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Toute médaille a son revers : les effets de la mixité des

équipes militaires sur l’intensité conflictuelle et la cohésion


Elena Essig, Richard Soparnot
Dans Gestion et management public 2023/2 (Volume 11 / N° 2), pages 9 à 30
Éditions AIRMAP
DOI 10.3917/gmp.112.0009
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Toute médaille a son revers :
les effets de la mixité des équipes militaires
sur l’intensité conflictuelle et la cohésion

Every medal has its flip side:


the effects of mixed military teams on conflict intensity and cohesion

Elena ESSIG
ESSCA School of Management | elena.essig@essca.fr

Richard SOPARNOT
ESC Clermont Business School | richard.soparnot@esc-clermont.fr

RÉSUMÉ une enquête quantitative et qualitative auprès d’une


population de 124 sous-officiers de l’armée de l’air
Une littérature conséquente est consacrée aux ef- française, répartis en 21 équipes. Les équipes ayant
fets de la mixité au travail sur le fonctionnement des certains taux de mixité affichent ainsi de meilleurs
organisations et des équipes. Force est toutefois de résultats en termes l’intensité conflictuelle et la co-
constater que la littérature ne fait pas consensus, hésion d’équipe.
celle-ci oscillant entre l’existence d’effets positifs ou
négatifs, l’absence d’effets et l’existence d’un taux
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de mixité optimal. Notre recherche s’intéresse donc Mots-clés
aux effets du taux de mixité sur l’intensité conflic- Mixité ; Égalités femmes/hommes ; Conflit ; Cohé-
tuelle et la cohésion. Pour ce faire, nous avons réalisé sion ; Équipe

ABSTRACT subject, we conducted a quantitative and qualitative


study with a sample of 124 non-commissioned offi-
Many scientific studies have focused on the effects cers of the French Air Force, divided into 21 teams.
of gender diversity at work on organizations and Our research shows that teams with certain diver-
teams' functioning. However, it still seems that there sity rates show better results regarding conflict in-
is no consensus present in the literature. It oscillates tensity and team cohesion.
between the existence of positive or negative effects,
their absence and the existence of an optimal diver-
sity rate. Our research is therefore interested in the Key-words
effects of gender diversity on the conflict intensity Gender diversity; Gender equality; Conflict; Cohe-
and cohesion in our study. In order to examine this sion; Teams

Revue Gestion & Management public | Vol. 11, n°2 – 2023 9


Toute médaille a son revers : les effets de la mixité des équipes militaires sur l’intensité conflictuelle et la cohésion

INTRODUCTION significatifs (Williams et O’Reilly, 1998 ; Pelled et al.,


1999 ; Kochan et al., 2003).
Longtemps, la question de l’égalité femmes/hommes
a été celle du politique. Qui l’adressait au monde éco- Les recherches précédemment citées se caractérisent
nomique essentiellement par la promulgation de lois par l’absence de consensus. Tout d’abord, force est
visant à lutter contre les discriminations, notamment de constater qu’il n’existe aucun accord sur les effets
grâce au « programme de développement durable à liés à la mixité au travail, la littérature oscillant entre
l’horizon 2030 » (objectif 5 : égalité entre les sexes) l’existence d’effets positifs ou négatifs, l’absence d’ef-
(ONU, 2022). Les organisations publiques et privées fets, l’existence d’un taux de mixité optimal et une re-
se sont peu à peu approprié cette question et ont lation curvilinéaire. Ensuite, les études (parfois trop
développé des pratiques de gestion des ressources anciennes), qui aboutissent à l’existence d’un taux de
humaines visant à promouvoir l’égalité femmes/ mixité optimal des équipes (Kanter, 1977 ; Knouse et
hommes. Les politiques de mixité au travail se sont Dansby, 1999), n’identifient pas les raisons liées au
ainsi développées dans les années soixante aux États- bon ou au mauvais fonctionnement des équipes. Par
Unis, suite à l’apparition de politiques d’égalité des ailleurs, ces études ignorent souvent la contribution
chances (EEO1) et de mesures de discrimination posi- des hommes au climat social des équipes de travail, se
tive (AA2) (Bender, 2004 ; Martin, 2010). En France, il focalisant exclusivement sur la population féminine.
a fallu attendre les années quatre-vingt-dix pour que Enfin, la plupart des études se concentrent sur des
se développent les premiers travaux sur le concept de groupes « asymétriques », c’est-à-dire composé d’une
mixité ou de diversité de genre (Bender et al., 2010). minorité ayant une caractéristique démographique
spécifique (genre, ethnie, etc.).
Un pan entier de cette littérature est consacré aux
effets de la mixité au travail sur le fonctionnement Notre recherche propose d’actualiser et de prolon-
des organisations. Certains chercheurs mettent ainsi ger la littérature concernant les effets potentiels du
en évidence qu’un taux de mixité élevé est positive- taux de mixité sur la cohésion et les conflits au sein
ment lié à la performance financière, commerciale des équipes militaires en formation à l’armée de l’air.
et sociale (Lee et Farh, 2003 ; Dwyer et al., 2003 ; Nous cherchons à expliquer l’origine de ces effets en
Landrieux-Kartochian, 2004 ; Perret, 2008 ; Poilpot- prenant en compte les témoignages de femmes et
Rocaboy et Kergoat, 2010 ; Ali et al., 2011 ; Joecks d’hommes, soldats français, ayant le statut d’agent
et al., 2013 ; Ben-Amar et al., 2017 ; Mercier-Suissa public relevant du Ministère des Armées. Notre re-
et al., 2018). Il est également démontré que la pré- cherche entre en résonance avec une préoccupation
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sence de femmes au sein des équipes de travail a une majeure de la Défense ; la féminisation des armées
influence positive sur l’innovation et la créativité et l’égalité professionnelle de genre (Ministère des
(Van der Vegt et Janssen, 2003 ; Ostergaard et al., Armées, 2021). Les enjeux managériaux de cette
2011 ; Diaz-Garcia et al., 2013), la gestion des conflits étude sont donc de mieux comprendre et de mieux
(Pelled et al., 1999 ; Nishii, 2013) et la responsabilité gérer la mixité au sein des équipes de jeunes recrues,
sociale et sociétale des entreprises (Bear et al., 2010 ; alors qu’ils doivent dès les premiers mois s’appro-
De Cabo et al. 2012 ; Boulouta, 2011 ; Sharma, 2012 ; prier les bases du comportement et des valeurs mi-
Birindelli et al., 2019). Toutefois, d’autres chercheurs litaires. Pour ce faire, nous déployons une métho-
sont plus nuancés, et leurs études aboutissent à des dologie mixte. Nous réalisons d’abord une enquête
résultats moins explicites. Ainsi, pour Kanter (1977), qualitative exploratoire avec six personnes, puis une
Davis (1980) et Knouse et Dansby (1999), il existe étude quantitative auprès 124 individus divisés en 21
des seuils au-delà desquels la présence du genre fé- équipes ayant des taux de mixité variés (allant de 0 %
minin devient source de conflits et donc d’une baisse à 86 %). Ces mêmes équipes participent enfin à une
de performance globale de l’équipe. D’autres études étude qualitative visant à identifier les raisons qui
consacrées au lien entre la diversité de genre et la expliquent les éventuelles différences de fonctionne-
performance révèlent quant à elles des résultats non ment entre les équipes.

