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Quelques instants avec M. Jean Chauvel qui fut un des principaux négoci... https://www.monde-diplomatique.

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Quelques instants avec M. Jean


Chauvel qui fut un des principaux
négociateurs
« On ne peut rien laisser au vestiaire, Il faut se présenter avec toutes ses parts. Gagné, perdu,
qu’est-ce que cela veut dire ? Ce n’est pas mon rocabulaire. »

« Fine et mince, et fragile, est une trame continue et qui ne .meurt. »

E
S deux extraits, l’un d’une rigueur quelque peu déroutante, l’autre à l’allure à fa fois timide
et précieuse, donnent bien le ton de deux œuvres respectivement intitulées : Infidèle et
Imaginaires. Ce sont les deux dernières œuvres – elles datent de 1952 et de 1953 – de
M. Jean Chauvel, ambassadeur de France. La poésie en prose n’est pas sa seule activité
extraprofessionnelle : il peint aussi des natures mortes, où dominent l’ocre et le vert, et des
portraits au pastel de sa plus jeune fille, Béatrice ; il poursuit des recherches sur ce grand méconnu
que fut Restif de la Bretonne, et collectionne des bibelots anciens d’Extrême-Orient. De 1924 à 1927.
il fut secrétaire d’ambassade à Pékin. ll 1924 à 1927, il fut secrétaire d’ambassade à Pékin. Il circula
un peu à travers le pays et en ramena d’étranges objets qui ressemblent bien peu aux chinoiseries de
bazar. Il nous souvient notamment d’un cheval de pierre mauve, veiné de blanc.

« Il y en avait de bien plus extraordinaires, nous dit l’ambassadeur en le caressant du do:gt, mais j’étais
alors à mon premier poste et n’avais pas les moyens de les acquérir. »

En le rencontrant pour la première fois à Berne, M. Chou En-Lai avait en face de lui un connaisseur
des choses d’Extrême-Orient. Au cours du premier dîner que le ministre chinois des af faires
étrangères lui offrit, notre ambassadeur à Berne reconnut la cuisine de Pékin, très différente de celle
de Canton que lui confectionne depuis des années son cuisinier annamite.

M. Chauvel va quitter Berne pour Vienne. Cette ville ne lui est pas non plus inconnue : en 1937, il
était consul général et suivait de près les péripéties de l’Anschluss. Ce ne f urent pas des bibelots qu’il
ramena unique de photographies de Hitler baranguant les foules alors, mais une collection unigue de
photographier de Hitler haranguant les foules. A tous les postes où il a été, il s’est constitué un dossier
des côtés pittoresques, tragiques ou comiques, de l’existence : extraits de presse, annonces, lettres
officielles ou officieuses, images prises sur le vif. Il nous prévient :

« Ne parlez pas de mon sottisier, vous me brouilleriez avec mes meilleurs amis. – Et avec moi ? – De
toutes façons ! »

Nous échangions ces quelques mots une heure à peine après la séance f inale da la conférence de
Genève, dans la Citroën où nous eûmes l’honneur d’accompagner M. Chauvel à l’aéroport de

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Cointrin, d’où M. Eden allait s’envoler.

« Comment se fait-il, lui demandons-nous, que vous, qui accomplissez le vrai travail, soyez également
astreint à des déplacements protocolaires ? – Dans le cas présent, il ne s’agit pas de protocole, croyez-le
bien. Quand je suis resté seul à Genève, sans instructions, sans gouvernement, nous avons dû mener
côte à côte, M. Eden et moi, un jeu très fin qui cimenta notre amitié. »

Nous amenons alors la conversation aux deux périodes qui entourèrent cet interrègne, aux deux
ministres français que connut la conférence.

« Deux hommes entièrement différents, précise notre interlocuteur. Le jour et la nuit. Des caractères
différents et des méthodes de travail dissemblables. Au demeurant, le même désir d’aboutir. – Mais la
démarche nouvelle que constitue en diplomatie une échéance fixée d’avance et la volonté de s’y tenir,
c’est bien M. Mendès-France qui l’a instaurée ? – Sans aucun doute. Et quand on a le désir d’aboutir,
on y arrive toujours. Mail il faut vouloir. Seulement dites-vous bien qu’il n’y a pas eu de cadeau, on
s’est battu point par point.. »

Isabelle VICHNIAC.

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