abri des montagnes de Syrie et du 75
Amman
Liban, protégeant son identité par le refus Jérusalem Azraq
15
de tout prosélytisme, la croyance en la ISRAËL AZRAQ AL-DURÛZ 5
migration des âmes de druze à druze, une (90 000 druzes) JORDANIE
(15 000 druzes) 50 km Jabal (djebel) : mont, montagne
forte endogamie, une religion nettement
démarquée du sunnisme et du chiisme
et gardée secrète par des membres initiés, Atrach en Syrie), la caractérisa aussi long- le Jabal al-‘Arab (la montagne des Arabes),
appelés les « sages ». temps. Sur le plan spatial, elle est éclatée appellation officielle récente d’une région
La domination sociale de quelques en plusieurs foyers qui sont aujourd’hui également connue sous le nom de Djebel
grandes familles, détentrices de la terre et répartis entre Liban, Syrie, Jordanie et Israël. druze (la montagne des druzes, où ces der-
impliquées dans la vie politique des États Les plus importants numériquement sont niers constituent 90 % de la population et
modernes (Arslân et Junblât au Liban, al- la montagne libanaise (Chouf et Matn) et qui a Suwayda pour centre).
23

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 23 18/11/2021 10:29


PRÉSENCE DE L’ISLAM

Les langues de l’islam


Islamisation et arabisation ne coïncident qu’en partie. La langue arabe, tant dans sa forme littéraire savante que dans
ses variantes dialectales, devint certes dominante dans un large espace allant de l’océan Atlantique au golfe Persique
et défini aujourd’hui comme « le monde arabe ». Au-delà, non seulement les langues locales résistèrent, mais l’arabe
cohabita aussi avec d’autres grandes langues de culture écrites à prétention unificatrice : ainsi le persan, langue de cour
et langue des lettrés de l’Asie centrale à l’Inde jusqu’à l’émergence des langues nationales, ou, récemment, l’urdu.

LA SACRALITÉ DE L’ARABE L’ENJEU DE L’ALPHABET pour renouveler son vocabulaire – et en


Si les musulmans arabes ne représentent urdu – noté avec des caractères arabo-
qu’un quart des musulmans dans le 1. Les changements d’alphabet dans persans et multipliant les emprunts à
monde, leur langue littéraire, qui est la langue azérie ces deux langues. Peu à peu, l’urdu fut
celle de la Révélation et du Coran, a un Jusqu’en 1929* Alphabet arabe assimilé à l’islam, l’hindi à l’hindouisme.
caractère sacré. Elle n’a pas pour autant Entre 1929 et 1939 Alphabet latin Non seulement l’urdu finit par remplacer
le monopole de l’expression de la foi. Le Entre 1939 et 1991 Alphabet cyrillique l’arabe (ou le persan) comme langue de
patrimoine islamique compte beaucoup la production religieuse en Asie du Sud,
Depuis 1991 Alphabet latin
de textes en persan, sans parler des cor- mais il unifia aussi les musulmans d’Inde
*Jusqu’à aujourd’hui chez les Azéris d’Iran
pus, souvent versifiés et présentant un et servit leur affirmation communautaire
caractère mystique, éthique ou dévo- face aux hindous. Après la partition en
tionnel, produits dans toutes les langues 2. Des exemples de latinisation : 1947, il devint l’une des langues offi-
le mot «mosquée»
vernaculaires des peuples musulmans. Le cielles de l’Inde et la langue nationale du
Arabe
phénomène n’a fait que s’amplifier depuis Pakistan, ainsi que son principal ciment
le XIXe siècle. Aujourd’hui, si les tentatives Latin (translittération courante) masjid politique avec l’islam. Le paradoxe est
d’appel à la prière dans d’autres langues Latin (Turquie) mescit* que, dans ce pays, il n’est la langue
que l’arabe ont fait long feu, les traduc- Latin (Azerbaïdjan) m scid* maternelle que d’une petite minorité
e
tions du Coran sont légion et l’anglais Latin (Turkménistan) metjid urbaine, constituée par les mohajir (les
tend à devenir à devenir la langue de réfugiés d’Inde) et leurs descendants.
*Prononcer le c, qui transcrit la lettre arabe ‫( ج‬jîm), dj
l’islam mondialisé. Les autres habitants parlent les langues
... usuelles des régions qui constituèrent
le Pakistan, tout en maîtrisant souvent
l’urdu, y compris à l’écrit.
LA « RÉVOLUTION DES SIGNES » arabes et persans et la réforme des
Signe de la sacralité de l’arabe, son al- noms propres. Ailleurs, l’on choisit de
phabet servit à noter le persan et la plu- maintenir l’alphabet arabe en signe
part des langues utilisées par les musul-
mans en Afrique et en Asie – jusqu’au
d’attachement à l’islam.
... Verbatim
swahili. Celles-ci incorporèrent en outre « À l’exception de l’arabe,
de nombreux termes arabes, surtout il n’y a pas de langue spéciale
à l’islam. Une langue utilisée par
dans les domaines de la religion et de la L’URDU, LANGUE DE L’ISLAM une communauté de musulmans
politique. Les nationalismes de la pre- INDIEN ET LANGUE NATIONALE peut cependant devenir la langue
mière moitié du XXe siècle, conjugués à DU PAKISTAN de l’islam et de l’identité
la sécularisation des esprits et à l’émer- L’urdu illustre parfaitement le lien étroit musulmane à un moment et
gence de régimes ouvertement laïques, entre langue, religion et politique. Dans dans une région donnés. »
sinon athées, remirent en cause le statut l’Inde coloniale du XIXe siècle, tandis Tariq Rahman, 2008.
de l’arabe. Dans l’entre-deux-guerres, en que le persan cessait d’être la langue de
Turquie kémaliste comme en URSS, les l’administration, s’opéra un processus
langues turques connurent une révolu- de standardisation des langues vernacu-
tion marquée par l’adoption d’alphabets laires. La plus courante en Inde du nord,
cyrilliques ou latins également imposés l’hindi ou « hindustani », se dédoubla
aux langues iraniennes de ces pays en hindi moderne – noté en caractères
(kurde, tadjik), l’épuration des mots devanagari et puisant dans le sanskrit
24

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 24 18/11/2021 10:29


GRANDES AIRES LINGUISTIQUES FÉDÉRATION DE RUSSIE 1. Bosnie-Herzégovine 9. Bahreïn
DU MONDE MUSULMAN 2. Serbie 10. Gambie
3 Kosovo 11. Guinée-Bissau
4. Macédoine du Nord 12. Sierra Leone
5. Azerbaïdjan 13. Togo
KAZAKHSTAN 6. Liban 14. Bénin
7. Jordanie 15. Guinée équat.
1 2 8. Koweït 16. Rwanda
3 BULGARIE OUZBÉKISTAN 17. Burundi
KIRGHIZSTAN
ALBANIE 4 5
TURQUIE TURKMÉNISTAN
TADJIKISTAN

TUNISIE
CHYPRE 6 SYRIE AFGHANISTAN
IRAK IRAN
MAROC
7
ALGÉRIE 8 PAKISTAN
LIBYE 9
Sahara ÉGYPTE QATAR
occ. ARABIE
SAOUDITE É.A.U. INDE BANGLADESH
OMAN
MAURITANIE MALI
NIGER TCHAD
SÉNÉGAL SOUDAN ÉRYTHRÉE YÉMEN
10 BURKINA FASO
11 GUINÉE DJIBOUTI PHILIPPINES
14
12 GHANA NIGERIA SOUDAN ÉTHIOPIE
RÉP.
CÔTE 13 DU SUD BRUNEI
LIBERIA CENTRAFRICAINE
D’IVOIRE CAMEROUN MALAISIE
SOMALIE
15 OUGANDA
KENYA
GABON
RÉP. DÉM. 16
DU CONGO 17 INDONÉSIE
TANZANIE

ANGOLA MALAWI
ZAMBIE

MOZAMBIQUE

1 000 km

LES AIRES LINGUISTIQUES AVANT TRANSPLANTATION DE L’ISLAM


Langues :
sémitiques indo-européennes turques africaines* austronésiennes
Malais,
Arabe Persan, tadjik Bengali Turc Tatar, bachkir Soudanique, bantou
indonésien,
Indo-iranien, Nilo-saharien
Berbère Baloutchi Azéri bahasa,
mélange d’indien
Amharique, Turkmène, ouzbek, Tchadique javanais,
Kurde Albanais philippin
tigrinya kirghiz, kazakh,
Serbo-croate, Somali, oromo
Pendjabi, urdu ouïgour
macédonien,
Pachto bulgare *Hors langues nationales et officielles

D’après L’Atlas des religions dans le monde, sous la direction de N. Smart, Könemann, Cologne, 2000.

L’URDU AU PAKISTAN ET EN INDE DANS LES ANNÉES 2010


1. Les locuteurs de l’urdu (langue maternelle) 2. Répartition des habitants du Pakistan
au Pakistan et en Inde selon la langue maternelle, en %

40 38,8
PAKISTAN

14,7
30
(7,1 %)

INDE
20 18,2
50,8 millions
de locuteurs 14,6
(4,2 % de 12,2
la pop. du pays)
10
7,1
3
2,4 2,5
1,2
0
Sources : Recensements Pakistan 2017 ; Inde 2011 Pendjabi Pachto Sindhi Saraiki Urdu Baloutchi Hindko Brahvi Autres

25

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 25 18/11/2021 10:29


PRÉSENCE DE L’ISLAM

Les musulmans de Russie


et du Caucase
En Russie et dans le Caucase, la diversité religieuse recouvre la diversité ethnique. L’actuelle
Fédération de Russie compte deux foyers de tradition musulmane sunnite : la région Volga-Oural
et le Nord-Caucase, conquis par les tsars à trois siècles de distance (années 1550 et 1850-1860).
Tôt commencée, l’islamisation se renforça chez les turcophones de la Volga et de l’Oural
au temps du khanat mongol de la Horde d’Or (XIVe siècle) et chez les montagnards du Caucase
entre le XVIe et le XVIIe siècle, sous l’influence des Ottomans et des confréries soufies.

LANGUES ET NATIONALITÉS DE LA RÉGION VOLGA-OURAL (2010) 9%

25 % 36 %
Zone où
3%
les Russes 7% 29 %
Perm
sont majoritaires
28 % 62 %
Républiques
autonomes 6% 3%
de Russie
44 % RÉP. D’OUDMOURTIE
Vo lga

47 %
Peuples turcophones Ijevsk
RÉP. DES MARIS
Kama

Bachkirs
Nijni Novgorod Iochkar-Ola
Kazakhs
5%
Tcheboksary
Tatars 27 % Kazan
Tchouvaches 68 %
Naberejnyie-
RÉP. DE Tchelny
Peuples de langues TCHOUVACHIE
finno-ougriennes RÉP. DU TATARSTAN Oufa
Maris
RÉP. DE
Mordves Simbirsk RÉP. DU BACHKORTOSTAN
MORDOVIE Saransk
Oudmourtes
Magnitogorsk

Russes Toliatti
Samara
Autres Penza
lg a

Population (en milliers)


Vo

et répartition par 7%
nationalité déclarée 5% 1%
dans les républiques 40 % 53 % Orenbourg
(en %)* 53 %
* Recensement de 2010

4 000 40 % Ou
ral

2 000
1 000
500 KAZAKHSTAN 100 km
RUSSIE
Sources : cartothèque de l'université du Texas et
Rosstat (www.gks.ru/free_doc/new_site/perepis2010/croc/perepis_itogi1612.htm).

L’ISLAM TATAR nationalité – mordve par exemple – tout tion). Comme les Bachkirs et les Kazakhs,
La Fédération de Russie abrite de nom- en ayant une autre langue maternelle ils sont de langue turque et de religion
breuses nationalités non russes qui que le mordve, notamment le russe. musulmane sunnite. Un tiers vit au
vivent dans des Républiques autonomes. Les Tatars forment la première de ces Tatarstan, les autres au Bachkortostan
Nationalité et langue ne se recouvrent nationalités non russes (5,3 millions voisin et ailleurs en Russie, et un mil-
pas complètement. On peut déclarer une recensés en 2010, 3,9 % de la popula- lion sont disséminés en Asie centrale.
26

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 26 18/11/2021 10:29


Les Tatars sont les héritiers du khanat tiens de rite arménien et de rite orthodoxe contre la domination russe et la sovié-
de la Horde d’Or et des khanats de (Russes, Ukrainiens, Géorgiens, Grecs, tisation jusque dans les années 1940 et
Kazan et d’Astrakhan dont la conquête la grande majorité des Ossètes) et des fournirent aux montagnards de nouveaux
(1552, 1556) fut la première étape de bouddhistes (Kalmouks). Si les Azéris et les héros et saints : l’émir Chamîl (m. 1871),
l’expansion russe vers l’Asie. Les cam- Talyches sont chiites, le sunnisme domine l’émir Uzun Hâjjî (m. 1920). L’éclatement de
pagnes de christianisation forcée dans tout le Nord-Caucase sous souverai- l’URSS en 1991 réveilla des tensions jamais
(XVIe-XVIIIe siècles) consolidèrent para- neté russe. Il est la religion majoritaire des complètement éteintes et permit l’expres-
doxalement l’islam, toléré à partir de Karatchaïs et des Balkars, de langue turque, sion d’un indépendantisme tchétchène
Catherine II. L’islam tatar connut alors et de ceux que l’on appelait autrefois que Moscou combat.
un renouveau institutionnel et intellec- les Circassiens : Adyghéens, Tcherkesses
tuel, le djadidisme, qui contribua à la et Kabardes. Hormis les Kabardes
formation d’un sentiment national turc – 517 000 recensés en 2010 –, les autres
musulman, ignoré par les derniers tsars et peuples ne constituent plus que de petites
cassé par les Soviétiques. La libéralisation
des années 1990 redonna une visibilité
minorités, la conquête russe, au XIXe siècle,
ayant entraîné un exode massif vers
Verbatim
à l’islam, à la fois religion et culture d’un l’Empire ottoman. « Les musulmans de
peuple très intégré, mais non assimilé, à Plus nombreux, les peuples du Caucase la région Volga-Oural sont les
la société et à l’État russes. oriental (Avars et autres peuples daghes-
seuls, dans le monde islamique,
... tanais, Tchétchènes et Ingouches) repré-
à avoir connu quatre siècles
et demi de domination par
sentent environ 3 millions d’individus. une puissance chrétienne. »
LE CAUCASE, CARREFOUR La conquête russe favorisa en leur sein
Stéphane Dudoignon,
LINGUISTIQUE ET RELIGIEUX l’essor des confréries soufies (Naqchban- Dämir Is’haqov, Räfyq
Carrefour linguistique, le Caucase est aussi diyya et Qâdiriyya), à même de fournir Möhämmätshin, 1997.
un carrefour religieux. Des musulmans un cadre et une idéologie de résistance.
sunnites et chiites voisinent avec des chré- Ce sont elles qui structurèrent la lutte

LES RELIGIONS DANS LE CAUCASE KALMOUKIE

Krasnodar Stavropol RUSSIE

Maïkop KAZAKHSTAN
FÉDÉRATION
RÉP. DES DE RUSSIE
ADYGHÉENS Tcherkessk

RÉP. DES KARATCHAÏS- TCHÉTCHÉNIE


Sotchi Naltchik
TCHERKESSES
Grosny
KABARDINO- Nazran
BALKARIE
INGOUCHIE Makhatchkala
Vladikavkaz
Soukhoumi ABKHAZIE OSSÉTIE
DU NORD DAGHESTAN Mer Caspienne

OSSÉTIE DU SUD
Derbent
Tskhinvali
Mer Noire Koutaïssi

GÉORGIE Tbilissi
ADJARIE
Batoumi

TURQUIE Gumri Gandja HAUT- Bakou


KARABAKH
ARMÉNIE
AZERBAÏDJAN
SITUATION RELIGIEUSE Erevan
Chrétiens Musulmans Autres
Stepanakert
Rite orthodoxe Chiites Juifs
Rite arménien Sunnites Bouddhistes
NAKHITCHEVAN
Les régions inhabitées ou faiblement peuplées sont représentées en blanc
Nakhitchevan
SITUATION GÉOPOLITIQUE
Frontière méridionale de la Fédération de Russie
Anciennes républiques socialistes soviétiques devenues indépendantes (1991)
Frontières non reconnues Ligne de cessez-le-feu de novembre 2020 IRAN

OSSÉTIE Territoires autoproclamés indépendants (non reconnus internationalement) 50 km


Républiques autonomes de la Fédération de Russie Source : J. Radvanyi et N. Beroutchachvili, Atlas géopolitique du Caucase, Autrement, Paris, 2009.

27

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 27 18/11/2021 10:29


PRÉSENCE DE L’ISLAM

Une présence ancienne en Europe


Environ 34 millions de musulmans, essentiellement sunnites, vivent en Europe, sans compter ceux
de Russie ou de Turquie. Dans les Balkans, la présence de l’islam, très ancienne, est le fruit de conversions
ou de l’installation de colons turcs et tatars remontant à l’époque ottomane. En Europe occidentale,
les musulmans sont, dans leur immense majorité, issus d’une immigration récente, en provenance d’Asie,
d’Afrique, de Turquie, ou des pays du sud-est européen. Il faut y ajouter les nombreux individus qui, sans être
issus d’une tradition familiale musulmane, se convertissent à l’islam, notamment dans sa forme mystique.

ISLAM ET IDENTITÉ NATIONALE gues maternelles variées. Les musulmans musulmans fut tributaire de la création des
DANS LES BALKANS slavophones les plus nombreux sont de États-Nations post-ottomans où ils étaient
La religion contribue à la complexité eth- langue serbe-croate-bosnienne-monténé- en minorité, puis de l’avènement des régi-
nique des Balkans où les musulmans (huit grine. Il en existe aussi de langue bulgare, mes communistes. En Bulgarie commu-
millions vers 1990) représentent 10 à 15 % présents en Grèce et en Bulgarie et connus niste, une politique coercitive d’assimilation
d’une population majoritairement ortho- sous le nom de Pomaques. Les cas de bilin- culturelle entraîna en 1989 un exode massif
doxe. Pour la plupart sunnites de rite hana- guisme restent fréquents. Au XXe siècle, de Turcs vers la Turquie.
fite, mais aussi bektachîs, ils ont des lan- la construction des identités nationales des ...
Frontières de
LA COMPOSITION DE LA POPULATION EN EX-YOUGOSLAVIE (1991) l’ex-Yougoslavie
Limites des ex-républiques
AUTRICHE fédératives de Yougoslavie
HONGRIE Limites des régions
autonomes de Serbie
Limite entre la Fédération
ITALIE Ljubljana croato-musulmane et la
SLOVÉNIE Zagreb République serbe de
Bosnie (accord de Dayton,
CROATIE
Voïvodine 1995)
Slavonie
Istrie ROUMANIE

Groupe national Belgrade


BOSNIE-
le plus nombreux
dans chaque commune
(en % de la population totale) Krajina
plus de 75 % moins de 75 %
SERBIE
Croates Croates Sarajevo
Serbes Serbes
HERZÉGOVINE
Musulmans Musulmans Sandjak
Slovènes Slovènes
BULGARIE

Monténégrins Monténégrins
MONTÉNÉGRO
Macédoniens Macédoniens
Kosovo
Podgorica
Hongrois Hongrois
M e r A d r i a t i q u e
Albanais Albanais Skopje
Bulgares
Autre groupe : au moins 20 % de la population totale MACÉDOINE
Croates Istriens Roumains ALBANIE
Serbes Hongrois Macédoniens
Musulmans Albanais Slovaques GRÈCE
100 km
Italiens Turcs Monténégrins
D'après le recensement de 1991 (premiers résultats publiés en 1992) Source : Y. Lacoste, «La question serbe et la question allemande», dans Hérodote n° 67, Paris, 1992.

28

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 28 18/11/2021 10:29


UNE ESTIMATION DU NOMBRE DE MUSULMANS EN EUROPE EN 2020

Estimation de la population
Finlande
musulmane par pays en 2020, Norvège
en milliers 70
250 Suède
Population musulmane Russie
inférieure à 10 000 640 (Europe et Asie)
Estonie
15 940
Part de la population Royaume-Uni Lettonie
Danemark
musulmane, 80
Irlande 290
en % de la population Lituanie
3 950 Pays-Bas
totale du pays
1 170
Allemagne Bélarus
De 70 à 100
Pologne 50
De 30 à 45 Belgique 810 5 530 20
10 Ukraine
De 10 à 25 Lux. Tchèquie 730
De 5 à 10 Slovaquie
Autriche
5 430
Liech.
Moldavie
530 Hongrie Azerbaïdjan
De 1 à 5 440
Roumanie 30
Suisse Slovénie 80 10
80
Moins de 1 France 70 390
Croatie Serbie
Monaco
Géorgie 490 9 870
St-Marin 1 650 Kosovo
40 Andorre
1 610 Arménie
Portugal Bosnie-Herz. 1 750
Monténégro 130 980 Bulgarie
Espagne
870 Turquie
2 640 79 090
Italie 2 960 Macédoine
du Nord
Gibraltar Albanie

400 km 660
Chypre*
Source : Pew Research Center,The Future of World Religions : Malte Grèce
Population Growth Projections, 2010-2050, 2015 (projections établies 300 *dont République
sur la base d’estimations de la population musulmane par pays en 2010). turque de Chypre du Nord

ce cas, était moins une religion qu’une


culture. Depuis la création de l’État
DIVERSITÉ LINGUISTIQUE DES MUSULMANS DES BALKANS indépendant de Bosnie-Herzégovine, l’an-
Nombre de locuteurs au début des années 1990, en milliers (estimations) cienne nation musulmane tend à se définir
comme bosniaque (bošnjak). Les Albanais
Albanie* Bosnie-Herz. Bulgarie Grèce Macédoine Roumanie RFY
du Kosovo, de tradition musulmane à 95 %,
ALBANOPHONES formaient, en tant que minorité linguistique,
(Kosovo) 4 355 une « nationalité » (narodnost). Une décen-
SLAVOPHONES
nie de guerre (1990-1999), de nettoyages
2 635
ethniques et de déplacements forcés ont
fortement atténué la mixité encore visible sur
TURCOPHONES
la carte. Pour les musulmans, cette période
1 040 (dont Tatars de Bulgarie et Roumanie)
fut l’une des plus menaçantes de la période
TSIGANES** post-ottomane tout en les révélant comme
300 acteurs politiques.
0 600 1 200 1 800 2 400 3 000 3 600 4 200 4 800 ...
RFY : République fédérale de Yougoslavie (1992-2003)
* En l’absence de données officielles récentes sur les appartenances confessionnelles en Albanie, le nombre de musulmans dans ce
pays est calculé en projetant sur la population albanaise le pourcentage de musulmans relevé lors du recensement de 1942 (70 %).
L’EXCEPTION ALBANAISE
** Les Tsiganes sont très difficiles à dénombrer et restent généralement sous-estimés, dans la mesure où beaucoup d’entre eux ne se Dans les territoires ex-ottomans d’Europe
déclarent pas comme tels lors des recensements de population. qui formèrent l’Albanie en 1913, les musul-
Source : X. Bougarel, N. Clayer (dir.), Le nouvel islam balkanique. Les musulmans acteurs mans étaient majoritaires. En 1942, ils
du post-communisme (1990-2000), Maisonneuve & Larose, Paris, 2001.
représentaient 70 % des habitants, les
orthodoxes 20, les catholiques 10 : un
Verbatim LES MUSULMANS DANS L’ANCIEN
ESPACE YOUGOSLAVE
cas unique dans les États successeurs de
l’Empire ottoman. L’Albanie, toutefois,
Avant 1991, les 4 à 5 millions de musul- n’adopta jamais de religion officielle. En 1967,
« Si la religion reste mans de la Yougoslavie communiste toutes furent interdites et en 1976, l’athéisme
un irremplaçable repère avaient des statuts divers. Les Musulmans inscrit dans la Constitution. Malgré la liberté
communautaire, la foi, de langue serbo-croate, difficilement clas- retrouvée et les activités missionnaires, les
elle, se vit de plus en plus sables comme Serbes ou Croates parce adhésions religieuses sont assez faibles.
sur le mode individuel. »
qu’identifiés aux Turcs à l’époque ottomane, Au recensement de 2011, 56,7 % de la
Xavier Bougarel, furent reconnus en 1968 comme l’une population se déclara musulmane, 2,1 %
Nathalie Clayer, 2001. des six « nations » (narod) sud-slaves, aux bektachie (un rameau soufi de l’islam), 10 %
côtés des Serbes, Croates, Slovènes, Mon- catholique et 6,7 % orthodoxe (statistique
ténégrins et Macédoniens. L’islam, dans contestée par l’Église orthodoxe).
29

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 29 18/11/2021 10:29


PRÉSENCE DE L’ISLAM

De la transplantation
à l’enracinement : l’islam en France
Au milieu des années 2010, la France comptait de 3,5 à 6 millions de musulmans, aux trois-quarts de nationalité française.
Généralement sunnites, mais issus d’une immigration en provenance de pays divers et traversés par tous les courants de l’islam
contemporain, ils sont loin de constituer une communauté homogène. L’islam ne s’en institutionnalise pas moins comme
religion minoritaire. « Pour les générations issues de l’immigration, [il] peut être un choix qui concilie acceptation de l’intégration
et demande de distinction sociale quand ce n’est pas un refuge face aux discriminations » (C.Wihtol de Wenden).

L’INSCRIPTION DE L’ISLAM style malien à Fréjus (aujourd’hui désaf- sols des immeubles d’habitation) a quasi-
DANS LE PAYSAGE FRANÇAIS fectée au culte), hôpital franco-musulman ment disparu, les grandes mosquées sont
La plus ancienne mosquée du territoire de Bobigny (actuel hôpital Avicenne) peu nombreuses (environ 70 en 2015), les
français se trouve sur l’île de La Réunion manifestaient la reconnaissance de la minarets encore moins. Les petites surfaces
où se forma au XIXe siècle une forte com- République à ses sujets coloniaux musul- dominent. La construction de nouveaux
munauté musulmane d’origine indienne. mans, massivement mobilisés dans ses lieux de culte fait partie des demandes
En métropole, les premiers lieux d’islam armées. Depuis les années 1970, la mul- récurrentes des fidèles, avec le développe-
furent bâtis après la Première Guerre mon- tiplication des lieux de culte répond à la ment de l’enseignement religieux, la créa-
diale : koubba du cimetière de Nogent- demande de musulmans durablement tion de carrés réservés dans les cimetières
sur-Marne (reconstruite en 2010), grande installés en France et soucieux de vivre ou la constitution d’aumôneries dans les
mosquée de style hispano-mauresque du ouvertement leur foi. Si « l’islam des caves » prisons et hôpitaux et aux armées.
5e arrondissement de Paris, mosquée de (les salles de prière installées dans les sous- ...
LES LIEUX DE CULTE MUSULMANS EN FRANCE MÉTROPOLITAINE
1. Répartition géographique en 2005
Nombre de mosquées par région* 101 Nord-
en France métropolitaine Pas-de-Calais
*Le découpage du Conseil français du culte musulman IDF-
distingue trois zones en Île-de-France (IDF) : Haute- ouest 40 Picardie
42
- Centre (Paris et petite couronne)
Normandie Champagne-
- Ouest (Val-d’oise et Yvelines) 85
18 Ardenne 97
- Est (Essonne et Seine-et-Marne) 251
Basse-Normandie 50
83 Lorraine
18 IDF-centre 67
2. Une forte augmentation depuis 1970 Bretagne IDF-est
25 Alsace
Évolution du nombre de mosquées 70 Franche-
Pays 45 Comté
2 500 de la Loire
2 300 Centre 56
Bourgogne
2 000
2 000 11
Poitou- 17
1 623 34
1 545 Charentes 219
Limousin
1 500 Auvergne
1 279
Rhône-Alpes
1 000 41
Aquitaine
50 173
500
500
Midi-Pyrénées 85
100 Provence-Alpes-
Languedoc- Côte d’Azur 13
0
1970 1985 1992 2003 2005 2008 2014 Roussillon Corse
Sources : B. Godard, S. Taussig, Les musulmans en France. Courants, institutions,
communautés : un état des lieux, Hachette Littératures, Paris, 2009 et B. Godard, La question musulmane en France, Fayard, Paris, 2015.

30

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 30 18/11/2021 10:29


1989-2011 : UNE PRATIQUE EN HAUSSE LA CONSOMMATION
DE VIANDE HALAL
En % de la population se déclarant musulmane
Achat systématique de viande halal
1. La fréquentation des mosquées 2. Le jeûne du mois du ramadan
en fonction de l’assistance
le vendredi En 1989 En 2011 aux «offices religieux», en %
30
Jeûne durant tout le mois Au moins une fois par semaine
25 60
23 91
71
20
20 Une fois par mois
Jeûne pendant quelques jours
16 16
8 67
9
10 Une ou quelques fois par an
Pas de jeûne
59
32
20 Jamais
0
1989 1994 2001 2007 2011 0 10 20 30 40 50 60 70 80 44

En 2011, 25 % de la population se déclarant En 2011, 71 % de la population se déclarant 0 20 40 60 80 100


musulmane va à la mosquée le vendredi musulmane jeûne durant le ramadan
Moyenne : 59%
Source : Enquête sur l'implantation et l'évolution de l'Islam de France réalisée par l’IFOP en juillet 2011
sur un échantillon de 4 051 interviewés se déclarant de religion musulmane. 91 % de ceux qui déclarent assister aux
« offices religieux » au moins 1 fois par semaine
achètent systématiquement halal
Source : Enquête IFOP menée du 12 au 19 déc.
DES MUSULMANS PRATIQUANTS celles qui disaient ne jamais fréquenter 2009 sur un échantillon de 536 personnes
(http://www.ifop.com/media/pressdocument/
34 % des personnes qui se déclarèrent d’« offices religieux » (encore une notion 154-1-document_file.pdf).
musulmanes lors d’un sondage de l’IFOP problématique dans l’islam : ne pas fré-
en 2011, se dirent aussi « croyantes », 41 % quenter d’offices ne veut pas forcément
« croyantes et pratiquantes » (16 % chez les dire ne pas pratiquer). Les mêmes son-
catholiques). Depuis les années 1990, les dés avaient à 49 % le sentiment de plus DIVERSITÉ DES MUSULMANS
indicateurs de la pratique sont en hausse, consommer halal qu’auparavant. C’est DE FRANCE
encore que difficiles à interpréter. Les que l’offre est très abondante : elle ne
mosquées sont certes plus fréquentées, concerne plus seulement la viande, mais Les instances consultées en vue
de la création du Conseil français
mais aussi de plus en plus nombreuses. La aussi les plats cuisinés vendus en grandes du culte musulman (1999-2003)
fréquentation est surtout hebdomadaire, surfaces et promus dans les médias natio-
le vendredi, et très largement masculine. naux, au même titre que le « bio ». FÉDÉRATIONS
Ceci ne signifie pas que les femmes soient ... Comité de coordination des musulmans
moins pratiquantes, les cinq prières cano- turcs de France
niques quotidiennes, pouvant se faire ail- Fédération française des associations
leurs que dans un lieu de culte. L’ISLAM ET LA RÉPUBLIQUE islamiques d’Afrique, des Comores et
des Antilles
La pratique du jeûne, avec sa dimension Si en ce qui concerne la liberté de culte,
Fédération de l’Institut musulman
familiale et festive, est massive, tous âges les musulmans obtiennent plus ou moins
de la Grande Mosquée de Paris
et sexes confondus : c’est une manifesta- satisfaction, toute revendication ou atti-
Fédération nationale des musulmans
tion d’adhésion collective et identitaire tude perçue dans l’opinion comme sus- de France
à l’islam autant qu’un acte de piété, tout ceptible de porter atteinte à l’égalité des Fédération Invitation et Mission
comme la consommation de produits sexes et à la laïcité crée régulièrement la pour la foi et la pratique
halal. Lors d’une autre enquête de l’IFOP polémique. En grande majorité, les musul- Fédération Tabligh al-Da‘wa li-llah
en 2009, 59 % des personnes interrogées, mans combinent en fait foi ou éthique reli- Union des organisations islamiques
issues de familles musulmanes, décla- gieuse et adhésion aux valeurs collectives. de France
raient n’acheter que de la viande halal, Une minorité est tentée par l’isolement,
ce taux restant élevé (44 %) même chez voire le rejet de la société française et occi- GRANDES MOSQUÉES
dentale, et adhère via Internet à une com- Centre culturel islamique d’Évry (91)
munauté musulmane mondiale idéalisée. Mosquée de Lyon (69)
Verbatim Son idéologie dominante est le salafisme.
Les années 2010 furent marquées par la
Mosquée de Mantes-la-Jolie (78)
Grande Mosquée de Saint-Denis
« Je suis née en France, mais radicalisation, c’est-à-dire le basculement de La Réunion (974)
je suis musulmane à 200 %... dans la violence, en liaison avec les bou- Mosquée al-Islah, Marseille (13)
C’est très difficile de concilier, leversements géopolitiques du Moyen-
chaque jour, ma culture française Orient, de milliers d’individus partis faire le
et ma religion. Je me sens jihâd en Syrie et le transposant parfois sur tance représentative des musulmans de
incapable de renoncer le sol français en des attentats sanglants. France. Créé à cette fin en 2003, le Conseil
à l’une des deux. » L’État est ainsi poussé vers une gestion français du culte musulman (CFCM) reste
Leila, lycéenne, 2002. sécuritaire de l’islam. marqué par les tensions ethniques, idéo-
Dans les années 1990, une autre de ses logiques et générationnelles au sein de
priorités avait été l’instauration d’une ins- l’islam français.

31

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 31 18/11/2021 10:29


PRÉSENCE DE L’ISLAM

Minorités religieuses
en pays musulmans
La situation des non-musulmans dans les pays où l’islam est majoritaire varie dans le temps et l’espace, et est parfois
plus enviable que celle de minorités musulmanes (chiites de la péninsule Arabique, alévis de Turquie, ahmadis du Pakistan,
sunnites d’Iran…) dépourvues d’existence légale. Pour les chrétiens du Moyen-Orient, l’époque contemporaine oscille
entre renouveau lié à la disparition de leur statut inférieur de « protégés » (dhimmî) et sentiment de déclin, accentué
depuis quatre décennies par l’émigration. Quant à la présence juive en terre d’islam, elle a presque disparu depuis 1948.