1 Equal Employment Opportunities.


2 Affirmative Action.

10
Elena Essig & Richard Soparnot

Le présent article est structuré en trois parties. La Dans ce qui suit, nous proposons tout d’abord une ty-
première est consacrée à la revue de littérature. Elle pologie des équipes, typologie qui sert de cadre de réfé-
permet de définir les principaux concepts utilisés dans rence pour mener notre recherche. Puis, nous exposons
cette recherche et propose un tour d’horizon des tra- les différents travaux traitant des effets de la mixité sur
vaux traitant des effets de la mixité sur la cohésion les conflits et la cohésion des équipes, à savoir l’exis-
et les conflits au sein des équipes. La seconde aborde tence d’un taux optimal, les effets positifs, négatifs et
le choix de la méthodologie mixte pour notre étude. enfin l’absence d’influence.
La troisième aborde les résultats de notre recherche.
Enfin, la conclusion du papier présente les contribu-
tions théoriques et les implications managériales de 1.1. La typologie des équipes
notre enquête. selon le critère de la diversité

Plusieurs auteurs (Kanter, 1977 ; Davis, 1980 ; Knouse


et Dansby, 1999) soulignent que le taux de diversité des
1. LA REVUE équipes de travail influence la qualité des interactions
DE LA LITTÉRATURE sociales, leur créativité, la gestion de conflits et leur per-
formance. Les travaux de Kanter (1977) sur la propor-
Dans ce travail, nous souhaitons connaître les effets de tion de femmes au sein des équipes de travail ont ainsi
la mixité sur la cohésion et l’intensité des conflits au sein influencé de nombreux chercheurs. Dans ses travaux,
des groupes. Nous considérons dans cette étude que la Kanter (1977) classe les équipes en fonction des taux de
diversité des personnes se réfère aux caractéristiques diversité. Elle propose quatre types de groupes en fonc-
individuelles (comme l’âge, le genre, l’ethnie, etc.) et à tion des proportions de « catégories sociales » comme
des facteurs variables (comme le domicile, l’éducation, le genre ou l’ethnie (Kanter, 1977, p. 54). Cette typologie
le statut marital, etc.) (Litvin, 1997). Notre travail se est illustrée par la figure 1.
focalise plus particulièrement sur la diversité de genre,
que l’on nomme aussi la mixité dans la littérature fran- Le premier type de groupe est l’équipe homogène (uni-
cophone. Ainsi, en conformité avec la littérature, nous form group). Une catégorie sociale (genre, ethnie, etc.)
utilisons ces deux notions de manière invariable. constitue à 100 % le groupe. Le groupe asymétrique
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Figure 1 – Type de groupe par proportion de catégories sociales


Source : Kanter (1977, p. 54)

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(skewed group) se caractérise par un ratio de diversité révèlent l’existence d’une relation curvilinéaire entre la
de 85 %/15 %. On considère alors que le sous-groupe masse critique de femmes présentes au sein des comi-
dominant contrôle l’ensemble du groupe ainsi que les tés de direction et la performance financière et environ-
tokens3 ou les solos. Ensuite, le groupe est dit incliné nementale des entreprises concernées. Ali et al. (2014)
(tilted group) lorsque le taux de diversité approximatif montrent quant à eux que cette relation est linéaire.
est de 65 %/35 %. Ce type d’équipe est plus équilibré,
même s’il existe une majorité et une minorité des ca- Knouse et Dansby (1999) aboutissent à un résultat légè-
tégories sociales. Les membres minoritaires du groupe rement différent, comparé aux études se basant sur la
peuvent potentiellement former des coalitions et par théorie développée par Kanter (1977). Grâce à une en-
conséquent influencer la culture et le fonctionnement quête auprès de 11 968 individus, ils révèlent l’existence
de l’équipe. Finalement, le groupe équilibré (balanced d’un taux optimal de diversité (genre, ethnie) au sein
group) présente un taux de diversité compris entre des équipes. Pour les auteurs, le taux de diversité (de
60 % / 40 % et parfois entre 50 % / 50 %. Cette distri- genre) idéal pour le travail en équipe oscille entre 11 %
bution de catégories sociales peut parfois aboutir à la et 30 %. Au-delà de 30 %, la perception de l’efficacité
création de sous-groupes, constitués à partir d’autres du groupe commence à diminuer. Et il existe un risque
critères catégoriels comme la personnalité, les compé- d’auto-catégorisation psychologique en sous-groupes
tences, les rôles des membres, etc. d’hommes et de femmes. Ce qui provoque des lacunes
communicationnelles, un manque de cohésion entre les
Les différents niveaux de mixité dans les équipes n’ont deux catégories (femmes/hommes), une augmentation
pas les mêmes effets sur les conflits et la cohésion. À des conflits et une dégradation globale du climat social.
ce jour, les recherches ont été menées dans trois prin- D’après les auteurs, ces risques augmentent donc si-
cipales directions. Les études examinent les caractéris- multanément avec le taux de féminisation des équipes.
tiques des équipes de travail asymétriques (85 % / 15 %), Dans le prolongement, Brown et al. (2009) constatent
le rôle des femmes minoritaires (token) au sein de ces également qu’une forte présence féminine entraîne
équipes et le rôle du taux de mixité. une baisse de l’efficacité organisationnelle perçue. Ils
ajoutent que les femmes sont considérées comme une
menace par la majorité (Allport, 1954 ; Blalock, 1967),
1.2. Les groupes asymétriques ce qui a pour conséquence une compétition accrue et
et le taux optimal des conflits plus nombreux (Blalock, 1967 ; Williams
1947). Dans ce contexte, la baisse de performance est
Lorsque la proportion hommes/femmes atteint inévitable. Selon Blalock (1967) et Davis (1980), ce
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85 %/15 %, le niveau et la qualité des interactions au pourcentage compris entre 11 % à 30 % correspond au
sein de l’équipe s’améliorent. La minorité féminine peut sein d’un groupe au niveau d’influence exercé par la
compter sur le soutien social des membres masculins minorité et accepté par la majorité. Ces résultats sont
du groupe (South et al., 1982), ce qui renforce sa cohé- corroborés par Wegge et al. (2008), à travers leur étude
sion. Pour Kanter (1977), la « masse critique » se situe portant sur 222 équipes.
autour de 20 %. Ainsi, au-delà de ce taux, on observe des
difficultés d’intégration dans le groupe et l’émergence
de conflits. Par conséquent, Kanter (1977) fixe le taux 1.3. Les femmes minoritaires
« optimal » de mixité approximativement à 80 %/20 %. au sein des équipes asymétriques
Izraeli (1983) confirme ce résultat et démontre qu’au
sein des syndicats locaux en Israël contenant moins Si les études précédentes examinent les effets du taux
de 20 % de femmes, ces dernières sont perçues comme de mixité sur le groupe et aboutissent à l’existence d’un
étant moins compétentes en termes de leadership. taux optimal (entre 11 % et 30 %), d’autres recherches se
Enfin, se fondant sur la théorie sur la force numérique dédient à l’étude des effets sur le groupe lié à la présence
de Kanter (1977), trois études récentes (Joecks et al., de femmes en situation très minoritaire ou token chez
2013 ; Ben-Amar et al., 2017 ; Birindelli et al., 2019) Kanter (1977).

3 Nous n’utiliserons pas le terme token dans ce travail à cause de sa connotation négative. En effet, selon Kanter (1984, p. 53) « they are often
treated as representatives of their category, as symbols rather than individuals ».

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Elena Essig & Richard Soparnot

