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Dupont
Cet atlas présente un panorama inédit de l’islam aujourd’hui :
Atlas
Atlas de l’islam
—
Anne-Laure Dupont est maître de conférences en histoire à Sorbonne Université
et membre du Centre d’histoire du xixe siècle. Elle est spécialiste du monde arabe
et du Moyen-Orient aux xixe et xxe siècles.
Guillaume Balavoine est cartographe indépendant.
de l’islam
Lieux, pratiques et idéologie
Anne-Laure Dupont
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du Ramadan dans la mosquée de Istiqlalen
en Indonésie, juin 2016
© Jefta Images / Barcroft Media via Getty
www.autrement.com Images / Barcroft Media via Getty Images TROISIÈME ÉDITION
Cartographe
Guillaume Balavoine co-dirige le service Infographies du Figaro.
Remerciements
Par leurs travaux, leurs idées, leurs conseils, leurs interventions
en séminaires, des conversations informelles, de nombreux amis,
collègues et étudiants ont nourri les trois éditions de cet atlas.
Ils reconnaîtront au fil des pages ce que je leur dois.
Je leur dis ma gratitude, spécialement à Catherine Mayeur-Jaouen
qui m’a rendu si passionnante l’histoire religieuse de l’islam.
Maquette
Création : Vianney Chupin
Conception et réalisation : Edire ; Twapimoa pour cette édition
ISBN : 978-2-7467-6346-3
© Autrement, un département de Flammarion, 2022.
87, quai Panhard et Levassor, 75647 Paris Cedex 13
www.autrement.com
Anne-Laure Dupont
Cartographie : Guillaume Balavoine
TROISIÈME ÉDITION
Éditions Autrement
Collection Atlas/Monde
Sultanat d
ATLAS
Campagne
Routes co
l’islam Sind
Ajmer
Delhi
Bénarès
Présence
Expansion
Ujjain Bhîlsa Bengale
Gujrat Expansion
YADAVA
Orissa
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Dawlatâbâd Deccan
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Corse Géorgie
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Athènes Konya Mossoul
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Ghadamès
Le Caire Suez Koweït lf
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Conquête italienne Pe
Rabigh Protectorat
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Abyar Ali
Médine Djuhfa
1911-1912 britannique
Bahreïn
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Rio de Oro Égypte 1899 e
(Esp.) Dhat Irq Hasa Qatar
Aydhab La Mecque
Occupation militaire
Hedjaz
Qarn al-Manazil britannique depuis 1882 Najd
Djedda Tâ’if Q U A RFezzan
T VIDE Protectorat en décembre 1914
Ghât Riyad
Médine
Yalamlam
Territoires temporairement occupés
Talaba Assouan
par les Ottomans au XVI e siècle
Me
Port Soudan
juhfa Territoires perdus par les Ottomans entre 1699 et 1812
r
au profit Sawakin
de l’Empire des Kunfida Ibl
Habsbourg et de l’Empire russe Djedda La Mecque
Dhat Irq
Territoires ayant échappé à la souveraineté ottomane
M
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entre le début du XIX e siècle et 1913 au profit : Port-Soudan Dhofa
Soudan
ou
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des États balkaniques anglo-égyptien Asir
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Djizan
Ro
1899 Sanaa
‘Arafa de ‘Abd al-‘Azîz Âl Sa‘ûd (Ibn Saoud) en 1911 Sanaa équatoriale Érythrée Hodeïda Ha
Mukalla
Muzdalifa Khartoum Yémen
Territoires demeurant sous française Conquête italienne
Occupation britannique
Yalamlam souveraineté ottomane en 1914 Aryab
Lac Tchad 1882-1890
Aden d'Aden en 1839
Taizz
Limites du Koweït et des sphères d’influence britannique Côte française
mitation du «petit»
35 59
et ottomane en Arabie et dans le golfe Persique n Djibouti
Nigeria de des Somalis
rinage (‘Umra) d’A
(conventions de 1913-1914)
(Royaume-Uni) ABYSSINIE
Aden lfe Somalie brit.
mitation du «grand» Sources : M. Ruthven, Historical Atlas of Islam, Harvard University Go
rinage (Hajj) Press,Cambridge, 2004 et S. Zeghidour, La vie quotidienne à
La Mecque de Mahomet à nos jours, Paris, Hachette, 1989. 200 km
N
ous avons pris le parti de transcrire
les caractères arabes selon l’usage
scientifique simplifié des arabisants,
en faisant en sorte que la lecture des
non-spécialistes ne soit pas gênée.
À l’usage qui consiste à dédoubler
certaines voyelles pour transcrire une consonne sans
équivalent dans l’alphabet latin, nous avons préféré
le signe « ‘ » (apostrophe inversée). Ainsi avons-nous
écrit « Ka‘ba » au lieu de « Kaaba ».
Les diphtongues sont rendues par les lettres « ay » plutôt
que « ei » : Husayn, par exemple, plutôt que Hussein.
Le caractère arabe transcrit par « s » se prononce tou-
jours comme dans « atlas », même entre deux voyelles.
Les voyelles brèves arabes sont transcrites par les lettres
« a », « i » et « u » (à prononcer entre « o » et « ou ») ; les
voyelles longues sont marquées par des accents circon-
flexes (â, î, û) – y compris dans des mots pourtant
passés en français comme « imam », que nous écrivons
ainsi « imâm ».
Nous nous en sommes néanmoins tenus à l’usage cou-
rant pour les noms propres très connus (Bagdad,
Nasser, Hezbollah) et pour certains noms communs qui
figurent dans le dictionnaire français (cheikh, ouléma).
Parfois, nous avons opté pour une position de compro-
mis : cheikh Zâyed plutôt que Zayed (nom francisé) ou
Zâyid (transcription scientifique simplifiée en usage
dans cet ouvrage mais possiblement déroutante). Dans
les mots et noms turcs, nous avons rendu certains
caractères accessibles aux lecteurs français.
Un atlas historique
de l’islam
contemporain
L
tion massive d’individus musulmans. L’appartenance
religieuse, pourtant, est tout à fait étrangère à la migra-
a cartographie des religions est, en géné- tion. C’est ainsi que notre double page sur la transplan-
ral, une entreprise difficile. « Le fait reli- tation de l’islam relève plus d’un atlas des migrations
gieux se prête à la description, à l’explica- que d’un atlas de l’islam à proprement parler. Elle nous
tion, à l’interprétation, mais fort mal à la a néanmoins paru nécessaire. Dans le même ordre
quantification », écrivait Brigitte Dumortier d’idée, fallait-il faire figurer la question de Palestine,
dans l’Atlas des religions (Autrement, dont les fondements n’ont pas grand-chose de reli-
Paris, 2002). Pour des raisons politiques et idéolo- gieux, dans un atlas de l’islam ? Nous avons répondu
giques, les statistiques sont toujours sujettes à caution, par l’affirmative dans la mesure où celle-ci est devenue,
majorées par les organismes religieux, minorées par dès les années 1930, une cause mobilisatrice pour les
les États. Tous les pays ne recensent pas non plus la musulmans du monde entier. Ici encore, il faut assumer
religion de leurs habitants. Deuxième difficulté métho- une certaine incertitude méthodologique et mettre en
dologique, également évoquée par Brigitte Dumortier : garde le lecteur, en l’invitant à une interprétation pru-
« Quel niveau d’appartenance religieuse cartogra- dente et critique de ce qui lui est proposé.
phier ? » Le monde compte aujourd’hui environ deux
milliards de musulmans. Certes… Mais quelle signifi- AJOUTONS QUE, TOUTE PÉDAGOGIQUE QU’ELLE
cation donner à ce chiffre ? Dans ces deux milliards PUISSE PARAÎTRE, LA REPRÉSENTATION GRA-
d’individus, il y a des croyants, des non-croyants, des PHIQUE DES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX n’a souvent
agnostiques, des pratiquants réguliers ou irréguliers, rien de neutre et alimente confusions, erreurs et vi-
des non-pratiquants. D’aucuns se revendiquent musul- sions anhistoriques du passé. Deux exemples. Nous
mans, d’autres non. Et il y a les athées, dont certains connaissons tous cette carte, généralement pleine de
NI « MONDE MUSULMAN » DONC, ENCORE MOINS DANS CE CADRE GLOBAL, NOUS NE PRÉTENDONS
DE « MONDE ARABO-MUSULMAN ». Nous avons tou- GUÈRE À L’EXHAUSTIVITÉ. Nous avons procédé par
jours pensé cet ouvrage comme un atlas de la religion « zooms », par illustrations des thèmes annoncés en tête
islamique. Pour en donner une vision à la fois rapide et, des doubles pages. Nous avons opéré nos choix en fonc-
si possible, juste, nous avons cherché à représenter ce tion de ce qui faisait sens pour la majorité des musul-
qu’elle était aujourd’hui, en nous plaçant dans la pers- mans, de l’actualité, du hasard de nos lectures, de nos
pective historique qui correspond à notre savoir et à notre compétences surtout. L’auteur de ces lignes n’est ni spé-
formation. L’atlas répond à trois questions : où y a-t-il des cialiste de la religion islamique, ni même d’histoire reli-
gens de religion musulmane ? Quels sont les hauts lieux gieuse, mais d’histoire culturelle et intellectuelle de
de l’islam ? Quelles relations religion et politique entre- mondes (arabe essentiellement) où l’islam est la religion
tiennent-elles dans les pays de tradition musulmane ? majoritaire, et elle a quelque connaissance des idéaux et
La première partie montre ainsi où vivent les musulmans des pratiques de ce qu’on appellera, faute de mieux, le
et comment s’explique leur présence dans telle région ou « réformisme musulman ». Par-delà les manques, notre
sur tel continent. La deuxième partie visite les institutions espoir est de donner des points de repère et d’apporter
et les lieux où se vit l’islam : mosquées, sanctuaire de un regard serein sur l’islam qui est, avant tout, une des
La Mecque, mausolées et centres de pèlerinage, madrasas, grandes aventures spirituelles de l’humanité.
1111
Les origines
Prêché en Arabie par le prophète Muhammad entre 610 et 632 après J.-C., l’islam est
une attitude de soumission à un dieu unique, transcendant et miséricordieux, qui s’exprime
à travers une pratique exigeante et un effort constant de perfectionnement moral en vue
du salut dans l’au-delà. Selon le Coran, il ne s’agit pas d’une nouvelle expression
du monothéisme mais de la religion d’Abraham rétablie dans sa pureté : l’islam clôt
la révélation déjà reçue par les juifs et les chrétiens. Messager de Dieu, Muhammad fut aussi
le fondateur d’un État qui connut une expansion rapide et assura le succès de sa prédication.
L’ARABIE PRÉISLAMIQUE oasis du Hedjaz, des palmeraies et des éléments naturels telle la Pierre noire de
À la fin du VI e siècle, alors que ses cités caravanières comme La Mecque, La Mecque. Cette météorite était abritée
royaumes méridionaux avaient décliné, connaissaient une relative prospé- dans un temple cubique, la Ka‘ba, gardé
la péninsule Arabique était soumise rité. La population s’organisait en tri- par la tribu des Quraych. Une hiérarchie
aux influences perse, byzantine et bus tout à la fois rivales et unies par tendait néanmoins à s’instaurer entre
éthiopienne. Cette région désertique une langue élaborée et le sentiment un dieu supérieur et des divinités à son
et inhospitalière était le domaine des d’une origine commune. Les Arabes service. Christianisme et judaïsme étaient
pasteurs nomades. Seules quelques étaient polythéistes et vénéraient des connus. Les tribus des Ghassanides et
Alains
Tolède Corse Mer Noire Boukhara Samarcande
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ILLYRICUM IBÉRIE
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MAURITANIE Carthage Athènes MINEURE KHORASAN
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Tripoli Damas Suse
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Persépolis SIND
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Empire perse des Sassanides Alexandrie Gaza Tamîn MAKRÂN
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Ayla Bakr
Empire romain d’Orient (Empire byzantin) Tayyi’ Pe
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ÉGYPTE rsi
HEDJAZ que Suhâr
Royaume des Wisigoths Khaybar Hanîfa Azd
Khuzâ‘a Qays
Royaume des Lombards Bérénice NAJD
Syène Yathrib Kinda
Royaume des Francs
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La Mecque
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Ravenne Khazars
Tolède (712) Corse Mer Noire Samarcande
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Bulgares Boukhara
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Cordoue Rome IBÉRIE
Tiflis (709) (712)
Jerez de la
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Orihuela (756) Sardaigne Naples Constantinople Sinope (655)
Merv (651) Balkh
Frontera
en
(711) Ceuta (699) Nicée ARMÉNIE
Kaboul
ne
Carthage
Sicile Nîchâpûr
Fès (695) Tunis Athènes Césarée Mossoul
Tahuda TABARISTAN KHORASAN
(641)
(683) Syracuse Antioche (636) Hamadhân
Agadir Kairouan Multân
Crète Chypre IRAK Nihâwand (642) (712 )
IFRÎQIYYA S Y R I E Bagdad
Mer Méditerranée (649)
Tripoli Damas (635) Ispahan (643)
Al-Madâ’in
(647) Barqah Yarmouk (636) Al-Qâdisiyya PERSE
Ghadamès (644) (636)
Kûfa SIND
TRIPOLITAINE Alexandrie Jérusalem (638)
Basra Istakhr (649) MAKRÂN
(642)
Go
Expansion de l’Empire musulman... Fustât
Ayla (Bassora)
Pe Daybul
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(Le Caire) rsi (711)
à la mort de Muhammad (632) que
Suhâr
A
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D
sous le califat d’Abû Bakr (632-634) OMAN
JA
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Médine A
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Assouan B
sous le califat de ‘Umar (634-644)
I E
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La Mecque
sous les califats de ‘Uthmân et ‘Alî (644-661) (630)
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NUBIE
sous la dynastie des Umayyades (661-750)
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Zone neutre entre l’Empire romain d’Orient Méroé MA
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Sanaa RA
et l’Empire musulman (688-965) YÉMEN HA
D
Socotra
Aksoum
Empire romain d’Orient (Empire byzantin) Aden
Éthiopiens
Royaume wisigoth de Todmir Villes fondées pendant la conquête OCÉAN INDIEN
Royaume des Lombards Villes fondées dans la seconde moitié du VIII e siècle
Royaume des Francs Lieux de batailles 600 km
des Lakhmides, émigrées en Syrie et en de « réciter » la parole divine – en arabe dérable dans les décennies suivantes ne
Mésopotamie où elles avaient fondé de qara’a, d’où vient le mot al-Qur’ân, le cesse d’intriguer. Ses causes sont à cher-
petits royaumes vassaux des Byzantins Coran, « la Récitation ». Commença alors cher dans l’affaiblissement des Empires
et des Sassanides, adhéraient au christia- une prédication, destinée à la fois aux byzantin et sassanide, la foi et la bravoure
nisme monophysite et nestorien. Dans la polythéistes, aux juifs et aux chrétiens, des conquérants arabes, la réponse
péninsule même, des groupes de chré- qui condamnait les idoles et proclamait apportée par l’islam à l’inquiétude reli-
tiens et de juifs influençaient le dévelop- l’unicité absolue de Dieu. En 622, devant gieuse qu’avaient exprimée les débats
pement d’un monothéisme non encore l’hostilité des Mecquois dont les intérêts sur la nature du Christ dans les Églises
organisé. économiques et la culture étaient mena- d’Orient.
... cés, Muhammad dut se réfugier à Yathrib,
la future Médine. De ce moment datent
la transformation du message en une
Verbatim religion élaborée et la naissance d’une
communauté organisée pour la défense
LES CINQ PILIERS DE L’ISLAM
« Voici les versets du Coran, et la propagation de la nouvelle foi. Son
Chahâda
d’un livre clair ; c’est une dogme central est l’unicité divine. Il est Profession de foi
direction et une bonne nouvelle résumé dans la formule de la chahâda :
pour les croyants qui s’acquittent « J’atteste qu’il n’y a d’autre dieu que le Hajj
de la prière, qui font l’aumône Dieu et que Muhammad est l’Envoyé de Zakât Pèlerinage
tandis qu’ils croient fermement Dieu » – une formule très assonancée en Aumône à La Mecque
à la vie future. » arabe dont la traduction ne rend compte
Coran, XXVII, 1-3. ni de la force ni de la musicalité.
...