PLUS DE 2000 ANS L’ÉGLISE CATHOLIQUE ROMAINE DANS LA PÉNINSULE ARABIQUE EN 2020
DE CHRISTIANISME ORIENTAL Vicariats apostoliques*
Faut-il rappeler que la présence de chré-
Siège du vicariat
tiens dans six États actuels du Proche- Arabie du Nord Cathédrale Paroisse
d’Arabie (1889-1974)
Orient (Égypte, Irak, Syrie, Liban, Jordanie, Arabie du Sud Siège de la nonciature Lieu de résidence de l’évêque
Israël et territoires palestiniens) est aussi apostolique pour les États
*en l’absence de diocèse, juridiction
ancienne que le christianisme lui-même ? de la péninsule Arabique ecclésiastique instituée sous l’autorité
Selon leur tradition, ils peuvent être répar- du Pape et dirigée par un évêque délégué
KOWEÏT
tis en quatre groupes : araméen ou syria- Koweït (Ville) 1
que, copte, grec et arménien. 2 3

La diversité des Églises est liée aux débats Transfert de Golfe


théologiques sur la nature du Christ qui, la résidence
BAHREÏN Manama
en 2012 Persique 8
aux IVe-Ve siècles, vinrent se greffer sur les 4 7
Doha 5 Fujaira
particularismes culturels et le refus de l’hé- QATAR 6
Médine Ruwais 9 Sohar
gémonisme byzantin. Après l’adhésion de Riyad Abu É.A.U. Mascate
Me

l’Église d’Orient au nestorianisme, une nou- Dhabi


r R

velle rupture intervint entre Églises mono-


ou

ARABIE SAOUDITE
ge

physites (Église copte, Églises arménienne La Mecque


et syrienne en formation) et Églises gardien- OMAN
nes de l’orthodoxie définie par le concile de
Chalcédoine (451). À la formation de l’Église 1. Al-Sâlimiyya
maronite, en communion avec Rome dès le 2. Jalîb al-Chuyûkh
Salâla (Salalah)
XIIe siècle, s’ajouta ensuite, à partir du XIVe, la 3. Al-Ahmadî
sécession, dans toutes les Églises orientales, 4. ‘Awâlî** Sanaa
5. Jabal ‘Alî
YÉMEN Mer d’Oman
d’une partie des fidèles qui reconnurent 6. Dubaï Hudaida
l’autorité pontificale. Les petites commu- 7. Sharja Ta‘izz
nautés chrétiennes orientales latinisées ou 8. Ra’s al-Khaima Aden Golfe
9. Al-‘Ain d’Aden
converties au protestantisme sont, elles, 300 km
le résultat de l’action de missionnaires Sources : sites Internet des vicariats apostoliques
d’Arabie du sud (avosa.org) et d’Arabie du nord (avona.org) **église partagée avec les anglicans
européens et américains au XIXe siècle.
La plupart des Arméniens vivant dans le
monde arabe descendent des rescapés du UNE PRÉSENCE CHRÉTIENNE Église catholique romaine les estime
génocide de 1915 en Anatolie ottomane. NOUVELLE DANS LA PÉNINSULE entre deux et trois millions – dont près
Ils pratiquent encore leur langue en famille. ARABIQUE de la moitié en Arabie saoudite, seul pays
Tous les autres chrétiens sont arabophones. Contrairement au reste du monde arabe, de la péninsule qui ne reconnaît aucune
Les chrétiens représenteraient aujourd’hui la péninsule Arabique vit le nombre de liberté de culte. Discrètement pratiqués
moins de 5 % de la population totale des ses habitants chrétiens, qui avaient dis- au Yémen, les offices chrétiens sont faci-
pays cités, 40 % de celle du Liban, propor- paru avec l’islamisation, fortement aug- lités, ailleurs, par la construction d’églises,
tions en forte baisse par rapport à la pre- menter ces dernières décennies. Ce sont parfois flanquées de véritables complexes
mière moitié du XXe siècle. tous des immigrés, très majoritairement comprenant un presbytère, des salles
... d’origine indienne ou philippine. La seule paroissiales, une école… Des condi-
32

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 32 18/11/2021 10:29


LA FIN DE LA PRÉSENCE JUIVE LES CHRÉTIENS DU MONDE ARABE
EN TERRE D’ISLAM
Rites Effectifs dans
Église et siècle Hiérarchie Effectifs de
La population juive en 1948... (en milliers) langues le monde arabe
de formation (siège) la diaspora
POPULATION TOTALE : 858,6 *Liban : 5,2
liturgiques vers 1990, dont
Autres pays du Proche-Orient* Yémen du Sud : 5
Jordanie : 0,2 Syriens Église d’Orient Catholicos et 110 300 130 000
Syrie Arabie saoudite : 0,2 orientaux («nestorienne», patriarche d’Orient Irak : 87 700
Yémen du Nord syriaque, arabe «assyrienne») (Chicago)

Irak 46 31 Église chaldéenne, Patriarche de Babylone 400 à 500 000 120 000
XVIe siècle (Bagdad) Irak : 390 300
67 Maroc
265 Syriens Église syrienne- Patriarche d’Antioche 146 300 150 000
Égypte 120 occidentaux orthodoxe («jacobite»), (Damas) Syrie : 89 400
syriaque, arabe Ve-VIe siècles

77 Algérie Église syrienne- Patriarche d’Antioche 101 000 50 000


Tunisie 130 catholique, XVIIe siècle (Beyrouth) Irak : 55 500
Turquie 38 74
Libye Maronites Église maronite, Patriarche d’Antioche 500 à 700 000 1 à 2,5
syriaque, arabe IVe-VIIe siècles, unie (Bkerké au Liban) Liban : 491 000 millions
... et son émigration vers Israël, 1948-1979 à Rome au XIIe siècle
(en milliers)
300 294,4 Coptes Église copte Patriarche d’Alexandrie 3,1 à 6 millions 400 000
TOTAL DES ÉMIGRANTS : 660,6
copte, arabe (Le Caire) en Égypte
250

200
Église copte-catholique, Patriarche d’Alexandrie 150 000 ?
XVIIIe siècle (Le Caire) en Égypte
156,3
150
122,9
Byzantins Église grecque- Patriarche d’Antioche 959 100 400 000
100
grec, arabe orthodoxe (Damas), patriarche de Syrie : 503 000
59,3
50 Jérusalem (Jérusalem) Liban : 294 800
18,1 patriarche d’Alexandrie
0 (Le Caire)
1948-51 1952-60 1961-64 1965-71 1972-79

Source : Y. Courbage et P. Fargues, Chrétiens et Juifs Église grecque- Patriarche d’Antioche, 442 800 500 000
dans l’Islam arabe et turc, Fayard, Paris, 1992. catholique («melkite»), de Jérusalem Liban : 255 200
XVIIIe siècle et d’Alexandrie Syrie : 111 800
(Damas)

Verbatim Arméniens Église arménienne Catholicos de tous les 348 700 Quelques
« Nous n’avons pas le droit de arménien apostolique, Arméniens (Etchmiadzine Liban : 196 400 millions
IVe-Ve siècles en Arménie) Syrie : 112 000
rester [en Orient] en réduisant
notre souci principal à la Église arménienne- Patriarche de Cilicie 51 200 100 000
volonté de durer […]. catholique, (Beyrouth) Syrie : 24 600
Notre présence est une présence XVIIIe siècle Liban : 19 700
de mission et de témoignage. » Latins Église catholique Patriarche latin de 86 300
Message des patriarches latin, arabe romaine Jérusalem Jordanie : 34 900
catholiques d’Orient, Israël* : 28 400
*et territoires palestiniens
1991.
Protestants Divers 60 à 80 000
arabe Égypte : 20 900
Liban : 20 200
tions restent mises à l’exercice du culte : Les Églises catholiques orientales Source : Les Chrétiens du monde arabe,
pas de sonnerie de cloches, pas de croix unies à Rome figurent en orange. sous la direction de B. Heyberger, Autrement, Paris, 2003.
visible de l’extérieur, pas de prosélytisme.
Les 23 églises catholiques romaines de Canada, provoqua l’extinction des com- contexte du changement de régime en
la péninsule – où les messes bondées, munautés juives autochtones des pays Égypte (1952) et de la fin des protecto-
généralement célébrées en anglais, se arabes et de la Turquie. La création d’Israël rats français en Tunisie et au Maroc (1956).
succèdent en fin de semaine – sont loin – État par nature ouvert aux juifs de tous Interdite par le roi Muhammad V (r. 1927-
de couvrir les besoins. Leur présence n’en pays –, l’impact idéologique du sionisme, 1961) au nom de l’égalité civique entre
constitue pas moins une petite révo- les craintes suscitées par les mobilisations juifs et musulmans, l’émigration marocaine
lution, aux côtés des églises des autres nationalistes arabes des années 1950- ne connut néanmoins son pic qu’entre
dénominations avec lesquelles elles par- 1960, les difficultés économiques, l’adop- 1961 et 1964 (100 000 départs). Les juifs
tagent souvent leur terrain, donné par les tion d’un mode de vie occidental au d’Algérie, assimilés aux populations
dirigeants. Le cas le plus emblématique de temps de la colonisation française encou- européennes, partirent en même temps
ces regroupements est Church City à Doha. ragèrent les départs. Bien que générale, qu’elles, à l’indépendance (1962), et s’ins-
... la première vague (1948-1951) fut surtout tallèrent en France plutôt qu’en Israël. Vers
marquée par l’émigration massive des juifs 1980, les juifs d’Afrique du Nord (2,3 % de
LE DÉPART MASSIF DES JUIFS irakiens et yéménites en Israël. La seconde la population en 1948) n’étaient plus que
Après 1948, l’émigration vers Israël, ainsi vague (1952-1960) toucha davantage les 19 000 (dont 15 000 au Maroc). En Turquie,
que vers la France, les États-Unis et le juifs égyptiens et nord-africains, dans le on en comptait encore quelque 20 000.
33

10-33-Atlas_Islam_PART1_NE2021-Maq2-BAT.indd 33 18/11/2021 10:29


Présence de l’islam
EN CONCLUSION
NÉ EN ARABIE au VIe siècle
après J.-C. avec un message
à vocation universelle, l’islam
s’est diffusé tout au long
de ses quatorze siècles
d’existence et est présent
sur les cinq continents.
Deux zones ressortent :
l’ensemble Moyen-Orient,
Afrique du Nord, Asie centrale,
qui correspond peu ou prou
à l’Empire arabe conquis
entre 632 et 750 et où l’islam
devint, avec le temps,
la religion de l’immense
majorité des habitants ; l’Asie
du Sud-Est où se trouve le plus
grand nombre de musulmans
en valeur absolue. Compte
tenu de la diffusion mondiale
de l’islam, les musulmans
ne sont pas d’un bloc.
Ils ont rarement vécu sous
une seule autorité et la grande
majorité se passe fort bien de
califat, même à titre symbolique,
quoique cette institution reste
attachée à un idéal d’unité
communautaire et que sa
vacance puisse éveiller des
ambitions politiques. En Russie
depuis des siècles, dans les
Balkans, en Europe occidentale
ou sur le continent américain,
les musulmans finissent
généralement par
s’accommoder de leur situation
minoritaire. Trouvant son
origine dans les querelles de
succession du prophète
Muhammad à la tête de la
communauté de Médine, leur
diversité confessionnelle est
remarquable. Même l’arabe,
langue sacrée s’il en est,
ne peut être considérée
comme la seule langue
de l’islam.

34

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 34 18/11/2021 10:43


LIEUX ET PRATIQUES
DE L’ISLAM
Les mondes de l’islam, une foi, des cultures : ainsi
l’historien Pascal Buresi titrait-il un stimulant petit ou-
vrage de vulgarisation en 2006. Souligner la diversité
des musulmans n’est pas nier qu’ils forment une com-
munauté (umma). Il y a entre eux des facteurs d’unité
profonde, qui se déclinent ensuite selon les pays, les
traditions et les confessions. Ce qui leur permet de faire
communauté, ce qui crée le « monde musulman », ce
sont des rites, des lieux d’étude et de pèlerinage, des
villes saintes que tout un chacun rêve de visiter, des
temps de rencontre et de concertation ; ce sont la Ka‘ba,
le repère familier du minaret et de la coupole abritant
le tombeau d’un saint personnage, le réseau des madra-
sas et des zâwiya-s ; ce sont enfin toutes les formes de
sociabilité propres à l’islam – celles, anciennes, nées du
pèlerinage à la Mecque, des confréries et des voyages
pour la science, et celles, plus récentes, forgées dans
les structures associatives et les organisations trans- ou
internationales.

35

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 35 18/11/2021 10:43


LIEUX ET PRATIQUES DE L’ISLAM

Les mosquées, lieux communautaires


et centres du culte
Le mot « mosquée » vient de l’arabe masjid, « le lieu où l’on se prosterne », par l’intermédiaire de l’espagnol
mezquita. À l’origine tous lieux (maisons d’habitation, enclos à ciel ouvert) où la communauté se réunissait
pour prier et régler ses affaires, les mosquées furent rapidement conçues comme des édifices. Leur caractère sacré
s’affirma et des conditions d’accès furent mises en place : être en état de pureté, se déchausser… L’expression
« maisons de Dieu », qui désigna d’abord le sanctuaire de La Mecque, se généralisa aux mosquées. Innombrables,
elles symbolisent l’islam par excellence. Certaines sont de véritables joyaux artistiques.

STATUTS ET FONCTIONS que le minbar soit souvent d’un grand de toutes celles qui l’avaient précédée
Les cinq prières quotidiennes, qui raffinement. Pour le reste, tapis et lampes par sa nef centrale élargie et rehaussée,
ne nécessitent aucun objet de culte, constituent l’essentiel du mobilier de la coupole ajoutée devant le mihrâb et
peuvent se faire n’importe où. Elles la salle de prière. Dans la cour, une fon- de somptueuses mosaïques à fond d’or,
acquièrent un mérite particulier quand taine permet au croyant d’accomplir aujourd’hui en grande partie disparues.
elles sont collectives. Au « jour du ras- ses ablutions rituelles. Les grandes mos- Très remaniée au cours des siècles, elle
semblement », le vendredi, les hommes quées sont flanquées d’un ou de plu- n’en reste pas moins un modèle d’élé-
sont néanmoins tout particulièrement sieurs minarets, sortes de tours de forme gance et l’un des très hauts lieux de
tenus de se rendre à la mosquée pour variable qui présentent un caractère à la l’islam. La Grande Mosquée de Kairouan,
la prière de midi, à l’occasion de laquelle fois fonctionnel et symbolique : utilisés une fondation de 774, fut entièrement
ils entendent un prône (khutba). Les pour l’appel à la prière, ils inscrivent aussi reconstruite par les Aghlabides au
mosquées du vendredi, « grandes mos- la présence de la communauté musul- IXe siècle, selon un plan rectangulaire dit
quées » ou « mosquées qui rassemblent » mane dans le paysage. « arabe » ou « hypostyle » – qui est le plan
(al-masjid al-jâmi‘, al-jâmi‘ tout court), se … le plus répandu. Comme dans la mosquée
distinguent des simples mosquées ou des Umayyades à Damas, l’axe du mihrâb
oratoires par leur taille, leur décor et la est mis en valeur par une nef plus large
présence d’une chaire. Lieux de prière,
les mosquées sont aussi des lieux d’asile
Verbatim et plus haute, surmontée de coupoles
à ses deux extrémités. Dans la Grande
pour les pauvres et les voyageurs, des « Dieu est très grand. Mosquée d’Ispahan, le plan hypostyle
lieux de retraite spirituelle, des lieux d’en-
J’atteste qu’il n’y a d’autre originel fut constamment remanié au
dieu que Dieu. J’atteste que
seignement et de pèlerinage quand elles Muhammad est l’envoyé cours des siècles. Les îwân-s (vastes salles
abritent le tombeau d’un saint. voûtées dont un côté ouvre sur l’exté-
… de Dieu. Venez à la prière !
Venez au salut ! Dieu est très rieur) et les salles à coupoles datent des
grand. Il n’y a d’autre dieu XIe-XIIe siècles. La salle sud, qui abrite le
que Dieu. » mihrâb, est accessible par un îwân plus
QUELQUES ÉLÉMENTS Appel à la prière large que les autres et encadré de deux
CONSTITUTIFS DES GRANDES sunnite minarets. La mosquée à quatre îwân-s
MOSQUÉES et salle à coupole est devenue classique
Quand ils prient, les croyants se tournent dans le monde iranien.
vers La Mecque. Dans les mosquées, la Beaucoup plus tardive, la mosquée
direction (qibla) en est indiquée par un DES MOSQUÉES D’ÉPOQUES des Princes à Istanbul est un véritable
mur face auquel se rangent les orants ET DE STYLES DIVERS complexe religieux. Un large dôme
et qui est creusé d’une niche (mihrâb) De forme basilicale, la mosquée des qu’étayent des demi-coupoles surmonte
richement décorée. À la droite de la Umayyades fut construite à Damas, siège la salle de prière, précédée d’un parvis
niche, se trouve la chaire (minbar), du du pouvoir califal, au début du VIIIe siècle, presque aussi vaste qu’elle. Ces formes
haut de laquelle le prône du vendredi est sur le site d’une ancienne église dédiée à en coupoles monumentales, inspirées de
prononcé. Celui-ci était à l’origine l’apa- saint Jean-Baptiste, dont la tête est tou- Sainte-Sophie et associées à des minarets
nage du calife, chef de la communauté, jours vénérée dans l’édifice. C’était une élancés, sont la marque de l’architecture
ou de son représentant, ce qui explique mosquée de prestige, qui se distinguait impériale ottomane.

36

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 36 18/11/2021 10:43


LA MOSQUÉE DES UMAYYADES À DAMAS (706-715) LA GRANDE MOSQUÉE DE KAIROUAN (862)

1
2

4 3
5

20 m
4
1. Trésor Source :
2. Bassin d’ablutions M. Hattstein et P. Delius,
3. Sépulture de la tête 4. Minbar Arts et civilisation de l’Islam,
de Jean-Baptiste 5. Mihrâb Könemann, Cologne, 2000.
5 6 5

Istanbul 4
7
Kairouan
20 m
Ispahan
Damas 1. Minaret
2. Cour avec péristyle 5. Salle de prière
3. Bassin d’ablutions 6. Nef du mihrâb
4. Coupoles 7. Mihrâb

La Mecque Source : D. et J. Sourdel, La Civilsation


750 km de l’Islam classique, Arthaud, Paris, 1983.

LA MOSQUÉE DU VENDREDI À ISPAHAN (IXE-XVIIIE SIÈCLES) LA MOSQUÉE DES PRINCES À ISTANBUL (1544-1548)
1. Salle à coupole nord
2. Îwân nord
3. Salle de prière de
l’ilkhân Üljaitü (1304-1316) 1. Mosquée
4. Salon d’hiver 2. Parvis
5. Îwân ouest 3. Tombeaux (türbe)
6. Bassin d’ablutions 1 4. Madrasa
7. Îwân est 5. Foyer
8. Îwân sud 6. Cantine populaire
9. Salle à coupole
sud 6

20 m
3

5 6 7
4

4
8

20 m

Source : Guide Iran, Lonely Planet, Paris, 2001. Source : M. Hattstein et P. Delius, Arts et civilisation de l’Islam, Könemann, Cologne, 2000.

37

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 37 18/11/2021 10:43


LIEUX ET PRATIQUES DE L’ISLAM

Deux grandes mosquées


contemporaines
Dans l’histoire de l’islam, de nombreuses mosquées furent édifiées par des souverains, sur le modèle
de la mosquée de Médine qu’avait fondée le prophète Muhammad et qui était à la fois sa maison,
le centre du gouvernement et du culte puis, après sa mort, sa sépulture. Aux extrémités occidentale
et orientale du monde arabe, les nouvelles grandes mosquées Hasan II à Casablanca et cheikh Zâyed
à Abu Dhabi perpétuent cette tradition où se mêlent piété, politique et sens de l’esthétique urbaine.

LA MOSQUÉE
HASAN II Toit
ouvrant
À CASABLANCA
llah
Madrasa
de
n Ab
Be
ed
am
OCÉAN Parking Moh
Sidi
ATLANTIQUE Bd
Minaret
(200 m de haut)

Bou
leva
rd S
Mosquée Hasan II our
Jdid
lah
Abdel
Ben
ed
ham
Parking i Mo
Sid
ard
lev Esplanade
Bou
Ru

pouvant accueillir
eD

80 000 personnes
ouk
kal
a

ah SOUR JDID
ell
Abd Académie
en
dB des Arts
Boulev

me traditionnels
ha
i Mo Musée
Sid
ard Mo

Bd
it
Ru

50 m izn
eT
eD
ulay Yo

ardd
lev
ouk

Sources : Fonds Michel Pinseau, Médiathèque


Bou
k

Cité de l’architecture et du patrimoine


ussef

ala

et Fondation de la mosquée Hassan II

DES MOSQUÉES DE PRESTIGE mais repose à Rabat auprès de son père l’image d’une religion tolérante, savante et
Dirigeant d’Abu Dhabi de 1966 à sa mort en Muhammad V. Avec ces mosquées, Casa- moderne. Fait rare au Maroc et aux Émirats,
2004, président de la fédération des Émi- blanca et Abu Dhabi – métropoles écono- ils sont ouverts aux non-musulmans.
rats arabes unis à partir de 1971, le cheikh miques récentes et très cosmopolites – se …
Zâyed bin Sultân Âl Nahyân est reconnu voient parées des monuments de prestige
dans son pays comme le père de la nation. dont elles étaient jusqu’alors dépourvues.
La mosquée qu’il fonda à Abu Dhabi est Elles sont ainsi ancrées dans la tradition ENTRE TRIOMPHE
le lieu de sa sépulture, dans un sobre musulmane tout en étant rendues plus DE L’ARTISANAT MAROCAIN
mausolée jouxtant l’édifice. Au contraire, attrayantes aux touristes. Monumentaux, ET UNIVERSALITÉ DE L’ISLAM
Hasan II, roi du Maroc de 1961 à 1999, n’est somptueusement décorés et high-tech, Bien que devenue une métropole de
pas enterré dans la mosquée à son nom les deux édifices donnent aux visiteurs trois millions d’habitants, Casablanca est
38

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 38 18/11/2021 10:43


ABU DHABI LA MOSQUÉE CHEIKH ZÂYED À ABU DHABI Port

Golfe Persique Dubaï


Aéroport d’affaires et
Stre
SAADIYAT
Louvre m
Port Abu Dhabi
Al Bateen
ak tou
Al M
JUBAIL
ae ed
LULU Bin S
AL-REEM hid
Ras
MADINAT
ZAYED
Centre ville A L M A Q TA A
SAS
Palais
AL-NAKHL
présidentiel
AL MAQTAA

HUDAIRIYAT
Quartier
Mosquée général

5 Str
Cheikh Zâyed de la police
Parking

eet
3 km MUSAFFAH

Eastern Ring Ro
Mausolée
du Cheikh

14 Street
CASABLANCA OCÉAN
Minaret nord
de 107 m Entrée Wahat

ad
ATLANTIQUE
principale Al Karama
Mosquée
Hasan II
Port
Cour intérieure
SOUR JDID Mosquée pouvant accueillr
22 000 fidèles
Cheikh Zâyed
MÉDINA
BOURGOGNE Héliport
eet

Parking
5 Str

FONCIÈRE
Parking
H

Gare
GAUTHIER LIBERTÉ

Palais présidentiel
MAARIF
marina, Centre
LES HÔPITAUX
Sûq al-Jâmi‘ d’accueil
1 km HABBOUS
(marché de la Mosquée) des visiteurs
Entrée
Sources : Google maps et www.szgmc.gov.ae/en/

des visiteurs
(touristes)
Al-K
hale
Verbatim ej al-
Arab
i Stre
et

« C’est lui qui a créé


les cieux et la terre
en six jours
– son trône était alors Aéroport
sur l’eau. » international
Coran, XI, 7. Club des officiers
100 m des forces armées émiraties

rakech - et expose le savoir-faire artisanal centre-ville des années 1970, sur la route de
marocain, tout en multipliant les prouesses l’aéroport, dans une zone dont elle contri-
technologiques: toit ouvrant, sol chauffant, bue à l’urbanisation, elle est visible de tous
l’une des villes les plus récentes du Maroc. laser au sommet du minaret pour indiquer les points reliant l’île d’Abu Dhabi à la terre
Réputée pour son patrimoine architectu- la direction de La Mecque. ferme. Avec ses 82 dômes de taille variable,
ral de style Art déco, elle ne possédait pas … ses 4 minarets, son revêtement de marbre
d’édifice religieux notable. C’est pourquoi blanc, c’est une mosquée « panislamique »,
en 1986, après avoir doté Rabat du mau- synthèse moderne de styles architectu-
solée de Muhammad V, Hasan II annonça L’ŒCUMÉNISME MUSULMAN raux et artisanaux divers : dômes moghols,
qu’il y ferait bâtir une grande mosquée DE LA MOSQUÉE CHEIKH ZÂYED arcs maghrébins, minarets mamelouks
conforme à sa fonction de Commandeur L’un des premiers visiteurs de la mosquée égyptiens, créneaux syriens et irakiens,
des croyants. Inaugurée en 1993, elle Hasan II, le cheikh Zâyed couronna par un céramique turque, incrustations indiennes,
est située sur l’océan pour symboliser le édifice d’esprit similaire mais de style très dif- tapis persans. À la sobriété de l’ensemble
rayonnement mondial de l’islam. Avec sa férent son œuvre de bâtisseur à Abu Dhabi, répondent la somptuosité des matériaux,
madrasa, sa bibliothèque et son musée, elle ville passée sous son règne de quelque un éclairage nocturne sophistiqué et des
est aussi un lieu d’étude. Construit par des 3 500 à plus de 500 000 habitants. Achevée records abondamment soulignés tels « le
architecte et maître d’œuvre français, l’édi- après sa mort en 2007, sa mosquée tranche plus grand tapis du monde » et « le plus
fice rappelle des monuments très connus avec les oratoires de quartiers, innombra- grand lustre » (de facture allemande) dans
- tour Hasan à Rabat, Kutubiyya à Mar- bles mais très petits. Située à l’extérieur du l’immense salle de prière.
39

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 39 18/11/2021 10:43


LIEUX ET PRATIQUES DE L’ISLAM

La Mecque et Médine,
berceau de l’islam
Pour les musulmans, la « noble Mecque », « Mère des cités » et siège de la « Maison de Dieu »,
est le nombril du monde. À 350 km au nord, Médine est la «Ville » par excellence, « la Ville du Prophète »,
la «Ville illuminée ». Le séjour en ces lieux est, pour tout croyant, un sommet de la vie spirituelle
et le pèlerinage à La Mecque une obligation canonique. Les villes saintes sont un enjeu de pouvoir.
Aux époques moderne et contemporaine, la souveraineté y fut exercée par les Ottomans jusqu’en 1918,
puis par deux dynasties arabes : les Hachémites et, dès le milieu des années 1920, les Saoudites.

L’AVENTURE DU PÈLERINAGE L’EXPANSION DE LA MECQUE ET DE MÉDINE AU XXE SIÈCLE


Le pèlerinage fut longtemps une entre-
prise risquée et, de ce fait, masculine. Djedda Wâdî Fâtima Khaybar

Contournant le « quart vide » – nom donné


au sud-est aride de l’Arabie –, les routes Sultâna Mont Salâh Tabûk
Al-Fatâ
dessinées sur la carte étaient la dernière
étape d’un voyage parfois commencé Médine
très loin, au Maghreb, en Asie centrale, en La Mecque
Sharayya
Extrême-Orient… Les plus importantes Mont Ayr
partaient du Caire et de Damas, ainsi que
VIII siècle
e
Xe siècle Badr,
de Bagdad et des localités du Yémen, villes Djedda
XVI siècle
e
XVIe siècle
où les pèlerins se regroupaient en cara-
vanes pour se protéger des risques d’éga- 1924 XIXe siècle
La Mecque
rement et de pillage. Placées sous bonne 1971 1 km Minâ ‘Arafa, 1971 1 km (route de
Tâ’if Al-Qubâ l’Hégire)
escorte militaire et dirigées par un repré-
Source : An Historical Atlas of Islam, sous la direction de H. Kennedy, Brill, Leyde, 2002.
sentant du pouvoir, ces caravanes furent
flanquées, à partir du XIIIe siècle, d’un
palanquin richement brodé (mahmal), vapeur et l’ouverture du canal de Suez DE LA CARAVANE À L’AVION,
symbole de l’autorité politique soumise à (1869) rendirent la voie maritime plus LA MASSIFICATION DU HAJJ
Dieu. En 1926 – année où le royaume du attrayante. Au début du XXe siècle, une Aujourd’hui, le transport aérien est roi :
Hedjaz devint saoudite –, l’arrivée du mah- voie ferrée – autour de laquelle devaient des flots de pèlerins se déversent chaque
mal d’Égypte provoqua des échauffourées se dérouler la Révolte arabe contre les année dans un terminal spécial de
avec les wahhabites et la pratique dispa- Ottomans pendant la Première Guerre l’aéroport de Djedda avant d’être
rut. Du Caire ou de Damas à La Mecque, mondiale – doubla la route de Damas. emmenés en car à La Mecque. Autour
le voyage terrestre durait de 30 à 35 jours. Fait rare, la construction et l’exploitation de 150 000 vers 1950, ils étaient trois
Réduisant ce temps, la navigation à de cette ligne célèbre, le chemin de fer millions (un pic) en 2012, et près de
du Hedjaz, ne furent pas concédées à 2,5 millions, dont 44 % de femmes,
une société étrangère. C’était une entre- en 2019. Cette foule poussa le royaume

Verbatim prise ottomane, financée par des contri-


butions de musulmans du monde entier.
à établir dès 1988 des quotas par pays,
sur la base d’un visa de pèlerinage pour
Long, cher, périlleux, le voyage faisait 1 000 habitants. Le pèlerinage musul-
« Le voyage à La Mecque partie intégrante de l’aventure spirituelle man reste une affaire d’États, à l’orga-
n’est pas un voyage. du pèlerinage et donnait l’occasion, dans nisation bureaucratique. Si les pèlerins
C’est l’accomplissement chaque pays traversé, de rencontrer encourent toujours entassement, bous-
d’un rite. » d’autres musulmans, d’acheter des livres, culades et insolations, ils ont beaucoup
Abdellah Hammoudi, 2005. d’étudier, de commercer… Les pèlerins gagné en confort et en sécurité grâce
lettrés en ont laissé de nombreux récits aux énormes moyens financiers de
qui constituent un genre très riche de la l’Arabie saoudite.
littérature des pays musulmans (rihla). ...
...
40

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 40 18/11/2021 10:43


ROUTES TRADITIONNELLES DU PÈLERINAGE ET PÉRIMÈTRE SACRÉ Chemin de fer du Hedjaz
Bagdad Routes de pèlerinage
Damas
Mer Méditerranée Acre Dera Routes maritimes
Najaf
Haifa Bursa
Samawa Rendez-vous des pèlerins
Jérusalem Amman pour l’entrée en état
Gaza Basra de consécration (mîqât)
Maan
Le Caire Suez
lfe

G
Aqaba

o
Hafar Pe
rs
al-Talabiyya iqu
Tayma
e
Ha’il
HEDJAZ
Mada’in Salih Burayda Zilfi
Al Wajh al-Sukya
Nukra
Qus
Riyad
Edfu
Yanbu Médine al-Yamana
Komombo Afif
Abyar Ali Madan

Yanbu Rabigh
Abyar Ali
Médine Djuhfa
Dhat Irq
Aydhab La Mecque Qarn al-Manazil
Djedda Tâ’if QUART VIDE
Rabigh Yalamlam Talaba
Port Soudan
Djuhfa
Sawakin Kunfida Ibl
Dhat Irq
M
er

Qarn al-Manazil Atbara


Djedda Djizan
Ro

Sada
Minâ
ug

La Mecque
e

‘Arafa Sanaa
Muzdalifa
Yalamlam Aryab
Taizz
Délimitation du «petit» n
’A de
pèlerinage (‘Umra) Aden lf e d
Délimitation du «grand» Sources : M. Ruthven, Historical Atlas of Islam, Harvard University Go
pèlerinage (Hajj) Press,Cambridge, 2004 et S. Zeghidour, La vie quotidienne à
La Mecque de Mahomet à nos jours, Paris, Hachette, 1989. 200 km

UN PÈLERINAGE DE MASSE
1. La croissance du nombre des pèlerins au XXe siècle (en milliers) 2. Nombre de fidèles ayant accompli le hajj
Les années doubles sont celles où le pèlerinage, en 1440 de l’Hégire (2019)
fixé en fonction de l’année lunaire, a débordé sur deux années solaires Total des pèlerins : 2 489 406
1 004
1 000 Pèlerins venus de l’extérieur
978 987 hommes
1974-75 876 040 femmes

800
1973-74 1 855 027 Femmes

600

Hommes H
211 003
400
F
H
F
200
423 376
1942-43

?
Résidents étrangers Saoudiens
1907
1925

1930

1935

1940

1945

1950

1955

1960

1965

1970

1975

1980

1983

en Arabie saoudite 126 576 hommes


Sources : Encyclopédie de l’Islam, tome VI, Brill, Leyde, 2e édition et Département des statistiques et de l’information 279 671 hommes 84 427 femmes
du Royaume d’Arabie saoudite (www.stats.gov.sa/sites/default/files/haj_40_en.pdf, consulté le 6 octobre 2021) 143 705 femmes

LES VILLES SAINTES, nisme des villes saintes au XXe siècle. croyants sont depuis longtemps rasées.
DES MÉTROPOLES ÉCONOMIQUES Tout vestige du passé a disparu, tout La Mecque et Médine vivent des services
L’afflux de pèlerins, le puritanisme souvenir religieux a été effacé et, dans offerts aux pèlerins. Hauts lieux de tran-
wahhabite, la volonté des dirigeants de les grands cimetières des deux cités, les sactions commerciales, elles constituent
donner de leur pays une image moderne, coupoles surmontant les tombeaux de un vaste bassin d’emploi pour les musul-
ont profondément bouleversé l’urba- personnages vénérés par nombre de mans de toutes nationalités.
41

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 41 18/11/2021 10:43


LIEUX ET PRATIQUES DE L’ISLAM

Lieux et rites de pèlerinage


au Hedjaz
Les rites accomplis à La Mecque et à Médine ne sont pas de même nature. Le croyant se rend
à La Mecque en état de consécration pour obtenir le pardon de ses péchés. Il peut y faire deux pèlerinages :
la ‘umra, qui se déroule dans la mosquée sacrée à tout moment de l’année, et le hajj, le pèlerinage
canonique qui a lieu une fois par an et suit tout un itinéraire, de la mosquée sacrée à la plaine de ‘Arafa,
à vingt kilomètres de la Mecque. À Médine, qui abrite le tombeau du prophète Muhammad, le croyant
effectue une simple visite, une ziyâra, qui n’a pas le caractère obligatoire du hajj.

LE PÈLERINAGE comprend les étapes suivantes : départ cailloux qui serviront à lapider les trois
À LA MAISON DE DIEU pour Minâ (le 8) ; station à ‘Arafa dans le stèles symbolisant Satan ; lapidation de
La mosquée sacrée de La Mecque abrite recueillement et la prière jusqu’au cou- la plus grande stèle, coupe des cheveux,
la Ka‘ba ou « Maison de Dieu », symbole cher du soleil (le 9) : c’est le sommet du immolation d’un animal, tournées de
de la victoire de l’islam sur le polythéisme. pèlerinage ; retour à Minâ par Muzdalifa la Ka‘ba et sortie d’ihrâm (le 10) : c’est
« Petit » ou « grand », le pèlerinage en où chacun se munit des quarante-neuf la journée du Sacrifice, l’Aïd, fêtée simul-
ce lieu exige qu’à l’entrée du périmètre
sacré interdit aux non-musulmans, le
fidèle se mette en état de consécration LA MOSQUÉE SACRÉE (AL-MASJID AL-HARÂM) Marwa
(ihrâm) grâce à des ablutions et, pour les
hommes, le port d’un vêtement blanc Galerie couverte reliant Safâ’ à Marwa
sans couture. Institués par Muhammad à
Salles de prière, galeries à arcades
partir de rites païens, ‘umra et hajj se rat-
sur deux étages dont...
tachent à l’histoire d’Abraham. La ‘umra
commémore l’errance au désert d’Agar et ... mosquée avant les extensions saoudiennes
d’Ismaël, sauvés de la mort par l’interven- Porte de
Matâf (circuit autour de la Ka‘ba) la Victoire
tion divine ; le hajj le sacrifice d’Abraham
1. Station d’Abraham (Bâb al-Fath)
prêt à offrir son fils à Dieu (Isaac dans la
2. Giron d’Ismaël
Bible, Ismaël selon les commentateurs du Porte de
3. Ka‘ba la Paix
Coran). 4. Puits de Zemzem (Bâb al-Salâm)
La ‘umra consiste en au moins sept tours
400 m

de la Ka‘ba et une course entre les deux


monticules de Safâ’ et Marwa. Le hajj,
accompli entre le 8 et le 13 du mois qui Porte de
porte son nom – dhû l-hijja, le « mois du la ‘Umra
pèlerinage, dernier de l’année lunaire –
1
2
4

Verbatim 3

Cour
intérieure
« Et vraiment nous étions
à cette heure dans un autre Safâ’
monde : nous étions
dans la maison de Dieu
et dans la présence
immédiate de Dieu ».
Batânûnî, 1909. Porte
du roi
Fahd Porte du roi
‘Abd al-‘Azîz Source : ministère saoudien du Hajj.

42

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 42 18/11/2021 10:43


LA MOSQUÉE DU PROPHÈTE (AL-MASJID AL-NABAWÎ)
1. La mosquée du Prophète 2. Les agrandissements saoudiens de la mosquée du Prophète
avant les agrandissements saoudiens Bâb ‘Umar b. al-Khattâb Bâb al-malik Fahd Bâb ‘Uthmân b. ‘Affân
Porte du Majîd
Bâb al-Uhud Bâb al-Badr
(Al-Bâb al-majîdî)
Madrasa Madrasa
Réserves

b. Abî Tâlib
Bâb al-sultân
‘Abd al-Majîd

Bâb ‘Alî
Bâb Abî Dharr
Bâb al-‘Aqîq
Cour à ciel ouvert
200 m

‘Abd al-‘Azîz
Bâb al-malik
Source
Bâb al-malik
Sa‘ûd
9 7

4 8
Porte de la Porte des
5 Femmes
3 Bâb Qubâ’ Miséricorde Bâb Makka
1 2 Porte de
Gabriel
6 Porte du Salut

Porte du Salut
Chambre du Prophète Verger de Fâtima Lieu de prière Chambre Ancienne cour
(Al-Hujra al-nabawiyya) (enclos de palmiers) des femmes du Prophète à ciel ouvert
1. Tombeau du Prophète Jardin du Prophète Mihrâb du Prophète Mosquée avant le Nouvelles cours
2. Tombeau d’Abû Bakr (Rawda) 1er agrandissement à toit mobile
Autres mihrâb-s
3. Tombeau de ‘Umar b. al-Khattâb 5. Estrade sur colonnes 1er agrandissement Emplacement
4. Tombeau présumé de Fâtima (makbariyya) réservée 7. Porte des Femmes saoudien (1952-1955) des 10 minarets
(selon une autre tradition, il se aux muezzins 8. Porte de Gabriel 2e agrandissement
trouve au cimetière d’al-Baqî‘) 6. Minbar 9. Porte de saoudien (1985-1993)
Emplacement des cinq minarets la Miséricorde
Sources : «Al-Madîna» (Médine), Encyclopédie de l’islam, 2e éd., t. V, Brill, Leyde ; «Al-Masjid al-Nabawî» (en arabe), encyclopédie libre Wikipédia et wmn.gov.sa.

tanément par les musulmans du monde épouse ‘Âycha où il vécut et fut enterré, fois reconstruite. À l’extérieur, l’emplace-
entier ; nouvelles lapidations à Minâ et bientôt rejoint par ses successeurs Abû ment de la chambre funéraire est marqué
tournées de l’adieu à La Mecque (du 10 Bakr et ‘Umar. Les croyants aiment à se par une coupole dont la couleur verte
au 12 ou 13). tenir dans le voisinage des tombeaux date du sultan ottoman Abdülmedjid
... qui est connu sous le nom de « jardin » (r. 1839-1861). Les dévots se rendent
et préfigure le paradis. Ils ne voient pas aussi au cimetière mitoyen d’al-Baqî‘,
les tombeaux eux-mêmes, ceints très sur les tombes de Sayyida Fâtima, la fille
LE JARDIN DU PROPHÈTE tôt d’un mur dont la forme pentagonale du Prophète, et d’autres saints. L’Arabie
Les trois quarts des pèlerins couplent au devait, dit-on, protéger le lieu de toute saoudite tolère ces visites mais décou-
hajj une visite à la mosquée du Prophète ressemblance avec la Ka‘ba et mainte- rage toute manifestation d’émotion reli-
à Médine. Fondée par Muhammad lui- nir celle-ci comme qibla. Par la suite, fut gieuse.
même, la mosquée inclut la maison de son érigée une clôture (maqsûra) plusieurs ...
L’ITINÉRAIRE DU HAJJ DES SANCTUAIRES
CONSTAMMENT REMANIÉS
Mont de la Lumière Ce que l’on voit aujourd’hui des sanc-
Mosquée du Serment d’al-‘Aqaba tuaires de La Mecque et de Médine est
LA MECQUE
Tunnels Lieu d’immolation d’Ismaël par Abraham
le résultat de travaux entrepris par les sul-
Haram 12 1. Grand Satan
3 tans ottomans au XIXe siècle et, surtout,
Aire des lapidations Abattoirs 2. Moyen Satan
MINÂ 3. Petit Satan des immenses agrandissements réalisés
Mosquée al-Khayf par la monarchie saoudienne de 1951
à 1973 puis sous le règne du roi Fahd
Mont
Thaour MUZDALIFA (1982-2005), qui prit le titre califal de
« Serviteur des deux lieux saints ». Espla-
nade comprise, la mosquée sacrée peut
‘ARAFA Mont de la accueillir un million de fidèles, la mos-
Miséricorde
6 km 4 km 10 km quée du Prophète 600 000. Ces travaux
Mosquée Namira
Source : S. Zeghidour, La Vie quotidienne
titanesques provoquèrent la destruction
à La Mecque de Mahomet à nos jours, Hachette, Paris, 1989. de quartiers entiers.
43

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 43 18/11/2021 10:43


LIEUX ET PRATIQUES DE L’ISLAM

Un culte des saints vivace


Outre La Mecque et Médine, il existe, d’un bout à l’autre du monde musulman, une foule de sanctuaires
qui abritent les tombeaux de prophètes préislamiques ou de saints personnages. Humbles tombes
marquées par une coupole ou complexes religieux attachés à une mosquée, ces sanctuaires, comme celui
du Prophète à Médine, reçoivent de nombreuses visites (ziyâra-s). L’anniversaire de la naissance
ou de la mort des saints est l’occasion de grandes réjouissances, tout à la fois pèlerinages, marchés
et fêtes foraines, qui durent plusieurs jours et peuvent attirer des centaines de milliers de personnes.

