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Bulletin de la Société Nationale

des Antiquaires de France

La relique du Saint Clou de la Couronne de Pologne aujourd'hui à


l'église Notre-Dame de Paris
Eźlbieta Dabrowska-Zawadzka

Citer ce document / Cite this document :

Dabrowska-Zawadzka Eźlbieta. La relique du Saint Clou de la Couronne de Pologne aujourd'hui à l'église Notre-Dame de
Paris. In: Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1991, 1993. pp. 340-354;

doi : https://doi.org/10.3406/bsnaf.1993.11697

https://www.persee.fr/doc/bsnaf_0081-1181_1993_num_1991_1_11697

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Séance du 11 décembre

Le président fait part du décès de Dom Jacques DUBOIS, m. r.,


dont les funérailles sont fixées au 12 décembre, à l'abbaye de la
Source.

Mme Elzbieta Dabrowska-Zawadzka, a. c. é., présente une


communication sur : La relique du Saint Clou de la Couronne de Pologne
aujourd'hui à l'église Notre-Dame de Paris* .

En 1987 Mme Marie-Madeleine Gauthier avait présenté à notre


compagnie ma communication concernant la relique de la Vraie
Croix dédiée jadis par un Manuel Comnène « στεφηφόρος ». Ce
dédicant est à identifier avec l'empereur Manuel Ier Comnène
régnant à Constantinople entre 1143 et 1180. Une telle identifica¬
tion découle de la dédicace inscrite sur la gaîne d'or du Saint Bois ;
elle se fonde sur la datation paléographique des caractères, ainsi que
sur l'acception de l'adjectif « στεφηφόρος » ; ce vocable appartient à
la langue poétique et ne saurait désigner qu'un empereur régnant à
Constantinople 1. La consultation de plusieurs byzantinistes nous a
fait adopter cette conclusion que nous maintenons ici. La relique,
conservée aujourd'hui dans le trésor de la cathédrale Notre-Dame à
Paris, faisait partie d'un trésor apporté en France en 1669 par le roi
de Pologne Casimir Waza (1648-1669), après son abdication. Parmi
les nombreuses reliques qui le constituaient, se trouvait également
une autre relique dominicale, la pointe du Saint Clou, conservée à
l'heure
communication
actuelle . dans le trésor de Notre-Dame, sujet de la présente

Après son décès en 1672, le trésor de Jean-Casimir entra par


testament en possession de sa belle-sœur Anne Gonzague de
Clèves, princesse de Mantoue et de Montferrat (1616-1684), veuve
d'Edouard de Bavière, prince palatin du Rhin 2. La princesse Pala-

substantiels.
à M.
* L'auteur
Andrzej tient
Poppe à dire
poursaleur
profonde
critique
gratitude
judicieuse
à Mme
et pour
Marie-Madeleine
leurs conseils Gauthier
précieux et

1. E. Dabrowska-Zawadzka, La relique de la Vraie Croix appartenant à Manuel Com¬


nène, dans B. S. N. A. F., 1987, p. 93-109.
2. La documentation de l'histoire des reliques depuis 1669 jusqu'à nos jours est
présentée dans l'article cité ci-dessus. Il faut quand même relever que ni le testament
de Jean-Casimir Waza, connu partiellement (A. Simon-Raoul, La mort d'un roi ,
Ε. DABROWSKA-ZAWADZKA. — LA RELIQUE DU SAINT CLOU 341

tine, à son tour, légua, en 1683, les reliques et les différents objets
provenant
Prés 3 de l'héritage polonais à l'abbaye de Saint-Germain-des-

Les reliques dominicales, entourées de la vénération populaire,


furent conservées dans le trésor de l'abbaye de Saint-Germain-des-
Prés jusqu'à la Révolution. Au cours de l'année 1793 tous les objets
du trésor abbatial furent confisqués et transportés à la Monnaie
pour être fondus au début de 1794. Seules les reliques de la Vraie
Croix et du Saint Clou échappèrent à la destruction, grâce à l'abbé
J.-F. Roussineau, curé constitutionnel de l'église Saint-Germain-
des-Prés 4. Il les fît reconnaître en 1797 et les conserva jusqu'à sa
mort. En 1828, conformément à la dernière volonté de l'abbé Rous¬
sineau, elles furent remises à Mgr de Quelen, qui les plaça dans un
nouveau reliquaire, œuvre de l'orfèvre J. Famechon, et les déposa
dans le trésor de l'église Notre-Dame de Paris 5.

Paris,
W.
l'histoire
tionnent
immédiatement
Tomkiewicz,
1934,
guère
du p.mécénat
les
19-21),
après
Ζreliques
dziejôw
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artystycznego
biens
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Wroclaw,
princesse
w après
wiekuPalatine
1952,
XVII
son décès
(Contribution
p. les
76)(publié
aitneretirées
men¬
parà

3. « Un coffre en cuivre doré dans lequel il y a une petite croix d'or sur le cou¬
vercle duquel il y a ces mots ornés « Lig.S.Crucis, Clavus Christi » et dans laquelle
fut trouvée une partie de clou que l'on croit être de Notre Seigneur. — Dans la
mesme petite croix d'or il y a un morceau du bois de la Vraye Croix, de laquelle
petite croix d'or /.../ est fait mention dans l'inventaire du /.../ du feu roi Casimir de
Pologne comme chose appartenant à la Couronne » (extrait du procès-verbal de
l'ouverture des Reliques de feu Madame la princesse Palatine faite par le R. P. Dom
Claude Bretagne délégué par Mgr l'archevêque de Paris le 22 septembre 1684 :
Paris, Bibl. nat., ms. fr. 18816, p. 249-250).
4. J. Gosselin, Notice historique sur la sainte couronne et les autres instruments de la Passion
de Notre-Dame de Paris , Paris, 1828, p. 193, pièce justificative n° VIII : actes concer¬
nantSaint-Germain-des-Prés.
de la croix de la princesse Palatine et le Saint Clou provenant du trésor de l'abbaye