DU MESSAGE À L’EMPIRE
Salât Sawm
LA PRÉDICATION DE MUHAMMAD Le Prophète se fit aussi chef politique et
Cinq prières Jeûne du mois
Muhammad, un caravanier illettré né mena une guerre contre les Mecquois, quotidiennes de ramadan
vers 570 dans la puissante tribu des victorieuse en 630. À sa mort, en 632, un
Quraych, eut à l’âge de quarante ans la État musulman avait déjà commencé à Les cinq piliers sont
vision de l’ange Gabriel qui lui ordonna unifier la péninsule. Son expansion consi- les obligations rituelles des musulmans.
13
La « grande discorde »
Le Prophète n’avait pas désigné de successeur (khalîfa en arabe, d’où le français « calife »). Aussi
la communauté musulmane primitive se déchira-t-elle après sa mort en un conflit qui culmina entre 656
et 661 et reste connu sous le nom de « grande discorde » (al-fitna al-kubrâ). C’est dans cette période que
se formèrent les partis à l’origine des groupes sunnites, chiites et kharidjites. Initialement séparés par
la question politique du califat, ceux-ci développèrent des particularités théologiques et juridiques. L’islam
se constitua ainsi en trois grandes branches qui ne cessèrent elles-mêmes de se ramifier au long des siècles.
DES GUERRES DE SUCCESSION [de la communauté] ». Ayant éclaté en mul- des docteurs de la Loi, le raisonnement par
À L’ORIGINE DES BRANCHES tiples courants, ils subsisteraient à travers analogie avec un cas antérieur et l’inter-
DE L’ISLAM les ibadites, bien que ceux-ci se voient plus prétation personnelle du juriste en fonc-
Les successeurs du Prophète furent choisis volontiers aujourd’hui comme la cinquième tion, par exemple, de l’intérêt (maslaha)
dans la tribu de Quraych mais pas néces- école juridique sunnite (madhhab). En 661, de la communauté musulmane. Le degré
sairement dans son propre clan, ce qui après le meurtre de ‘Alî par un kharidjite, d’appréciation de ces différentes sources
provoqua les plus graves dissensions. Après Mu‘âwiyya fut reconnu comme calife par explique l’existence de quatre écoles ou
la mort de Muhammad, la communauté l’immense majorité des musulmans. Avec rites juridiques (madhhab-s) qui portent
de Médine élut Abû Bakr (632-634), puis lui, le califat devint héréditaire. Il est le fon- chacune le nom de leur fondateur, les
‘Umar (634-644) et ‘Uthmân, dont l’assassi- dateur de la dynastie umayyade qui régna juristes théologiens Abû Hanîfa (699-767),
nat, en 656, ouvrit une ère de guerres entre à Damas jusqu’en 750, avant d’être supplan- Mâlik bin Anas (711-796), Al-Châfi‘î (767-
musulmans. Le clan umayyade auquel il tée par les Abbassides. 820) et Ahmad bin Hanbal (780-855). Leurs
appartenait contesta d’emblée le nouveau ... divergences concrètes portent sur les ques-
calife, ‘Alî, cousin et gendre du Prophète, tions de propriété, de mariage et de succes-
et se mobilisa derrière Mu‘âwiyya, le puis- sion, et sur les pratiques cultuelles (interdits
sant gouverneur de la Syrie. Après s’être SUNNISME ET CHIISME alimentaires, rituel de la prière). Si le sun-
vainement affrontés à Siffîn sur le moyen Au IXe siècle, apparut le nom de « sunnites » nisme devint majoritaire, ‘Alî n’en conserva
Euphrate en 657, les deux camps recouru- c’est-à-dire ceux qui adhèrent à la tradition pas moins des partisans, chî‘a, terme fran-
rent à un arbitrage qui se révéla défavora- (sunna), à la norme fixée par les dires et la cisé en « chiites ». Pour ceux-ci, les succes-
ble à ‘Alî. Mécontents, des partisans de ce pratique du Prophète (hadîth). L’heure était seurs légitimes de Muhammad étaient
dernier firent sécession en défendant le à la fixation du droit musulman (fiqh), dont ses seuls descendants, auxquels ils attri-
principe d’un pouvoir collégial et électif : on la sunna, avec le Coran, constituait la prin- buèrent une fonction de guide politique
les appela les kharidjites, « ceux qui sortent cipale source, les autres étant le consensus et spirituel (imâm). Le martyre de Husayn,
Source : S. Mervin, Histoire de l’Islam. Doctrines et fondements, Flammarion, Paris, 2000. * Adeptes de la vérité
14
La diffusion de l’islam
Au milieu du VIIIe siècle, la première phase d’expansion du territoire de l’islam était achevée.
Celui-ci se consolida au cours des siècles suivants grâce à la fusion des conquérants
et des peuples soumis et à la synthèse qui s’opéra entre la nouvelle religion et les cultures
locales. Dans le même temps, le domaine de l’islam continua à s’étendre en Europe,
en Asie et en Afrique, par suite de nouvelles conquêtes ou le long des routes commerciales.
La prédication et l’exemple des mystiques musulmans jouèrent partout un grand rôle
dans l’enracinement populaire du message.
UNE ISLAMISATION d’un pouvoir musulman et le moment où s’observe dans le sous-continent indien, où
LENTE ET INÉGALE l’islam devint la religion majoritaire. Dans les une longue domination politique musul-
Très difficile à établir, le rythme de l’islami- Balkans ottomans, les conversions ne furent mane (sultanat de Delhi, Empire moghol)
sation fut en tout cas beaucoup plus lent jamais massives, sauf parmi les Slaves de n’entraîna qu’une islamisation partielle de
que celui de la conquête. Plusieurs siècles Bosnie et les Albanais et, plus localement, la population, et inégale selon les régions.
s’écoulèrent souvent entre l’avènement en Bulgarie. Un phénomène comparable ...
POLOGNE
L’EXPANSION OTTOMANE Sièges de Vienne Podolie
1672
DU XIVE AU XVIIE SIÈCLE 1529 et 1683
Moldavie Khanat tatar
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AUTRICHE
Hongrie Transylvanie de Crimée
1526 M
1526 Crimée er
Valachie 1475 C
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Andrinople Constantinople
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1361 1453
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Brousse Ankara
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1517 Hedjaz
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Expansion ottomane
(conquêtes et territoires vassalisés)
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16
Dawlatâbâd Deccan
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ra Palembang Mer de Java
Cirebon 1 Tuban Timor
O C É A N I N D I E N Gresik
Banten 2 Trowulan
3
Java Majapahit
500 km 1. Demak 2. Mataram 3. Pajang
L’EXPANSION TERRITORIALE À la même époque, marchands et mysti- califat abbasside de Bagdad (1258). Mais
DE L’ISLAM ques avaient déjà donné naissance à des les Mongols finirent par embrasser l’islam
La deuxième phase d’expansion territo- communautés musulmanes au sud du et le diffusèrent jusque dans le bassin de
riale commença vers le XIe siècle. Liée aux Sahara et le long des côtes africaines et la Volga. Au XIVe siècle, le lettré arabe Ibn
conquêtes turques et mongoles, elle doit asiatiques de l’océan Indien. L’islam était Battûta pouvait se rassurer : malgré les
aussi beaucoup à l’apostolat des ordres aussi présent au nord de l’île de Sumatra. vicissitudes politiques, l’islam était présent
mystiques qui se structuraient simulta- De là, il devait gagner Malacca, fondée en du Maroc à la Chine et des steppes d’Asie
nément. En Asie Mineure, la puissance 1403, puis se diffuser dans la péninsule à l’océan Indien. Une civilisation originale
byzantine et le christianisme commen- malaise et l’archipel indonésien, le long était née.
cèrent à reculer après la victoire des des voies commerciales entre l’Inde et
Turcs seldjoukides à Mantzikert (1071) les Moluques. L’instauration de pouvoirs
et la fondation du sultanat de Roum. Au musulmans contribua ensuite à son enra-
déclin de ce dernier (fin du XIIIe siècle), cinement au XVIe siècle.
émergea la maison d’Osman, qui se bâtit
un empire dans les Balkans et s’empara
L’irruption des Turcs seldjoukides dans
le monde musulman avait fait réagir
Verbatim
de Constantinople (1453), avant de se la chrétienté franque. Les croisés et les
tourner vers l’Afrique et le Proche-Orient États qu’ils fondèrent au Proche-Orient « Lorsque j’étais au milieu
musulmans. Venus de Ghazni et de Ghor, (XIIe-XIIIe siècles) menacèrent un temps des musulmans, fût-ce
d’autres Turcs musulmans entreprirent la le territoire de l’islam, mais échouèrent à aussi loin qu’en Chine,
conquête de l’Inde continentale à par- l’entamer. La reconquête chrétienne fut en je me trouvais en famille. »
tir du XIe siècle. Fondée en 1193, Delhi revanche durable en Sicile et en Espagne Ibn Battûta (1304-v.1377).
devint bientôt le siège d’un sultanat où elle s’acheva en 1492. Au XIIIe siècle,
qui, à son apogée (première moitié du un autre danger pour les populations et
XIVe siècle), contrôlait presque tout le les pouvoirs musulmans en Asie vint des
sous-continent. conquérants mongols, destructeurs du
17
L’islam transplanté
Du fait de migrations d’ampleur mondiale au XXe siècle, des communautés musulmanes
se développent sur tous les continents. Les migrants, certes, ne sont jamais comptabilisés
en fonction de leur confession et il est rare que celle-ci ait directement à voir avec la migration.
C’est de fait que de nombreux migrants, originaires d’Afrique, d’Asie, de Turquie, ont quitté
des pays où l’islam imprègne la culture collective et relève de « l’évidence sociale » (O. Roy),
pour d’autres où ils sont, et resteront durablement, en situation de minorité religieuse.
PHÉNOMÈNES MIGRATOIRES est européen (Albanais, Bosniaques) sont expérience partagée de la colonisation,
DES ANNÉES 1950 À AUJOURD’HUI de tradition musulmane. puis de l’immigration en trois phases dans
La présence récente d’un grand nombre Parallèlement au phénomène de trans- l’ancienne métropole : dans la première
de musulmans dans des pays où l’islam plantation de populations musulmanes, il moitié du XXe siècle, entrée régulière de
n’était pas de tradition est à replacer dans convient de relever l’attractivité des pays travailleurs algériens ; des années 1950 à
le contexte des flux migratoires entre producteurs de pétrole, comme les États 1970, afflux massif de travailleurs maro-
pays du Sud et pays industrialisés depuis de la péninsule Arabique et naguère la cains et tunisiens ; à partir de 1974, fin de
les années 1950. Libye. Ceci n’est pas sans incidence, non l’immigration de travail et regroupement
Le phénomène est aussi un héritage plus, sur les évolutions de l’islam contem- familial. Les immigrés des pays musul-
des empires coloniaux, ce que reflète la porain. De la sorte, bien ou mal perçue par
destination préférentielle des migrants : la main-d’œuvre immigrée, l’influence de
Indiens, Pakistanais et Bangladais en
Grande-Bretagne, Africains de l’Ouest
l’Arabie saoudite et de la doctrine wahha-
bite qu’elle véhicule en sort renforcée. Verbatim
et du Nord en France ou dans des pays ... « Dire que l’islam est
transplanté signifie que les
francophones (Belgique)… Les émigrants
turcs, quant à eux, privilégient largement
musulmans vivant en Europe
et en France n’y ont pas
l’Allemagne, avec laquelle leur pays noua LA FRANCE, PAYS D’IMMIGRATION simplement déplacé leur
des liens étroits à la fin du XIXe siècle. DE MAGHRÉBINS MUSULMANS religion, mais cherchent
Depuis les années 1980, les flux se diversi- « Maghreb » est le nom arabe des pays à la vivre dans un contexte
fient et les migrations régionales prennent du Couchant, en particulier du Maroc. entièrement nouveau. »
de l’ampleur, par exemple entre l’Europe En France, ce qui réunit Marocains, Algé- Projet n° 231.
orientale et balkanique, et l’Europe occi- riens et Tunisiens sous la dénomination
dentale. Beaucoup de migrants du sud- de « Maghrébins », c’est, outre l’islam, une
18
États- 150
Amérique du Sud,
États-Unis, Iran
Japon
AMÉRIQUE Amérique du Nord Îles du
DU NORD Canada Pacifique
États- Russie
Unis
Japon
Chine
Kazakhstan ASIE DU
Estonie ASIE Kighizistan
Brunei SUD-EST
Lettonie CENTRALE
Venezuela Suisse Malaisie
UE
SOUS- Australie
Singapour
MONDE CONTINENT
LATINO ET MAGHREB Israël INDIEN
Pérou CARAÏBE Arabie et
Libye pays du Golfe Nouvelle-
Bolivie Zélande
Mali
Projection J. Bertin, 1953.
Éthiopie Europe,
Côte d’Ivoire
Argentine ex-Yougoslavie
Rwanda
AFRIQUE
DE L’OUEST Gabon
Grandes zones d’émigration économique
19
Données démographiques
et économiques
La répartition actuelle des musulmans, ou des individus de culture musulmane, est le reflet des évolutions décrites
précédemment. Resté de loin la religion dominante dans ses premiers foyers du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, l’islam
est fortement implanté en Afrique subsaharienne et en Asie centrale. C’est dans les pays très densément peuplés d’Asie
du Sud-Est que ses effectifs sont les plus considérables, malgré un poids relatif assez faible à l’échelle régionale. Phénomène
plus récent, presque tous les pays d’Europe et d’Amérique du Nord abritent désormais des communautés musulmanes.
1. Bosnie-Herzégovine Mozambique
2. Serbie
3. Monténégro Zimbabwe Maurice
Madagascar
4. Kosovo
5. Bulgarie Australie
6. Albanie
7. Macédoine
8. Chypre (dont République
turque de Chypre du Nord) Afrique du Sud
9. Israël
10. Territoires palestiniens
11. Jordanie
12. Émirats arabes unis
13. Ouzbékistan
14. Burkina Faso
Source : Pew Research Center,The Future of World Religions : Population Growth Projections, 2010-2050,
2015 (projections établies sur la base d’estimations de la population musulmane par pays en 2010).
20
21
LA RÉPARTITION DES ÉCOLES Afrique noire et au Maghreb, le cha- turques exercèrent longtemps le pou-
JURIDIQUES SUNNITES fiisme au Proche-Orient, en Afrique et voir (Égypte, Tunisie…). Le wahhabisme,
Si la coexistence de plusieurs écoles juri- en Arabie orientales, ainsi qu’en Asie héritier de la tradition hanbalite, n’est
diques n’est pas rare, en Égypte notam- du Sud-Est. École des mondes turc et majoritaire qu’en Arabie saoudite et au
ment, quelques grands ensembles se indien, le hanafisme est aussi présent Qatar.
dessinent : le malikisme domine en dans le monde arabe où des dynasties ...
LES CONFESSIONS ET LES ÉCOLES JURIDIQUES MUSULMANES RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE
FÉDÉRATION Ibadisme : Sunnisme : Chiisme :
DE RUSSIE
malikite duodécimain
chafiite ismaélien
hanafite alaouite
hanbalite druze d
(wahhabite)
KAZAKHSTAN
alévî
MONGOLIE zaydite
1 2
3 BULGARIE OUZBÉKISTAN KIRGHIZSTAN
ALBANIE 4 5
TURKMÉNISTAN
GRÈCE TURQUIE TADJIKISTAN
CHINE
TUNISIE
CHYPRE 6 dSYRIE AFGHANISTAN
IRAK IRAN
MAROC 7
8
ALGÉRIE 9
PAKISTAN
LIBYE 10
Sahara ÉGYPTE QATAR INDE
occ. ARABIE BANGLADESH
É.A.U.
SAOUDITE
OMAN MYANMAR
MAURITANIE (BIRMANIE)
MALI
NIGER TCHAD SOUDAN
SÉNÉGAL ÉRYTHRÉE YÉMEN THAÏLANDE
11 BURKINA FASO PHILIPPINES
12 GUINÉE DJIBOUTI
15
13 GHANA NIGERIA SOUDAN ÉTHIOPIE SRI LANKA
RÉP.