LE PÈLERINAGE AUX NEUF SAINTS DE JAVA lointaine Mecque. La controverse


Mer de Java
ancienne sur le statut des saints et l’ortho-
Banten doxie de leur culte enfla au XXe siècle, sous
(1)
Jakarta
(2) Muria (7) l’influence du wahhabisme, de la pensée
Kudus (6) Derajat(9) réformiste et du rationalisme. Condamné
Cirebon
(3) Demak Tuban Gresik (10) par certains comme une forme de poly-
(5) (8)
Tombeaux : Surabaya théisme, le culte des saints n’en reste pas
(11)
1. Mawlânâ Hasanuddîn Klaten moins une réalité vivante de l’islam.
2. Habîb Husayn (m. 1756)
3. Sunan Gunung Jati
4. Sunan Tembayat
(4) Blitar
...
5. Sunan Kalijogo
6. Sunan Kudus
7. Sunan Muria
JAVA, UNE ÎLE SANCTIFIÉE
8. Sunan Bonang OCÉAN INDIEN Parmi les nombreux saints de Java (Indo-
9. Sunan Derajat
10. Mawlânâ Malik Ibrâhîm et 100 km
nésie), neuf sont réunis par la tradition et
Sunan Giri, le «saint de la Montagne» vénérés en commun. Ce chiffre est sym-
11. Sunan Ampel Source : C. Guillot et H. Chambert-Loir, in Lieux d’islam, Autrement, Paris, 1996.
bolique. Aucune liste officielle n’existe et
le nombre des saints n’est pas limitatif.
DES « AMIS DE DIEU » Les Neuf se confondent en effet avec les
VÉNÉRÉS ET CONTESTÉS cession et de bénéficier de ses charismes. grandes figures de prédicateurs paci-
Appelé walî, litt. « ami de Dieu », le saint Quand le saint est de quelque importance, fiques, combattants et fondateurs de sul-
en islam exerce une sorte de patronage sa sépulture est entourée de celles de ses tanats qui islamisèrent l’île entre le XVe et
sur les hommes, joignant ainsi le ciel à la parents et de ses disciples. Les pèlerins le XVIIIe siècle, depuis la côte nord ouverte
terre sur le modèle du prophète Muham- aiment à s’attarder dans les mausolées, aux influences extérieures. Leurs origines
mad. Les saints, en majorité soufis, sont non seulement pour y prier, mais aussi sont variées : arabe (Habîb Husayn), per-
multiples : légendaires ou historiques, pour y manger ou s’y reposer, dans un sane (Mawlânâ Malik Ibrâhîm), chinoise
objets d’un culte local ou vénérés dans mélange de ferveur et de familiarité. Ayant (Sunan Tembayat), indochinoise (Sunan
tout l’islam, lettrés ou analphabètes, le hajj pour modèle, visites et pèlerinages Ampel). Le plus « javanais » est Sunan Kali-
hommes ou femmes, Gens de la Maison purent lui servir de substitut quand le jogo, qui répandit l’islam grâce à l’orchestre
du Prophète, savants, combattants, pieux voyage au Hedjaz était impossible. Sept et au théâtre d’ombres traditionnels, conci-
sultans, ascètes vagabonds, ravis en Dieu pèlerinages à la mosquée de Demak à liant ainsi nouvelle foi et culture locale. Son
(majdhûb)… Il est des saints vivants, Java équivalaient ainsi à un pèlerinage à la nom est attaché à la mosquée de Demak,
réputés pour leurs vertus propres ou la plus ancienne de Java, réputée avoir été
héritiers d’un saint défunt dont ils entre- fondée par les Neuf Saints eux-mêmes.
tiennent le culte. Très populaire, notam-
ment auprès des femmes, ce culte sans
Verbatim Unis, selon la tradition, par des liens fami-
liaux ou spirituels, ceux-ci incarnent les
reliques corporelles se déroule autour de diverses facettes de l’islam javanais : com-
cénotaphes, souvent surélevés et clos par « Le culte des saints prospère battant, savant, mystique, politique. Qui
à la ville comme aux champs,
une grille. Les visiteurs en font le tour en souhaite les honorer collectivement visite
chez les lettrés comme
sens contraire des aiguilles d’une montre chez les ruraux. » leurs tombes l’une après l’autre en un
comme à la Ka‘ba : ils récitent la fâtiha ou pèlerinage itinérant. Celui-ci peut com-
Catherine Mayeur-Jaouen,
une prière, font des vœux, se frottent à la porter une étape à Blitar, au tombeau de
2004.
grille pour recevoir le flux sacré (baraka) Soekarno, premier président de l’Indonésie
qui émane du saint, versent une offrande indépendante (1945-1967), célébré à la fois
à celui-ci dans l’espoir d’obtenir son inter- comme héros national et comme saint.
44
...
34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 44 18/11/2021 10:43
LE PÈLERINAGE LE SITE DU MOUSSEM DES IMÂMS INTERCESSEURS
DES ‘ÎSÂWÂ À MEKNÈS DE MEKNÈS EN 2004 Les chiites ont une dévotion particulière
L’on vénère les saints par des visites quo- pour les imâms et leurs descendants
tidiennes et des solennités annuelles Mausolée du saint (sayyid-s, imâmzâde-s), de la catégorie
aux noms divers : ‘urs, mawlid (mouled), Sîdî Muhammad bin des « Gens de la Maison » (Ahl al-Bayt) très
Zâwiya-mère ‘Îsâ, le «Maître parfait»
mawsim (moussem)… Le ‘urs (Inde) est (al-Cheikh al-kâmil) vénérée des musulmans de toutes confes-
l’anniversaire de la mort d’un saint (litté- des ‘Îsâwâ sions. Les principaux sanctuaires chiites se
ralement de son mariage avec Dieu), le Cimetière Esplanade Cimetière situent en Irak et, pour les fidèles, valent
mouled (Égypte, Soudan) un anniversaire Ville nouvelle Médina presque Médine où reposent le Prophète
de naissance, le moussem (Maroc) une Disques et cassettes
et quatre imâms. Ceux d’Iran prirent de
fête saisonnière. Celui de Meknès (Maroc) Pâtisseries des ‘Îsâwâ l’importance au XVIe siècle, quand les
se tient chaque année à l’occasion du Vêtements et Safavides firent du chiisme la religion de
Fruits et légumes
mouled du prophète Muhammad dont téléphones portables l’État. À la fin du XXe siècle, l’accès des
il célèbre un descendant, Sîdî Muham- Terrain vague villes saintes d’Irak leur étant fermé par
mad bin ‘Îsâ (1465-1526). Saint mystique Boulevard Rabat et la situation politique, les pèlerins iraniens
Fès le sanctuaire
et fondateur de confrérie, surnommé par circulaire de Sîdî Sa‘îd vinrent nombreux à Damas où une tradi-
ses disciples « le Maître parfait », Ibn ‘Îsâ tion veut que soient ensevelis la tête de
Commerces
est inhumé dans une zâwiya qu’il fonda (snacks, bars,
l’imâm Husayn et la dépouille de sa sœur
jadis aux portes de la médina de Meknès restaurants) Zaynab (selon une autre tradition, c’est
et que ses descendants gèrent toujours. 50 m Le Caire qui recueillit la tête de Husayn
Son moussem attire des milliers de pèle- et le corps de Zaynab, sainte patronne
rins logés dans la zâwiya ou sous tente, Points de vente de la ville). En Iran, les grandes villes
Fête foraine
informels
voire, à deux kilomètres de là, dans le de pèlerinage, Machhad (littéralement
mausolée de Sîdî Sa‘îd, un des premiers Campement des pélerins « le lieu du martyre ») et Qom, connaissent
disciples d’Ibn ‘Îsâ. Durant trois jours, des records d’affluence. Des saints mys-
Source : Mehdi Nabti, Les Aïssawa, Soufisme,
les membres de la confrérie, les ‘Îsâwâ musique et rituels transe au Maroc, L’Harmattan, tiques sont également vénérés, tel Châh
(Aïssawa), processionnent en musique Paris, 2011 et confrerieaissawa.free.fr Ni‘matullâh Walî, qui donna son nom
vers la zâwiya, en se livrant à des danses à une confrérie et dont le tombeau, à
extatiques et à des rites de possession Mâhân, non loin de Kermân, est un lieu
sous les yeux de nombreux curieux. saisissant de sérénité et de profondeur
... spirituelle.

LES GRANDS SANCTUAIRES CHIITES 8e imâm, ‘Alî al-Ridâ


Mer Caspienne (ou Rezâ, l’Agréé)

Machhad
«Les deux Kâzims» :
7e imâm, Mûsâ al-Kâzim
Téhéran
10e imâm, ‘Alî al-Hâdî (Celui qui dirige bien) (le Réservé) Sayyid Hamza ;
11e imâm Hasan al-‘Askarî 9e imâm, Muhammad al-Jawâd Châh ‘Abd al-‘Azîm
(Celui qui est retenu dans le camp militaire) (le Généreux) Rayy
Qom

SYRIE Sâmarrâ’ IRAN


Fâtima al-Ma‘sûma (la Pure),
sœur de l’imâm Ridâ
Bagdad
Damas IRAK Al-Kâzimiyya Châh Ni‘matullâh
Walî (m. 1431)
Karbalâ’
Najaf
Imâm Husayn Sayyid Mîr Ahmad (le «Maître de la lampe»), Mâhân
frère de l’imâm Ridâ ; Sayyid ‘Alî bin Hamza
(neveu de l’imâm Ridâ et du Sayyid Mîr Ahmad)
Sépulture de la tête de l’imâm Husayn Imâm ‘Alî
Chiraz
(dans la mosquée des Umayyades),
tombeaux de sa sœur Sayyida Zaynab
et de ses filles Sayyida Ruqayya,
G

Sayyida Sukayna et Sayyida Fâtima


fe
o
l

P
e
rs
iq
ue

200 km
Les frontières tracées sont celles dessinées au XXe siècle. La carte localise les tombeaux des saints mentionnés.

45

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 45 18/11/2021 10:43


LIEUX ET PRATIQUES DE L’ISLAM

Les foyers d’études religieuses


Les principales sciences religieuses, qui toutes exigent la maîtrise de la langue arabe, sont l’exégèse coranique (tafsîr),
la Tradition (Hadîth), la théologie (kalâm) et la théorie juridique (fiqh). Elles s’enseignaient traditionnellement dans
les mosquées ou dans des établissements spécialisés, les madrasas, ainsi que dans les confréries soufies. Concurrencées
par les écoles modernes après avoir eu le monopole de la transmission du savoir jusqu’au XIXe siècle, les institutions religieuses
durent adapter et diversifier leur formation. Certaines, anciennes ou récentes, sont réputées dans tout le monde musulman.

ÉCOLES CORANIQUES ET MADRASAS contenu des études (sa vocation initiale mosquées et madrasas de grandes villes
Les lieux d’enseignement religieux furent était l’enseignement du fiqh) et par l’archi- éclipsèrent les autres par leur rayonnement
longtemps des lieux d’alphabétisation et tecture : bâtie autour d’une cour centrale, la régional ou international, prenant ainsi le
d’acquisition du savoir. On distinguait : madrasa traditionnelle associait à la salle de caractère d’« universités musulmanes ».
– les études élémentaires au kuttâb, l’école prière des salles d’étude et des chambres Parmi elles, la mosquée al-Azhar (« la plus
coranique attachée à une mosquée ou pour les professeurs et les étudiants. Celle fleurie ») au Caire : fondée en 969, devenue
à un lieu confrérique de type zâwiya : qui est représentée ici renferme le tombeau dès le XIIIe siècle un grand centre d’étude
l’enfant y apprenait à lire et à écrire en de son fondateur, Ibn al-‘Adîm, comme il pour les quatre rites sunnites, elle acquit sa
mémorisant le Coran ; était courant en Syrie aux XIIe-XIIIe siècles. position dominante dans l’enseignement
– les études supérieures que l’on suivait ... religieux égyptien à la fin de l’époque otto-
chez le maître lui-même, à la mosquée, à la mane et fut alors très agrandie grâce au
zâwiya ou dans un lieu dédié : la madrasa UN SYMBOLE DE L’ÉGYPTE mécénat de l’émir ‘Abd al-Rahmân (v. 1714-
(médersa). Née en Orient musulman, cette ET DE L’ISLAM 1776), commandant (katkhudâ) de la milice
institution se développa à partir du XIe siècle. Au XVIIIe siècle, les lieux d’étude de des janissaires. Les cours avaient lieu dans
Elle se différencie de la mosquée par le l’islam tendirent à se hiérarchiser. Quelques la salle de prière. Au XIXe siècle, de plus en
plus nombreux, appauvris, les Azhariens
furent concurrencés par les diplômés des
AL-AZHAR, GARDIENNE DE L’ORTHODOXIE SUNNITE nouvelles filières dans leurs fonctions tradi-
tionnelles (enseignement, magistrature et
même leadership de la pensée religieuse).
Une réforme de l’institution était néces-
1. Porte des Barbiers saire. Introduction de disciplines laïques,
2. Ancienne madrasa mise en place de programmes, d’examens
XVIe siècle) incorporée 1
et de cycles, création, en 1930, de facultés
à la mosquée lors
des travaux de droit, théologie et langue arabe instal-
d’agrandissement lées dans des bâtiments modernes en sont
2
de ‘Abd al-Rahmân les principaux aspects. Organisée en 1961
Katkhudâ
sur le modèle des universités d’État, l’insti-
3 tution avait désormais débordé le cadre de
la mosquée. Elle coiffe aujourd’hui plus de
3. Cour mille instituts primaires et secondaires au
4. Premier mirhâb
5. Second mirhâb
6. Porte de la Soupe
7. Minarets
8. Tombeau de ‘Abd
4
6
Verbatim
al-Rahmân Katkhudâ 5 7
9. Porte des gens de Haute-Égypte
« Qom et Oxford sont les deux
Travaux d’agrandissement villes au monde où [je me
de ‘Abd al-Rahmân Katkhudâ sens] bien parce que
8
l’enseignement et l’étude y sont
vraiment l’activité centrale. »
Sources : M. Hattstein et P. Delius, Arts et civilisation
Un mollâh iranien, 1981.
de l’Islam, Könemann, Cologne, 2000 ; 7
9
A. Raymond, Le Caire des janissaires, Éditions du CNRS, Paris, 1995. 20 m

46

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 46 18/11/2021 10:43


LA MADRASA FUNÉRAIRE D’IBN AL-‘ADÎM À ALEP (ÉPOQUE AYYOUBIDE) DEOBAND : UNE INSTANCE MORALE
Nombre de fatwâ-s délivrées en ligne
par le Département de consultation
Salle à coupole juridique (Dâr al-iftâ’) à la date du
abritant le tombeau
du fondateur 8 octobre 2021 : 43 732 (en milliers de fatwâ-s)
Îwân Fatwâ-s au : 8 oct. 2021 / 28 juil. 2013

de l’islam classique, Paris, Arthaud, 1983.


DOGMES ET CROYANCES : 5 334 / 2 156

Source : D. et J. Sourdel, La Civilisation


Dogmes musulmans Fatwâ-s
Cellules Cellules Cellules Cellules
d’habitation d’habitation d’habitation d’habitation délivrées en :
Religions dans le monde
en anglais
Portail et Sectes (firaq) dans l'erreur
vestibule en urdu
d’entrée Sectes déviantes

Innovations [blâmables] et coutumes

Tradition (taqlîd) et écoles juridiques


Salles Salle de prière Salles
de cours à coupole de cours Saint Coran
5m
Hadîth et Sunna

Mission (da‘wa) et prédication (tablîgh)


LES VOYAGES DE MUHSIN AL-AMÎN
Alexandrette PRIÈRES ET OBLIGATIONS
Alep CULTUELLES (‘IBÂDÂT) : 13 444 / 5 865
Machhad
Dayr al-Zawr Téhéran Purification légale (tahâra)
Al-Sukhna
Mer Palmyre ‘Âna Sâmarrâ’ Qom Prière
Beyrouth
Méditerranée Damas Al-Kâzimiyya
Al-Ramâdî Prières du vendredi et des fêtes
Tyr Bagdad Voyage aller vers les
Karbalâ’ villes saintes d’Irak (1891)
Alexandrie Jérusalem Kûfa Rites funéraires
Najaf
Port-Saïd Gaza Al-Qatrâna
Voyage retour des
Ismaïliyya Jeûne
Suez Basra
villes saintes d’Irak (1901)
Le Caire Aumône légale (zakât) et offrandes (sadaqât)
Premier pèlerinage
à La Mecque Serments et vœux
Partie du trajet effectuée Hajj et ‘umra
en train, sur le tronçon
Waqf, mosquée, madrasa
Me

alors construit du
r

chemin de fer du Abattage rituel


Ro

Médine
Hedjaz (Damas-Médine)
ug

Yanbu
e

Source : M. al-Amîn, Autobiographie d’un clerc chiite du Gabal ‘Âmil, VIE EN SOCIÉTÉ : 7 739 / 3 897
traduction et annotations par S. Mervin et H. al-Amîn, Mariage (nikâh)
300 km Djedda La Mecque Institut français de Damas, 1998.
Divorce (talaq wa khul‘)

Aliments et boissons
Caire et en province, et vingt facultés, dont mier pèlerinage à La Mecque, en faisant
Vêtement et accessoires
des facultés non religieuses (médecine, halte au Caire, notamment à al-Azhar. La
agriculture, pédagogie…) et des facultés même année, il découvrit Jérusalem, autre Éthique et mœurs (akhlâq wa âdâb)

de jeunes filles. ville sainte, et bien plus tard, Machhad. Instruction et éducation
... ... Autour des femmes

TRANSACTIONS ET
VOYAGES ET DÉVOTIONS LA « MAISON DES SCIENCES » RELATIONS D’AFFAIRES : 4 587 / 2 010
Commerce
D’UN OULÉMA CHIITE DE DEOBAND
EN QUÊTE DE LA SCIENCE Fondée en 1867, de rite sunnite hanafite, Actions et investissements

En dépit de l’institutionnalisation du Darul Uloom (Dâr al-‘ulûm), la Maison des Intérêt et assurances
savoir, la réputation des maîtres restait sciences de Deoband (au nord de Delhi) Autres transactions
souvent plus attractive que le lieu où il est un exemple d’enseignement religieux
Héritage et dernières volontés
enseignait - d’où la tradition de « la quête musulman rénové. Aujourd’hui à la tête du
Peines et sanctions (hudûd wa qisâs)
de la science » que perpétua, par exemple, plus grand réseau de madrasas d’Inde du
le Sayyid Muhsin al-Amîn (1867-1952). En Nord, elle est aussi une école de pensée et
DIVERS : 12 628 / 1 887
1891, étudiant en sciences religieuses dans délivre des fatwâ-s. La méthode qu’elle pro- Licite et illicite (halâl wa harâm)
son Jabal ‘Âmil natal (actuel Liban Sud), il pose combine compréhension de la cha-
Supplications (du‘â’)
partit pour Najaf, l’un des grands centres rî‘a, connaissance mystique, mode de vie
Noms musulmans
théologiques chiites avec Qom en Iran, en conforme à la sunna du Prophète et lutte
visitant en chemin les autres sanctuaires contre les innovations blâmables. Expres- Soufisme (tasawwuf)
d’Irak. Après dix ans de formation, il fut sion d’un islam sur la défensive, elle forme Histoire [islamique] et biographies
reconnu apte à la fonction de mujtahid à l’apologétique et à la prédication. Des
Relations internationales, jihâd
et s’installa à Damas, où il devint l’un des madrasas de cette mouvance se trouvent
Autres [dont interprétation des rêves]
principaux guides spirituels des chiites de aussi au Pakistan : les Talibans, au pouvoir
Syrie, réputé pour ses positions réformistes. en Afghanistan de 1996 à 2001, en étaient 0 1 2 3 4 5
De Damas, il accomplit en 1903 son pre- issus. Source : darulifta-deoband.com (consulté le 8 oc. 2021)

47

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 47 18/11/2021 10:43


LIEUX ET PRATIQUES DE L’ISLAM

Capitales d’islam
L’islam est lié aux villes : villes du Hedjaz où il naquit, villes de pèlerinage et d’étude, villes fondées pour
la conquête, capitales princières et impériales… Centres politiques et économiques, les villes sont aussi
des centres religieux où la communauté s’assemble, prie, transmet la foi et la science. En elles se concentrent
tous les autres lieux d’islam : mosquées, sanctuaires, tombeaux, madrasas, hospices, couvents de soufis…
Dans l’imaginaire des citadins, mode de vie urbain rima ainsi longtemps avec érudition, piété et bon
comportement musulman (adab). Parcours dans trois capitales de dynastes musulmans…

ISTANBUL OTTOMAN Piyale Pacha Palais de Dolmabatche


Palais de
Tchiragan
KUZGUNDJUK
KHASKÖY
Eyub Dj. o re
FÏNDÏKLÏ
(1458) ph
PERA os BÜLBÜDERE
AYVAN B 4
EYUB 1
SARAY GALATA ÜSKÜDAR
Arsenal Tour de
3
Léandre 2 7
Palais des 5
Blachernes Galata Djiangir Dj. SALADJAK
Saray 6
EMINÖNÜ
Co France Cimetière de
Edirne Kapï FENER rn Karadja Pacha
e Pays-Bas Venise 1 km
Kahriye Patriarcat d
Dj. orthodoxe ’ TOPKHANE SELIMIYE
Russie 1. Chemsi Pacha Dj.
Mihrimah Dj. PERA Arsenal
O

Selîmiye Dj. Arab Dj. 2. Rumi Mehmed Pacha Dj.


(1555)
r

Tour
(1526)
Kïlitch 3. Yeni Dj.
Ali Pacha 4. Mihrimah Dj.
(1580) Mer de Marmara 5. Atïk Vâlide Dj.
UN KAPANÏ GALATA
6. Nuh Kuyusu Dj.
FÂTIH 7. Tchimili Dj.
Bosphore
Rüstem Pacha Dj.
Topkapï Fâtih Mehmed Dj.
(1469)
VEFA Yeni Vâlide Dj.
Süleymâniye Dj. (1665)
EMINÖNÜ 500 m
(1556)
Chehzâde Dj. Ancien
(Mosquée des Princes) Topkapï Saray : palais Djami (Dj.) : mosquée Kapï : porte
Mevlevi Kapï Palais Nûr-i Osmâniye Dj.
(1548) (1458) (1755)
Saray
(1478) Mosquées
Vâlide Dj. Lâleli Dj.
Bazar
(date de construction)
Synagogues
(1763) Bâyezîd Dj. Ste-Sophie
KHASSEKI AKSARAY (1505) Sokollu Mehmed Églises grecques Ambassades
Pacha Dj. Principaux
Hekimoghlu KUM KAPÏ Sultân Ahmed Dj. Églises latines EYUB
Silivri Kapï Pacha Dj. Patriarcat arménien (1665) quartiers
YENI KAPÏ Églises arméniennes
Petite
Kodja Mustafa Dj. LANGA KADIRGA Ste-Sophie
Le tracé des rues d’Istanbul est celui de 1999.

Belgrad Kapï Source : Histoire de l’Empire ottoman,


SAMATYA Mer de Marmara sous la direction de R. Mantran, Fayard, Paris, 1989.

Imrakhor Dj.

Yedi Kule cette ancienne capitale de chrétienté une 40 % de la population, n’en garda pas moins
(Forteresse
des Sept Tours) capitale d’islam, digne de leur statut de un caractère multiconfessionnel et mul-
ghâzî-s et de « serviteurs des deux sanc- tiethnique. Dans les années 1920, le choix
tuaires » du Hedjaz. La basilique Sainte- d’Ankara comme capitale politique de la
Sophie et d’autres églises furent transfor- République turque symbolisa la rupture
mées en mosquées ; de nouveaux comple- avec l’Empire musulman et cosmopolite.
ISTANBUL, xes religieux monumentaux vinrent mar- ...
LE « SEUIL DE LA FÉLICITÉ » quer le paysage ; Topkapï Saray – le palais
Tombée en 1453 aux mains du sultan Meh- de la Porte du Canon –, résidence du sultan LE CAIRE, LA VILLE
med II, le « Conquérant » (Fâtih), Constan- jusqu’au XIXe siècle, fut sacralisé par les reli- AUX « MILLE » MINARETS
tinople vit son nom turcisé en Istanbul et ques du prophète Muhammad, apportées Le Caire fut fondé par les Fatimides en
devint le siège du pouvoir ottoman. Les du Caire en 1517. Istanbul, où Grecs, Armé- 969, au nord de Fustât, la ville née avec
nouveaux maîtres s’employèrent à faire de niens et Juifs continuaient à représenter la conquête arabe en 641. Son prestige
48

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 48 18/11/2021 10:43


du bazar. Le cœur en était une place
PRINCIPAUX ÉDIFICES Mosquée de Baybars
Mausolées publique (maydân) de huit hectares, bap-
RELIGIEUX MUSULMANS (1266-1268)
d’al-Malik al-‘Âdil Tûmânbây
et qubbat al-Fadâwiyya tisée Naqch-e Jahân, « le plan du monde »,
DE LA VIEILLE VILLE DU CAIRE et bordée de bâtiments de prestige. Au
nord, un portail monumental ouvrait sur
le bazar. À l’est, une mosquée-oratoire
Mosquée d’al-Hakîm Complexe de sans cour était dédiée au cheikh Lutfallâh,
(900-1003) l’émir Qurqumâs
(1506-1511) un ouléma réputé que le châh ‘Abbâs Ier
et du sultan Ayzal
Jardin (1451-1456) (1587-1629) avait fait venir du Jabal ‘Âmil.
de l’Azbakiyya
(1868)
Complexe
du sultan Barqûq
Pour être orientée vers La Mecque, elle ne
(1384-1386) Couvent et mausolée fut pas construite dans l’axe de son por-
du sultan Barqûq
VILLE Ru Mausolée et madrasa (1400-1411)
tail d’entrée, à l’instar de la mosquée du
e Complexe du
sultan Qâlâwûn d’al-Sâlih Najm al-dîn Ayyûb
MODERNE (1284-1285) (v. 1250) Khânqâh d’al-Achraf Châh au sud, appelée mosquée de l’Imâm
Rue

d’a Barsbây (1432)


(XIX e siècle) l-A
zha Mosquée et mausolée depuis 1979. Celle-ci reprenait de façon
d

r
e la C

Complexe du de Sayyidnâ Husayn Mausolée et complexe


sultan al-Ghawrî du sultan Qâytbây grandiose le plan à quatre îwân-s et salle
itade

(1472-1474)
(1503-1504) Mosquée à coupole dont la mosquée du Vendredi
al-Azhar
e ll

Place ‘Abdîn Mosquée et bain (969) avait été le prototype.


d’al-Malik al-Mu’ayyad
Palais ‘Abdîn
(1415-1421) À l’est de la place, le palais du ‘Âlî Qâpu (la
(1863) Sublime Porte) commandait l’accès à la
(ex-r

CIMETIÈRE
cité-jardin palatiale, organisée autour de
ue M

NORD
l’allée Tchahâr Bâgh (les Quatre Jardins),
uham

aujourd’hui une rue. Au sud de la rivière


mad

Mosquée d’Aqsunqur
Zâyandeh, Châh ‘Abbâs installa les mar-
‘Alî)

(Mosquée bleue)
(1347)
chands arméniens qu’il avait déplacés
Mosquée-madrasa
du sultan Hasan de Julfâ, dans la vallée de l’Araxe, pour
(1356-1359)
Mosquée et mausolée
contribuer à l’essor économique de sa
de Sayyida Zaynab
Place Mosquée de Sulaymân Pacha
capitale.
Salâh al-Dîn
(Saladin) Citadelle
Mosquée de
Muhammad ‘Alî

Verbatim
Mosquée d’Ibn Tûlûn
(876-879) (1827-1857)

Mausolée de Chajarrat al-Durr


Machhad de Sayyida Rukayya (1250)
Fort de Muhammad ‘Alî

« Celui qui n’a pas vu


Mosquée et mausolée CIMETIÈRE DE LA QARÂFA
de Sayyida Nafîsa Le Caire ne connaît pas
Mausolée
Aqueduc des califes la grandeur de l’islam. »
abbassides Mausolée de l’imâm al-Châfi‘î 500 m
Ibn Khaldûn (1332­-1406)
Mosquée Édifices à plusieurs fonctions
Mausolée Édifices civils
Couvent de derviches Palais ou bâtiment administratif
(khânqâh, zâwiya, takiyya) Le Caire
l
Ni

Établissement commercial
Madrasa (caravansérail)
Ensemble fontaine Cimetières Gizeh
publique/ école
coranique (sabîl-kuttâb) Citadelle
Fontaine publique Pyramides
Le tracé des rues du Caire est
Bain celui du début des années 1950. LES NOUVEAUX BÂTIMENTS
Hôpital (mâristân) D’après «Kâhira», Encyclopédie de l’Islam, tome IV, Brill, Leyde, 2e édition. SAFAVIDES À ISPAHAN
(FIN XVIE-XVIIE SIÈCLE)
Mosquée du Vendredi Vieille ville
grandit sous les Ayyoubides (1170- 1250) anciens, la ville moderne n’est pas en reste.
et sous les Mamelouks (1250-1517) qui lui Sa croissance exponentielle au XXe siècle a Entrée du bazar
Vieux
imprimèrent son style architectural monu- stimulé la construction de mosquées, nou- maydân
Palais ‘Âlî Qâpu
mental. Cité princière, Le Caire est aussi une veaux repères de la mégapole cairote en Maydân
ville de savoir et une ville sainte à la piété dépit de leur intérêt architectural limité.
...
Mosquée Lutfallâh
h
r Bâg

exubérante. Au cœur de la ville ou dans Mosquée du Châh


â

l’immense nécropole qui la ceint à l’est et


Tchah

au sud, d’innombrables mausolées portent


le souvenir de la famille du Prophète, des ISPAHAN, « PERLE DE L’ISLAM » Pont Sî-u Se
conquérants arabes, des sultans mame- ET « MOITIÉ DU MONDE »
Nouvelle- Z
louks, des califes abbassides et des saints Ancienne capitale des Seldjoukides (1038- Julfâ ây
de toutes époques. Les plus visités sont 1194), Ispahan redevint en 1598 celle des Pont Khâjû
an

600 m
de

ceux du seigneur Husayn, de dame Zaynab Safavides (1501-1722), qui construisirent


h

et de l’imâm Châfi‘î, fondateur de l’un des une cité royale reliée à la vieille ville et Source : M. Hattstein et P. Delius, Arts et
civilisation de l’Islam, Könemann, Cologne, 2000.
quatre rites sunnites. Au-delà des quartiers à la mosquée du Vendredi par une rue
49

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 49 18/11/2021 10:43


LIEUX ET PRATIQUES DE L’ISLAM

Les ordres mystiques


L’islam est irrigué par le soufisme. Forgé en 1821 par un orientaliste allemand, ce terme recouvre des doctrines
mystiques (tasawwuf), des formes d’entraînement spirituel et des pratiques confrériques. Se qualifiant volontiers
de « pauvres en Dieu » (faqîr-s, derviches), les soufis désirent accéder à la partie cachée de la Révélation :
la réalité de Dieu. Institutionnalisé en ordres, ou « voies » (turuq, sg. tarîqa), le soufisme revêt un caractère massif
et imprègne la vie et les pratiques des croyants musulmans.Très actifs dans le processus d’islamisation, les ordres
jouèrent aussi un rôle économique et politique, non démenti jusqu’à aujourd’hui malgré des vicissitudes.

UN VOYAGE INITIATIQUE loi divine, la charî‘a. Étymologiquement, DE LA VOIE


Le soufisme trouve son origine dans charî‘a a aussi le sens de « voie », celle à AUX ORDRES MYSTIQUES
des pratiques ascétiques et spirituelles laquelle se tiennent la plupart des hom- Le terme tarîqa s’applique en dernier
encouragées par le Coran. Il revêt deux mes en observant les commandements lieu aux familles spirituelles qui se sont
formes étroitement imbriquées : une de Dieu. Quelques-uns sont appelés à constituées avec le temps et ne cessent
forme doctrinale, qu’incarne notamment faire le voyage jusqu’au centre, là où leur jusqu’à aujourd’hui de se ramifier. Dans
le grand mystique Ibn ‘Arabî (1165-1240), sera dévoilée la réalité du message divin ce sens, la voie s’apparente à un ordre ou
et une forme institutionnelle de type et de toute chose manifestée. Ceux-ci à une confrérie. C’est une organisation
confrérique apparue au XIIe siècle (VIe s’engagent sur la tarîqa, la voie étroite qui de masse structurée et hiérarchisée par
de l’islam). Les soufis sont des gnosti- les conduira par étapes de la charî‘a à la laquelle l’enseignement du saint fonda-
ques, des « connaissant Dieu », ou des haqîqa, de ce qui est manifesté (zâhir) à teur continue à être transmis. Si les voies
aspirants à la connaissance à laquelle ce qui est caché (bâtin), sous la conduite portent le nom de celui qui les a initiées
on ne parvient qu’après un long chemi- d’un maître (le cheikh, le pîr). La méthode (la tarîqa al-qâdiriyya, ou Qâdiriyya tout
nement spirituel sur « la voie », la tarîqa. d’entraînement spirituel propre à ce maî- court, par exemple, est la voie de ‘Abd
Pour représenter celle-ci, les soufis tra- tre est aussi appelée tarîqa. al-Qâdir al-Jîlânî), elles se sont souvent
cent volontiers un cercle qui symbolise la ... structurées bien après la mort du fon-

PRINCIPALES AIRES D’IMPLANTATION DE QUELQUES CONFRÉRIES


M
er

Mer Noire
Ca
sp i e

Boukhara
nne

Mer Méditerranée Bagdad


Tantâ

Ajmer
Me

Wâdî Humaytharâ
r R

Mer
ou
ge

Golfe du Mer
d’Oman
Bengale de Chine

méridonale

OCÉAN
OCÉAN INDIEN
AT L A N T I Q U E

Aire géographique de la confrérie et tombeau du saint


Ni‘matullâhiyya Naqchbandiyya Châdhiliyya Murîdiyya Bektachiyya
Qâdiriyya Tchichtiyya Tijâniyya Ahmadiyya Chattâriyya
1 000 km

50

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 50 18/11/2021 10:43


LA VOIE INITIATIQUE COMMENT REPRÉSENTER CONFRÉRIES, SAINTS
SELON LES SOUFIS LES ORDRES DANS L’ESPACE ET TOMBEAUX
Cartographier l’implantation des ordres
Charî‘a n’est guère aisé tant ils essaimèrent et
ORDRE
SAINT TOMBEAU
La Loi, la norme extérieure ; connurent des fortunes diverses là où ÉPONYME (pays actuel)
la «Voie» large, commune ils étaient présents. Des traits, toujours QÂDIRIYYA ‘Abd al-Qâdir Bagdad
actuels, peuvent néanmoins être déga- al-Jîlânî (Irak)
(1077-1166)
gés. Des ordres implantés partout où il y
a des musulmans (Qâdiriyya, Rifâ‘iyya) en YASAWIYYA Ahmad Turkestan,
al-Yasawî ancienne Yasî
côtoient de plus spécifiques à une aire (m.1166) (Kazakhstan)
culturelle : Naqchbandiyya (monde turc et
RIF‘IYYA Ahmad Umm ‘Abîda
asiatique), Tchichtiyya et Chattâriyya (sous- al-Rifâ‘î (Irak)
continent indien, Asie du Sud-Est), Châ- (1106-1182)
Haqîqa dhiliyya (monde arabe), Tijâniyya (Afrique). MADYÂNIYYA Abû Madyân Tlemcen
La Réalité «réelle», D’autres ont un rayonnement local ou relevée par la Chu‘ayb (Sidi (Algérie)
intérieur de tout ce qui est créé, CHÂDHILIYYA Boumediene,
de toute loi, de toute religion régional : Ahmadiyya (Égypte), Murîdiyya 1126 -1197)
Tarîqa (Sénégal), Bektachiyya (Turquie et Balkans), Abû l-Hasan Wâdî
La Voie étroite, reliant l’extérieur al-Châdhilî Humaytharâ
à l’intérieur, l’apparence à l’essence, Ni‘matullâhiyya (Iran et Inde). Dans les (1196-1258) (Égypte)
l’écorce au noyau Balkans, les confréries déclinèrent avec le
KUBRÂWIYYA Najm al-Dîn Kohna-
Source : E. Geoffroy, Le soufisme, Eyrolles, Paris, 2013. recul de l’Empire ottoman. Les foyers soufis Kubrâ Urgentch,
post-ottomans y sont la Bosnie, le Kosovo, (1145-1221) près de Khiva
(Ouzbékistan)
la Macédoine et l’Albanie. De nouvelles
dateur. L’adhésion à une voie détermine ramifications poussent dans les pays d’im- SUHRAWARDIYYA Chihâb al-Dîn Bagdad
‘Umar al- (Irak)
des relations de deux types : de type filial migration récente. Suhrawardî
entre le croyant et son maître, lui-même (1145-1234)
héritier d’une longue lignée mystique ; de
Verbatim
TCHICHTIYYA Mu‘în al-Dîn Ajmer
type fraternel entre les disciples qui reçoi- Tchichtî (Inde)
vent la même initiation et font des exerci- (1142-1236)

ces spirituels en commun, en particulier MAWLAWIYYA Mawlânâ Jalâl Konya


la récitation cadencée ou remémoration « [Le soufisme] naît (confrérie des al-Dîn Rûmî (Turquie)
de la sainteté – celle du derviches (1207-1273)
(dhikr) des noms de Dieu et de la cha- tourneurs)
hâda. Chaque voie ou confrérie a ses par-
fondateur et de ses grands
successeurs – et a pour AHMADIYYA Ahmad Tantâ
ticularités doctrinales et rituelles, sa lignée fonction de la reproduire. » al-Badawî (Égypte)
de maîtres mystiques – que, dans tous les (1199-1276)

cas, elle fait remonter jusqu’au Prophète –,


Michel Chodkiewicz, 1995. NAQCHBANDIYYA Bahâ’ al-Dîn Boukhara
Naqchband (Ouzbékistan)
ses litanies et oraisons, son dhikr.
... (1318-1389)

UN ISLAM SILLONNÉ DE VOIES YASAWIYYA


Turkestan
Kohna-Urgentch
Bektachiyya Khalwatiyya KUBRÂWIYYA
MAWLAWIYYA Boukhara
Haydariyya
Safawiyya (4)
Konya NAQCHBANDIYYA
CHÂDHILIYYA Dhahabiyya
Châdhiliyya- Tlemcen QÂDIRIYYA
Jazûliyya MADYÂNIYYA Nûrbakhchiyya
Sa‘diyya Bagdad
‘Îsâwiyya Tijâniyya SUHRAWARDIYYA
Sanûsiyya (3) Tantâ Umm ‘Abîda
Tayyibiyya (1) Rahmâniyya Hamadâniyya
Hansaliyya Burhâmiyya RIF‘IYYA Ni‘matullâhiyya
Chattâriyya
Darqâwiyya AHMADIYYA Ajmer Firdawsiyya
CHÂDHILIYYA
TCHICHTIYYA
Wâdî Humaytharâ La Mecque
Rachîdiyya
Murîdiyya (2) Khatmiyya-Mîrghaniyya
Sammâniyya
Les ordres sont situés dans la région où ils sont nés. La plupart ont essaimé bien
au-delà et se sont ramifiés en différentes branches plus ou moins autonomes.
Ordres principaux, constitués Ordres apparus aux XVIe
RIF‘IYYA ‘Isâwiyya Dandârawiyya
entre le XIIe et le XVe siècle. et XVIIe siècles, époque
Tous les autres s’y rattachent. d’épanouissement du
Sâlihiyya
Autres ordres datant de soufisme institutionnel.
Sa‘diyya
l’époque médiévale, dont... Sâlihiyya Ordres efondés entre 1. Confrérie
le XVIII et le XXe siècle. des chérifs
Dhahabiyya
... ordres chiites Foyer de renouveau soufi de Ouezzane
ou syncrétiques au XVIIIe siècle. 2. Mourides
3. Senoussis
D’après F. Robinson, Atlas of the Islamic World, Facts on File Publications, New York, 1982. 1 000 km 4. Safavides

51

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 51 18/11/2021 10:43


LIEUX ET PRATIQUES DE L’ISLAM

La résistance des confréries


Florissantes jusqu’au XIXe siècle, les confréries subirent au XXe de multiples assauts. Affaiblies par la montée
du rationalisme, attaquées par les réformistes et les islamistes au nom de l’orthodoxie, de l’authenticité religieuse
et de la modernité islamique, elles n’en demeurent pas moins une réalité vivante et continuent à toucher des
millions d’individus.Telle la Naqchbandiyya en Turquie et en Asie centrale, elles survécurent également au combat
mené contre elles par des régimes laïques ou athées, avant de réinvestir le champ politique et social.