Concernant les effets positifs, les recherches de Scotto d’une minorité de femmes révèle, ainsi que, dans un
et al. (2008), sur le recrutement et l’intégration des milieu traditionnellement masculin, la compétition y
femmes au sein des équipes de BTP, révèlent que la pré- est plus élevée et qu’il existe un plafond de verre plus
sence féminine est devenue un atout considérable dans important pour les femmes. Par conséquent, il existe
ce secteur, car elle modifie les règles existantes dans plus de conflits entre les femmes et même une dis-iden-
la « Maison des Hommes ». Ainsi, les relations sont tification avec leur propre genre. Les femmes ont ainsi
plus respectueuses, le suivi des règles de sécurité est tendance à chercher des modèles d’identification mas-
plus efficace et la productivité s’améliore. Ghiulamila culins. Crosby (1982) avait abouti à des résultats simi-
et Levet (2007, p. 88) précisent que « la présence des laires lorsqu’il démontrait que l’identification dépendait
femmes apaise les hommes, les rend moins grossiers » de la ségrégation professionnelle. En d’autres termes,
dans des secteurs d’activité masculins. Ainsi, le taux de les femmes faisant partie de catégories professionnelles
turnover, d’accidents du travail et de dégradation du traditionnellement féminines, s’identifient à d’autres
matériel diminue grâce à la présence féminine. Les tra- femmes, tandis que les femmes travaillant dans des
vaux de Marry (2004, p. 58) sur les femmes ingénieurs environnements à dominante masculine ont tendance
montrent qu’elles « peuvent apporter à la technologie à s’identifier aux hommes. Enfin, dans une étude plus
leur vision particulière et enrichir ainsi la créativité des récente, Nishii (2013) prolonge et confirme en partie les
équipes d’ingénieurs ». Une autre étude de Pazy et Oron résultats obtenus par Kanter (1977). Elle s’intéresse au
(2001), conduite auprès d’officiers supérieurs améri- taux de mixité et à l’apparition des conflits relationnels
cains, démontre que l’évaluation, la communication, les et professionnels au sein d’équipes de travail, deux fac-
échanges d’informations et la socialisation par les supé- teurs négativement corrélés dans son étude. Le taux de
rieurs hiérarchiques des unités militaires s’améliorent conflits a donc tendance à diminuer avec l’augmenta-
avec le taux de féminisation. L’atmosphère de ces unités tion du taux de mixité.
est plus « axée sur les gens ». Enfin, South et al. (1982)
et Lee et Farh (2003) montrent dans leurs recherches Les difficultés rencontrées par les personnes mino-
portant sur la relation entre la mixité et la cohésion de ritaires (token (Kanter, 1977)) sont mises en lumière
groupe lors de projets, que les équipes mixtes se carac- par plusieurs travaux théoriques (Viallon et Martinot,
térisent par une cohésion plus forte que les groupes ho- 2010 ; Heintz et Nadai, 2015). « Cette situation de
mogènes, ce qui a des effets positifs sur la performance. forte visibilité ou distinctivité conduit les membres du
groupe minoritaire à être jugés de façon plus extrême
Néanmoins, il existe selon certaines recherches des ef- et plus stéréotypée que les membres du groupe majo-
fets négatifs liés à la mixité. Dans deux études, South ritaire » (Viallon et Martinot, 2010, p. 18). Les auteurs
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et al. (1982, 1987), constatent que plus le taux de mixi- soutiennent ainsi que l’influence des taux de mixité est
té est élevé, moins les femmes ont tendance à se sentir liée au contexte dans lequel les hommes et les femmes
soutenu par leurs collègues femmes, en particulier en évoluent. Ils suggèrent que, dans un contexte favorable
ce qui concerne l’avancement de carrière, et ce contrai- au rôle stéréotypé de genre, le genre opposé se trouvant
rement aux hommes qui s’entraident. Dans le prolon- en minorité numérique sera désavantagé. Par exemple,
gement, l’étude de Sheppard et Aquino (2013) qualifie les hommes peuvent rencontrer des difficultés dans des
ce phénomène de syndrome de la « reine des abeilles » métiers traditionnellement féminins tels qu’ésteticien.
(Derks et al., 2011) ou femme dominante. Cette dernière ne (Essig et Soparnot, 2019).
entretient des relations conflictuelles avec les autres
femmes – celles-ci étant perçues comme des rivales –
et ce afin de protéger son « territoire ». Blalock (1967) 1.4. L’absence de lien entre
affirme ainsi qu’une augmentation des membres d’une le taux de mixité, le conflit
minorité dans un groupe accroît la menace de perte de et la cohésion du groupe
pouvoir par le groupe dominant, ce qui peut engendrer
des attitudes et des comportements négatifs vis-à-vis Certaines recherches n’établissent aucune relation
du groupe minoritaire. Dans ce contexte, les femmes en entre la mixité et l’intensité conflictuelle, la cohésion ou
situation minoritaire peuvent être victimes de discrimi- encore la performance de l’équipe. Williams et O’Reilly
nation économique et/ou politique. Ely (1994) prolonge (1998), par exemple, ont conduit des études s’éche-
ce résultat. Son étude d’équipes d’avocats composée lonnant sur 40 années. Leurs résultats ne permettent

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Toute médaille a son revers : les effets de la mixité des équipes militaires sur l’intensité conflictuelle et la cohésion

pas de conclure que la diversité (âge, genre, ethnie) a Notre second objectif est de participer au débat sur la
une influence sur la dynamique sociale (conflits, climat « masse critique », en étudiant les taux de mixité op-
social et efficacité). Pelled et al. (1999) aboutissent à timale en environnement militaire, un environnement
un résultat similaire. Leur étude réalisée auprès de 45 à dominante masculine, et d’examiner la validité au
équipes de travail visait à mesurer l’impact de la diver- xxie siècle des pourcentages proposés par les auteurs.
sité sur les conflits intragroupes et la performance des
équipes évaluées par les managers. En utilisant le cadre Dans ce qui suit, nous exposons les choix méthodolo-
théorique de la « masse critique » de diversité de 20 %, giques retenus pour cette étude.
proposé par Kanter (1977), ils montrent que l’effet de
la mixité n’est pas significatif. De même, pendant cinq
ans, Kochan et al. (2003) ont mené un projet d’études
sur la diversité auprès d’équipes de quatre grandes en-
2. LA MÉTHODOLOGIE
treprises américaines. Leur constat est clair : pour eux, DE RECHERCHE
la diversité de genre et d’ethnie n’a aucune incidence
sur la dynamique sociale des équipes (communication, Dans ce travail, nous appliquons une méthodologie
conflit, cohésion, information, créativité, turnover du mixte. Cette démarche fait référence à la collecte, l’in-
personnel et satisfaction). Parmetier et al. (2017) ont tégration et l’articulation des données quantitatives et
constaté que les taux de mixité au sein de 100 équipes qualitatives. Notre design de recherche se compose,
d’étudiants n’impactent pas la créativité. Enfin, la mé- d’une part d’une phase exploratoire et, d’autre part
ta-analyse de Webber et Donahue (2001), regroupant 24 d’une phase explicative (Creswell et Plano Clark, 2011).
études scientifiques dédiées à l’influence de la diversité Dans le présent article, nous avons tout d’abord mené
(âge, genre, ethnie, éducation) sur la cohésion et la per- une étude exploratoire qualitative (étude 1), dont l’ob-
formance des équipes, n’a pas non plus mis en lumière jet principal était de stabiliser les thèmes émergeant de
un lien de corrélation entre ces différents concepts. la revue de littérature afin de les intégrer dans l’étude
principale. Ensuite, nous avons mené, de manière si-
Cette revue de littérature a permis de mettre en évi- multanée, une étude quantitative (étude 2.1) et quali-
dence l’absence de résultats faisant consensus concer- tative (étude 2.2) (Figure 2). L’étude 2.1 avait pour ob-
nant l’étude des relations entre le taux de mixité des jectif l’analyse des niveaux de conflits et de cohésion en
équipes, et l’intensité conflictuelle et la cohésion. Il est fonction du taux de mixité de différentes équipes. Enfin,
donc crucial de poursuivre les investigations empiriques l’étude 2.2 avait pour but d’expliquer les résultats obte-
dans ce domaine pour quatre raisons. Tout d’abord, si nus lors de l’étude quantitative. Dans ce qui suit, nous
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les études récentes mobilisent largement les travaux de présentons la démarche de construction des échantil-
Kanter (1977) et de Knouse et Dansby (1999), le débat lons des études 1, 2.1 et 2.2.
sur le taux de mixité optimal ne semble pas encore être
tranché. Ensuite, la masse critique est contextualisée
(Viallon et Martinot, 2010 ; Heintz et Nadai, 2015) et 2.1. La construction des échantillons
dépend souvent de l’univers professionnel dans lequel
les individus évoluent – par exemple les métiers tradi- Notre recherche a été réalisée à l’armée de l’air. Ce ter-
tionnellement masculins, féminins et neutres (Viallon rain d’investigation est particulièrement adapté pour
et Martinot, 2010 ; Essig et Soparnot, 2019). De même, trois raisons. Tout d’abord, la féminisation des armées
la plupart des études quantitatives n’abordent pas l’in- est un phénomène récent et grandissant dont les effets
fluence ou l’absence d’influence du taux de mixité sur les intéressent les officiers et les sous-officiers en situa-
attitudes et comportements des personnes. Finalement, tion de management. Ils étaient donc disposés à faci-
ce domaine de recherche est porteur d’enjeux managé- liter et soutenir l’accès au terrain. Ensuite, l’armée de
riaux majeurs, tant pour le secteur public que pour le l’air accueille chaque année de nombreuses cohortes
secteur privé. Et ce car la constitution des équipes est de sous-officiers qui suivent un cycle de formation
essentielle pour leur performance. d’une durée de plusieurs mois (de 4 à 12 mois), ce qui
permettait d’avoir accès à un grand nombre d’équipes.
En conséquence, notre premier objectif est de contri- Enfin, ces cohortes se caractérisent par des taux de
buer à l’actualisation des travaux dans ce domaine. mixité très variables, ce qui permettait de disposer

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Elena Essig & Richard Soparnot

Méthode
quantitative
(étude 2.1)

Méthode Intégration
qualitative des résultats
exploratoire quantitatifs
(étude 1) et qualitatifs

Méthode
qualitative explicative
(étude 2.2)