14 BRUNEI
LIBERIA CÔTE CENTRAFRICAINE DU SUD
D’IVOIRE MALAISIE
CAMEROUN
OUGANDA SOMALIE EN % DE LA POPULATION
KENYA MUSULMANE MONDIALE
1. Bosnie-Herzégovine RWANDA
2. Serbie RÉP. DÉM. BURUNDI 3,5 % Autres chiites* INDONÉSIE
3. Kosovo DU CONGO
Chiites 0,7 % Ibadites
TANZANIE
4. Macédoine duodécimains
5. Azerbaïdjan MALAWI
6. Liban 8,4 %
7. Israël MOZAMBIQUE
8. Jordanie
9. Koweït
10. Bahreïn 87,4 % Sunnites
11. Gambie (toutes écoles
12. Guinée-Bissau confondues)
13. Sierra Leone
14. Togo 1 000 km
15. Bénin
D’après S. Couprie - LÉPAC, Atlas de l’islam, in Histoire et Patrimoine n° 9, Milan Presse, Toulouse, 2004. *Zaydites, ismaéliens et «extrémistes»
22
Source :
wahhabites y côtoient les adeptes des
principales branches du chiisme : chiites Bandar ‘Abbâs
Persique
duodécimains (Iran, Irak, Bahreïn) ; ibadites
’Ormuz
soit, au total, trois millions de personnes it d
Damman BAHREÏN ro
ARABIE ét
qui ont pour principal foyer le sultanat Manama O.
D
SAOUDITE
d’Oman – les autres vivant au Maghreb
(au Jabal Nafûsa, sur l’île de Djerba et au Doha Dubaï
Mzâb) ; zaydites des hautes terres yémé- QATAR
nites enfin, dont les imâms fondèrent Abu Dhabi
Riyad
l’État actuel du Yémen après la Première
Guerre mondiale. La carte montre que les ÉMIRATS ARABES UNIS OMAN
Sunnisme : Chiisme : Ibadisme :
divisions confessionnelles ne coïncident
wahhabite duodécimain Autres religions
pas avec les divisions ethniques et natio-
malikite, chafiite et hanafite Les régions désertiques apparaissent en blanc
nales, qu’il n’y a pas les Arabes sunnites 75 km
d’un côté, les Iraniens chiites de l’autre.
Les très nombreux immigrés non musul-
mans récents – sans parler des anciennes RÉPARTITION DES DRUZES TURQUIE
Idlib
Beyrouth 1. Aley
MATN
1 2. Ba‘qlîn
2 3. Rachâyâ
CHOUF Damas DAMAS ET SA GHOUTA
3
LES DRUZES : Hâsbayâ Jaramânâ
COMMUNAUTÉ ET TERRITOIRES WÂDÎ AL-TAYM IRAK
Les druzes doivent leur nom au prédica- JABAL AL-CHAYKH (MONT HERMON)
GALILÉE GOLAN
teur al-Darazî mais le fondateur de leur Haïfa
Yarkâ
OCCUPÉ
Répartition des druzes
religion, née entre 1017 et 1020 d’une au Proche-Orient
Suwayda (années 1990)
scission de l’ismaélisme et de l’affirmation Dâliyat al-Karmil CARMEL (Soueida) en milliers d’habitants
de la divinité du calife fatimide du Caire (Daliyat Carmel) Mafraq JABAL AL-‘ARAB 300
(DJEBEL DRUZE) 250
al-Hâkim (r. 996-1021), s’appelle Hamza. RÉGION
Persécutée en Égypte, la communauté sur- Tel-Aviv D’AMMAN
Zarqâ’ (Zarka)
vécut à l’abri des montagnes de Syrie et du 75
Amman
Liban, protégeant son identité par le refus Jérusalem Azraq
15
de tout prosélytisme, la croyance en la ISRAËL AZRAQ AL-DURÛZ 5
migration des âmes de druze à druze, une (90 000 druzes) JORDANIE
(15 000 druzes) 50 km Jabal (djebel) : mont, montagne
forte endogamie, une religion nettement
démarquée du sunnisme et du chiisme
et gardée secrète par des membres initiés, Atrach en Syrie), la caractérisa aussi long- le Jabal al-‘Arab (la montagne des Arabes),
appelés les « sages ». temps. Sur le plan spatial, elle est éclatée appellation officielle récente d’une région
La domination sociale de quelques en plusieurs foyers qui sont aujourd’hui également connue sous le nom de Djebel
grandes familles, détentrices de la terre et répartis entre Liban, Syrie, Jordanie et Israël. druze (la montagne des druzes, où ces der-
impliquées dans la vie politique des États Les plus importants numériquement sont niers constituent 90 % de la population et
modernes (Arslân et Junblât au Liban, al- la montagne libanaise (Chouf et Matn) et qui a Suwayda pour centre).
23
TUNISIE
CHYPRE 6 SYRIE AFGHANISTAN
IRAK IRAN
MAROC
7
ALGÉRIE 8 PAKISTAN
LIBYE 9
Sahara ÉGYPTE QATAR
occ. ARABIE
SAOUDITE É.A.U. INDE BANGLADESH
OMAN
MAURITANIE MALI
NIGER TCHAD
SÉNÉGAL SOUDAN ÉRYTHRÉE YÉMEN
10 BURKINA FASO
11 GUINÉE DJIBOUTI PHILIPPINES
14
12 GHANA NIGERIA SOUDAN ÉTHIOPIE
RÉP.
CÔTE 13 DU SUD BRUNEI
LIBERIA CENTRAFRICAINE
D’IVOIRE CAMEROUN MALAISIE
SOMALIE
15 OUGANDA
KENYA
GABON
RÉP. DÉM. 16
DU CONGO 17 INDONÉSIE
TANZANIE
ANGOLA MALAWI
ZAMBIE
MOZAMBIQUE
1 000 km
D’après L’Atlas des religions dans le monde, sous la direction de N. Smart, Könemann, Cologne, 2000.
40 38,8
PAKISTAN
14,7
30
(7,1 %)
INDE
20 18,2
50,8 millions
de locuteurs 14,6
(4,2 % de 12,2
la pop. du pays)
10
7,1
3
2,4 2,5
1,2
0
Sources : Recensements Pakistan 2017 ; Inde 2011 Pendjabi Pachto Sindhi Saraiki Urdu Baloutchi Hindko Brahvi Autres
25
25 % 36 %
Zone où
3%
les Russes 7% 29 %
Perm
sont majoritaires
28 % 62 %
Républiques
autonomes 6% 3%
de Russie
44 % RÉP. D’OUDMOURTIE
Vo lga
47 %
Peuples turcophones Ijevsk
RÉP. DES MARIS
Kama
Bachkirs
Nijni Novgorod Iochkar-Ola
Kazakhs
5%
Tcheboksary
Tatars 27 % Kazan
Tchouvaches 68 %
Naberejnyie-
RÉP. DE Tchelny
Peuples de langues TCHOUVACHIE
finno-ougriennes RÉP. DU TATARSTAN Oufa
Maris
RÉP. DE
Mordves Simbirsk RÉP. DU BACHKORTOSTAN
MORDOVIE Saransk
Oudmourtes
Magnitogorsk
Russes Toliatti
Samara
Autres Penza
lg a
et répartition par 7%
nationalité déclarée 5% 1%
dans les républiques 40 % 53 % Orenbourg
(en %)* 53 %
* Recensement de 2010
4 000 40 % Ou
ral
2 000
1 000
500 KAZAKHSTAN 100 km
RUSSIE
Sources : cartothèque de l'université du Texas et
Rosstat (www.gks.ru/free_doc/new_site/perepis2010/croc/perepis_itogi1612.htm).
L’ISLAM TATAR nationalité – mordve par exemple – tout tion). Comme les Bachkirs et les Kazakhs,
La Fédération de Russie abrite de nom- en ayant une autre langue maternelle ils sont de langue turque et de religion
breuses nationalités non russes qui que le mordve, notamment le russe. musulmane sunnite. Un tiers vit au
vivent dans des Républiques autonomes. Les Tatars forment la première de ces Tatarstan, les autres au Bachkortostan
Nationalité et langue ne se recouvrent nationalités non russes (5,3 millions voisin et ailleurs en Russie, et un mil-
pas complètement. On peut déclarer une recensés en 2010, 3,9 % de la popula- lion sont disséminés en Asie centrale.
26
Maïkop KAZAKHSTAN
FÉDÉRATION
RÉP. DES DE RUSSIE
ADYGHÉENS Tcherkessk
OSSÉTIE DU SUD
Derbent
Tskhinvali
Mer Noire Koutaïssi
GÉORGIE Tbilissi
ADJARIE
Batoumi
27
ISLAM ET IDENTITÉ NATIONALE gues maternelles variées. Les musulmans musulmans fut tributaire de la création des
DANS LES BALKANS slavophones les plus nombreux sont de États-Nations post-ottomans où ils étaient
La religion contribue à la complexité eth- langue serbe-croate-bosnienne-monténé- en minorité, puis de l’avènement des régi-
nique des Balkans où les musulmans (huit grine. Il en existe aussi de langue bulgare, mes communistes. En Bulgarie commu-
millions vers 1990) représentent 10 à 15 % présents en Grèce et en Bulgarie et connus niste, une politique coercitive d’assimilation
d’une population majoritairement ortho- sous le nom de Pomaques. Les cas de bilin- culturelle entraîna en 1989 un exode massif
doxe. Pour la plupart sunnites de rite hana- guisme restent fréquents. Au XXe siècle, de Turcs vers la Turquie.
fite, mais aussi bektachîs, ils ont des lan- la construction des identités nationales des ...
Frontières de
LA COMPOSITION DE LA POPULATION EN EX-YOUGOSLAVIE (1991) l’ex-Yougoslavie
Limites des ex-républiques
AUTRICHE fédératives de Yougoslavie
HONGRIE Limites des régions
autonomes de Serbie
Limite entre la Fédération
ITALIE Ljubljana croato-musulmane et la
SLOVÉNIE Zagreb République serbe de
Bosnie (accord de Dayton,
CROATIE
Voïvodine 1995)
Slavonie
Istrie ROUMANIE
Monténégrins Monténégrins
MONTÉNÉGRO
Macédoniens Macédoniens
Kosovo
Podgorica
Hongrois Hongrois
M e r A d r i a t i q u e
Albanais Albanais Skopje
Bulgares
Autre groupe : au moins 20 % de la population totale MACÉDOINE
Croates Istriens Roumains ALBANIE
Serbes Hongrois Macédoniens
Musulmans Albanais Slovaques GRÈCE
100 km
Italiens Turcs Monténégrins
D'après le recensement de 1991 (premiers résultats publiés en 1992) Source : Y. Lacoste, «La question serbe et la question allemande», dans Hérodote n° 67, Paris, 1992.
28
Estimation de la population
Finlande
musulmane par pays en 2020, Norvège
en milliers 70
250 Suède
Population musulmane Russie
inférieure à 10 000 640 (Europe et Asie)
Estonie
15 940
Part de la population Royaume-Uni Lettonie
Danemark
musulmane, 80
Irlande 290
en % de la population Lituanie
3 950 Pays-Bas
totale du pays
1 170
Allemagne Bélarus
De 70 à 100
Pologne 50
De 30 à 45 Belgique 810 5 530 20
10 Ukraine
De 10 à 25 Lux. Tchèquie 730
De 5 à 10 Slovaquie
Autriche
5 430
Liech.
Moldavie
530 Hongrie Azerbaïdjan
De 1 à 5 440
Roumanie 30
Suisse Slovénie 80 10
80
Moins de 1 France 70 390
Croatie Serbie
Monaco
Géorgie 490 9 870
St-Marin 1 650 Kosovo
40 Andorre
1 610 Arménie
Portugal Bosnie-Herz. 1 750
Monténégro 130 980 Bulgarie
Espagne
870 Turquie
2 640 79 090
Italie 2 960 Macédoine
du Nord
Gibraltar Albanie
400 km 660
Chypre*
Source : Pew Research Center,The Future of World Religions : Malte Grèce
Population Growth Projections, 2010-2050, 2015 (projections établies 300 *dont République
sur la base d’estimations de la population musulmane par pays en 2010). turque de Chypre du Nord
De la transplantation
à l’enracinement : l’islam en France
Au milieu des années 2010, la France comptait de 3,5 à 6 millions de musulmans, aux trois-quarts de nationalité française.
Généralement sunnites, mais issus d’une immigration en provenance de pays divers et traversés par tous les courants de l’islam
contemporain, ils sont loin de constituer une communauté homogène. L’islam ne s’en institutionnalise pas moins comme
religion minoritaire. « Pour les générations issues de l’immigration, [il] peut être un choix qui concilie acceptation de l’intégration
et demande de distinction sociale quand ce n’est pas un refuge face aux discriminations » (C.Wihtol de Wenden).
L’INSCRIPTION DE L’ISLAM style malien à Fréjus (aujourd’hui désaf- sols des immeubles d’habitation) a quasi-
DANS LE PAYSAGE FRANÇAIS fectée au culte), hôpital franco-musulman ment disparu, les grandes mosquées sont
La plus ancienne mosquée du territoire de Bobigny (actuel hôpital Avicenne) peu nombreuses (environ 70 en 2015), les
français se trouve sur l’île de La Réunion manifestaient la reconnaissance de la minarets encore moins. Les petites surfaces
où se forma au XIXe siècle une forte com- République à ses sujets coloniaux musul- dominent. La construction de nouveaux
munauté musulmane d’origine indienne. mans, massivement mobilisés dans ses lieux de culte fait partie des demandes
En métropole, les premiers lieux d’islam armées. Depuis les années 1970, la mul- récurrentes des fidèles, avec le développe-
furent bâtis après la Première Guerre mon- tiplication des lieux de culte répond à la ment de l’enseignement religieux, la créa-
diale : koubba du cimetière de Nogent- demande de musulmans durablement tion de carrés réservés dans les cimetières
sur-Marne (reconstruite en 2010), grande installés en France et soucieux de vivre ou la constitution d’aumôneries dans les
mosquée de style hispano-mauresque du ouvertement leur foi. Si « l’islam des caves » prisons et hôpitaux et aux armées.
5e arrondissement de Paris, mosquée de (les salles de prière installées dans les sous- ...
LES LIEUX DE CULTE MUSULMANS EN FRANCE MÉTROPOLITAINE
1. Répartition géographique en 2005
Nombre de mosquées par région* 101 Nord-
en France métropolitaine Pas-de-Calais
*Le découpage du Conseil français du culte musulman IDF-
distingue trois zones en Île-de-France (IDF) : Haute- ouest 40 Picardie
42
- Centre (Paris et petite couronne)
Normandie Champagne-
- Ouest (Val-d’oise et Yvelines) 85
18 Ardenne 97
- Est (Essonne et Seine-et-Marne) 251
Basse-Normandie 50
83 Lorraine
18 IDF-centre 67
2. Une forte augmentation depuis 1970 Bretagne IDF-est
25 Alsace
Évolution du nombre de mosquées 70 Franche-
Pays 45 Comté
2 500 de la Loire
2 300 Centre 56
Bourgogne
2 000
2 000 11
Poitou- 17
1 623 34
1 545 Charentes 219
Limousin
1 500 Auvergne
1 279
Rhône-Alpes
1 000 41
Aquitaine
50 173
500
500
Midi-Pyrénées 85
100 Provence-Alpes-
Languedoc- Côte d’Azur 13
0
1970 1985 1992 2003 2005 2008 2014 Roussillon Corse
Sources : B. Godard, S. Taussig, Les musulmans en France. Courants, institutions,
communautés : un état des lieux, Hachette Littératures, Paris, 2009 et B. Godard, La question musulmane en France, Fayard, Paris, 2015.
30
31
Minorités religieuses
en pays musulmans
La situation des non-musulmans dans les pays où l’islam est majoritaire varie dans le temps et l’espace, et est parfois
plus enviable que celle de minorités musulmanes (chiites de la péninsule Arabique, alévis de Turquie, ahmadis du Pakistan,
sunnites d’Iran…) dépourvues d’existence légale. Pour les chrétiens du Moyen-Orient, l’époque contemporaine oscille
entre renouveau lié à la disparition de leur statut inférieur de « protégés » (dhimmî) et sentiment de déclin, accentué
depuis quatre décennies par l’émigration. Quant à la présence juive en terre d’islam, elle a presque disparu depuis 1948.