LA VITALITÉ DU SOUFISME L’ÉGYPTE, PATRIE DES CONFRÉRIES SOUFIES


ÉGYPTIEN
L’augmentation du nombre des confré- 1. L’évolution du nombre des confréries 2. Le poids des différentes confréries
80 Khatmiyya-Mîrghaniyya
ries, par la ramification des ordres anciens, 73 1
illustre parfaitement la vitalité du soufisme 70 Naqchbandiyya
en Égypte. Ce phénomène s’explique, en 60 1
60 Rifâ‘iyya
partie, par la dévotion profonde du peuple 2
égyptien aux saints personnages. L’Égypte 50 Qâdiriyya
44
2
est aussi le seul pays où les confréries, qui 40 Burhâmiyya
33 6
sont placées sous l’autorité du Conseil
30 Châdhiliyya
supérieur des confréries soufies, ont une 18
base légale. Ancienne, la tendance à l’ins- 20 Ahmadiyya
18
titutionnalisation des confréries sous le 10 Khalwatiyya
contrôle de l’État se renforça aux XIXe et 19
0
XXe siècles. Le pouvoir nassérien, notam- 1848 1906 1948 1958 1996 0 5 10 15 20
ment, s’appuya sur elles pour se donner Source : Les Voies d’Allah, sous la direction d’A. Popovic et G. Veinstein, Fayard, Paris, 1996.
une légitimité islamique. Parallèlement au
processus d’institutionnalisation, les confré- qui sont considérées comme les plus vie économique de leur pays (culture de
ries furent et restent la cible des réformistes orthodoxes, sont les filiales de grands l’arachide, puis commerce et transactions
de tous bords, laïcs, libéraux ou fondamen- ordres présents dans tout le monde musul- immobilières). Populistes, prosélytes, très
talistes, qui les taxent d’obscurantisme. Elles man (Qâdiriyya) ou à l’échelle africaine médiatisés et prétendant incarner l’islam
relèvent le défi en modifiant leurs pratiques (Tijâniyya). À Tivaouane, la première ville sénégalais, ils irritent non seulement les
et en s’engageant sur le terrain de l’action sainte tidjane, l’anniversaire de la nais- adversaires du soufisme mais aussi les
sociale, à l’instar des mouvements asso- sance du Prophète est annuellement autres confréries. Les mourides sont égale-
ciatifs concurrents qui se réclament de la célébré avec éclat. Les autres confréries ment très actifs en Europe et aux États-Unis,
salafiyya. En réaction aux ingérences du sont proprement sénégalaises. Les layenes, où leur confrérie compte de nombreux
pouvoir et aux risques d’appauvrissement implantés dans l’ethnie lebou du Cap-Vert, adeptes.
spirituel, les confréries non reconnues doivent leur nom à leur fondateur, Libasse ...
prolifèrent (elles étaient une cinquantaine Thiaw (1843-1909), surnommé Limamou
en 1993). Laye (ou Lahi), le « guide en Dieu » (imâm UN GRAND CHEIKH SOUFI
... Allâh). Quant aux mourides (de l’arabe DU XXE SIÈCLE : AHMAD B. ‘ALIWA
murîd, « celui qui aspire à connaître Dieu » ET SON HÉRITAGE
UN ANCRAGE DE L’ISLAM, - nom couramment donné à ceux qui Une autre confrérie très implantée en
GRÂCE AUX CONFRÉRIES cheminent sur la voie soufie), ils recrutent Europe à la suite des vagues d’immigra-
Le phénomène confrérique en Afrique parmi l’ethnie des Wolof. Leur fondateur, tion du XXe siècle en provenance d’Afrique
occidentale et subsaharienne est beau- Ahmadou Bamba Mbake (1853-1927), est du Nord est la tarîqa ‘Alâwiyya. Son fonda-
coup plus tardif qu’en Égypte et ailleurs enterré à Touba, « la ville de la félicité », qui teur est le cheikh Ahmad bin Mustafâ bin
dans le monde musulman (à partir de la abrite l’une des plus grandes mosquées ‘Aliwa dit al-‘Alâwî (1869-1934), né et mort à
fin du XVIIIe siècle) mais contribua à l’an- d’Afrique et accueille chaque 18 du mois Mostaganem en Algérie durant la période
crage populaire de l’islam tout en sédui- musulman de safar un immense pèlerinage coloniale. Celui-ci fut initié dans la voie
sant les oulémas. Au Sénégal, donné ici d’action de grâce (magal). Considérant le ‘Îsâwiyya puis dans la voie Darqâwiyya,
en exemple, les confréries structurent la travail comme un moyen de sanctification, branche apparue au XVIIIe siècle d’une
religion et la société. Deux d’entre elles, les mourides sont très impliqués dans la des grandes confréries originelles, la
52

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 52 18/11/2021 10:43


Châdhiliyya. Lorsque son maître darqâwî
mourut en 1909, il fut chargé de lui suc- ENTRE ALGÉRIE ET EUROPE, QUELQUES LIEUX
céder et de former de nouveaux disciples, D’IMPLANTATION DE LA TARÎQA ‘ALÂWIYYA
avant de prendre son autonomie en 1914.
Ce processus est tout à fait classique dans Zâwiya-mère
l’histoire du soufisme. Il arrive fréquemment
Organismes
que le successeur d’un cheikh défunt, parce liés à la confrérie
qu’il a lui-même du charisme, développe sa Villes où existent PAYS-BAS
propre méthode spirituelle. Ce sont parfois des zâwiyas-s ALLEMAGNE
Centre confrérique BELGIQUE
des querelles entre disciples qui entraînent Bruxelles Düsseldorf
important
scissions et recompositions. C’est ainsi que Drancy Francfort
Siège de AISA ONG
Scouts musulmans
poussent de nouvelles branches. Internationale Paris de France
Tout fondateur de voie ne s’en inscrit pas Pays, régions ou Strasbourg
villes d’implantation Orléans
moins dans une longue chaîne initiatique. de la confrérie SUISSE
FRANCE
C’est pourquoi celle du cheikh al-‘Alâwî Genève
Ayent (VALAIS)
s’appelle officiellement tarîqa Châdhiliyya Lyon

Sources : aisa-ong.org et données collectées en 2013.


Bordeaux Fondation Adlania pour
Darqâwiyya ‘Alâwiyya. Elle se diffusa rapide- la préservation de l’islam spirituel
Grenoble
ment dans l’entre-deux-guerres en Afrique Toulouse LANGUEDOC
Bar-sur-Loup
du Nord, au Proche-Orient, et en Europe
Gérone CÔTE
dans les communautés de travailleurs D’AZUR
Madrid
immigrés musulmans : Algériens à Paris et
Marseille, Yéménites dans les ports anglais. ESPAGNE
Elle attira en outre des artistes et intellec-
tuels occidentaux formés à l’école traditio- Murcie
naliste de René Guénon, tels que Frithjof
Schuon (1907-1998). Mostaganem
ALGÉRIE
À la mort du fondateur, la direction de la MAROC Djanatu al-Arif [Jannat al-‘ârif, Le jardin
voie échut à l’un des proches disciples du Association cheikh al-‘Alâwî pour du connaissant Dieu], Fondation méditerranéenne
l’éducation et la culture soufie de développement durable 250 km
cheikh al-‘Alâwî, le cheikh ‘Adda bin Tûnis
(Bentounès), puis aux descendants de ce
dernier : son fils al-Mahdî et, depuis 1975,
son petit-fils, le cheikh Khaled Bentounès,
qui vit en Europe, même si la zâwiya-mère LE POIDS DE L’ISLAM CONFRÉRIQUE AU SÉNÉGAL
se trouve toujours à Mostaganem. On Aéré-Lao
voit ici comment les chaînes initiatiques MAURITANIE
St-Louis Horé-Fondé
peuvent recouper des lignées généalo- Mpal
Cambérène
giques. (Laye) Louga
Dans les pays d’Europe, la confrérie est Coki
Ngoumba-Nguéoul
Kanel
aujourd’hui organisée en Associations Darou-Marnane Fass
Sam-Yabal
internationales soufies Alawiyya (AISA). TIVAOUANE Pire
(Sy) Darou- Touba-Belel
Elles sont regroupées dans une ONG dont Mousti TOUBA (Mbake)
Thiès Mbacké Taif
le siège est en Suisse et qui œuvre à la Thiénaba
DAKAR Diourbel Colobane
promotion d’une culture de paix. L’ensei- Ndiassane
gnement du cheikh al-‘Alâwî est à l’origine Fatick
Kaolack
(Niasse)
SÉNÉGAL
d’autres voies, telles la Maryamiyya (voie
de Marie), fondée en 1936 par Schuon MALI
Tambacounda
ATLANTIQUE

avant de connaître des scissions, ou la


Hâchimiyya, qui se développa en Syrie et GAMBIE
essaima aux États-Unis à travers le cheikh
Nuh Ha Mim Keller (né en 1954). Médina-Gounasse
(Ba)
Kolda
Ziguinchor
(Sy) Nom du fondateur de la confrérie ou de
ÉAN

Verbatim GUINÉE-BISSAU
la branche confrérique, et de ses descendants,
héritiers de son autorité spirituelle et
OC

de sa sainteté.
« Les cheikhs ne sont pas Tidjane (Tijâniyya) : Mouride (Murîdiyya) :
morts, les turuq ne sont pas Siège de la confrérie Siège de la confrérie
dépeuplées, les saints Foyer dépendant
Lieu maraboutique
ne paraissent pas pressés de Tivaouane
de prendre congé. » 50 km Autre obédience tidjane
Source : Cheikh Gueye in La Construction Autres confréries :
Michel Chodkiewicz, 1996.
de l'espace sénégalais depuis l’indépendance, Khadre (Qâdiriyya) Layene
1960-2000, IRD, Bondy, 2000.

53

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 53 18/11/2021 10:43


LIEUX ET PRATIQUES DE L’ISLAM

Les organisations musulmanes


D’innombrables organisations, souvent diffusées mondialement, caractérisent l’islam contemporain.
De statuts divers (ONG, organisations étatiques, associations, fondations de droit privé, partis politiques…),
elles poursuivent des objectifs missionnaires (propagation de la foi musulmane), éducatifs (fondation d’écoles),
caritatifs (secours aux plus démunis), politico-religieux (défense de l’État et de la société islamiques)…
Expressions d’un idéal d’unité et d’universalité, elles n’en reflètent pas moins des interprétations divergentes
de l’islam et une concurrence pour la direction de la communauté.

LES NOUVELLES SOLIDARITÉS de prédication. Ne recueillant pas d’adhé-


MUSULMANES LES SIX PRINCIPES sions formelles, la Tablîghî Jamâ‘at ne fait
De nouvelles formes de solidarité furent DE LA TABLÎGHÎ JAM‘AT pas non plus de publicité, contrairement,
expérimentées par les musulmans au cours 1 Kalima tayyiba
par exemple, à une autre société mission-
du XXe siècle. Elles répondaient à l’impéria- La profession de foi naire du sous-continent indien, fondée
lisme des pays européens, à l’occidentalisa- 2 Salât en 1914, le Lahore Ahmadiyya Movement
tion des modes de vie, à la sécularisation La prière for the Propagation of Islam (AAIIL) qui a
3 ‘Ilm et dhikr
Travellers in Faith, Brill, Leyde, 2000.

et à l’athéisme, à l’émigration massive de toujours utilisé les médias et dispose d’un


La connaissance et la remémoration
populations musulmanes vers des pays site Internet.
...
du Coran et du Hadîth
non musulmans, aux grands bouleverse- 4 Ikram-i-muslim
Source : M. K. Masud (ed.),

ments des équilibres politiques et confes- Le respect de tout musulman

sionnels, de la chute de l’Empire ottoman 5 Ihlâs-i-niyyât


La pureté d’intention
à la décomposition de l’URSS. Les principes
6 Tafrîgh-i-waqt
ÉTHIQUE MUSULMANE
coraniques de la « mission » (da‘wa) et de La disponibilité ou «départ sur ET ESPRIT DU CAPITALISME
la « consultation » (chûrâ) sont réactualisés le chemin de Dieu» L’islam turc contemporain est marqué par
Les termes originaux sont en urdu,
dans des mouvements qui empruntent eux-mêmes empruntés à l’arabe le mouvement nurcu (prononcer nourd-
à divers modèles : communauté idéalisée jou) qui entend concilier foi et modernité
de Médine, confréries soufies, sociétés en s’inspirant de la Risala-i nur (L’Épître de

Verbatim
missionnaires chrétiennes, toutes formes la lumière), le commentaire coranique de
contemporaines de regroupement (par- Said Nursi (1876-1960). Parmi les conti-
tis de masse, mouvements de jeunesse, « Puissiez-vous former nuateurs de ce dernier, Fethullah Gülen,
organismes internationaux). Beaucoup une communauté dont né en 1938, est à l’origine d’une puis-
s’inscrivent dans la mouvance salafiste les membres appellent sante « communauté » (cemaat) qui allie
et le poids de l’Arabie saoudite y est sou- les hommes au bien, éthique de service (hizmet), prosélytisme
vent considérable. Celle-ci agit par le biais leur ordonnent ce qui est par « l’exemple » (tamthîl) plutôt que par
de la Ligue islamique mondiale : fondée
convenable et leur interdisent « la prédication » (tablîgh), et culte de la
ce qui est blâmable : voilà
en 1962, représentée dans de nombreux ceux qui seront heureux ! » réussite en investissant dans l’éducation,
pays, notamment là où les musulmans les médias et l’économie. Solidement
sont minoritaires, elle chapeaute un réseau
Coran, III, 104. implantée en Turquie entre 1970 et 1990,
d’œuvres culturelles, éducatives et sociales elle étendit ensuite ses missions dans les
et finance la construction de mosquées. anciens pays du bloc socialiste, notam-
... ment en Asie centrale turcophone où elle
de masse pour le renouveau de la foi et la ouvrit des lycées-internats de garçons pri-
propagation de l’islam sunnite parmi les vilégiant l’excellence, les matières scien-
DES VOYAGES POUR LA FOI non-musulmans, très conservatrice sur le tifiques, l’informatique et l’apprentissage
La Tablîghî Jamâ‘at (Société de prédica- plan des mœurs, elle diffuse un message des langues. Elle opéra de plus en Europe
tion), fondée en Inde en 1927, est active simple, résumé en six principes qui invitent occidentale, en Afrique et aux États-Unis
dans plus de 80 pays. Avant de récents les croyants à modeler tous leurs actes – où Gülen s’installa en 1999. Soutien, de
conflits internes, son siège internatio- sur ceux du Prophète, à prier en groupe 2002 à 2011, du gouvernement islamiste
nal se trouvait à Nizamuddin (Delhi) et et à s’entraider. Le sixième principe est turc dont elle contribua à la diplomatie
accueillait une conférence annuelle qui conforme à la méthode de l’association : d’influence, elle fut férocement réprimée
était la deuxième plus grande assemblée les croyants doivent être disponibles pour après le coup d’État avorté de 2016 à
de musulmans après le hajj. Mouvement partir en petits groupes faire des tournées Ankara.
54

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 54 18/11/2021 10:43


LA LIGUE ISLAMIQUE MONDIALE

Tilburg Helsingor Moscou


Copenhague
Londres Bâle
Mississauga
Mantes-la-Jolie Vienne
Évry-Courcouronnes
New York Rome
Islamabad
Madrid
Bruxelles Genève Amman
Dhaka
Nouakchott La Mecque
Niamey Khartoum Makati City
Dakar Bangkok
Trinidad Contonou Abuja Djibouti
Lomé Afikpo Kampala Kuala Lumpur
Malé
Libreville Nairobi
Brazzaville Dar es Salaam Jakarta
Bujumbura Moroni
Brasilia
Quatre Bornes
Randburg Maputo

Buenos Aires
Siège de la Ligue
islamique mondiale Preston
Bureau officiel
Centre affilié
Source : Ligue islamique mondiale

LES DÉBUTS D’UN MOUVEMENT TRANSNATIONAL : LES LYCÉES DE FETHULLAH GÜLEN DANS LE MONDE EN 1996-1997
Les 149 écoles du mouvement... ... ses 27 683 étudiants... ... et ses 3 209 professeurs venant de Turquie
Kazakhstan 29 Kazakhstan 5 684 Kazakhstan 580
Ouzbékistan 18 Ouzbékistan 3 334 Turkménistan 353
Turkménistan 13 Turkménistan 3 294 Azerbaïdjan 338
Azerbaïdjan 12 Kirghizstan 3 100 Kirghizstan 323
Kirghizstan 12 Azerbaïdjan 3 023 Tatarstan1 217
Tatarstan1 6 Tatarstan1 1 802 Ouzbékistan 210
Australie 5 Albanie 966 Bulgarie 123
Daghestan1 5 Daghestan1 938 Daghestan1 123
Russie2 5 Australie 718 Tadjikistan 107
Tadjikistan 5 Tadjikistan 694 Sibérie1 101
Bulgarie 4 Bulgarie 523 Bachkirie1 88
Irak3 4 Bachkirie1 462 Mongolie 85
Mongolie 4 Mongolie 442 Tchouvachie1 79
Roumanie 4 Sibérie1 438 Roumanie 78
Sibérie1 4 Roumanie 415 Albanie 74
Bachkirie1 3 Russie2 323 Russie2 63
Géorgie 3 Tchouvachie1 311 Géorgie 48
Albanie 2 Géorgie 244 Crimée4 47
Bosnie-Herz. 2 Moldavie5 225 Moldavie5 40
Crimée4 2 Crimée4 218 Australie 37
Moldavie5 2 Irak3 184 Irak3 26
Tchouvachie1 2 Bosnie-Herz. 109 Bosnie-Herz. 22
Indonésie 1 Macédoine 102 Indonésie 18
Karatchaï1 1 Karatchaï1 93 Macédoine 16
Macédoine 1 Indonésie 41 Karatchaï1 13
0 5 10 15 20 25 30 0 1 000 2 000 3 000 4 000 5 000 6 000 0 100 200 300 400 500 600
1. Fédération de Russie 2. Russie proprement dite 3. Turkmènes 4. Ukraine 5. Gagaouzes
Source : B. Balcl, «Les écoles néo-nurcu de Fethullah Gülen», Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, n°101-102, 2003.

55

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 55 18/11/2021 10:43


LIEUX ET PRATIQUES DE L’ISLAM

De la conférence
à la coopération islamique : l’OCI
L’Organisation de coopération islamique – appelée Organisation de la conférence islamique jusqu’en 2011 – est la
plus grande organisation islamique intergouvernementale. Sa création fut décidée, à l’initiative du roi Faysal d’Arabie
saoudite (r. 1964-1975), au cours d’un sommet de chefs d’État tenu en septembre 1969 à Rabat, alors que l’un des lieux les
plus saints de l’islam, la mosquée al-Aqsâ à Jérusalem, venait d’être ravagé par un incendie criminel. L’OCI institutionnalise
néanmoins un idéal plus ancien de « conférence » ou de « congrès » musulman (mu’tamar), né à la fin du XIXe siècle,
partiellement réalisé dès la chute du califat ottoman à la fin des années 1920 et nourri par le modèle onusien après 1945.

L’ISLAM CONTEMPORAIN discuter de leurs problèmes communs et Congress ou la Ligue islamique mondiale, qui
ENTRE UNIVERSALISME donner corps à l’umma – les premières tenta- se définissent comme non gouvernemen-
ET LOGIQUES ÉTATIQUES tives dans ce sens se concrétisant dans l’entre- tales mais servent la politique religieuse du
L’idée de congrès ou de conférence corres- deux-guerres. Après 1945, les États s’empa- Pakistan ou de l’Arabie saoudite, l’Organisa-
pond à ce que les Européens appelèrent à la rèrent plus nettement du panislamisme pour tion de coopération islamique assume claire-
fin du XIXe siècle le « panislamisme ». Face aux en faire un instrument de coopération et ment son caractère intergouvernemental, et
impérialismes européens et en concurrence d’affirmation de leur souveraineté, non seu- reproduit l’ONU à l’échelle des pays se récla-
avec la politique menée par les sultans-califes lement face aux anciennes puissances colo- mant de la foi et de la civilisation islamiques
ottomans qu’ils jugeaient conservatrice, des niales, mais aussi les uns vis-à-vis des autres. quel que soit par ailleurs leur régime.
musulmans songèrent à se rassembler pour À côté d’organisations tels le World Muslim ...
Centre de recherches sur l’histoire, l’art et la culture islamiques
Forum de la jeunesse de la Conférence islamique pour le dialogue et la coopération LES ORGANES DE L’OCI
Fédération des consultants des pays islamiques
Institut de normalisation et métrologie pour les pays islamiques
Nur Sultan (Astana)
Organisation islamique pour la sécurité alimentaire

Coopération économique et commerciale


Al-Quds (Jérusalem) Centre de recherches statistiques, économiques et sociales et de formation
Organisation islamique pour Forum des autorités de régulation de l’audiovisuel
l’éducation, la science et la culture Istanbul
Ankara Manama
Benghazi Amman Conseil général pour
Islamabad
Comité islamique du Académie islamique les banques et
Coopération scientifique et technologique
Rabat Croissant international mondiale des sciences les institutions
Casablanca financières Karachi
islamiques Chambre islamique de commerce,
Centre islamique pour le développement du commerce Le Caire d’industrie et d’échange
Fédération des entrepreneurs des pays islamiques Dhaka
Riyad Université islamique de technologie
Djedda Fédération sportive des jeux
Organisation pour le développement de la femme de la solidarité islamique
Fédération mondiale des écoles arabo-islamiques internationales
La Mecque
Dakar Khartoum Organisation des capitales
Information et Say et villes islamiques
(Niger) Association
affaires culturelles des autorités
fiscales des pays
islamiques Kuala Lumpur
Université islamique internationale de Malaisie Seri Kembangan
Mbale Groupe de réaction
(Ouganda) aux urgences
Académie islamique de fiqh
Fonds de solidarité islamique et son waqf informatiques
Banque islamique de développement
Agence islamique internationale de presse
Union des radiodiffusions des États islamiques
Association islamique des armateurs
Union internationale des scouts musulmans

Pays membres de l’OCI (voir carte ci-contre)


Source : OCI

Organes de l’OCI et leur siège


4 comités 6 organes 7 organes 15 organes 2 universités
permaments subsidiaires spécialisés affiliés islamiques

56

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 56 18/11/2021 10:43


LA COMPOSITION DE L’OCI FÉDÉRATION DE RUSSIE
2005 Union africaine
Organisation de
« État turc de Chypre (1) » KAZAKHSTAN coopération économique
1995
1979
OCÉAN BOSNIE- KIRGHIZSTAN Ligue arabe
ATLANTIQUE HERZÉGOVINE AZERBAÏDJAN 1992
1994 LIBAN 1992 OUZBÉKISTAN
1969 1996

TURQUIE TURKMÉNISTAN
ALBANIE 1969 1992
TADJIKISTAN
1992 SYRIE(2) 1992
1972 IRAN AFGHANISTAN
Rabat TUNISIE IRAK 1969 1969
1969 Palestine(3) 1975
MAROC 1969
1969 KOWEÏT BAHREÏN PAKISTAN
ALGÉRIE 1972
LIBYE
JORDANIE 1969 1969 BANGLADESH
OCÉAN
1969 ÉGYPTE 1969
1969 1969 1974 PACIFIQUE
ARABIE
GAMBIE SAOUDITE
1974 Djedda OMAN
MAURITANIE MALI 1969 1972 THAÏLANDE Front national de
1969 NIGER 1998 libération Moro
1969
1969 SOUDAN YÉMEN QATAR
SÉNÉGAL TCHAD 1969 1977
1969 BURKINA 1969 1969 1972
FASO DJIBOUTI
GUINÉE 1974 1978
GUINÉE- 1969 NIGERIA(4) ÉMIRATS
CÔTE CENTRAFRIQUE BRUNEI
BISSAU 1986 ARABES UNIS 1984
1974 D'IVOIRE 1996 1972
2001 CAMEROUN SOMALIE MALAISIE
1974 OUGANDA 1969 1969
SIERRA 1974
LEONE TOGO 1997 GABON MALDIVES
1972 BÉNIN 1983 1974 1976

COMORES INDONÉSIE
1976 1969
GUYANA OCÉAN INDIEN
1998

Membre fondateur de l’OCI et date d’adhésion (

Source : OCI
MOZAMBIQUE 1969 siège de l’OCI)
SURINAM
1996 1994
1994 Membre de l’OCI après 1972 et date d’adhésion
2005 Membre observateur de l’OCI
(ainsi que la Ligue des États arabes depuis 1975, l’ONU depuis 1976, le Mouvement
des non-alignés et l’Union africaine depuis 1977 l’Organisation de coopération économique
depuis 1995 et l’Union parlementaire des États membres de l’OCI depuis 2001)
1. État non reconnu par l’ONU
2. Le 16 août 2012, l’OCI suspend la Syrie.
3. La Palestine est membre à part entière de l’OCI depuis l’origine. Elle est traitée comme un État dont le territoire correspond à la Cisjordanie et à la bande de Gaza.
4. En 1991, le Nigeria a renoncé à sa participation à l’OCI, mais celle-ci ne l’a pas formellement reconnu.

des années 1980. Aux membres pléniers


STRUCTURES ET FONCTIONNEMENT DE L’OCI s’ajoutent des membres observateurs ainsi
classés et dénommés par l’Organisation :
Conférence des chefs d’État
Conférence des ministres – États : Bosnie-Herzégovine, République cen-
INSTANCES et de gouvernement
des Affaires étrangères,
DÉCISIONNELLES (sommet islamique), trafricaine, royaume de Thaïlande, Fédération
annuelle
en principe tous les trois ans de Russie, État turc de Chypre (naguère classé
dans les « communautés musulmanes », sous
élit pour 5 ans, le nom de « communauté musulmane turque
Secrétaire général renouvelable une fois
de Chypre du Nord »).
INSTANCES permanent
EXÉCUTIVES
– Communautés musulmanes : Front natio-
Siège : Djedda
(Arabie saoudite) remet un rapport annuel nal de libération Moro (1977).
– Organisations internationales er régio-
Source : OCI
nales (voir la carte ci-dessus).
16 départements spécialisés dont :
• Affaires de • Affaires • Affaires • Sciences • Affaires • Affaires • Affaires • Technologies • Dialogue
...
la Palestine politiques écono- et techno- humani- juridiques culturelles, de l’information et commu-
et d’al-Quds miques logies taires sociales nication UNE NÉBULEUSE INSTITUTIONNELLE
[Jérusalem] et familiales À l’OCI, les décisions sont prises au plus haut
niveau des États, le secrétariat général se
UNE VASTE ORGANISATION chargeant de les exécuter. Le sommet isla-
Verbatim INTERNATIONALE mique et la conférence des ministres des
« Les États membres […] Fondée en 1969, tenant son siège à Djedda Affaires étrangères peuvent en outre créer
doivent être guidés et inspirés en Arabie saoudite, l’OCI commença ses par résolution des comités permanents
par les nobles enseignements activités en 1971 et se dota en 1972 d’une ou des organes subsidiaires et spécialisés.
et valeurs de l’islam et […] charte révisée en 2008. Elle compte actuel- Présidés par des chefs d’États membres, les
s’engagent [premièrement] lement 57 États – dont un État de Palestine comités permettent à l’OCI d’œuvrer à la réa-
à respecter les buts et qu’elle reconnaît sur la base d’un territoire lisation des objectifs qui lui tiennent le plus à
principes de la Charte comprenant Jérusalem, la Cisjordanie cœur. Les organes spécialisés se distinguent
des Nations unies. »
et la bande de Gaza – et a trois langues des subsidiaires par le fait que l’adhésion des
Charte de l’OCI, officielles : l’arabe, l’anglais et le français. États membres de l’OCI y est facultative et
2008. L’adhésion d’un État est un choix politique que leur budget est autonome. L’Organisa-
qui peut provoquer de fortes tensions dans tion patronne enfin des institutions affiliées
sa population, comme au Nigeria à la fin et des universités islamiques.
57

34-57-Atlas_Islam_PART2_NE2021-Maq2-BAT.indd 57 18/11/2021 10:43


Lieux et pratiques
de l’islam
EN CONCLUSION
LES MUSULMANS
SONT TENUS À CINQ
OBLIGATIONS
RITUELLES. Pour les
groupes les plus puritains, toute
autre dévotion innove de
manière blâmable par rapport
à la sunna. La vie religieuse
ne s’y réduit pourtant pas.
De nombreux croyants
de toutes confessions ont
une profonde vénération pour
le Prophète et pour les amis de
Dieu morts ou vivants, dont les
mausolées et les résidences
sont autant de lieux de
pèlerinage et de transmission
de la foi. La proximité avec
Dieu est la quête fondamentale
du soufisme. Celui-ci n’est pas,
comme on le lit parfois,
un cinquième rite de l’islam
aux côtés du hanafisme,
du chafiisme, du hanafisme
et du hanbalisme, mais
un mode de compréhension
des dimensions ésotériques de
la Révélation. En ce sens,
il est l’islam lui-même et, jusqu’à
aujourd’hui, contribue
puissamment à sa diffusion.
Les confréries sont l’un
des modèles de la sociabilité
musulmane contemporaine,
orientée vers la mission
(Tablîghî Jamâ‘at),
la réinscription de l’islam dans
des législations sécularisées
(Frères musulmans),
le service (Fethullah Gülen).
De puissantes organisations
internationales cherchent
par ailleurs à centraliser
la concertation entre
musulmans (chûrâ) à laquelle
invite le Coran.

58

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 58 18/11/2021 10:44


ISLAM, POLITIQUE
ET IDEOLOGIE
Les États qui composent l’Organisation de coopération
islamique entendent incarner le monde musulman au
plan politique et, comme tel, cherchent à peser collecti-
vement sur la scène internationale. Ils ne sont pas seule-
ment liés par la forte proportion d’habitants musulmans
vivant sur leur territoire et leur adhésion à des valeurs
religieuses d’unité et de fraternité dont la dimension
universelle est réaffirmée. Ils ont aussi à défendre une
souveraineté récente et souvent arrachée de haute lutte.
La plupart sont nés, en effet, de la succession d’Empires
disparus au cours du XXe siècle. Ils entrent à l’OCI com-
me à l’ONU, pour défendre leur indépendance et la faire
reconnaître par les autres États membres. La référence
commune à l’islam recouvre les régimes les plus variés.
Des États, telle la Turquie, se définissent comme laïques,
d’autres comme islamiques, avec de substantielles diffé-
rences ainsi que le montrent les exemples de l’Arabie
saoudite, du Pakistan et de l’Iran.

59

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 59 18/11/2021 10:44


ISLAM, POLITIQUE ET IDÉOLOGIE

L’Empire ottoman en 1914


L’Empire moghol ayant disparu avec la consolidation de l’Empire britannique des Indes, l’Empire ottoman
fut le dernier grand empire musulman sunnite. En 1914, devenu monarchie constitutionnelle, il venait de perdre
presque tout ce qui lui restait de la Turquie d’Europe dans les guerres balkaniques, mais demeurait souverain
sur un territoire de plus de vingt millions d’habitants, qui comprenait l’Anatolie et des régions arabophones.

LES DESCENDANTS D’OSMAN,


HÉRITIERS DU CALIFAT L’EMPIRE OTTOMAN ET SES ANCIENS TERRITOIRES EN 1914 A
L’Empire ottoman est l’empire fondé par Vienne
Osman à la fin du XIIIe siècle et dirigé par
Bu
ses descendants jusqu’au XXe. Originaire
FRANCE
d’Anatolie orientale, cette dynastie tur-
que musulmane connut une longévité
Bosnie
remarquable et régna sur un immense
Saraj
territoire, habité par des peuples de Herz.
OCÉAN
langues et de confessions diverses. Au ITALIE MON
AT L A N T I Q U E Corse
XVIe siècle, après avoir conquis les Bal- ESPAGNE
PORT. ALB
kans, soumis Constantinople (1453) et es
léar
établi leur souveraineté sur les villes Ba Sardaigne
saintes de l’islam (1516-1517), les sultans
ottomans devinrent les plus puissants
Alger Sicile
et les plus prestigieux des souverains
Tanger Tunis
musulmans. Oran
Tunisie
Malgré les reculs territoriaux de leur Algérie Malte
Protectorat
empire, des reculs notables mais éta- Conquête française français
à partir de 1830 Mer Mé
lés sur plus de deux siècles, ils étaient 1881-1883
MAROC
en 1914 les seuls dynastes musulmans Tripoli
Ouargla
sunnites indépendants de toute tutelle
coloniale. Leur État avait été profondé- Tripolitaine C
Ghadamès
ment réformé et modernisé, et disposait Conquête italienne
d’une armée forte qui allait être bientôt 1911-1912
Rio de Oro
engagée dans le premier conflit mon- (Esp.)
dial. Aussi pouvaient-ils légitimement
passer pour les héritiers du califat et les Fezzan
plus éminents protecteurs de la religion Ghât
Territoires temporairement occupés
musulmane.
... par les Ottomans au XVI e siècle
Territoires perdus par les Ottomans entre 1699 et 1812
au profit de l’Empire des Habsbourg et de l’Empire russe
Territoires ayant échappé à la souveraineté ottomane
Verbatim entre le début du XIX e siècle et 1913 au profit :
des États balkaniques
« Sa Majesté le Sultan est, Afrique occidentale
des puissances coloniales européennes
à titre de calife suprême, (France, Royaume-Uni et Italie) française
le protecteur de la religion A
musulmane. Il est le souverain de ‘Abd al-‘Azîz Âl Sa‘ûd (Ibn Saoud) en 1911 éq
et le Padichâh de tous Territoires demeurant sous fr
les Ottomans. » souveraineté ottomane en 1914 Lac Tchad
Constitution ottomane Limites du Koweït et des sphères d’influence britannique
(1876), art. 4. et ottomane en Arabie et dans le golfe Persique
(conventions de 1913-1914) Nigeria
(Royaume-Uni)

60

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 60 18/11/2021 10:44


UNE ARME POLITIQUE AU TEMPS actes officiels qu’à la fin du XVIIIe siècle, Le sultan-calife par excellence est
DE LA QUESTION D’ORIENT quand l’avenir de leur empire se fit incer- Abdülhamid II (r. 1876-1909). Après lui,
Tardivement institutionnalisé, le califat tain. Ils le brandirent comme un moyen l’institution califale commença à s’affai-
ottoman s’éloignait de la doctrine ensei- de garder une autorité morale sur des ter- blir. Incapable de réaliser l’union poli-
gnée avec constance par les oulémas ritoires qui leur échappaient – voire sur tique des musulmans, peu à peu contes-
selon laquelle le calife devait être arabe, l’ensemble des musulmans du monde – tée par les sujets arabes de l’Empire dont
issu de la tribu de Quraych et élu. Il était et d’impressionner ainsi les puissances elle était censée renforcer la loyauté, et
héréditaire et détenu par un souverain européennes. Celles-ci s’inquiétèrent en mise en cause par les nationalistes turcs
qui n’était ni descendant du Prophète ni effet de cette tentative d’union de l’islam laïques, elle devait être abolie en 1924.
même arabe. C’est que le titre de calife autour du trône ottoman, ou « panisla- Elle n’en avait pas moins prolongé la fic-
s’était beaucoup dévalorisé depuis la misme ». Le califat et son inscription dans tion d’une umma solidaire et entretenu
chute de l’Empire abbasside en 1258. Les la nouvelle Constitution de 1876 mainte- un esprit de résistance à la domination
sultans les plus aptes à défendre l’islam le naient en outre la référence à l’islam dans coloniale européenne, aussi bien en Asie
portaient parmi d’autres, tirant de lui un un État qui, en fait, sécularisait son droit centrale et en Inde qu’en Égypte et en
surcroît de légitimité. Les Ottomans eux- et ses institutions au travers de grandes Afrique du Nord.
mêmes ne le mirent en valeur dans des réformes (les Tanzîmât).