5. Ch. Rohault de Fleury considère la parcelle du Saint-Clou conservée dans le


trésor de Notre-Dame, comme provenant de l'abbaye de Saint-Denis et remise en
1827 à l'archevêque de Paris par Cl. -H. Lelièvre, membre de l'Institut (Ch. Rohault
de Fleury, Mémoire sur les Instruments de la Passion de N. -S. J.-C. , Paris, 1870, p. 177-
178). Or, J. Gosselin affirme qu'il existait, en 1828, à Notre-Dame, deux clous, l'un
provenant de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, dont nous venons de parler,
l'autre de l'abbaye de Saint-Denis (J. Gosselin, op. cit., 1828, p. 149). Toutefois, en
1870, n'existait plus qu'un seul clou dans le trésor de Notre-Dame. Il s'agit, néan¬
moins, sûrement de la pointe du Saint Clou provenant de Saint-Germain-des-Prés.
En effet, la relique conservée jadis (avant la Révolution) dans le trésor de l'abbaye de
Saint-Denis se trouvait munie d'une tête (Bl. de Montesquiou-Fezensac, Le trésor de
Saint-Denis, 3, documents divers, Paris, 1977, p. 103- 105). Selon la description de
J. Gosselin, le Saint Clou provenant de l'abbaye de Saint-Denis avait trois pouces et
trois lignes de longueur c'est-à-dire environ 13 cm et il était muni d'une tête. « La
tête est échancrée et la pointe un peu altérée, il est couvert de rouille dans toute sa
longueur. Il était placé dans un tube de cristal d'environ quatre pouces de long en
342 11 DÉCEMBRE

La relique en question est constituée par une parcelle d'un clou


rectangulaire, en fer forgé, longue de 9,3 cm et large de 0,8 cm. Ce
clou est dépourvu de tête; sa pointe méplate est intacte. On n'a
remarqué aucune trace de monture.
En 1684, la pointe du Saint Clou était placée, ainsi qu'un frag¬
ment de la Vraie Croix, dans une petite croix d'or portant une ins¬
cription « Lig.S.Crucis, Clavus Christi » 6. On ignore la façon dont
elle était présentée au temps de Jean-Casimir. Quant à la localisa¬
tion antérieure en Pologne, elle reste toujours discutable. En quel
lieu la relique était-elle abritée, lorsque Jean-Casimir l'a retirée lors
de son départ pour la France? Selon Dom Claude Bretagne et Dom
Jacques Bouillart 7 les reliques de la Vraie Croix et du Saint Clou ne
constituaient pas la propriété personnelle du roi, mais elles avaient
été prélevées par Jean-Casimir dans le trésor de la Couronne de
Pologne. C'est comme telles qu'elles furent mentionnées après le
décès de la princesse Palatine. Le successeur de Jean-Casimir, le roi
Michel Wisniowiecki (1669-1674) les réclama à Anne de Gonzague
comme appartenant à sa couronne et « lui fit même des offres très
considérables », pour les récupérer, mais la princesse Palatine
refusa de se séparer de reliques aussi précieuses 8.
Or, les inventaires du trésor de la Couronne de Pologne, depuis le
plus ancien dressé en 1475 jusqu'à celui de l'année 1633 9, ne men¬
tionnent aucune relique du Saint Clou 10. Dans tout le royaume de
Pologne, seul le trésor de la cathédrale Saint-Wenceslas à Cracovie
était en possesion de deux parcelles distinctes du Saint Clou.
La première de ces reliques qui, à ma connaissance, n'a jamais
été montée, avait, selon la tradition, été remise avec la lance de saint
Maurice au duc de Pologne BolesJfaw Chrobry (992-1025) par
l'empereur Othon III (983-1002) au cours de son pèlerinage de
l'an 1000 à la tombe de saint Adalbert, martyr.
La deuxième parcelle provenait d'un don du pape Martin V

forme
Saint-Germain-des-Prés
Cette
1828,
1991,
6. Voir
opinion
p.de 200-201.
151).
clou,
noteest
Cette
ornée
3.partagée
relique
d'une
diffère
partête
a disparu
: A.
de
et celle
d'une
Lombard
entre
depointe
Saint-Denis
-Jourdan,
1828enet vermeil.
1870.
Fleur
par La
la
de» forme
relique
lis
(J.et Gosselin,
Oriflamme,
etprovenant
les mesures.
op.Paris,
cit.,
de

7. Extrait du procès-verbal..., p. 249-250;J. Bouillart, Histoire de l'abbaye royale de


Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1724, p. 280.
8. J. Bouillart, op. cit., 1724, p. 280.
9. E. Dabrowska, op. cit., p. 101-102, n. 29-34.
10. L'inventaire de l'an 1532 mentionne dans le trésor de la Couronne la relique
d'une Sainte Épine; selon F. Kopera elle pourrait être confondue avec la relique du
Saint Clou 1904,
Cracovie, : F. Kopera,
p. 52 et Dzieje
194. skarbca koronnego (L'histoire du trésor de la Couronne),
Ε. DABROWSKA-ZAWADZKA. — LA RELIQUE DU SAINT CLOU 343

(1417-1431), transmis en 1424 par le cardinal Jordan Orsini au roi


de Pologne Wfadysiaw Jagellon (1387-1434) et à sa femme Sophie à
l'occasion du baptême de l'héritier de la Couronne n. La relique fut
déposée dans le trésor de la cathédrale de Cracovie et fut montée au
cours du XVIIe siècle dans un reliquaire-monstrance en argent doré
dans lequel elle est restée conservée jusqu'à l'heure actuelle
(flg· 1) 12·
Revenons donc à la première relique. La remise du Saint Clou
avec les insignes du pouvoir par l'empereur Othon III fait conjectu¬
rer qu'elle fut affectée au trésor princier. Ce trésor, devenu ensuite
le trésor de la Couronne, fut conservé jusqu'à la fin du XIVe siècle,
avec des
tion et dans
deuxleensembles
trésor de la
et cathédrale
le transfertde
duCracovie.
trésor de Après
la Couronne
la sépara¬
au

château royal, situé, d'ailleurs, dans l'immédiat voisinage de la


cathédrale, la lance de saint Maurice et la parcelle du Saint Clou
restèrent dans le trésor de l'Église de Cracovie 13. C'est le destin par¬
ticulier de ces deux reliques que nous établissons ci-dessous.
Le don de la relique du Saint Clou et de la lance de saint Maurice,
effectué en l'an mille par l'empereur Othon III en faveur de Bo-
lesiaw Chrobry, fut mentionné dès le début du XIIe siècle 14 dans la
Chronique de Gallus Anonymus. L'empereur Othon III posa son
diadème sur la tête de Bolesfaw en marque d'amitié et il lui donna
comme enseigne victorieuse le Saint Clou et la lance de saint Mau¬
rice en échange du bras de saint Adalbert — « accipiens (Otto III)
imperiale diadema capitis sui, capiti Bolezlai in amicicie fedus imposuit et pro
vexillo triumphali clavum ei de cruce Domini cum lancea sancti Mauritii dono
dédit, pro quibus illi Boleslavus sancti Adalberti brachium redonavit » 15.
Mais nous avons un témoignage antérieur sur l'entrée initiale de la
lance de saint Maurice dans la possession des souverains de Po¬

