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Chapitre 2 : Choix intertemporels du consommateur

Armel JACQUES*
Première mise en ligne : 23 janvier 2022
Cette version : 29 janvier 2023

1 Introduction

Dans ce chapitre, on s’intéresse aux choix intertemporels des consommateurs

Il existe un marché du crédit, sur lequel les consommateurs peuvent prêter ou emprunter.

Les biens sont non durables et ils ne peuvent pas être stockés d’une période à l’autre.

2 Choix de consommation

2.1 Contrainte budgétaire intertemporelle

On note Rt le revenu de la période t, Ct la consommation (d’un bien composite) à la période t et pt le prix


du bien composite à la période t.

On suppose qu’il existe un marché financier parfait sur lequel les individus peuvent prêter ou emprunter
au taux d’intérêt r.

Si un individu place 1 euro sur le marché financier à la période t, il disposera de 1 + r euro à la période
t + 1. A l’opposé, s’il emprunte 1 euro à la période t, il devra rembourser 1 + r euro à la période t + 1.
1
Si un individu souhaite disposer de 1 euro à la période t + 1, il doit placer 1+r sur le marché financier à
1
la période t. De façon similaire, l’individu peut obtenir 1+r euro à la période t contre la promesse (crédible)
de rembourser 1 euro à ses créanciers à la période t + 1.

Un marché financier permet donc de transformer des euros disponibles à la période t en euros disponibles
à la période t + 1 (et inversement).

Des sommes disponibles à des dates différentes doivent être actualisées avant de pouvoir être additionnées.

Si on se limite à deux périodes (ce qu’on va faire régulièrement pour pouvoir obtenir des représentations
* CEMOI TEPP-CNRS (FR2042), Université de La Réunion, Faculté de Droit et d’Economie, 15, avenue René Cassin, 97715
Saint-Denis messag cedex 9. Email : Armel.Jacques@univ-reunion.fr.

1
graphiques), la contrainte budgétaire du consommateur peut s’écrire :

R2 p2 C2
R1 + = p1 C1 +
1+r 1+r

en euros de la période 1 ou
(1 + r)R1 + R2 = (1 + r)p1 C1 + p2 C2

en euros de la période 2.

On peut généraliser à n + 1 périodes. On considère que la période initiale correspond à t = 0. On a (en


euros de la période 0) :
n n
X Rt X pt Ct
=
t=0
(1 + r)t t=0
(1 + r)t

On revient au modèle limité à deux périodes. L’épargne de l’individu en période 1 correspond à :

E1 = R1 − p1 C1

L’épargne peut être négative. Dans ce dernier cas, l’individu emprunte sur le marché financier.

Si on veut représenter la contrainte budgétaire intertemporelle dans l’espace (C1 , C2 ), il faut isoler C2 :

(1 + r)R1 + R2 = (1 + r)p1 C1 + p2 C2 ⇔ p2 C2 = (1 + r)R1 + R2 − (1 + r)p1 C1


(1 + r)R1 + R2 p1
⇔ C2 = − (1 + r) C1
p2 p2

p2
Remarque : p2 = (1 + i)p1 , où i est le taux d’inflation. On a donc : p1 = 1 + i.

La contrainte budgétaire intertemporelle peut donc se ré-écrire :

(1 + r)R1 + R2 1+r
C2 = − C1
p2 1+i

Sa pente est égale à − 1+r


1+i = −(1 + r̂), où r̂ est le taux d’intérêt réel.

2.2 Préférences

Les préférences intertemporelles peuvent être représentées par une fonction d’utilité du même type que celle
utilisée dans le chapitre précédent.

L’utilité du consommateur est égale à : U (C1 , C2 ).


∂U ∂U
On suppose que les préférences sont monotones ∂C1 (C1 , C2 ) > 0 et ∂C2 (C1 , C2 ) > 0.

On suppose aussi souvent que les courbes d’indifférences sont convexes.

On fait souvent deux hypothèses additionnelles sur la fonction d’utilité. La première est que l’utilité
retirée de la consommation de la période 1 est indépendante de celle de la période 2. La fonction d’utilité

2
est alors la somme actualisée des utilités obtenues aux différentes périodes. La fonction d’utilité totale est
alors dite additive ou additivement séparable. On va, dans la suite de ce chapitre écrire avec des minuscules
les fonctions d’utilité des différentes périodes et avec une majuscule la fonction d’utilité globale. Pour
bien distinguer les deux niveaux, les fonctions d’utilité des différentes périodes sont parfois appelées des
fonctions de félicité. La seconde hypothèse est que les individus préfèrent une satisfaction immédiate à
une consommation plus tard. La fonction d’utilité prend alors la forme suivante :

1
U (C1 , C2 ) = u1 (C1 ) + u2 (C2 )
1+ρ

ρ ≥ 0 représente le taux d’actualisation psychologique de l’individu. Il permet d’intégrer que


consommer immédiatement procure plus d’utilité que de consommer le même bien plus tard. En faisant
varier ρ, on fait varier la valeur que l’individu accorde au futur. Une valeur faible de ρ correspond à un
individu patient. Une valeur forte correspond à un individu très tourné vers sa satisfaction présente et qui
accorde peu d’importance au futur. ρ est donc une mesure de la préférence pour le présent. ρ est parfois1
appelé le taux de préférence pour le présent en termes d’utilité2 .

On suppose généralement que u1 (.) et u2 (.) sont concaves. Cela assure que les courbes d’indifférence de
U (.) sont convexes. Les individus auront alors tendance à “lisser” leur consommation dans le temps. Ils
auront tendance à préférer obtenir une consommation intermédiaire à chacune des deux périodes plutôt que
d’avoir une consommation très élevée à l’une des périodes et très faible à l’autre période.

