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1 Propriétés physiques des roches


et méthodes géophysiques
dossier

Le terme géophysique est la contraction du mot grec gê qui signifie terre et du mot physique ;
tout est dans l’étymologie ! Cette science s’attache à appliquer des méthodes quantitatives
physiques pour étudier la Terre dans son ensemble (enveloppes solides, liquides et gazeuses). Cet
article présente plus particulièrement la géophysique appliquée dont le but est d’explorer la struc-
ture du sous-sol pour la prospection. La géophysique appliquée se traduit par la mise en œuvre de
méthodes physiques ; l’usage veut qu’on parle alors de méthodes géophysiques.

Rappel sur les propriétés physiques des roches


La première question que le géophysicien se à restituer le courant électrique) d’autre part.
pose lorsqu’il doit étudier le sous-sol est : dans La résistivité permet de contraindre une roche
quelle formation géologique suis-je ? En effet, dans sa globalité (nature, état, environnement).
les roches suivent une classification élaborée Ceci la rend, de facto, complexe à interpréter car
par et pour les géologues, selon leur composi- elle dépend de nombreux phénomènes externes
tion, leur origine et leur évolution. Nous distin- à la roche elle-même. La chargeabilité apporte
guons ainsi quatre grandes familles : les roches quant à elle des informations sur la présence de
sédimentaires, les roches métamorphiques, les minéraux polarisables (e.g. minéraux argileux,
roches magmatiques volcaniques et les roches sulfures métalliques…) ainsi que sur son degré
magmatiques plutoniques. Si cette classifica- de fracturation/porosité.
tion répond parfaitement à l’usage du géologue, Les propriétés magnétiques ensuite, et en
elle semble, de prime abord, peu adaptée au particulier la susceptibilité (capacité d’une
géophysicien. Et parce que l’œil de ce dernier roche à s’aimanter, fig. 1-1), qui nous renseignent
porte davantage sur les résultats de l’étude des principalement sur la composition de la roche
variations des propriétés physiques des terrains et surtout sa teneur en minéraux ferromagné-
auscultés, il existe donc autant de classifications siens (Fe, Ni…).
géophysiques des roches qu’il y a de propriétés
physiques mesurables. La géophysique s’adapte Les propriétés mécaniques, dont trois sont
alors à la géologie, langage universel des géos- largement étudiées en géophysique appli-
ciences. Et le travail du géophysicien devient quée : la masse volumique (quantité de matière
contenue dans un volume donné, fig. 1-1), et
celui d’un interprète devant traduire les varia-
par extension la densité, l’élasticité (capacité
tions d’une propriété physique (i.e. ce qu’il
d’une roche à revenir à son état initial après
observe : densité, résistivité électrique...) en
déformation) et la rigidité (capacité d’une
termes de caractéristiques des roches utiles aux
roche à résister à la contrainte). L’étude de ces
autres disciplines géoscientifiques (i.e. ce dont
propriétés mécaniques permet d’obtenir des
l’utilisateur final a besoin : lithologie, propriétés
contraintes sur la nature des roches, leur état
aquifères ou géomécaniques, thermiques...).
de fissuration/altération et leur agencement
En géophysique, l’étude des propriétés géométrique.
physiques des roches nous renseigne de prime
La porosité (rapport du volume de vides sur
abord sur la nature du sous-sol lui-même
un volume total considéré), est un paramètre
(composition, structure, texture), puis sur son
primordial dans les problématiques liées au
état (e.g. altération) et son environnement (e.g.
comportement des milieux naturels. Il existe
saturation). L’analyse de la distribution de ces
divers types de porosité (d’interstices, fermée,
propriétés avec la profondeur nous éclaire
ouverte, connectée, de fissures, de chenaux…)
quant à elle sur l’agencement géométrique des
difficilement quantifiables, mais dont les effets
contrastes entre formations géologiques.
sur certaines propriétés (électriques notam-
De nombreuses propriétés sont ainsi étudiées ment) peuvent être prépondérants.
(Grolier et al., 1991).
Enfin, la perméabilité (capacité d’un corps
Les propriétés électriques tout d’abord, qui à se laisser traverser par un fluide, fig. 1-1) qui
concernent le plus grand nombre de méthodes traduit les relations milieu poreux – fluide. En
géophysiques. Deux propriétés sont largement géophysique appliquée, nous étudions princi-
étudiées : la résistivité électrique (capacité d’une palement la perméabilité aux fluides liquides
roche à s’opposer au courant électrique, fig. 1-1) (eau, huiles…), mais il existe d’autres types de
d’une part, la chargeabilité (capacité d’une roche perméabilité (magnétique, à l’air…).   

