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Univ. Ibn Zohr, Fac. Sci. Agadir. Dép. Géol. Md. Métallogénie (STU5) -2014/2015- ABIA E. H.

Gites lies à la différenciation


pédologique
En métallogénie de surface, la différenciation pédologique est certainement un des mécanismes
les plus importants de la concentration métallifère, soit qu’elle induise directement des gisements, soit
qu’elle provoque des conditions permettant à la différenciation sédimentaire de jouer un rôle décisif
après exportation vers les bassins des produits altérés. En fait, on parlera ici de différenciation
« pédologique » au sens de différenciation provoquée par l’action d’altération et du développement
des sols et non, comme l’entendent les pédologues, de différenciation d’un sol en divers horizons.
L’attention des métallogénistes sur l’importance du phénomène de différenciation pédologique a
été attirée par Erhart (1955) qui a présenté un modèle très simple dans ces grandes lignes : la théorie
de « bio-rhexistasique ». Mais, la différenciation pédologique vu à travers ce modèle d’Erhart ne doit
pas cacher la complexité d’ensemble des phénomènes, car il est indispensable de tenir compte des
autres environnements climatiques depuis les environnements sans différenciation pédologique
(zones arctiques ou hyper-arides) jusqu’aux zones de type équatorial, ainsi que des bio-rhexistasies
anciennes développées sous d’autres peuplement végétal et sous d’autres atmosphères.
Les altérations peuvent constituer des facteurs négatifs ou positifs vis à vis des minéralisations :
ainsi, elles détruisent par oxydation les gisements d'uranium, provoquent des transformations
minéralogiques qui peuvent modifier considérablement l'économie d'une minéralisation (un minerai à
12% Zn est économique avec de la sphalérite, non-économique si c'est de la smithsonite). Enfin, les
altérations provoquent des enrichissements mécaniques (gîtes résiduels) ou chimiques (bauxite,
nickel, cuivre, or, fer).
Dans ce chapitre on se contentera à des aspects plus classiques, et on examinera les mécanismes
de l’intervention des phénomènes pédologiques s.l. en tant que phénomènes métallogéniques dans
deux cas :
- l’action des phénomènes de surface sur des gisements liés à un autre processus de
concentration ;
- l’action des phénomènes de surfaces sur des roches à teneur banale « les bauxites ».

I) l’action des phénomènes de surface sur des gisements liés à


un autre processus de concentration : Exemple de la cimentation
des gisements de cuivre.

La cimentation (ou enrichissement supergène ou secondaire) est défini comme l’ensemble des
processus physico-chimiques qui, dans les conditions de surface, provoquent un accroissement
(enrichissement) en teneur d’un élément métallique à partir d’une concentration antérieure.
I-1) Profil de gisement de cimentation (Fig.1)
 Zone d’oxydation subdivisée en deux sous zones :
- sous zone superficielle de dissolution par les eaux de pluie riches en gaz
carbonique, où le minerai primaire disparaît et les éléments insolubles restent en
surface pour former un «chapeau de fer» (gossan en anglais) à oxydes et
hydroxydes de fer, carbonates et sulfates « limonite ».
Le terme limonite désigne une roche constituée de composés ferrifères : goehtite, hématite,
lépidocracite, jarosite (sulfates), sidérite (carbonate) auxquels s’ajoutent du jaspe, gypse, carbonates
variés et composés de Mn.
- Sous zone d’infiltration (zone de minerais lessivés oxydés = zone de précipitation à
minéraux néoformés en régime oxydant). Dans cette zone on ne retrouve plus que

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les empreintes des minéralisations sulfurées primaires sous forme de boxwercks


(cavités).
Généralement la limite inférieure d’oxydation coïncide avec le niveau piézométrique.
 Zone de cimentation caractérisée par le redépôt «précipitation» en milieu aquatique
et en régime réducteur des métaux lessivés de la partie d’oxydation. C’est la partie
enrichie souvent la seule exploitable du gisement.
 Zone de minerai primaire (protore ou minerai hypogène) qui subsiste en profondeur,
elle est souvent plus difficile à exploiter (teneurs faibles).