AUTRICHE- RUSSIE
ienne HONGRIE Mer
d'Aral
Budapest Azov
Odessa

M
e
Belgrade ROUMANIE Crimée r
Bosnie C
Caucas a
Sarajevo Bucarest e
s

Herz. SERBIE Mer Noire Turkestan


p
ie

Sofia Batoumi Tiflis


MONT.
nn

BULGARIE Géorgie Bakou


Constantinople Trébizonde
e

ALBANIE
Erzurum Arménie
Salonique Ankara
Tabriz
GRÈCE Van
Smyrne Anatolie
Téhéran AFGHANISTAN
e Athènes Konya Mossoul
Alep
Dodécanèse
Crète Occupation Syrie PERSE
te Chypre
italienne Beyrouth Bagdad
Occupation
1912
er Méditerranée britannique en 1878 Damas Ispahan
Annexion en 1914 Mésopotamie
oli Palestine
Benghazi Alexandrie Bassora
Jérusalem Chîraz
ne Cyrénaïque o
G

Le Caire Suez Koweït lf


e
Aqaba
nne Protectorat Pe
rs
britannique iqu
Égypte Bahreïn e
1899
Occupation militaire
Hasa Qatar
Hedjaz
britannique depuis 1882 Najd
zan Protectorat en décembre 1914
Riyad
Médine
Assouan Oman
Me
r

Djedda La Mecque
R

Port-Soudan Dhofar
Soudan
ou
g

anglo-égyptien Asir
e

Condominium ut
britannique et égyptien m ao
Afrique Massaoua Sanaa ra
1899 d OCÉAN INDIEN
équatoriale Érythrée Hodeïda Ha
Mukalla
Khartoum Yémen
française Conquête italienne
Occupation britannique
1882-1890 Socotra
Aden d'Aden en 1839

Côte française
Djibouti
des Somalis
ABYSSINIE Somalie brit. 400 km

61

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 61 18/11/2021 10:44


ISLAM, POLITIQUE ET IDÉOLOGIE

De l’Empire ottoman
à la Turquie
La principale héritière de l’État impérial ottoman est la Turquie qui se construisit sur des bases
territoriales, confessionnelles et institutionnelles nouvelles tout en parachevant un processus de réformes
amorcé au XIXe siècle. Sous la conduite de son fondateur et premier président, Mustafa Kemal Atatürk
(1880-1938), elle fit le choix d’une laïcité combative, devenue un principe constitutionnel en 1937.
L’islam continue néanmoins à imprégner massivement la société et reste au cœur des débats politiques.

LA SUCCESSION DE L’EMPIRE OTTOMAN Mer Noire URSS

YOUG. BULGARIE Trabzon Bakou


Istanbul Kars
ITALIE ALBANIE Erzurum Mer
Ankara
Caspienne
TURQUIE Van Tabriz
GRÈCE A N AT O L I E
Izmir Téhéran
Athènes Konya
Mossoul
Alep IRAN
(appelé Perse dans
Dodécanèse SYRIE les relations
Crète
Chypre Bagdad internationales
LIBAN
jusqu’en 1935)
Beyrouth
Mer Méditerranée Damas
IRAK
(1932) Ispahan
PALESTINE
Jérusalem Amman Basra
Alexandrie
TRANSJORDANIE KOWEÏT
G

Le Caire fe
ol

Suez Pe
Aqaba
Zones
rs
iq
neutres ue
LIBYE BAHREÏN
(Union de la Cyrénaïque
et de la Tripolitaine QATAR
en 1934) HEDJAZ
ÉGYPTE
M

(indépendance formelle Riyad ÉTA


e

en 1922) LA
r

Médine
ARABIE SAOUDITE
R

Assouan
o

(1932)
u
g
e

La Mecque

Djedda Tâ’if
Frontières
Port-Soudan de facto

ASIR

SOUDAN
ANGLO-ÉGYPTIEN
TCHAD Massaoua Sanaa PROTECTORAT
D’ADEN
Khartoum ÉRYTHRÉE Hodeïda YÉMEN Mukalla

ABYSSINIE Aden

62

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 62 18/11/2021 10:44


LA FIN D’UN EMPIRE seconds échangés avec les populations universités puis dans toutes les institutions
Sorti vaincu de la Grande Guerre en 1918, turques du royaume de Grèce entre 1923 publiques sous le gouvernement AKP ;
l’Empire ottoman disparut en quelques et 1927. Leur disparition marqua de fait la – réveil de l’antagonisme entre sunnites
années sur tous les plans. fin de la présence chrétienne en Anatolie. et chiites alévis.
Le territoire. Les provinces arabes Les institutions. Dans le même temps, ...
étant perdues, il fut réduit à l’Anatolie. l’abolition de la monarchie (1922) et
Les menaces d’occupation étrangère et du califat (1924) furent le prélude à des
d’éclatement qui pesaient sur cette der- réformes profondes. Un nouvel État UN ISLAM HÉTÉROGÈNE
nière poussèrent les Turcs à reprendre naquit : l’État de la nation turque, républi- Bien qu’ignorés des statistiques offi-
les armes, sous la conduite d’un ancien cain et laïque. L’islam changea de visage. cielles, les alévis (disciples de ‘Alî) repré-
général de l’armée ottomane, Mustafa Il devint la religion quasi unique des sentent de 20 % à 25 % de la popula-
Kemal, plus tard appelé Atatürk (le Père habitants de la Turquie mais cessa d’être tion. Turcs ou Kurdes, ils étaient encore
des Turcs). Leurs objectifs, non pas sauver religion d’État et les confréries furent en majorité, dans les années 1980, des
l’Empire mais préserver l’indépendance interdites. État et religion ne furent pas paysans endogames de l’est anatolien.
et l’unité du territoire anatolien, furent séparés pour autant, le premier exerçant Se référant comme les bektachis au saint
atteints en 1923 (traité de Lausanne). un contrôle étroit sur la seconde. Hadji Bektach (XIIIe s.), ils diffèrent de
Le peuplement. L’Anatolie se vida de ses ... l’islam sunnite par la doctrine (syncré-
habitants arméniens et grecs (20 % de tisme de religions anatoliennes et de
la population en 1914), les premiers vic- chiisme teinté de mysticisme) et par
times durant la guerre d’un génocide, les LAÏCITÉ ET « RETOUR » les pratiques (rite du vin et séances
DE L’ISLAM DANS LA TURQUIE initiatiques associant les femmes, par
CONTEMPORAINE exemple).
À partir des années 1950, la démocratisa- Persécutés par les Ottomans, ils se firent
tion du régime turc redonna à l’islam une jusqu’à aujourd’hui les chantres de la laï-
La Turquie du traité de Sèvres (1920)
grande visibilité dans l’espace politique cité républicaine. Menacés par la radicali-
Territoires reconquis par les Kémalistes et social. La religion s’exprima sous des sation récente de l’islam sunnite, ils sont
La Turquie du traité de Lausanne (1923) formes diverses : poussés à revendiquer une reconnais-
– reconstitution de certaines confréries, sance officielle. La question de l’intégra-
Territoires sous mandat en particulier la Naqchbandiyya, qui tion des alévis non sunnites est devenue
français en 1921 dont... recruta jusque dans les élites politiques essentielle au maintien de l’unité de l’État,
... le Sandjak d’Alexandrette cédé
(Turgut Özal, Premier ministre de 1983 au même titre que celle des Kurdes, sun-
par la France à la Turquie en 1939
à 1989 et président de la République de nites pour la plupart, mais non turcs.
Colonies françaises
1989 à 1993, en était un adepte) ;
Territoires sous mandat
britannique en 1921 – apparition d’un parti politique isla-
Fin du mandat britannique en 1932 mique qui, dès l’origine (années 1970),
avec une présence militaire britannique
Protectorats et colonies britanniques
fut un parti de gouvernement ;
– redéfinition de la culture nationale
Verbatim
État indépendant turque où islam, voire héritage ottoman,
sous contrôle britannique furent intégrés ; « L’avenir des jeunes Turcs
Colonies italiennes – offensive d’une partie de l’opinion pour dépendra beaucoup de leur
Territoire partagé entre le Yémen et affirmer publiquement son identité reli- capacité [à] être à la fois
l’Arabie saoudite au traité de Tâ’if gieuse : elle se cristallisa sur le port du
laïques et démocrates,
en 1934 musulmans et modernes. »
voile féminin, finalement autorisé dans les
ue Nilüfer Göle, 1994.
Dubaï
AR

ÉTATS DE Mascate LES ALÉVIS EN TURQUIE


LA TRÊVE

OMAN

AMASYA
TOKAT
Ankara ERZINCAN
D H O FA R
SIVAS

ELÂZIG
Population provinciale..., MALATYA
en milliers d'habitants
500 DIYARBAKIR
OCÉAN INDIEN 250 ADANA
AT ADIYAMAN
100

alla ... et proportion des alévis


(par province en 1982) HATAY* 150 km
Socotra 300 km Source : X. de Planhol, Les Nations du Prophète, Fayard, Paris, 1994. *Nom turc du sandjak d’Alexandrette

63

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 63 18/11/2021 10:44


ISLAM, POLITIQUE ET IDÉOLOGIE

L’Arabie saoudite
Une fois le pouvoir ottoman vacant, la protection des villes saintes de La Mecque et de Médine
fut successivement exercée par la famille Hachémite et par la famille Saoudite. Celle-ci,
à l’inverse des choix de la Turquie, dota son territoire d’une loi fondamentale tirée des
enseignements du Coran et de la tradition prophétique (sunna). Deux autorités coexistent dans
l’État : l’autorité politique des Âl Sa‘ûd, et l’autorité religieuse des oulémas qui, sans contester
les décisions politiques, veillent à la conformité de la société avec la prédication wahhabite.

L’ALLIANCE DU SABRE bin ‘Abd al-Wahhâb (1703-1792), il invite saire pour unifier la péninsule Arabique
ET DU CORAN le croyant à ne se laisser détourner en et transformer leur pouvoir tribal en une
Les premières tentatives de création rien de la soumission à Dieu. Culte des mission théocratique. Longtemps craint
par la famille de Sa‘ûd (Saoud) d’un État saints, visites aux tombes, exercices mys- des autres musulmans, le wahhabisme
centré sur La Mecque et soutenu par le tiques, usage rituel de la musique, du finit par devenir une composante de la
wahhabisme remontent à la fin du XVIIIe chant et de la danse sont condamnés vulgate orthodoxe sunnite en raison de
et au début du XIXe siècle. Le wahha- comme des innovations étrangères à la son inscription dans le cadre d’un État
bisme est un courant doctrinal rigoriste Révélation. Vers 1745, Ibn ‘Abd al-Wahhâb puissant, et de sa concordance avec
de l’islam, dérivé de l’école juridique trouva en la personne du chef de la tribu des mouvements de réforme religieuse
hanbalite. Ses adeptes se désignent eux- des Sa‘ûd, auquel il donna sa fille en apparus aux XIXe et XXe siècles pour ratio-
mêmes comme les muwahhidûn, « ceux mariage, un puissant allié pour imposer naliser la pratique de l’islam et résister à
qui professent l’unicité divine ». Prêché au sa doctrine par le jihâd. En retour, les l’occidentalisation des mœurs.
XVIIIe siècle dans le Najd par Muhammad Âl Sa‘ûd gagnèrent la légitimité néces- ...
LA POSITION GÉOGRAPHIQUE DE LA MER ROUGE VUE PAR UN UNIVERSITAIRE SAOUDIEN

RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DE RUSSIE


CANADA RFR

37

ÉTATS-UNIS 3 8
5
D'AMÉRIQUE 4 9
1 2 6 TURQUIE
7 CHINE
30 31 14 13 11 28
OCÉAN 12 IRAK IRAN
MAROC 10 16 27
AT L A N T I Q U E ALGÉRIE LIBYE 17 34
ARABIE 18
OCÉAN
26 ÉGYPTE 15
33 SAOUDITE INDE PA C I F I Q U E
25 OMAN
MALI NIGER SOUDAN 32 29
TCHAD 19
20
24 36
21
23 22

35
BRÉSIL
O C É A N PA C I F I Q U E
OCÉAN INDIEN

AUSTRALIE
28. AFGHANISTAN
1. PORTUGAL 10. JORDANIE 19. DJIBOUTI 29. YÉMEN
Moyen-Orient et 2. ESPAGNE 11. SYRIE 20. ÉTHIOPIE 30. TUNISIE
3. FRANCE 12. ISRAËL 21. SOMALIE 31. MALTE
Afrique du Nord
4. ITALIE 13. LIBAN 22. KENYA 32. ÉRYTHRÉE
Principales régions 5. YOUGOSLAVIE 14. CHYPRE 23. OUGANDA 33. MER ROUGE
6. ALBANIE 15. É.A.U. 24. CENTRAFRIQUE 34. GOLFE ARABE
islamiques
7. GRÈCE 16. KOWEÏT 25. MAURITANIE 35. INDONÉSIE
Source : in D. Chevallier, Orient d'encre, 8. ROUMANIE 17. BAHREÏN 26. SAHARA OCCIDENTAL 36. MALAYSIA
Sindbad, Actes Sud, Arles, 2003. 9. BULGARIE 18. QATAR 27. PAKISTAN 37. KAZAKHSTAN

64

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 64 18/11/2021 10:44


UNE PUISSANCE FONDÉE
SUR LES LIEUX SAINTS SYRIE FORMATION DU ROYAUME D’ARABIE SAOUDITE
ET LES RESSOURCES PÉTROLIÈRES
Le projet politico-religieux de la tribu Damas Téhéran
IRAK
de Sa‘ûd aboutit avec la résolution de la Jérusalem
Question d’Orient. Conquis par les armes Amman
Bagdad
au nom de l’islam, l’actuel royaume, fondé IRAN

ÉGYPTE
JORDANIE
officiellement en 1932, se constitua à la
Aqaba
faveur de la décomposition de l’Empire Basra Zones neutres :
ottoman et dans les limites autorisées par 1. Partage de la zone avec
Tabuk KOWEÏT l’Irak entre 1975 et 1981.
les Britanniques, alors très présents, politi- Officiel en 1991.
1 Koweït
quement et militairement, dans la région. 2. Partage de la zone avec

He
Zones 2 le Koweït en 1967
S’étant déjà rendu maître du Najd et du

Go
Haïf neutres

dja
Officiel en 1970.
Ahsâ’ (Hasa) entre 1901 et 1914, le fon-

lfe
z
dateur, ‘Abd al-‘Azîz Âl Sa‘ûd (Ibn Saoud, Buraidah Damman
BAHREÏN
v. 1880-1953), rivalisa, après la Première Médine Najd Hasa Pe
rsique O.
Guerre mondiale, avec d’autres princes Mer Riyad A-Hufuf QATAR

qui prétendaient à la succession otto- Abu Dhabi


Haradh
SOUDAN

mane en Arabie : l’émir du Asir, l’imâm des La Mecque ÉMIRATS


zaydites, qui était en train de consolider Djedda ARABES UNIS
Tâ’if
son pouvoir politico-religieux au Yémen, Territoires cédés par
Port-Soudan
et surtout le chérif Husayn, chef de la les Émirats arabes unis
famille des Hachémites, gardien des lieux en 1974 mais contestés
Asir
Ro

par ces derniers


saints, devenu roi du Hedjaz après avoir Territoires cédés depuis 2006
ug

Abha au Yémen OMAN


fait alliance avec la Grande-Bretagne et
e

Djizan Nadjran en 2000


soulevé des tribus contre les Ottomans ÉRYTHRÉE Dhofar
(1916-1918). Massaoua
La victoire sur Husayn et la conquête de t
Sanaa ou
La Mecque et de Médine (1924-1925) r a ma
d
furent l’étape décisive de la constitution
Hodeïda
YÉMEN Ha OCÉAN
du royaume. Ibn Saoud annexa ensuite INDIEN
Al-Mukalla
ÉTHIOPIE
le Asir, ce qui entraîna une guerre avec le Aden
Yémen (1933-1934). Dès l’origine, le nou- DJIBOUTI 250 km

veau royaume entendit s’appuyer sur le Acquisitions de :


hajj pour affirmer son leadership dans le Territoires Rectifications Limites des sphères
1919 à 1922
monde musulman, avant que les revenus contrôlés par de frontières d'influence britannique
Ibn Sa‘ûd 1924 à 1925 postérieures et ottomane et limites
pétroliers ne lui donnent les moyens de en 1914 du Koweït (accords anglo-
1926 à 1934
sa politique religieuse et que le roi Fahd ottomans de 1904, 1913 et 1914)
(r. 1982-2005) ne relève le titre de « servi-
teur des lieux saints ». Siège de grandes
organisations (OCI, Ligue islamique mon-
diale), l’Arabie saoudite finance large- Verbatim que la Turquie et l’Iran. Il met en avant
le rôle des Arabes dans la délivrance du
ment les partis et les mouvements qui message islamique.
se réclament de l’islam. Ce leadership est « L’Arabie saoudite porte Le concept de « Moyen-Orient » permet
néanmoins contesté. L’avènement d’un le nom d’une famille tribale d’agréger aux Arabes, qui ne représen-
pôle musulman concurrent, chiite et révo- et a pour constitution tent qu’un quart de la population de tout
lutionnaire, en Iran en 1979, l’absence de le Coran. » l’espace symbolisé, les puissances démo-
démocratie et l’alliance avec les États-Unis Dominique Chevallier, graphiques que sont la Turquie et l’Iran.
ont fait se multiplier les appels à la « déli- A zzedine Guellouz Forgée au début du XXe siècle, l’expres-
vrance » des lieux saints. et André Miquel, 1991. sion « Moyen-Orient » désigna d’abord
... l’espace où les empires coloniaux russe et
anglais entraient en concurrence. Par la
suite, cet espace devint essentiel dans la
LA VISION SAOUDIENNE stratégie de sécurité militaire, économi-
DE LA MER ROUGE combine une vision géopolitique et une que et idéologique mise en œuvre par les
La carte reproduite ici fut initialement vision religieuse de l’espace formé par le États-Unis. Il est ici dépouillé de sa défi-
présentée dans une thèse de géographie « Moyen-Orient et l’Afrique du Nord » et nition impériale occidentale et réappro-
soutenue à Paris en 2000 par un membre par les « principales régions islamiques ». prié par un idéal islamique. Il est sacralisé.
de la famille régnante. Son titre, « La posi- La délimitation de ces deux ensembles L’Arabie saoudite n’apparaît plus comme
tion géographique de la mer Rouge », rappelle l’expansion originelle de l’islam la pièce maîtresse du dispositif stratégi-
souligne non seulement le rôle qui peut à partir du berceau de la péninsule Ara- que américain au Moyen-Orient mais
être ambitionné pour l’Arabie saoudite, bique. Le premier ensemble comprend comme l’animatrice d’un rassemblement
mais aussi la position stratégique des presque tous les États de la Ligue arabe d’États au service de la religion islamique
lieux saints situés sur la rive orientale. Elle (sauf la Somalie et les Comores), ainsi et de la paix mondiale.
65

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 65 18/11/2021 10:44


ISLAM, POLITIQUE ET IDÉOLOGIE

La question de Palestine
Le conflit israélo-arabe/palestinien n’est pas d’abord un conflit religieux. Il résulte de l’affrontement
entre deux nationalismes et des réactions de défense des Palestiniens arabes, musulmans
et chrétiens, face à la dépossession de leurs terres, à l’exode de 1948, à l’occupation de la Cisjordanie
et de la bande de Gaza depuis 1967 et à l’absence d’État. La question palestinienne est néanmoins
devenue la cause par excellence qui fédère les musulmans du monde entier. La présence de Jérusalem,
centrale dans l’identité juive et troisième ville sainte de l’islam, exacerbe les passions.

LA NAISSANCE D’ISRAËL ET LES TERRITOIRES OCCUPÉS PAR ISRAËL DEPUIS 1967


La naissance Territoires occupés en 1967 : Les territoires LIBAN

SYRIE
d’Israël Territoires annexés* occupés par Israël
(Jérusalem-Est : 1967, 1980 ; Golan : 1981) i
depuis 1967 an

Li t
Territoire démilitarisé (1974)
LIBAN Qunaytra
Territoire évacué par étapes (1974-1982)
SYRIE Territoires palestiniens autonomes - Golan
Zone A (Oslo I et II, 1993-1995)
Haïfa Haïfa
Nazareth Sous contrôle mixte - Zone B (pouvoir Nazareth
Mer rm ouk civil aux palestiniens et militaire aux israéliens) Mer rm ouk
Ya Ya
Méditerranée Sous contrôle israélien - Zone C Méditerranée
Clôture de Cisjordanie
J ourdain

J ourdain
(déjà construit ou en construction)
Tel-Aviv
Tel-Aviv Amman Israël au Liban : Amman
Zone de sécurité (1978-2000) Ligne d’armistice
de 1949 Jéricho
Jérusalem Jérusalem
Opération «Paix en Galilée» (1982) (ligne verte)
Mer *non reconnu par la communauté internationale. Mer
Gaza Gaza
Morte Morte

Limites de la Palestine sous mandat Beersheba


Beersheba
britannique (1920-1948) Retrait unilatéral
des Israéliens de la bande
Plan de partage voté par l’Assemblée de Gaza en août-sept. 2005
générale des Nations unies (29 nov. 1947) : et sous le contrôle du Hamas
Territoire attribué à l’État juif depuis juin 2007

Territoire attribué à l’État arabe Neguev JORDANIE


JORDANIE Zone internationale Sinaï
La première guerre israélo-arabe et ses
conséquences (1948-1949) :
ÉGYPTE ÉGYPTE
Conquêtes israéliennes
Cisjordanie (dont vieille ville de Jérusalem)
annexée par la Jordanie en 1950
Eilat Bande de Gaza administrée par l’Égypte Eilat
Aqaba 30 km Aqaba 30 km

UNE CAUSE ISLAMIQUE sous mandat de la Grande-Bretagne. Son de la ville sainte et en défendit le carac-
ANCIENNE indépendance était alors subordonnée à tère arabe et islamique. Des musulmans
La mobilisation des musulmans pour la réalisation d’un foyer national juif que indiens, hostiles à la domination coloniale
la Palestine remonte aux années 1920, refusait la majorité arabe. Destiné à aler- britannique et soucieux de faire corps face
lorsque, l’Empire ottoman ayant perdu ter les musulmans sur la question palesti- aux hindous, étaient notamment très sen-
toute souveraineté sur ses provinces ara- nienne, le congrès général islamique tenu sibles à cette thématique.
bes, un territoire de Palestine fut institué à Jérusalem en 1931 affirma la centralité ...
66

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 66 18/11/2021 10:44


DES PASSIONS SANS CESSE
RALLUMÉES LES TRANSFORMATIONS Ligne verte (ligne d’armistice
de 1949 et frontière
La mobilisation s’amplifia après la guerre DE JÉRUSALEM DEPUIS 1949 internationale d’Israël)
des Six jours en 1967. L’annexion immé- Limites de Jérusalem
diate de Jérusalem-Est au territoire divisée 1949-1967
israélien, puis l’incendie allumé dans la CISJORDANIE (ouest israélien / est jordanien)
Ramallah
mosquée al-Aqsâ en août 1969 renfor- Limites municipales fixées par
cèrent le sentiment de bien des musul- Israël depuis la conquête de
la Cisjordanie et l’annexion
mans que leur religion était directement Givat
de Jérusalem-Est en 1967
Ze’ev
menacée par le conflit. C’est alors que
Atarot Ar-Ram Adam
l’OCI vit le jour. Pour cette organisation,
la cause des Palestiniens est centrale. Biddou Neve
Ya’acov Mizpe
Ayant fait du soutien à leur lutte pour
Jérusalem- Almon Kefar Yeriho
disposer d’un État un de ses objectifs, Ramot Adumim
Est
elle a créé un Département des affaires
de Palestine et d’Al-Quds, et l’article 21 French Mishor
Hill Adumim
de sa charte affirme que son siège actuel Vieille
ville Maale
est provisoire : il « est fixé à Djedda en Abu Adounim
attendant la libération d’Al-Quds al- Jérusalem- Silwan Dis
ISRAËL
Charif qui deviendra le siège permanent Ouest
Talpiot
de l’Organisation ». Ce discours mobili- Beit Sur
Safafa Bahir
sateur n’empêche évidemment pas les Walaja Gilo
États membres de l’OCI de faire preuve Har Homa 3 km
de pragmatisme politique. Husan
Dans les années 1980 et 1990, divers évé- Betar Bethléem Colonies israéliennes
Illit
nements – révolution islamique en Iran,
Quartiers, villes et
développement de la colonisation juive villages palestiniens
Za’tara
à Jérusalem et en Cisjordanie, révolte Efrat
Mur de sécurité israélien
Kefar
des Palestiniens des territoires occupés Ezyon Tekoa’
à partir de 1987 (Intifâda), puis échec du Checkpoints
Nokdim
Migdal Oz
processus de paix lancé en 1991 – rallu-
Sources : OCHA, B’Tselem
mèrent les passions. Depuis, l’affaiblis-
sement des idéologies nationalistes, la
montée en puissance du Mouvement de Le conflit israélo-palestinien politise la partie orientale, comprenant la vieille ville
la résistance islamique (Hamas) dans les moindre action autour des lieux saints. La et les lieux saints, fut conquise et annexée
territoires palestiniens et la résurgence provocation de part et d’autre y est aisée. par Israël en 1967. Les limites municipales
de l’idéologie du jihâd renforcent la Jérusalem n’a pas seulement une dimen- de la Jérusalem réunifiée furent alors
symbolique religieuse présente dans le sion symbolique. Elle est au cœur des agrandies. En 1980, une loi fondamen-
conflit israélo-palestinien. stratégies territoriales d’Israël. Sous sou- tale, votée par la Knesset, proclama la ville
... veraineté jordanienne de 1950 à 1967, la « capitale éternelle et indivisible » d’Israël.
Ceci justifia une politique d’implantations
juives visant à créer une continuité entre
LES ENJEUX DE JÉRUSALEM LA VIEILLE VILLE DE JÉRUSALEM Jérusalem- Ouest et Jérusalem-Est, à isoler
Pour les musulmans, Jérusalem, la Sainte la ville des territoires palestiniens environ-
(al-Quds) en arabe, est la première qibla Zone expropriée Zone de nants et à cantonner ses habitants arabes
et abrite la « Mosquée très éloignée » (al- pour reconstituer fouilles dans une proportion inférieure à 30 % de
et étendre le quartier israéliennes
Masjid al-Aqsâ) où, selon le Coran, le Pro- sa population totale. Pour les Palestiniens,
juif en 1968
phète fut miraculeusement transporté Tunnel Jérusalem-Est a vocation à devenir la capi-
en une nuit. La reconquête musulmane Place des Lamentations tale de leur futur État.
contre les croisés au XIIe siècle accrut (quartier des Maghrébins
détruit en 1967)
leur vénération pour la ville. Le sanc-
tuaire musulman, bâti à l’emplacement Maisons arabes
expropriées
de l’ancien Temple juif, date de l’époque
umayyade. Il comprend le Dôme du
QUARTIER
MUSULMAN Verbatim
Rocher et la mosquée al-Aqsâ. En contre- QUARTIER « Cinquième but de l’OCI :
Dôme
bas, subsiste le mur occidental du Temple, CHRÉTIEN du Rocher Coordonner l’action pour
où prient les juifs. Après 1967, il fut sym- St-Sépulcre sauvegarder les lieux saints,
boliquement dégagé des habitations qui Mur des Mosquée soutenir la lutte du peuple
Lamentations al-Aqsâ palestinien et l’aider
l’entouraient et des fouilles furent entre-
prises à proximité. Ceci accentua l’image, QUARTIER à recouvrer ses droits
véhiculée par la cartographie depuis le
JUIF et à libérer ses territoires. »
QUARTIER Article 2 de la Charte
XIXe siècle, d’une ville fracturée selon des ARMÉNIEN Quartiers
lignes communautaires en quatre quar- 200 m
palestiniens
de l’OCI, 1972.
tiers (musulman, chrétien, arménien, juif ). Source : www.monde-diplomatique.fr

67

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 67 18/11/2021 14:34


ISLAM, POLITIQUE ET IDÉOLOGIE une fiction et revendique tout le Cache-
mire. Le Pakistan considère que le Cache-
mire, musulman à 77 % et traversé par la
Haute-Vallée de l’Indus, est le prolonge-
ment naturel de son territoire. Sa stratégie
consiste à en appeler au droit des habitants

Islam et nation
du Jammu-et-Cachemire à l’autodétermi-
nation sous l’égide de l’ONU. Le conflit a une
forte dimension identitaire. Au Cachemire,

au Pakistan
le Pakistan s’affirme face à l’Inde comme
défenseur des musulmans qu’il mobilise
internationalement via l’OCI. L’Inde l’accuse
de soutenir les groupes islamistes armés qui
transformèrent la vallée de Srinagar en ter-
ritoire de jihâd à partir des années 1990. Elle
Deuxième État après l’Indonésie par sa population musulmane entend y défendre les éléments hindous
(environ 200 millions d’individus en 2017), le Pakistan naquit de la partition de la culture cachemirie et la sécurité de
de l’Inde britannique. Son nom signifie « le pays des purs » (Pak). l’Union. Dans les années 2010, séparatisme
Il est aussi composé de lettres correspondant aux provinces des musulmans du Jammu-et-Cachemire
du nord-ouest de l’Inde où, en plus du Bengale, les musulmans étaient et répression par l’armée indienne s’alimen-
majoritaires en 1947 : P pour Pendjab, A pour Afghans de la frontière tèrent. En 2019, après la reconduction du
(Pathans), K pour Kashmir (Cachemire), S pour Sind,TAN pour Baloutchistan. gouvernement nationaliste hindou Modi,
L’identité du Pakistan n’était pas d’abord territoriale mais confessionnelle : le Jammu-et-Cachemire perdit son statut
il fut conçu comme l’État des musulmans du sous-continent indien. d’autonomie au sein de l’Union indienne.
...
LE PAKISTAN, ÉTAT DES
LA PARTITION DE L’INDE COMPOSITION CONFESSIONNELLE MUSULMANS OU ÉTAT ISLAMIQUE ?
La décolonisation entraîna la partition DU PAKISTAN Le rôle joué par l’islam dans la naissance du
de l’Inde, le 14 août 1947. À l’exception Pakistan et le poids des partis religieux ren-
En % de la population totale
du Cachemire, les provinces en majorité daient improbable l’instauration d’un État
musulmanes (23 % de la superficie et laïque, pourtant souhaitée par Muham-
18 % de la population du Raj) formèrent Sunnites mad Ali Jinnah (1876-1948), son fondateur.
le Pakistan, 2 000 km séparant le Bengale 75 à 85 Source de l’autorité de l’État et de la légiti-
du reste du pays. Pour les créateurs du mité politique, l’islam inspire aussi le droit
Pakistan, les musulmans appartenaient depuis les années 1970. La politique d’isla-
à une autre civilisation que les hindous misation se traduisit par la marginalisation
et formaient une nation distincte dont la des ahmadiyya, déclarés non musulmans,
survie en Inde n’était plus assurée parce le développement des madrasas avec le
12 à 22
qu’ils y étaient minoritaires (24 % de la soutien des pouvoirs publics, la mise en
population avant 1947) et sans espoir 3 place de tribunaux religieux chargés de
de retrouver la prééminence politique Chiites veiller à la conformité des lois avec l’islam,
duodécimains Ahmadis et non-musulmans
qu’ils avaient connue avant l’arrivée des (chrétiens, hindous)
et l’application de la charî‘a à certains
et ismaéliens
Britanniques. Avec la partition, des dépla- domaines symboliques du droit crimi-
cements de millions d’individus eurent nel, d’une façon discriminatoire pour les
lieu entre l’Inde et le Pakistan, faisant LA QUESTION DU CACHEMIRE femmes et les non-musulmans. Cette poli-
d’innombrables victimes, surtout au Pen- Depuis la partition, l’ancien État princier du tique eut aussi pour effet d’identifier l’État
djab, disséqué par la nouvelle frontière. Cachemire est au cœur de l’antagonisme aux sunnites, au détriment des chiites, et
Au Pakistan, les déplacés et leurs des- entre l’Inde et le Pakistan, qui s’y combat- nourrit la violence sectaire. Le droit anglo-
cendants furent appelés mohajir, terme tirent ouvertement en 1948 et 1965 et indien reste néanmoins la source d’une
évoquant la fuite du Prophète à Médine furent au bord de la guerre en 1999, alors grande partie du système juridique.
et la fondation d’une nouvelle commu- qu’ils venaient de se doter chacun de l’arme
nauté musulmane. L’islam était le princi- nucléaire. Le conflit est d’autant plus sen-
pal élément fédérateur de populations
très diverses. Il n’excluait pas des senti-
sible que les deux belligérants possèdent
aujourd’hui l’arme nucléaire. Depuis le ces-
Verbatim
ments ethniques et linguistiques propres, sez-le-feu de 1949, le Cachemire est divisé « Dûment cultivé,
surtout au Pakistan oriental qui finit par de fait entre l’Azad Cachemire (Cachemire le sentiment de la différence
faire sécession et proclamer son indé- libre) et les Territoires du Nord (contrôlés [...], fondement de la partition,
pendance sous le nom de Bangladesh, par le Pakistan), et le Jammu-et-Cachemire, met en jeu des identités définies
en mars 1971. Une guerre sanglante s’en- État de l’Union indienne (1957). Dans les comme [...] quasi immanentes,
suivit avec l’armée pakistanaise jusqu’à ce années 1960, la Chine entra dans le conflit
mais en fait politiquement
construites [...]. »
que celle-ci fût contrainte à la retraite par en occupant l’Aksai Chin et en obtenant du
l’intervention de l’Inde. Pakistan des aménagements de frontière à Jean-Luc Racine,
... son profit. L’Inde voit en l’Azad Cachemire
2000.

68

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 68 18/11/2021 10:44


PAKISTAN, BANGLADESH ET CACHEMIRE
Empire britannique des Indes (Raj) en 1946
États princiers Xinjiang
Provinces sous administration britannique directe CHINE
AFGH.
Glacier du Siachan
Autres colonies et protectorats britanniques Zone d'actions militaires
régulières entre l'Inde et
Pourcentage de la population musulmane en 1931 le Pakistan depuis 1984
Gilgit TERRITOIRES
54,8
DU NORD
Le Pakistan en 1949 AKSAI
AZAD Skardu CHIN
Frontières entre l'Inde et le Pakistan (1947)
CACHEMIRE
Tielongtan
Ligne de cessez-le-feu des Nations unies au
Cachemire (1er janvier 1949) Muzaffarabad Kargil
Leh
Capitales succesives du Pakistan : Islamabad Srinagar
Ladakh
• de 1947 à 1961 Karachi Tibet
Rawalpindi JAMMU-ET-CACHEMIRE
• de 1961 à 1967 Rawalpindi Province
• depuis 1967 Islamabad de la frontière
(ville nouvelle) Jammu
du nord-ouest Gujrat INDE
Dates d'indépendance
1948 PAKISTAN 100 km
des autres colonies Cachemire Dharmshala
britanniques 91,8
Islamabad Limite de l'État princier Cachemire indien
Ind
Peshawar u du Cachemire en 1947 revendiqué par le
AFGHANISTAN Srinagar Ligne de cessez-le-feu Pakistan
s

Rawalpindi Cachemire pakistanais


des Nations unies au
Cachemire en 1949 revendiqué par l'Inde
Pendjab 56,5 (ligne de contrôle depuis Cachemire chinois
Lahore 1972, frontière de facto) revendiqué par l'Inde
PAKISTAN Delhi CHINE (TIBET)
OCCIDENTAL Brahmapoutre
IRAN
87,4 Delhi 32,5 SIKKIM
Bikaner (Protectorat indien après 1947)
Baloutchistan Sind NÉPAL
Rajasthan
Gwadar an BHOUTAN
G

(cédé par Oman Ajmer ge Lucknow Assam


au Pakistan Karachi 72,8 Mewar
en 1959) 7,4
Provinces unies
Bénarès 54,8
UNION INDIENNE Bengale

3,1 Chandernagor (Fr.) Dacca


Baroda 11,3 BIRMANIE
Provinces Calcutta
1948
Diu (Port.) centrales
Daman (Port.)
PAKISTAN
ORIENTAL
Bombay 8,8 13 Bihar et orissa (En 1971, sécession du Pakistan oriental
qui devient un État indépendant
Hyderabad sous le nom de Bangladesh)
Bombay
Mer d'Oman
Hyderabad
Yanaon (Fr.)

Goa (Port.) Golfe du


Madras Bengale

Mysore
Madras
Îles Adaman et N

Mysore
Mahé (Fr.) Pondichéry (Fr.)
Îles Laquedives
Karikal (Fr.)

Travancore
icob
a

CEYLAN
r

1948
OCÉAN Colombo

INDIEN MALDIVES
1965

250 km
Source : Histoire de l'Inde moderne 1480-1950, sous la direction de C. Markovits, Fayard, Paris, 1994.