La pente des courbes d’indifférence correspond au taux marginal de substitution (Tms) entre les consom-
mations des deux périodes. On le calcule avec la formule habituelle :
∂U
(C1 , C2 )
T ms(C1 , C2 ) = − ∂C
∂U
1

∂C2 (C1 , C2 )

On définit µ par la relation suivante :

T ms(C1 , C2 ) = −(1 + µ)

µ correspond au taux de préférence pour le présent en termes de consommation. Il varie en fonction de


(C1 , C2 ) (contrairement à ρ).
1
Si U (C1 , C2 ) = u1 (C1 ) + 1+ρ u2 (C2 ), on a :

u′1 (C1 )
T ms(C1 , C2 ) = −(1 + ρ)
u′2 (C2 )

Si u1 (.) = u2 (.) et si C1 = C2 alors µ = ρ.


1 Par
exemple dans Barro (1987).
2 On
précise en “termes d’utilité”, car il est aussi possible de définir un taux de préférence pour le présent en termes de
consommation à partir de la pente des courbes d’indifférence.

3
Généralisation à un plus grand nombre de périodes : La forme additivement séparable de la fonction
d’utilité se généralise aisément à un plus grand nombre de périodes. Pour n + 1 périodes, la fonction d’utilité
devient : n
X ut (Ct )
U (C0 , ..., Cn ) =
t=0
(1 + ρ)t

On peut passer à une forme en temps continu en découpant l’intervalle de temps entre 0 et T en n
périodes et en faisant tendre n vers l’infini. On a alors3 :

ZT
U (.) = e−ρt ut (Ct )dt
0

2.3 Résolution graphique

On peut représenter la contrainte budgétaire et les courbes d’indifférence du consommateur dans l’espace
(C1 , C2 ).

La solution (lorsqu’elle est intérieure) correspond au point de tangence entre la contrainte budgétaire
intertemporelle et une courbe d’indifférence du consommateur.

Pour le panier de consommation optimal, on doit donc avoir :

1+r
T ms(C1 , C2 ) = − = −(1 + r̂)
1+i

Le consommateur égalise son taux de préférence pour le présent en termes de consommation et le taux
d’intérêt réel.

2.4 Résolution analytique

Pour déterminer les choix de consommation optimaux, on doit résoudre le problème suivant :

max U (C1 , C2 )
C1 ,C2
s/c (1 + r)p1 C1 + p2 C2 = (1 + r)R1 + R2

Le lagrangien associé est à ce programme est :

L (C1 , C2 , λ) = U (C1 , C2 ) − λ [(1 + r)p1 C1 + p2 C2 − (1 + r)R1 − R2 ]


3 L’apparition de l’exponentielle est due au résultat :
 n
1
e = lim 1+
n→∞ n

4
Si la solution est intérieure, le choix optimal (C1∗ , C2∗ ) doit respecter les trois conditions de premier ordre
suivantes :

∂L ∂U
(C1 , C2 , λ) = (C ∗ , C ∗ ) − λ(1 + r)p1 = 0 (1)
∂C1 ∂C1 1 2
∂L ∂U
(C1 , C2 , λ) = (C ∗ , C ∗ ) − λp2 = 0 (2)
∂C2 ∂C2 1 2
∂L
(C1 , C2 , λ) = − [(1 + r)p1 C1∗ + p2 C2∗ − (1 + r)R1 − R2 ] = 0 (3)
∂λ

A partir des deux premières équations, on peut obtenir une relation entre le Tms et le rapport des prix
des biens.

∂U ∂U
∂U
∂C1 (C1∗ , C2∗ )
(C ∗ , C ∗ ) − λ(1 + r)p1 = 0⇔ (C ∗ , C ∗ ) = λ(1 + r)p1 ⇔ λ =
∂C1 1 2 ∂C1 1 2 (1 + r)p1
∂U ∂U
∂U
∂C2 (C1∗ , C2∗ )
(C ∗ , C ∗ ) − λp2 = 0⇔ (C ∗ , C ∗ ) = λp2 ⇔ λ =
∂C2 1 2 ∂C2 1 2 p2

D’où :
∂U
∂C1 (C1∗ , C2∗ ) ∂U
∂C2 (C1∗ , C2∗ ) ∂U
∂C1 (C1∗ , C2∗ ) p1
= ⇔ ∂U
= (1 + r)
(1 + r)p1 p2 ∂C2 (C1∗ , C2∗ ) p2

Les deux premières équations peuvent donc être remplacées par la condition : |T ms (C1∗ , C2∗ )| = (1+r) pp21 .
La troisième condition correspond à la contrainte budgétaire intertemporelle.

Pour obtenir les consommations optimales, il faut donc résoudre le système suivant :

|T ms (C1 , C2 )| = (1 + r) pp12
 

(1 + r)p1 C1 + p2 C2 = (1 + r)R1 + R2

Exemple

On va illustrer la méthodologie en calculant les fonctions de demande d’un consommateur dont la fonction
√ 1

d’utilité est U (C1 , C2 ) = C1 + 1+ρ C2 .

√1
 
|T ms (C1 , C2 )| = (1 + r) pp12 2 C1
= (1 + r) pp12
   
1 √1
⇔ 1+ρ 2 C
(1 + r)p1 C1 + p2 C2 = (1 + r)R1 + R2 2
(1 + r)p1 C1 + p2 C2 = (1 + r)R1 + R2
 

( √ ) ( 2
)
(1 + ρ) √C 2
= (1 + r) p1 2 C2 2 p1
(1 + ρ) = (1 + r) 2
⇔ C1 p 2 ⇔ C1 p 2
(1 + r)p1 C1 + p2 C2 = (1 + r)R1 + R2 (1 + r)p1 C1 + p2 C2 = (1 + r)R1 + R2
 
(1+r)2 p1 (1+r)2 p1
( )
p2 C2 = (1+ρ) 2 p p C
1 1
 p2 C2 = (1+ρ) 2 p p1 C1

⇔ 2
⇔ h i2
(1+r)2 p1  (1 + r)p1 C1 1 + (1+r) p
(1+ρ)2 p2 = (1 + r)R1 + R2
1
(1 + r)p1 C1 + (1+ρ)2 p2 p1 C1 = (1 + r)R1 + R2 