Figure 2 – Méthodologie mixte

d’une grande variété d’équipes en termes de diversité de 124 individus âgés de 18 à 26 ans (24 femmes et 100
de genre. hommes). Ces sujets appartenaient à 21 équipes de
travail comptant 19 personnes en moyenne, représen-
Notre enquête a été menée à l’École de Formation tant 395 individus au total. Le taux de mixité dans les
des Sous-Officiers de l’Armée de l’Air (EFSOAA), qui, équipes étudiées variait de 0 à 86 %. L’annexe 1 pré-
chaque année, forme environ 1 000 futurs managers. La sente la structure détaillée des échantillons.
formation militaire initiale dure quatre mois. Le conte-
nu de cette formation est à la fois théorique et sportif. Pour chacune des études, les sujets ont été sélectionnés
Les jeunes sous-officiers apprennent les bases du fonc- par les instructeurs en fonction de leur disponibilité et
tionnement de l’institution, les règles, les rites et les volonté d’y participer.
coutumes de l’armée de l’air. Le volet sportif consiste en
une remise à niveau militaire grâce à de nombreux exer- Dans ce qui suit, nous présentons la démarche métho-
cices physiques : parcours avec obstacles, marches de 6, dologique et les résultats des études 1, 2.1 et 2.2.
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9, 12, 15, 18 et 24 km, tir et mises en situation de guerre.
Après la formation militaire, les jeunes sous-officiers
sont divisés en équipes de travail pour suivre une for- 2.2. Étude 1 –
mation professionnelle (technicien, mécaniciens, ges- L’étude qualitative exploratoire
tionnaire RH, infirmiers, etc.) (Armée de l’Air, 2016).
Les objectifs de l’étude qualitative exploratoire étaient
Dans le cadre de l’étude exploratoire qualitative (étude de générer les thèmes clés de l’étude principale et
1), nous avons mené des entretiens semi-directifs. Notre d’adapter le guide d’entretien. Nous présentons dans ce
échantillon se composait de six jeunes recrues (deux qui suit la démarche de collecte et d’analyse des don-
femmes et quatre hommes) en formation militaire. Ces nées et les résultats de cette première phase.
six sujets appartenaient à trois équipes de travail de 21
ou 22 personnes, représentant 65 individus au total.
Deux des trois équipes avaient un taux de mixité équi- 2.2.1. La collecte et l’analyse
libré (50 %/50 %) et une équipe avait un taux de mixité des données qualitatives
de 31 % de femmes et 69 % d’hommes.
Les données de l’étude qualitative exploratoire ont été
Les études quantitative et qualitative (études 2.1 et 2.2) collectées à l’EFSOAA. Les entretiens avec les six sujets
ont été menées de manière simultanée grâce à une série ont été menés dans une salle de classe vide, en dispo-
d’entretiens en face-à-face. L’échantillon se composait sant les chaises les unes à côté des autres, évitant ainsi

Revue Gestion & Management public | Vol. 11, n°2 – 2023 15


Toute médaille a son revers : les effets de la mixité des équipes militaires sur l’intensité conflictuelle et la cohésion

une impression de position hiérarchique (en face-à- comme il était un peu énervé, il s’est dispu-
face). L’entretien était structuré autour de trois sujets té avec l’autre fille aussi » [homme, 24 ans,
principaux : la formation (choix de l’armée, vécus per- équipe 1].
sonnels), les interactions avec les camarades et l’at-
mosphère au sein de l’équipe. La durée moyenne des Dans l’équipe avec une présence féminine plus faible
entretiens était d’une heure. Tous les entretiens ont été (31 %), la cohésion est forte. Cependant, les répondants
retranscrits, puis analysés à l’aide du logiciel NVivo10. n’étaient pas en mesure d’expliquer cette situation.
Conformément aux recommandations de Thiétart
(2006), nous avons adopté la méthode de l’analyse de « Interviewé : Dans d’autre brigade il y
contenu puisque les mots, les phrases et les idées des avait de la cohésion, mais moins. On a été féli-
personnes interviewées se répétaient. Par conséquent, cité par rapport à ça. La brigade 5 c’est là où
nous avons retenu les phrases et les paragraphes comme il y avait plus de cohésion. […]
unités d’analyse. Nous avons utilisé cette méthode de
codage afin de générer des thèmes et avons opté pour Intervieweur : À votre avis, pourquoi y
un codage ouvert des données a fortiori, ce afin d’éli- avait-il une telle cohésion dans votre brigade ?
miner les biais potentiels pouvant apparaître lors d’une
catégorisation a priori (Thiétart, 2006). En d’autres Interviewé : On s’est posé la question, mais
termes, les thèmes codés sont issus de la lecture des re- on ne sait pas. On sait pas. C’est venu d’un
transcriptions. Les résultats de l’étude exploratoire sont coup comme ça » [homme, 21 ans, équipe 3].
présentés dans la section suivante.
Même si nous avons constaté la présence de conflits
dans les groupes ayant une mixité équilibrée, notre
2.2.2. Les résultats résultat à ce stade consiste en l’apparition de deux
de l’étude exploratoire variables principales – le conflit et la cohésion liés au
genre. Ces deux caractéristiques représentent pour les
Grâce à l’analyse de contenu, nous avons généré deux sous-officiers les éléments déterminants du fonction-
thèmes principaux : la cohésion et le conflit. 36 verba- nement d’une équipe. Nous présentons ci-après l’étude
tims sont consacrés à la cohésion tandis que 46 verba- quantitative (étude 2.1).
tims concernent le conflit. Même si certains facteurs ex-
plicatifs (personnalités des individus, différence d’âges,
etc.) de la cohésion et des conflits étaient évoqués par 2.3. Étude 2.1 –
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les répondants, la majorité des réponses était concen- L’étude quantitative
trée sur la mixité des équipes. Ce thème est apparu
explicitement à l’issue de l’analyse de contenu. Les ré- L’objectif de l’étude quantitative était d’évaluer le ni-
pondants, issus d’équipes équilibrées, mentionnent un veau de conflit et de cohésion au sein d’équipes ayant
manque de cohésion et la présence de conflits. Selon des taux de mixité différents. Nous présentons la col-
eux, une présence féminine “trop importante” explique lecte et l’analyse des données quantitatives et les résul-
cette situation : tats de l’étude 2.1 ci-dessous.

« Interviewé : Mais après, 11 filles c’est trop.


2.3.1. La collecte et l’analyse
Intervieweur : Si je comprends bien, vous des données quantitatives
dites qu’il y a des conflits à cause de « trop de
filles », pourriez-vous donner un exemple ? La collecte des données quantitatives a été effectuée
lors des entretiens en face-à-face – ces derniers ont été
Interviewé : Oui, oui. Alors, il y en a plein. menés dans les mêmes conditions que celles de l’étude
Par exemple, c’est parti d’une dispute et après 1. Le nombre élevé de sujets interrogés en face-à-face
ça s’est dégénéré un peu. En fait, c’était une (124 personnes) a permis de générer une base de don-
fille qui s’est disputée avec une autre fille, et nées quantitatives conséquentes. Lors de chaque entre-
qui avait son copain et après, son copain, tien, il était demandé aux sujets d’évaluer :

16
Elena Essig & Richard Soparnot

▪ leéquipe
niveau de fréquence des conflits dans leur
sur une échelle en 5 points : 1 – Jamais, 2 –
2.3.2. Les résultats
de l’étude quantitative
Rarement, 3 – Occasionnellement, 4 – Souvent,
5 – Toujours. Les résultats de l’étude 2.1 sont présentés en trois
sous-parties. La première aborde les statistiques des-
▪ leenniveau de cohésion de l’équipe sur une échelle
5 points : 1 – Absente, 2 – Faible, 3 – Moyenne,
criptives issues des données collectées. La deuxième
étudie les différences de niveau de conflits et de cohé-
4 – Forte, 5 – Très forte. sion parmi les équipes en prenant en compte le taux de
mixité. La dernière vise à vérifier les différences de per-
Même si les échelles à un item sont fortement criti- ception des conflits et de cohésion par genre.
quées (McIver et Carmines, 1981), de nombreuses
études réalisées dans des disciplines différentes
(Cunny et Perri, 1991 ; Drolet et Morrison, 2001 ; Les statistiques descriptives
Bergkvist et Rossiter, 2007 ; Rijsbergen et al. 2014)
mettent en évidence que ce type de mesures est tout à Les statistiques descriptives sont présentées dans le
fait fiable et est surtout pratique quand les chercheurs Tableau 1. Ce dernier présente le niveau de conflits et de
manquent de ressources (ex : temps, échantillon) cohésion perçus au sein de trois catégories d’équipes4.
(Cunny et Perri, 1991). Il montre, d’une part que le niveau de cohésion est su-
périeur à la moyenne dans les équipes dont le taux de
L’analyse quantitative a été réalisée à l’aide du logi- mixité est compris entre 14 % et 27 %, et d’autre part
ciel SPSS28. Elle a permis de produire des statistiques que le niveau de conflit est supérieur à la moyenne dans
descriptives, de réaliser des tests de régression visant les équipes affichant un taux de mixité au-delà de 27 %.
à évaluer l’impact du taux de mixité sur la cohésion et
le niveau de conflit au sein des équipes et de conduire Nous avons utilisé la répartition présentée dans le ta-
un t-test afin de comparer les différences de genre. bleau 1 pour conduire une ANOVA à 1 facteur afin de

N MOYENNE ÉCART–TYPE

0 % – 11 % 39 2,692 0,9775
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14 % – 27 % 67 3,478 1,0496
COHÉSION
35 % – 86 % 18 2,167 0,6183

Total 124 3,040 1,0925

0 % – 11 % 39 2,846 1,3286

14 % – 27 % 67 2,209 1,4092
CONFLITS
35 % – 86 % 18 4,389 0,8498

Total 124 2,726 1,5052

Tableau 1 – Statistiques descriptives

4 Nous nous sommes inspirés de la classification proposée par Kanter (1977), Davis (1980) et Knouse et Dansby (1999) et avons identifié trois
familles d’équipes (équipes ayant un taux de mixité compris entre 0 et 11 %, entre 14 et 27 % et entre 35 et 86 %).