Fig.(1) : Profil de gisement de cimentation.

I-2) Chimisme des processus d’altération


Considérons une association minérale diffuse constituée de pyrite, galène et autres sulfures de
métal bivalent M2+.
Dans les conditions de surface (O 2 , CO 2 , H 2 O), l’altération (oxydation) des sulfures peut être
représentée par l’exemple de l’oxydation de la pyrite qui se déroule suivant les réactions ci-dessous :
(1) 2FeS 2 + 7O 2 + 2H 2 O  2FeSO 4 + 2H 2 SO 4
le sulfate ferreux est instable et en s’oxydant, il se transforme au sulfate ferrique :
(2) 12FeSO 4 + 3O 2 + 2H 2 O  4Fe 2 (SO 4 ) 3 + 4Fe (OH) 3
(2’) 4FeSO 4 + O 2 + 2H 2 SO 4  2Fe 2 (SO 4 ) 3 + 2H 2 O
Le sulfate ferrique, dans des conditions neutres à légérement acides, est également instable. Il se
transforme à l’hydroxyde de fer :
(3) Fe 2 (SO 4 ) 3 + 6H 2 O  2Fe(OH) 3 + 3H 2 SO 4
La précitétation de ce dernier (hydroxyde de fer) est à l’origine des minéraux du chapeau de fer
(goethite, hémathite …). Il peut y avoir également précipitation d’autres minéraux comme la
malachite :
2CuFeS 2 + 8.5O 2 + 6H 2 O + CO 2  2Fe(OH) 3 + 2CuSO 4 + 2H 2 SO 4 + H 2 CO 3
2CuSO 4 + H 2 CO 3 + H 2 O  Cu 2 CO 3 (OH) 2 + 2H 2 O
Dans la sous zone d’infiltration le sulfate ferrique est l’agent primordial de l’oxydation :
2+ 2+
(4) M S + 4Fe 2 (SO 4 ) 3 + 4H 2 O  M SO 4 + 8FeSO 4 + 4H 2 SO 4
La réaction (4) fait passer un cation bivalent de l’état sulfuré à l’état sulfaté. Le sulfate ferrique
(agent principal de l’oxydation) ne peut intervenir suivant cette réaction que sur les sulfures dont le
métal est plus chalcophyle que le Fe (Fig. 2).
Les solutions sulfatées engendrées dans la zone d’oxydation s’infiltrent dans la zone profonde
(zone de cimentation) ou elles peuvent réagir sur les sulfures primaires et entraînent un
enrichissement (formation de sulfures secondaires). Par exemple le Cu en solution va remplacer

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pyrite, sphalérite … pour donner le minéral le plus caractéristique des zones de cimentation ; la
chalcocite (Cu2S) et accessoirement la covellite (CuS). La réaction type peut s’écrire :
2+ 2+
M S + CuSO 4  CuS + M SO 4
Ex :
ZnS + CuSO 4  CuS + ZnSO 4
CuFeS 2 + CuSO 4  2CuS + FeSO 4 (cpy = 34.6% Cu ; cov. =66.4%Cu)
5FeS 2 + 14CuSO 4 + 12H 2 O  7Cu 2 S + 5FeSO 4 + 12 H 2 SO 4 (chalcocite = 79.8%Cu)
Ce transfert de cation de l’état sulfuré à l’état sulfaté (changement de l’état d’oxydation) dépend de
la chalcophylie des métaux et de la solubilité des sulfures (Fig.2).

Fig.(2) : Affinité pour le soufre et solubilité des sulfures.