PLUS DE 2000 ANS L’ÉGLISE CATHOLIQUE ROMAINE DANS LA PÉNINSULE ARABIQUE EN 2020
DE CHRISTIANISME ORIENTAL Vicariats apostoliques*
Faut-il rappeler que la présence de chré-
Siège du vicariat
tiens dans six États actuels du Proche- Arabie du Nord Cathédrale Paroisse
d’Arabie (1889-1974)
Orient (Égypte, Irak, Syrie, Liban, Jordanie, Arabie du Sud Siège de la nonciature Lieu de résidence de l’évêque
Israël et territoires palestiniens) est aussi apostolique pour les États
*en l’absence de diocèse, juridiction
ancienne que le christianisme lui-même ? de la péninsule Arabique ecclésiastique instituée sous l’autorité
Selon leur tradition, ils peuvent être répar- du Pape et dirigée par un évêque délégué
KOWEÏT
tis en quatre groupes : araméen ou syria- Koweït (Ville) 1
que, copte, grec et arménien. 2 3
ARABIE SAOUDITE
ge
Irak 46 31 Église chaldéenne, Patriarche de Babylone 400 à 500 000 120 000
XVIe siècle (Bagdad) Irak : 390 300
67 Maroc
265 Syriens Église syrienne- Patriarche d’Antioche 146 300 150 000
Égypte 120 occidentaux orthodoxe («jacobite»), (Damas) Syrie : 89 400
syriaque, arabe Ve-VIe siècles
200
Église copte-catholique, Patriarche d’Alexandrie 150 000 ?
XVIIIe siècle (Le Caire) en Égypte
156,3
150
122,9
Byzantins Église grecque- Patriarche d’Antioche 959 100 400 000
100
grec, arabe orthodoxe (Damas), patriarche de Syrie : 503 000
59,3
50 Jérusalem (Jérusalem) Liban : 294 800
18,1 patriarche d’Alexandrie
0 (Le Caire)
1948-51 1952-60 1961-64 1965-71 1972-79
Source : Y. Courbage et P. Fargues, Chrétiens et Juifs Église grecque- Patriarche d’Antioche, 442 800 500 000
dans l’Islam arabe et turc, Fayard, Paris, 1992. catholique («melkite»), de Jérusalem Liban : 255 200
XVIIIe siècle et d’Alexandrie Syrie : 111 800
(Damas)
Verbatim Arméniens Église arménienne Catholicos de tous les 348 700 Quelques
« Nous n’avons pas le droit de arménien apostolique, Arméniens (Etchmiadzine Liban : 196 400 millions
IVe-Ve siècles en Arménie) Syrie : 112 000
rester [en Orient] en réduisant
notre souci principal à la Église arménienne- Patriarche de Cilicie 51 200 100 000
volonté de durer […]. catholique, (Beyrouth) Syrie : 24 600
Notre présence est une présence XVIIIe siècle Liban : 19 700
de mission et de témoignage. » Latins Église catholique Patriarche latin de 86 300
Message des patriarches latin, arabe romaine Jérusalem Jordanie : 34 900
catholiques d’Orient, Israël* : 28 400
*et territoires palestiniens
1991.
Protestants Divers 60 à 80 000
arabe Égypte : 20 900
Liban : 20 200
tions restent mises à l’exercice du culte : Les Églises catholiques orientales Source : Les Chrétiens du monde arabe,
pas de sonnerie de cloches, pas de croix unies à Rome figurent en orange. sous la direction de B. Heyberger, Autrement, Paris, 2003.
visible de l’extérieur, pas de prosélytisme.
Les 23 églises catholiques romaines de Canada, provoqua l’extinction des com- contexte du changement de régime en
la péninsule – où les messes bondées, munautés juives autochtones des pays Égypte (1952) et de la fin des protecto-
généralement célébrées en anglais, se arabes et de la Turquie. La création d’Israël rats français en Tunisie et au Maroc (1956).
succèdent en fin de semaine – sont loin – État par nature ouvert aux juifs de tous Interdite par le roi Muhammad V (r. 1927-
de couvrir les besoins. Leur présence n’en pays –, l’impact idéologique du sionisme, 1961) au nom de l’égalité civique entre
constitue pas moins une petite révo- les craintes suscitées par les mobilisations juifs et musulmans, l’émigration marocaine
lution, aux côtés des églises des autres nationalistes arabes des années 1950- ne connut néanmoins son pic qu’entre
dénominations avec lesquelles elles par- 1960, les difficultés économiques, l’adop- 1961 et 1964 (100 000 départs). Les juifs
tagent souvent leur terrain, donné par les tion d’un mode de vie occidental au d’Algérie, assimilés aux populations
dirigeants. Le cas le plus emblématique de temps de la colonisation française encou- européennes, partirent en même temps
ces regroupements est Church City à Doha. ragèrent les départs. Bien que générale, qu’elles, à l’indépendance (1962), et s’ins-
... la première vague (1948-1951) fut surtout tallèrent en France plutôt qu’en Israël. Vers
marquée par l’émigration massive des juifs 1980, les juifs d’Afrique du Nord (2,3 % de
LE DÉPART MASSIF DES JUIFS irakiens et yéménites en Israël. La seconde la population en 1948) n’étaient plus que
Après 1948, l’émigration vers Israël, ainsi vague (1952-1960) toucha davantage les 19 000 (dont 15 000 au Maroc). En Turquie,
que vers la France, les États-Unis et le juifs égyptiens et nord-africains, dans le on en comptait encore quelque 20 000.
33
34
35
STATUTS ET FONCTIONS que le minbar soit souvent d’un grand de toutes celles qui l’avaient précédée
Les cinq prières quotidiennes, qui raffinement. Pour le reste, tapis et lampes par sa nef centrale élargie et rehaussée,
ne nécessitent aucun objet de culte, constituent l’essentiel du mobilier de la coupole ajoutée devant le mihrâb et
peuvent se faire n’importe où. Elles la salle de prière. Dans la cour, une fon- de somptueuses mosaïques à fond d’or,
acquièrent un mérite particulier quand taine permet au croyant d’accomplir aujourd’hui en grande partie disparues.
elles sont collectives. Au « jour du ras- ses ablutions rituelles. Les grandes mos- Très remaniée au cours des siècles, elle
semblement », le vendredi, les hommes quées sont flanquées d’un ou de plu- n’en reste pas moins un modèle d’élé-
sont néanmoins tout particulièrement sieurs minarets, sortes de tours de forme gance et l’un des très hauts lieux de
tenus de se rendre à la mosquée pour variable qui présentent un caractère à la l’islam. La Grande Mosquée de Kairouan,
la prière de midi, à l’occasion de laquelle fois fonctionnel et symbolique : utilisés une fondation de 774, fut entièrement
ils entendent un prône (khutba). Les pour l’appel à la prière, ils inscrivent aussi reconstruite par les Aghlabides au
mosquées du vendredi, « grandes mos- la présence de la communauté musul- IXe siècle, selon un plan rectangulaire dit
quées » ou « mosquées qui rassemblent » mane dans le paysage. « arabe » ou « hypostyle » – qui est le plan
(al-masjid al-jâmi‘, al-jâmi‘ tout court), se … le plus répandu. Comme dans la mosquée
distinguent des simples mosquées ou des Umayyades à Damas, l’axe du mihrâb
oratoires par leur taille, leur décor et la est mis en valeur par une nef plus large
présence d’une chaire. Lieux de prière,
les mosquées sont aussi des lieux d’asile
Verbatim et plus haute, surmontée de coupoles
à ses deux extrémités. Dans la Grande
pour les pauvres et les voyageurs, des « Dieu est très grand. Mosquée d’Ispahan, le plan hypostyle
lieux de retraite spirituelle, des lieux d’en-
J’atteste qu’il n’y a d’autre originel fut constamment remanié au
dieu que Dieu. J’atteste que
seignement et de pèlerinage quand elles Muhammad est l’envoyé cours des siècles. Les îwân-s (vastes salles
abritent le tombeau d’un saint. voûtées dont un côté ouvre sur l’exté-
… de Dieu. Venez à la prière !
Venez au salut ! Dieu est très rieur) et les salles à coupoles datent des
grand. Il n’y a d’autre dieu XIe-XIIe siècles. La salle sud, qui abrite le
que Dieu. » mihrâb, est accessible par un îwân plus
QUELQUES ÉLÉMENTS Appel à la prière large que les autres et encadré de deux
CONSTITUTIFS DES GRANDES sunnite minarets. La mosquée à quatre îwân-s
MOSQUÉES et salle à coupole est devenue classique
Quand ils prient, les croyants se tournent dans le monde iranien.
vers La Mecque. Dans les mosquées, la Beaucoup plus tardive, la mosquée
direction (qibla) en est indiquée par un DES MOSQUÉES D’ÉPOQUES des Princes à Istanbul est un véritable
mur face auquel se rangent les orants ET DE STYLES DIVERS complexe religieux. Un large dôme
et qui est creusé d’une niche (mihrâb) De forme basilicale, la mosquée des qu’étayent des demi-coupoles surmonte
richement décorée. À la droite de la Umayyades fut construite à Damas, siège la salle de prière, précédée d’un parvis
niche, se trouve la chaire (minbar), du du pouvoir califal, au début du VIIIe siècle, presque aussi vaste qu’elle. Ces formes
haut de laquelle le prône du vendredi est sur le site d’une ancienne église dédiée à en coupoles monumentales, inspirées de
prononcé. Celui-ci était à l’origine l’apa- saint Jean-Baptiste, dont la tête est tou- Sainte-Sophie et associées à des minarets
nage du calife, chef de la communauté, jours vénérée dans l’édifice. C’était une élancés, sont la marque de l’architecture
ou de son représentant, ce qui explique mosquée de prestige, qui se distinguait impériale ottomane.
36
1
2
4 3
5
20 m
4
1. Trésor Source :
2. Bassin d’ablutions M. Hattstein et P. Delius,
3. Sépulture de la tête 4. Minbar Arts et civilisation de l’Islam,
de Jean-Baptiste 5. Mihrâb Könemann, Cologne, 2000.
5 6 5
Istanbul 4
7
Kairouan
20 m
Ispahan
Damas 1. Minaret
2. Cour avec péristyle 5. Salle de prière
3. Bassin d’ablutions 6. Nef du mihrâb
4. Coupoles 7. Mihrâb
LA MOSQUÉE DU VENDREDI À ISPAHAN (IXE-XVIIIE SIÈCLES) LA MOSQUÉE DES PRINCES À ISTANBUL (1544-1548)
1. Salle à coupole nord
2. Îwân nord
3. Salle de prière de
l’ilkhân Üljaitü (1304-1316) 1. Mosquée
4. Salon d’hiver 2. Parvis
5. Îwân ouest 3. Tombeaux (türbe)
6. Bassin d’ablutions 1 4. Madrasa
7. Îwân est 5. Foyer
8. Îwân sud 6. Cantine populaire
9. Salle à coupole
sud 6
20 m
3
5 6 7
4
4
8
20 m
Source : Guide Iran, Lonely Planet, Paris, 2001. Source : M. Hattstein et P. Delius, Arts et civilisation de l’Islam, Könemann, Cologne, 2000.
37
LA MOSQUÉE
HASAN II Toit
ouvrant
À CASABLANCA
llah
Madrasa
de
n Ab
Be
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OCÉAN Parking Moh
Sidi
ATLANTIQUE Bd
Minaret
(200 m de haut)
Bou
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Mosquée Hasan II our
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pouvant accueillir
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80 000 personnes
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ala
DES MOSQUÉES DE PRESTIGE mais repose à Rabat auprès de son père l’image d’une religion tolérante, savante et
Dirigeant d’Abu Dhabi de 1966 à sa mort en Muhammad V. Avec ces mosquées, Casa- moderne. Fait rare au Maroc et aux Émirats,
2004, président de la fédération des Émi- blanca et Abu Dhabi – métropoles écono- ils sont ouverts aux non-musulmans.
rats arabes unis à partir de 1971, le cheikh miques récentes et très cosmopolites – se …
Zâyed bin Sultân Âl Nahyân est reconnu voient parées des monuments de prestige
dans son pays comme le père de la nation. dont elles étaient jusqu’alors dépourvues.
La mosquée qu’il fonda à Abu Dhabi est Elles sont ainsi ancrées dans la tradition ENTRE TRIOMPHE
le lieu de sa sépulture, dans un sobre musulmane tout en étant rendues plus DE L’ARTISANAT MAROCAIN
mausolée jouxtant l’édifice. Au contraire, attrayantes aux touristes. Monumentaux, ET UNIVERSALITÉ DE L’ISLAM
Hasan II, roi du Maroc de 1961 à 1999, n’est somptueusement décorés et high-tech, Bien que devenue une métropole de
pas enterré dans la mosquée à son nom les deux édifices donnent aux visiteurs trois millions d’habitants, Casablanca est
38
HUDAIRIYAT
Quartier
Mosquée général
5 Str
Cheikh Zâyed de la police
Parking
eet
3 km MUSAFFAH
Eastern Ring Ro
Mausolée
du Cheikh
14 Street
CASABLANCA OCÉAN
Minaret nord
de 107 m Entrée Wahat
ad
ATLANTIQUE
principale Al Karama
Mosquée
Hasan II
Port
Cour intérieure
SOUR JDID Mosquée pouvant accueillr
22 000 fidèles
Cheikh Zâyed
MÉDINA
BOURGOGNE Héliport
eet
Parking
5 Str
FONCIÈRE
Parking
H
Gare
GAUTHIER LIBERTÉ
Palais présidentiel
MAARIF
marina, Centre
LES HÔPITAUX
Sûq al-Jâmi‘ d’accueil
1 km HABBOUS
(marché de la Mosquée) des visiteurs
Entrée
Sources : Google maps et www.szgmc.gov.ae/en/
des visiteurs
(touristes)
Al-K
hale
Verbatim ej al-
Arab
i Stre
et
rakech - et expose le savoir-faire artisanal centre-ville des années 1970, sur la route de
marocain, tout en multipliant les prouesses l’aéroport, dans une zone dont elle contri-
technologiques: toit ouvrant, sol chauffant, bue à l’urbanisation, elle est visible de tous
l’une des villes les plus récentes du Maroc. laser au sommet du minaret pour indiquer les points reliant l’île d’Abu Dhabi à la terre
Réputée pour son patrimoine architectu- la direction de La Mecque. ferme. Avec ses 82 dômes de taille variable,
ral de style Art déco, elle ne possédait pas … ses 4 minarets, son revêtement de marbre
d’édifice religieux notable. C’est pourquoi blanc, c’est une mosquée « panislamique »,
en 1986, après avoir doté Rabat du mau- synthèse moderne de styles architectu-
solée de Muhammad V, Hasan II annonça L’ŒCUMÉNISME MUSULMAN raux et artisanaux divers : dômes moghols,
qu’il y ferait bâtir une grande mosquée DE LA MOSQUÉE CHEIKH ZÂYED arcs maghrébins, minarets mamelouks
conforme à sa fonction de Commandeur L’un des premiers visiteurs de la mosquée égyptiens, créneaux syriens et irakiens,
des croyants. Inaugurée en 1993, elle Hasan II, le cheikh Zâyed couronna par un céramique turque, incrustations indiennes,
est située sur l’océan pour symboliser le édifice d’esprit similaire mais de style très dif- tapis persans. À la sobriété de l’ensemble
rayonnement mondial de l’islam. Avec sa férent son œuvre de bâtisseur à Abu Dhabi, répondent la somptuosité des matériaux,
madrasa, sa bibliothèque et son musée, elle ville passée sous son règne de quelque un éclairage nocturne sophistiqué et des
est aussi un lieu d’étude. Construit par des 3 500 à plus de 500 000 habitants. Achevée records abondamment soulignés tels « le
architecte et maître d’œuvre français, l’édi- après sa mort en 2007, sa mosquée tranche plus grand tapis du monde » et « le plus
fice rappelle des monuments très connus avec les oratoires de quartiers, innombra- grand lustre » (de facture allemande) dans
- tour Hasan à Rabat, Kutubiyya à Mar- bles mais très petits. Située à l’extérieur du l’immense salle de prière.
39
La Mecque et Médine,
berceau de l’islam
Pour les musulmans, la « noble Mecque », « Mère des cités » et siège de la « Maison de Dieu »,
est le nombril du monde. À 350 km au nord, Médine est la «Ville » par excellence, « la Ville du Prophète »,
la «Ville illuminée ». Le séjour en ces lieux est, pour tout croyant, un sommet de la vie spirituelle
et le pèlerinage à La Mecque une obligation canonique. Les villes saintes sont un enjeu de pouvoir.
Aux époques moderne et contemporaine, la souveraineté y fut exercée par les Ottomans jusqu’en 1918,
puis par deux dynasties arabes : les Hachémites et, dès le milieu des années 1920, les Saoudites.