Voir
Cracovie,
tranfixit
tione...
il. également
...
».in Codex
«1877,
cruce,
mittodudum
epistolaris
:vestre
p.J.332.
Diugosz,
michi
excellence
saeculis
de partibus
partem
Historiae
decimiorientis
unius
quinti,
Poloniae
clavis,
transmissam,
t. libri
2,quiCracovie,
XII,
manum
certissima
éd.domini
A.
1891,
Przezdziecki,
etnostri
fide
n° digna
142,
Jhesup.
affirma-
Christi
t.180.
4,

12. Katalog zabytkôw sztuki w Polsce (Catalogue des Monuments d'art en Pologne),
t. 4, Miasto Krakow (La ville de Cracovie), part. 1, Wawel, Varsovie, 1965, p. 177,
fig. 784.
13. F. Kopera, op. cit., 1904, p. 50; O. Balzer, Skarbiec i archiwum koronne w dobie
przedjagiellonskiej (Le trésor et les archives de la Couronne à l'époque antérieure aux
Jagellons), Lwôw, 1917, p. 22-33, 216-221 et 445-475.
14. La chronologie des sources de l'histoire de la Pologne d'après : J. Dbrowski,
Dawne dziejopisarstwo polskie do roku 1480 (Historiographie polonaise jusqu'à l'an
1480), Wroclaw, 1964.
15. Galli Anonymi Cronicae et Gesta Ducum sive Principum Polonorum, éd.
K. Maleczynski, Monumenta Poloniae historica, s. n., t. 2, Cracovie, 1952, p. 19.
344 11 DÉCEMBRE

FIG. 1. — LA LANCE DE SAINT MAURICE DE CRAC Ο VIE


ET LA LANCE DE L'EMPIRE GERMANIQUE
d'après A. Przezdziecki
Ε. DABROWSKA-ZAWADZKA. — LA RELIQUE DU SAINT CLOU 345

j logne 16 fourni par un texte contemporain des événements mêmes, à


I savoir en
écrite la lettre
1008 de
17. Au
saintXIIe
Bruno
siècle,
de Querfurt
les Annales
à Magdeburgenses
Henri II (1002-1024),
le con-

1fI firment
tion
la Leavec
cathédrale
« vexillum
aussi
la « de
pour
corona
auro
Cracovie
l'an
paratum
aurea1030
»,dressé
dans
», 18.c'est-à-dire
le
endeuxième
1110 20.
la lance
Leinventaire
transfert
19, fait du
son
detrésor
la
appari-
lance
de

j de saint Maurice, de Giezno à Cracovie, a été sans doute lié au


ι transfert de la capitale du royaume dans la deuxième moitié du
j XIe siècle 21. Le Pontifical des évêques de Cracovie, rédigé dans la

IΙ1j{ deuxième
ment
nous
1110,
C'est
7 est
la
aucun
cependant
plus
bénédiction
moitié
inventaire
connu
dulajusqu'à
XIe
«lance
super
siècle
du trésor
seule
l'an
vexillum
ou bien
1563.
que
de »la
au
mentionnent
22. cathédrale
XIIe
Malheureusement,
siècle,de
tous
contient
Cracovie
ces textes.
égale-
après
ne

j Le
dans
VitaSaint
minor
les textes
Clou,
Sancti que
Stanislai
qui durant
devait
23, rédigée
l'accompagner,
la deuxième
vers 1252,
moitié
n'apparaît
en du
témoigne
XIIIe
de siècle.
nouveau
: « Impe-
La

\ rator vero dédit pro regalibus insigniis régi Bolezlao lanceam beati Maurici et

j qui
la
Regii
Sainte
Tresci
Teologiczno-Kanoniczne
princesse
16.
a Poloniae,
découvert
ideowe
J.-J.
Lance,
Gertrude,
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d'après
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Vraie
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(Annales
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Meysztovicz,
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les
Croix
l'attention
detextes
roitheologiques
etwMieszko
les
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médiévaux
du
Saints
danslecteur
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IIAntemurale,
Clous)
et: Manuscriptum
liturgii
liturgiques
du
surdroit
attesté
lepolskiej
culte
2, canon),
1955,
dans
polonais),
de
Gertrudae
(L'idéologie
saint
le
n°18,
livre
15;
filiae
Cyriaque
1971,
dans
dedu
J.-J.
Mesconis
prières
p.Roczniki
culte
Kopec,
21.
(celui
de
II

17, «Ut autem, salva gratia regis, ita locui liceat : bonumne et persequi christianorum, et
habere in amicitia populum paganum? que comparatio Christi ac Belial? quo modo conveniunt
j Zuarasiz diabolus et dux sanctorum vester et nos ter Mauritius Ρ qua fronte coeunt sacra lancea et
j qui pascuntur humano sanguine diabolica vexilla? » (Epistola Brunonis ad Henricum Regem,
; dans Monumenta Poloniae historica, s. n., t. 4, fasc. 3 (2), Varsovie, 1973, p. 101-102).
? 18. Le chroniqueur parle de « regale ornamentum in corona et lancea deaurata » du roi
j Mieszko II (Annales Magdeburgensis ad anno 1030, éd. M. G. H., S. S., XVI, 170).
I 19. Ch. Du Cange, Glossarium, s. v. vexillum.
I 20. Monumenta Poloniae historica, t. I, Lwôw, 1864, p. 377, tabl. 5; voir également
j L. Kalinowski, Najstarsze inwentarze skarbca katedry krakowskiej jako zrôdlo do dziejôw
I sztuki w Polsce (Les plus anciens inventaires du trésor de la cathédrale de Cracovie
Ι comme source pour l'histoire de l'art en Pologne), dans Cultus et Cognitio, Mélanges
J offerts à A. Gieysztor, Varsovie, 1976, p. 217-230.

jI polonais
p.
évêques
Z.
216-221
23.
21.
22.
292.
Obertynski,
B.
F.;de
W. du
S.
Kopera,
H.
Abraham,
Cracovie
Kutrzeba,
sacre
L. ,Manchester,
7832.
op.
dudu
cit.
Pontifikale
roi),
Zrôdla
XIIe
, 1904,
dans
siècle),
1977,
polskiego
p.
biskupow
Przeglçd
15,
p.Cracovie,
ceremonialu
57-58.
193-194;
krakowskich
Historyczny
1927,
O.
koronacyjnego
Balzer,
ζ(Revue
p. XII
4; The
op.
wieku
(Genèse
historique),
cit.,
Cracow
(Le
1917,
du
pontifical
Pontifical,
cérémonial
p.12,13-20
1911,
des
éd.
et
346 11 DÉCEMBRE