La zone de cimentation se constitue donc à partir de redépôt des métaux lessivés de la zone
d’oxydation. Les sulfures précipités cimentent les minéraux préexistants, c’est pourquoi cette zone est
dite de cimentation.
Le plus souvent, le métal qui subi la cimentation est le Cu. Le Pb et le Zn ne sont pas enrichie pour
deux raisons antagonistes : Le PbSO 4 est très stable, il est retenu sous forme d’anglésite dans la
zone d’oxydation, le ZnSO 4 est très mobile, il est évacué très loin du chapeau de fer.
I-3) Conditions de cimentation
De nombreux paramètres interviennent dans l’enrichissement secondaires, citons : association
minérale, climat et relief.
- Association minérale
L’enrichissement supergène suppose un minerai hypogène constitué de minéraux qui en se
décomposant produisent des composés facilement soluble dans les eaux souterraines. Cette solubilité
facilite leur migration vers le bas (Zn, Cu, Ni, Co, Mo, Ag…).
Par ailleurs, le rapport pyrite/autres sulfures joue un rôle capital :
- certains sulfures ne contiennent pas assez de soufre nécessaire à leur oxydation complète
(ex. chalcosite Cu 2 S). Leur oxydation n’est que partielle, la réaction (4) se bloquera s’il n’y a pas
d’apport extérieur en soufre ;
- certains contiennent juste assez de S pour leur mise en solution complète (ex. ZnS, PbS…) ;
- alors que d’autres contiennent plus de S que nécessaire comme la pyrite FeS 2 et dans une
moindre mesure la pyrrhotite (Fe 1-x S).
C’est donc la pyrite qui, par l’excès de soufre au cours de son oxydation, est à l’origine de
l’oxydation des autres sulfures.
- Climat (température et pluviométrie)
La quantité d’eau qui passe dans le système zone d’oxydation- zone de cimentation est
primordiale ; en effet, sans eau il n’aurait aucune réaction, avec trop d’eau, les solutions seront très
diluées d’une part et d’autre part la circulation rapide des solutions empêchera toute possibilité de
cimentation.

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La température agit sur la vitesse d’oxydation et de cimentation, le climat le plus favorable à


l’enrichissement supergène est donc un climat semi-aride.
- Relief
Le relief intervient sur la profondeur de la nappe phréatique et par là, sur la hauteur de la zone du
lessivage. Les conditions de cimentation seront bonnes s’il y’ait lessivage d’une hauteur appréciable
de gisement, donc que la nappe phréatique permanente ne soit pas superficielle.
Ex : En climat désertique, les porphyres subissent un enrichissement supergène. De la surface
vers la profondeur on distingue:
- Une zone oxydée ou lessivée, dans laquelle le cuivre n'est pas toujours visible à l’œil nu, mais
apparaît généralement en géochimie-sol, ainsi que l'or et le molybdène. Les teneurs en cuivre de cette
zone sont de l'ordre de 0,1 - 0,25 %. Au sol, les roches sont décolorées « bruns foncés à bruns
rouges », avec souvent des tâches (boxwerks) d'hydroxyde de fer ou de limonite cuprifère. Dans cette
zone, on peut trouver toute la gamme des oxydes de cuivre : malachite, azurite, chrysocolle, ténorite,
etc. ;
- Une zone de cémentation, avec essentiellement chalcosite et covellite se superposant aux
sulfures primaires. Les teneurs en cuivre sont de l'ordre de 0,5 à 1,2 % ;
- Une zone primaire ou protore à chalcopyrite, pyrite et éventuellement molybdénite et bornite, dont
les teneurs en cuivre varient entre 0,2 et 0,5 %.

II) Action des phénomènes de surfaces sur des roches à teneur


banale « les bauxites »
La bauxite est le principal minerai d'aluminium : plus de 40% alumine Al 2 O 3 , peu de fer (<10%
Fe 2 O 3 ), de silice (<6% SiO 2 ) et de titane (<4% TiO 2 ). C’est une roche latéritique qui résulte de
l’altération continentale en climat chaud et humide « latéritisation et lessivage de tous les éléments
sauf l'Al ». Son nom provient du village des Baux près d'Arles (Massif des Alpilles, France), où elle fut
découverte par Berthier en 1821.
Les minéraux spécifiques des bauxites sont les hydroxydes d'aluminium : les polymorphes de
Al(OH) 3 (bayerite et gibbsite) et ceux de AlO(OH) (diaspore et boehmite).
Les principales réserves et ressources mondiales se situent en zone tropicale et font partie des
formations latéritiques qui y occupent de vastes surfaces (Fig. 3).
Les bauxites sont connues à toutes les époques depuis le début du Paléozoïque (Costa, 1997),
avec une importance particulière depuis le Crétacé. Du fait de leur formation en surface, elles sont
naturellement fragiles et facilement dégradées.
Les plus gros producteur mondial sont l'Australie, la Guinée, la Jamaïque, le Brésil, la Russie,
l’Inde (Fig.4).