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Mada’in Salih Burayda Zilfi
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Sada
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La Mecque
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‘Arafa Sanaa
Muzdalifa
Yalamlam Aryab
Taizz
Délimitation du «petit» n
’A de
pèlerinage (‘Umra) Aden lf e d
Délimitation du «grand» Sources : M. Ruthven, Historical Atlas of Islam, Harvard University Go
pèlerinage (Hajj) Press,Cambridge, 2004 et S. Zeghidour, La vie quotidienne à
La Mecque de Mahomet à nos jours, Paris, Hachette, 1989. 200 km
UN PÈLERINAGE DE MASSE
1. La croissance du nombre des pèlerins au XXe siècle (en milliers) 2. Nombre de fidèles ayant accompli le hajj
Les années doubles sont celles où le pèlerinage, en 1440 de l’Hégire (2019)
fixé en fonction de l’année lunaire, a débordé sur deux années solaires Total des pèlerins : 2 489 406
1 004
1 000 Pèlerins venus de l’extérieur
978 987 hommes
1974-75 876 040 femmes
800
1973-74 1 855 027 Femmes
600
Hommes H
211 003
400
F
H
F
200
423 376
1942-43
?
Résidents étrangers Saoudiens
1907
1925
1930
1935
1940
1945
1950
1955
1960
1965
1970
1975
1980
1983
LES VILLES SAINTES, nisme des villes saintes au XXe siècle. croyants sont depuis longtemps rasées.
DES MÉTROPOLES ÉCONOMIQUES Tout vestige du passé a disparu, tout La Mecque et Médine vivent des services
L’afflux de pèlerins, le puritanisme souvenir religieux a été effacé et, dans offerts aux pèlerins. Hauts lieux de tran-
wahhabite, la volonté des dirigeants de les grands cimetières des deux cités, les sactions commerciales, elles constituent
donner de leur pays une image moderne, coupoles surmontant les tombeaux de un vaste bassin d’emploi pour les musul-
ont profondément bouleversé l’urba- personnages vénérés par nombre de mans de toutes nationalités.
41
LE PÈLERINAGE comprend les étapes suivantes : départ cailloux qui serviront à lapider les trois
À LA MAISON DE DIEU pour Minâ (le 8) ; station à ‘Arafa dans le stèles symbolisant Satan ; lapidation de
La mosquée sacrée de La Mecque abrite recueillement et la prière jusqu’au cou- la plus grande stèle, coupe des cheveux,
la Ka‘ba ou « Maison de Dieu », symbole cher du soleil (le 9) : c’est le sommet du immolation d’un animal, tournées de
de la victoire de l’islam sur le polythéisme. pèlerinage ; retour à Minâ par Muzdalifa la Ka‘ba et sortie d’ihrâm (le 10) : c’est
« Petit » ou « grand », le pèlerinage en où chacun se munit des quarante-neuf la journée du Sacrifice, l’Aïd, fêtée simul-
ce lieu exige qu’à l’entrée du périmètre
sacré interdit aux non-musulmans, le
fidèle se mette en état de consécration LA MOSQUÉE SACRÉE (AL-MASJID AL-HARÂM) Marwa
(ihrâm) grâce à des ablutions et, pour les
hommes, le port d’un vêtement blanc Galerie couverte reliant Safâ’ à Marwa
sans couture. Institués par Muhammad à
Salles de prière, galeries à arcades
partir de rites païens, ‘umra et hajj se rat-
sur deux étages dont...
tachent à l’histoire d’Abraham. La ‘umra
commémore l’errance au désert d’Agar et ... mosquée avant les extensions saoudiennes
d’Ismaël, sauvés de la mort par l’interven- Porte de
Matâf (circuit autour de la Ka‘ba) la Victoire
tion divine ; le hajj le sacrifice d’Abraham
1. Station d’Abraham (Bâb al-Fath)
prêt à offrir son fils à Dieu (Isaac dans la
2. Giron d’Ismaël
Bible, Ismaël selon les commentateurs du Porte de
3. Ka‘ba la Paix
Coran). 4. Puits de Zemzem (Bâb al-Salâm)
La ‘umra consiste en au moins sept tours
400 m
Verbatim 3
Cour
intérieure
« Et vraiment nous étions
à cette heure dans un autre Safâ’
monde : nous étions
dans la maison de Dieu
et dans la présence
immédiate de Dieu ».
Batânûnî, 1909. Porte
du roi
Fahd Porte du roi
‘Abd al-‘Azîz Source : ministère saoudien du Hajj.
42
b. Abî Tâlib
Bâb al-sultân
‘Abd al-Majîd
Bâb ‘Alî
Bâb Abî Dharr
Bâb al-‘Aqîq
Cour à ciel ouvert
200 m
‘Abd al-‘Azîz
Bâb al-malik
Source
Bâb al-malik
Sa‘ûd
9 7
4 8
Porte de la Porte des
5 Femmes
3 Bâb Qubâ’ Miséricorde Bâb Makka
1 2 Porte de
Gabriel
6 Porte du Salut
Porte du Salut
Chambre du Prophète Verger de Fâtima Lieu de prière Chambre Ancienne cour
(Al-Hujra al-nabawiyya) (enclos de palmiers) des femmes du Prophète à ciel ouvert
1. Tombeau du Prophète Jardin du Prophète Mihrâb du Prophète Mosquée avant le Nouvelles cours
2. Tombeau d’Abû Bakr (Rawda) 1er agrandissement à toit mobile
Autres mihrâb-s
3. Tombeau de ‘Umar b. al-Khattâb 5. Estrade sur colonnes 1er agrandissement Emplacement
4. Tombeau présumé de Fâtima (makbariyya) réservée 7. Porte des Femmes saoudien (1952-1955) des 10 minarets
(selon une autre tradition, il se aux muezzins 8. Porte de Gabriel 2e agrandissement
trouve au cimetière d’al-Baqî‘) 6. Minbar 9. Porte de saoudien (1985-1993)
Emplacement des cinq minarets la Miséricorde
Sources : «Al-Madîna» (Médine), Encyclopédie de l’islam, 2e éd., t. V, Brill, Leyde ; «Al-Masjid al-Nabawî» (en arabe), encyclopédie libre Wikipédia et wmn.gov.sa.
tanément par les musulmans du monde épouse ‘Âycha où il vécut et fut enterré, fois reconstruite. À l’extérieur, l’emplace-
entier ; nouvelles lapidations à Minâ et bientôt rejoint par ses successeurs Abû ment de la chambre funéraire est marqué
tournées de l’adieu à La Mecque (du 10 Bakr et ‘Umar. Les croyants aiment à se par une coupole dont la couleur verte
au 12 ou 13). tenir dans le voisinage des tombeaux date du sultan ottoman Abdülmedjid
... qui est connu sous le nom de « jardin » (r. 1839-1861). Les dévots se rendent
et préfigure le paradis. Ils ne voient pas aussi au cimetière mitoyen d’al-Baqî‘,
les tombeaux eux-mêmes, ceints très sur les tombes de Sayyida Fâtima, la fille
LE JARDIN DU PROPHÈTE tôt d’un mur dont la forme pentagonale du Prophète, et d’autres saints. L’Arabie
Les trois quarts des pèlerins couplent au devait, dit-on, protéger le lieu de toute saoudite tolère ces visites mais décou-
hajj une visite à la mosquée du Prophète ressemblance avec la Ka‘ba et mainte- rage toute manifestation d’émotion reli-
à Médine. Fondée par Muhammad lui- nir celle-ci comme qibla. Par la suite, fut gieuse.
même, la mosquée inclut la maison de son érigée une clôture (maqsûra) plusieurs ...
L’ITINÉRAIRE DU HAJJ DES SANCTUAIRES
CONSTAMMENT REMANIÉS
Mont de la Lumière Ce que l’on voit aujourd’hui des sanc-
Mosquée du Serment d’al-‘Aqaba tuaires de La Mecque et de Médine est
LA MECQUE
Tunnels Lieu d’immolation d’Ismaël par Abraham
le résultat de travaux entrepris par les sul-
Haram 12 1. Grand Satan
3 tans ottomans au XIXe siècle et, surtout,
Aire des lapidations Abattoirs 2. Moyen Satan
MINÂ 3. Petit Satan des immenses agrandissements réalisés
Mosquée al-Khayf par la monarchie saoudienne de 1951
à 1973 puis sous le règne du roi Fahd
Mont
Thaour MUZDALIFA (1982-2005), qui prit le titre califal de
« Serviteur des deux lieux saints ». Espla-
nade comprise, la mosquée sacrée peut
‘ARAFA Mont de la accueillir un million de fidèles, la mos-
Miséricorde
6 km 4 km 10 km quée du Prophète 600 000. Ces travaux
Mosquée Namira
Source : S. Zeghidour, La Vie quotidienne
titanesques provoquèrent la destruction
à La Mecque de Mahomet à nos jours, Hachette, Paris, 1989. de quartiers entiers.
43
Machhad
«Les deux Kâzims» :
7e imâm, Mûsâ al-Kâzim
Téhéran
10e imâm, ‘Alî al-Hâdî (Celui qui dirige bien) (le Réservé) Sayyid Hamza ;
11e imâm Hasan al-‘Askarî 9e imâm, Muhammad al-Jawâd Châh ‘Abd al-‘Azîm
(Celui qui est retenu dans le camp militaire) (le Généreux) Rayy
Qom
P
e
rs
iq
ue
200 km
Les frontières tracées sont celles dessinées au XXe siècle. La carte localise les tombeaux des saints mentionnés.
45
ÉCOLES CORANIQUES ET MADRASAS contenu des études (sa vocation initiale mosquées et madrasas de grandes villes
Les lieux d’enseignement religieux furent était l’enseignement du fiqh) et par l’archi- éclipsèrent les autres par leur rayonnement
longtemps des lieux d’alphabétisation et tecture : bâtie autour d’une cour centrale, la régional ou international, prenant ainsi le
d’acquisition du savoir. On distinguait : madrasa traditionnelle associait à la salle de caractère d’« universités musulmanes ».
– les études élémentaires au kuttâb, l’école prière des salles d’étude et des chambres Parmi elles, la mosquée al-Azhar (« la plus
coranique attachée à une mosquée ou pour les professeurs et les étudiants. Celle fleurie ») au Caire : fondée en 969, devenue
à un lieu confrérique de type zâwiya : qui est représentée ici renferme le tombeau dès le XIIIe siècle un grand centre d’étude
l’enfant y apprenait à lire et à écrire en de son fondateur, Ibn al-‘Adîm, comme il pour les quatre rites sunnites, elle acquit sa
mémorisant le Coran ; était courant en Syrie aux XIIe-XIIIe siècles. position dominante dans l’enseignement
– les études supérieures que l’on suivait ... religieux égyptien à la fin de l’époque otto-
chez le maître lui-même, à la mosquée, à la mane et fut alors très agrandie grâce au
zâwiya ou dans un lieu dédié : la madrasa UN SYMBOLE DE L’ÉGYPTE mécénat de l’émir ‘Abd al-Rahmân (v. 1714-
(médersa). Née en Orient musulman, cette ET DE L’ISLAM 1776), commandant (katkhudâ) de la milice
institution se développa à partir du XIe siècle. Au XVIIIe siècle, les lieux d’étude de des janissaires. Les cours avaient lieu dans
Elle se différencie de la mosquée par le l’islam tendirent à se hiérarchiser. Quelques la salle de prière. Au XIXe siècle, de plus en
plus nombreux, appauvris, les Azhariens
furent concurrencés par les diplômés des
AL-AZHAR, GARDIENNE DE L’ORTHODOXIE SUNNITE nouvelles filières dans leurs fonctions tradi-
tionnelles (enseignement, magistrature et
même leadership de la pensée religieuse).
Une réforme de l’institution était néces-
1. Porte des Barbiers saire. Introduction de disciplines laïques,
2. Ancienne madrasa mise en place de programmes, d’examens
XVIe siècle) incorporée 1
et de cycles, création, en 1930, de facultés
à la mosquée lors
des travaux de droit, théologie et langue arabe instal-
d’agrandissement lées dans des bâtiments modernes en sont
2
de ‘Abd al-Rahmân les principaux aspects. Organisée en 1961
Katkhudâ
sur le modèle des universités d’État, l’insti-
3 tution avait désormais débordé le cadre de
la mosquée. Elle coiffe aujourd’hui plus de
3. Cour mille instituts primaires et secondaires au
4. Premier mirhâb
5. Second mirhâb
6. Porte de la Soupe
7. Minarets
8. Tombeau de ‘Abd
4
6
Verbatim
al-Rahmân Katkhudâ 5 7
9. Porte des gens de Haute-Égypte
« Qom et Oxford sont les deux
Travaux d’agrandissement villes au monde où [je me
de ‘Abd al-Rahmân Katkhudâ sens] bien parce que
8
l’enseignement et l’étude y sont
vraiment l’activité centrale. »
Sources : M. Hattstein et P. Delius, Arts et civilisation
Un mollâh iranien, 1981.
de l’Islam, Könemann, Cologne, 2000 ; 7
9
A. Raymond, Le Caire des janissaires, Éditions du CNRS, Paris, 1995. 20 m
46
alors construit du
r
Médine
Hedjaz (Damas-Médine)
ug
Yanbu
e
Source : M. al-Amîn, Autobiographie d’un clerc chiite du Gabal ‘Âmil, VIE EN SOCIÉTÉ : 7 739 / 3 897
traduction et annotations par S. Mervin et H. al-Amîn, Mariage (nikâh)
300 km Djedda La Mecque Institut français de Damas, 1998.
Divorce (talaq wa khul‘)
Aliments et boissons
Caire et en province, et vingt facultés, dont mier pèlerinage à La Mecque, en faisant
Vêtement et accessoires
des facultés non religieuses (médecine, halte au Caire, notamment à al-Azhar. La
agriculture, pédagogie…) et des facultés même année, il découvrit Jérusalem, autre Éthique et mœurs (akhlâq wa âdâb)
de jeunes filles. ville sainte, et bien plus tard, Machhad. Instruction et éducation
... ... Autour des femmes
TRANSACTIONS ET
VOYAGES ET DÉVOTIONS LA « MAISON DES SCIENCES » RELATIONS D’AFFAIRES : 4 587 / 2 010
Commerce
D’UN OULÉMA CHIITE DE DEOBAND
EN QUÊTE DE LA SCIENCE Fondée en 1867, de rite sunnite hanafite, Actions et investissements
En dépit de l’institutionnalisation du Darul Uloom (Dâr al-‘ulûm), la Maison des Intérêt et assurances
savoir, la réputation des maîtres restait sciences de Deoband (au nord de Delhi) Autres transactions
souvent plus attractive que le lieu où il est un exemple d’enseignement religieux
Héritage et dernières volontés
enseignait - d’où la tradition de « la quête musulman rénové. Aujourd’hui à la tête du
Peines et sanctions (hudûd wa qisâs)
de la science » que perpétua, par exemple, plus grand réseau de madrasas d’Inde du
le Sayyid Muhsin al-Amîn (1867-1952). En Nord, elle est aussi une école de pensée et
DIVERS : 12 628 / 1 887
1891, étudiant en sciences religieuses dans délivre des fatwâ-s. La méthode qu’elle pro- Licite et illicite (halâl wa harâm)
son Jabal ‘Âmil natal (actuel Liban Sud), il pose combine compréhension de la cha-
Supplications (du‘â’)
partit pour Najaf, l’un des grands centres rî‘a, connaissance mystique, mode de vie
Noms musulmans
théologiques chiites avec Qom en Iran, en conforme à la sunna du Prophète et lutte
visitant en chemin les autres sanctuaires contre les innovations blâmables. Expres- Soufisme (tasawwuf)
d’Irak. Après dix ans de formation, il fut sion d’un islam sur la défensive, elle forme Histoire [islamique] et biographies
reconnu apte à la fonction de mujtahid à l’apologétique et à la prédication. Des
Relations internationales, jihâd
et s’installa à Damas, où il devint l’un des madrasas de cette mouvance se trouvent
Autres [dont interprétation des rêves]
principaux guides spirituels des chiites de aussi au Pakistan : les Talibans, au pouvoir
Syrie, réputé pour ses positions réformistes. en Afghanistan de 1996 à 2001, en étaient 0 1 2 3 4 5
De Damas, il accomplit en 1903 son pre- issus. Source : darulifta-deoband.com (consulté le 8 oc. 2021)
47
Capitales d’islam
L’islam est lié aux villes : villes du Hedjaz où il naquit, villes de pèlerinage et d’étude, villes fondées pour
la conquête, capitales princières et impériales… Centres politiques et économiques, les villes sont aussi
des centres religieux où la communauté s’assemble, prie, transmet la foi et la science. En elles se concentrent
tous les autres lieux d’islam : mosquées, sanctuaires, tombeaux, madrasas, hospices, couvents de soufis…
Dans l’imaginaire des citadins, mode de vie urbain rima ainsi longtemps avec érudition, piété et bon
comportement musulman (adab). Parcours dans trois capitales de dynastes musulmans…
Tour
(1526)
Kïlitch 3. Yeni Dj.