69

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 69 18/11/2021 10:44


ISLAM, POLITIQUE ET IDÉOLOGIE

La République islamique d’Iran


En 1906 et 1909, des révolutions instaurèrent en Iran une monarchie constitutionnelle. En 1921, un coup d’État
aboutit à la mise en place d’un régime autoritaire progressiste dont le caractère monarchique fut néanmoins
préservé, beaucoup de théologiens voyant dans la république une atteinte à l’islam. Aux frontières de l’Iran,
les jeunes républiques soviétiques et turque servaient de repoussoirs. Pour le régime issu de la révolution de 1979,
c’est au contraire la dénomination de « République islamique » qui fut retenue et approuvée par référendum populaire.
Ce régime concilie une logique religieuse ancrée dans l’islam chiite et une logique politique demeurée prééminente.

SOUVERAINETÉ DE DIEU, LE SYSTÈME POLITIQUE EN IRAN


SOUVERAINETÉ DU PEUPLE
Selon la Constitution de 1979, le régime GUIDE
(Rahbar)
iranien tire sa légitimité du peuple – régu-
lièrement consulté lors d’élections – tout Nomme et Investit Nomme Nomme
en reposant sur la souveraineté de Dieu convoque et peut pour 6 ans
destituer
et l’imâmat. Chef d’État élu à vie et clé de
Conseil de Conseil des Gardiens
voûte du système, le Guide doit idéalement (Chûrâ-ye Nebahgân)
discernement
combiner compétences en matière de droit 12 membres
de l’intérêt Chef de
musulman, science religieuse, piété, « clair- du régime 6 juristes- 6 juristes Propose l’autorité
voyance politique et sociale », aptitude au théologiens musulmans judiciaire
(fuqahâ’) non théologiens
commandement et popularité. Le modèle
Veille à la conformité
en était l’ayatollâh Khomeini, premier à des lois et des candidats
avoir exercé la fonction de 1979 à sa mort avec l’islam et la Constitution
Élit pour 6 ans sur proposition
en 1989. Très haut dignitaire du chiisme Élit à vie du chef de l’autorité judiciaire
iranien, opposant intransigeant à Moham-
Assemblée
mad Rezâ Châh, embelli par l’exil politique Assemblée Président de consultative islamique
de 1964 à 1979 et père de la révolution, il des Experts la République (Majles-e chûrâ-ye eslâmî)
(Majles-e Khobragân)
était reconnu comme imâm, à la différence = Parlement
de son successeur, Ali Khamenei. En l’ab-
Élection Élection pour un mandat Élection
sence d’un faqîh de sa trempe, la Constitu- pour 8 ans de 4 ans renouvelable une fois pour 4 ans
tion fut révisée en 1989 de façon à ce que SUFFRAGE UNIVERSEL
le Guide pût être élu au sein de l’Assemblée
Élections Instances élues au suffrage universel direct
des experts. La fonction s’en trouve désa-
cralisée mais continue à conférer à son Attributions du Guide Instances élues au suffrage universel indirect
détenteur d’immenses pouvoirs. Elle insti- Attributions du Conseil Instance chargée d’arbitrer entre le Conseil des Gardiens et l’Assemblée
tutionnalise le « gouvernement du juriste- des Gardiens consultative au cas où une loi serait jugée contraire à l’islam par le premier
mais dans l’intérêt de l’État par la seconde.
théologien » (velâyat-e faqîh) conceptualisé D’après une traduction française de la Constitution iranienne de 1979 révisée en 1989 :
par Khomeini lui-même. Ceci justifia la prise www.jurispolis.com (consulté le 02/10/13).
du pouvoir par les clercs après la révolution,
une situation qui n’a cessé de faire débat en le lieu est très fréquenté. Les familles qui y
Iran, y compris dans les milieux religieux.
...
pique-niquent et les enfants qui courent
autour de la grille entourant le tombeau ne
Verbatim
sont pas en pèlerinage comme à l’imâmzâde
« En décidant de s’appeler
Châh ‘Abd al-‘Azîm, le grand sanctuaire de « islamique », ce qui veut dire
UN MONUMENT NATIONAL Rayy, non loin de là. Ils viennent pour rendre aussi populaire, cette république
De l’autoroute qui relie Téhéran à Qom, la hommage au guide d’une révolution que les […] interdisait aux peuples
coupole dorée et les quatre minarets du combattants de la guerre contre l’Irak (1980- non musulmans d’exercer sur
mausolée de l’imâm Khomeini dessinent la 1988) – élevés au rang de « martyrs » par le elle la moindre ingérence. »
silhouette familière d’un sanctuaire. De près régime et enterrés en nombre dans une sec- Yann Richard, 2009.
se dévoile la réalité d’un immense édifice tion spéciale du grand cimetière voisin de
d’acier et de béton destiné aux cérémonies Behesht-e Zahra – payèrent de leur sang.
officielles de l’État iranien. Facile d’accès, ...
70

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 70 18/11/2021 10:44


CHRÉTIENS, JUIFS ET ZOROASTRIENS LES TROIS MINORITÉS RELIGIEUSES RECONNUES EN IRAN
Chrétiens, juifs et zoroastriens (environ
213 000 en 1986, quelque 250 000 en 2020
– moins de 1 % de la population) sont les Zoroastriens Juifs
Tabriz
trois minorités officiellement reconnues en
Iran. La Constitution prévoit leur représen- Ourmia Chrétiens
tation au Parlement à raison d’un député
Racht
pour les juifs, un pour les zoroastriens, deux Sârî
pour les arméniens et un pour les chal-
déens. Les sunnites (15 % de la population) Machhad
et les bahâ’is (minorité religieuse certes Hamadân TÉHÉRAN
la plus nombreuse d’Iran mais perçue Kermânchâh
Qom
comme apostat) n’ont aucun statut. Les Arâk

chrétiens arméniens, majoritaires, sont les


plus intégrés, et leur cathédrale d’Ispahan
(XVIIe siècle) est un lieu historique du pays. Ispahan
Les chrétiens chaldéens, soutenus par un Yazd
Ahvâz
haut clergé venu d’Irak, se sentent davan- Nombre
tage marginalisés. Protestants et anglicans, de fidèles
peu nombreux, ont une liturgie en persan. par chahrestân* Kermân
(département) Zâhedân
Restée plus florissante que dans le monde Bûchahr Chiraz
108 280
arabe après 1948, la communauté juive
(62 000 personnes en 1976, 25 000 en 1986,
moins de 10 000 en 2020) a beaucoup 50 000
Bandar ‘Abbâs
décliné sous le régime islamique qui la
soupçonne de collusion avec Israël. Héri- 2 500
tiers de l’antique religion du mazdéisme 3
réformée par Zoroastre, les zoroastriens *Recensement de 1986
vénèrent un Dieu unique symbolisé par le Source : B. Hourcade, H. Mazurek, M. Taleghani, M.-H. Papoli-Yazdi,
Atlas d’Iran, Reclus/La Documentation française, Paris, 1998 (www.irancarto.cnrs.fr). 150 km
feu. Leur centre est Yazd.

Téhéran
LE MAUSOLÉE DE L’AYATOLLÂH KHOMEINI TÉHÉRAN
Université Téhéran
islamique Azad ALBORZ
hra

Tajrish
Za

Karaj
M
-e
sht
he

Téhéran
Be

Parking Al
lam
eh
As
om

Université ga Mausolée de
te
-Q

ri l’ayatollâh Rayy
ou

Chahed
ran

Eslamshahr
tor

Khomeini

Au

Mausolée de

l’ayatollâh Khomeini M Chahed (Martyr) Shahr-e


M
Kahrizak
Parand M
ute

M
s)
o

tyr
tor

Haram-e Motahhar TÉHÉRAN


ar
Au

Aéroport
sM

(Sanctuaire)
international Shamsabad
de

Imâm Khomeini
â(

Aéroport international
ad

Imâm Khomeini,
oh

Section
Ch

Qom
des Martyrs
rd

All
va

am
ule

e
Bo

hA
sg

D A S H T- E K AV I R
ari

B E H E S H T- E Z A H R A Rayy, (Grand désert salé)


Cimetière Téhéran
Complexe
d’entraînement Hoz-e-Soltan
Bou

Source : Google maps

de l’armée
lev

iranienne
ard
Ha

ai
Raj
zra

QOM
t Za

ute
hra

ro
A uto 10 km

400 m Qom Ligne 1


Ispahan,
Kahrizak M Shamsabad, Qom Source : Google maps Golfe Persique du métro

71

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 71 18/11/2021 10:44


ISLAM, POLITIQUE ET IDÉOLOGIE

Les républiques
d’Asie centrale et l’islam
Entre Mongolie et mer Caspienne, l’Asie centrale fut longtemps connue comme « le pays des Turcs »
(Turkestan), tout en étant profondément marquée par la culture iranienne. La religion dominante
est le sunnisme hanafite, très fortement imprégné de soufisme. Avec Boukhara et Samarcande, la région
compte de hauts lieux de la civilisation islamique. La domination coloniale russe puis soviétique a forgé
son visage actuel et donné naissance à cinq républiques :Turkménistan, Ouzbékistan,Tadjikistan, Kazakhstan
et Kirghizstan. Leur indépendance en 1991 les a à nouveau ouvertes sur le monde musulman.

DU TURKESTAN RUSSE bliques autonomes avaient été créées à miste des musulmans de Russie, et tentés
AU DÉCOUPAGE NATIONAL l’intérieur de la RSFS de Russie. Devenues par une expérience originale de « commu-
DE L’ASIE CENTRALE des républiques populaires, les anciennes nisme national » (idéologie selon laquelle
Conquise par les Russes entre le XVIIe et principautés protégées de Khiva et de l’émancipation des peuples colonisés est
le XIXe siècle, l’Asie centrale fut progressi- Boukhara étaient quant à elles dirigées par une étape de la révolution prolétarienne).
vement intégrée à l’URSS après la révolu- des gouvernements indigènes, inspirés par L’année 1924 et la période stalinienne
tion de 1917. À la fin de 1920, deux répu- le mouvement djadid, mouvement réfor- marquèrent une rupture. L’Asie centrale

L’ASIE CENTRALE RUSSE Iekaterinbourg


Oufa Irt
Ta t a r s y
ch

Samara
l ga Bachkirs Krasnoïarsk
Vo Petropavlovsk Transsibérien
Troïtsk Omsk
Tsaritsyne Novonikolaïevsk
ral

Orenbourg
Ou

Moyenne Horde Ob Khakasses


Orsk
Kazakhe TANNOU-
TOUVA
Kalmouks Petite Horde
Transaralien
To u v a s
Astrakhan kazakhe Altaïens
Semipalatinsk
GOUVERNEMENT GÉNÉRAL
Oust-Kamenogorsk
M e r

DES STEPPES
(190
Ava

6)

Lac Balkhach
C a s p i e n n e

Mer
rs

r- Mongolie
Sy

Ka d’Aral Da Tchougoutchak
ria
Azéris PROVINCE ra Grande Horde
kalpaks
Bakou TRANSCASPIENNE
KHIVA kazakhe
Am

Krasnovodsk GOUVERNEMENT GÉNÉRAL


Khiva
Kouldja Empire russe à la mort
ou

DU TURKESTAN Viernyï de Pierre le Grand (1725)


Tu

1873
-D
rk

m Lac Issyk-Koul Principales positions


ar
(1

z
88

èn hi
ia

Tachkent 1865
1)

Transcaspien es FERGANA g fortifiées


Boukhara
1866-68
(188
9) Kir
Andijan Conquêtes russes
Achkhabad Kokand
(1884) Samarcande
PERSE Kachgar
Mary BOUKHARA Ta d j i k s 1725-1864 1865-1873 1877-1914
Ta r i m
Khanats pré-coloniaux : Chemin de fer (date
PAMIR
Khiva CHINE
d’ouverture des tronçons)
Avars
Limites de gouvernement
Boukhara AFGHANISTAN général
Empire
Kokand des Indes
Limites de protectorat
200 km

72

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 72 18/11/2021 10:44


fut réorganisée sur des bases ethniques,
ce que symbolise l’abandon officiel du L’ASIE CENTRALE APRÈS LA RÉVOLUTION BOLCHEVIQUE EN 1920
nom Turkestan. C’en était fini de l’idéal
panturc et panislamique qui avait marqué
Maris
le djadidisme. Le modèle de l’État-nation Tchouvaches Votyaks RÉPUBLIQUE SOCIALISTE FÉDÉRATIVE
s’imposait. Les nouvelles frontières, com- R.S.S.A. DES
SOVIÉTIQUE DE RUSSIE
TATARS
plexes, cherchaient à distinguer entre des
populations jusque-là très imbriquées, R.S.S.A. DES ALLEMANDS R.S.S.A. DES
DE LA VOLGA BACHKIRS
entre nomades (Kirghiz, Kazakhs, Turk-
Orenbourg
mènes) et sédentaires (Ouzbeks, Tadjiks),
entre turcophones (Ouzbeks) et persano-
Kalmouks
phones (Tadjiks). Il fut impossible de rendre
R.S.S.A. DES KIRGHIZ
le peuplement homogène. Une grande
(Kazakhs)
diversité caractérise encore aujourd’hui les
habitants de chaque État, sans parler des
descendants des colons russes qui consti- AZERBAÏDJAN
tuent jusqu’à 45 % de la population au
Kazakhstan. La création des RSS s’accom- Bakou KHAREZM
pagna de la répression des Basmatchis, Khiva R.S.S.A. DU TURKESTAN
résistants musulmans antisoviétiques, et
R.S.S.A. DU Tachkent
d’un « assaut » culturel (hujûm) contre l’is- Boukhara
TURKESTAN
lam : institutions religieuses, voile féminin,
alphabet arabe. Des langues nationales, BOUKHARA
notées en caractères latins puis cyrilliques, 250 km
furent élaborées à partir des dialectes.
... R.S.F.S. de Russie dont : républiques autonomes régions autonomes
République populaire République populaire
R.S.S. d’Azerbaïdjan
Verbatim de Kharezm de Boukhara

« En septembre 1993,
Bahâ’ al-dîn Naqchband
a été l’objet d’une DÉCOUPAGE NATIONAL ET SOVIÉTISATION DE L’ASIE CENTRALE (1924-1936)
réhabilitation officielle
du gouvernement [ouzbek]
et l’accès à son tombeau R.S.S.A. DES MARIS
ouvert aux pèlerins. »
R.S.S.A. DE R.S.S.A. RÉPUBLIQUE SOCIALISTE FÉDÉRATIVE
Thierry Zarcone, 1996. MORDOVIE D’OUDMOURTIE
SOVIÉTIQUE DE RUSSIE
RSSA DU
R.S.S.A. DE
TATARSTAN
TCHOUVACHIE
R.S.S.A. DES ALLEMANDS R.S.S.A. DE
DE LA VOLGA BACHKIRIE
SURVIVANCE
ET RENOUVEAU DE L’ISLAM Khakassie
Malgré la révolution culturelle de l’ère
R.S.S.A. DE
stalinienne, l’islam se maintint. À partir KALMOUKIE
de 1943, les autorités promurent des ins- Haut-Altaï
DAGHESTAN
R.S.S. D’ AZERB. R.S.S.A. DU

titutions et un clergé officiels propres à R.S.S. DU KAZAKHSTAN


donner une bonne image de l’URSS et à
servir son action diplomatique dans les R.S.S.A. DE
pays musulmans. Plus encore, des tradi- KARAKALPAKIE
Bakou
tions survécurent clandestinement dans
les familles, les communautés paysannes R.S.S. DU Frounze Alma-Ata
et par le biais confrérique. Une fois indé- TURKMÉNISTAN R.S.S. Tachkent
R.S.S. DU
D’OUZBÉKISTAN
pendantes, les républiques d’Asie centrale Achkhabad
KIRGHIZSTAN
épousèrent les grands courants de l’islam Stalinabad R.S.S. DU
contemporain : renouveau de la pratique TADJIKISTAN R.S.F.S. de Russie dont :
Haut-Badakhchan
et des symboles identitaires (construction républiques autonomes
de mosquées, tournées de prédication, 250 km
régions autonomes
revoilement) ; essor d’une mouvance isla- Création des républiques socialistes soviétiques :
miste radicale, fer de lance de l’opposition en 1924 en 1929 en 1936
Région autonome trans-
aux gouvernements néo-communistes au Ouzbékistan Tadjikistan Azerbaïdjan
formée en république
Tadjikistan et en Ouzbékistan ; développe- Région autonome autonome et rattachée
Turkménistan Kazakhstan
instaurée en 1925 à l’Ouzbékistan
ment d’un islam d’État destiné à satisfaire
Kirghizstan
la demande sociale tout en contrant la
menace islamiste.
73

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 73 18/11/2021 10:44


ISLAM, POLITIQUE ET IDÉOLOGIE

Les Frères musulmans


Apparus en 1928 en Égypte, les Frères musulmans sont souvent considérés comme les premiers « islamistes ».
Ce terme distingue les tenants d’une lecture idéologique de l’islam, dotés de structures organisationnelles
et engagés sur le terrain social et politique, voire celui de la lutte armée. L’essor de tels mouvements (années 1970)
a des causes diverses : échec du socialisme, essoufflement des nationalismes, mutations sociales profondes,
naissance d’une république islamique en Iran… Leurs stratégies vont de la contestation violente des régimes
en place aux tentatives d’intégration institutionnelle appuyées sur de larges bases populaires.

DES ACTEURS ANCIENS DE LA VIE la domination coloniale. Dotés pendant au depuis, des moyens d’action légaux – telle
POLITIQUE ÉGYPTIENNE moins dix ans (1943-1952) d’une structure l’insertion dans les unions professionnelles,
Née à Ismaïliyya en 1928 et organisée de paramilitaire clandestine, l’« Organisme spé- à la différence d’autres mouvements qui,
manière hiérarchisée par son fondateur et cial », les Frères firent la guerre en Palestine des années 1970 aux années 1990, choi-
premier guide, Hasan al-Bannâ, dans un en 1948 et animèrent la guérilla antibritan- sirent l’affrontement armé avec l’État. Ces
esprit missionnaire, l’Association des Frères nique qui conduisit au coup d’État militaire derniers étaient influencés par Sayyid Qutb,
musulmans luttait contre l’occidentalisa- de 1952 au Caire. Persécutés par Nasser qui Frère musulman exécuté en 1966 parce
tion des mœurs, la sécularisation du droit et craignait leur concurrence, ils privilégient, que ses écrits analysaient le régime nassé-
rien comme non musulman et pouvaient
légitimer le jihâd contre lui. Victorieux dans
ORGANIGRAMME DES FRÈRES MUSULMANS les urnes, les Frères musulmans peinent à
(ÉGYPTE, DÉBUT DES ANNÉES 1950) gouverner l’Égypte et doivent compter
avec une armée garante de la paix civile
GUIDE GÉNÉRAL depuis 1952. Les élections de 2012 furent
(murchid ‘âmm) aussi marquées par les bons résultats des
Organe fondateur Assemblée Bureau général salafistes, fondamentalistes influencés par
(hay’a ta’sisiyya) consultative générale de l’orientation
(de 100 à 150 membres) (majlis al-chûrâ al-‘âmm) (20, 15 ou 12 membres)
le wahhabisme saoudien et poussés par le
Vice-guide contexte révolutionnaire à entrer dans le
(à partir de 1951) champ politique.
Représentant
...
Secrétariat

Secrétaire général Verbatim


« Organisme spécial » ?

Centre général « L’originalité des Frères


(markaz ‘âmm)
musulmans n’est pas
Secrétariat général dans leur doctrine […] mais
[dans] ce que leur fondateur
Secrétariat général Appareils locaux en a fait […], l’équipement
idéologique d’un puissant
mouvement populaire. »
Bureaux
Sections Comités Gilbert Delanoue, 1969.
administratifs
• Propagande (da ‘wa) • Trésorerie
• Travail • Politique Districts
• Paysans • Droit (manâtiq)
• Famille • Statistiques
• Étudiants • Services Branches
• Liaison avec le • Fatwâ... (shu ‘ab)
monde musulman LES FRÈRES MUSULMANS
• Entraînement physique Familles
(usar)
HORS D’ÉGYPTE
• Métiers Les Frères firent tâche d’huile dans le
• Presse et traduction
Phalanges ? monde arabe dès les années 1930, sans
?
(katâ’ib) qu’il y eût de liens organiques entre les
Source : O. Carré et G. Michaud [M. Seurat], groupes se réclamant d’eux. Aucune orga-
Les Frères musulmans : Égypte et Syrie, 1928-1982, Gallimard/Julliard coll. «Archives», Paris, 1983.
nisation aussi structurée qu’en Égypte ne
74

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 74 18/11/2021 10:44


LES FRÈRES MUSULMANS ET LE POUVOIR EN ÉGYPTE
1953 1970 1971
Dissolution Mort de Libéralisation politique partielle.
des partis Nasser Essor et diversification
politiques des mouvements islamistes 2012 2013
Premières élections Mouvement
1992
libres depuis 1952 de protestation
1981 Début des
populaire
1923 1952 1954 Assassinat du violences des 2011
L’Égypte devient Coup d’État Pouvoir président Sadate Gamâ‘ât Révolution en Égypte.
une monarchie des Officiers libres personnel par un islamiste islâmiyya Chute du président
constitutionnelle de Nasser radical (jusqu’en 1997) Husnî Mubârak

1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020

1925 1935 1945 1955 1965 1975 1985 1995 2005 2015

1928 1945 1954 1984 1995 2013


Fondation de Échec des Frères Dissolution de Légalisation Nouvelle Déchéance de
l’Association aux élections l’Association. des Frères musulmans. répression Mursî par l’armée.
des Frères législatives Début de la persécution Entrée au Parlement gouvernementale Début de
musulmans à l’encontre la répression
des Frères des Frères, déclarés
1948 1951 2005 « organisation
Engagement des Frères Levée du décret de dissolution. Sous l’étiquette «Indépendants», les Frères terroriste » par
dans les guerres de Palestine Guérilla antibritannique dans gagnent 88 sièges sur 454 aux législatives le pouvoir et
et israélo-arabe. En décembre, la zone du canal de Suez interdits.
dissolution de l’Association et 2012
assassinat du premier ministre 1949 Victoire du parti des Frères, Justice et liberté, aux législatives,
égyptien par un Frère. Assassinat de Hasan al-Bannâ et de son candidat, Muhammad Mursî, à la présidentielle

LES FRÈRES MUSULMANS EN 2013 : UNE MOUVANCE TRANSNATIONALE


Kurdistan irakien
Union islamique kurde
1994
LIBAN 1952
Société islamique
TUNISIE (Al-Jamâ‘a al-islâmiyya)
Parti de la renaissance SYRIE
MAROC
(Ennahda) Territoires palestiniens IRAK
Parti de la justice
1989 Hamas* Parti islamique
et du développement 1987 irakien
1998 JORDANIE
ALGÉRIE Front d’action 1960 KOWEIT
LIBYE islamique Mouvement
Mouvement pour
une société de paix Parti de la justice ÉGYPTE 1992 constitutionnel
et de la construction islamique
1990 1928
2012 1991

*Hamas : acronyme de Mouvement de la résistance islamique en arabe YÉMEN


SOUDAN Parti yéménite de la réforme
Pays de naissance de l’Association des Frères musulmans (Al-Islâh)
1990
Pays où existe un mouvement appelé Frères musulmans
depuis les années 1930-1940 (en Libye, il n’est actif que
depuis 2011)
Autre pays ayant un mouvement appelé Frères musulmans
SOMALIE
Hamas Branche politique de mouvements de Frères Mouvement islamique
de la réforme
Pays ayant un mouvement inspiré des Frères musulmans 1978

1989 Année de fondation du mouvement


500 km
Source : M. Guidère, Atlas des pays arabes, Autrement, Paris, 2013.

vit le jour – sauf peut-être en Syrie où, à lité, leur présence sur le terrain social, la lorsqu’ils ne se réfèrent pas directement à
partir de 1963, elle constitua la seule alter- lisibilité de leur message, et, dans le cas du l’islam pour contourner toute interdiction
native crédible au régime ba‘thiste et à la Hamas palestinien, le maintien d’un esprit des partis religieux, renvoient à des thèmes
prise du pouvoir par les alaouites, avant de résistance contre Israël, y compris par – justice, liberté, réforme, renaissance –
d’être éradiquée par une répression féroce les armes, assurent aux mouvements ins- fortement ancrés dans la culture islamique
en 1982. Leur opposition constante aux pirés par les Frères le succès aux élections, et particulièrement mobilisateurs depuis
dictatures, une réputation d’incorruptibi- quand elles sont libres. Leurs noms, même déjà le XIXe siècle.
75

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 75 18/11/2021 10:44


ISLAM, POLITIQUE ET IDÉOLOGIE

Diversité de l’islamisme
Partis et mouvements politiques référés à l’islam sont loin de se limiter au monde sunnite et au monde
arabe où agissent, pour l’essentiel, les Frères musulmans. On en verra ici quelques exemples. Fondée
à Lahore en 1941, la Jamâ‘at-i islâmî (Société musulmane) est l’un des plus anciens partis politiques
musulmans, et joua un grand rôle dans l’islamisation de l’État pakistanais. Organisés à partir de 1970,
les islamistes turcs offrent l’exemple le plus abouti de parti de gouvernement.Tout à la fois mouvement
combattant et parti, le Hezbollah libanais, enfin, est une expression de l’islam politique chiite.

UNE AVANT-GARDE DE LA S. Qutb), l’existence de Jamâ‘at-i islâmî de la morale et de la spiritualité – date


RÉVOLUTION ISLAMIQUE ? dans d’autres pays de la région, la créa- du milieu des années 1990. En 1996-
Fondée par Abû l-A‘lâ Mawdûdî (m. 1979) tion à Leicester (Royaume-Uni), avec le 1997, Necmettin Erbakan, leur leader
comme une communauté vertueuse concours financier de la Ligue islamique historique, dirigea un gouvernement de
hostile au projet séculier de la Ligue mondiale, de l’Islamic Foundation. coalition mais se heurta aux institutions
musulmane, la Jamâ‘at-i islâmî se trans- ... laïques et à la réalité d’un État allié de
forma dès les années 1950 en parti l’Occident et d’Israël, et dut démission-
politique. Rassemblé derrière son chef ner. Le Refah, puis le Fazilet, son succes-
et guide spirituel, l’Émir, celui-ci a une LES ISLAMISTES TURCS seur, furent dissous. Fondé en 2001, le
structure concentrique reproduite à tous À L’ÉPREUVE DU POUVOIR Parti de la justice et du développement
les échelons administratifs du Pakistan. La percée électorale des islamistes turcs (AKP) tira les leçons de ces échecs en se
Une dimension transnationale lui est – déjà présents dans les gouverne- positionnant comme conservateur plu-
donnée par la diffusion des écrits de ments des années 1970 avec pour mots tôt qu’islamiste et en se réclamant d’une
Mawdûdî (qui inspirèrent notamment d’ordre industrialisation et promotion démocratie musulmane inspirée de la

DU REFAH À L’AKP, LA PERCÉE ÉLECTORALE DES PARTIS ISLAMIQUES TURCS (1995-2002)


RÉSULTATS DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES TURQUES ET..., en % des suffrages exprimés
35 35 35
en 1995 en 1999 en 2002
34,2

30 30 30

25 25 25

20 20 20
22,19
21,32

19,66

19,3
19,2

15 15 15
17,89
15,41
14,65

13,22

10 10 10
12,01

4,75
10,71

4,17

9,5
8,71

5 5 5
8,3
8,16

7
6,5
1,2
5

0 0 0
MHP

ANAP

DYP

DSP

CHP

HADEP

MHP

ANAP

DYP

DSP

CHP

HADEP

AKP

MHP

ANAP

DYP

DSP

CHP

DEHAP
Refah

Fazilet

Genç

... RÉPARTITION DES SIÈGES AU PARLEMENT TURC,


en nombre de sièges 3 Indépendants 9 Indépendants

Refah ANAP Fazilet MHP


158 133 111 129
CHP
AKP 178
363
DSP ANAP
CHP
49 DYP 136 86
DSP 135 DYP
75 85

76

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 76 18/11/2021 10:44


LE HEZBOLLAH AU LIBAN
FONDATION(S) COMITÉ ISLAMIQUE DE LA SANTÉ ORGANISME DE SÉCURITÉ SPÉCIALE
- du Martyr - 1982 1988 - Unité centrale
hôpital al-Rasûl al-A‘zam (hôpital du Grand Envoyé) Wa‘d (Promesse) - 2006 - Département des mesures préventives
- du Blessé - 1982 Société de développement - Groupe de «sécurité extérieure»
- du Bon Prêt - 1982
- de l’Effort pour la Reconstruction -1985
Association de soutien à la
«Résistance islamique»

UNITÉ DE L’INFORMATION Direction


Conseil Conseil Conseil
DE GUERRE CONSEIL CONSULTATIF des affaires
juridique du jihâd parlementaire
EXÉCUTIF sociale

UNITÉ DES RELATIONS


EXTÉRIEURES BUREAU POLITIQUE

UNITÉ DE L’INFORMATION CENTRALE MOBILISATION MOBILISATION POUR L’ÉDUCATION


CULTURELLE
(devenue en 2004
ASSOCIATION
LCG Presse LIBANAISE DES ARTS) - Association pour l’éducation et l’enseignement :
Lebanese - Al-‘Ahd (Le Serment) - 1984 devenu en 2001 al-Intiqâd 15 écoles al-Mahdî (dont une à Qom)
Communication - Baqiyyat Allâh (Ce qui demeure auprès de Dieu)
Group - Comité philantrhropique islamique - 1987 :
(le Hezbollah Radio Activités de 5 complexes scolaires
- Al-Nûr (La Lumière) - 1988 et site web en 1999 Comité de - Association pour l’enseignement religieux
détient 55 % jeunesse
l’éducation islamique - 1974
du capital Audiovisuel dont scouts
supérieure (dont 6 écoles al-Mustafâ)
depuis 1997) - Al-Manâr (Le Phare) - 1991 terrestre et 2000 satellitaire al-Mahdî

Source : D. Avon, A.-T. Khatchadourian, plus un réseau autonome d’écoles


Le Hezbollah. De la doctrine à l’action : une histoire du « parti de Dieu », Seuil, Paris, 2010.

Verbatim
démocratie chrétienne. Les législatives
de 2002 l’amenèrent durablement au
STRUCTURE DE LA JAM‘AT-I
pouvoir. Il garda la majorité absolue ISLÂMÎ DU PAKISTAN
« L’islam doit réguler aux élections de 2007, 2011 et 2015 et PAKISTAN
toute la vie, y compris Émir
l’atteignit encore en 2018 en s’alliant à Vice-émir
dans sa dimension sociale,
politique, économique. » l’extrême-droite nationaliste (MHP). Sa
domination se traduit par une visibilité Markazî Secrétaire général
Sabri, étudiant en droit Majlis-i Chûrâ suprême
accrue de l’islam dans l’espace public, (Conseil consultatif central)
à Istanbul, 1995.
la revendication de l’héritage ottoman, Organismes
Thierry Zarcone, 1996. une diplomatie active au Moyen-Orient, affiliés*

la présidentialisation du régime et une PROVINCE Émir


personnalisation du pouvoir au profit de
Majlis-i Chûrâ Vice-émir
Recep Tayyip Erdoğan. Secrétaire-
...
(Conseil consultatif)
général
Refah : Parti de la prospérité
DIVISION Émir
Fazilet : Parti de la vertu
Majlis-i Chûrâ Vice-émir
Secrétaire
AKP : Parti de la justice et LES VISAGES DU HEZBOLLAH général
du développement Né en 1982, en pleine guerre du Liban,
DISTRICT Émir
MHP : Parti de l’action nationale avec le soutien actif de l’Iran et de la
Syrie, le Hezbollah (Parti de Dieu) se fit Majlis-i Chûrâ Vice-émir
Secrétaire
ANAP : Parti de la mère patrie connaître par des opérations terroristes général
contre la présence occidentale et israé- AGGLOMÉRATION
Émir
DYP : Parti de la juste voie lienne au Liban. Dans les années 1990,
Majlis-i Chûrâ
il s’inséra dans le jeu parlementaire Secrétaire
DSP : Parti de la gauche démocratique général
et diversifia ses activités sur le terrain
VILLE/ZONE
social. Un certain consensus se fit autour Émir
CHP : Parti républicain du peuple de sa milice, la Résistance islamique, qui Majlis-i Chûrâ
Secrétaire
conserve le monopole de la lutte au général
HADEP : Parti de la démocratie
du peuple (pro-kurde) Sud-Liban, en dépit du retrait de l’occu-
VILLAGE/CERCLE Émir
pant israélien en 2000.
DEHAP : Parti démocratique du peuple Secrétaire général
*Organismes de propagande et d'édition
Genç : Parti jeune Organismes politiques et unions professionnelles
(Union des paysans, Union du travail, Union des étudiants...)
Seuls les partis ayant franchi la barre de 10 % Source : S. V. R. Nasr, The Vanguard
des suffrages exprimés sont représentés au Parlement. of the Islamic Revolution. The Jama‘at-i Islami
of Pakistan, I.B. Tauris, Londres/New York, 1994.

77

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 77 18/11/2021 10:45


ISLAM, POLITIQUE ET IDÉOLOGIE

L’idéologie du jihâd
Concept polysémique, le jihâd désigne le combat spirituel, la lutte défensive, ou la guerre pour étendre le territoire
de l’islam.Très mobilisateur, il fut invoqué dans les luttes anticoloniales et nationales. Depuis les années 1970,
de nombreux groupes islamistes armés s’en réclament, en se nourrissant d’une réflexion théorique commencée
par Mawdûdî puis Qutb, et poursuivie par un ancien Frère musulman palestinien, ‘Abdallâh ‘Azzâm (1941-1989),
dans le contexte de la guerre d’Afghanistan. Le nouveau jihâd vise non seulement les « ennemis » extérieurs
de l’islam mais aussi des pouvoirs et des sociétés qui, se déclarant musulmans, ne le seraient plus dans les faits.

VISAGES DU JIHADISME jugés répressifs et « impies » ; activistes jihadistes » (salafiyyûn jihâdiyyûn), ou


AU XXIE SIÈCLE menant une lutte transnationale… Les « salafistes combattants », pour signifier
Depuis la fin du XXe siècle émergent de combattants du jihâd sont traditionnel- leur intransigeance morale et religieuse,
nouvelles figures de combattants dont lement appelés les mujâhidûn (moudja- et la priorité qu’ils donnaient à la lutte
l’engagement est référé à l’islam : Afghans hidin), terme qui connote la résistance armée sur toute autre forme de militan-
repoussant l’envahisseur soviétique ; mili- et le sacrifice pour une cause sacrée tisme. Substantivé, le néologisme « jiha-
tants du Hezbollah libanais ou du Hamas telles la religion, la terre ou la patrie. Les distes » désigne les militants radicaux en
perpétuant la lutte contre Israël ; indépen- partisans étrangers du jihâd afghan, qui général, qui transforment le monde entier
dantistes tchétchènes en guerre contre continuèrent ensuite la lutte sur d’autres en théâtre d’opérations potentiel.
la Russie ; opposants armés à des États terrains, se qualifièrent, eux, de « salafistes ...
UNE TENTATIVE D’ÉTAT ISLAMIQUE EN IRAK ET EN SYRIE (2014-2019)

Kamechliyé
TURQUIE Kobané
Ras Al-Ayn RÉGION
Afrin AUTONOME IRAN
Manbij Hassaké DU KURDISTAN
Sinjar Mossoul
Rakka Erbil
Idlib Alep
Euph Occupée de juin 2014
r à juillet 2017
Souleimaniyé
ate

Lattaquié Occupée de juin 2014 Kirkouk


à octobre 2018 Deir Ez-Zor
Hama
Tartous Baiji
Homs
Palmyre Hajin Tikrit
Tigre

SYRIE Al-Qaim Samarrâ’


Eu Haditha
LIBAN
ph
rat
e

Damas Fallouja
Bagdad
Golan
ISR. IRAK
Deraa Karbalâ’

Régions désertiques

JORDANIE Présence de l’organisation État islamique (Daech)


Capitale du Califat
Zone maximale conquise
autoproclamé
ARABIE SAOUDITE Grande ville ayant
Poches de résistance, juin 2018
100 km été occupée par
l’État islamique
Source : Grand Atlas 2018 des éditions Autrement, sous la direction de Frank Tétart.

78

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 78 18/11/2021 10:45


DE LA GUERRE D’AFGHANISTAN AU JIHÂD MONDIALISÉ (1979-2003)

États-Unis

Washington
2001
Al-Khobar
1996 Philippines
New York (région moro de Mindanao)
1993
2001
Moscou
1999
EUROPE Tadjikistan
OCCIDENTALE Cachemire ASIE DU SUD
Paris Tchétchénie 2 New Delhi ET SUD-EST
1995 2001
Bosnie
Iran
Projection J. Bertin, 1953.