5
(1+r)2 p1 (1+r)2 p1
( ) ( )
p2 C2 = (1+ρ)2 p2 p1 C1 p2 C2 = (1+ρ)2 p2 p1 C1
⇔ 2 ⇔ (1+ρ)2 p2
(1 + r)p1 C1 (1+ρ)(1+ρ)
p2 +(1+r)p1
2p
2
= (1 + r)R1 + R2 p1 C1 = R2
(1+ρ)2 p2 +(1+r)p1 [R1 + (1+r) ]
2 2
(1+r)2
( (1+r) p1 (1+ρ) p2
) ( p1
)
R2 R2
p2 C2 = (1+ρ)2 p2 (1+ρ)2 p2 +(1+r)p1 [R1 + (1+r) ] C2 = p2 (1+ρ)2 p2 +(1+r)p1 [R1 + (1+r) ]
⇔ 2 ⇔ (1+ρ)2
p1 C1 = (1+ρ)(1+ρ)2
p2
1
R2
2 p +(1+r)p [R1 + (1+r) ] C1 = p2
p1 (1+ρ)2 p2 +(1+r)p1 [R1 + R2
(1+r) ]

On peut noter que C2 est une fonction décroissante de ρ. Si la préférence pour le présent du consommateur
augmente, ce dernier réduit sa consommation future et augmente sa consommation présente.

On peut aussi remarquer que les consommations des deux périodes augmentent si le revenu de l’une des
périodes augmente. Le consommateur répartit l’augmentation de son revenu entre les deux périodes. Il
“lisse” sa consommation dans le temps.

Fonctions additivement séparables

1
Si la fonction d’utilité est de la forme U (C1 , C2 ) = u1 (C1 ) + 1+ρ u2 (C2 ), la première condition devient :

∂U
∂C1 (C1∗ , C2∗ ) p1 u′ (C1 ) 1 + r p1
∂U
= (1 + r) ⇔ ′1 =
∂C2 (C1∗ , C2∗ ) p2 u2 (C2 ) 1 + ρ p2

On peut réécrire cette condition en fonction du taux d’intérêt réel. On a :

p2 p1 1 p1 1+r p1
= (1 + i) ⇔ = ⇔ (1 + r) = ⇔ (1 + r) = 1 + r̂
p1 p2 1+i p2 1+i p2

La condition précédente peut donc être réécrite comme :

u′1 (C1 ) 1 + r̂
′ =
u2 (C2 ) 1+ρ

Si on fait l’hypothèse supplémentaire que les fonctions de félicité des différentes périodes sont identiques,
u1 (.) = u2 (.) = u(.), on obtient :
u′ (C1 ) 1 + r̂
=
u′ (C2 ) 1+ρ

Dans ce cas, si le taux d’intérêt réel est supérieur au taux d’actualisation psychologique de l’individu, la
consommation de l’individu sera croissante dans le temps. En effet :

1 + r̂ u′ (C1 )
r̂ > ρ ⇒ >1⇔ ′ > 1 ⇔ u′ (C1 ) > u′ (C2 )
1+ρ u (C2 )

Comme on a supposé que u(.) est concave, u′ (.) est une fonction décroissante. u′ (C1 ) > u′ (C2 ) implique
alors que C2 > C1 .

Les individus patients ont donc tendance à avoir une consommation croissante dans le temps. S’ils
réduisent un peu leur consommation présente, l’augmentation de leur consommation future (grâce aux

6
intérêts perçus sur leur épargne) va plus que compenser la réduction de leur utilité due à la baisse de
leur consommation présente. La concavité de la fonction de félicité atténue, puis annule cet effet lorsque les
consommations des différentes périodes deviennent de plus en plus différentes.

Pour mieux faire apparaı̂tre ces deux effets, on peut modifier la présentation de la condition précédente :

u′ (C1 ) 1 + r̂ u′ (C1 ) u′ (C1 )



= ⇔ (1 + ρ) ′ = 1 + r̂ ⇔ r̂ = (1 + ρ) ′ −1
u (C2 ) 1+ρ u (C2 ) u (C2 )

u′ (C1 )
1 + ρ est une mesure de la préférence psychologique pour le présent et u′ (C2 ) mesure la rareté relative
des différentes consommations dans le temps.

De même, si r̂ < ρ, la consommation de l’individu sera décroissante dans le temps et si r̂ = ρ la


consommation de l’individu sera constante dans le temps.

Une autre façon d’interpréter ces résultats peut être obtenue en partant du cas r̂ = ρ. Dans ce cas, la
consommation est uniforme dans le temps. Si on veut convaincre un individu de s’écarter d’une consommation
uniforme pour qu’il consomme moins aujourd’hui et plus demain, il faut lui offrir un taux de rendement net
r̂ supérieur à son taux d’actualisation psychologique ρ.

Temps continu : En temps continu, la relation précédente se réécrit4 :


.
du′ /dt u′′ (c)c c
r̂ = ρ − = ρ −
u′ u′ (c) c

Elle est alors appelée équation d’Euler (par les mathématiciens) ou règle de Ramsey d’épargne optimale (par
les économistes).

Cohérence temporelle

La solution du programme ne change pas en fonction de la date à laquelle le consommateur la détermine.


Le profil de consommation choisi par le consommateur à la date 1 est identique à celui qu’il choisirait à la
date 2.

Formulé autrement, si un consommateur vit n + 1 périodes, les choix de consommation qu’il a effectués à
la date 0 ne sont pas modifiés par la suite. C’est ce qu’on appelle la cohérence temporelle. Un individu fait les
mêmes choix quelque soit le moment où il doit les faire. Cette cohérence temporelle est due à l’actualisation
exponentielle. Si un individu utilise une autre règle d’actualisation, des incohérences temporelles apparais-
sent5 . On revient sur ce point dans la section ?.
4 Voir Barro et Sala-i-Martin (1996) pour les détails.
5 Ce résultat a été établi par Strotz (1955).