Revue Gestion & Management public | Vol. 11, n°2 – 2023 17


Toute médaille a son revers : les effets de la mixité des équipes militaires sur l’intensité conflictuelle et la cohésion

tester si les différences de niveaux de conflits et de co- niveaux de conflits les plus élevés (M = 4,39, ET = 1,51),
hésion étaient significatives. comparés aux équipes ayant un taux de mixité compris
entre 14 % et 27 % (M = 2,21, ET = 1,41) (p < 0,001) et à
celles ayant un taux de mixité compris entre 0 % et 11 %
Les différences de niveaux de conflits (M = 2,85, ET = 1,33) (p = 0,047). Le tableau 2 illustre les
et de cohésion entre les trois familles résultats des tests Post hoc.

Le test ANOVA à 1 facteur révèle des différences signifi-


catives entre les trois familles pour les variables cohésion L’influence du taux de mixité sur
[F (2,121) = 16,34, p < 0,001] et conflits [F (2,121) = 19,62, la cohésion et l’intensité des conflits
p < 0,001]. Les tests Post hoc de Tukey HDS montrent
que, pour la cohésion, il y a une différence significative En se basant sur les résultats de l’ANOVA, nous avons
(p < 0,001) entre les équipes ayant un niveau de mixité effectué des tests de régression linéaire et curvilinéaire
compris entre 14 % et 27 % (M = 3,48, ET = 1,05) et celles afin de vérifier la relation entre le taux de mixité et la
ayant un taux de mixité inférieur (0 % – 11 %) (M = 2,69, cohésion. Le test de régression linéaire montre qu’il
ET = 0,98) et élevé (35 % – 86 %) (M = 2,17, ET = 0,62). existe une relation négative entre le niveau de cohésion
En d’autres termes, les équipes composées d’environ 19 et le taux de mixité (β = – 0,25, p = 0,006). Cependant,
membres, et comptant de trois à sept femmes, ont une la variance totale expliquée dans ce modèle s’élève seu-
plus forte cohésion que les équipes comptant moins de lement à 6 % (R2 = 0,06, R2adj = 0,05, F (1.122) = 7,80,
trois ou plus de sept femmes. Concernant les conflits au p = 0,006). Le modèle curvilinéaire montre un meil-
sein des équipes, il existe une différence significative leur ajustement et explique 20 % de la variance totale
(p < 0,001) entre les trois familles. Les tests Post hoc de (R2 = 0,20, R2adj = 0,19, F (1.008) = 11,761, p < 0,001) ;
Tukey HDS démontrent que les équipes ayant un taux (β = – 1,40, t =– 3,841, p < 0,001). Ces résultats mettent
de mixité compris entre 35 % et 86 % présentent les en évidence que les configurations extrêmes des équipes

VARIABLE TAUX TAUX DE MIXITÉ DIFF. STD.


SIG.
DÉPENDANTE DE MIXITÉ (COMPARAISON) MOYENNE ERREUR

14 – 27 % – ,785* ,197 ,000


0 % – 11 %
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35 – 86 % ,526 ,278 ,147

0 – 11 % ,785* ,197 ,000


COHÉSION 14 % – 27 %
35 – 86 % 1,311* ,259 ,000

0 – 11 % – ,526 ,278 ,147


35 % – 86 %
14 – 27 % – 1,311* ,259 ,000

14 – 27 % ,637* ,266 ,047


0 % – 11 %
35 – 86 % – 1,543* ,376 ,000

0 – 11 % – ,637* ,266 ,047


CONFLITS 14 % – 27 %
35 – 86 % – 2,180* ,350 ,000

0 – 11 % 1,542* ,376 ,000


35 % – 86 %
14 – 27 % 2,180* ,350 ,000

Tableau 2 – Tests Post hoc Tukey HDS pour Cohésion et Conflits

18
Elena Essig & Richard Soparnot

en termes de taux de mixité engendrent une baisse du que ces différences soient dues au fait que la plupart
niveau de cohésion. La figure 3 montre une relation en des répondantes font partie d’équipes ayant un taux
forme de U inversé. élevé de mixité. Aucune différence entre les genres n’a
été constatée (p = 0.54) concernant la perception de
Afin de tester la relation entre le taux de mixité et l’inten- la cohésion.
sité des conflits, nous avons également effectué des tests
de régression linéaire et curvilinéaire. Le taux de mixité En synthèse, l’étude quantitative permet de formuler les
influence fortement la fréquence des conflits (β = 0,43, cinq résultats suivants :
p <v0,001) perçue par les membres des équipes. La va-
riance totale expliquée dans ce modèle s’élève à 18 % 1. Les équipes ayant un taux de mixité compris entre
(R2 = 0,18, R2adj = 0,17, F (1.367) = 27,080, p < 0,001). 14 et 27 % se caractérisent par la fréquence de
Le modèle curvilinéaire montre un meilleur ajuste- conflits la plus faible et la cohésion la plus forte.
ment et explique 23 % de la variance totale (R2 = 0,23,
R2adj = 0,22, F (1.338) = 17,378, p < 0,001) ; (β = 0,89, 2. Les équipes ayant un taux de mixité compris entre
t = 2,541, p < 0,001). Ces résultats mettent en évidence 0 et 11 % présentent des niveaux de conflits moyens
que les configurations extrêmes des équipes en termes et des niveaux de cohésion faibles.
de taux de mixité engendrent une augmentation de l’in-
tensité des conflits. La figure 3 représente une relation 3. Les équipes ayant un taux de mixité compris entre
en forme de U. 35 et 86 % présentent les niveaux de conflits les plus
élevés et les niveaux de cohésion les plus faibles.

Les différences de perception 4. Un niveau de conflits faible au sein des équipes ne


de niveaux de conflits et de cohésion signifie pas la présence d’une forte cohésion.
entre femmes et hommes
5. La perception du conflit au sein des équipes est plus
Le t-test montre qu’il y a une différence de perception prononcée chez les femmes que chez les hommes.
du conflit entre les hommes et les femmes. Ces der-
nières (n = 24, M = 3,42, ET = 1,53) perçoivent le conflit Ces résultats seront explicités grâce à l’analyse
plus fortement que les hommes (n = 100, M = 2,56, des entretiens. Celle-ci est développée dans la sec-
ET = 1,46) (t (122) = – 2.56, p = 0.01). Il est probable tion suivante.
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Figure 3 – Modèles linéaires et curvilinéaire de cohésion et conflits

Revue Gestion & Management public | Vol. 11, n°2 – 2023 19


Toute médaille a son revers : les effets de la mixité des équipes militaires sur l’intensité conflictuelle et la cohésion

2.4. Étude 2.1 – Dans ce qui suit, nous présentons les résultats de
L’étude qualitative l’analyse de contenu, détaillons chaque sous-thème et
concentrons nos analyses sur le rôle joué par le genre.
L’objectif de l’étude qualitative est de mieux com-
prendre l’intensité conflictuelle et la cohésion des
équipes ayant des taux de mixité différents et d’expli- 2.4.2. Les conflits
quer les résultats de l’enquête quantitative présentée
dans la section précédente. Le thème conflit est divisé en deux sous-thèmes : les
sources de conflits et la gestion des conflits.