Clavum Domini » 24. La Vita Maior 25 , nettement postérieure (rédigée


entre 1257 et 1261), donne des renseignements plus détaillés, en
indiquant que la lance avec tous les insignes royaux est conservée
dans le trésor de la cathédrale de Cracovie : « Deditque imperator
Boleslao régi pro regalibus insigniis lanceam beati Maurici et Clavum Domini.
Hoc autem regalia insignia, corona videlicet, sceptrum et lancea usque in
hodiernum
iacent recondita
diem » in
26. armario Cracoviensie ecclesia ad memoriam posterorum

Les mêmes renseignements concernant la relique du Saint Clou


nous sont donnés par les différents textes des XIIIe et XIVe siècles, à
savoir, les Miracula S. Adalberti 27, la Chronique de la Grande Pologne 28,
la Chronique des Princes de Pologne 29.
La présence de la lance de saint Maurice et du Saint Clou dans le
trésor de l'Église de Cracovie peut se trouver à l'origine du culte du
Saint d'une
ment Sauveur
messe
et de
concernant
la Passion
la du
Sainte
Christ,
Lance
ainsi
et les
queClous
de l'établisse¬
de Notre-

Seigneur dans la liturgie polonaise 30.


Jan Diugosz, chanoine de l'Église de Cracovie, dans son Histoire

de Pologne
deux
Othon parcelles
III 31,
(rédigée
l'autre
de Saints
entre
du pape
1455
Clous,
Martin
et provenant,
1480)
V 32,
mentionne
mais
l'une
il n'indique
de
également
l'empereur
alors
les

24. B.
25. Monumenta
H. L., 2833-2835.
Poloniae historica, t. IV, Lwow, 1884, p. 269.

26. Monumenta Poloniae historica, t. IV, Lwôw, 1884, p. 365. Nous trouvons les
mêmes renseignements ayant trait à la restauration du royaume, dans un autre cha¬
pitre de la Vita maior : « Deus enim prescius futurorum, visitons peccata parentum in terciam et
quartam generationem filiorum, quiae ipse solus novit, quando debeat misereri genti Polonorum et
restaurare ruinas eorum, ideo usque ad ista tempora omnia insignia regalia, coronam videlicet,
sceptrum et lanceam in armario Cracoviensis ecclesiae, que est urbs et sedis regia, ut superium
memoravimus, adhuc servat recondita, usque dum ille veniat, qui vocatus est a Deo tamquam
Aaron, cui sunt hec reposita » {ibid., t. IV, p. 393).
27. B. H. L. , 44 : « Dédit igitur in praefata coronacione Otto imperator régi Boleslao pro
insignis regalibus lanceam sancti Mauricii et unum ex Clavis domini. . . » (Miracula Sancti Adal¬
berti, ibid., t. IV, Lwôw, 1884, p. 237).
28. /Otto imperator tertius/ «... pro munere lanceam beati Mauritii et clavem domini Boles¬
lao donavit » (Chronica Poloniae Maioris, ibid. , s. η., t. VIII, Varsovie, 197 , p. 17-18).
29. « Boles laus igitur per imperatorem regis diademate coronatur, accipiens de imperiali muni-
ficencia clavum de cruce dominica cum lancea Sancti Mauricii » (Chronica Principum Polo¬
norum, ibid., t. III, Lwôw, 1878, p. 439-440).
30. T. Wojciechowski, Kosciôl katedralny w Krakowie (La cathédrale de Cracovie),
Cracovie, 1900 ; J.-J. Kopec, Mçka Pariska w religijnej kulturze polskiego sredniowiecza (La
Passion de Jésus-Christ et la culture religieuse de la Pologne médiévale), dans Textus
et Studia, t. 3, Varsovie, 1975, p. 219-238.
31. « Nec hiis césar contentus donat Boleslao régi unum clavum de cruce, perforatione corporis
Dominici nobilitatum, et lanceam sancti Mauricii cum hoc adieccione verborum : « Hune » inquit
« clavum, quo nichil preciosius, nichil carius, nichil iocundius, gracius in omni mea supellectili
me habuisse, sec nec habiturum esse rebar, tibi amicissimo meo affini pro vexillo triumphali dono,
Ε. DABROWSKA-ZAWADZKA. — LA RELIQUE DU SAINT CLOU 347

que le lieu de conservation de la deuxième relique c'est-à-dire la


cathédrale de Cracovie.
Les historiens et les érudits du XVIe et XVIIe siècles, rappelèrent
tour à tour l'histoire du don impérial fait au duc Bolesiaw Chrobry,
en soulignant
étaient conservés
le fait
dans
quelelatrésor
lance de
de la
saint
cathédrale
Mauricedeet Cracovie.
le Saint Clou
On

trouve ces renseignements dans la Chronica Petri Comitis rédigée entre


1506 et 1515 33, ainsi que dans les nombreux ouvrages imprimés,
comme ceux de Martin Cramer 34, de Jan Herbut 35, de l'abbé
Wujek38 36,
Leon et Frédéric
de MartinLuca
Bielski
39. 37 et des auteurs étrangers Johannes

Jan Krasirïski dans son livre Polonia, écrit en 1574 pour Henri de
Valois, le nouveau roi de Pologne, précise que la cathédrale de Cra¬
covie possède deux reliques du Saint Clou : une donnée par l'empe-

Domini
designans
num,
auro
vie,
32.et1964,
magnificum
argento,
Voir
rependo
te p.tam
note
235).
in»excellenti
(J.
quo
triumphatorem.
1 1 Dlugosz,
. te video
munere
satis
Annales
omnium
Neque
opulentum
seu
enim
in Cronicae
circuitu
esse,
amplississima
sedhostium,
incliti
quod Regni
omnes
dona
sed Poloniae,
barbarorum
gazas
tua, michi
terrenas
lib.
principue
et superat
I-II,
mets Varso¬
tributa,
, nacio-
clavo