Ali Pacha 4. Mihrimah Dj.
(1580) Mer de Marmara 5. Atïk Vâlide Dj.
UN KAPANÏ GALATA
6. Nuh Kuyusu Dj.
FÂTIH 7. Tchimili Dj.
Bosphore
Rüstem Pacha Dj.
Topkapï Fâtih Mehmed Dj.
(1469)
VEFA Yeni Vâlide Dj.
Süleymâniye Dj. (1665)
EMINÖNÜ 500 m
(1556)
Chehzâde Dj. Ancien
(Mosquée des Princes) Topkapï Saray : palais Djami (Dj.) : mosquée Kapï : porte
Mevlevi Kapï Palais Nûr-i Osmâniye Dj.
(1548) (1458) (1755)
Saray
(1478) Mosquées
Vâlide Dj. Lâleli Dj.
Bazar
(date de construction)
Synagogues
(1763) Bâyezîd Dj. Ste-Sophie
KHASSEKI AKSARAY (1505) Sokollu Mehmed Églises grecques Ambassades
Pacha Dj. Principaux
Hekimoghlu KUM KAPÏ Sultân Ahmed Dj. Églises latines EYUB
Silivri Kapï Pacha Dj. Patriarcat arménien (1665) quartiers
YENI KAPÏ Églises arméniennes
Petite
Kodja Mustafa Dj. LANGA KADIRGA Ste-Sophie
Le tracé des rues d’Istanbul est celui de 1999.
Imrakhor Dj.
Yedi Kule cette ancienne capitale de chrétienté une 40 % de la population, n’en garda pas moins
(Forteresse
des Sept Tours) capitale d’islam, digne de leur statut de un caractère multiconfessionnel et mul-
ghâzî-s et de « serviteurs des deux sanc- tiethnique. Dans les années 1920, le choix
tuaires » du Hedjaz. La basilique Sainte- d’Ankara comme capitale politique de la
Sophie et d’autres églises furent transfor- République turque symbolisa la rupture
mées en mosquées ; de nouveaux comple- avec l’Empire musulman et cosmopolite.
ISTANBUL, xes religieux monumentaux vinrent mar- ...
LE « SEUIL DE LA FÉLICITÉ » quer le paysage ; Topkapï Saray – le palais
Tombée en 1453 aux mains du sultan Meh- de la Porte du Canon –, résidence du sultan LE CAIRE, LA VILLE
med II, le « Conquérant » (Fâtih), Constan- jusqu’au XIXe siècle, fut sacralisé par les reli- AUX « MILLE » MINARETS
tinople vit son nom turcisé en Istanbul et ques du prophète Muhammad, apportées Le Caire fut fondé par les Fatimides en
devint le siège du pouvoir ottoman. Les du Caire en 1517. Istanbul, où Grecs, Armé- 969, au nord de Fustât, la ville née avec
nouveaux maîtres s’employèrent à faire de niens et Juifs continuaient à représenter la conquête arabe en 641. Son prestige
48
r
e la C
(1472-1474)
(1503-1504) Mosquée à coupole dont la mosquée du Vendredi
al-Azhar
e ll
CIMETIÈRE
cité-jardin palatiale, organisée autour de
ue M
NORD
l’allée Tchahâr Bâgh (les Quatre Jardins),
uham
Mosquée d’Aqsunqur
Zâyandeh, Châh ‘Abbâs installa les mar-
‘Alî)
(Mosquée bleue)
(1347)
chands arméniens qu’il avait déplacés
Mosquée-madrasa
du sultan Hasan de Julfâ, dans la vallée de l’Araxe, pour
(1356-1359)
Mosquée et mausolée
contribuer à l’essor économique de sa
de Sayyida Zaynab
Place Mosquée de Sulaymân Pacha
capitale.
Salâh al-Dîn
(Saladin) Citadelle
Mosquée de
Muhammad ‘Alî
Verbatim
Mosquée d’Ibn Tûlûn
(876-879) (1827-1857)
Établissement commercial
Madrasa (caravansérail)
Ensemble fontaine Cimetières Gizeh
publique/ école
coranique (sabîl-kuttâb) Citadelle
Fontaine publique Pyramides
Le tracé des rues du Caire est
Bain celui du début des années 1950. LES NOUVEAUX BÂTIMENTS
Hôpital (mâristân) D’après «Kâhira», Encyclopédie de l’Islam, tome IV, Brill, Leyde, 2e édition. SAFAVIDES À ISPAHAN
(FIN XVIE-XVIIE SIÈCLE)
Mosquée du Vendredi Vieille ville
grandit sous les Ayyoubides (1170- 1250) anciens, la ville moderne n’est pas en reste.
et sous les Mamelouks (1250-1517) qui lui Sa croissance exponentielle au XXe siècle a Entrée du bazar
Vieux
imprimèrent son style architectural monu- stimulé la construction de mosquées, nou- maydân
Palais ‘Âlî Qâpu
mental. Cité princière, Le Caire est aussi une veaux repères de la mégapole cairote en Maydân
ville de savoir et une ville sainte à la piété dépit de leur intérêt architectural limité.
...
Mosquée Lutfallâh
h
r Bâg
600 m
de
et de l’imâm Châfi‘î, fondateur de l’un des une cité royale reliée à la vieille ville et Source : M. Hattstein et P. Delius, Arts et
civilisation de l’Islam, Könemann, Cologne, 2000.
quatre rites sunnites. Au-delà des quartiers à la mosquée du Vendredi par une rue
49
Mer Noire
Ca
sp i e
Boukhara
nne
Ajmer
Me
Wâdî Humaytharâ
r R
Mer
ou
ge
Golfe du Mer
d’Oman
Bengale de Chine
méridonale
OCÉAN
OCÉAN INDIEN
AT L A N T I Q U E
50
51
Verbatim GUINÉE-BISSAU
la branche confrérique, et de ses descendants,
héritiers de son autorité spirituelle et
OC
de sa sainteté.
« Les cheikhs ne sont pas Tidjane (Tijâniyya) : Mouride (Murîdiyya) :
morts, les turuq ne sont pas Siège de la confrérie Siège de la confrérie
dépeuplées, les saints Foyer dépendant
Lieu maraboutique
ne paraissent pas pressés de Tivaouane
de prendre congé. » 50 km Autre obédience tidjane
Source : Cheikh Gueye in La Construction Autres confréries :
Michel Chodkiewicz, 1996.
de l'espace sénégalais depuis l’indépendance, Khadre (Qâdiriyya) Layene
1960-2000, IRD, Bondy, 2000.
53
Verbatim
missionnaires chrétiennes, toutes formes la lumière), le commentaire coranique de
contemporaines de regroupement (par- Said Nursi (1876-1960). Parmi les conti-
tis de masse, mouvements de jeunesse, « Puissiez-vous former nuateurs de ce dernier, Fethullah Gülen,
organismes internationaux). Beaucoup une communauté dont né en 1938, est à l’origine d’une puis-
s’inscrivent dans la mouvance salafiste les membres appellent sante « communauté » (cemaat) qui allie
et le poids de l’Arabie saoudite y est sou- les hommes au bien, éthique de service (hizmet), prosélytisme
vent considérable. Celle-ci agit par le biais leur ordonnent ce qui est par « l’exemple » (tamthîl) plutôt que par
de la Ligue islamique mondiale : fondée
convenable et leur interdisent « la prédication » (tablîgh), et culte de la
ce qui est blâmable : voilà
en 1962, représentée dans de nombreux ceux qui seront heureux ! » réussite en investissant dans l’éducation,
pays, notamment là où les musulmans les médias et l’économie. Solidement
sont minoritaires, elle chapeaute un réseau
Coran, III, 104. implantée en Turquie entre 1970 et 1990,
d’œuvres culturelles, éducatives et sociales elle étendit ensuite ses missions dans les
et finance la construction de mosquées. anciens pays du bloc socialiste, notam-
... ment en Asie centrale turcophone où elle
de masse pour le renouveau de la foi et la ouvrit des lycées-internats de garçons pri-
propagation de l’islam sunnite parmi les vilégiant l’excellence, les matières scien-
DES VOYAGES POUR LA FOI non-musulmans, très conservatrice sur le tifiques, l’informatique et l’apprentissage
La Tablîghî Jamâ‘at (Société de prédica- plan des mœurs, elle diffuse un message des langues. Elle opéra de plus en Europe
tion), fondée en Inde en 1927, est active simple, résumé en six principes qui invitent occidentale, en Afrique et aux États-Unis
dans plus de 80 pays. Avant de récents les croyants à modeler tous leurs actes – où Gülen s’installa en 1999. Soutien, de
conflits internes, son siège internatio- sur ceux du Prophète, à prier en groupe 2002 à 2011, du gouvernement islamiste
nal se trouvait à Nizamuddin (Delhi) et et à s’entraider. Le sixième principe est turc dont elle contribua à la diplomatie
accueillait une conférence annuelle qui conforme à la méthode de l’association : d’influence, elle fut férocement réprimée
était la deuxième plus grande assemblée les croyants doivent être disponibles pour après le coup d’État avorté de 2016 à
de musulmans après le hajj. Mouvement partir en petits groupes faire des tournées Ankara.
54
Buenos Aires
Siège de la Ligue
islamique mondiale Preston
Bureau officiel
Centre affilié
Source : Ligue islamique mondiale
LES DÉBUTS D’UN MOUVEMENT TRANSNATIONAL : LES LYCÉES DE FETHULLAH GÜLEN DANS LE MONDE EN 1996-1997
Les 149 écoles du mouvement... ... ses 27 683 étudiants... ... et ses 3 209 professeurs venant de Turquie
Kazakhstan 29 Kazakhstan 5 684 Kazakhstan 580
Ouzbékistan 18 Ouzbékistan 3 334 Turkménistan 353
Turkménistan 13 Turkménistan 3 294 Azerbaïdjan 338
Azerbaïdjan 12 Kirghizstan 3 100 Kirghizstan 323
Kirghizstan 12 Azerbaïdjan 3 023 Tatarstan1 217
Tatarstan1 6 Tatarstan1 1 802 Ouzbékistan 210
Australie 5 Albanie 966 Bulgarie 123
Daghestan1 5 Daghestan1 938 Daghestan1 123
Russie2 5 Australie 718 Tadjikistan 107
Tadjikistan 5 Tadjikistan 694 Sibérie1 101
Bulgarie 4 Bulgarie 523 Bachkirie1 88
Irak3 4 Bachkirie1 462 Mongolie 85
Mongolie 4 Mongolie 442 Tchouvachie1 79
Roumanie 4 Sibérie1 438 Roumanie 78
Sibérie1 4 Roumanie 415 Albanie 74
Bachkirie1 3 Russie2 323 Russie2 63
Géorgie 3 Tchouvachie1 311 Géorgie 48
Albanie 2 Géorgie 244 Crimée4 47
Bosnie-Herz. 2 Moldavie5 225 Moldavie5 40
Crimée4 2 Crimée4 218 Australie 37
Moldavie5 2 Irak3 184 Irak3 26
Tchouvachie1 2 Bosnie-Herz. 109 Bosnie-Herz. 22
Indonésie 1 Macédoine 102 Indonésie 18
Karatchaï1 1 Karatchaï1 93 Macédoine 16
Macédoine 1 Indonésie 41 Karatchaï1 13
0 5 10 15 20 25 30 0 1 000 2 000 3 000 4 000 5 000 6 000 0 100 200 300 400 500 600
1. Fédération de Russie 2. Russie proprement dite 3. Turkmènes 4. Ukraine 5. Gagaouzes
Source : B. Balcl, «Les écoles néo-nurcu de Fethullah Gülen», Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, n°101-102, 2003.
55
De la conférence
à la coopération islamique : l’OCI
L’Organisation de coopération islamique – appelée Organisation de la conférence islamique jusqu’en 2011 – est la
plus grande organisation islamique intergouvernementale. Sa création fut décidée, à l’initiative du roi Faysal d’Arabie
saoudite (r. 1964-1975), au cours d’un sommet de chefs d’État tenu en septembre 1969 à Rabat, alors que l’un des lieux les
plus saints de l’islam, la mosquée al-Aqsâ à Jérusalem, venait d’être ravagé par un incendie criminel. L’OCI institutionnalise
néanmoins un idéal plus ancien de « conférence » ou de « congrès » musulman (mu’tamar), né à la fin du XIXe siècle,
partiellement réalisé dès la chute du califat ottoman à la fin des années 1920 et nourri par le modèle onusien après 1945.
L’ISLAM CONTEMPORAIN discuter de leurs problèmes communs et Congress ou la Ligue islamique mondiale, qui
ENTRE UNIVERSALISME donner corps à l’umma – les premières tenta- se définissent comme non gouvernemen-
ET LOGIQUES ÉTATIQUES tives dans ce sens se concrétisant dans l’entre- tales mais servent la politique religieuse du
L’idée de congrès ou de conférence corres- deux-guerres. Après 1945, les États s’empa- Pakistan ou de l’Arabie saoudite, l’Organisa-
pond à ce que les Européens appelèrent à la rèrent plus nettement du panislamisme pour tion de coopération islamique assume claire-
fin du XIXe siècle le « panislamisme ». Face aux en faire un instrument de coopération et ment son caractère intergouvernemental, et
impérialismes européens et en concurrence d’affirmation de leur souveraineté, non seu- reproduit l’ONU à l’échelle des pays se récla-
avec la politique menée par les sultans-califes lement face aux anciennes puissances colo- mant de la foi et de la civilisation islamiques
ottomans qu’ils jugeaient conservatrice, des niales, mais aussi les uns vis-à-vis des autres. quel que soit par ailleurs leur régime.
musulmans songèrent à se rassembler pour À côté d’organisations tels le World Muslim ...
Centre de recherches sur l’histoire, l’art et la culture islamiques
Forum de la jeunesse de la Conférence islamique pour le dialogue et la coopération LES ORGANES DE L’OCI
Fédération des consultants des pays islamiques
Institut de normalisation et métrologie pour les pays islamiques
Nur Sultan (Astana)
Organisation islamique pour la sécurité alimentaire
56
TURQUIE TURKMÉNISTAN
ALBANIE 1969 1992
TADJIKISTAN
1992 SYRIE(2) 1992
1972 IRAN AFGHANISTAN
Rabat TUNISIE IRAK 1969 1969
1969 Palestine(3) 1975
MAROC 1969
1969 KOWEÏT BAHREÏN PAKISTAN
ALGÉRIE 1972
LIBYE
JORDANIE 1969 1969 BANGLADESH
OCÉAN
1969 ÉGYPTE 1969
1969 1969 1974 PACIFIQUE
ARABIE
GAMBIE SAOUDITE
1974 Djedda OMAN
MAURITANIE MALI 1969 1972 THAÏLANDE Front national de
1969 NIGER 1998 libération Moro
1969
1969 SOUDAN YÉMEN QATAR
SÉNÉGAL TCHAD 1969 1977
1969 BURKINA 1969 1969 1972
FASO DJIBOUTI
GUINÉE 1974 1978
GUINÉE- 1969 NIGERIA(4) ÉMIRATS
CÔTE CENTRAFRIQUE BRUNEI
BISSAU 1986 ARABES UNIS 1984
1974 D'IVOIRE 1996 1972
2001 CAMEROUN SOMALIE MALAISIE
1974 OUGANDA 1969 1969
SIERRA 1974
LEONE TOGO 1997 GABON MALDIVES
1972 BÉNIN 1983 1974 1976
COMORES INDONÉSIE
1976 1969
GUYANA OCÉAN INDIEN
1998
Source : OCI
MOZAMBIQUE 1969 siège de l’OCI)
SURINAM
1996 1994
1994 Membre de l’OCI après 1972 et date d’adhésion
2005 Membre observateur de l’OCI
(ainsi que la Ligue des États arabes depuis 1975, l’ONU depuis 1976, le Mouvement
des non-alignés et l’Union africaine depuis 1977 l’Organisation de coopération économique
depuis 1995 et l’Union parlementaire des États membres de l’OCI depuis 2001)
1. État non reconnu par l’ONU
2. Le 16 août 2012, l’OCI suspend la Syrie.
3. La Palestine est membre à part entière de l’OCI depuis l’origine. Elle est traitée comme un État dont le territoire correspond à la Cisjordanie et à la bande de Gaza.