7
3 Statique comparative

3.1 Effet d’une variation du revenu de l’une des périodes

La contrainte budgétaire se déplace parallèlement.

Si Rt augmente, la consommation de toutes les périodes augmentent si ces consommations sont des biens
normaux, ce qui est généralement le cas.

Les individus ”lissent” leur consommation dans le temps. Cet effet peut réduire l’efficacité des politiques
macroéconomiques de relance. Si un consommateur reçoit ponctuellement une distribution de revenu inat-
tendue, il n’en dépense qu’une petite partie immédiatement et épargne la plus grande partie de la somme
reçue pour la dépenser à d’autres périodes.

3.2 Effet d’une variation du taux d’intérêt

La variation du taux d’intérêt à des effets plus complexes. La contrainte budgétaire pivote autour du point
(R1 /p1 , R2 /p2 ). Certains plans de consommation qui n’étaient pas accessibles le deviennent. Mais, d’autres
qui étaient accessibles ne le sont plus.

Une hausse du taux d’intérêt provoque un effet de substitution. La consommation présente devient plus
chère par rapport à la consommation future. En réduisant la consommation de période 1 d’une unité, on
peut augmenter la consommation de période 2 de (1 + r) pp12 unités. Cette seconde quantité augmente lorsque
r s’accroı̂t. Une augmentation de r incite donc le consommateur à réduire C1 et à augmenter C2 .

Cependant, la hausse du taux d’intérêt provoque aussi un effet revenu. Le sens de l’effet revenu dépend
du signe de l’épargne du consommateur. S’il est prêteur, son revenu augmente (la somme qu’il a épargnée
rapporte plus d’intérêt). En revanche, s’il est emprunteur, son revenu diminue (il doit verser plus d’intérêt sur
la somme qu’il a empruntée). En outre, la variation du taux d’intérêt peut parfois inciter le consommateur
à passer du statut de prêteur à celui d’emprunteur ou de celui d’emprunteur à celui de prêteur.

A partir de la représentation graphique des choix intertemporels et d’un raisonnement en termes de


préférences révélées, on peut établir plusieurs résultats intéressants.

Cas 1 : Consommateur initialement prêteur et hausse du taux d’intérêt. La contrainte budgétaire


initiale est représentée en rouge. On suppose que le choix optimal (C1∗ , C2∗ ) du consommateur se trouve à
gauche du point de dotation (R1 /p1 , R2 /p2 ). Le consommateur est donc initialement prêteur.

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C2

C2∗

R2
p2

R1
C1
C1∗ p1

Le taux d’intérêt r augmente. La contrainte budgétaire pivote autour du point (R1 /p1 , R2 /p2 ). La
nouvelle contrainte budgétaire est en magenta sur la figure.

On observe que le point (C1∗ , C2∗ ) appartient au nouvel ensemble budgétaire. Ce point est donc toujours
accessible et il peut encore être choisi par le consommateur. Ce dernier va cependant choisir un autre point
et modifier ses choix de consommation.

En raisonnant en termes de préférences révélées, on peut affirmer que le consommateur va rester prêteur.
En effet, tous les points du nouvel ensemble budgétaire se trouvant à droite de (R1 /p1 , R2 /p2 ) appartenaient
à l’ensemble budgétaire initial. Ils étaient donc accessibles lorsque le consommateur a choisi (C1∗ , C2∗ ).
On peut donc en déduire que (C1∗ , C2∗ ) est préféré à ces points. Comme (C1∗ , C2∗ ) est toujours accessible, le
consommateur n’a aucune raison de choisir un des points de trouvant à droite de (R1 /p1 , R2 /p2 ). Le nouveau
choix de trouvera donc à gauche de (R1 /p1 , R2 /p2 ). Le consommateur reste prêteur.

Si le consommateur choisit un nouveau point de consommation alors que (C1∗ , C2∗ ) est encore accessible,
c’est que ce nouveau point lui procure une satisfaction plus élevée que (C1∗ , C2∗ ).

Donc si on se trouve dans le cas 1, on peut prédire que le consommateur restera prêteur et que sa
satisfaction va augmenter.

Cas 2 : Consommateur initialement prêteur et baisse du taux d’intérêt. La contrainte budgétaire


initiale reste en rouge. La baisse de r provoque une rotation de la contrainte budgétaire autour du point
(R1 /p1 , R2 /p2 ), dont le sens est opposé par rapport au cas précédent. La nouvelle contrainte est tracée en
magenta.

9
C2

C2∗

R2
p2

R1
C1
C1∗ p1

Après la baisse de r, le panier (C1∗ , C2∗ ) n’est plus accessible pour le consommateur.

Si le consommateur reste prêteur, sa satisfaction diminue. En effet, si le consommateur reste prêteur, il


doit choisir un panier qui était déjà accessible avec la contrainte budgétaire initiale, mais que le consommateur
ne choisissait pas lorsque (C1∗ , C2∗ ) était accessible. (C1∗ , C2∗ ) procure donc une satisfaction plus élevée que
tous les paniers encore accessibles pour lesquels le consommateur est prêteur.

Il est possible que le consommateur choisisse de devenir emprunteur après la baisse de r. Si c’est le cas,
on ne peut pas déterminer si sa satisfaction à augmenter ou baisser sans connaı̂tre précisément sa fonction
d’utilité. En effet, le panier qu’il choisit n’était pas accessible lorsque le consommateur choisissait (C1∗ , C2∗ ).
Et (C1∗ , C2∗ ) n’est plus accessible, maintenant que le consommateur choisit un nouveau panier. L’argument
des préférences révélées ne peut donc pas être appliqué pour classer les deux paniers.

Cas 3 : Consommateur initialement emprunteur et baisse du taux d’intérêt.

10
C2

R2
p2

C2∗

R1
C1
p1 C1∗

4 Marchés financiers imparfaits

En pratique, les marchés financiers sont rarement parfaits. Les individus peuvent être confrontés à deux
grands types d’imperfections. Premièrement, le taux auquel leur banque leur propose d’emprunter est
généralement plus élevé que celui auquel leur banque rémunère leurs dépôts. Deuxièmement, la somme que
les individus peuvent empruntée peut être plafonnée.