33. « Dédit etiam praefectus caesar Otto ex thesauro suo munera régi Boleslao, scilicet clavum
Domini, qui Cracoviae habetur in una monstrancia et lanceam Sanctii Mauritii, atque alia plu-
rima dona... » (Cronica Paetri Comitis, dans Monumenta Poloniae historica, t. III, Lwôw,
1878, p. 762-763).
34. « His adiungit hospitale munus unum de clavis, quibus Christus & Deus noster cruci
affixus esse dicitur : & lanceam D. Mauricii : quae in basilica Cracoviensi, ubi sedes est epis-
copi, adhuc visuntur » (M. Cromer, De Origine et Rebus Gestis Polonorum libri XXX, Bâle,
1555, p. 53). Le même texte se trouve dans la deuxième édition également à Bâle, en
1558 (p. 53). Mais, l'auteur a changé d'avis dans la troisième édition publiée en
1568 (p. 37) : « His adiungit hospitale munus, lanceam D. Mauricii : quae in basilica Craco¬
viensi, ubi sedes est episcopi, adhuc visitatur. Dlugossus etiam sacrum clavum add.it : quem tarnen
inde longé post a Pont. Max. Wladislao Iagelloni missum esse scribit ».
35. « His adiungit /Otto 111/ hospitale munus : unum de clavis quibus Cristus Dominus cruci
affixus est dicitur, & lanceam divi Mauricii : quae omnia in basilica Cracoviensi ubi sedes est
Episcopi, adhuc visuntur » (J. -J. Herbut de Fulstin, Cronica sive Historiae Polonicae com-
pendiosa, Bâle, s. d. [après 1671], p. 21).
36. « tamze w Gnieznie, gdy Gaudencjusz arcybiskup zwykle ceremonie
odprawowaf, Cesarz koronç krôlewski na Boleslawa wïozyï : tak aby ta czesc
wieczna jemu potomkom jego w Polsce panujcym by fa. Ktemu przydaf znamienite
dary : gwozdz jeden, ktôrym Pan a Zbawiciel nasz na krzyzu byf przybity y wfôczniç
sw. Maurycego, ktôre po dzis w Krakowie w kosciele chowaji » (J. Wujek ζ
Wigrowca, Postylla katolicka ο Sairçtych [Recueil de sermonts au sujet de saints] I.
Cracovie, 1584, p. 188).
37. « Ktôremu krôlowi Bolesfawowi cesarz darowaf gwôzdz jeden, ktôrym byfo
przybito Pana Chrystusa na krzyzu i wiôczniç sw. Maurycego, ktôre jeszcze s 3. te
rzeczy na Zamku w kosciele krakowskim » (M. Bielski, Kronika polska [Chronique
polonaise], Cracovie, 1597, éd. J. Turowski, Sanok, 1856, p. 78-79).
38. J. Leone, Historiae Prussiae, Amsterdam, 1726, p. 45.
39. F. Luca, Chronica von Schlesien, t. 1, Francfort, 1689, p. 47.
348 11 DÉCEMBRE

reur Othon, l'autre, cadeau du pape Martin V : « ... m secretiori tem-


pli scrinio. . . sunt bini clavi quitus Christus senator noster cruci affixusjuit,
quorum alterum Otto Rufus imperator, uno dum D. Mauricii lancea, Anno
millesimo primo (sic), Boleslao régi dono dédit : alterum Martinus eius
nomine quintus pontifex maximus, per Latinum Ursinum Cardinalem, Epis-
copum Hostiensem, Vladislao primo ex Litua gente régi misit, Anno millesimo
quadringentessimo vicessimo quarto » 40.
Or, contre toute attente, nous ne trouvons plus (sauf une excep¬
tion) aucune mention de la relique du Saint Clou dans les nombreux
inventaires et visites du trésor de la cathédrale dressés depuis
1563 41. Cette absence ne peut être expliquée par les circonstances,
ni non plus parce que ce sont des inventaires de biens et d'orfèvre¬
rie, tandis que notre relique n'était pas montée. Quelques-uns de
ces textes mentionnent, en effet, la lance de saint Maurice en ces
termes « Lancea S. Mauricii ferrea », « Hasta S. Mauritii ferrea nuda » 42.
Néanmoins la description de la visite de l'évêque Maciejowski
en 1605, est la seule à indiquer que, hormis la parcelle du Saint
Clou conservée dans un reliquaire-monstrance, il y avait une autre
relique du Saint Clou sans monture 43. On peut enfin ajouter que
Γ Église de Cracovie possédait également les reliques de la sainte
Epine et de la tête de saint Maurice. Le Jeudi Saint on exposait à la
vénération
Clou 44. publique la Sainte Épine et le Vendredi Saint, le Saint

On est bien loin, c'est évident, de jeter la pleine lumière sur le


destin de la pointe du Saint Clou apportée en 1669 en France. Les
lacunes des textes et le caractère disparate des sources en sont la
cause. Contrairement à l'opinion transmise par les Mauristes, notre
relique n'avait pas été tirée du trésor de la Couronne de Pologne.
Ce qui est sûr, c'est que le trésor de la cathédrale de Cracovie était,
au XVIe et XVIIe siècles, en possession de deux parcelles de Saints
Clous. L'une d'elle faisait, d'après la tradition attestée depuis le
XIIe siècle, partie du don accordé par l'empereur Othon III à

40. J. Crasinius, Polonia, Bononia, s. d. (1574), p. 19.


41. Inwentarz katedry krakowskiej ζ roku 1563 (L'inventaire de la cathédrale de Cra¬
covie de l'année 1563), éd. A. Bochnak, dans Zrôdla do dziejôw Wawelu (Recueil
des sources
visites du trésor
sur l'histoire
de la cathédrale
de Wawel),
de Cracovie
10, Cracovie,
dressés1979.
en 1602,
Pour1620
les inventaires
et 1670 : Archi-
et les
wum kapitufy krakowskiej na Wawelu mss. n° I (3), I (81), I (81 bis).
42. Archiwum kapitufy katedry krakowskiej na Wawelu mss n° I (3), I (81 bis).
43. Archiwum kapituiy katedry krakowskiej na Wawelu ms n° I (51).
44. P. -H. Pruszcz, Klejnoty stolecznego miasta Krakowa (Les joyaux de la ville de
Cracovie), Cracovie, 1647 (éd. Krakow, 1861, p. 15-16); A. Liszewski, Sacratissima
reliquarum, hoc. anno, humanae salutis a Christo liberatore instauratore, millesimo sextentissimo
tredecimo, die 12 Mail, in Ecclesia Cathedrali Cracoviensi demonstrandarum succincta descrip-
tio, Cracovie, 1613, s. p.
Ε. DABROWSKA-ZAWADZKA. — LA RELIQUE DU SAINT CLOU 349