Irak
1. Arabie saoudite
Algérie 1 2. Pakistan
Égypte
Riyad
1995
Aden URSS jusqu’en 1991
2000
Soudan Somalie Afghanistan
Mogadiscio
1993 Pays soutenant le jihâd antisoviétique
Nairobi en Afghanistan (1979-1989)
1998
Afflux de «jihadistes» étrangers
Dar es-Salam
1998
en Afghanistan
Base du jihâd afghan (Peshawar)

Régimes islamiques dont

COMMENT LES « TERRES nouveaux régimes :


DE JIHÂD » ONT PROLIFÉRÉ - Iran (1979)
- Soudan (1989)
La guerre qui, à partir de 1979, opposa les contre l’Irak en 1990 après l’invasion du
mujâhidûn afghans aux troupes d’occu- Koweït, et l’échec du processus de paix Espaces majeurs de crise
au Moyen-Orient :
pation soviétiques marqua un tournant entre Israéliens et Palestiniens nourrirent
- conflit israélo-arabe
dans l’histoire de la mouvance islamiste le ressentiment contre l’Occident en - guerre du Liban (1975-1980)
radicale. De nombreux combattants général et les États-Unis, anciens parrains - guerre Iran-Irak (1980-1988)
étrangers, en majorité arabes, affluèrent du jihâd afghan, en particulier. Les atten- - guerre du Golfe (1990-1991)
dans les camps situés autour de Peshawar tats antiaméricains qui se multiplièrent Zones de conflit et «territoires de jihâd »
(Pakistan), et y reçurent une formation dans les années 1990 visèrent aussi indi- dans les années 1990
militaire et doctrinale. En termes idéolo- rectement l’Arabie saoudite, alliée des Dispersion des «Arabes afghans»
giques, le conflit légitima le jihâd comme États-Unis.
une obligation individuelle et un combat ... Attentats anti-américains avant 2002
Attentats liés aux conflits :
à mener à l’échelle mondiale. En termes algérien, tchétchène et cachemiri
structurels, il renforça les réseaux jiha- VISAGES DU JIHADISME Ripostes militaires des États-Unis
distes transnationaux dont la « base » (al- Dans les années 2000 et 2010, tan- - Afghanistan (2001)
qâ‘ida, al-Qaida) élaborée par Oussama dis qu’Al-Qaida se ramifiait (Maghreb, - Irak (2003)
Ben Laden constitue l’emblème. Après Sahel, Yémen, Syrie), l’organisation État Nouveau territoire de jihâd
le retrait soviétique (1989) et la prise de islamique en Irak et au Levant (Daech) transnational en 2003
Kaboul par les mujâhidûn afghans (1992), naquit de la guerre en Irak et en Syrie.
les combattants étrangers furent dispo- Conquête d’un territoire qui faisait fi des
nibles pour d’autres causes. Les camps frontières post-ottomanes, proclamation
continuèrent à recevoir de nouveaux d’un califat en 2014 et ébauche d’un
volontaires qui se dispersèrent ensuite
sur les fronts de l’après-guerre froide :
État tirant notamment ses ressources de
la vente de pétrole constituent son ori-
Verbatim
Cachemire, Bosnie, Tadjikistan, Tchét- ginalité. Réalisant l’utopie d’un régime
« L’expérience d’al-Qaida
peut être interprétée
chénie. L’Égypte et surtout l’Algérie, où islamique, cet État, pourtant aussi coer- comme une sortie de l’islam,
la stratégie électorale des islamistes du citif que le régime ba‘thiste syrien qu’il ou du moins de l’islam codifié
Front islamique du salut fut mise en échec combattait, reçut l’allégeance d’autres par les légistes, et l’entrée
(1991-1992), basculèrent dans la guerre groupes armés (Lybie, Égypte, Nigéria) et dans un autre islam, celui
civile. Dans ces deux pays, le retour des attira des milliers de combattants étran- de la stricte délivrance
« Afghans » contribua à radicaliser la lutte gers. Sa fin en 2019 n’est pas celle du eschatologique. »
entre l’État et les groupes islamistes armés jihadisme que pratiquent des individus Hamit Bozarslan,
et à lui donner une dimension internatio- isolés ou de petits groupes autonomes 2004.
nale. Simultanément, la coalition formée difficiles à repérer et à combattre.
79

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 79 18/11/2021 10:45


ISLAM, POLITIQUE ET IDÉOLOGIE

Des usages actuels de la charî‘a


La charî‘a est au centre du discours islamique contemporain. Des mouvements contestataires ou radicaux
militent pour son introduction, souvent en l’idéalisant comme si elle était un ensemble de lois codifiées
pouvant régir tous les aspects de la vie. Bien des États y font eux-mêmes référence comme une source
ou la source de leur législation. Ceci est la conséquence d’une révolution juridique amorcée au XIXe siècle
et ayant abouti à la destruction du système normatif musulman (le fiqh). Le droit des États reste néanmoins
peu islamisé dans les faits – sauf en ce qui concerne la famille, parfois, la justice pénale.

CHARΑA ET FIQH légaux. La charî‘a est la règle établie par un corpus juridique facilement connais-
Le terme charî‘a signifie étymologiquement Dieu et contenue dans les sources scriptu- sable et tout prêt à être appliqué. La charî‘a
« la voie ». S’appliquant aux monothéismes, raires de l’islam (Coran et Hadîth) qui consti- n’est accessible qu’à travers des normes éla-
il désigne la religion dans ses aspects tuent la Révélation. Elle ne consiste pas en borées par des savants spécialisés en fiqh.

ISLAM ET CHARΑA DANS LA CONSTITUTION ET LE DROIT DES ÉTATS (2021)


1. Afghanistan. Constitution prise en compte : Constitution de 2004
en vigueur entre le départ (2001) et le retour (2021) des Talibans au pouvoir.
2. Brunei, EAU. Brunei a adopté un code pénal marqué par le fiqh (2019),
Kazakhstan
alors que les EAU réformaient le leur dans un sens plus séculier (2020).
3. Comores. Religion d’État et inspiration des règles le régissant dans
la Constitution de 2001, l’islam sunnite n’est plus qu’un des éléments
de l’identité nationale dans celle de 2018.
4. Libye, Syrie, Yémen. États en guerre civile dans les années 2010.
Références pour la conception de la carte : Constitution provisoire Ouzbékistan Kirghizstan
de 2011 (Libye) ; Constitutions de 1973 et 2012 (Syrie) ; Constitution Albanie Azerbaïdjan
de 1991 et projet de Constitution de 2015 (Yémen). Turkménistan
Turquie Tadjikistan
Syrie 4
Tunisie Iran Afghanistan 1
Liban Irak
Gambie Maroc 5 Terr. palestiniens 8
Jordanie
Algérie Koweït
Libye 4 Pakistan
Égypte
Bahreïn Qatar
Sahara
occ. 6 Arabie saoudite
Mauritanie Oman Émirats
Mali Arabes Unis 2
Niger Soudan 7
Érythrée Yémen 4
Sénégal Tchad

Guinée Burkina Faso


Guinée- Djibouti
Bissau Somaliland 9
Nigeria
(États du nord)
Sierra Leone
Somalie Maldives
5. Maroc. Le roi a le titre officiel de Commandeur
des Croyants (Amîr al-Mu’minîn).
6. Sahara occidental. La Constitution de la République
arabe sahraouie démocratique (1999) dispose que « l’islam
est religion d’État et source de la loi ».
7. Soudan. La charî‘a n’est plus mentionnée comme une des sources
de la législation dans la Constitution provisoire de 2019. Comores 3
8. Territoires palestiniens. Une loi fondamentale (2003) dispose que
« l’islam est religion officielle en Palestine » et que les principes de
la charî‘a sont la source principale du droit.
9. Somaliland. État non reconnu par la communauté internationale.

80

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 80 18/11/2021 10:45


Le fiqh – terme qui signifie littéralement grecque (canon). Les juristes musulmans
« compréhension » – n’est pas révélé. C’est
une activité humaine, « la discipline acadé-
les jugeaient conformes à la charî‘a tant
qu’ils ne la contredisaient pas. La produc-
Verbatim
« Alors que le terme charî‘a
mique au sein de laquelle les savants ont tion de qawânîn s’amplifia considérable- fut à une époque un bien
décrit et exploré la charî‘a » (« Sharî‘a », EI2) et ment aux XIXe et XXe siècles. Un pionnier de valeur, il est aujourd’hui
en ont déduit un certain nombre de règles en la matière fut l’Empire ottoman qui, à vendu à bas prix, tout
touchant aux pratiques rituelles (pureté, partir des années 1840, non seulement le monde prétendant savoir
prière, aumône, jeûne, hajj) et aux relations introduisit de nouveaux codes empruntés ce qu’il signifie et comment
humaines, c’est-à-dire à la famille (mariage, aux droits européens en empiétant sur les il devrait être ou non
répudiation, héritage, dispositions testa- domaines traditionnels du fiqh (commerce, appliqué. »
mentaires), aux transactions commerciales, justice pénale, régime foncier), mais créa Robert Gleave, 2012.
à la justice pénale, à la procédure judiciaire aussi des juridictions séculières chargées
etc. Ces règles et la méthodologie (usûl de les appliquer. En matière civile, une
al-fiqh) par laquelle elles furent élaborées vaste entreprise de codification du fiqh
varient selon les écoles juridiques. hanafite, elle-même en rupture avec la
... tradition, aboutit, en 1877, à la publication son auteur, ‘Abd al-Razzâq al-Sanhûrî (1895-
de la Mecelle, qui s’appliquait à tous les 1971), avait voulu fonder, dans un esprit
Ottomans, musulmans ou non, et, en 1917, de compromis, sur le droit français aussi
L’ÉCLATEMENT DU FIQH à un arrêté sur les mariages et divorces. En bien que sur les principes islamiques. Ce
Tout en mettant en œuvre les disposi- 1927, Mecelle et arrêté furent remplacés faisant, Sanhûrî, juriste de formation « occi-
tions issues de la charî‘a et du fiqh, les en Turquie par un code civil d’inspiration dentale », participait d’un renouveau de
États musulmans constitués au cours de suisse. Les États arabes successeurs de l’ijtihâd auquel appelaient divers courants
l’histoire ont toujours édicté des lois et l’Empire ottoman lui emboîtèrent peu à réformistes musulmans, et qui consistait à
règlements non religieux appelés en arabe peu le pas, la plupart choisissant des codes élaborer des normes en dehors des cadres
qânûn (pl. qawânîn), d’un terme d’origine dérivés du code civil égyptien de 1949 que anciennement fixés par les écoles juri-
diques sunnites.
...
Références à l’islam et à la charî‘a dans les Constitutions
États dont l’islam est la religion et
qui se définissent comme islamiques RÉFÉRENCE À LA CHARΑA
États dont l’islam est la religion ET LÉGITIMATION DES ÉTATS
Ainsi « la charî‘a et le fiqh, dans leur forme
État dont l’islam n’est pas la religion mais dont classique, ont disparu de l’univers juridique »
le chef (le président de la République) doit être musulman (B. Dupret, L. Buskens), mais, depuis la
États sans religion mentionnée dans la Constitution seconde moitié du XXe siècle, les références
zstan à eux se sont multipliées dans les Constitu-
État où subsiste le confessionnalisme tions. Plusieurs d’entre elles font de la charî‘a
stan États dont les Constitutions affirment le caractère laïque une des sources, voire la source principale
de la législation quand bien même celle-
État dont la Constitution dispose explicitement
qu’il n’y a pas de religion officielle ci reste largement nourrie par des droits
étrangers. C’est là, non seulement une
États dont les Constitutions font référence à la charî‘a, réponse aux mouvements islamistes, avec
aux préceptes de l’islam, à l’islam ou au fiqh comme un risque de surenchère religieuse, mais
source de la législation
peut-être aussi une tentative des États pour
Domaines d’application, à des degrés divers, s’approprier le droit hérité au moment de
Bangladesh de règles tirées du fiqh leur indépendance, en insistant sur sa com-
Droit de la famille patibilité avec l’islam, c’est-à-dire la culture
Droit pénal locale. La réservation des plus hautes fonc-
tions de l’État à des musulmans, comme de
possibles restrictions à l’usage des libertés
et au principe d’égalité hommes/femmes,
figurent parmi les conséquences pratiques.
La référence à la valeur normative de la
charî‘a a surtout des effets sur le droit de la
Malaisie Brunei 2
famille. Celui-ci s’inspire également du fiqh
s
dans des pays qui se définissent comme
laïques. Encore ce droit est-il désormais
codifié et administré par des juridictions
nationales sécularisées. Son élaboration res-
Indonésie
tant une prérogative des États, il présente
1 000 km un visage multiforme selon les pays.
Sources : G. Fourmont, Carto n°10, 2012 et
N. Bernard-Maugiron in B. Dupret (dir.).), La charia aujourd’hui.
Usages de la référence au droit islamique, La Découverte-Recherches, Paris, 2012.

81

58-81-Atlas_Islam_PART3_NE2021-Maq2-BAT.indd 81 18/11/2021 10:45


Islam, politique
et idéologie
EN CONCLUSION
RESTÉ LE PLUS
PUISSANT EMPIRE
MUSULMAN
INDÉPENDANT
AU XIXE SIÈCLE,
l’Empire ottoman amorce
une évolution marquée
par la sécularisation
des institutions
et la réaffirmation
de sa légitimité religieuse
à travers le califat.
C’est là une entreprise
de politisation de la religion
qui trouve ses prolongements,
une fois le califat aboli
en 1924, dans l’érection
de la charî‘a en symbole
de l’identité islamique des États.
L’interprétation de celle-ci
comme système juridique
embrassant la totalité
des activités humaines
et politiques est le propre
de mouvements englobés
sous l’étiquette d’« islamisme »
– terme qui, au XIXe siècle,
désignait en français
la religion de l’islam et
qu’au XXe siècle, l’on réserve
peu à peu aux lectures
idéologiques de celle-ci.
L’abolition du califat a aussi
nourri un courant inverse,
qui plaide pour la dépolitisation
de l’islam et la séparation
de la religion et de la politique.
Sur le plan intellectuel, ceci
suppose une lecture critique
du Coran et de la sunna
et une réinterprétation
de l’âge d’or incarné
par la communauté de Médine,
pour montrer qu’il n’existe pas
de système politique
spécifiquement islamique.

82

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 82 18/11/2021 10:46


CONCLUSION

pratique de l’islam hors d’une expérience collectivement


vécue. La crainte que cette communauté ne se divise est
par ailleurs toujours présente. La discorde, la fitna, y
survint tôt en effet, dès la mort du Prophète, et est à
l’origine de la constitution des branches de l’islam. Elle
reste vécue comme une expérience traumatisante. En ce
sens, le radicalisme islamique actuel, qui fait violence à
d’autres musulmans et développe un caractère sectaire,
est une épreuve terrible.
La soumission du cœur au Dieu unique, l’adhésion au
message spirituel annoncé par Muhammad et l’apparte-
nance à la communauté se manifestent par l’accomplis-
sement de rites et de pratiques élaborés au cours des

U
siècles : la prière individuelle ou collective à la mosquée,
n atlas de l’islam oblige à parcourir le le jeûne, l’aumône et cette étonnante expérience du
monde, dans sa diversité géographique, pèlerinage à La Mecque, où la communauté mesure
culturelle, linguistique, économique. Il concrètement et ce qui la rassemble, et les tensions qui
mène dans les mondes arabe et persan, en l’animent. Dieu se cherche par une voie « extérieure », la
Turquie et dans les Balkans, dans le bassin loi (charî‘a), et par une voie « intérieure », la voie
de la Volga et en Asie centrale, en Chine, dans la mystique (tarîqa), qui mène à la vérité profonde de ce
péninsule indienne et dans le monde malais, et encore qui est manifesté (haqîqa). Science de la loi et connais-
en Afrique subsaharienne. Depuis quelques décennies, sance mystique nourrissent la foi. L’islam se vit et se
à la suite des migrations récentes, un islam d’Europe se transmet dans les mosquées – maisons de prières –, dans
constitue, bien au-delà des Balkans. Des communautés les madrasas et dans les confréries. Malmenées dans le
s’organisent, définissent leurs rapports avec les États, dernier siècle, ces dernières conservent néanmoins une
s’interrogent et interrogent l’identité des sociétés grande force sociale, morale et spirituelle, et leurs
européennes. Le continent américain, à commencer par fondateurs et desservants constituent autant de saints et
le Canada et les États-Unis, connaît une situation de marabouts, objets de la vénération populaire.
comparable. Ces mondes sont, pour paraphraser Felice
Dassetto, traversés par des « logiques globales » qui DANS L’ORDRE POLITIQUE, LES MONDES DE L’ISLAM,
s’inscrivent à la fois dans le temps long de la religion et du moins les plus anciens, ont en commun d’être traver-
de la civilisation islamiques, et dans les tentatives faites sés par des frontières récentes et mouvantes. Celles-ci
pour enrayer un « déclin » ou combler un « retard » mis sont le produit de l’expansion impériale européenne qui
au jour par la domination coloniale1. provoqua une onde de choc considérable et continue de
tarauder les consciences. Contrastant avec la gloire des
FAIRE PROFESSION D’ISLAM, c’est à la fois reconnaître empires musulmans, du califat de Damas aux sultanats
en son for intérieur la transcendance d’un Dieu unique ottoman et moghol, elle fit naître chez les musulmans le
et miséricordieux, et déclarer son appartenance à une sentiment d’un déclin, tout en développant en eux un
communauté organisée par le prophète Muhammad. esprit de résistance et de réforme. Les transformations
C’est sans doute dans l’existence de cette communauté, politiques et sociales massives des pays musulmans à
« bien plus que dans une notion “sacrale” de l’organisa- partir des années 1920 (avènement de nouveaux États,
tion politique, que s’enracine cette fusion spirituel occidentalisation, émancipation des femmes, croissance
temporel spécifique de la Cité “musulmane”2» . Il devient démographique, urbanisation) accélérèrent la quête
ainsi difficile, mais non impossible, de concevoir la d’une renaissance et d’une modernité islamiques. Quelle
place pour l’islam dans les États et les sociétés modernes :
1
Felice Dassetto, Islams du nouveau siècle, Édition Labor,
Quartier libre, Bruxelles, 2004, p. 13.
héritage culturel ? Valeur refuge ? Force de contestation
2
Louis Gardet, « Islâm », Encyclopédie de l’islam, 2e édition, IV, Brill, Leyde, p. 181. et de changement ? Humanisme ?

83

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 83 18/11/2021 10:46


DEPUIS LE XIXE SIÈCLE, DIVERSES VOIES DE d’agir légalement ou non. Protéiforme, l’islamisme
« RENAISSANCE », entre lesquelles les chemins de nourrit toutes sortes d’attitudes. Une partie de cette
traverse sont multiples, sont ainsi explorées. Une voie – mouvance s’est radicalisée, en réactualisant la notion de
qualifiée selon les cas de « libérale », « réformiste » ou jihâd. Encore les partisans du jihâd n’assignent-ils pas
« moderniste » – soumet les textes sacrés à la critique et tous à leur action le même objectif. Pour les uns, il est un
cherche à départager, dans l’islam et ses pratiques, ce qui moyen de conquérir le pouvoir – stratégie qui parut
est du domaine du dogme et de la Révélation et ce qui échouer à la fin des années 1990, quand les États algérien
relève de l’histoire et de la construction humaine. La et égyptien triomphèrent de la confrontation avec les
séparation de la religion et de la politique est alors islamistes armés. Quant au jihâd transnational, qui fait la
possible et la dimension spirituelle de l’islam réaffirmée. une de l’actualité au début du XXIe siècle, il est le plus
Il existe aussi une voie « fondamentaliste » pour laquelle souvent une négation de l’État et, partant, des sociétés
le retour aux sources de l’islam et à ses textes sacrés est civiles qu’il s’agissait précisément, dans l’islamisme
d’abord une quête d’« authenticité ». Il s’agit de retrouver « classique », de ramener à l’islam. Dans cette mouvance,
la pureté de l’islam originel. Ceci passe par la lutte l’organisation État islamique en Irak et au Levant se
contre les « innovations blâmables » et par le réarmement distingua néanmoins par sa volonté de reconstruire un
moral. Sont visées notamment certaines pratiques du califat, sur un territoire qu’elle arracha aux États syrien et
soufisme et du culte des saints – sinon toutes – parce irakien affaiblis par des décennies de régime ba‘thiste
qu’elles défieraient le bon sens, la raison ou, pire, coercitif et par la guerre.
l’unicité divine. Une grande importance est attachée à la
réislamisation des sociétés de tradition musulmane, à LES IMPASSES DE LA LUTTE ARMÉE légitimée par
travers des mouvements de propagande et de prédica- l’islam et la violence extrême dans laquelle sombrent
tion qui enseignent les rudiments de la religion et certains jihadistes interrogent d’abord les musulmans.
exaltent les vertus morales. Cette mouvance a accentué Dans les rangs islamistes, l’autocritique a commencé.
des traits conservateurs. Elle encourage une interpréta- Le parti turc AKP, formé pour être un parti de gouverne-
tion littérale du Coran et de la sunna, conduit à idéaliser ment, en fournit un temps un exemple, allant jusqu’à
le temps de la Prophétie et à ne voir dans la tradition récuser l’étiquette d’islamiste. Le courant que nous
élaborée par les siècles qu’une succession d’innovations avons qualifié de « libéral » n’a pas dit non plus son
contraires à l’esprit de la « vraie » religion. Elle impose dernier mot, après avoir été éclipsé par un fondamenta-
finalement un comportement musulman normatif, qui, lisme envahissant, que les États et l’islam institutionnel
loin d’être la résurgence d’un quelconque « Moyen Âge », ont laissé se développer, sinon encouragé, pour se
paraît au contraire bien typique de la culture de masse prémunir de la contestation islamiste. Depuis quelque
contemporaine. cent cinquante ans, l’islam ne cesse d’explorer des voies
d’adaptation au monde moderne. Les unes sont sans
UNE TROISIÈME VOIE, GÉNÉRALEMENT QUALIFIÉE issue, d’autres s’ouvrent ou se retrouvent. La quête
D’« ISLAMISTE », se différencie de la précédente par la continue. Elle reste tributaire de la nature des relations
place qu’elle donne à l’engagement politique. Elle entre les sociétés musulmanes et les sociétés occiden-
conçoit l’islam comme un système d’organisation tales, de l’enracinement des musulmans au sein de ces
sociale, politique et économique qui ne peut se réaliser mêmes sociétés et de l’avenir, aujourd’hui plus qu’incer-
que dans le cadre de l’État. Son action repose sur la tain, du Moyen-Orient, où l’islam naquit et demeure
vision d’un État islamique qui se conformerait à la fortement majoritaire.
charî‘a correctement réinterprétée. Les islamistes sont
des militants politiques, organisés comme tels dans des
mouvements qui tiennent du parti et de la confrérie.
Nous avons évoqué la variété des stratégies qu’ils
mettent en œuvre, y compris à l’intérieur d’un même
groupement, en fonction du contexte et de la possibilité

84

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 84 18/11/2021 10:46


Annexes
Glossaire
Sans autre précision, Chérif (charîf ). Titre de noblesse porté, musulmans et versaient en échange
les mots cités sont d’origine arabe. dans le monde arabe, par les descendants un impôt de capitation ( jizya).
du Prophète. Les « protégés » pouvaient continuer
Ayatollâh. Litt. « signe de Dieu ». Titre à pratiquer discrètement leur culte,
le plus élevé de la hiérarchie des oulémas Confessionnalisme. Système politique gérer des institutions religieuses, garder
chiites. dans lequel les communautés leurs propres règles en matière de statut
confessionnelles sont associées personnel, mais ne jouissaient pas
Bazar. Mot persan, équivalent du « souk » au pouvoir. Elles se répartissent les postes
arabe ; marché, cœur artisanal et des mêmes droits que les musulmans.
dans la fonction publique et au sommet Ce statut tout à la fois conservatoire et
commercial de la ville. de l’État soit à parité, soit en fonction inégalitaire a perduré, sous des formes
Burqa. Un des nombreux mots qui de leur importance numérique. diverses, jusqu’au XIXe siècle.
désignent le voile féminin, spécialement Dâr al-islâm. Litt. « Maison ou Demeure
dans le monde indien et en Afghanistan. Djadidisme, mouvement djadid
de l’islâm ». Dans la doctrine politique (de l’arabe jadîd, nouveau). Nom donné
En France, il fut récemment importé pour musulmane classique, cette expression
désigner le « voile intégral », c’est-à-dire au courant de réforme culturelle et
désigne les territoires où les prescriptions religieuse qui se développa au XIXe siècle
celui qui cache le visage. coraniques sont communautairement chez les Tatars de Russie. Il œuvrait
Calife. Successeur, lieutenant. observées. Par opposition, les terres non notamment à la modernisation des
Spécialement, le successeur du prophète musulmanes sont appelées Dâr al-kufr madrasas, sur la base d’une « nouvelle
Muhammad à la tête de la communauté (« Demeure de l’incrédulité ») ou Dâr méthode » (usûl-i djedîd) d’enseignement.
des musulmans. al-harb (« Demeure de la guerre »), ce qui
n’exclut pas, dans la pratique, de conclure Émir (amîr). Celui qui donne des ordres,
Charî‘a (ou char‘). Litt. « voie établie des traités avec elles. Elles constituent commandant, prince. Titre notamment
par Dieu », religion, loi religieuse. alors un entre-deux, la « Demeure porté aujourd’hui par les chefs de certains
Le terme a à voir avec la règle. Il désigne de la paix » (Dâr al-sulh). La formation mouvements et groupes islamistes.
la normativité islamique incluse de communautés musulmanes issues
dans la Révélation (Coran et Hadîth), et de l’immigration dans des pays sans Fatwâ. Consultation juridique ; opinion
rendue accessible par le travail de savants tradition islamique contribue à diluer émise par un ouléma qualifié en réponse
spécialisés dans une science juridique la notion de Dâr al-islâm. Certains à une question sur un point de droit.
appelée le fiqh. de ces pays deviennent terre de mission Fitna. Discorde, division irrémédiable
Châh. Mot persan. Roi. (Dâr al-da‘wa). introduite au sein de la communauté
Derviche. Du persan darwîch ; des musulmans, rupture de l’unité.
Cheikh. Litt., le « vieil homme ».
Titre donné à des personnes qui exercent littéralement, « pauvre », « humble ». Fiqh. Litt. « compréhension ».
une autorité en raison de leur âge, Soufi membre d’une confrérie. La traduction courante est « droit
de leur statut, de leur connaissance Devanagari. Écriture du sanskrit musulman ». Il s’agit plus justement
de la religion : chefs de tribu, de village, et de l’hindi actuel. de la discipline scientifique qui consiste
de corporation, oulémas, maîtres à comprendre et à faire connaître la charî‘a ;
spirituels, guides de confréries. Dhimmî. Protégé. Terme relatif au statut d’un système de normes élaboré
L’équivalent persan, dans le soufisme, des juifs et des chrétiens en terre d’islam. par les juristes musulmans et touchant
est pîr. Comme « Gens du Livre » (Ahl al-Kitâb), aussi bien aux relations des hommes
ils étaient placés sous la protection des avec Dieu (‘ibâdât) qu’aux relations

85

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 85 18/11/2021 10:46


des hommes entre eux (mu‘âmalât) ; Ijtihâd. La définition consacrée Madrasa. Lieu d’étude, école. Quand
d’une « déontologie (énoncé de l’ensemble est « effort d’interprétation de la loi il est utilisé comme tel par les orientalistes,
des devoirs, des actes obligatoires islamique » ; il s’agit plus exactement sans être traduit, ce mot désigne
ou défendus, ou recommandés etc.) qui du travail qui consiste à produire des établissements dédiés à l’enseignement
s’impose aux hommes » (« ‘Ibâdât », EI2). des normes juridiques à partir des sciences de l’islam (spécialement le fiqh).
Les sources (usûl al-fiqh) à partir des sources du droit mentionnées
desquelles se déduisent ces normes ci-dessus (voir fiqh). Mahdî. Litt., « celui qui est guidé par Dieu ».
ou cette déontologie sont le Coran, C’est ce qu’accomplirent notamment Dans le chiisme, surnom donné au
la sunna, le consensus des docteurs, les fondateurs des quatre écoles douzième imâm, qui devait succéder à son
le raisonnement par analogie juridiques sunnites. La question père mort en 874, mais ne se montra jamais
avec un cas juridique antérieur, de l’ijtihâd est centrale dans la pensée à la vue des fidèles. Il n’est pas considéré
et le jugement personnel du juriste. réformiste contemporaine. comme mort mais seulement comme
absent, occulté, et son retour est attendu.
Faqîh (pl. fuqahâ’). Spécialiste de fiqh. Imâm. Celui qui se tient devant, Précédé de signes terribles, son avènement
Juriste-théologien. celui qui dirige la prière, le guide. fera triompher la justice sur terre et
Les chiites attribuent spécialement annoncera la fin des temps. Sous l’influence
Ghâzî. Conquérant, membre ou chef ce titre aux descendants de ‘Alî et du chiisme, la figure eschatologique du
d’une expédition militaire dont le but de son épouse Fâtima, fille du Prophète, Mahdî justicier et restaurateur de la vraie
est d’étendre le territoire de l’islam. qu’ils considèrent comme les seuls religion est aussi entrée dans le sunnisme
Le thème du ghâzî combattant pour le successeurs légitimes de ce dernier et populaire. Elle a alimenté certaines
triomphe de la foi fut largement invoqué comme des guides spirituels donnant mobilisations politiques modernes
par les Ottomans lors de la conquête accès à une connaissance ésotérique – par exemple la révolte anti-égyptienne et
des Balkans. En septembre 1921, de la religion révélée. antibritannique au Soudan de 1881 à 1898.
pendant la guerre d’indépendance turque,
la Grande Assemblée nationale décerna Imâmzâde. Mot persan ; littéralement Majdhûb. Saint possédé, dont
ce titre très mobilisateur à Mustafa Kemal « fils d’imâm ». Nom donné aux descendants le comportement choque la norme.
Pacha, qui venait de vaincre les Grecs des imâms chiites et à leurs mausolées.
sur le fleuve de la Sakarya. Marja‘, marja‘ al-taqlîd. Pôle, pôle
Islamisme. Concept qui renvoie d’imitation. Dans le chiisme duodécimain,
Hadîth. Récit rapportant les dits et gestes à une interprétation de l’islam titre et fonction réservés à de grands
du Prophète ; Tradition ; science comme mode d’organisation politique, oulémas (mujtahid) dont les fidèles
de la Tradition. économique et sociale, et au militantisme doivent suivre l’exemple et les avis
qui en découle. en matière rituelle, morale et juridique.
Halâl. Qui est permis par la loi religieuse,
licite. Le contraire est harâm. Ces notions Îwân. Pièce qui n’est fermée Mawlâ, mawlânâ. Maître, notre maître.
touchent à tous les actes de la vie que sur trois côtés, le quatrième ouvrant Titre donné aux grands maîtres spirituels.
quotidienne, dont l’alimentation. sur une cour. L’îwân est un trait typique
Un produit halâl (halal) est un produit de l’architecture civile et religieuse Monophysisme. Doctrine selon laquelle
dans lequel n’entre aucun composant dans le monde iranien. la nature divine de Jésus a absorbé sa nature
prohibé par la loi religieuse (porc, humaine. Le monophysisme fut condamné
alcool…) et qui a été préparé selon Khân. Titre d’origine turco-mongole
porté par certains souverains en 451 au concile de Chalcédoine, comme
les prescriptions rituelles (en matière contraire à l’orthodoxie selon laquelle
d’abattage d’animaux notamment). et détenteurs de l’autorité militaire.
Le mot khân désigne aussi le Christ est également homme et Dieu.
Haram. Lieu sacré et inviolable, un établissement commercial, Mouled (mawlid). Anniversaire de naissance,
sanctuaire ; spécialement les sanctuaires un caravansérail, une hôtellerie. notamment celui du Prophète (Mawlid
de La Mecque et de Jérusalem. al-Nabî), qui est une grande fête musulmane.
Machhad. Litt., « lieu du martyre ».
Hajj. Pèlerinage à La Mecque comprenant Mausolée. Ce nom commun est devenu En Égypte, le mot désigne aussi, par
la station dans la plaine de ‘Arafa ; celui de la ville qui abrite le mausolée extension, les pèlerinages et fêtes patronales
l’une des cinq obligations rituelles. de l’imâm Rezâ dans le nord-est de l’Iran. annuelles aux tombeaux des saints.

86

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 86 18/11/2021 10:46


Muftî. Faqîh de haut rang dans l’islam Qubba. Coupole ; tombeau sous coupole. largement supplanté au XXe siècle
sunnite, ouléma spécialiste du droit par celui, non connoté religieusement,
et apte à délivrer des fatwâ-s. Salafiyya, salafisme. Nom donné de « roi » (malik).
dans l’entre-deux-guerres à un courant
Mujtahid. Celui qui pratique l’ijtihâd. réformiste de l’orthodoxie sunnite qui Sunan. À Java, titre porté par
En islam chiite, ce terme désigne prit naissance dans le monde arabe à la fin les souverains et chefs religieux qui ont
les juristes-théologiens de haut rang. du XIXe siècle, à partir de deux foyers : fait de l’île une terre d’islam.
l’Égypte et la Syrie. Le concept est forgé
Musulman, islamique. En arabe, le mot sur le terme salaf – le « prédécesseur », Sunna. Coutume, norme fixée par
muslim, d’où vient « musulman », désigne « le pieux devancier » – qui s’applique le Prophète et la communauté primitive.
celui qui se soumet à Dieu et fait profession spécifiquement aux musulmans encore Le terme exprime la notion d’orthodoxie
d’islam ; il existe par ailleurs un adjectif, proches du temps de la Prophétie : religieuse.
islâmî, qualifiant ce qui est relatif à l’islam. les « Compagnons » de Muhammad, Tarîqa (pl. turuq). La voie mystique ;
En français, l’usage est plus incertain. les « Compagnons des Compagnons » la méthode de cheminement initiatique
« Musulman » est utilisé soit comme nom, et les « Suivants ». La salafiyya a pour idéal propre à un maître spirituel ; l’ordre
soit comme adjectif équivalent la réactivation du modèle fourni par ou la confrérie qui assure la transmission
d’« islamique ». Ainsi parlera-t-on les premières générations de musulmans de cette méthode.
indifféremment de « civilisation musulmane » et le retour aux sources de l’islam
ou de « civilisation islamique ». pour l’adapter aux besoins du temps. Territoire de l’islam. Voir Dâr al-islâm.
C’est un fondamentalisme, qui oscille, Umma. Communauté formée
Ouléma ou uléma. Francisation par nature, entre réaction et modernisme,
du pluriel arabe ‘ulamâ’ (sg ‘âlim), par l’ensemble des musulmans. Le terme
et nourrit une approche de l’islam tantôt exprime un idéal d’unité. À l’époque
qui signifie littéralement « savants ». critique, tantôt apologétique et missionnaire,
Un ouléma est un « docteur de l’islam », contemporaine, le mot a pris aussi
tantôt politique. Ses traits conservateurs en arabe le sens de « nation ». Un terme
un expert en sciences religieuses (exégèse eurent tendance à s’accentuer au cours
coranique, Tradition, droit, théologie). équivalent est milla.
du XXe siècle, notamment sous l’influence
Si le mot qui désigne les savants du wahhabisme avec lequel on tend Walî. Proche de Dieu, saint patron.
musulmans est passé en français aujourd’hui à le confondre. Aussi, bien que
au pluriel plutôt qu’au singulier, c’est que Waqf. Fondation pieuse. Consécration
les premiers Frères musulmans aient pu d’un bien mobilier ou immobilier à une
les oulémas constituent collectivement être vus comme des salafistes, aujourd’hui
un corps de spécialistes de la religion, œuvre d’utilité publique.
le terme ne s’applique plus à eux mais à
dont certains exercent des fonctions des groupes puritains moins politisés, de Zâwiya (pl. zawâyâ). Transcription
officielles et sont rétribués par l’État. tendance quiétiste ou jihadiste. courante : zaouïa. Litt. « angle, coin ».
Pacha. Mot turc ; titre signalant une position Lieu de résidence ou de sépulture
élevée dans l’administration ou dans l’armée. Sayyid, fém. sayyida. Titre donné d’un saint personnage et lieu
aux descendants du Prophète de rassemblement de ses disciples.
Qibla. Direction de la prière. La première et traduisible par « Seigneur », « Dame ». Le terme désigne particulièrement
ville vers laquelle les musulmans Sayyidnâ (comme dans Sayyidnâ Husayn) une filiale de confrérie. Les zawâyâ ont
se tournèrent pour prier était Jérusalem. signifie « Notre Seigneur ». des fonctions variées : ce sont des lieux
Cette décision, sanctionnée par la parole de prière, d’étude, de délassement,
Sîdî. Équivalent de Sayyidî,
coranique, était un geste d’ouverture d’accueil des nécessiteux, d’hébergement
« Monseigneur », dans la prononciation
du Prophète vers les juifs qui l’avaient des voyageurs et des pèlerins. D’autres
maghrébine. Titre donné à de saints
accueilli à Médine et qu’il espérait voir termes existent comme takiyya (tekke
personnages, ou aux sultans du Maroc
adhérer à son message, issu de la tradition en turc) ou khânqâh (mot persan)
lorsqu’ils avaient pour nom Muhammad
abrahamique. Quand il vit cet espoir déçu, – qu’on traduit généralement, faute
(Mohammed).
Muhammad décida d’une autre orientation. de mieux, par « couvent ».
Un nouveau verset coranique lui dicta Sultan. Litt. détenteur de l’autorité
le choix de La Mecque. Le changement eut politique et militaire. Titre porté par Ziyâra. Visite pieuse au tombeau
lieu en 624. certains souverains musulmans et assez d’un saint, pèlerinage.

87

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 87 18/11/2021 10:46


700 800 900 1000 1100
660 750 909 945 969 1040 1055 1130

Les principales

ESPAGNE
Royaumes
Umayyades d’Espagne
de Taifas

dynasties Idrissides
Anarchie
Almoravides

MAGHREB
berbère

musulmanes ÉGYPTE Umayyades


Aghlabides Zirides Hammadides

Tulunides Ikhchidides Fatimides


SYRIE

Abbassides Hamdanides Ata


Zang
ANATOLIE

Hamdanides

Seldjoukides
IRAK

Abbassides Bouyides
IRAN OCC.

Umayyades Gra
Seldjo

Saffarides
IRAN OR.

Tahirides
AFGHANISTAN TRANSOXIANE

Samanides
INDE

Ghaznévides

660 750 909 945 969 1040 1055 1130


700 800 900 1000 1100

88

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 88 18/11/2021 10:46


1100 1200 1300 1400 1500 1600 1700 1800
1130 1169 1230 1260

Nasrides

vides Almohades Mérinides Chérifiens (Alaouites)

dides Hafsides

Ayyoubides Mamelouks

Atabegs Ottomans
Zangkides

Seldjoukides
de Rum
Émirats
turcomans
Seldjoukides

Abbassides

États turcomans
Grands
Seldjoukides
Safavides Qadjars

Mongols

Kharezmchahs

Timurides Khanats mongols

Ghurides
Émirs et rois afghans

Moghols de l’Inde

ides Sultans de Delhi

Source : D. et J. Sourdel, La Civilsation de l’Islam classique, Arthaud, Paris, 1983.