Dans le chapitre sur les choix intertemporels des firmes, on proposera une modélisation permettant de
faire apparaı̂tre le second type d’imperfection comme un phénomène endogène. Dans ce chapitre, on va se
limiter à étudier les conséquences pour les consommateurs de ce type d’imperfections, sans justifier dans la
modélisation pourquoi ces imperfections apparaissent. On se limitera à quelques arguments littéraires.

4.1 Différence de taux d’intérêt

Quelques arguments : Les individus ne peuvent généralement pas emprunter directement sur les marchés
financiers en émettant des obligations. Ils passent généralement par l’intermédiaire d’une banque.

L’une des principales raisons est que l’information n’est pas parfaite. Les personnes susceptibles de
prêter à un individu qui souhaite emprunter ne peuvent pas observer les revenus futurs de ce dernier sans
coût. L’un des rôles de la banque est de s’assurer que l’emprunteur potentiel ne présente pas trop de risque.
Formellement, R2 est suffisamment élevé et pas trop risqué de façon à permettre le remboursement de la
somme empruntée avec une probabilité élevée. Collecter des informations sur R2 a un coût. Recueillir ces
informations constitue un bien public. Il serait inefficient que chacun des prêteurs potentiels se renseignent

11
de son côté. Il est plus efficace qu’une banque se charge d’obtenir cette information et la centralise. La
différence entre le taux d’intérêt que la banque verse aux prêteurs et celui qu’elle réclame aux emprunteurs
permet (1) de couvrir le coût de la collecte des informations sur les emprunteurs et (2) de compenser les
risques de non remboursement des sommes prêtées. Dans ce chapitre, il n’y a pas d’incertitude. Le risque
de non remboursement n’existe donc pas, mais, en pratique, il est réel.

Conséquences : On note rp le taux auquel la banque rémunère les dépôts des consommateurs et re le
taux qu’elle charge aux emprunteurs.

On peut distinguer 3 types de “solutions intérieures” (auxquels s’ajoutent les deux solutions en coin) : (1)
L’individu est prêteur (p1 C1 < R1 ), (2) l’individu est emprunteur (p1 C1 > R1 ) et (3) l’individu consomme
à chaque période son revenu courant (p1 C1 = R1 ).

****Représentation graphique****

- (1) L’individu est prêteur : p1 C1 < R1 . On s’intéresse à une solution intérieure. On veut donc aussi
avoir : C1 > 0. (On aurait pu rassembler les deux conditions : 0 < p1 C1 < R1 ).

On retrouve ensuite les deux conditions habituelles : Le panier optimal est caractérisé par (1) la tan-
gence entre une courbe d’indifférence et la contrainte intertemporelle et (2) l’appartenance à la contrainte
budgétaire intertemporelle.

Pour avoir un point de tangence, le Tms doit être égal au coefficient directeur de la contrainte budgétaire.
On doit donc avoir :
1 + rp
T ms(C1 , C2 ) = −
1+i

La contrainte budgétaire est égale à :

(1 + rp )p1 C1 + p2 C2 = (1 + rp )R1 + R2

- (2) L’individu est emprunteur : p1 C1 > R1 .

Pour avoir une solution intérieure,on doit avoir : C2 > 0.

1 + re
T ms(C1 , C2 ) = −
1+i

et
(1 + re )p1 C1 + p2 C2 = (1 + re )R1 + R2

- (3) L’individu consomme à chaque période son revenu courant.


R1 R2
On a donc : C1 = p1 et C2 = p2 .

12
Pour que cette situation soit un équilibre, on doit avoir :

1 + re 1 + rp
− ≤ T ms(C1 , C2 ) ≤ −
1+i 1+i

Que l’on peut aussi écrire :


1 + re 1 + rp
≥ |T ms(C1 , C2 )| ≥
1+i 1+i

Remarques : Généralement, les banques n’affichent pas un taux d’emprunt unique auquel les individus
peuvent emprunter la somme qu’il désire. re dépend du risque de non remboursement estimé par la banque.
Le taux a donc tendance à augmenter avec la somme empruntée. Pour l’achat d’une maison ou le financement
d’un projet, le taux a tendance à diminuer avec l’apport personnel de l’emprunteur. Cet apport personnel
sert de signal sur la propension de l’individu à être plutôt dépensier ou économe. Il peut aussi signaler la
confiance de l’individu dans son projet. Le taux a tendance à diminuer si le prêt est assorti de garanties
(hypothèque sur une maison, cautionnement par un tiers, etc). Le taux dépend aussi de la variance de
R2 (revenu fixe (individu fonctionnaire ou intermittent du spectacle, CDD vs CDI, individu âgé, individu
présentant des problèmes de santé, etc) : ”on ne prête qu’aux riches”.

rp peut aussi dépendre des sommes déposées à la banque. Certains types de compte (Livret A, LDDS,
LEP, etc) sont plafonnés.

4.2 Rationnement du crédit

Les banques peuvent aussi fixer un maximum sur la somme qu’un individu peut emprunter. On note X ce
R2
montant maximum. Pour que ce rationnement puisse être effectif à l’équilibre, on suppose : X < 1+r .

Quelques arguments : Si un individu emprunte une somme très importante (par exemple, un milliard),
il peut être tenté de partir avec l’argent (dans un pays n’ayant pas d’accord d’extradition avec le pays
où l’emprunt a été effectué) pour ne jamais le rendre. Les banques peuvent aussi restreindre les sommes
empruntées pour ne pas réduire les incitations à l’effort des individus. R2 peut être une variable aléatoire dont
la distribution dépend des efforts des individus. Si l’individu donner rembourser une somme très importante,
il ne pourra garder qu’une proportion faible de R2 . Cela peut réduire ses efforts pour tenter d’accroı̂tre R2 .
On modélisera cet argument dans le chapitre 4.