Bolesfaw Chrobry avec d'autres insignes du pouvoir; comme telle,


elle peut être considérée comme faisant partie du trésor de la Cou¬
ronne, lequel fut conservé jusqu'au XVIe siècle dans la cathédrale de
Cracovie, conjointement avec le trésor ecclésiastique. Au moment
de la séparation des deux trésors, la lance de saint Maurice et le
Saint Clou, comme ils ne servaient plus au sacre et qu'ils étaient
vénérés comme des reliques de la Passion, furent affectés au trésor
de l'Église de Cracovie. Au cours du XVIIe siècle, la relique du
Saint Clou disparut parce que selon toute vraisemblance, elle avait
été apportée en France par l'ex-roi Jean-Casimir 45. L'autre re¬
lique offerte par le pape Martin V est encore préservée dans un
reliquaire-monstrance,
cathédrale de Cracovie. conservé de nos jours dans le trésor de la

Pour clore notre discussion, revenons donc encore une fois aux
reliques de la Passion. Il va sans dire que la question de l'authenti¬
cité de ces reliques ne sera pas abordée ici. Notre propos est d'exa¬
miner l'usage des Instruments de la Passion et d'appréhender le
souvenir qu'ils sont laissé dans les monuments chrétiens. Nous nous
attachons spécialement à la tradition et à l'idéologie dont ces re¬
liques dominicales sont chargées.
Le geste d'Othon III, qui posa son diadème sur la tête de Bo-
lesJTaw Chrobry, et le don qu'il lui fit de la lance et du Saint Clou,
ouvrirent au prince polonais la voie vers le sacre. Les reliques domi¬
nicales sont, au Moyen Age, presque inséparables des insignes du
sacre insérées.
sont et des attributs du pouvoir royal, au point même qu'elles y

Les reliques de la Passion, tenant naturellement le premier rang


dans le monde chrétien, accumulèrent une « charge formidable de
volonté, d'autorité, de puissance et de désir » 46. La préséance
qu'elles confèrent aux insignes qui les contiennent équivaut en
même temps à une délégation du pouvoir divin au pouvoir temporel
des princes.
La Sainte Lance, découverte dans l'ensemble des reliques domi¬
nicales, d'abord conservée à Jérusalem et ensuite à Constantinople,
n'apparaît dans les textes qu'au XIe siècle 47. Vénérée, d'après

petit
portant
1724,
45. reliquaire
p.
Jean-Casimir
l'inscription
278-281,
d'or,
pl.«acontenant
18
Andreas
retiré
E). également
Lipski
les reliques
episcopus
du de
trésor
saint
cracoviensis
deStanislas
la cathédrale
» et(J.deBouillart,
de
saint
Cracovie
Florian
op. cit.,
un
et

46. M. -M. Gauthier, Les Routes de la Foi, Fribourg, 1983, p. 162.


47. W.-A. Spies, Dissertatio historico-critica de Imperiali Sancta Lancea, Altdorf, 1731;
T. Tabler, Itinera hierosolymitana et descriptions Terrae Sanctae, t. 1. Genève, 1877,
p. 103 ; Ch. Rohault de Fleury, op. cit. , 1870, p. 272-275 ; F. de Mély, Les reliques de
Constantinople, dans Revue de l'art chrétien, 46, 1897, p. 1-11 ; F. Cabrol, H. Leclerq,
Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, VII; col. 1157-1159.
350 11 DÉCEMBRE

Constantin Porphyrogénète, dans l'église de la Vierge au Phare


dans l'enceinte du Palais 48, elle fut enlevée lors du sac de Constanti¬
nople en 1204. Saint Louis acheta, en 1241, sa pointe et l'enferma
avec la Sainte Couronne d'épines dans la Grande Châsse de la
Sainte -Chapelle i9. En 1492, le sultan Bajazet II envoya comme pré¬
sent le corps de la Sainte Lance au pape Innocent VIII qui le plaça
sur un ciborium (détruit en 1626) dans la basilique Saint-Pierre de
Rome 50. La pointe de la lance, transférée pendant la Révolution de
la Sainte-Chapelle à la Bibliothèque nationale, disparut après
1796 51 ; le corps devrait être toujours conservé au Vatican.
La Sainte Lance de Constantinople n'était pas la seule dans le
monde chrétien 52. En dehors d'elle, il en existait une autre, la
Sainte Lance de l'Empire Germanique dite aussi « lance de saint
Maurice » 53. Détenue, selon la tradition, par Constantin le Grand,
la Sainte Lance apparut dans la possession d'Henri Ier l'Oiseleur
(919-930)
lance est associée
par l'intermédiaire
au nom de saint
de laMaurice.
Bourgogne.
Ce martyr
Dès le Xe
du siècle
IIIe siècle,
cette
enterré et vénéré à Saint-Maurice d'Agaune, en Valais, était
devenu le patron de l'archevêché de Magdebourg et son culte rayon¬
nera dans tout l'Empire 54.
Cette Sainte Lance, avec des Clous de Notre Seigneur, avait
accompagné Othon Ier dans ses batailles victorieuses à Birten en 939

éd.,48.Paris,
Constantin
1967, t. VII
1, p.
Porphyrogénète,
168. Le livre de Cérémonies , éd. et trad. A. Vogt, 2e
49. S.-J. Morand, Histoire de la Sainte Chapelle royale de Paris, Paris, 1790, p. 40;
J. Gosselin, op. cit., 1828, p. Ill; R. Branner, La grande châsse de Sainte-Chapelle,
dans Gazette des Beaux-Arts, 113, p. 1-18.
50. J. Burchard, Diarium sive Rerum Urbanorum Commentant 1483-1506, éd.
L. Thuasme, t. 1, Paris, 1883, p. 473-476; Benoît XIV (1740-1758) compara le
dessin du fer de la Sainte-Chapelle à la relique conservée à la basilique Saint-Pierre
de Rome et confirma qu'ils provenaient de la même lance ( Benedictus XIV papa, De
festis Domini nostri Jesu Christi, beatae Mariae Virginis et quorundam sanctorum, Rome,
1751, p. 242.
51. J. Gosselin, op. cit., 1828, p. 162.
52. Je n'aborde pas les problèmes des autres lances (voir note 47).
53. P.-E. Schramm, Herrschatszeichen und Staats Symbolik, t. 2, Schriften der
M. G. H., XIII/2, Stuttgart, 1955, p. 501-512; P.-E. Schramm et F. Mütherich,
Denkmale des deutschen Könige und Kaiser, t. I, München, 1967, p. 139, 152 (avec la
bibliographie du sujet). Voir également : M. Uhlirz, Zu den heiligen Lanzen des karolin-
gische Teilreiche, dans Mitteilungen des Instituts für österreichische Geschichtsforschung, 68,
1960, p. 197-208; P. Paulsen, Flügellanzen, Zum archäologischen Horizont der Wiener
« sancta lancea », dans Jahrbuch des Instituts für Frühmittelalterforschung der Universität
Münster, 3, 1969, p. 289-312.
54. M. Zuffrey, Der Mauritiuskult in Früh-und Hochmittelalter, dans Historisches Jahr¬
buch 106, 1986, p. 42-53.
Ε. DABROWSKA-ZAWADZKA. — LA RELIQUE DU SAINT CLOU 351

