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Haddadi Saïd
Central Hospital of the Army Algiers
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MISE AU POINT
S. Haddadi
MOTS CLÉS Résumé En se fondant sur une revue de la littérature récente consacrée aux polytraumatisés,
Polytraumatisé ; ce travail propose une mise au point sur la stratégie de la prise en charge de cette pathologie.
Multidisciplinarité ; Après un rappel des définitions, l’article aborde les aspects d’étiopathogénie, de la physiopatho-
Trauma system ; logie et des différentes phases de la prise en charge des polytraumatisés. Seront énumérés les
Syndrome de résultats de la prise en charge actuelle des polytraumatisés dans les pays développés ; lesquels
défaillance sont appelés à planifier davantage l’intervention thérapeutique en vue de meilleurs résultats.
multiviscérale ; © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Survie
KEYWORDS Summary This work aims to define a strategy for the management of polytrauma based on
Polytrauma; findings from a review of the recent literature. After a definition of terminology, we address the
Multidisciplinarity; modes of injury, pathophysiology, and the different phases in the management of polytrauma.
Trauma system; We assess the results of current management of polytrauma in developed countries and stress
Multi-organ failure; the need for improvement in trauma systems and therapeutic interventions in order to achieve
Survival better results.
© 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
Le polytraumatisé est un blessé présentant l’association de plusieurs lésions dont une, au
moins, engage le pronostic vital. La définition la plus récente est celle de Pape et al. [1] :
un blessé est polytraumatisé s’il présente au moins des fractures de deux os longs, ou bien
une lésion associée au moins à un autre traumatisme, pouvant entraîner le décès immédiat,
0021-7697/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.jchir.2009.08.008
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pathologie traumatique. Il doit bénéficier d’un bilan pré- La douleur varie en fonction du siège et de la nature des
opératoire complet, et du sang isogroupe isorhésus frais doit lésions, elle ne doit être traitée qu’après avoir complété le
être prévu (à défaut du sang du groupe O négatif peut être bilan lésionnel.
utilisé dans les situations extrêmes en attendant l’arrivée Tout polytraumatisé présente un état hyperglycémique
du sang adéquat). Il faut qu’il y ait un seul responsable de du fait de la présence d’une intense activité catabo-
l’équipe médicale alliant parfaitement chirurgien et réani- lique (glycogénolyse) associé à un état d’insulinorésistance
mateur pour un traitement continu. périphérique. Des données récentes ont montré que
l’insulinothérapie utilisée chez des blessés en état critique,
Principes séméiologiques limiterait la survenue du syndrome de défaillance multivis-
cérale, et réduisait ainsi la mortalité [9].
Malgré la prédominance de la traumatologie osseuse Les traitements administrés en préhospitalier (anti-
majeure, les lésions séméiologiques les plus dissimulées et biotiques) doivent être poursuivis. Étant donné que son
délicates demeurent les contusions thoraco-abdominales, administration dans ce contexte n’est pas dépourvue de
qui ne représentent que 5 % des admissions mais constituent risques (jusqu’à 20 % de complications essentiellement
38 % des opérés d’urgence. Tout décès dans un véhicule, hémorragiques), le traitement anticoagulant a des indica-
impose l’hospitalisation des autres passagers (risque de tions bien précises : antécédents de thrombose veineuse,
rupture aortique). On doit réévaluer le blessé et divers syn- de traumatisme crânien, de chirurgie cardiovasculaire ou
dromes plus ou moins intriqués peuvent être découverts. de fibrillation auriculaire [12].