2.4.1. La collecte et l’analyse Les sources de conflits


des données qualitatives
Ce sous-thème compte au total 588 verbatims. Il dé-
Les données de l’étude 2.2 ont été recueillies à l’EF- crit les types de conflits que les répondants sont liés
SOAA. Les entretiens semi-directifs avec les 124 sujets au genre. Nous concentrons notre analyse sur les fa-
ont été menés dans une salle de classe vide, en dispo- milles 1 et 3, pour lesquelles les résultats sont les plus
sant les chaises les unes à côté des autres, évitant une marquants. Les conflits les plus importants et les plus
impression de position hiérarchique (en face-à-face). La fréquents ont été constatés au sein des équipes ayant
structure des interviews a été affinée grâce aux entre- un taux de mixité compris entre 35 % et 86 %5. Dans
tiens exploratoires. Nous avons accentué le questionne- ces groupes, il semble qu’il y ait davantage de compor-
ment concernant la perception des conflits et de la co- tements contre-productifs, allant même jusqu’à des
hésion et l’avons adapté en fonction du taux de mixité comportements déviants. Plusieurs verbatims d’élèves
des groupes auxquels appartenaient les interviewés. féminins et masculins ayant vécu cette expérience sou-
Cependant, il est important de souligner que la conver- tiennent ces résultats. « Je pense que trop de filles, tue
sation tournait souvent autour des « femmes ou filles la fille » [femme, 19 ans, équipe 21]. Une présence fé-
à l’armée », car elles sont toujours minoritaires dans minine trop importante est ainsi considérée comme
ce milieu. La durée moyenne d’un entretien était de 47 source de conflits, ceux-ci ayant souvent pour origine
minutes et le total d’heures enregistrées s’élevait à envi- des disputes entre deux ou trois éléments féminins6.
ron 100 heures. Tous les entretiens ont été retranscrits, « Euh des fois, je vous le dis franchement, c’est com-
puis analysés grâce au logiciel NVivo10. La méthode pliqué. Mais les nanas entre elles, c’est quelque chose.
d’analyse de contenu a été employée afin de générer Nous, entre garçons, on n’a pas de problèmes, on se dit
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des thèmes. Nous avons utilisé le codage semi-ouvert tout… Les nanas, ça…, les filles entre elles, c’est un petit
qui a permis l’émergence de nouveaux sous-thèmes, peu plus… compliqué » [homme, 25 ans, équipe 20].
qui ont donc été codés a fortiori (Thiétart, 2006). Tout Cette situation engendre la création de sous-groupes et
d’abord, nous avons divisé notre codage par famille les membres de l’équipe se sentent obligés de « prendre
d’équipe (0–11 % ; 14–27 % ; 35–86 %) et ensuite, en parti » pour l’une ou l’autre des « adversaires ». « Il y
deux thèmes principaux – la cohésion et les conflits. La avait beaucoup de disputes entre filles. C’était horrible.
cohésion se compose de 499 verbatims et les conflits [...] Mais le fait qu’il y ait plus de filles, il y a plus de
de 755 verbatims. Bien qu’il existe d’autres sources de sous-groupes, oui, peut-être que ça fait plus de dis-
conflits et de cohésion au sein des équipes militaires, putes » [homme, 21 ans, équipe 21]. Les sources de
nous avons, dans la présente étude, analysé et classé les conflits les plus souvent citées sont, les rumeurs, les ja-
sous-thèmes (manque de cohésion, gestion des conflits, lousies, l’hypocrisie, les jugements des autres, la vie en
etc.) en contenus liés exclusivement au genre. L’extrait communauté ainsi que la compétition entre filles pour
NVivo (annexe I) présente le nombre de verbatims col- gagner « l’attention ».
lectés pour les thèmes conflits et cohésion ainsi que
pour les sous-thèmes associés. Certains verbatims sont Pour les équipes affichant un taux de mixité compris
intégrés à plusieurs sous-thèmes. entre 0 et 11 %, les résultats conduisent à distinguer

5 Ce qui est conforme aux résultats de l’étude quantitative.


6 Expression utilisée à l’armée pour désigner une femme. On parle d’élément masculin pour désigner un homme.

20
Elena Essig & Richard Soparnot

les équipes non-féminisées et les équipes ne comptant principalement assurée par les femmes. Ce que confir-
qu’une à trois femmes. Dans la première catégorie, nos ment les verbatims émanant des hommes comme des
résultats révèlent l’existence d’une atmosphère tendue. femmes. Ces groupes se caractérisent par une bonne
Les groupes purement masculins se caractérisent par gestion des conflits. En effet, les éléments féminins
l’existence de nombreux conflits à plusieurs niveaux. montrent une capacité à « gérer les conflits » et à « apai-
Tout d’abord, les membres masculins considérés ser l’atmosphère », même en étant minoritaires au sein
comme n’étant « pas comme les autres » ou « qui ne des groupes. Premièrement, les femmes agissent en
partagent pas les mêmes opinions » sont exclus et su- prévention des conflits. En effet, les sous-officiers mas-
bissent des moqueries. « Je pense qu’il était timide et culins témoignent qu’une présence féminine modifie
nous on faisait pas l’effort forcément pour l’intégrer, leur manière de s’exprimer et de se comporter. « On fait
bien au contraire, on lui faisait des blagues tout le plus attention à ce qu’on dit et à la manière de le dire »
temps » [homme, 22 ans, équipe 1]. Ensuite, les répon- [homme, 22 ans, équipe 12]. « C’est sûr qu’on est plus
dants évoquent « la compétition » à tous les niveaux respectueux vis-à-vis de tout le monde quand les filles
(performance scolaire, sportive, intellectuelle, etc.) et sont là » [homme, 23 ans, équipe 14]. Deuxièmement,
« l’agressivité » pour expliquer les conflits dans ce type quand il s’agit des tensions entre les éléments mascu-
d’équipes. Dans la deuxième catégorie, nos résultats lins, ces derniers tendent à se laisser influencer par la
mettent en lumière l’existence des tensions dues au « douceur féminine ». « Quand on prend une réflexion
manque d’intégration d’éléments féminins. « L’élément d’une femme, ce n’est pas pareil que quand on prend
féminin n’arrive pas à s’intégrer » [homme, 21 ans, une réflexion d’un gars » [homme, 25 ans, équipe 11].
équipe 4], ce qui est probablement lié à l’impossibilité
de partager avec des collègues de même genre. « Elle Finalement, dans les équipes peu féminisées (taux com-
n’a pas d’autres filles pour avoir des conversations de pris entre 0 et 11 %), les tensions sont gérées ad hoc.
filles [Rire] » [homme, 20 ans, équipe 4]. « Je sais pas, on est entre mecs. Pour gérer les tensions,
on se tape dessus puis après ça va mieux » [homme,
18 ans, équipe 1]. Cependant, il semble que cette ges-
La gestion des conflits tion des conflits soit peu efficace, car ils se produisent
de manière très fréquente. « Ah oui, on a des problèmes
Ce sous-thème compte au total 210 verbatims. Il décrit en permanence, tous les jours il y a un nouveau truc, du
la gestion des conflits et le lien avec le genre. Nous pré- stress, des disputes, on est souvent punis par les chefs »
sentons les résultats pour chaque famille. [homme, 25 ans, équipe 2].
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Concernant les équipes ayant un taux de mixité compris
entre 35 et 86 %, les hommes, en minorité, contribuent 2.4.3. La cohésion
à la gestion des conflits et essayent « de détendre un
peu l’atmosphère » [homme, 20 ans, équipe 21]. Les Le thème cohésion comporte 499 verbatims. Il est di-
sous-officiers féminins se rendent également compte visé en deux sous-thèmes : les sources de cohésion et le
du rôle joué par les sous-officiers masculins. « Alors je manque de cohésion.
pense que, enfin, heureusement que les garçons [Rire]
parce que ça apaise un petit peu les tensions, c’est vrai
que les filles elles ont un peu tendance à parler pour Les sources de cohésion
rien, à faire des petites histoires pour pas grand-chose,
comme il y a des tensions, qu’on était stressés… c’est L’intégration. Dans notre recherche, nous consta-
vrai que ça lance un peu des piques [Rire] ou… puis les tons que des comportements sociaux chez les élèves
garçons sont quand même plus calmes, donc… mais…, féminins, tels que l’empathie et l’intérêt porté à autrui,
moi, je trouve ça bien qu’il y a eu pas mal de garçons. représentent une source de cohésion d’équipe, et ce
Je pense que ça évitait… des crêpages de chignon si je plus particulièrement au sein d’équipes ayant un taux
peux dire » [femme, 22 ans, équipe 20]. de mixité compris entre 14 et 27 %. Les élèves affirment
« [...] que les filles s’intègrent bien dans la collectivi-
Concernant les équipes dont le taux de mixité est té », et également qu’elles essayent d’intégrer les élé-
compris entre 14 et 27 %, la gestion des conflits est ments masculins qui seraient restés à l’écart, au sein