et à Lechfeld en 955 55. Elle est mentionnée à partir de l'an 963


parmi les insignes du Royaume.
En prêchant « pro restituenda republica » et la « renovatio imperii
Romani », Othon III voulu réunir sous le sceptre de Rome tout le
monde chrétien. La vision conceptuelle d'un tel système nous est
transmise, dans
enluminés de l'école
sa projection
de Reichenau
figurée,etpar
datables
deux célèbres
de 997/998.
manuscrits
Dans

chacun d'eux, les enluminures y représentent en diptyque, d'une


part l'empereur en majesté avec ses insignes : la couronne, le
sceptre, le globe, la lance et l'épée, et, de l'autre, quatre royaumes,
les personifications des femmes portant leur offrande à l'empereur :
Roma (ou Italia ), Gallia, Germania et Sclavinia 56.
L'octroi au duc de Pologne effectué à l'occasion du pèlerinage à
Gniezno de Yectypon de la Sainte Lance et du Saint Clou définit
d'une manière exacte le rang élevé du prince polonais dans la
symbolique du pouvoir. Il a coulé beaucoup d'encre sur le caractère
politique et spirituel de la rencontre à Gniezno 57 et du geste impé¬
rial qui, selon les mots de Thietmar, évêque de Merseburg, trans¬
forma le tributaire en seigneur « tributariumfaciens dominum » 58. Je ne
crois guère à l'impérieuse nécessité d'aborder ici plus longuement
ces problèmes.
Othon III tenait aussi à englober la Hongrie dans sa « Republica
Christiana ». Thietmar de Merseburg souligne que Vaïc-Etienne,
duc de Hongrie (997-1038), avait reçu en 1001 sa couronne grâce à
l'initiative de l'empereur 59. La rédaction C d'Adémar de Cha-
bannes précise qu Othon III avait envoyé à Etienne Ier une lance,
sorte d'insigne-reliquaire
Saint Clou et de la lance dans
de saint
lequelMaurice
se trouvaient
60. La des
couronne
reliqueset du
la

55. Liutprand de Crémone, Antapodosis, IV, 24, 25 {M. G. H., S, S., Ill, p. 322);
Widukind, Res Gestae Saxonicae, III, 46 {ibid., p. 459).
323.
56. P. -Ε. Schramm et F. Mütherich, op. cit., 1955, p. 155-156; n° 108, pl. 322-

57. Sur l'acte de Gniezno : P.-E. Schramm, Skizze des Geschichte Polens im Lichte der
Herrschaftzeichen, dans L'Europe aux IX'-XI' siècles, Varsovie, 1968, p. 361-369;
T. Wasilewski, Le couronnement de l'an 1000 à Gniezno et son modèle byzantin, ibid.,
p. 461-472 ; A. Gieysztor, Sylvestre II et les Eglises de Pologne et Hongrie , dans Gerberto,
scienzia, storia e mito, Bobbio, 1985, p. 733-746; J. Fried, Otto III und Boleslaw
Chrobry, dans Frankfurter Historische Abhandlungen, 30, Francfort, 1989.
58. Thietmar de Merseburg, Chronicon, V, 6 (M. G. H., S. S., Ill, p. 793).
59. « Imperatoris autem predicti gratia et hortatu /.../ coronam et benedictionem accepit »,
Thietmar de Merseburg, IV, 38 (M. G. H., S. S., Ill, p. 784).
60. « Otto imperator /.../ dans ei licenciam ferre lanceam sacram ubique, sicut ipsi imperatori
mos est et reliquias ex Clavis Domini et lancea S. Mauricii ei concessit in propria lancea » (Adé-
mar de Chabannes, Chronicon, III, 31; M. G. H., S. S., IV, p. 129); La rédac¬
tion C, d'après K.-F. Werner, n'appartient pas à une interpolation, mais à Adémar
lui-même (K.-F. Werner, Adémar de Chabannes und die Historia pontificum et comitum
352 11 DÉCEMBRE

lance furent reprises, après la mort d'Étienne Ier, par l'empereur

jusqu'à
voyées
l'image
Henri
La
offerte
Székesfehérvâr,
Nous
tant
Sainte
Chapelle.
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«saint
Schatzkammer
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Maurice.
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Lance
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et
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Othon
Vienne.
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insignes
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insignes,
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sont
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III
femme
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par
63.
conservées
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Gisèle
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(1041-1044)
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Paterno.
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chasuble
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siècle
Ier,
dans
persisté
1031
Aix-la-
et
sacre
siècle
ren¬
por¬
par
La
de
61.
62.
laà

Liutprand de Crémone, pour sa part, mentionne l'existence de


plusieurs Clous de Notre-Seigneur insérés dans la Sainte Lance 64.
Othon Ier avant de se lancer dans la bataille de Birten, regarda les
Saints Clous, porteurs de victoire, insérés dans sa lance — « victorife-
ros clavos manibus domini et salvatoris nostri Jesu Christi adfixos suaeque lan-
ceae impositos » 65. Or la lance conservée à la Schatzkammer de
Vienne ne possède plus qu'un seul clou.
La pointe de la lance de Vienne (longueur : 50,8 cm) est en forme
de feuille de saule, à l'extrémité d'une douille allongée de section
ronde qui porte à la base deux ailettes triangulaires (fig. 1). La
feuille est brisée au milieu de sa longueur et soutenue par trois
gaines successives : en fer, en argent et en or. L'enveloppe exté¬
rieure porte l'inscription remontant à l'empereur Charles IV (1347-

J.
Engolismensium,
Fried, op. cit., dans
1989,Deutsches
p. 132. Archiv, 19, 1963, p. 297-326). Voir également :

Budapester
Gregors
61. Annales
VII,Wikingerlanze,
M.Altahenses
G. H., Epistolae
Maiores
dans Acta
ad.
selectae,
a.archeologica
1045,
II/l,M.n° Academiae
G.
II 13e,
H., S.p. scientarum
S.,
145-146;
XX, 801;
L. Kovâcs,
Hungaricae,
Das Register
Die
22,