Types d’équilibre : On peut avoir une solution intérieure ou deux types d’équilibre en coin.

13
- Si la solution est intérieure, elle doit vérifier :

1+r
T ms(C1 , C2 ) = −
1+i
(1 + r)p1 C1 + p2 C2 = (1 + r)R1 + R2
R1 + X
0 < C1 <
p1

- On a une solution en coin, dans laquelle l’individu sature la contrainte de rationnement du crédit si :

R1 + X
C1 =
p1
1+r
|T ms(C1 , C2 )| >
1+i
(1 + r)p1 C1 + p2 C2 = (1 + r)R1 + R2

- On a une solution en coin, dans laquelle l’individu épargne la totalité de son revenu de période 1 si :

C1 = 0
C2 =
(1 + r)R1 + R2
1+r
|T ms(C1 , C2 )| <
1+i

5 Investissement en capital humain

L’éducation est interprétée, par les économistes, comme un investissement. On parle d’investissement en
capital humain.

Les individus acceptent de consacrer du temps et de l’argent, s’il y a des frais d’inscriptions (ou des
frais de déplacement, logement, achat de livres, etc), pour acquérir des compétences qui vont accroı̂tre leur
productivité dans le futur et donc leur permettre d’obtenir un salaire horaire plus élevé. En effet, vous avez
vu, au premier semestre de la L2, que sur des marchés concurrentiels le produit marginal d’un facteur de
production est égal à son prix. Le salaire horaire est donc égal au produit marginal du travail.

Si les marchés financiers sont parfaits, les individus réalisent leurs choix de formation en capital humain
en considérant uniquement son impact sur leur contrainte budgétaire intertemporelle.

Si les marchés financiers sont imparfaits, les préférences peuvent être prises en compte. Car, pour investir
en capital humain, les individus peuvent être contraints de réduire leur consommation lors des premières
phases de leur vie. Cela peut conduire à des inefficiences et justifier certaines interventions de l’État.

Les préférences peuvent aussi être prises en compte si les individus retirent une satisfaction directe de
leurs études (et pas seulement une satisfaction indirecte, due au fait que leur “revenu permanent” augmente
grâce à leur investissement en capital humain).

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6 Équivalence ricardienne

L’État s’endette sur les marchés financiers en période 1 pour verser une somme B1 au consommateur.

En période 2, l’Etat doit rembourser (1 + r)B1 . Pour pouvoir rembourser cette somme, il prélève un
impôt de même montant sur le consommateur.

Question 1 : Quels sont les impacts de ces interventions de l’État si les marchés financiers sont parfaits
(le taux d’intérêt est identique pour l’État et pour les consommateurs) et si les consommateurs ont des antic-
ipations rationnelles (ils anticipent correctement que la fiscalité va augmenter en période 2 pour rembourser
l’emprunt que l’État a contracté en période 1) ?

Question 2 : Quels sont les effets de ce “plan de relance” si les marchés financiers sont imparfaits ?

7 Équilibre partiel

On va s’appuyer sur un exemple pour montrer comment on peut déterminer le taux d’intérêt sur un marché
financier. On se place en équilibre partiel. Les autres prix sont considérés comme donnés. Pour simplifier
les calculs, on suppose que l’inflation est nulle. On a donc p1 = p2 . On choisit de normaliser ces prix à 1 :
p1 = p2 = 1.

La population est composée de deux groupes d’individus, que l’on va noter A et B. Chacun comprend N
personnes. Pour alléger les notations, on pose N = 1.

Le profil des revenus de l’individu A est : (R1A = 80; R2A = 20). Celui de l’individu B est : (R1B =
20; R2B = 90).

Les deux individus ont la même fonction d’utilité : u(C1 , C2 ) = C10,6 C20,4 .

Question 1 : Calculer les demandes de biens de chacun des individus pour chacune des périodes (en
fonction du taux d’intérêt).

Question 2 : En déduire, l’épargne souhaitée de chacun des individus en période 1.

Question 3 : Déterminer la valeur d’équilibre du taux d’intérêt.

On recherche les fonctions de demande d’un individu. Les fonctions d’utilité sont de type Cobb-Douglas,
on a l’assurance que la solution est intérieure. On doit donc résoudre :

|T ms (C1 , C2 )| = (1 + r) pp12 0,6C2


   
⇔ 0,4C1 = 1 + r
(1 + r)p1 C1 + p2 C2 = (1 + r)R1 + R2 (1 + r)C1 + C2 = (1 + r)R1 + R2
3 R2
   
2 C2 = (1 + r)C1 C1 = 0, 6[R1 + 1+r ]
⇔ 3 ⇔
2 C2 + C2 = (1 + r)R1 + R2 C2 = 0, 4[(1 + r)R1 + R2 ]

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Épargne souhaitée par les individus :
 
A 20 12
E = R1A
− C1A
= 80 − 0, 6 80 + = 32 −
1+r 1+r
 
90 54
EB B B
= R1 − C1 = 20 − 0, 6 20 + =8−
1+r 1+r

Le marché financier est en équilibre si et seulement si :


12 54 66 66 33
E A + E B = 0 ⇔ 32 − +8− = 0 ⇔ 40 = ⇔1+r = ⇔r= − 1 = 0, 65
1+r 1+r 1+r 40 20

Cela fait un taux d’intérêt très élevé. Je n’ai pas très bien choisi les valeurs des différents paramètres.

8 Équilibre général

Le modèle d’équilibre général limité aux échanges que l’on a étudié au second semestre de la L2 peut être
étendu pour devenir un modèle d’équilibre général intertemporel en réinterprétant certaines variables6 .

Ré-interprétation des variables : On suppose qu’il existe deux biens, A et B, et deux périodes t = 1, 2.
Chacun des biens est disponible lors de chacune des périodes. Pour se ramener au cadre d’analyse vu en L2,
on considère un même bien physique disponible à deux dates différentes comme deux biens indépendants.
Avec cette approche, on a un modèle avec quatre biens A1, A2, B1, B2. A2 correspond au bien A disponible
en période 2.