Le syndrome de détresse circulatoire aiguë est reconnu
sur la présence d’une pâleur cutanéomuqueuse marquée
avec agitation et sensation de soif. Il s’y associe une chute Stratégie d’imagerie chez le polytraumatisé
de la pression artérielle et de la saturation artérielle en Du fait de l’insuffisance de l’examen clinique (en cas
oxygène avec évolutivité d’une matité abdominale ou tho- de troubles de la conscience par exemple), et de la
racique. latence clinique de certaines pathologies traumatiques
La polypnée, la cyanose, la diminution ou l’abolition du graves, l’imagerie est devenue la pierre angulaire d’une
murmure vésiculaire à l’auscultation, constituent les signes évaluation juste et rapide de tous les polytraumatisés, à
d’appel d’une détresse respiratoire. L’emphysème sous- condition de n’entraîner aucun retard thérapeutique. Le
cutané est le signe d’une effraction pleurale. La respiration bilan radiologique initial doit comporter des radiographies
paradoxale témoigne de l’existence d’un volet thoracique standards (bassin, thorax, rachis cervical et dorsolombaire,
mobile. membres), une échographie abdominale et idéalement une
L’examen neurologique doit chercher surtout des élé- tomodensitométrie (TDM)(scanner du corps entier). Cette
ments en faveur d’un hématome extradural qui sont dernière attitude s’est révélée être dans les centres experts
constitués par l’existence d’un intervalle libre entre la perte comme la plus efficace sur des blessés stabilisés [6].
de connaissance et l’accident. On cherche des signes de Dans toutes les situations, l’axe tête—cou—tronc doit être
localisation à type de mydriase ou de déficit sensitivomoteur exploré. L’artériographie ne doit être envisagée qu’avec
localisé. La mydriase secondaire associée à des troubles de l’éventualité d’un geste d’embolisation associé.
la vigilance et à l’abolition du réflexe consensuel témoigne En cas de détresse hémodynamique extrême, le saigne-
d’un engagement. ment ne peut provenir que de trois sources : l’abdomen, le
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thorax ou le bassin. La laparotomie exploratrice doit être doit être poursuivi concomitamment à la recherche d’une
entreprise en extrême urgence, après avoir effectué une source de saignement : amputation traumatique, fracas mul-
ponction lavage du péritoine (PLP), revenue franchement tiples ouverts ou non. Cependant le remplissage ne doit en
rouge, ou bien après pratique sur la table opératoire d’une aucun cas être massif small volume resuscitation, surtout
échographie à l’aide d’un appareil mobile révélant la pré- lorsque l’hémostase chirurgicale n’est pas assurée. Le rem-
sence d’un hémopéritoine abondant. Les radiographies du plissage vasculaire, sans contrôle hémorragique, aboutit à
thorax et du bassin doivent être également réalisées sur la un taux de survie de 62 % alors que ce taux augmente à
table opératoire, pour ne pas retarder le geste thérapeu- 70 % lorsque la source du saignement est maîtrisée [13]. Afin
tique. Les autres explorations ne seront effectuées qu’après de limiter le volume des solutés perfusés, l’administration
stabilisation du blessé. du SSH à 7,5 % semble plus logique, car son pouvoir sur
Pour les blessés stabilisés avec une réanimation inten- l’expansion volumique est dix fois supérieur à celui du
sive, les clichés radiologiques du thorax et du bassin, ainsi SSI à 0,9 %. De plus, le SSH diminue la réaction immuni-
qu’une échographie abdominale doivent être obtenus dans taire post-traumatique (il agit en diminuant l’adhésion des
les 30 minutes suivant l’admission. Chez ces blessés avec polynucléaires neutrophiles et en supprimant leur activité
détresse neurologique, associée à des signes de focalisation, oxydative) limitant ainsi l’agression cellulaire et tissulaire
la TDM cérébrale est réalisée en urgence. Dans ce contexte, [10].