4. En 1991, le Nigeria a renoncé à sa participation à l’OCI, mais celle-ci ne l’a pas formellement reconnu.
58
59
60
AUTRICHE- RUSSIE
ienne HONGRIE Mer
d'Aral
Budapest Azov
Odessa
M
e
Belgrade ROUMANIE Crimée r
Bosnie C
Caucas a
Sarajevo Bucarest e
s
ALBANIE
Erzurum Arménie
Salonique Ankara
Tabriz
GRÈCE Van
Smyrne Anatolie
Téhéran AFGHANISTAN
e Athènes Konya Mossoul
Alep
Dodécanèse
Crète Occupation Syrie PERSE
te Chypre
italienne Beyrouth Bagdad
Occupation
1912
er Méditerranée britannique en 1878 Damas Ispahan
Annexion en 1914 Mésopotamie
oli Palestine
Benghazi Alexandrie Bassora
Jérusalem Chîraz
ne Cyrénaïque o
G
Djedda La Mecque
R
Port-Soudan Dhofar
Soudan
ou
g
anglo-égyptien Asir
e
Condominium ut
britannique et égyptien m ao
Afrique Massaoua Sanaa ra
1899 d OCÉAN INDIEN
équatoriale Érythrée Hodeïda Ha
Mukalla
Khartoum Yémen
française Conquête italienne
Occupation britannique
1882-1890 Socotra
Aden d'Aden en 1839
Côte française
Djibouti
des Somalis
ABYSSINIE Somalie brit. 400 km
61
De l’Empire ottoman
à la Turquie
La principale héritière de l’État impérial ottoman est la Turquie qui se construisit sur des bases
territoriales, confessionnelles et institutionnelles nouvelles tout en parachevant un processus de réformes
amorcé au XIXe siècle. Sous la conduite de son fondateur et premier président, Mustafa Kemal Atatürk
(1880-1938), elle fit le choix d’une laïcité combative, devenue un principe constitutionnel en 1937.
L’islam continue néanmoins à imprégner massivement la société et reste au cœur des débats politiques.
Le Caire fe
ol
Suez Pe
Aqaba
Zones
rs
iq
neutres ue
LIBYE BAHREÏN
(Union de la Cyrénaïque
et de la Tripolitaine QATAR
en 1934) HEDJAZ
ÉGYPTE
M
en 1922) LA
r
Médine
ARABIE SAOUDITE
R
Assouan
o
(1932)
u
g
e
La Mecque
Djedda Tâ’if
Frontières
Port-Soudan de facto
ASIR
SOUDAN
ANGLO-ÉGYPTIEN
TCHAD Massaoua Sanaa PROTECTORAT
D’ADEN
Khartoum ÉRYTHRÉE Hodeïda YÉMEN Mukalla
ABYSSINIE Aden
62
OMAN
AMASYA
TOKAT
Ankara ERZINCAN
D H O FA R
SIVAS
ELÂZIG
Population provinciale..., MALATYA
en milliers d'habitants
500 DIYARBAKIR
OCÉAN INDIEN 250 ADANA
AT ADIYAMAN
100
63
L’Arabie saoudite
Une fois le pouvoir ottoman vacant, la protection des villes saintes de La Mecque et de Médine
fut successivement exercée par la famille Hachémite et par la famille Saoudite. Celle-ci,
à l’inverse des choix de la Turquie, dota son territoire d’une loi fondamentale tirée des
enseignements du Coran et de la tradition prophétique (sunna). Deux autorités coexistent dans
l’État : l’autorité politique des Âl Sa‘ûd, et l’autorité religieuse des oulémas qui, sans contester
les décisions politiques, veillent à la conformité de la société avec la prédication wahhabite.
L’ALLIANCE DU SABRE bin ‘Abd al-Wahhâb (1703-1792), il invite saire pour unifier la péninsule Arabique
ET DU CORAN le croyant à ne se laisser détourner en et transformer leur pouvoir tribal en une
Les premières tentatives de création rien de la soumission à Dieu. Culte des mission théocratique. Longtemps craint
par la famille de Sa‘ûd (Saoud) d’un État saints, visites aux tombes, exercices mys- des autres musulmans, le wahhabisme
centré sur La Mecque et soutenu par le tiques, usage rituel de la musique, du finit par devenir une composante de la
wahhabisme remontent à la fin du XVIIIe chant et de la danse sont condamnés vulgate orthodoxe sunnite en raison de
et au début du XIXe siècle. Le wahha- comme des innovations étrangères à la son inscription dans le cadre d’un État
bisme est un courant doctrinal rigoriste Révélation. Vers 1745, Ibn ‘Abd al-Wahhâb puissant, et de sa concordance avec
de l’islam, dérivé de l’école juridique trouva en la personne du chef de la tribu des mouvements de réforme religieuse
hanbalite. Ses adeptes se désignent eux- des Sa‘ûd, auquel il donna sa fille en apparus aux XIXe et XXe siècles pour ratio-
mêmes comme les muwahhidûn, « ceux mariage, un puissant allié pour imposer naliser la pratique de l’islam et résister à
qui professent l’unicité divine ». Prêché au sa doctrine par le jihâd. En retour, les l’occidentalisation des mœurs.
XVIIIe siècle dans le Najd par Muhammad Âl Sa‘ûd gagnèrent la légitimité néces- ...
LA POSITION GÉOGRAPHIQUE DE LA MER ROUGE VUE PAR UN UNIVERSITAIRE SAOUDIEN
37
ÉTATS-UNIS 3 8
5
D'AMÉRIQUE 4 9
1 2 6 TURQUIE
7 CHINE
30 31 14 13 11 28
OCÉAN 12 IRAK IRAN
MAROC 10 16 27
AT L A N T I Q U E ALGÉRIE LIBYE 17 34
ARABIE 18
OCÉAN
26 ÉGYPTE 15
33 SAOUDITE INDE PA C I F I Q U E
25 OMAN
MALI NIGER SOUDAN 32 29
TCHAD 19
20
24 36
21
23 22
35
BRÉSIL
O C É A N PA C I F I Q U E
OCÉAN INDIEN
AUSTRALIE
28. AFGHANISTAN
1. PORTUGAL 10. JORDANIE 19. DJIBOUTI 29. YÉMEN
Moyen-Orient et 2. ESPAGNE 11. SYRIE 20. ÉTHIOPIE 30. TUNISIE
3. FRANCE 12. ISRAËL 21. SOMALIE 31. MALTE
Afrique du Nord
4. ITALIE 13. LIBAN 22. KENYA 32. ÉRYTHRÉE
Principales régions 5. YOUGOSLAVIE 14. CHYPRE 23. OUGANDA 33. MER ROUGE
6. ALBANIE 15. É.A.U. 24. CENTRAFRIQUE 34. GOLFE ARABE
islamiques
7. GRÈCE 16. KOWEÏT 25. MAURITANIE 35. INDONÉSIE
Source : in D. Chevallier, Orient d'encre, 8. ROUMANIE 17. BAHREÏN 26. SAHARA OCCIDENTAL 36. MALAYSIA
Sindbad, Actes Sud, Arles, 2003. 9. BULGARIE 18. QATAR 27. PAKISTAN 37. KAZAKHSTAN
64
ÉGYPTE
JORDANIE
officiellement en 1932, se constitua à la
Aqaba
faveur de la décomposition de l’Empire Basra Zones neutres :
ottoman et dans les limites autorisées par 1. Partage de la zone avec
Tabuk KOWEÏT l’Irak entre 1975 et 1981.
les Britanniques, alors très présents, politi- Officiel en 1991.
1 Koweït
quement et militairement, dans la région. 2. Partage de la zone avec
He
Zones 2 le Koweït en 1967
S’étant déjà rendu maître du Najd et du
Go
Haïf neutres
dja
Officiel en 1970.
Ahsâ’ (Hasa) entre 1901 et 1914, le fon-
lfe
z
dateur, ‘Abd al-‘Azîz Âl Sa‘ûd (Ibn Saoud, Buraidah Damman
BAHREÏN
v. 1880-1953), rivalisa, après la Première Médine Najd Hasa Pe
rsique O.
Guerre mondiale, avec d’autres princes Mer Riyad A-Hufuf QATAR
La question de Palestine
Le conflit israélo-arabe/palestinien n’est pas d’abord un conflit religieux. Il résulte de l’affrontement
entre deux nationalismes et des réactions de défense des Palestiniens arabes, musulmans
et chrétiens, face à la dépossession de leurs terres, à l’exode de 1948, à l’occupation de la Cisjordanie
et de la bande de Gaza depuis 1967 et à l’absence d’État. La question palestinienne est néanmoins
devenue la cause par excellence qui fédère les musulmans du monde entier. La présence de Jérusalem,
centrale dans l’identité juive et troisième ville sainte de l’islam, exacerbe les passions.
SYRIE
d’Israël Territoires annexés* occupés par Israël
(Jérusalem-Est : 1967, 1980 ; Golan : 1981) i
depuis 1967 an
Li t
Territoire démilitarisé (1974)
LIBAN Qunaytra
Territoire évacué par étapes (1974-1982)
SYRIE Territoires palestiniens autonomes - Golan
Zone A (Oslo I et II, 1993-1995)
Haïfa Haïfa
Nazareth Sous contrôle mixte - Zone B (pouvoir Nazareth
Mer rm ouk civil aux palestiniens et militaire aux israéliens) Mer rm ouk
Ya Ya
Méditerranée Sous contrôle israélien - Zone C Méditerranée
Clôture de Cisjordanie
J ourdain
J ourdain
(déjà construit ou en construction)
Tel-Aviv
Tel-Aviv Amman Israël au Liban : Amman
Zone de sécurité (1978-2000) Ligne d’armistice
de 1949 Jéricho
Jérusalem Jérusalem
Opération «Paix en Galilée» (1982) (ligne verte)
Mer *non reconnu par la communauté internationale. Mer
Gaza Gaza
Morte Morte
UNE CAUSE ISLAMIQUE sous mandat de la Grande-Bretagne. Son de la ville sainte et en défendit le carac-
ANCIENNE indépendance était alors subordonnée à tère arabe et islamique. Des musulmans
La mobilisation des musulmans pour la réalisation d’un foyer national juif que indiens, hostiles à la domination coloniale
la Palestine remonte aux années 1920, refusait la majorité arabe. Destiné à aler- britannique et soucieux de faire corps face
lorsque, l’Empire ottoman ayant perdu ter les musulmans sur la question palesti- aux hindous, étaient notamment très sen-
toute souveraineté sur ses provinces ara- nienne, le congrès général islamique tenu sibles à cette thématique.
bes, un territoire de Palestine fut institué à Jérusalem en 1931 affirma la centralité ...
66
67
Islam et nation
du Jammu-et-Cachemire à l’autodétermi-
nation sous l’égide de l’ONU. Le conflit a une
forte dimension identitaire. Au Cachemire,
au Pakistan
le Pakistan s’affirme face à l’Inde comme
défenseur des musulmans qu’il mobilise
internationalement via l’OCI. L’Inde l’accuse
de soutenir les groupes islamistes armés qui
transformèrent la vallée de Srinagar en ter-
ritoire de jihâd à partir des années 1990. Elle
Deuxième État après l’Indonésie par sa population musulmane entend y défendre les éléments hindous
(environ 200 millions d’individus en 2017), le Pakistan naquit de la partition de la culture cachemirie et la sécurité de
de l’Inde britannique. Son nom signifie « le pays des purs » (Pak). l’Union. Dans les années 2010, séparatisme
Il est aussi composé de lettres correspondant aux provinces des musulmans du Jammu-et-Cachemire
du nord-ouest de l’Inde où, en plus du Bengale, les musulmans étaient et répression par l’armée indienne s’alimen-
majoritaires en 1947 : P pour Pendjab, A pour Afghans de la frontière tèrent. En 2019, après la reconduction du
(Pathans), K pour Kashmir (Cachemire), S pour Sind,TAN pour Baloutchistan. gouvernement nationaliste hindou Modi,
L’identité du Pakistan n’était pas d’abord territoriale mais confessionnelle : le Jammu-et-Cachemire perdit son statut
il fut conçu comme l’État des musulmans du sous-continent indien. d’autonomie au sein de l’Union indienne.
...
LE PAKISTAN, ÉTAT DES
LA PARTITION DE L’INDE COMPOSITION CONFESSIONNELLE MUSULMANS OU ÉTAT ISLAMIQUE ?
La décolonisation entraîna la partition DU PAKISTAN Le rôle joué par l’islam dans la naissance du
de l’Inde, le 14 août 1947. À l’exception Pakistan et le poids des partis religieux ren-
En % de la population totale
du Cachemire, les provinces en majorité daient improbable l’instauration d’un État
musulmanes (23 % de la superficie et laïque, pourtant souhaitée par Muham-
18 % de la population du Raj) formèrent Sunnites mad Ali Jinnah (1876-1948), son fondateur.
le Pakistan, 2 000 km séparant le Bengale 75 à 85 Source de l’autorité de l’État et de la légiti-
du reste du pays. Pour les créateurs du mité politique, l’islam inspire aussi le droit
Pakistan, les musulmans appartenaient depuis les années 1970. La politique d’isla-
à une autre civilisation que les hindous misation se traduisit par la marginalisation
et formaient une nation distincte dont la des ahmadiyya, déclarés non musulmans,
survie en Inde n’était plus assurée parce le développement des madrasas avec le
12 à 22
qu’ils y étaient minoritaires (24 % de la soutien des pouvoirs publics, la mise en
population avant 1947) et sans espoir 3 place de tribunaux religieux chargés de
de retrouver la prééminence politique Chiites veiller à la conformité des lois avec l’islam,
duodécimains Ahmadis et non-musulmans
qu’ils avaient connue avant l’arrivée des (chrétiens, hindous)
et l’application de la charî‘a à certains
et ismaéliens
Britanniques. Avec la partition, des dépla- domaines symboliques du droit crimi-
cements de millions d’individus eurent nel, d’une façon discriminatoire pour les
lieu entre l’Inde et le Pakistan, faisant LA QUESTION DU CACHEMIRE femmes et les non-musulmans. Cette poli-
d’innombrables victimes, surtout au Pen- Depuis la partition, l’ancien État princier du tique eut aussi pour effet d’identifier l’État
djab, disséqué par la nouvelle frontière. Cachemire est au cœur de l’antagonisme aux sunnites, au détriment des chiites, et
Au Pakistan, les déplacés et leurs des- entre l’Inde et le Pakistan, qui s’y combat- nourrit la violence sectaire. Le droit anglo-
cendants furent appelés mohajir, terme tirent ouvertement en 1948 et 1965 et indien reste néanmoins la source d’une
évoquant la fuite du Prophète à Médine furent au bord de la guerre en 1999, alors grande partie du système juridique.
et la fondation d’une nouvelle commu- qu’ils venaient de se doter chacun de l’arme
nauté musulmane. L’islam était le princi- nucléaire. Le conflit est d’autant plus sen-
pal élément fédérateur de populations
très diverses. Il n’excluait pas des senti-
sible que les deux belligérants possèdent
aujourd’hui l’arme nucléaire. Depuis le ces-
Verbatim
ments ethniques et linguistiques propres, sez-le-feu de 1949, le Cachemire est divisé « Dûment cultivé,
surtout au Pakistan oriental qui finit par de fait entre l’Azad Cachemire (Cachemire le sentiment de la différence
faire sécession et proclamer son indé- libre) et les Territoires du Nord (contrôlés [...], fondement de la partition,
pendance sous le nom de Bangladesh, par le Pakistan), et le Jammu-et-Cachemire, met en jeu des identités définies
en mars 1971. Une guerre sanglante s’en- État de l’Union indienne (1957). Dans les comme [...] quasi immanentes,
suivit avec l’armée pakistanaise jusqu’à ce années 1960, la Chine entra dans le conflit
mais en fait politiquement
construites [...]. »
que celle-ci fût contrainte à la retraite par en occupant l’Aksai Chin et en obtenant du
l’intervention de l’Inde. Pakistan des aménagements de frontière à Jean-Luc Racine,
... son profit. L’Inde voit en l’Azad Cachemire
2000.
68
Mysore
Madras
Îles Adaman et N
Mysore
Mahé (Fr.) Pondichéry (Fr.)