Les marchés des biens A2 et B2 sont des marchés sur lesquels s’échangent des promesses de vente ou
d’achat d’unités des biens A et B livrables en période 2. On parle de marchés “futurs”. Si un individu achète
une unité du bien A2, il achète une unité du bien A qui lui sera livrée au début de la période 2. S’il vend
une unité du bien A2, il s’engage à fournir une unité du bien A à l’acheteur au début de la période 2.

Les prix pA1 , pA2 , pB1 et pB2 sont exprimés en euros de la période 1. pA2 correspond donc au prix à
payer en période 1 pour se faire livrer une unité du bien A au début de la période 2 ou, de façon équivalente,
à la somme que l’on reçoit en période 1 contre la promesse de livrer une unité du bien A au début de la
période 2. Généralement, les prix ne seront pas exprimés en euros. On choisit l’un des biens et on fixe son
prix (comme on le faisait en L2). Ce bien est appelé bien numéraire et joue le rôle de monnaie.

On applique la méthode de résolution vue en L2 pour déterminer les prix et les quantités d’équilibre.

Taux d’intérêt : Le rapport pA2 /pA1 permet de déterminer le taux d’intérêt réel.

Si un individu souhaite disposer d’une unité du bien A en période 2, il doit dépenser pA2 . Pour obtenir
cette somme, il peut vendre des unités du bien A disponibles en période 1. Chaque unité vendue permet
6 Voir Varian (1995, pp 366-368) et Bourguignon, Chiappori et Rey (1992, page 322 et suivantes).

16
d’obtenir pA1 . L’individu doit donc renoncer à pA2 /pA1 unités du bien A disponible en période 1 pour obtenir
une unité du bien A supplémentaire en période 2. Présenté différemment, si on renonce à une unité du bien
A en période 1, on peut obtenir pA1 /pA2 unité de bien A en période 2 en contrepartie. On a donc :
pA1
= 1 + r̂A
pA2
où rA est le taux d’intérêt réel sur le marché futur du bien A.

De même, on doit avoir :


pB1
= 1 + r̂B
pB2
où rB est le taux d’intérêt réel sur le marché futur du bien B.

Absence de possibilité d’arbitrage : En l’absence d’incertitude, on doit nécessairement avoir :


1 pB1 1 pB2
= .
1 + r̂B pA1 1 + r̂A pA2

Si ce n’est pas le cas, les individus peuvent réaliser un arbitrage et s’enrichir sans risque.
1 pB1 1 pB2
Supposons que : 1+r̂B pA1 > 1+r̂A pA2 .

On peut s’enrichir en réalisant les transactions suivantes :

1) On vend un contrat futur sur le marché du bien B. On s’engage donc à livrer une unité du bien B en
1
période 2. En contrepartie, on reçoit 1+r̂B unités de bien B disponible en période 1. On a “emprunté” sur
ce marché. On a reçu une quantité positive de bien en période 1 contre une promesse de remboursement en
nature en période 2.
1 pB1
2) On revend ces unités contre des unités du bien A disponibles en période 1. On obtient : 1+r̂B pA1
unités de bien A disponibles en période 1.

3) Ces unités de bien A sont “placées” sur le marché futur du bien A. Ce qui signifie qu’on les revend et
1 pB1
qu’on achète des contrats futurs du bien A avec le produit de la vente. On obtient ainsi : 1+r̂B pA1 (1 + r̂A )
unités de bien A disponibles en période 2.
1+r̂A pB1 pA2
4) En période 2, on vend ces unités du bien A contre des unités du bien B. On obtient : 1+r̂B pA1 pB2 .

Or :
1 pB1 1 pB2 1 + r̂A pB1 pA2
> ⇒ >1
1 + r̂B pA1 1 + r̂A pA2 1 + r̂B pA1 pB2
Si l’hypothèse de départ est vérifiée, on peut s’enrichir sans risque en empruntant sur le marché futur du
bien B et en prêtant sur le marché futur du bien A. La demande pour ce type de transactions serait alors
infinie, ce qui provoquerait une modification des taux d’intérêt.

Pour avoir une absence d’opportunité d’arbitrage, on doit nécessairement avoir :


1 pB1 1 pB2
= .
1 + r̂B pA1 1 + r̂A pA2

17
Un seul marché futur est suffisant : En l’absence d’incertitude, il n’est pas nécessaire d’ouvrir le
marché B2 dès la période 1. Si le rapport des prix des biens A2 et B2 est connu, on peut se limiter à ouvrir le
marché du bien A2. Ce marché joue le rôle d’un marché financier et permet de transférer du pouvoir d’achat
entre les deux périodes. A l’intérieur d’une période donnée, les prix des biens sont exprimés en fonction de
celui du bien numéraire. C’est suffisant pour que toutes les transactions possibles puissent être réalisées.

9 Évaluer la préférence pour le présent

Il existe une littérature7 qui s’efforce d’estimer la valeur de ρ.

Elle consiste à proposer à des individus de choisir entre deux possibilités : obtenir x à l’instant t ou y à
l’instant t + 1. Chacune des réponses permet de calculer une valeur minimale ou maximale de ρ pour que le
choix effectué soit rationnel.

Arrondel, Masson et Verger (2004) soulignent quelques unes des limites de ces études. Les valeurs
estimées pour ρ varient fortement d’une étude à l’autre. Les estimations semblent donc dépendre fortement
des détails des questions posées et de la façon dont elles sont formulées. Ce manque de robustesse n’est
pas très surprenant. Les auteurs survolent rapidement la littérature et montrent que beaucoup de facteurs
s’entremêlent (préférence pour le présent, aversion au risque, degré d’altruisme pour ses enfants ou les
générations futures, capacités de prévoyance, choix impulsifs, choix réfléchis qui engagent pour de nombreuses
années, etc). Ils semblent difficile de tout démêler et d’isoler totalement le paramètre de préférence pour le
temps.