les associations lésionnelles sont fréquentes et la TDM du Une PLP ou bien une échographie abdominale doivent
corps entier présente le meilleur rapport entre la qualité de être réalisées au lit du malade ; si la PLP revient rouge,
l’imagerie et la rapidité de l’examen. Les radiographies des une laparotomie écourtée est pratiquée de préférence,
membres peuvent être différées car, mis à part l’ischémie avec contrôle hémorragique, définitif ou provisoire, dans
aiguë, leurs lésions ne menacent guère le pronostic immé- l’optique de reprendre le malade dans de meilleures
diat du polytraumatisé. conditions hémodynamiques. Si la PLP revient blanche
En cas de stabilité hémodynamique, les clichés du bassin ou si l’épanchement paraît minime à l’échographie et
et du thorax sont réalisés en premier lieu. Puis, en fonction qu’il n’explique pas la précarité hémodynamique, il faut
des moyens dont dispose le centre, soit des radiographies rechercher rapidement une lésion thoracique ou pel-
standards associées à une échographie sont demandées, soit vienne. Tout hémothorax diagnostiqué doit être drainé,
d’emblée un scanner du corps entier est réalisé, mais dans une thoracotomie d’hémostase doit être pratiquée chaque
ce cas cette deuxième éventualité devient optionnelle. Les fois que le drain thoracique ramène d’emblée 1500 ml
principales étapes de cette stratégie radiologique sont indi- de sang, ou bien lorsqu’il ramène 300 ml par heure
quées sur la Fig. 1. durant trois heures consécutives [14]. L’aortographie est
un examen invasif, qui ne doit être réservé qu’en cas
Conduite à tenir selon les situations de forte suspicion d’une rupture aortique. La visualisa-
tion d’une lésion directe de l’aorte, ou de l’une de
Si le blessé saigne manifestement et que son état hémo- ses branches sur le scanner avec hémomédiatin, impose
dynamique ne s’améliore pas, le remplissage vasculaire une thoracotomie d’hémostase ou bien d’une aortogra-
phie avec embolisation en fonction de l’expérience du
centre.
Les fractures du bassin saignent beaucoup. Un traite-
ment conservateur avec des transfusions sanguines peut être
tenté. En cas de non-réponse, une embolisation ou bien une
réduction orthopédique doivent être envisagées.
En cas de détresse respiratoire aiguë, l’oxygénothérapie
est maintenue en vérifiant à chaque fois la liberté des VAS.
Le cliché de thorax permet de suspecter la majorité des
lésions thoraciques. La TDM thoracique doit être faite en
cas de traumatisme thoracique violent avec des anomalies
radiologiques standards majeures.
Une intubation endotrachéale avec stabilisation pneu-
matique interne est réalisée en cas de volets thoraciques
mobiles. Une bronchoscopie d’urgence doit être faite en
cas d’emphysème extensif associé à un pneumothorax non
contrôlé par le drainage, à la recherche d’une rupture tra-
chéobronchique, nécessitant le recours à une aéorostase
chirurgicale.
Lorsqu’on est en présence d’un blessé comateux et
compensé, il faudrait réaliser une PLP avant tout dépla-
cement du blessé, puis refaire le bilan clinique du coma.
Si le score de Glasgow se situe entre 9 et 13 et qu’il est
associé à une plaie ou à une fracture du crâne, à une intoxi-
cation éthylique ou d’un autre type, à une amnésie ou
à un déficit neurologique ou en cas d’âge supérieur à 60
ans, une TDM cérébrale doit être systématiquement deman-
dée.
Selon l’orientation clinique, des radiographies du bassin,
de la colonne cervicale, du thorax, ou une TDM abdominale
Figure 1. Stratégie radiologique (TDM : tomodensitométrie). sont demandées.
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Le polytraumatisé : approche thérapeutique et logistique 353
Surveillance secondaire du polytraumatisé crânien initial [9]. Une équipe hollandaise a cependant
La période postopératoire demeure multidisciplinaire. Toute retrouvé un seul pic de décès survenant à la première
aggravation inexpliquée de la réanimation conduit à révi- heure contrairement à l’ancienne notion de répartition
ser le diagnostic initial ou à évoquer une complication. Les trimodale des décès (immédiats, précoces et tardifs)
décisions d’évacuation secondaire vers des centres plus spé- [17].