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Fig. (3) : Répartition des latérites actuelles à la surface du globe

Fig. (4) : Principaux gisements de bauxites à l’échelle planétaire.

Il existe deux types de bauxites (Bardossy 1981) :


- les bauxites latéritiques développées sur substrats alumino-silicatés variés, dans des régions
intertropicales ;
- les bauxites de karst développées sur substrat carbonaté ;
Les bauxites latéritiques représentent 85% des ressources mondiales (28,9 Gt). Elles se
développent sur des puissances jusqu'à 25 m de puissance dans les régions subtropicales à
tropicales, sur un substratum alumino-silicaté (Fig.5 et 6).

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Fig. (5) : Horizons d’altération du granite dans un milieu tropical et un milieu tempéré.

Fig. (6): Séquence latitudinale d'origine bioclimatique indiquant les variations de la nature et de l'épaisseur des sols du pôle
nord à l'équateur.

Un profil latéritique comprend, de haut en bas (Fig.7) :


- une zone de cuirasse très riche en fer ;
- une zone argilisée, très lessivée, hyper-alumineuse près de la surface ;
- une zone argilisée, riche en kaolin « sapotille fine » ;
- un passage progressif à la roche fraîche « sporalite grossière» ;
- roche mère.

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Fig.(7) : Coupe pédologique type d'un profil latéritique sur des péridotites. Développement d’un
minerais latéritique et enrichissement en Ni des serprntinites (Nouvelle Calédonie).
La météorisation entraîne donc la formation de latérite par dissolution et le retrait de tous les
éléments solubles pour laisser en place un sol riche en Fe et Al. Si cette latérite est riche en Al, on
parlera de bauxite.
Les bauxites latéritiques ont pour la plus part un âge quaternaire. Mais certaines sont fossiles et
ont pris naissance au Crétacé et au Tertiaire. Il existe aussi des bauxites latéritiques plus anciennes,
telles les bauxites russes de Bielgorod d’âge carbonifère (G. Bardossy, 1981).
Les bauxites latéritiques se développent sur des roches silico-alumineuses de nature variée :
syénites néphéliniques en Guinée (îles de Los), dans l’Arkansas ; basaltes ou dolérites, en Allemagne
(Vogelsberg), en Irlande (Antrim), en Inde (trapps du Deccan), au Cameroun (Adamaoua) ; trachytes
et andésites en Malaisie (Johore, Sarawak) ; schistes sédimentaires ou métamorphiques dans les
Guyanes, en Guinée (Kindia), au Ghana ; grès arkosiques en Australie (Queensland), etc. Le tableau
(1) montre des exemples de variations des teneurs en SiO 2 , Al 2 O 3 et Fe 2 O 3 entre la roche mère et
la latérite.

Tab.(1) : Teneurs en oxydes entre la roche mère et la latérite (Autret, 1980)


À part quelques rares exceptions (Arkansas, Inde, Russie), les bauxites latéritiques n’ont pas de
toit. Ce caractère facilite l’exploitation et compense un peu le fait que ces bauxites se rencontrent
dans des régions tropicales d’accès souvent difficile.
La gibbsite est le minéral essentiel des bauxites latéritiques. La bœhmite peut intervenir
localement. Le diaspore est connu, mais exceptionnel (Inde). Leurs textures sont très diversifiées :
aphanitique, noduleuse, bréchique, conglomératique, et des textures oolitiques et pisolitiques très
caractéristiques.
Les bauxites latéritiques représentent un produit d’évolution pédogénétique particulier de roches
silico-alumineuses, sous un climat chaud et humide. Sous ce climat, et avec un bon drainage, il se
produit une hydrolyse intense des silicates de la roche mère. Les alcalins, les alcalino-terreux, la silice
sont éliminés, laissant un résidu riche en Al; la bauxite.

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