1130 1169 1230 1260
1100 1200 1300 1400 1500 1600 1700 1800

89

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 89 18/11/2021 10:46


Le temps et les fêtes dans l’islam
LE TEMPS LES PRINCIPALES FÊTES
MUSULMANES
• Pour décompter le temps et déterminer identique. Elles revêtent une
les fêtes religieuses, les musulmans importance variable selon les cultures, Les deux fêtes canoniques
utilisent un calendrier lunaire. les communautés confessionnelles, (‘îd en arabe – transcrit couramment
Celui-ci étant indépendant des saisons, les courants doctrinaux. Des fêtes non en français aïd ; bayram en turc)
ils eurent toujours recours, en parallèle, religieuses peuvent rencontrer une
à des calendriers solaires (dont le julien • 1er chawwâl : ‘îd al-Fitr, fête de
ferveur populaire au moins équivalente
et le grégorien aujourd’hui internationalisé) la Rupture du jeûne, appelée aussi
à celle des fêtes musulmanes : ainsi telle
pour répondre aux besoins al-‘Îd al-Saghîr, la Petite Fête.
ou telle commémoration d’événements
de l’administration, de la fiscalité, nationaux, ou Nawrûz, premier jour de • 10 dhû l-hijja : ‘îd al-Adhâ, fête
du commerce, de l’économie, etc. l’année solaire persane, qui tombe au du Sacrifice d’Abraham, appelée aussi
début du printemps et est très largement al-‘Id al-Kabîr, la Grande Fête.
• Le calendrier islamique, réputé avoir célébré dans les mondes iranien,
été instauré par le deuxième calife ‘Umar turc et indien.
(634-644), a pour origine théorique Les autres fêtes
l’hégire, soit la fuite du prophète • 1er muharram : jour de l’an musulman.
Muhammad de La Mecque à Médine LES DOUZE MOIS DE L’ANNÉE • 1 0 muharram : ‘Ashûrâ’, jour de
(juillet 622), qui marque la naissance LUNAIRE ISLAMIQUE l’Expiation ; jour de jeûne surérogatoire
d’une communauté organisée de fidèles. pour les sunnites ; commémoration
L’année lunaire totalise 354 jours, répartis 1. Muharram
du martyre de Husayn à Karbalâ’
en douze mois de 29 ou 30 jours. 2. Safar en 680 pour les chiites.
Pour calculer la correspondance 3. Rabî‘ al-awwal (1er mois de rabî‘)
entre une année de l’ère chrétienne (C) • 1 2 rabî‘ al-awwal : Mawlid al-Nabî,
et une année de l’ère hégirienne (H), 4. R abî‘ al-âkhir ou al-thânî (dernier anniversaire du Prophète.
on utilise la formule suivante : ou 2nd mois de rabî‘)
• 2 7 rajab : laylat al-Mi‘râj, la nuit
(C-622) X 33/32 = H ou H X 32/33 + 622 = C 5. Jumâdâ al-ûlâ (1er mois de jumâdâ)
de l’Ascension ; commémoration
6. Jumâdâ al-âkhira (dernier mois du voyage nocturne du prophète
Selon cette formule, l’année 2022 de jumâdâ) Muhammad de La Mecque à Jérusalem
de l’ère chrétienne est à cheval et de son élévation au ciel.
7. Rajab
sur les années 1443 et 1444 de l’hégire.
8. Cha‘bân • 1 5 cha‘bân : mi-cha‘bân, précédée de
• Le début de chaque mois est déterminé 9. Ramadân la nuit de la Délivrance (laylat al-Barâ’a),
par l’observation du premier croissant 10. Chawwâl temps de jeûne, d’aumône et de prière
de lune dont dépendent l’accomplissement pour les morts.
d’obligations rituelles (début et fin 11. Dhû l-qa‘da
12. Dhû l-hijja (mois du pèlerinage) • 2 7 ramadân (ou toute nuit impaire
du jeûne de ramadan ; pèlerinage
de la dernière décade du mois) :
à La Mecque entre les 8 et 13 dhû l-hijja)
laylat al-Qadr, la nuit du Destin au cours
et la célébration des fêtes religieuses.
de laquelle le Coran fut révélé.
Il n’y a que deux fêtes canoniques.
Les autres, liées au prophète Muhammad,
aux imâms chiites et à la foule des saints,
ne sont célébrées ni dans tous les pays
ni à toutes les époques ni de manière

90

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 90 18/11/2021 10:46


Sources des citations
Page 12-13. Coran, XXVII, 1-3 (trad. D. Masson). Page 36-37. Appel à la prière sunnite : Page 62-63. Nilüfer Göle, « La revendication
cf. Th. W. Juynboll, « Adhân », Encyclopédie démocratique de l’islam », Stéphane Yerasimos
Page 14-15. Cyrille Aillet, « Introduction »,
de l’islam, 2e éd., I, Brill, Leyde, p. 193-194. (dir.), Les Turcs. Orient et Occident, islam
L’ibadisme, une minorité au cœur de l’islam,
Page 38-39. Coran, XI, 7 (trad. D. Masson). et laïcité, Autrement, Paris, 1994, p. 137.
Revue des mondes musulmans et
de la Méditerranée, n° 132, 2012-2, p. 17. Page 40-41. Abdellah Hammoudi, Une saison Page 64-65. Dominique Chevallier, Azzedine
à La Mecque, Seuil, Paris, 2005, p. 12. Guellouz, André Miquel, Les Arabes, l’islam
Page 16-17. Ibn Battûta (1304-v.1377), cité par
et l’Europe, Flammarion, Paris, 1991, p. 22.
André Miquel, « Autour d’une conception de Page 42-43. Batânûnî, Al-rihla al-hijâziyya
l’islam classique », Dominique Chevallier (dir.), ( Voyage au Hedjaz), Le Caire, 1909, cité par Page 66-67. Article 2 de la charte de l’OCI de
Les Arabes et l’histoire créatrice, Presses de Pierre Lory, « Les lieux saints du Hedjaz et de 1972 (texte consulté en 2005 sur www.oic-oci.
l’Université de Paris-Sorbonne, Paris, 1995, p. 38. Palestine », Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.), org). Voir sa reformulation dans l’article 1
Lieux d’islam, Autrement, Paris, 1996, p. 38. de la charte de 2008 (8e objectif ).
Page 18-19. Musulmans en terre d’Europe,
Projet, n° 231, automne 1992, p. 41. Page 44-45. Catherine Mayeur-Jaouen, Page 68-69. Jean-Luc Racine, « Exister face
Histoire d’un pèlerinage légendaire en islam. à l’Inde : les relations pakistano-indiennes »,
Page 20-21. Christophe Jaffrelot (dir.), L’Inde
Le mouled de Tantâ du XIIIe siècle à nos jours, (chap. V), Christophe Jaffrelot (dir.),
contemporaine de 1959 à nos jours, Fayard,
Aubier, Paris, 2004, p. 15. Le Pakistan, Fayard, Paris, 2000, p. 201.
Paris, 1991, 1996, titre du chap. XXI.
Page 46-47. Confidence d’un mollâh iranien Page 70-71. Yann Richard, L’Iran de 1800
Page 22-23. Heinz Halm, Le chiisme, PUF,
(1981) rapportée par Yann Richard, L’islam à nos jours, Flammarion, Champs Histoire,
Paris, 1995, p. 20.
chi’ite. Croyances et idéologies, Fayard, Paris, 2009, p. 382-383.
Page 24-25. Tariq Rahman, « Language, Paris, 1991, p. 23. Page 72-73. Thierry Zarcone,
Religion and Politics: Urdu in Pakistan and
Page 48-49. Ibn Khaldûn (1332-1406), « La Naqchbandiyya », Alexandre Popovic
North India », Catherine Miller, Niloofar Haeri
cité par Catherine Mayeur-Jaouen, « Coupoles et Gilles Veinstein (dir.), Les voies d’Allah,
(dir.), Langues, religion et modernité dans
et minarets d’Égypte », Mohammad Ali Fayard, Paris, 1996, p. 453.
l’espace musulman, Revues des mondes
Amir-Moezzi (dir.), Lieux d’islam, Autrement,
musulmans et de la Méditerranée, n° 124, Page 74-75. Gilbert Delanoue, « Al-Ikhwân
Paris, 1996, p. 114.
2008-2, p. 109. al-muslimûn » (Les Frères musulmans),
Page 50-51. Michel Chodkiewicz, « La sainteté Encyclopédie de l’islam, 2e éd., III, Brill,
Page 26-27. Stéphane Dudoignon, et les saints en islam », Henri Chambert-Loir et Leyde, p. 1095-1098.
Dämir Is’haqov, Räfyq Möhämmätshin (dir.), Claude Gillot (dir.), Le culte des saints dans le
L’Islam de Russie, Maisonneuve & Larose, monde musulman, École française d’Extrême- Page 76-77. Sabri, étudiant en droit à Istanbul,
Paris, 1997, quatrième de couverture. Orient, Paris, 1995, p. 27. 1995 : témoignage cité dans La Croix,
10 novembre 1995.
Page 28-29. Xavier Bougarel, Nathalie Clayer Page 52-53. Michel Chodkiewicz, « Le soufisme
(dir.), Le nouvel islam balkanique. au XXIe siècle », Alexandre Popovic et Gilles Page 78-79. Hamit Bozarslan,
Les musulmans acteurs du post-communisme Veinstein (dir.), Les voies d’Allah, Fayard, Paris, « Le jihâd. Réceptions et usages d’une
(1990-2000), Maisonneuve & Larose, Paris, 1996, p. 533. injonction coranique d’hier à aujourd’hui »,
2001, introduction en ligne (halshs. Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 82,
archives-ouvertes.fr). Page 54-55. Coran, III, 104 (trad. D. Masson). avril-juin 2004, p. 27.
Page 30-31. Leila, 17 ans, lycéenne : Page 56-57. Charte de l’OCI (2008), début de Page 80-81. Robert Gleave, « La charia dans
témoignage cité dans La Croix, l’article 2, consultable sur le site de l’OCI : l’histoire : ijtihad, épistémologie et "tradition
10 décembre 2002, p. 13. www.oic-oci.org classique" », Baudouin Dupret (dir.), La charia
Page 60-61. La Constitution ottomane aujourd’hui. Usages de la référence au droit
Page 32-33. Message des patriarches
du 7 zilhidjé 1293 (23 décembre 1876) islamique, Paris, La Découverte-Recherches,
catholiques d’Orient réunis à Bkerké (Liban)
expliquée et annotée par A. Ubicini, A. Cotillon 2012, p. 23.
du 19 au 24 août 1991, Documentation
et Cie Éditeurs, Paris, 1877, p. 19-51.
catholique, n° 2037, 3 novembre 1991.

91

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 91 18/11/2021 10:46


Bibliographie
Le Coran, traduction de Denise Beau livre POUR ALLER PLUS LOIN
Masson, Gallimard, Paris, 1967
Hattstein Markus et Delius Peter (dir.), Akram Assem, Histoire de la guerre
(réédité en Folio-Classique,
Arts et civilisations de l’Islam, d’Afghanistan, préface de
2 volumes).
Könemann, Cologne, 2000. Jean-François Deniau, Éditions
Balland, Paris, 1996.
INSTRUMENTS DE TRAVAIL POUR UNE PREMIÈRE Aillet Cyrille (dir.), L’ibadisme,
Atlas APPROCHE une minorité au cœur de l’islam,
Dumortier Brigitte, Atlas des religions, Revue des mondes musulmans
Amir-Moezzi Mohammad Ali (dir.), et de la Méditerranée, n°132, 2012-2.
Autrement, Paris, 2002.
Lieux d’islam. Cultes et cultures
Kennedy Hugh (dir.), An Historical de l’Afrique à Java, Autrement, Allès Élisabeth, L’islam de Chine.
Atlas of Islam, Brill, Leyde, 2000. Paris, 1996. Un islam en situation minoritaire,
IISMM-Karthala, Paris, 2013.
Robinson Francis, Atlas of the Islamic Ben Achour Mohammed El Aziz,
World, Facts on File Publications, « L’islam. Le cadre de la révélation. Amir-Moezzi Mohammad-Ali,
New York, 1982 [reprint 1984] ; Le Coran et ses lectures », Dye Guillaume (dir.), Le Coran
adaptation française : Atlas de l’islam D. Chevallier et A. Miquel (dir.), des historiens, 3 volumes, Cerf,
depuis 1500, Nathan, Paris, 1987. Les Arabes du message à l’histoire, Paris, 2019.
Ruthven Malise, Historical Atlas Fayard, Paris, 1995, p. 27-97. Arkoun Mohammed (dir.), Histoire
of Islam, Cambridge (Mass.), Buresi Pascal, Géo-histoire de l’islam, de l’islam et des musulmans
Harvard University Press, 2004. Belin Sup, Paris, 2005. en France du Moyen Âge à nos jours,
préface de Jacques Le Goff,
Sellier Jean et André, Atlas Buresi Pascal, Les mondes de l’islam. Albin Michel, Paris, 2006.
des peuples d’Orient. Moyen-Orient, Une foi, des cultures, Petite
Caucase, Asie centrale, La Découverte, Encyclopédie Larousse, Paris, 2006. Beck Herman L., Les musulmans
Paris, 1999 (nouvelle édition). d’Indonésie, Éditions Brepols,
Chiffoleau Sylvia, Le voyage à La Turnhout, 2003.
Sellier Jean, Atlas des peuples d’Asie Mecque. Un pèlerinage mondial en
méridionale et orientale, terre d’islam, Belin alpha, Paris, 2017 Benkheira Mohammed Hocine,
La Découverte, Paris, 2004 (1re éd. 2015). L’amour de la loi. Essai sur
(nouvelle édition). la normativité en islam, Presses
Geoffroy Éric, Le soufisme, universitaires de France, Paris, 1997.
Eyrolles Pratique, Paris, 2013.
Benkheira Mohammed Hocine,
Encyclopédie, dictionnaires Mayeur-Jaouen Catherine, Histoire Mayeur-Jaouen Catherine,
Amir-Moezzi Mohammad-Ali (dir.), d’un pèlerinage légendaire en islam. Sublet Jacqueline, L’animal en islam,
Dictionnaire du Coran, Robert Le mouled de Tantâ du XIIIe siècle Les Indes savantes, Paris, 2005.
Laffont, Bouquins, Paris, 2009. à nos jours, Aubier, Paris, 2004.
Benkheira Mohammed Hocine,
Encyclopédie de l’islam, Brill, Leyde, Mervin Sabrina, Histoire de l’islam. Giladi Avner, Mayeur-Jaouen Catherine,
2e édition et 3e édition. Version Doctrines et fondements, Sublet Jacqueline, La Famille en
imprimée et version en ligne. Flammarion, Champs Université, islam, Les Indes savantes, Paris, 2013.
(Abréviations courantes : EI² pour Paris, 2000.
Bennigsen Alexandre,
la 2e éd., EI3 pour la 3e). Mervin Sabrina, Mouline Nabil (dir.), Lemercier-Quelquejay Chantal,
Georgeon François, Vatin Nicolas, Islams politiques. Courants, doctrines L’islam en URSS, Payot, Paris, 1968.
Veinstein Gilles (dir.), avec la et idéologies, CNRS Éditions,
Paris, 2017. Bernard-Maugiron Nathalie, « La place
collaboration d’Elisabetta Borromeo,
de la charia dans la hiérarchie
Dictionnaire de l’Empire ottoman, Mouline Nabil, Le califat. Histoire des normes », Baudouin Dupret (dir.),
Fayard, Paris, 2015. politique de l’islam, Flammarion, La charia aujourd’hui. Usages
Sourdel Dominique et Janine, Champs histoire, Paris, 2016. de la référence au droit islamique,
Dictionnaire historique de l’islam, La Découverte, Paris, 2012, p. 51-64.
PUF, Paris, 1996.

92

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 92 18/11/2021 10:46


Bougarel Xavier, Clayer Nathalie, Dudoignon Stéphane, Is’haqov Dämir et Hourani Albert, Histoire des peuples
Les musulmans de l’Europe du Sud-Est. Möhämmätshin Räfyq (dir.), arabes, Points-Seuil, Paris, 1993.
Des Empires aux États balkaniques, L’Islam de Russie. Conscience
IISMM-Karthala, Paris, 2013. communautaire et autonomie Jaffrelot Christophe (dir.), L’Inde
politique chez les Tatars de la Volga et contemporaine de 1950 à nos jours,
Bozarslan Hamit, « Le jihâd. Réceptions Fayard, Paris, 1996.
et usages d’une injonction coranique de l’Oural, depuis le XVIIIe siècle,
d’hier à aujourd’hui », Daniel Rivet (dir.), Maisonneuve & Larose, Paris, 1997. Jaffrelot Christophe (dir.),
Islam et politique en Méditerranée Le Pakistan, Fayard, Paris, 2000.
Dupont Anne-Laure, Mayeur-Jaouen
au XXe siècle, numéro spécial Catherine, Verdeil Chantal, Kepel Gilles, Jihâd. Expansion
de Vingtième siècle. Revue d’histoire, Le Moyen-Orient par les textes, et déclin de l’islamisme, Gallimard,
n° 82, avril-juin 2004, p. 15-29. XIXe-XXIe siècle, Armand Colin, Paris, 2000.
Buresi Pascal (dir.), Histoire des Paris, 2011. Kepel Gilles, Fitna. Guerre au cœur
pays d’islam de la conquête de de l’islam, Gallimard, Paris, 2004.
Dupont Anne-Laure (dir.), Islam et
Constantinople à l’âge des Lacroix Stéphane, Les islamistes
éducation au temps des réformes,
révolutions, Armand Colin, U, saoudiens. Une insurrection manquée,
Cahiers de la Méditerranée, n°75,
Paris, 2018. Presses universitaires de France,
décembre 2007.
Burgat François, L’islamisme en face, Paris, 2010.
La Découverte/Poche, Paris, 2002 Dupret Baudouin (dir.), La charia
aujourd’hui. Usages de la référence Madinier Rémy, L’Indonésie, entre
(nouv. édition mise à jour). démocratie musulmane et Islam
au droit islamique, La Découverte,
Carré Olivier, Michaud Gérard Paris, 2012. intégral. Histoire du parti Masjumi
(Michel Seurat), Les Frères (1945-1960), IISMM-Karthala,
musulmans, Gallimard/Julliard, Filiu Jean-Pierre, Les frontières Paris, 2012.
Archives, Paris, 1983. du jihad, Fayard, Paris, 2006. Mantran Robert (dir.), Histoire de
Carrère d’Encausse Hélène, Réforme Formes nouvelles de l’Islam en l’Empire ottoman, Fayard, Paris, 1989.
et révolution chez les musulmans Turquie, Les Annales de l’autre Islam, Markovits Claude (dir.), Histoire
de l’Empire russe, Presses de la n° 6, Inalco, Paris, 1999. de l’Inde moderne, 1480-1950,
Fondation nationale des sciences Fayard, Paris, 1994.
politiques, Paris, 1966 (2e éd. 1981). Georgeon François, Abdülhamid II.
Le sultan calife (1876-1909), Fayard, Masud Muhammad Khalil (dir.),
Chambert-Loir Henri, Guillot Claude Paris, 2003. Travellers in Faith. Studies of the
(dir.), Le culte des saints dans Tablîghî Jamâ‘at as a Transnational
le monde musulman, École française Grandin Nicole, Gaborieau Marc (dir.), Islamic Movement for Faith Renewal,
d’Extrême-Orient, Paris, 1995. Madrasa. La transmission du savoir Brill, Leyde-Boston-Cologne, 2000.
Chih Rachida, Le soufisme au dans le monde musulman,
éditions Arguments, Paris, 1997. Mayeur-Jaouen Catherine (dir.),
quotidien. Confréries d’Égypte au Saints et héros du Moyen-Orient
XXe siècle, Sindbad Actes Sud, 2000. Halm Heinz, Le chiisme, contemporain, Maisonneuve
Clayer Nathalie, Germain Éric, Presses universitaires de France, & Larose, Paris, 2002.
Islam in Inter-War Europe, Islamiques, Paris, 1995. Mayeur-Jaouen Catherine, Pèlerinages
Hurst and Company, Londres, 2008. Hammoudi Abdellah, Une saison d’Égypte, Histoire de la piété copte
Courreye Charlotte, Jomier Augustin, à La Mecque. Récit de pèlerinage, et musulmane, XVe-XXe siècle, EHESS,
Lacroix Annick, Le Maghreb par les Le Seuil, Paris, 2005. Paris, 2005.
textes XVIIIe-XXIe siècle, Armand Colin, Mayeur-Jaouen Catherine, « “À la
U, Paris, 2020. Heyberger Bernard, Les chrétiens
au Proche-Orient. De la compassion poursuite de la réforme”. Renouveaux
Dassetto Felice, Islams du nouveau à la compréhension, Manuels Payot, et débats historiographiques de
siècle, Éditions Labor, Quartier libre, Paris, 2013. l’histoire religieuse et intellectuelle de
Bruxelles, 2004. l’islam, XVe-XXIe siècle », Annales.
Hitzel Frédéric, L’Empire ottoman, Histoire, sciences sociales, dossier
Richard Yann, L’Iran de 1800 à nos jours,
XVe-XVIIIe siècles, Guide Belles Lettres « Écrire l’histoire de l’islam moderne
Flammarion, Champs Histoire,
des civilisations, Paris, 2001. et contemporain », 73, 2, 2018,
Paris, 2009.
p. 317-358.
Dorlian Samy, La mouvance zaydite Hitzel Frédéric, Le Dernier siècle de
dans le Yémen contemporain : une l’Empire ottoman, Guide Belles Lettres Metcalf Barbara, Islamic Revival in
modernisation avortée, L’Harmattan, des civilisations, Paris, 2014. British India: Deoband, 1860-1900,
Comprendre le Moyen-Orient, Princeton University Press, 1982.
Paris, 2013.

93

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 93 18/11/2021 10:46


Index
Les numéros de pages renvoient aussi bien aux documents
qu’aux commentaires.
Miller Catherine, Haeri Niloofar (dir.),
Langues, religion et modernité BRANCHES DE L’ISLAM DYNASTIES, EMPIRES
dans l’espace musulman, Ahmadiyya, ahmadis (Pakistan) 15, MUSULMANS
Revues des mondes musulmans et 32, 54, 68 Abbassides 8, 14, 15, 17, 49,
Alaouites 14, 22, 75 60, 61, 88, 89
de la Méditerranée, n°124, 2008-2.
Alévis 14, 22, 32, 63 Aghlabides 36, 37, 88
Mutin Georges et Durand-Dastes Bahâ’îs, Baha’isme 14, 15, 71 Âl Sa‘ûd, Saoudites 40, 43, 64, 65
François (dir.), Afrique du Nord, Chiites duodécimains 14, 15, 19, Ayyoubides 47, 48, 88
Moyen-Orient, monde indien, 22, 23, 26, 27, 32, 45, 47, 51, 65, Fatimides 23, 48, 88
volume de la Géographie universelle, 68, 70, 71, 76, 77, 86, 87 Ghaznévides 17, 88
sous la direction de Roger Brunet, Druzes 14, 22, 23 Hachémites 40, 64, 65
Belin-Reclus, Paris, 1995. Ibadites, ibadisme 14, 22, 23 Mamelouks 39, 49, 89
Ismaéliens 14, 15, 22, 68 Moghols 16, 39, 60, 83, 89
Mouline Nabil, Les clercs de l’islam. Sunnites, écoles juridiques Mongols, khanats mongols
Autorité religieuse et pouvoir politique sunnites 14, 22, 23, 26-28, 30, 17, 26, 89
en Arabie Saoudite, XVIIIe-XXIe siècle, 32, 46, 49, 51, 54, 58, 63, 64, Ottomans, maison d’Osman
Presses universitaires de France, 71, 72, 81, 86, 87 9, 16, 17, 26-29, 32, 36, 37,
Paris, 2011. Wahhabites, wahhabisme 14, 18, 40, 43, 48, 51, 54, 56, 60-66,
Nabti Mehdi, Les Aïssawa. Soufisme, 22, 23, 40, 41, 44, 64, 74, 87 77, 79, 81, 83, 86, 89
musique et rituels de transe au Maroc, Zaydites 14, 15, 22, 23, 65 Safavides 16, 45, 49, 89
L’Harmattan, Paris, 2011. Saoudites voir Âl Sa‘ûd
Nasr Seyyed Vali Reza, The Vanguard
CALIFE, CALIFAT Seldjoukides 17, 49, 88
13-15, 17, 23, 34, 36, 43,49, 56, Umayyades 14, 15, 17, 36,
of the Islamic Revolution. The Jama‘at-i 60, 61, 63, 79, 83-85, 90 37, 67, 88
Islami of Pakistan, I.B. Tauris Chemin de fer du Hedjaz 40, 41
Publishers, Londres-New York, 1994. Commandeur des croyants 39, 80 HINDOUISME,
Planhol (de) Xavier , Les nations Ghâzî 48, 86 HINDOUS
du Prophète. Manuel géographique Serviteur des (deux) lieux saints 16, 24, 66, 68
de politique musulmane, Fayard, 43, 48, 60, 65
Paris, 1993. IMÂM, IMÂMAT
Prémare (de) Alfred-Louis, Les
CHRISTIANISME, CHRÉTIENS 14, 15, 23, 45, 49, 52, 65, 70,
fondations de l’islam. Entre écriture (TOUTES CONFESSIONS) 71, 86, 90
11- 13, 17, 19, 23, 26-29, 31-33,
et histoire, Seuil, L’univers historique,
48, 49, 54, 63, 66-68, 71, 85, 86 INSTITUTIONS,
Paris, 2002.
Rougier Bernard (dir.), Qu’est-ce que ÉDIFICES RELIGIEUX
CULTE, PRATIQUES, Ka‘ba 12, 35, 42-44
le salafisme ?, PUF, Paris, 2008. DÉVOTIONS Kuttâb 46, 49
Roy Olivier, L’Islam mondialisé, ‘Achûrâ 15, 90 Madrasa 9, 35, 37-39, 43, 46-49,
Points-Seuil, Paris, 2004 (nouvelle Aïd, ‘Îd al-Kabîr 42, 43, 90 68, 83, 85, 86
édition). Anniversaire du Prophète (Mawlid Mausolée, tombeau 9, 35-39,
al-Nabî, mouled) 44, 52, 86, 90 41-52, 58, 64, 70, 71, 73, 86, 87
Solidarités islamiques. Incitations, Hajj (pèlerinage à La Mecque) Mosquée 9, 24, 30, 31, 36-39,
pratiques, représentations, 13, 40-44, 47, 54, 65, 77, 81, 86 42-45, 46-49, 52, 54, 56,
Les Annales de l’autre Islam, n° 4, Halâl 31, 47, 86 57, 73, 83
Inalco, Paris, 1997. Jeûne 13, 31, 81, 83, 90 Tekke : voir Zâwiya
Sourdel Dominique et Janine, Pèlerinages, visites aux saints Zâwiya 35, 44-46, 49, 53, 87
La civilisation de l’islam classique, 42-45, 47, 49, 50-53, 58, 64,
Arthaud, Les grandes civilisations, 70, 73, 86, 87 JIHÂD, JIHADISME
Paris, 1983 (réédition). Piliers de l’islam (obligations 31, 64, 67, 68, 74, 78, 79, 84, 87
cultuelles) 13, 47, 58, 81
Veinstein Gilles, Popovic Alexandre (dir.), Prière (canonique et non
Les voies d’Allah, Fayard, Paris, 1996. canonique), qibla 13, 14, 24, 30,
JUIFS, JUDAÏSME
12, 13, 18, 23, 27, 32, 33, 48, 66,
Zarcone Thierry, La Turquie moderne 31, 36, 37, 39, 42-44, 46, 47, 54,
67, 71, 85, 87
et l’islam, Flammarion, Paris, 2004. 67, 81, 83, 86, 87, 90

94

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 94 18/11/2021 10:46


ORGANISATIONS, Irak 15, 20-23, 25, 32, 33, 39, 45, PROPHÈTE, Réforme, réformisme,
ASSOCIATIONS, 47, 51, 55, 57, 62, 70, 71, 75, FAMILLE DU PROPHÈTE réformistes 9, 44, 47, 52, 64,
78-80, 84 72, 81, 84, 86, 87
MOUVEMENTS Iran 9, 15, 19-25, 32, 36, 37,
‘Alî bin Abî Tâlib, imâm ‘Âlî 14-16,
Salafiyya, salafisme 31, 52,
DE PRÉDICATION 43, 45, 63, 86
45-47, 49-51, 57, 59, 62, 64, 65, Gens de la Maison (Ahl al-Bayt, 54, 74, 78, 79, 87
Frères musulmans : 67, 70-72, 74, 77, 79, 80, 86 Talibans, 47, 80
voir Partis religieux descendants du Prophète) 15,
Israël 19, 20, 22, 23, 32, 33, 64, 44, 45, 49, 70, 87
Gülen (communauté de) 67, 68, 71, 75, 76, 77, 79 VILLES
54, 55, 58 Husayn bin ‘Âlî, imâm Husayn 14,
Liban 15, 19-21, 23, 25, 32, 33, 15, 45, 49, 87, 90 Abu Dhabi 23, 32, 38, 39, 65
Lahore Ahmadiyya Movement for 47, 57, 62, 64, 66, 75-80 Bagdad 13, 16, 17, 33, 40, 41,
the Propagation of Islam Muhammad le Prophète 8, 12-15,
Maghreb, Afrique du Nord 22, 34, 38, 40, 42-45, 47-49, 51, 45, 47, 50, 51, 61, 62, 78
(AAIIL) 54 18, 19, 22, 23, 38, 39, 40, Boukhara 12, 13, 50, 51, 72, 73
Ligue islamique mondiale 52, 54, 58, 61, 67, 68, 83,
64, 65, 67, 79, 87 85-87, 90 Casablanca 38, 39, 56
54-56, 65 Maroc 17- 22, 25, 33, 38, Dakar 53, 55, 56
Nurcu (mouvement) 54 Quraych (tribu) 12-15, 61
39, 44, 45, 50, 51, 56, 57, Damas 12-14, 16, 23, 33, 36, 37,
Organisation de coopération 64, 75, 80, 87 40, 41, 45, 47, 61, 62, 78, 83
islamique (OCI) 56-59, 65-68 Moyen-Orient 34, 64, 65, QUESTIONS
Delhi, New Delhi 16, 17,
Tablîghî Jamâ‘at 54, 58 77, 79, 84 JURIDIQUES 47, 54, 69, 79
World Muslim Congress 56 Nigeria 20-22, 25, 57, 79, 80 Charî‘a 47, 50, 51, 68, 79-81, Djedda 40, 41, 47, 56, 57,
Ouzbékistan 9, 20-22, 25, 50, 51, 83-85 67, 61, 62, 65, 67
PAYS, RÉGIONS, 55, 57, 72, 73, 55, 80 Constitution, loi fondamentale Deoband 47
ENSEMBLES RÉGIONAUX Pakistan 9, 15, 18-22, 24, 25, 32, 15, 29, 60-62, 64, 65, 70, 71, Ispahan 13, 36, 37, 49, 61,
Afghanistan 15, 20, 22, 47, 47, 54, 56, 57, 59, 64, 68, 69, 75, 80, 81 62, 71
57, 78-80 76, 77, 79, 80 Droit 46, 61, 68, 70, 74, 80, 81, Istanbul, Constantinople
Algérie 18, 20-22, 23 (Mzâb), Palestine, territoires palestiniens 85-87 12, 13, 16, 17, 36, 37, 48,
25, 33, 51-53, 57, 60, 64, 75, 7, 9, 20, 57, 61, 62, 67, 68, Faqîh, fiqh 14, 15, 46, 47, 56, 70, 56, 60, 61, 77
80, 81, 84 74, 75, 80 80, 81, 85- 87 Jérusalem 12, 13, 23, 33,
Arabie saoudite 18-23, 25, 32, Russie, URSS 9, 20-22, 26-29, 34, Fatwâ, muftî 47, 74, 85, 87 41, 47, 56, 57, 61, 62, 66,
33, 40-43, 54-57, 59, 62-65, 74, 55, 57, 62, 63, 70, 72, 73, 78, Velâyat-e faqîh (gouvernement 67, 86, 87, 90
79, 80 79, 85 du juriste-théologien) 15, 70 Kaboul 12, 13, 17, 79
Asie centrale 9, 19, 20-22, 24, 25, Sénégal 20-22, 25, 50-53, Kairouan 13, 36, 37
34, 50, 51, 54, 55, 57, 64, 72, 56, 57, 80 SOUFISME, ORDRES, Karbalâ’ 15, 45, 47, 78, 90
73, 79, 80, 81, 83 Syrie 12-14, 16, 20- 23, 25, 31-33, CONFRÉRIES, TARÎQA La Mecque 9, 12, 13, 16, 32,
Balkans 11, 16-18, 25, 28, 29, 34, 36, 37, 39- 41, 45-47, 53, 57, 16, 17, 26, 27, 19, 35, 44, 45, 35-37, 39-44, 47, 49, 51, 55,
51, 55, 57, 60, 61, 79, 83, 86 61, 62, 64, 66, 75, 77-80, 84, 87 47-54, 58, 63, 64, 72-74, 85-87 56, 61, 62, 64, 65, 83, 86, 87
Bosnie-Herzégovine 16, 18, 22, Turkestan 21, 51 (nom de ville), Le Caire 13, 16, 23, 33, 40,
25, 28, 29, 51, 55, 57, 61, 79 61, 72, 73 SOURCES SCRIPTURAIRES 41, 45-49, 56, 61, 62, 74
Cachemire 9, 17, 68, 69, 79 Turquie 9, 19-22, 24, 25, 28, 29, DE L’ISLAM Médine 13, 16, 32, 38, 40-45,
Chine 9, 17, 19, 20-22, 45, 32, 33, 48, 50-52, 54-57, 59, 60, Coran 12-14, 24, 39, 42, 46, 47, 47, 61, 62, 64, 65
68, 69, 83 62-65, 70, 76, 77, 80, 81, 83 50, 54, 58, 64, 65, 67, 80, 82, Médine (première
Égypte 12, 13, 16, 20-23, 25, 32, 84-87, 90 communauté de) 13, 14,
33, 40, 41, 46, 48-52, 56, 57, PARTIS RELIGIEUX Hadîth 14, 46, 47, 54, 80, 85, 86 34, 54, 68, 82, 83, 87, 90
61, 62, 64, 74, 75, 79-81, 84, AKP (Parti de la Justice et du Sunna 14, 47, 58, 64, 82, Qom 45-47, 70, 71, 77
86, 87 Développement) voir Partis 84, 86, 87 Rakka 78
États-Unis 19, 20, 21, 33, 52-55, religieux en Turquie Rayy 45, 70, 71
65, 79, 83 Frères musulmans 58, 74-76,
Europe 9, 13, 16-22, 25, 28, 29,
TENDANCES DE L’ISLAM
78, 87
34, 52-55, 60-61, 79, 83 Front islamique du Salut 79
CONTEMPORAIN
France 7, 11, 18, 20, 21, 29-31, Djadidisme 26, 72, 73, 85
Hamas (Mouvement de la
33, 53, 55 Islamisme, islamistes 52, 54, 68,
Résistance islamique) 67, 75, 78
Golfe persique (arabo-persique) 73-81, 84-86
Hezbollah 76-78
19, 23, 32 Laïcité, laïcs 24, 31, 52, 61-63,
Jamâ‘at-i islâmî voir Partis
Inde 15-17, 19-22, 24, 25, 76, 80, 81
religieux au Pakistan
44, 47, 50, 51, 54, 60, 61, Panislamisme (expressions
Partis religieux au Pakistan
66, 68, 69, 76 politiques de l’unité des
68, 76, 77, 84
Indonésie 17, 20-22, 25, 44, 45, musulmans) 39, 56, 61, 66, 73
Partis religieux en Turquie
55-57, 64, 68, 81, 87 63, 76, 77

95

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 95 18/11/2021 10:46


Derniers titres parus dans la collection « Atlas »

Atlas des immigrations Atlas de l’Océanie Atlas du climat Atlas de l’Europe


en France Fabrice Argounès Face au défi Un continent dans
Sarah Mohamed-Gaillard du réchauffement tous ses états
Pascal Blanchard, Luc Vacher
Hadrien Dubucs François-Marie Bréon Frank Tétart
Yvan Gastaud Gilles Luneau Pierre-Alexandre Mounier

Atlas des frontières Atlas historique Atlas des premières Atlas de la Shoah
Retour des fronts, des États-Unis colonisations La mise à mort
essor des murs Lauric Henneton XVe-début XIXe siècle : des Juifs d’Europe,
des conquistadores 1939-1945
Hugo Billard
Frédéric Encel aux libérateurs Georges Bensoussan
Marcel Dorigny

Atlas des énergies Atlas historique Atlas de la Première Atlas des


mondiales de Rome Guerre mondiale migrations
Vers un monde plus vert ? IXe siècle avant J.-C. La chute des empires européens De nouvelles solidarités
- XXIe siècle à construire
Bernadette Mérenne- Yves Buffetaut
Schoumaker Collectif Catherine Wihtol de Wenden
Bertrand Barré

82-96-Atlas_Islam_ANNEXES_NE2021-Maq2-BAT.indd 96 18/11/2021 10:47


A.-L. Dupont
Cet atlas présente un panorama inédit de l’islam aujourd’hui :

• Plus d’un milliard de musulmans dans le monde : qui sont-ils ?


• Les facteurs d’unité de l’umma, la communauté : rites, lieux
d’étude et de pèlerinage, villes saintes, symboles architecturaux.
• L’islam politique : républiques islamiques, jihad, Frères
musulmans, charî‘a.
• Enfin, un xxie siècle qui débute en révélant des failles
dans les institutions et des inégalités grandissantes.

Les 120 cartes et infographies mises à jour offrent une lecture


indispensable pour renouer avec une vision juste, et apaisée,
de l’islam.

Atlas
Atlas de l’islam

Anne-Laure Dupont est maître de conférences en histoire à Sorbonne Université
et membre du Centre d’histoire du xixe siècle. Elle est spécialiste du monde arabe
et du Moyen-Orient aux xixe et xxe siècles.
Guillaume Balavoine est cartographe indépendant.

de l’islam
Lieux, pratiques et idéologie

Anne-Laure Dupont

En couverture :
Musulmane lisant le Coran le premier jour
du Ramadan dans la mosquée de Istiqlalen
en Indonésie, juin 2016
© Jefta Images / Barcroft Media via Getty
www.autrement.com Images / Barcroft Media via Getty Images TROISIÈME ÉDITION

9782746761117_AtlasDeLIslam_Couv.indd Toutes les pages 18/11/2021 15:42

Vous aimerez peut-être aussi