cialisés doivent être prises conjointement par le couple Les séquelles concernent 50 à 75 % des blessés, elles
réanimateur—chirurgien. peuvent être physiques à type d’épilepsie post-traumatique,
Les suites opératoires sont compliquées dans un tiers de cécité, de surdité ; on peut avoir des déficits paraly-
des cas (diagnostic initial incomplet, ou complication iatro- tiques, des amputations ou des séquelles de brûlures. Ou
gène). En cas d’évolution des lésions initiales : il peut bien psychiques à type de névroses ou de syndrome de stress
s’agir de complications orthopédiques, respiratoires, abdo- post-traumatique.
minales ou bien neurologiques. L’évolution de stratégie Dans presque la moitié des cas, les patients estiment que
diagnostique nécessite l’apport d’examens complémen- leur devenir après le traumatisme est satisfaisant. Le plus
taires selon l’orientation diagnostique : radiographies du mauvais devenir concerne les individus dans la tranche d’âge
squelette entier, échographie, TDM, voire cholangiopan- se situe entre 30 et 44 ans ; le meilleur devenir est retrouvé
créatographie rétrograde endoscopique. chez les enfants [1].
Pour les complications iatrogènes, un œdème cérébral
et/ou pulmonaire provoqués par des remplissages intenses Éléments de prévention
peut apparaître. On peut rencontrer aussi une anurie par
collapsus prolongé ou rhabdomyolyse. Des coagulopathies Il est nécessaire d’assurer l’information continue des auto-
dues à des transfusions massives et rapides peuvent survenir mobilistes sur les dangers des accidents de la circulation.
et de nouvelles drogues hémostatiques ou antifibrinolytiques Il faudrait qu’il y ait une implication plus effective des
telles que l’acide tranexamique ou l’aprotinine peuvent être sociétés savantes avec l’administration concernée dans
utilisées dans ce cas [15]. Des complications septiques se l’amélioration des conditions du transport médicalisé et de
voient aussi, les corticoïdes utilisés à faible dose dans ce la prise en charge préhospitalière des polytraumatisés.
cas réduisent la mortalité [9]. En cas de choc septique,
l’introduction de drogues vasoactives après une réanimation
initiale a pour but de garder une pression artérielle moyenne Perspectives structurelles et spécificités
supérieure ou égale à 65 mmHg.
Des hémorragies par perturbation gastroduodénales de Défis thérapeutiques
stress et enfin des complications thrombo-emboliques
peuvent se rencontrer. Le concours de spécialités variées, indispensable à la nature
même des soins, impose la cohérence d’une équipe et une
responsabilité dans la continuité des soins, où l’essentiel
Résultats relève du couple chirurgien—réanimateur.
Appréciation des résultats
Perspectives structurelles
La survie moyenne est de 60 à 75 % ; la mortalité est
due à la défaillance multiviscérale qui complique certains Création de trauma centre de niveau I
polytraumatismes [16]. La mortalité peut être immédiate, Ces structures servent de pôle pour la recherche et la for-
elle est due alors à un traumatisme crânien primaire ou mation dans le domaine de la traumatologie. Elles assurent
à un choc hémorragique ; ou bien elle peut être diffé- également des soins optimaux pour les polytraumatisés.
rée, et dans ce cas, les deux causes qui prédominent Leur répartition devrait être d’au moins un trauma centre
sont soit une défaillance multiviscérale, soit un décès pour un million d’habitants [18].
consécutif aux complications secondaires d’un traumatisme
Tableau 7 Différents aspects de l’économie de santé qui doivent être évalués dans la gestion du blessé polytraumatisé.
Coûts directs Coûts indirects Coûts intangibles
Médicaux Non médicaux
Personnel hospitalier Transport Perte de la productivité Qualité de vie (douleur,
Personnel supplémentaire souffrance, impact
psychologique)
Durée d’hospitalisation Hébergement du blessé Perte des gains Évaluation QUALY : années de
et de ses parents vie normale perdues
Moyens diagnostics Réduction salariale Paramètres psychosociaux
Médicaments Hospitalisation et soins infirmiers
Interventions chirurgicales Coûts de l’assurance
Assistance extrahospitalière Coûts légaux
Réhabilitation
Rééducation
QUALY : quality-adjusted life years lost.
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