Revue Gestion & Management public | Vol. 11, n°2 – 2023 21


Toute médaille a son revers : les effets de la mixité des équipes militaires sur l’intensité conflictuelle et la cohésion

d’un environnement purement masculin7. « Il y a beau- Le manque de cohésion


coup de filles dans notre groupe. Mais, c’est ce qui fait
que certains gars ne se sont pas retrouvés écartés. [...] Dans les équipes ayant un taux de mixité compris entre
C’est les filles qui les intègrent » [homme, 25 ans, équipe 35 et 86 %, les femmes ont, d’après les hommes, ten-
15]. Les comportements des filles se manifestent en effet dance à ralentir l’ensemble de l’équipe et à dégrader la
par des tentatives de rapprochement des membres mis à performance sportive globale. C’est un facteur d’éner-
l’écart, à travers le partage d’un repas et/ou un échange vement pour les garçons, car les filles « [sont] tout le
verbal. « Quand tout le monde me tournait le dos au temps en train de râler. Ça pleure, ça se plaint, ça a
début, il y a quelques filles qui sont venues vers moi – mal partout ! Elles étaient insupportables » [homme,
que des filles au début. Des fois, j’ai mangé avec elles 19 ans, équipe 19]. De plus, les éléments masculins
aussi. Donc des fois, ça peut pacifier un peu plus le cli- ajoutent que le niveau sportif de la formation a dû être
mat » [homme, 23 ans, équipe 18]. adapté à la présence féminine « trop importante »
afin de réduire le taux d’échec. Par conséquent, tous
L’entraide. Toujours dans ces mêmes équipes les jeunes hommes interviewés faisant partie de ces
(14 %–27 %), les filles sont généralement perçues par équipes ont trouvé la formation trop facile par rapport à
les garçons comme « plus disciplinées, organisées, po- leurs attentes. La quasi-absence de cohésion au sein de
sées, raisonnables, matures, attentives ». Elles ont ces groupes était en partie due à l’entraide imposée par
également de meilleures notes en cours théoriques, car les cadres, ces derniers désignant souvent les binômes
elles travaillent plus que leurs homologues masculins. homme-femmes qui devaient travailler ensemble.
L’investissement plus important des filles par rapport
aux garçons est perçu par les deux genres comme une Séparation spatiale. Concernant les équipes dont le
quasi-obligation, puisque c’est un moyen pour elles d’être taux de mixité est compris entre 5 et 11 %, la cohésion
« respectées » dans un milieu masculin. « Il faut faire peut exister en sous-groupes. Les chambrées organi-
deux fois plus d’efforts que les garçons pour montrer sées par genre facilitent la cohésion. En effet, celle-ci
qu’on est meilleure. Il faut être meilleure qu’eux pour naît grâce aux moments vécus ensemble. Ils créent des
qu’ils pensent qu’on est comme eux » [femme, 20 ans, souvenirs qui ne peuvent pas être partagés ou compris
équipe 14]. « Une femme ne doit pas forcément être plus par d’autres membres. « La cohésion se distinguait
compétente, mais pour moi, elle doit se montrer plus et assez par chambre […] comme on se voit tous les jours
s’investir plus que les hommes » [homme, 22 ans, équipe c’est-à-dire quasiment 24 heures sur 24 […] mais, par
17]. Ces efforts permettent aux filles d’obtenir de meil- exemple les filles qui étaient pas avec nous, au même
leurs résultats scolaires. Ce qui engendre une meilleure bâtiment, donc il y avait moins de cohésion avec elles »
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cohésion du groupe, car lorsque les garçons éprouvent [homme, 19 ans, équipe 3].
des difficultés pendant les révisions des examens théo-
riques, les filles se montrent disponibles pour les aider. La figure 4 résume les facteurs de conflits et de cohésion
A contrario, les épreuves physiques semblent être une provenant de notre enquête qualitative.
faiblesse féminine. Pendant les activités sportives, les
garçons aident les élèves féminins à porter leurs sacs, à
marcher plus vite ; ils les motivent et les encouragent.
Les élèves masculins font également attention aux filles
sur le terrain. « Quand il y a un problème, ils se mettent
tous ensemble pour nous aider – ça les rassemble de
nous avoir » [femme, 22 ans, équipe 9]. « Elles nous ont
aidés à réviser parfois. Et puis nous, on les aide dans
tout ce qui est sport. C’est de l’entraide » [homme, 22
ans, équipe 16]. Au final, ce sont les faiblesses des deux
genres qui constituent une force pour l’équipe.

7 Les hommes peuvent éprouver des difficultés dans le milieu militaire. Ces derniers doivent répondre à des critères « virils », être « durs »,
« carrés », « moteurs » (Ghiulamila et Levet, 2007). Les membres du groupe qui ne correspondent pas à ces caractéristiques sont souvent décrits
par les élèves comme « introvertis », « timides », « différents », « spéciaux », « bizarres », « particuliers ».

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Elena Essig & Richard Soparnot
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Figure 4 – Résultats de l'étude qualitative

Revue Gestion & Management public | Vol. 11, n°2 – 2023 23


Toute médaille a son revers : les effets de la mixité des équipes militaires sur l’intensité conflictuelle et la cohésion

3. DISCUSSION à la mixité des équipes, elle s’avère plus silencieuse sur


ET CONCLUSION les raisons de ces effets. Il est par exemple démontré
que l’augmentation du taux de mixité améliore la com-
Ce travail examine l’influence du taux de mixité sur l’in- munication et la socialisation dans les équipes (Pazy et
tensité conflictuelle et la cohésion des équipes compo- Oron, 2001), engendre une cohésion plus forte (Lee et
sées de jeunes militaires. Il permet une meilleure com- Farh, 2003) et se traduit par un climat de travail favori-
préhension des effets que la présence des femmes et des sant l’entraide entre les membres d’une équipe (Scotto
hommes peut engendrer dans des milieux fortement et al., 2008). Concernant les effets négatifs, il est par
masculinisés, pour lesquels les recherches sont encore exemple mis en évidence l’existence du syndrome de la
rares. Il révèle un ensemble de contributions théoriques “reine des abeilles”, ce qui tend à diviser l’équipe et à
et conduit à une série de préconisations managériales. nuire à sa cohésion (Derks et al., 2011), de même qu’il
est révélé l’augmentation de la fréquence des conflits
(Nishii, 2013) – confirmant ainsi les résultats de Kanter
3.1. Les contributions théoriques (1977). Si notre étude corrobore ces travaux, en souli-
et les préconisations managériales gnant toutefois l’existence d’un taux optimal, elle s’en
démarque en ce qu’elle permet d’identifier les facteurs
Tout d’abord, la présente recherche conduit à soute- explicatifs des effets à la fois positifs et négatifs liés au
nir les résultats des travaux de Kanter (1977), Davis taux de mixité des équipes. La démarche qualitative ré-
(1980) et Knouse et Dansby (1999). Pour ces auteurs, vèle en particulier les sources de cohésion comme de
il existe des taux de mixité en deçà desquels elle s’avère conflits au sein des équipes, et ce selon leur niveau de
bénéfique au fonctionnement de l’équipe, et au-delà mixité. Elle apporte ainsi une meilleure compréhension
desquels elle devient au contraire source de difficultés. des effets liés au taux de mixité dans les équipes.
Davis (1980) montre ainsi qu’un taux de mixité com-
pris entre 11 et 30 % est optimal, car en deçà et au-delà Enfin, notre étude révèle l’existence d’un rôle de « ges-
de ces taux, la survenance de conflits est démultipliée. tionnaires des conflits » joué par les femmes et les
Prolongeant ce résultat, de récents travaux (Joecks hommes lorsqu’elles ou ils sont minoritaires dans les
et al., 2013 ; Ben-Amar et al., 2017 ; Birindelli et al., équipes. S’il avait déjà été démontré que les femmes
2019), consacrés à l’étude de la relation entre le pour- jouaient ce rôle (Scotto et al., 2008) dans des équipes
centage de femmes au sein de comités de direction et la très masculines, notre étude révèle que ce rôle est éga-
performance financière et sociétale des entreprises, ont lement assuré par les hommes lorsque les équipes sont
établi l’existence d’une relation curvilinéaire (en forme principalement féminines. Ainsi, si les hommes sont
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de U). Notre étude confirme à la fois l’existence d’un à l’origine de tensions au sein d’équipes à dominance
taux de mixité optimal et d’une relation curvilinéaire. masculine, ils s’approprient d’autres qualités quand ils
Toutefois, nos résultats se distinguent des précédents sont minoritaires – ils s’adaptent aux situations conflic-
travaux en ce qu’ils démontrent pour la première fois tuelles créées par les éléments féminins en essayant de
l’existence du lien entre d’une part le taux de mixité les gérer et les apaiser.
et la cohésion (en forme de U inversé), et d’autre part
entre le taux de mixité et l’intensité des conflits (en Même si la littérature montre déjà que le discours ma-
forme de U). En effet, d’après notre étude, les équipes nagérial est favorable à la prise en compte de la mixi-
ayant un taux de mixité compris entre 35 et 86 % sont té (Poilpot-Rocaboy et Kergoat, 2010), notre étude
confrontées à des conflits plus fréquents ainsi qu’à une souligne encore plus l’importance de constituer des
quasi-absence de cohésion. Quand les femmes sont ab- équipes mixtes en prenant en compte leurs proportions.
sentes ou minoritaires (0 % – 11 %), les conflits sont très En effet, lorsque les équipes sont trop homogènes, les
présents et récurrents et la cohésion faible. Les équipes effets en termes de cohésion et de conflits nuisent au
équilibrées (14 % – 27 %) sont moins conflictuelles et bon fonctionnement de l’équipe. Ainsi, dans les équipes
plus cohésives. composées d’hommes, il est souhaitable d’intégrer des
éléments féminins. Il en résultera une cohésion plus
Le second intérêt de notre étude réside dans l’explica- forte et une diminution des conflits. Il en est de même
tion de ces résultats. Alors que la littérature permet de dans les équipes féminines, l’intégration d’éléments
démontrer l’existence d’effets positifs et/ou négatifs liée masculins permettra une meilleure gestion des conflits.