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Fig. 1-1. - Gamme de variations de certaines propriétés physiques (masse volumique, résistivité,
susceptibilité magnétique, vitesse de compression et perméabilité) de différentes roches
(d’après Best et Katsube, 1995 ; Reynolds, 2011 et références citées) mesurées en laboratoire

Pour l’ensemble de ces propriétés physiques, de fluides et de leurs propres propriétés


les roches montrent de larges gammes de varia- physiques.
tions (fig. 1-1). Ces propriétés vont également
QQ Angélie Portal
varier en fonction de paramètres externes
comme la température, la pression, la présence BRGM

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Tour d’horizon des méthodes géophysiques
Globalement, les méthodes géophysiques En géophysique appliquée, les méthodes sont
permettent de caractériser, depuis la surface, nombreuses, et tout comme pour les propriétés
les airs ou en forage, les variations, en 1-D, physiques des roches, il existe une multitude
2-D ou 3-D, d’une ou plusieurs propriété(s) de classifications possibles. Une nomenclature
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physique(s) dans le sous-sol (fig. 1-2). Toutes les logique et courante s’appuie sur l’identification
méthodes décrites ci-après offrent l’avantage du champ physique sur lequel repose la méthode
d’être non-invasives et non-destructives (même et, par extension, la propriété physique étudiée
les méthodes applicables en forage, leur seule (fig. 1-2).   
mise en œuvre sous-entendant que le forage
existe déjà…) et permettent d’atteindre des
profondeurs d’investigations variables (fig. 1-3).

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Fig. 1-2. - Principales méthodes d’imagerie utilisées en géophysique appliquée. Certaines caractéristiques
(champ physique mesuré, propriétés étudiées et produits finaux de la méthode) sont présentées ainsi que les
principales applications (d’après Reynolds, 2011).

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Fig. 1-3. - Exemple de profondeur
d’investigation des méthodes géophysiques

 La spectrométrie gamma


La spectrométrie gamma (aussi appelée une méthode de prédilection en cartographie ;
« radiométrie », « radiometry » en anglais) elle est mise en œuvre le plus souvent par voie
mesure la radioactivité naturelle des premiers aéroportée, mais s’opère également au sol. Elle
décimètres du sous-sol, jusqu’à environ un a été développée historiquement pour la pros-
mètre de profondeur au maximum. C’est une pection de l’uranium et est aujourd’hui mise
méthode géophysique un peu particulière au en œuvre pour la cartographie géologique et
sens où elle restitue une information de nature l’évaluation du potentiel minier de façon quasi-
géochimique : un comptage des photons gamma systématique. Son utilisation s’est diversifiée
traversant le détecteur restitue leur abondance plus récemment pour des cartographies ciblées
sur la plage d’énergie 0,4 à 3 MeV et permet sur les formations géologiques de surface. Cela
de restituer la concentration du sol dans les 3 concerne en particulier les argiles dans les
radioéléments naturels les plus abondants : le domaines de l’aménagement et des ressources
potassium, le thorium et l’uranium. La nature en matériaux, ainsi que pour les problèmes
superficielle de l’information recueillie en fait d’aléa retrait-gonflement, etc.

Les méthodes de champs de potentiel : gravimétrie et magnétométrie


La gravimétrie est une méthode d’explora- valeur exacte de g en un point donné). Après trai-
tion basée sur l’étude des variations spatiales tement des données, les résultats se présentent
du champ de gravité terrestre par la mesure, sous forme de carte d’anomalie (micro-)gravi-
directe ou non, de la pesanteur (g). Ces varia- métrique : les anomalies négatives témoignent
tions témoignent de l’inégale répartition des d’un défaut de masse sous la surface, alors que
densités dans le sous-sol. Pour des études les anomalies positives suggèrent, à l’opposé,
concernant des surfaces très limitées (de l’ordre des excès de masse. À partir des cartes d’ano-
de la centaine de m²), où l’on cherche à imager malie, des filtrages mathématiques peuvent être
des sources de petites dimensions à faible appliqués pour valoriser des zones d’intérêt.
profondeur, nous parlons alors de microgra- Des processus de modélisation/inversion
vimétrie. Les acquisitions, ponctuelles, se font numérique (voir encadré p. 30-31) permettent
à l’aide d’un gravimètre relatif qui permet de également d’obtenir des modèles 2D ou 3D de la
quantifier la différence du champ de pesanteur répartition des densités dans le sous-sol.
entre deux points de mesure (en opposition au La méthode magnétique ou magnétomé-
gravimètre absolu, qui permet de déterminer la trie, est assez similaire, dans sa philosophie, à   