Les auteurs développent une démarche alternative. Ils ne cherchent pas à mesurer précisément ρ, mais à
construire une mesure ordinale. Ils cherchent donc à classer les ρ des différents individus et non à déterminer
précisément la valeur de ρ pour chaque individu. Pour réduire le problème de robustesse de la mesure, les
auteurs choisissent de multiplier les questions et de construire ensuite une mesure synthétique, un score, à
partir des réponses. Ils espèrent qu’ainsi les biais potentiels induits par la rédaction de l’une ou de l’autre
question tendront à se neutraliser mutuellement.

Les auteurs recherchent ensuite les caractéristiques des individus qui sont associées à un classement faible
ou élevé dans leur préférence pour le présent. Cette partie de leur étude s’appuie sur des régressions Probit,
les individus étant classés par quartiles.

Les auteurs observent (les données utilisées datent de 1998) :

- La préférence temporelle (indiquant une pondération plus forte du futur) est plus forte après 50 ans.
Ce qui peut être dû au fait qu’elle augmente avec l’âge ou à un effet génération (éducation différente, etc).

- les individus mariés et qui ont des enfants sont plus prévoyants. Les auteurs soulignent que le sens de
7 Voir Frederick, Loewenstein et O’Donoghue (2002), pour une synthèse.

18
la causalité est ambigu.

- les plus diplômés pondèrent plus fortement le futur. Là encore, la causalité peut potentiellement aller
dans les deux sens.

- Le sexe, le revenu et le milieu social d’origine ne semblent pas avoir d’impact significatif sur la préférence
pour le présent.

10 Incohérence temporelle

Dans la théorie économique, les individus sont supposés actualiser les sommes disponibles à des périodes
différentes en utilisant un taux d’actualisation qui ne dépend pas du montant des sommes considérées, qui
ne change pas au cours du temps et qui est le même pour les sommes positives et négatives. Si ce n’est pas le
cas, on peut trouver un plan de consommation intertemporel différent qui permet d’améliorer la satisfaction
de l’individu.

10.1 Anomalies observées lors d’expériences

Thaler (1981) a testé cette hypothèse en laboratoire. L’expérience a consisté à demander à des individus
de choisir entre plusieurs sommes différentes à des moments différents. A partir de ces choix, il est possible
de retrouver le taux d’actualisation utilisé implicitement par les individus. Les réponses ont fait apparaı̂tre
plusieurs faits surprenants. Premièrement, les taux d’actualisation estimés par cette méthode sont très
élevés. Par exemple, certains individus préfèrent 15 dollars immédiatement à 30 dollars dans 3 mois, ce qui
correspond à un taux d’actualisation instantané proche de 277%. Deuxièmement, les taux estimés diminuent
lorsque les sommes considérées augmentent. Lorsque les sommes sont faibles, les individus demandent un
taux d’intérêt élevé pour accepter de les toucher plus tard. Si les sommes sont élevées, les individus semblent
nettement plus patients. Troisièmement, les taux estimés diminuent lorsque les périodes de temps s’allongent.
Les taux estimés pour un délai de 6 mois sont plus faibles que pour un délai de 3 mois. Quatrièmement,
les taux estimés sont plus faibles lorsque les sommes sont négatives (une amende à payer aujourd’hui ou
une amende plus élevée plus tard) que lorsqu’elles sont positives (une somme à recevoir aujourd’hui ou plus
tard).

10.2 Actualisation hyperbolique

Pour rapprocher les prédictions théoriques des observations faites en laboratoire, on peut modifier la fonction
d’utilité intertemporelle en introduisant un nouveau paramètre de la façon suivante :

ut+1 ut+2 ut+3


Ut = ut + β +β 2
+β + ...
1+ρ (1 + ρ) (1 + ρ)3

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Pour β < 1, l’escompte est plus important entre le présent et la période t que celui entre la période n
(future) et la période n + t.

Avec β = 1, on retrouve le modèle classique d’actualisation exponentielle.

11 Conclusion

Sujets qui sont liés au thème, mais qui n’ont pas été abordés :

- Biens durables (on abordera le sujet dans le chapitre 4).

- Biens avec effets d’addiction. Voir Becker et Murphy (1988).

- Transmission intergénérationnelle, l’héritage.

- Certains effets psychologiques : on peut se réjouir à l’avance d’une chose agréable (consommation, loisirs,
etc) que l’on anticipe ou ressentir du stress et de l’inquiétude à l’approche d’un événement douloureux (aller
chez le dentiste, un travail pénible, etc). Les consommations futures peuvent donc influencer directement
l’utilité présente. Un problème qui en découle est celui de la valeur de l’information : souhaite t’on savoir
ce qui va arriver (test pour diagnostiquer une maladie, déni du réchauffement climatique, etc) ?

Références bibliographiques

[1] ARRONDEL Luc, André MASSON et Daniel VERGER (2004), Mesurer les préférences individuelles
pour le présent, Economie et statistique, n°374-375, 87-128.

[2] BARRO Robert (1987), La macroéconomie, Armand Colin, Paris.

[3] BARRO Robert et Xavier SALA-I-MARTIN (1996), La croissance économique, McGraw-Hill.

[4] BECKER G.S. et K.M. MURPHY (1988), A theory of rational addiction, Journal of Political Economy,
96 (4), 675-700.

[5] BOURGUIGNON François, Pierre-André CHIAPPORI et Patrick REY (1992), Théorie mi-
croéconomique, Fayard, Paris.

[6] FREDERICK Shane, George LOEWENSTEIN et Ted O’DONOGHUE (2002), Time discounting and
time preference: A critical review, Journal of economic literature, 40 (2), 351-401.

[7] STROTZ Robert H. (1955), Myopia and inconsistency in dynamic utility maximization, Review of Eco-
nomic Studies, 23 (3), 165-180.

[8] THALER Richard H. (1981), Some empirical evidence on dynamic inconsistency, Economics Letters, 8
(3), 201-207.

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[9] VARIAN Hal (1995), Analyse microéconomique, De Boeck, Troisième édition.

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