Îles Laquedives
Karikal (Fr.)
Travancore
icob
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CEYLAN
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1948
OCÉAN Colombo
INDIEN MALDIVES
1965
250 km
Source : Histoire de l'Inde moderne 1480-1950, sous la direction de C. Markovits, Fayard, Paris, 1994.
69
Téhéran
LE MAUSOLÉE DE L’AYATOLLÂH KHOMEINI TÉHÉRAN
Université Téhéran
islamique Azad ALBORZ
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71
Les républiques
d’Asie centrale et l’islam
Entre Mongolie et mer Caspienne, l’Asie centrale fut longtemps connue comme « le pays des Turcs »
(Turkestan), tout en étant profondément marquée par la culture iranienne. La religion dominante
est le sunnisme hanafite, très fortement imprégné de soufisme. Avec Boukhara et Samarcande, la région
compte de hauts lieux de la civilisation islamique. La domination coloniale russe puis soviétique a forgé
son visage actuel et donné naissance à cinq républiques :Turkménistan, Ouzbékistan,Tadjikistan, Kazakhstan
et Kirghizstan. Leur indépendance en 1991 les a à nouveau ouvertes sur le monde musulman.
DU TURKESTAN RUSSE bliques autonomes avaient été créées à miste des musulmans de Russie, et tentés
AU DÉCOUPAGE NATIONAL l’intérieur de la RSFS de Russie. Devenues par une expérience originale de « commu-
DE L’ASIE CENTRALE des républiques populaires, les anciennes nisme national » (idéologie selon laquelle
Conquise par les Russes entre le XVIIe et principautés protégées de Khiva et de l’émancipation des peuples colonisés est
le XIXe siècle, l’Asie centrale fut progressi- Boukhara étaient quant à elles dirigées par une étape de la révolution prolétarienne).
vement intégrée à l’URSS après la révolu- des gouvernements indigènes, inspirés par L’année 1924 et la période stalinienne
tion de 1917. À la fin de 1920, deux répu- le mouvement djadid, mouvement réfor- marquèrent une rupture. L’Asie centrale
Samara
l ga Bachkirs Krasnoïarsk
Vo Petropavlovsk Transsibérien
Troïtsk Omsk
Tsaritsyne Novonikolaïevsk
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Orenbourg
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1873
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Tachkent 1865
1)
72
« En septembre 1993,
Bahâ’ al-dîn Naqchband
a été l’objet d’une DÉCOUPAGE NATIONAL ET SOVIÉTISATION DE L’ASIE CENTRALE (1924-1936)
réhabilitation officielle
du gouvernement [ouzbek]
et l’accès à son tombeau R.S.S.A. DES MARIS
ouvert aux pèlerins. »
R.S.S.A. DE R.S.S.A. RÉPUBLIQUE SOCIALISTE FÉDÉRATIVE
Thierry Zarcone, 1996. MORDOVIE D’OUDMOURTIE
SOVIÉTIQUE DE RUSSIE
RSSA DU
R.S.S.A. DE
TATARSTAN
TCHOUVACHIE
R.S.S.A. DES ALLEMANDS R.S.S.A. DE
DE LA VOLGA BACHKIRIE
SURVIVANCE
ET RENOUVEAU DE L’ISLAM Khakassie
Malgré la révolution culturelle de l’ère
R.S.S.A. DE
stalinienne, l’islam se maintint. À partir KALMOUKIE
de 1943, les autorités promurent des ins- Haut-Altaï
DAGHESTAN
R.S.S. D’ AZERB. R.S.S.A. DU
DES ACTEURS ANCIENS DE LA VIE la domination coloniale. Dotés pendant au depuis, des moyens d’action légaux – telle
POLITIQUE ÉGYPTIENNE moins dix ans (1943-1952) d’une structure l’insertion dans les unions professionnelles,
Née à Ismaïliyya en 1928 et organisée de paramilitaire clandestine, l’« Organisme spé- à la différence d’autres mouvements qui,
manière hiérarchisée par son fondateur et cial », les Frères firent la guerre en Palestine des années 1970 aux années 1990, choi-
premier guide, Hasan al-Bannâ, dans un en 1948 et animèrent la guérilla antibritan- sirent l’affrontement armé avec l’État. Ces
esprit missionnaire, l’Association des Frères nique qui conduisit au coup d’État militaire derniers étaient influencés par Sayyid Qutb,
musulmans luttait contre l’occidentalisa- de 1952 au Caire. Persécutés par Nasser qui Frère musulman exécuté en 1966 parce
tion des mœurs, la sécularisation du droit et craignait leur concurrence, ils privilégient, que ses écrits analysaient le régime nassé-
rien comme non musulman et pouvaient
légitimer le jihâd contre lui. Victorieux dans
ORGANIGRAMME DES FRÈRES MUSULMANS les urnes, les Frères musulmans peinent à
(ÉGYPTE, DÉBUT DES ANNÉES 1950) gouverner l’Égypte et doivent compter
avec une armée garante de la paix civile
GUIDE GÉNÉRAL depuis 1952. Les élections de 2012 furent
(murchid ‘âmm) aussi marquées par les bons résultats des
Organe fondateur Assemblée Bureau général salafistes, fondamentalistes influencés par
(hay’a ta’sisiyya) consultative générale de l’orientation
(de 100 à 150 membres) (majlis al-chûrâ al-‘âmm) (20, 15 ou 12 membres)
le wahhabisme saoudien et poussés par le
Vice-guide contexte révolutionnaire à entrer dans le
(à partir de 1951) champ politique.
Représentant
...
Secrétariat
1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020
1925 1935 1945 1955 1965 1975 1985 1995 2005 2015
vit le jour – sauf peut-être en Syrie où, à lité, leur présence sur le terrain social, la lorsqu’ils ne se réfèrent pas directement à
partir de 1963, elle constitua la seule alter- lisibilité de leur message, et, dans le cas du l’islam pour contourner toute interdiction
native crédible au régime ba‘thiste et à la Hamas palestinien, le maintien d’un esprit des partis religieux, renvoient à des thèmes
prise du pouvoir par les alaouites, avant de résistance contre Israël, y compris par – justice, liberté, réforme, renaissance –
d’être éradiquée par une répression féroce les armes, assurent aux mouvements ins- fortement ancrés dans la culture islamique
en 1982. Leur opposition constante aux pirés par les Frères le succès aux élections, et particulièrement mobilisateurs depuis
dictatures, une réputation d’incorruptibi- quand elles sont libres. Leurs noms, même déjà le XIXe siècle.
75
Diversité de l’islamisme
Partis et mouvements politiques référés à l’islam sont loin de se limiter au monde sunnite et au monde
arabe où agissent, pour l’essentiel, les Frères musulmans. On en verra ici quelques exemples. Fondée
à Lahore en 1941, la Jamâ‘at-i islâmî (Société musulmane) est l’un des plus anciens partis politiques
musulmans, et joua un grand rôle dans l’islamisation de l’État pakistanais. Organisés à partir de 1970,
les islamistes turcs offrent l’exemple le plus abouti de parti de gouvernement.Tout à la fois mouvement
combattant et parti, le Hezbollah libanais, enfin, est une expression de l’islam politique chiite.
30 30 30
25 25 25
20 20 20
22,19
21,32
19,66
19,3
19,2
15 15 15
17,89
15,41
14,65
13,22
10 10 10
12,01
4,75
10,71
4,17
9,5
8,71
5 5 5
8,3
8,16
7
6,5
1,2
5
0 0 0
MHP
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DYP
DSP
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HADEP
MHP
ANAP
DYP
DSP
CHP
HADEP
AKP
MHP
ANAP
DYP
DSP
CHP
DEHAP
Refah
Fazilet
Genç
76
Verbatim
démocratie chrétienne. Les législatives
de 2002 l’amenèrent durablement au
STRUCTURE DE LA JAM‘AT-I
pouvoir. Il garda la majorité absolue ISLÂMÎ DU PAKISTAN
« L’islam doit réguler aux élections de 2007, 2011 et 2015 et PAKISTAN
toute la vie, y compris Émir
l’atteignit encore en 2018 en s’alliant à Vice-émir
dans sa dimension sociale,
politique, économique. » l’extrême-droite nationaliste (MHP). Sa
domination se traduit par une visibilité Markazî Secrétaire général
Sabri, étudiant en droit Majlis-i Chûrâ suprême
accrue de l’islam dans l’espace public, (Conseil consultatif central)
à Istanbul, 1995.
la revendication de l’héritage ottoman, Organismes
Thierry Zarcone, 1996. une diplomatie active au Moyen-Orient, affiliés*
77
L’idéologie du jihâd
Concept polysémique, le jihâd désigne le combat spirituel, la lutte défensive, ou la guerre pour étendre le territoire
de l’islam.Très mobilisateur, il fut invoqué dans les luttes anticoloniales et nationales. Depuis les années 1970,
de nombreux groupes islamistes armés s’en réclament, en se nourrissant d’une réflexion théorique commencée
par Mawdûdî puis Qutb, et poursuivie par un ancien Frère musulman palestinien, ‘Abdallâh ‘Azzâm (1941-1989),
dans le contexte de la guerre d’Afghanistan. Le nouveau jihâd vise non seulement les « ennemis » extérieurs
de l’islam mais aussi des pouvoirs et des sociétés qui, se déclarant musulmans, ne le seraient plus dans les faits.
Kamechliyé
TURQUIE Kobané
Ras Al-Ayn RÉGION
Afrin AUTONOME IRAN
Manbij Hassaké DU KURDISTAN
Sinjar Mossoul
Rakka Erbil
Idlib Alep
Euph Occupée de juin 2014
r à juillet 2017
Souleimaniyé
ate
Damas Fallouja
Bagdad
Golan
ISR. IRAK
Deraa Karbalâ’
Régions désertiques
78
États-Unis
Washington
2001
Al-Khobar
1996 Philippines
New York (région moro de Mindanao)
1993
2001
Moscou
1999
EUROPE Tadjikistan
OCCIDENTALE Cachemire ASIE DU SUD
Paris Tchétchénie 2 New Delhi ET SUD-EST
1995 2001
Bosnie
Iran
Projection J. Bertin, 1953.
Irak
1. Arabie saoudite
Algérie 1 2. Pakistan
Égypte
Riyad
1995
Aden URSS jusqu’en 1991
2000
Soudan Somalie Afghanistan
Mogadiscio
1993 Pays soutenant le jihâd antisoviétique
Nairobi en Afghanistan (1979-1989)
1998
Afflux de «jihadistes» étrangers
Dar es-Salam
1998
en Afghanistan
Base du jihâd afghan (Peshawar)
CHARΑA ET FIQH légaux. La charî‘a est la règle établie par un corpus juridique facilement connais-
Le terme charî‘a signifie étymologiquement Dieu et contenue dans les sources scriptu- sable et tout prêt à être appliqué. La charî‘a
« la voie ». S’appliquant aux monothéismes, raires de l’islam (Coran et Hadîth) qui consti- n’est accessible qu’à travers des normes éla-
il désigne la religion dans ses aspects tuent la Révélation. Elle ne consiste pas en borées par des savants spécialisés en fiqh.
80
81
82
U
siècles : la prière individuelle ou collective à la mosquée,
n atlas de l’islam oblige à parcourir le le jeûne, l’aumône et cette étonnante expérience du
monde, dans sa diversité géographique, pèlerinage à La Mecque, où la communauté mesure
culturelle, linguistique, économique. Il concrètement et ce qui la rassemble, et les tensions qui
mène dans les mondes arabe et persan, en l’animent. Dieu se cherche par une voie « extérieure », la
Turquie et dans les Balkans, dans le bassin loi (charî‘a), et par une voie « intérieure », la voie
de la Volga et en Asie centrale, en Chine, dans la mystique (tarîqa), qui mène à la vérité profonde de ce
péninsule indienne et dans le monde malais, et encore qui est manifesté (haqîqa). Science de la loi et connais-
en Afrique subsaharienne. Depuis quelques décennies, sance mystique nourrissent la foi. L’islam se vit et se
à la suite des migrations récentes, un islam d’Europe se transmet dans les mosquées – maisons de prières –, dans
constitue, bien au-delà des Balkans. Des communautés les madrasas et dans les confréries. Malmenées dans le
s’organisent, définissent leurs rapports avec les États, dernier siècle, ces dernières conservent néanmoins une
s’interrogent et interrogent l’identité des sociétés grande force sociale, morale et spirituelle, et leurs
européennes. Le continent américain, à commencer par fondateurs et desservants constituent autant de saints et
le Canada et les États-Unis, connaît une situation de marabouts, objets de la vénération populaire.
comparable. Ces mondes sont, pour paraphraser Felice
Dassetto, traversés par des « logiques globales » qui DANS L’ORDRE POLITIQUE, LES MONDES DE L’ISLAM,
s’inscrivent à la fois dans le temps long de la religion et du moins les plus anciens, ont en commun d’être traver-
de la civilisation islamiques, et dans les tentatives faites sés par des frontières récentes et mouvantes. Celles-ci
pour enrayer un « déclin » ou combler un « retard » mis sont le produit de l’expansion impériale européenne qui
au jour par la domination coloniale1. provoqua une onde de choc considérable et continue de
tarauder les consciences. Contrastant avec la gloire des
FAIRE PROFESSION D’ISLAM, c’est à la fois reconnaître empires musulmans, du califat de Damas aux sultanats
en son for intérieur la transcendance d’un Dieu unique ottoman et moghol, elle fit naître chez les musulmans le
et miséricordieux, et déclarer son appartenance à une sentiment d’un déclin, tout en développant en eux un
communauté organisée par le prophète Muhammad. esprit de résistance et de réforme. Les transformations
C’est sans doute dans l’existence de cette communauté, politiques et sociales massives des pays musulmans à
« bien plus que dans une notion “sacrale” de l’organisa- partir des années 1920 (avènement de nouveaux États,
tion politique, que s’enracine cette fusion spirituel occidentalisation, émancipation des femmes, croissance
temporel spécifique de la Cité “musulmane”2» . Il devient démographique, urbanisation) accélérèrent la quête
ainsi difficile, mais non impossible, de concevoir la d’une renaissance et d’une modernité islamiques. Quelle
place pour l’islam dans les États et les sociétés modernes :
1
Felice Dassetto, Islams du nouveau siècle, Édition Labor,
Quartier libre, Bruxelles, 2004, p. 13.
héritage culturel ? Valeur refuge ? Force de contestation
2
Louis Gardet, « Islâm », Encyclopédie de l’islam, 2e édition, IV, Brill, Leyde, p. 181. et de changement ? Humanisme ?
83
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85
86
87
Les principales
ESPAGNE
Royaumes
Umayyades d’Espagne
de Taifas
dynasties Idrissides
Anarchie
Almoravides
MAGHREB
berbère
Hamdanides
Seldjoukides
IRAK
Abbassides Bouyides
IRAN OCC.
Umayyades Gra
Seldjo
Saffarides
IRAN OR.
Tahirides
AFGHANISTAN TRANSOXIANE
Samanides
INDE
Ghaznévides
88
Nasrides
dides Hafsides
Ayyoubides Mamelouks
Atabegs Ottomans
Zangkides
Seldjoukides
de Rum
Émirats
turcomans
Seldjoukides
Abbassides
États turcomans
Grands
Seldjoukides
Safavides Qadjars
Mongols
Kharezmchahs
Ghurides
Émirs et rois afghans
Moghols de l’Inde
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91
92
93
94
95
Atlas des frontières Atlas historique Atlas des premières Atlas de la Shoah
Retour des fronts, des États-Unis colonisations La mise à mort
essor des murs Lauric Henneton XVe-début XIXe siècle : des Juifs d’Europe,
des conquistadores 1939-1945
Hugo Billard
Frédéric Encel aux libérateurs Georges Bensoussan
Marcel Dorigny
Atlas
Atlas de l’islam
—
Anne-Laure Dupont est maître de conférences en histoire à Sorbonne Université
et membre du Centre d’histoire du xixe siècle. Elle est spécialiste du monde arabe
et du Moyen-Orient aux xixe et xxe siècles.
Guillaume Balavoine est cartographe indépendant.
de l’islam
Lieux, pratiques et idéologie
Anne-Laure Dupont
En couverture :
Musulmane lisant le Coran le premier jour
du Ramadan dans la mosquée de Istiqlalen
en Indonésie, juin 2016
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www.autrement.com Images / Barcroft Media via Getty Images TROISIÈME ÉDITION