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 la gravimétrie, si ce n’est qu’elle est basée sur telles, ces cartes font l’objet de filtrages mathé-
l’étude des variations du champ magnétique matiques ainsi que de modélisations et/ou
terrestre et de ses composantes. Elle permet inversions (voir encadré) dans le but de mettre
ainsi de rendre compte de la présence de en valeur certaines anomalies intéressantes et/
matériaux magnétiques dans le sous-sol. Les ou d'obtenir des informations préliminaires sur
acquisitions sont réalisées à l’aide de magné- les sources à l’origine de ces anomalies (profon-
tomètres, le plus souvent en continu le long de deur, magnétisation…).
lignes de mesure. Le signal magnétique est, par
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Ces deux méthodes sont applicables au sol


nature, relativement complexe ; le traitement comme dans les airs (géophysique aéroportée).
des données comprend de nombreuses étapes La magnétométrie est inadaptée en milieu
et permet d’obtenir des cartes d’anomalie urbain quand la gravimétrie peut l’être sous
magnétique. Difficiles à interpréter en tant que conditions (notamment la distance au bâti).

Entre magnétisme et électromagnétisme : la RMP


La méthode RMP (Résonance Magné- La profondeur d’investigation maximale est
tique des Protons) est basée sur la mesure directement donnée par la taille de la boucle.
du champ électromagnétique produit par les À partir des données mesurées, un processus
protons d’hydrogène, contenus dans les molé- d’inversion permet d’obtenir les variations 1D de
cules d’eau, sous l’effet d’une excitation de ces la teneur en eau et de la perméabilité du sous-
protons par un champ magnétique émis à une
sol. La RMP est l’unique méthode permettant
fréquence spécifique (la fréquence de Larmor).
d’étudier la perméabilité des roches à l’eau. Elle
Ce phénomène de pirouette des protons est
plus connu sous le nom de précession. Les est cependant très difficile à mettre en œuvre
acquisitions sont réalisées grâce à une boucle en zone urbaine (bruit électromagnétique trop
émettrice dans laquelle circule un courant élec- important) ainsi qu’en domaine volcanique
trique alternatif, couplée à un récepteur RMP. (champ magnétique terrestre perturbé).

Les méthodes électromagnétiques


Les méthodes électromagnétiques reposent et s’intéresse aux variations 2D ou 3D de la
toutes sur un même principe : un champ élec- chargeabilité via la mesure de la relaxation
tromagnétique primaire, d’origine naturelle ou électrique. Elle permet ainsi d’identifier la
artificielle, génère, en se propageant dans le présence de minéraux polarisables (sulfures
sous-sol, un champ électromagnétique secon- métalliques, minéraux argileux…). Elle constitue
daire (ou champ induit) dont les caractéris- également un bon indicateur de la porosité/
tiques dépendent des propriétés électriques des fracturation du milieu ausculté. Il existe trois
roches traversées. Il existe un grand nombre de types de polarisation provoquée : la PP tempo-
ces méthodes, et une fois encore, la multitude relle, la PP fréquentielle et la PP spectrale, qui
implique un peu d’organisation. Les méthodes se distinguent par des modes expérimentaux
décrites ci-après, considérées comme les différents.
plus couramment utilisées en géophysique
appliquée, sont classées selon leur domaine Les acquisitions TRE et PP utilisant les
de fréquences (fig. 1-4). Cette nomenclature mêmes appareils moyennant des émetteurs/
permet de comparer les profondeurs d’inves- récepteurs adéquats (galvaniques en TRE,
tigation d’une méthode par rapport aux autres, impolarisables en PP), elles peuvent être réali-
les profondeurs étant inversement proportion- sées en simultané.
nelles à la fréquence. Une autre méthode électrique en courant
continu est utilisée en géologie appliquée,
Les méthodes électriques en courant la polarisation spontanée (PS). Il s’agit d’une
continu – TRE et PP méthode passive, car elle est basée sur la
Il existe deux méthodes électriques en mesure des gradients de potentiel naturel-
courant continu : la tomographie de résistivité lement présents dans le sol. Ces gradients
électrique – TRE - et la polarisation provoquée sont d’origine diverses : électrochimique (e.g.
- PP. La TRE consiste à mesurer une différence échange d’électrons en condition redox), élec-
de potentiel créée dans le sous-sol par l’injec- trocinétique (e.g. circulation d’un fluide dans
tion d’un courant galvanique continu (fréquence un milieu poreux) ou minérale (e.g. présence
nulle du champ primaire). Les données de pyrite). L’acquisition, simplissime, nécessite
mesurées permettent, par inversion, de calculer de mettre en œuvre deux électrodes impolari-
des modèles 2D ou 3D de distribution des résis- sables reliées par un câble à un voltmètre. Les
tivités électriques dans le sous-sol. données, après traitement, sont présentées en
La PP explore, quant à elle, un domaine de profil ou en carte de variations du potentiel
fréquences s’échelonnant du mHz au kHz, électrique.   