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Elena Essig & Richard Soparnot

Dans le prolongement, ce travail invite les managers relativement limitée de la vie en équipe et du monde
à veiller au taux de mixité des équipes et à considérer professionnel et exerçant principalement des tâches
cet indicateur comme un prédicteur du niveau de co- d’exécution. Ainsi, comme le font remarquer Viallon et
hésion et de conflits. D’après nos résultats, les mana- Martinot (2010), « les contextes de performance où de
gers doivent veiller aux proportions femmes/hommes [jeunes] filles et garçons cohabitent (comme l’école, ou
dans leurs équipes ou départements. Le pourcentage le domaine professionnel) sont des situations propices
de mixité optimal dans une équipe se situe dans une à l’émergence des stéréotypes de genre ». Le profil des
fourchette entre 14 et 27 %. Aller au-delà constitue une équipiers peut donc expliquer une vision parfois stéréo-
prise de risque en termes de conflits et de cohésion qu’il typée des comportements des hommes et des femmes
convient de prendre en considération. au sein des équipes. Il serait par conséquent intéressant
de réaliser une étude similaire auprès de répondants
Dans les équipes déjà constituées et affichant des taux plus expérimentés et exerçant des fonctions d’encadre-
de mixité allant au-delà des pourcentages « recomman- ment. Leur vision des rapports de genre pourrait être
dés » (Kanter, 1977 ; Davis, 1980 ; Knouse et Dansby, différente, soit plus nuancée, soit plus stéréotypée en-
1999), il est préconisé l’organisation d’activités profes- core, de même qu’elle pourrait être identique.
sionnelles et extra-professionnelles (comme des exer-
cices de team building, des défis sportifs, des challen- La deuxième limite de notre étude est d’ordre métho-
ges professionnels, etc.) permettant aux membres des dologique. La phase quantitative, issue des entretiens
équipes d’apprendre à mieux se connaître, en passant en face-à-face, mesure respectivement l’intensité des
du temps ensemble. Si ces dernières ne peuvent tota- conflits et la cohésion avec un seul item. Même si de
lement annihiler les conflits, ni créer de la cohésion nombreuses études valident ce type de mesure (Cunny
“comme par magie”, elles peuvent aider à améliorer et Perri, 1991 ; Drolet et Morrison, 2001 ; Bergkvist
l’atmosphère globale. et Rossiter, 2007 ; Rijsbergen et al., 2014), nous sug-
gérons de conduire des enquêtes complémentaires en
Au plan managérial, les résultats de la présente re- utilisant des échelles de mesure à plusieurs items pour
cherche peuvent également servir la réflexion et l’action ces deux construits. Ce qui permettrait d’accroître leur
de managers évoluant dans des organisations privées, fiabilité statistique.
dès lors qu’elles partagent certaines caractéristiques
avec le monde militaire. Il peut s’agir par exemple de La dernière limite concerne le terrain investigué.
jeunes employés de start-ups qui passent beaucoup de L’environnement militaire se caractérise en effet par
temps ensemble dans de petits espaces du coworking. une présence masculine marquée. Notre échantillon
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Il en est de même avec des équipes travaillant sur des se compose ainsi de seulement 24 femmes réparties au
plateformes pétrolières, des bateaux de croisières, des sein de 21 équipes. Cette structure de l’échantillon (les
clubs de vacances ou des parcs d’attraction. Finalement, femmes sont sous-représentées) pourrait influencer les
toutes les équipes issues de milieux professionnels résultats de l’étude statistique. Il serait donc pertinent
amenées à partir plusieurs semaines en déplacements de reproduire cette enquête auprès d’un échantillon
professionnels, présentent des similitudes avec notre plus large (plus d’équipes). Ce qui permettrait de dis-
échantillon. Nos préconisations concerneront donc poser d’équipes ayant des taux de mixité plus variés.
aussi bien la composition des équipes que la gestion On peut également imaginer reproduire une enquête
d’équipes déjà constituées. similaire dans un milieu à dominante féminine (ex.
milieu hospitalier, préfectures, conseils régionaux, ma-
gistrature, etc.). Cela permettrait de comparer l’effet du
3.2. Limites et recherches futures taux de mixité des équipes sur la gestion de conflits et
la cohésion en fonction du genre dominant dans le mi-
Notre étude présente trois limites principales, qui lieu étudié.
constituent autant de pistes de recherche.

La première limite concerne les caractéristiques des


équipes étudiées. Elles sont composées de jeunes mi-
litaires, ayant en moyenne 22 ans, une expérience

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teams, 20, p. 77-140.
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28
Elena Essig & Richard Soparnot

ANNEXE 1

Nombre de verbatims par famille d’équipe


(extrait NVivo)
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Revue Gestion & Management public | Vol. 11, n°2 – 2023 29


Toute médaille a son revers : les effets de la mixité des équipes militaires sur l’intensité conflictuelle et la cohésion

ANNEXE 2

Structure de l’échantillon

Étude qualitative exploratoire – étude 1

RÉPONSES
N° % % TOTAL RÉPONSES RÉPONSES
FEMMES HOMMES OBTENUES
ÉQUIPE FEMMES HOMMES ÉQUIPE FEMMES HOMMES
PAR ÉQUIPE

1 50 % 11 50 % 11 22 2 0 2

2 50 % 11 50 % 11 21 2 1 1

3 31 % 7 69 % 15 22 2 1 1

Étude principale quantitative et qualitative – études 2.1 et 2.2

RÉPONSES
N° % % TOTAL RÉPONSES RÉPONSES
FEMMES HOMMES OBTENUES
ÉQUIPE FEMMES HOMMES ÉQUIPE FEMMES HOMMES
PAR ÉQUIPE

1 0% 0 100 % 17 17 8 0 8

2 0% 0 100 % 18 18 8 0 8

3 5% 1 95 % 21 22 8 0 8

4 6% 1 94 % 17 18 5 0 5

5 10 % 2 90 % 18 20 5 1 4

6 11 % 2 89 % 17 19 5 0 5

7 14 % 3 86 % 18 21 4 1 3

8 14 % 2 86 % 12 14 5 0 5

9 16 % 3 84 % 16 19 5 0 5
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10 16 % 3 84 % 16 19 5 0 5

11 16 % 3 84 % 16 19 5 0 5

12 16 % 3 84 % 16 19 5 2 3

13 19 % 4 81 % 17 21 5 3 2

14 19 % 4 81 % 17 21 5 0 5

15 19 % 3 81 % 13 16 5 0 5

16 19 % 3 81 % 13 16 6 2 4

17 20 % 4 80 % 16 20 5 3 2

18 27 % 4 73 % 11 15 5 0 5

19 35 % 7 65 % 13 20 7 3 4

20 80 % 16 20 % 4 20 9 5 4

21 86 % 18 14 % 3 21 9 4 5

Total : 21 – 86 – 309 395 124 24 100

30

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