1970, p. 334-335 ; Sz. de Vajay, La relique stéphanoise dans la Sainte Couronne de Hongrie,
dans Acta historiae artium Academiae scientarum Hungaricae, 22, 1976, p. 6.
62. E. Kovâcs, Casula Sancti Stephani regis, dans Acta historiae artium Academiae scien¬
tarum Hungaricae, 5, 1958, p. 181-222; E. Kovâcs et Z. Lovag, Les insignes royaux de
Hongrie, Budapest, 1980, p. 66.
63. I. Gedai, Istvàn kirâly dendra (Les derniers du roi Etienne), dans Numizmatikai
Közlöny, 70-71, 1971-1972, p. 23-32.
64. J. Hörle, Die Sogennante « Beschreibung der Hl. Lanze » bei Liudprand von Cremona
(Antapodosis IV 24 und 25), dans Archiv für Mittelrhenische Kirchengeschichte, 14, 1962,
p. 63-80.
65. Liutprand, Antapodosis, IV, 24 (M . G. H., S. S., III, p. 322).
Ε. DABROWSKA-ZAWADZKA. — LA RELIQUE DU SAINT CLOU 353

1378) « LANCEA ET CLAVUS DOMINI ». Sur l'enveloppe intérieure,


à l'avers, Henri IV (1056-1106) avait fait graver « HENRICUS D(e)l
GR(ati)A TERCIUS ROMANO(ram) IMPERATOR AUG(uj/uî) HOC
ARGENTUM IUSSIT — FABRICARI AD CONFIRMATIONE(m) CLAVI
DO(ttîî)NI ET LANCEE SANCTI MAURICII » et au revers « CLAVUS
DOMINICUS » ; « SANCTUS MAURITIUS ». Sous les enveloppes on a
constaté que, dans la feuille de la lance, avait été découpé un ajour
de 23 cm de long. Un clou en fer, de 16 cm, posé verticalement le
comble partiellement. La portion évidée de 7 cm de long environ,
encore
au-dessus
un autre
de cette
clou.
relique, suggère que la lance contenait jadis

Selon J. Hörle, ce deuxième clou a disparu entre 959-963 et 1084,


à savoir entre la rédaction de Y Antapodosis par Liutprand de Cré¬
mone vers 959-963 et le sacre impérial d'Henri IV en 1084. L'ins¬
cription
clou 66. posée par l'empereur ne mentionne en effet qu'un seul

Or la pointe de la lance de Cracovie 67 est aussi en feuille de saule


portant deux ailettes triangulaires (fig. 1). Sa douille, de section
ronde, est nettement plus courte. Dans la partie haute de la feuille,
deux fentes étroites et longues de 1 1 cm sont ménagées, séparées par
une lame en fer qui semble imiter le Saint Clou. Au-dessous de ces
fentes, la feuille est gainée par un étui de bronze doré. La lance de
Cracovie a des dimensions presque identiques à celles de la lance de
Vienne ; mais elle paraît un peu plus massive.
Telles sont les questions qui se posent : Othon III a-t-il offert aux
souverains de Pologne et de Hongrie les répliques de sa propre
lance? Les mesures presques identiques et l'aspect vulgaire de la
lance de Cracovie, soutiennent cette hypothèse. Ces répliques
(comme nous le fait croire Adémar de Chabannes) 68 contenaient-

przechowywanej
plocka
Varsovie,
lance
Cracovie)
cit.,
sur
le
cathédrale
de
dans
la
1930-1934,
68.
66.
morceau
67.
valeur
Varsovie)
la1991,
lePrace
de
lance
doby
J.
Voir
Sur
trésor
Boleslaw
Hörle,
de
9,
piastowskiej
p.
1971,
la
de
Komisji
du
p.
impériale
note
lalance
1989,
2,
147-148)
de
Prague,
I-IX;
wSaint
copie)
1961,
op.
la
p.
skarbcu
60.
Chrobry
de
Historii
cathédrale
p.Z.
129-135;
cit.,
Clou,
me
XIV
Cracovie
dans
17-44.
p.
Zygulski,
concernant
ait
katedry
1962,
paraît
505-547
été
wieku
conservé
Sztuki
Oryginal,
conservée
M.
de
prélevé
krakowskiej
p.
voir
difficile
(La
Cracovie),
Kilka
(Travaux
Rokosz,
72-73.
:laM.
dans
: replika,
lance
date
A.
àde
uwag
àMorelowski,
Wawel),
Przezdziecki,
laun
L'hypothèse
accepter.
(La
de
et
Wawelska
lance
de
dans
na
kopia
reliquaire
lalance
saint
temat
lanature
Biblioteka
dans
Commission
impériale.
(L'original,
Maurice
Nous
wartosci
dite
wlôcznia
Wlôcznia
de
Rocznik
des
0
provenant
de
n'avons
wlôczni
A.manipulations
Warszawska
etsaint
kopii
Lombard-Jourdan
Boleslawa
lala
krakowski
sw.
d'Histoire
couronne
zwanej
(Les
répliqué,
Maurice
aucune
de
Maurycego
Charles
remarques
(Bibliothèque
sw.
Chrobrego
(Annales
preuve
perpétrées
de
d'Art),
conservée
Maurycego
la Piock),
icopie),
IV
korona
(op.
que
(La
àsur
de
5,
la

ANT. BULLETIN — 1991 23


354 11 DÉCEMBRE

elles des parcelles du Saint-Clou et de la lance de saint Maurice?


L'examen de la lance de Cracovie donnerait une réponse plutôt
négative. Cette lance cependant n'a jamais été démontée. L'empe¬
reur Othon III aurait-il distribué à Bolesfaw Chrobry et Etienne de
Hongrie des parcelles du Saint-Clou provenant de sa propre lance ?
P. E. Schramm répond de façon affirmative 69. Hypothèse sédui¬
sante mais qui demanderait des preuves plus concrètes.
Je n'ose donc, moi non plus, m 'avancer davantage et me hasar¬
der à affirmer que la relique du Saint Clou conservée à l'église
Notre-Dame de Paris dérive de la Sainte Lance de l'Empire Germa¬
nique...
La pénurie des sources textuelles nous laisse à la merci de telles
incertitudes, quelles que soient mes suppositions plus ou moins fon¬
dées. De toute manière, notre argumentation basée sur les indices
àarchéologiques,
l'histoire des mentalités.
semble être moins catégorique que celle qui recourt

69. P.-E. Schramm et F. Mütherich, op. cit., 1967, p. 139.

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