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 Les méthodes électromagnétiques très naturellement présents dans la croûte terrestre.
basses (MT, AMT, VLF) et basses fréquences Au regard de la gamme de fréquences concer-
nées (entre 100 Hz et 10 kHz), elles sont les seules
(TEM, FEM, RMT…)
techniques permettant d’ausculter le sous-sol à
Les méthodes électromagnétiques s’éche- des profondeurs plurikilométriques. Relative-
lonnent sur le spectre des fréquences en ment peu coûteuses (car elles ne nécessitent
fonction de l’origine du champ primaire (fig. 1-4). pas de source de signal), leur forte sensibilité au
Cette origine est variée, elle peut être naturelle bruit électromagnétique les rend inopérables en

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ou artificielle, en champ proche ou lointain selon milieu urbain.
la distance entre la source du champ primaire et
Les méthodes VLF (Very Low Frequency) et la
les capteurs du champ induit.
radio-magnétotellurique (RMT) sont également
Les méthodes à sources lointaines naturelles des techniques à sources lointaines mais artifi-
sont la magnétotellurique (MT) et l’audio- cielles et non-contrôlées ; elles reposent sur les
magnétotellurique (AMT) qui reposent sur la ondes myriamétriques1 de communication et les
réponse du sous-sol à la circulation des courants ondes radio, respectivement.

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Fig. 1-4. - Classification des méthodes électromagnétiques par domaine de fréquence et type de source du champ primaire.

Enfin, les méthodes électromagnétiques dites Le géoradar : les hautes fréquences


de champ proche, sont basées sur des sources
inductives artificielles (généralement créées par Le géoradar est une méthode électromagné-
des boucles de courant électrique). L’émission tique particulière, basée sur l’étude de la propa-
est contrôlée en domaine fréquentiel (FEM) ou gation des ondes électromagnétiques très hautes
en domaine temporel (TEM) et s’étend de 100 Hz fréquences dans le sous-sol (à partir de 10 Mhz).
à 100 kHz. Cette méthode vise à détecter les hétérogénéités
d’impédance électrique dans un milieu, via l’ana-
D’un point de vue instrumental, la mise en
lyse du comportement (propagation et réflexion)
œuvre peut être légère et rapide, notamment
des ondes électromagnétiques aux disconti-
dans les gammes de fréquences de 100 Hz
nuités/interfaces présentes dans ce milieu. Les
à 10 kHz (e.g. appareils EM31, EM34, EM38)
pour des levés cartographiques. En revanche, acquisitions sont réalisées le long de lignes d’en-
certaines méthodes (CSEM – Controlled Source registrement, grâce à des appareils tout-en-un,
ElectroMagnetic, AMT, CSAMT, MT) requièrent les géoradars, qui intègrent un couple d’antenne
des déploiements plus lourds (source inductive, émettrice (à une fréquence donnée) - réceptrice.
un ou plusieurs capteurs…). Enfin, pour toutes Une fois acquises, les données sont présentées
les méthodes électromagnétiques, l’analyse sous forme de profils d’évolution de l’amplitude
des données enregistrées, dont le degré de de l’onde radar en fonction du temps de parcours
complexité varie d’une méthode à l’autre, aboutit de l’onde ou de la profondeur, le long de la ligne
à la réalisation de cartes de variation de la résisti- de mesure, aussi appelées radargramme. L’ana-
vité apparente ainsi qu’à des modèles 1-D, 2-D ou lyse des données permet de mettre en évidence
3-D de distribution de la résistivité par inversion. des objets ou des horizons réflecteurs.   
*
myria- préfixe obsolète valant 10 000. Les ondes myriamétriques ont une longueur d’onde variant de 10 à 100 km (soit de 1 à 10 myriamètres).

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 Les méthodes d’imagerie sismique
L’imagerie sismique au sens large est l’étude des données, les résultats sont présentés sous
de la propagation des ondes mécaniques dans forme de modèles 2D ou 3D de distribution des
le sous-sol. La génération des ondes sismiques vitesses. Ces derniers fournissent des informa-
peut être artificielle, on parle dans ce cas de tions sur les propriétés mécaniques des roches
sismique active, ou bien naturelle, il s’agit alors en particulier leur élasticité et leur rigidité.
de sismique passive. En sismique active, les La méthode H/V bruit de fond, est une
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méthodes s’intéressent plus particulièrement méthode sismique passive particulière, qui


au comportement de certaines composantes utilise le bruit de fond sismique engendré par
des ondes mécaniques. D’une part, les ondes des sources locales (vent, vibration de bâtiments,
réfléchies et réfractées aux interfaces qui sont trafic routier…), et dont les composantes hori-
les supports de la sismique réflexion et de zontales et verticales peuvent être mesurées en
la sismique réfraction. Ces deux méthodes surface. L’analyse du rapport spectral entre les
permettent de caractériser la distribution des deux composantes permet d’établir la fréquence
vitesses de compression (Vp), à partir desquelles de résonance d’un sol. Cette fréquence, propre
sont calculées les vitesses de cisaillement (Vs). à chaque type de sol, varie selon la qualité et
D’autre part, les ondes de surface (ou ondes de l’épaisseur de sol considéré. Cette technique
Rayleigh), sont étudiées à travers la méthode permet d’évaluer l’homogénéité lithologique et
MASW (Multiple Analysis of Surface Waves) géotechnique d’un site, et, le cas échéant, de
qui permet d’étudier les vitesses de cisaille- cartographier d’éventuelles hétérogénéités.
ment en très proche surface. Après traitement

La géophysique aéroportée
La géophysique aéroportée n’est pas excep- elle se différencie en revanche par sa capacité
tionnelle par les méthodes géophysiques à produire, à haut rendement, une informa-
qu’elle met en œuvre, qui sont en fait un sous- tion spatialement continue, indépendamment
ensemble des méthodes disponibles au sol ; de l’occupation du sol et de la topographie.   

La chaîne de traitement des données géophysiques


La géophysique appliquée consiste à recueillir En revanche, pour chaque méthode, les outils de
des données à partir desquelles extraire une ou des traitement (ex. logiciels, codes numériques) sont très
information(s) concernant la structure de la couche souvent différents.
superficielle de la Terre. La chaîne de traitement des La première étape du traitement des données
données géophysiques permet le passage de la donnée géophysiques consiste à visualiser les données
brute, acquise sur le terrain, au paramètre physique brutes. Cette étape se fait le plus souvent sur le
interprétable. Cette chaîne est globalement la même terrain, parfois même directement sur l’appareil de
quelque soit la méthode concernée (figure ci-dessous). mesure (quand ce dernier le permet). La visualisation   
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Schéma
de la chaîne
de traitements
des données
géophysiques

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 L’information produite peut-être « régionale » une large gamme de problématiques des géos-
lorsqu’elle est acquise par avion ou hélicoptère ciences. La dernière décennie a notamment
(sur des distances pouvant atteindre plusieurs montré tout l’intérêt d’acquérir des couvertures
centaines de kilomètres), jusqu’à semi-locale, aérogéophysiques « d’infrastructure », c’est-à-
acquise par ULM ou, plus récemment, par drone dire constituant une donnée géoscientifique de
(voir encadré « Campagne test sur le massif référence, couvrant continûment un territoire,
du Chenaillet »). Selon le type de porteur, la au même titre que la carte géologique ou des
résolution des levés aéroportés permettra de forages. Cette démarche mise en œuvre dans

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caractériser de grands objets géologiques à des 4 de nos DROM (Martinique, Guadeloupe,
résolutions de l’ordre de la centaine de mètres Mayotte, La Réunion) s’étend progressivement
(dans le cadre de cartographies géologiques, à d’autres territoires comme la Nouvelle-
par exemple), jusqu’à des objets enterrés de Calédonie, la Polynésie et, graduellement, en
quelques dizaines de centimètres, par exemple métropole. Plus de cent études valorisent ces
pour la recherche d’UXO (UneXploded Ordo- données depuis 10 ans – et d’autres conti-
nance : munitions non-explosées). nuent à se monter – aussi bien en recherche
Un autre intérêt de la géophysique aéro- qu’en appui aux politiques publiques ou pour
portée est de pouvoir mettre en œuvre simulta- le compte d’industriels. Les domaines d’appli-
nément plusieurs méthodes géophysiques ; de cations sont très variés, notamment en hydro-
façon très classique, le magnétisme, la spectro- géologie (implantation de forages, intrusion
métrie gamma et, plus récemment, l’électroma- saline, modèle hydrogéologique conceptuel...),
gnétisme. La quatrième méthode couramment les risques géologiques (aléas mouvements
aéroportée est la gravimétrie. Avec cette palette de terrain, sismiques, retrait-gonflement des
d’outils et la capacité à moduler la taille et la argiles...), la recherche de matériaux, l’aména-
résolution des levés - en resserrant plus ou gement (tracé de tunnels, implantation de stoc-
moins les lignes de vol, en volant plus ou moins kages de surface...), ou la géothermie.
haut, ou en passant de porteurs classiques à des
porteurs plus légers, voire ultralégers (drones) QQ Angélie Portal et Guillaume Martelet
- ce domaine de la géophysique offre donc une BRGM
variété de configurations permettant d’aborder

 des données brutes permet de contrôler rapidement à partir des données observées. Pour illustrer ces
la qualité des données et ainsi de garantir l’obtention deux principes, prenons l’exemple d’un phénomène
de données qui seront exploitables une fois de retour simple, l’évolution de la température T en fonction
au bureau. de la profondeur p. Le problème est le suivant : quelle
L’étape suivante consiste à traiter la donnée brute. est la valeur de la température à une profondeur
Plusieurs niveaux de traitement sont possibles en donnée p=400 m ? Considérons que la température
fonction de la qualité et de l’utilisation postérieure augmente linéairement avec la profondeur telle
des données. Ainsi, certaines données ne nécessitent que T=a*p+b, a et b représentent les paramètres du
qu’un traitement préliminaire (ex. : la suppression modèle. Lorsque ces paramètres sont connus, par
de quelques données incorrectes au sein de jeu de exemple a=0,1 et b=25, le modèle s’écrit T=0,1*p+25.
données de très bonne qualité) quand d’autres, en La modélisation revient alors à résoudre l’équation
revanche, demandent des traitements plus avancées 0,1*400+25=65°C. L’inversion consisterait, quant à
(ex. : filtrage de données bruitées). Le traitement des elle, à évaluer les paramètres a et b à partir d’un jeu
données brutes est plus ou moins lourd selon le type de données observées, par exemple des valeurs de
de données traitées (en gravimétrie, le taitement température issues de mesures en forages, puis d’uti-
comprend de nombreuses étapes de calcul à réaliser) liser ce modèle d’inversion pour estimer la valeur de
et les outils nécessaires à sa réalisation (le temps de la température à p=400 m.
traitement diffère s’il est réalisé via un logiciel dédié La chaîne de traitement géophysique s’applique
et optimisé, ou s’il nécessite l’utilisation de codes dans son intégralité ou en partie. Par exemple, les
numériques en cours de développement). données géoradar traitées peuvent être directement
L’étape qui suit est une étape clé de la chaîne de interprétables alors que les données issues d’une
traitement, car elle consiste à convertir la donnée acquisition par tomographie de résistivité électrique
géophysique traitée en modèle de paramètre(s) doivent être inversées pour être analysées. Le niveau
physique(s) interprétable(s). Deux grandes méthodes de traitement appliqué aux données brutes dépend
permettent cette conversion : la modélisation et ainsi du type de données, de leur qualité et du modèle
l’inversion (fig.). La modélisation consiste à prédire de paramètres que l’on souhaite analyser.
des données à partir d’un modèle de paramètre(s)
QQ Angélie Portal
physique(s) connu(s). L’inversion, quant à elle, vise
à estimer un modèle de paramètre(s) physique(s) BRGM

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